Réf. : Cass. com., 12 juillet 2017, deux arrêts, n° 15-23.552, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A6548WMH) et n° 15-27.703, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A6550WMK)
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par Hervé Causse, Professeur, Université Clermont Auvergne (CMH, EA 4232), Directeur scientifique de l'Encyclopédie "Droit bancaire" et Gwenaëlle Mage, Chargée d'enseignements, Doctorante, Université Clermont Auvergne, Centre Michel de l'Hospital (EA 4232)
Le 07 Septembre 2017
3. Le terme moderne d'interdépendance suggère l'existence dans la dépendance de contrats identifiés. Celui d'indivisibilité l'évoque aussi mais avec un excès d'unité entre des contrats qui ont chacun leur identité. La location financière et le crédit-bail sont deux montages contractuels qui font naître une situation d'interdépendance contractuelle, la jurisprudence a préféré ce dernier terme, la loi aussi.
La location financière est un peu restée la soeur cachée du crédit-bail (5). Elle s'en distingue pourtant pour deux raisons. D'abord, le crédit-bail dispose d'un régime juridique dans le Code monétaire et financier, tandis que la location financière est seulement identifiée au titre des opérations connexes aux opérations de banque. Voilà qui explicite la profession bancaire et sans définition ou régime contractuel de la "location simple" selon la terminologie de la loi (C. mon. fin., art. L. 311-2, 6° N° Lexbase : L2511IXB). Ensuite, contrairement au crédit-bail qui est un mode d'acquisition de biens, la location financière a sa finalité propre : elle sert à obtenir la seule jouissance de biens dont l'obsolescence rapide réduit l'intérêt d'un achat.
Cette distinction de finalité est juridiquement traduite. Dans le crédit-bail, le bailleur s'engage unilatéralement à vendre le bien au crédit-preneur au terme de la période de location. Cet engagement est exclu des opérations de location financière (6). Le bailleur est, et restera pour l'avenir, le seul propriétaire de la chose louée et supportera logiquement les risques de perte ou de détérioration de la chose. La location financière est une location ! Son appellation courante tient au fait qu'il s'agissait d'une activité pratiquée par des banques ; pour exercer ce métier, l'établissement (ou un autre commerçant puisque l'opération n'est pas dans le monopole bancaire) devait au préalable acheter le bien alors qu'il n'entendait jamais le voir ni l'entretenir : la location n'a qu'un caractère financier. L'opération singe une opération de crédit. Le type de biens meubles loué importe peu : un photocopieur, un système de détection des intrusions... une armoire à cuillères aurait dit Boris Vian La problématique juridique reste la même.
4. Le montage classique suppose en pratique l'intervention d'au moins trois personnes. Un prestataire s'engage par un premier contrat à réaliser des prestations de services telles que l'installation, la mise en service, l'entretien ou le dépannage de matériels auprès d'un client -dit parfois bénéficiaire ou destinataire, termes que la loi ne consacre pas-. Le terme "client" permet de mieux saisir le montage. Ce client, pour ne parler plus que de lui, sera partie à deux contrats. En effet, en guise de financement du matériel, le prestataire de services lui propose qu'une autre société lui loue le matériel au lieu de l'acheter. Cet autre professionnel, bailleur, conclura la location du matériel. La prestation de service est conclue entre le premier professionnel et le client. Le premier professionnel peut être celui qui vend le matériel au bailleur, mais cela ne semble pas compter dans les arrêts étudiés. Que les deux contrats soient liés explicitement ou implicitement, ils font naître une situation d'interdépendance contractuelle puisqu'ils concourent, au moins pour le client, à la réalisation d'une opération unique.
5. Le contentieux est dense mais c'est timidement que la réforme du droit des contrats du 10 février 2016 (ordonnance n° 2016-131 N° Lexbase : L4857KYK) fait entrer la notion d'interdépendance contractuelle dans le Code civil (7). Dans une section consacrée aux sanctions de la formation du contrat, l'alinéa 2 de l'article 1186 (N° Lexbase : L0892KZ3) prévoit que la disparition, pour quelque raison que ce soit, d'un contrat d'un ensemble contractuel emporte caducité des contrats qui concourraient à la réalisation de la même opération. Saluons la disposition qui clôt le débat portant sur la sanction de l'interdépendance contractuelle. Le droit nouveau guide et conforte le juge même pour les contrats auxquels la réforme ne s'applique pas alors qu'elle consacre l'ensemble contractuel et la caducité, notions bien connues en doctrine et jurisprudence. Les deux arrêts de la Chambre commerciale du 12 juillet 2017 réaffirment le principe de l'interdépendance et de la caducité et envisagent, dans ce jeu, l'éventuel préjudice du cocontractant subissant la caducité.
6. Dans les deux espèces, un prestataire avait conclu avec un client, pour une durée déterminée, un contrat de prestations de services -maintenance de photocopieurs dans un cas, surveillance électronique dans l'autre-. Pour une durée analogue, le client finance (si on peut dire) (8) la mise à disposition du matériel par le contrat de location conclu avec une autre société. Avant leur terme, et les arrêts ne relèvent aucune inexécution contractuelle, les clients décident de résilier les locations. Les bailleurs se font alors payer l'indemnité de résiliation anticipée qui leur est conventionnellement due. Les clients prennent alors acte de la fin des contrats de prestation de services. Mais les prestataires entendent alors, à leur tour, se faire payer l'indemnité de résiliation anticipée, ce que les clients refusent. Ces derniers invoquent l'indivisibilité des deux contrats et donc la caducité des prestations de services à raison des résiliations des locations. Les cours d'appel de Bordeaux (9) et de Nancy (10) les condamnent cependant à payer, la première en déniant la situation d'interdépendance, la seconde en la reconnaissant et en jugeant qu'il s'en suivait une seconde résiliation justifiant le paiement de l'indemnité. Les pourvois posent la question de savoir l'effet de la disparition d'un premier contrat et si, dans cette circonstance, l'indemnité de résiliation anticipée du second contrat est due par le client à l'origine de l'anéantissement de l'ensemble contractuel.
7. Dans deux attendus de principe identiques, la Haute juridiction casse au motif que "les contrats concomitants ou successifs qui s'inscrivent dans une opération incluant une location financière sont interdépendants et que la résiliation de l'un quelconque d'entre eux entraîne la caducité, par voie de conséquence, des autres, sauf pour la partie à l'origine de l'anéantissement de cet ensemble contractuel à indemniser le préjudice causé par sa faute". Ils rappellent l'interdépendance contractuelle née de la location financière (I) et apprennent que la faute commise par la partie qui anéantit l'ensemble contractuel comptera (II).
I - L'interdépendance dans l'ensemble contractuel
8. La solution est légale et connue depuis longtemps en matière de crédit-bail (11) : le crédit dépend de la vente et vice-versa, en ce sens que la vente est conditionnée par le bail. La location financière étant le fruit de la seule liberté contractuelle, d'établissements agréés ou d'autres entreprises (12), la question se pose autrement. Le bailleur n'est pas censé avoir permis au preneur de choisir la chose achetée pour susciter une levée d'option. En effet, le preneur n'a pas vocation à devenir propriétaire au terme de la location. Pourtant, en pratique, il y a bien un montage commercial comparable à celui du crédit-bail, montage qui devient contractuel ; il s'agit pour le bailleur de fournir un produit qui satisfait pleinement le locataire qui aura pu le choisir. Ainsi, et malgré des hésitations (13), la Cour de cassation, en chambre mixte, a affirmé en 2013 que les contrats conclus pour une opération de location financière sont interdépendants (14). Elle le jugea sur la question précise de la validité des clauses de divisibilité que les professionnels avaient stipulées. L'attendu, de principe, est incisif : "les contrats concomitants ou successifs qui s'inscrivent dans une opération incluant une location financière sont interdépendants ; [...] sont réputées non écrites les clauses des contrats inconciliables avec cette interdépendance".
9. La richesse des notions d'indivisibilité et d'interdépendance a été soulignée en introduction. La Cour de cassation prend ici position en faveur de l'interdépendance et abandonne l'ancien article 1218 du Code civil (N° Lexbase : L1320ABI) notamment relatif à l'obligation indivisible ; la première chambre civile en faisait pourtant encore son visa dans l'une des espèces ayant justifié une Chambre mixte (15). Elle lui préfère désormais l'ancien article 1134 (N° Lexbase : L1234ABC) qui, par sa généralité, lui autorise l'emploi du terme d'interdépendance qui semble plus juste. Depuis lors, quand bien même les parties auraient -usant de leur liberté contractuelle- écarté ou simplement ignoré l'interdépendance contractuelle, le "lien économique" au coeur d'une location financière se double donc d'un "lien d'ordre juridique" (16). Les deux décisions du 12 juillet 2017 confirment que "les contrats concomitants ou successifs qui s'inscrivent dans une opération incluant une location financière sont interdépendants". L'alinéa 2 du nouvel article 1186 du Code civil, quoique non-applicable, soutient l'affirmation quasi-péremptoire (17) du principe d'interdépendance contractuelle dans la location financière. Ce dernier érige deux conditions propres à caractériser l'interdépendance contractuelle et donc l'ensemble contractuel. Elle est établie, en premier lieu, quand l'"exécution de plusieurs contrats est nécessaire à la réalisation d'une même opération" et, en second lieu, quand l'exécution d'un des contrats est "une condition déterminante du consentement d'une partie" à la conclusion des autres contrats. La location financière répond à ces deux conditions qui constituent de véritables critères. Aussi, la disparition d'un contrat implique-t-elle la caducité des autres.
10. Les arrêts du 12 juillet 2017 consacrent d'ores et déjà cette solution en jugeant que "la résiliation de l'un quelconque [des contrats] entraîne la caducité, par voie de conséquences, des autres". Avant cela, la Haute juridiction avait pourtant envisagé de multiples combinaisons mêlant nullité, résolution, résiliation ou encore caducité (18). Les solutions variaient selon le mode d'extinction du premier contrat à disparaître. Pour l'avenir, le nouvel article 1186 du Code civil dissipe les incertitudes. Pour les contrats pour lesquels le droit nouveau n'est pas applicable, sans solution légale claire, les juges du fond sont incités à choisir la caducité pour éviter une diversité de solutions selon que l'on serait ante ou post réforme. Suivant cette ligne de conduite, la jurisprudence ne fera sans doute plus dépendre du mode d'extinction du premier contrat la sanction applicable aux autres. Le nouvel alinéa se réfère en effet, sans distinction, à la disparition de l'un quelconque des contrats interdépendants ("[...] que l'un d'eux disparaît [...]"). Ce sera toujours la caducité, les contrats seront implacablement caducs.
11. Certaines plumes regrettent l'automaticité de la sanction qui, sous couvert de faire gagner les parties en prévisibilité, porte en elle le germe de la manipulation. M. Jean-Baptiste Seube fait ainsi remarquer que l'une des parties, spécialement le client, pourrait par opportunisme préférer résilier la prestation de services ; il obtiendrait la caducité de la location plutôt que de s'accorder avec le prestataire, qui, un instant défaillant, lui proposera une solution alternative (19).
Pourtant, dans l'une des espèces commentées, le juge d'appel (20) avait souligné l'attitude du client qui résilie la location pour rendre caduque la prestation. Le professionnel au procès, en plaidant sa cause, lui fait ainsi souligner que, selon lui, la location financière n'a pas vocation à disparaître la première. C'est donc, dans les arrêts commentés, la situation inverse qui est considérée comme anormale. En vérité, un débat sur l'ordre ou la logique de la disparition des contrats n'a peut-être pas lieu d'être. L'ensemble contractuel n'est-il pas un ensemble pour le tout ? C'est-à-dire pour chaque contrat !
L'interdépendance enthousiasme au plan théorique et conceptuel. Quand il faut, de façon cohérente et logique, en tirer les conséquences, elle inquiète. La difficulté de l'innovation surgit là. Certes il y a un risque de recherche d'une caducité malicieuse. Mais l'interdépendance ne peut pas être latérale (la disparition de la prestation anéantit la location) ; elle doit concerner tous les contrats. Les arrêts commentés fixent une limite à la manipulation de la règle : la partie qui commet une faute en anéantissant l'ensemble contractuel a vocation à indemniser le préjudice causé.
II - La faute dans l'ensemble contractuel interdépendant
12. Le caractère automatique de la sanction de caducité pose la question du comportement de la partie à l'initiative de l'anéantissement de l'ensemble contractuel. Les deux arrêts rapportés s'accordent sur le fait que les prévisions contractuelles fixant les indemnités pour résiliation anticipée de contrats à durée déterminée sont caduques. En effet, la Chambre commerciale juge que la sanction de caducité prive le contrat d'effet pour l'avenir et donc la clause d'indemnisation. L'arrêt rendu sur le pourvoi n° 15-27.703 est à cet égard le plus explicite : il juge que "la résiliation de l'un [des contrats] avait entraîné la caducité de l'autre, excluant ainsi l'application de la clause du contrat caduc stipulant une indemnité de résiliation". La caducité est la meilleure sanction de l'interdépendance contractuelle puisqu'elle vaut, par définition, extinction des "contrats qui voient disparaître un élément nécessaire à l'opération économique qu'ils réalisent" (21). L'exécution d'un ou de plusieurs contrats interdépendants étant devenue sans intérêt ou impossible, à raison de la disparition de l'un d'entre eux, toutes les clauses régissant l'exécution du ou des contrats caducs sont atteintes puisque les contrats tombent entièrement (22). La clause fixant l'indemnité de résiliation anticipée, qui prévoit les conséquences d'une faculté contractuelle, est une de ces clauses. Il est donc logique qu'en l'espèce le prestataire n'ait pu s'en prévaloir à la suite des résiliations des locations financières.
13. Couperet qui tombe automatiquement sur l'ensemble contractuel, la caducité est relativement brutale. Elle pourrait poser des questions de restitutions comme, dans ces montages, à la fin de la location (23) ; l'hypothèse est moins manifeste quand c'est un contrat de prestation qui est caduc. S'il y a lieu à restitutions, la caducité a un effet rétroactif. Il lui est sinon étranger (24). L'automaticité et cette rétroactivité laissent penser que la sanction de caducité a des effets radicaux. Pourtant, la Cour de cassation invite à la nuance : la clause pénale survit à la caducité du contrat (25). Plus que dans l'autonomie de la clause pénale, cette jurisprudence trouve davantage sa justification dans l'analyse de l'objet des deux types de clause. En premier lieu, alors que la clause de résiliation anticipée vise à résoudre une difficulté tenant à l'exécution du contrat, la clause pénale relève, quant à elle, de l'après-contrat. En second lieu, la clause de résiliation anticipée tombe en cas de caducité du contrat certainement parce qu'elle n'est pas, contrairement à la clause pénale, fondée par l'idée d'inexécution ou de faute. La "caducité fautive" est ainsi, si l'on peut dire, un concept antinomique dénoncé en doctrine (26).
14. La caducité ne se fonde pas sur l'idée de faute, elle est un mécanisme technique attaché à tel ou tel point objectif. La caducité n'a rien à voir, directement, avec le comportement de l'une des parties à un ensemble contractuel. Pour prévenir un risque de manipulation, le juge ne doit pas entraver la caducité mais recourir à un concept directement opératoire, la faute. C'est pour cela que la Cour de cassation juge que "la partie à l'origine de cet anéantissement contractuel" doit, le cas échéant, "/indemniser le préjudice causé par sa faute". L'affirmation est heureuse : en technique, elle évite de pervertir la caducité ou ses effets ; en opportunité, elle est un avertissement à qui souhaiterait déjouer la force obligatoire des contrats. Cette dernière joue pour tous les contrats, fussent-ils interdépendants à raison d'un ensemble contractuel ! Heureuse, l'affirmation d'une possible faute est également déconcertante.
15. L'affirmation est déconcertante, et en premier lieu par sa simplicité qui donne du reste à l'attendu son autorité. Général, capital et subliminal, le terme "faute" impressionne et inquiète. A chercher en loge la perfection du système ainsi posé, on ne le trouvera probablement pas. Il est bien difficile d'imaginer les types et circonstances de faute qui pourront exister. La pratique et la jurisprudence donneront les attitudes malicieuses du client cherchant à violer ses engagements contractuels en recherchant la caducité.
Ce débat pourrait être moins difficile qu'on ne l'imagine. Ou bien le contrat qui est anéanti, et qui implique la caducité du ou des autres contrats, l'est à bon droit, ou bien il ne l'est pas. Dans la première hypothèse, il n'y a pas de faute, dans la seconde, oui. Quelle que soit l'intention du client, il sera difficile de juger que l'exercice d'une prérogative contractuelle, connue de tous dans tel ensemble contractuel, constitue une faute. Le demandeur supportera du reste la charge de la preuve de la faute. Il n'est même pas certain qu'il faille gloser sur la nature de la faute qui, dans son essence, serait alors... de nature (nécessairement) contractuelle ? Sauf à imaginer que le client mette le feu à l'installation, la provocation d'un incendie plaçant alors le débat sur le terrain pénal et délictuel. Le client pourrait ne pas être le seul en cause : un des professionnels pourrait aussi reprocher à l'autre d'avoir contribué, d'une façon ou d'une autre, à la fin du contrat emportant la caducité.
L'ensemble contractuel peut néanmoins rappeler le château de cartes. Automatique, la caducité, pourra être constatée rapidement par le juge du provisoire, en référé, ce qui libérera le client ; sa faute, elle, sera à démontrer devant le juge du fond. Dans les espèces commentées, le juge de renvoi pourra-t-il juger qu'il y a une faute ? La disparition du contrat de location et la caducité subséquente du contrat de prestations de services sont, dans les deux espèces, le résultat d'une résiliation anticipée. Aucune ne semble avoir été spécialement critiquée. Mais l'innovation jurisprudentielle pourrait les inspirer. En outre, l'une de ces résiliations est conventionnelle : l'appréciation de la faute du client imposera de tenir compte du comportement du second professionnel. S'il est poursuivi pour sa faute, le client devra assumer diverses difficultés de procédure. Il les connaît déjà. Notamment quand il tente de faire reconnaître une résiliation pour la faute d'un professionnel (son inexécution) pour se dégager d'un (premier) contrat. Le client doit assigner diverses parties, ce qui est lourd, et qu'il s'abstient souvent de faire (27).
16. Le client qui semblait hier prisonnier de l'ensemble contractuel l'est désormais nettement moins. S'il se libère d'un contrat, il se libère de tous les autres. Il le fera à l'avenir dans les conditions légales nouvelles imposant la connaissance de tous les contrats (28). Il restera à ce client à apprécier le risque de commettre une faute. La question de l'évaluation du préjudice sera la question suivante à régler.
17. La publicité faite à ces décisions par la Cour de cassation (P+B+R+I) instruit tous les opérateurs économiques qui font de la location comportant une vague idée de crédit. Dans ce cas, il y a des contrats préalables (achat pour louer, prestation de services pour utiliser ou entretenir la chose). Même concomitants en pratique, ces contrats concourent tous à réaliser la location, ils sont intellectuellement préalables. De ce point de vue, la jurisprudence a bien saisi la vie des affaires et spécialement la location financière. Il existe systématiquement un ensemble contractuel dont l'indivisibilité est fondamentalement initiée par la location. La jurisprudence précitée de 2013 de Chambre mixte est à raison confirmée. Elle rapproche la location financière du régime du crédit-bail, mais cette proximité est en vérité congénitale. La Cour de cassation innove sans décréter une solution sans fondement juridique ; l'interprétation des contrats et obligations ne peut ignorer l'ensemble contractuel.
18. La discussion peut être élargie en guise de conclusion. Les décisions du 12 juillet 2017 donnent du corps à l'interdépendance (sinon à l'indivisibilité), à l'ensemble contractuel et à la caducité dans un contexte financier. L'exemple peut inspirer de nouveaux cas d'interdépendance de contrats dans diverses opérations économiques. Ici, la location financière souligne la finalité économique de l'ensemble contractuel. L'un des contrats la révèle, malgré l'unité de l'opération et sa complexité juridique. Le juge du droit pourrait pareillement appliquer l'interdépendance au sein de certains ensembles contractuels. Les rédacteurs se souviendront que, pour comprendre la finalité économique de l'ensemble contractuel, hier encore, le juge identifiait dans le montage un "contrat principal" (29). Si la loi ne l'évoque pas et que l'expression formelle disparaît dans cette jurisprudence, elle pourrait encore contribuer à déterminer la finalité et donc la compréhension du montage. Or les opérations répétitives exigent d'être comprises et claires pour contribuer à l'exploitation durable de l'entreprise. La leçon de ces arrêts est peut-être que, nonobstant la caducité, seule la clarté contractuelle garantit la solidité d'un ensemble contractuel : le montage ne saurait échapper au juge.
(1) B. Teyssié, Les groupes de contrats, LGDJ, coll. "Bibl. dr. pr.", 1975. Pour une vue générale : Ph. Malaurie, L. Aynès, et P.-Y. Gautier, Droit des contrats spéciaux, Defrénois, 2016, p. 25, n° 11 ; Y. Buffelan-Lanore et V. Larribau-Terneyre, Droit civil, Les obligations, Dalloz, coll. "Sirey Université", 2016, p. 308, n° 971 et 972. Pour une analyse approfondie : S. Bros, L'interdépendance contractuelle, la Cour de cassation et la réforme du droit des contrats, D., 2016, p. 29.
(2) Sur ces arrêts, cf. not. D. Houtcieff, Lexbase, éd. priv., 2017, n° 709 (N° Lexbase : N9794BWN ; NDLR : les auteurs n'ont pas pu prendre connaissance de cette analyse avant la rédaction de leur étude) ; sur le principe de l'interdépendance et déjà au visa de l'article 1134 du Code civil (N° Lexbase : L1234ABC) : Cass. mixte, 17 mai 2013, deux arrêts, n° 11-22.768, P+B+R+I (N° Lexbase : A4414KDT) et n° 11-22.927, P+B+R+I (N° Lexbase : A4415KDU), B. Brignon, Lexbase, éd. aff., 2013, n° 345 ([N7796BTW]) ; D., 2013, p. 1658, obs. X. Delpech ; D., 2013, p. 1658, note D. Mazeaud ; RTDCiv., 2013, p. 597, note H. Barbier.
(3) Voyez l'ancien article 1218 du Code civil (N° Lexbase : L1320ABI).
(4) Pour un exemple de vie : Cass. civ. 1, 13 juin 2006, n° 04-15.456, F-P+B (N° Lexbase : A9399DPS), Bull. civ. I, n° 306, où un ensemble contractuel cause un contrat au prix dérisoire ; en revanche, pour un exemple de mort du contrat : Cass. civ. 1, 4 avril 2006, n° 02-18.277, FS-P+B (N° Lexbase : A9591DNK), Bull. civ. I, n° 190, p. 166 : "les deux conventions constituaient un ensemble contractuel indivisible, la cour d'appel en a déduit à bon droit que la résiliation du contrat d'exploitation avait entraîné la caducité du contrat d'approvisionnement, libérant la société des stipulations qu'il contenait ; qu'ainsi, la décision est légalement justifiée".
(5) H. Causse, Droit bancaire et financier, éd. Mare et Martin, 2016, p. 708, n° 1445.
(6) A. Ghozi, La location financière : des liaisons dangereuses ?, D., 2012, p. 2254 ; E. Le Quellenec, Le rejet par la chambre mixte de la clause de divisibilité dans les contrats de location financière, RLDI, 2013/95, n° 3160.
(7) Le droit commun des contrats était jusqu'alors gouverné par l'ancien article 1134 du Code civil (N° Lexbase : L1234ABC) qui faisait de toute convention valablement conclue une convention autonome. L'on retrouve désormais dans les articles 1186 (N° Lexbase : L0892KZ3) et 1189 (N° Lexbase : L0904KZI) du Code civil une référence expresse à l'interdépendance contractuelle puisque sont employées les formules "l'exécution de plusieurs contrats [...] nécessaire à la réalisation d'une même opération" ou de "plusieurs contrats concourent à une même opération". N. Dissaux et C. Jamin, Réforme du droit des contrats, du régime général de la preuve des obligations, D., 2016, p. 86.
(8) En effet, la location financière peut être discutée comme technique de financement ; on sait qu'elle n'est pas réservée à un type d'entité agréé par l'ACPR ; on ne peut donc pas qualifier comme le fait la cour d'appel de Nancy dans son arrêt du 8 avril 2015 (CA, Nancy, 8 avril 2015, n°14/01689 N° Lexbase : A2184NGY) la société Grenke Location d'organisme de financement, ce qui est équivoque avec le statut de banque ou de société de financement que cette société n'a pas.
(9) CA, Bordeaux, 30 septembre 2015, n°13/03466 (N° Lexbase : A8392NRA), qui donna lieu au pourvoi n°15-27.703.
(10) CA, Nancy, 8 avril 2015, n°14/01689, préc. , qui donna lieu au pourvoi n°15-23.552.
(11) Cass. mixte, 23 novembre 1990, n° 87-17.044 (N° Lexbase : A7656CIE), D., 1991. 121, note Ch. Larroumet ; RTDCiv., 1991, 325, obs. J. Mestre ; RTDCom., 1991, 440, obs. B. Bouloc ; JCP éd. G, 1991, II, 21642, note D. Legeais.
(12) Rappelons à ce sujet que la location financière n'est pas une activité réglementée et qu'elle ne suppose donc pas l'obtention d'un agrément pour s'exercer (H. Causse, De la location financière que tout commerçant peut pratiquer, JCP éd. E, 1246, 2017, n° 18, p. 34 et 35 ; Du critère de l'opération de crédit désignant les crédits et délimitant les opérations de banque, Lexbase, éd. aff., 2016, n° 490 N° Lexbase : N5570BW9, commentaire sous Cass. com., 2 novembre 2016, n° 15-10.274, F-D N° Lexbase : A9078SEX).
(13) Alors que la première chambre civile de la Cour de cassation était plus favorable au maintien du contrat de location financière en cas d'anéantissement du contrat de prestations de services (Cass. civ. 1, 28 octobre 2010, n° 09-68.014, FS-P+B+I N° Lexbase : A7997GC8, Bull. civ. I, n° 213 ; D., 2010, p. 2703, obs. X. Delpech ; D. 2011, p. 566, note D. Mazeaud ; D., 2011, p. 622, chron. N. Auroy et C. Creton ; RTDCom., 2011, p. 400, obs D. Legeais ; Dr. & patr. 2011, n° 204, p. 72, note L. Aynès ; Defrénois, 2011, art. 39229-3, obs. J.-B. Seube ; JCP éd. G, 2011, n° 303, obs. C. Aubert de Vincelles ; RLDC, 2011/79, n° 4114, obs. G. Pignarre et L.-F. Pignarre), sa chambre commerciale n'hésitait pas à faire prévaloir que de tels contrats "constituent un ensemble contractuel complexe et indivisible" pour prononcer la caducité de l'un quelconque des contrats liés au contrat préalablement anéanti (Cass. com., 5 juin 2007, n° 04-20.380, FS-P+B N° Lexbase : A5470DWI, Bull. civ. IV, n° 156).
(14) Cass. mixte, 17 mai 2013, deux arrêts, n° 11-22.927 et n° 11-22.768, préc..
(15) Cass. civ. 1, 14 janvier 2010, n° 08-15.657, F-D (N° Lexbase : A2942EQZ).
(16) Ch. Larroumet et S. Bros, Traité de droit civil, Les obligations, Le contrat, t. 3, 8ème éd., Economica, 2016, n° 506, p. 499.
(17) Ce qui est noté : Lamy Droit du contrat, Lamy, n° 1469.
(18) Pour le prononcé d'une nullité faisant écho à la nullité du premier contrat, v. Cass. civ. 1, 1er octobre 1996, n° 94-18.876, publié (N° Lexbase : A8621ABW), Bull. civ. I, n° 335 ; Contrat, conc. consom., 1997, n° 1, p. 10, obs. L. Leveneur ; RTDCiv., 1997. p. 115, obs. J. Mestre ; RTDCom., 1997, p. 298, obs. M. Cabrillac. Pour un cas de résolution alors que le premier contrat a été résolu, v. Cass. civ. 1, 1er décembre 1993, n° 91-20.539 (N° Lexbase : A5330ABZ), JCP éd. G, 1994, II, 22325, note C. Jamin ; Defrénois, 1994, p. 823, obs. D. Mazeaud ; RTDCiv., 1994, p. 858, obs. J. Mestre. Pour un cas de résiliation suivant la résolution du premier contrat, v. Cass.. mixte, 23 novembre 1990, préc. Pour une caducité suivant la résiliation du premier contrat, v. Cass. com., 5 juin 2007, préc.
(19) J.-B. Seube, Pour un abandon de l'interdépendance des contrats concomitants ou successifs qui s'inscrivent dans une opération incluant une opération financière, RDC, 2015, n° 1, p. 58.
(20) CA Bordeaux, 30 septembre 2015, préc..
(21) G. Chantepie et M. Latina, La réforme du droit des obligations. Commentaire théorique et pratique du Code civil, D., 2016, n° 492, p. 411.
(22) L'alinéa 1er de l'article 1187 du Code civil (N° Lexbase : L0891KZZ) prescrit en effet que "la caducité met fin au contrat". Pour une analyse d'ensemble : J.-B. Seube, L'article 1186 du projet : la caducité, RDC, septembre 2015, n° 03, p. 769.
(23) L'alinéa 2 de l'article 1187 du Code civil dispose qu' "elle [la caducité] peut donner lieu à des restitutions dans les conditions prévues aux articles 1352 à 1352-9".
(24) N. Dissaux, Rép. civ., V° Contrat : formation, n° 263.
(25) Cass. civ. 3, 9 juin 2010, n° 09-15.361, FS-P+B (N° Lexbase : A1001E3H), Bull. civ. III, n° 114 ; Cass. com., 22 mars 2011, n° 09-16.660, F-P+B (N° Lexbase : A7594HI4), D. 2011, p. 2179, obs. X. Delpech ; en dernier lieu, Cass. civ. 2, 6 juin 2013, n° 12-20.352, F-D (N° Lexbase : A3183KGY), RDC, 2013, p. 826, obs. E. Savaux.
(26) R. Chaaban, La caducité des actes juridiques, Etude de droit civil, LGDJ, 2006 cité par A. Hontebeyrie, La clause pénale et la caducité du contrat, D., 2011, p. 2179.
(27) CA Paris, Pôle 4, 9ème ch., 6 juillet 2017, n° 15/03293 (N° Lexbase : A3911WMS) : impossibilité d'obtenir des indemnités ou la validation de la résiliation pour défaut de fonctionnement à défaut de mise en cause du fournisseur de ce matériel de standard téléphonique ; CA Paris, Pôle 1, 3ème ch., 4 juillet 2017, n° 17/06283 (N° Lexbase : A9032WL4) : contredit de la part du fournisseur pour plaider à domicile ; en revanche, dol dans l'ensemble contractuel est toujours attaché à la partie contractante ce qui n'est pas un problème de procédure mais de fond : CA Versailles, 29 juin 2017, n° 15/08954 (N° Lexbase : A2261WLC).
(28) L'alinéa 3 de l'article 1186 du Code civil prescrit que "la caducité n'intervient toutefois que si le contractant contre lequel elle est invoquée connaissait l'existence de l'opération d'ensemble lorsqu'il a donné son consentement".
(29) Cass. com., 4 novembre 2014, n° 13-24.270, FS-P+B (N° Lexbase : A9156MZ7), Bull. civ. IV, n°159.
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Réf. : TA Lille, 31 août 2017, n°s 1707194 (N° Lexbase : A6237WQ3) et 1707250 (N° Lexbase : A6238WQ4)
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par Yann Le Foll
Le 07 Septembre 2017
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Réf. : CEDH, 5 septembre 2017, Req. 37795/13 (N° Lexbase : A6619WQ9)
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par June Perot
Le 11 Septembre 2017
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Réf. : TA Lille, 31 août 2017, n°s 1707194 (N° Lexbase : A6237WQ3) et 1707250 (N° Lexbase : A6238WQ4)
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par Yann Le Foll
Le 07 Septembre 2017
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par Alex-François Tjouen, Docteur en droit privé, Maître-Assistant à la Faculté des Sciences Juridiques et Politiques de l'Université de Yaoundé II-Soa
Le 07 Septembre 2017
Le 10 septembre 2015, l'Acte uniforme OHADA (1) portant procédures collectives d'apurement du passif (AUPCAP) (2) est révisé et entre en vigueur trois mois plus tard (3). D'après l'article 1er du nouvel AUPCAP, il a pour but "de préserver les activités économiques et les niveaux d'emplois des entreprises débitrices, de redresser rapidement les entreprises viables et de liquider les entreprises non viables dans des conditions propres à maximiser la valeur des actifs des débiteurs pour augmenter les montants recouvrés par les créanciers et d'établir un ordre précis de paiement des créances garanties ou non garanties". Ce texte vient abroger l'ancien qui disposait sommairement que l'objet de l'acte uniforme était d' "organiser les procédures collectives de règlement préventif, de redressement judiciaire et de liquidation des biens du débiteur en vue de l'apurement collectif de son passif".
Il ressort des dispositions des deux articles une évolution au moins formelle de la présentation des finalités du droit OHADA des entreprises en difficulté dans la philosophie qui sous-tend le traitement desdites difficultés. Au départ laconique, l'article 1er de l'AUPCAP est désormais prolixe. Ce changement n'est pas anodin car à l'évidence, le législateur OHADA a aussi voulu attirer l'attention sur les caractères économique et social desdites procédures (4). Sur le plan juridique, ces finalités ressortent plus ou moins clairement du nouveau texte. Leur présentation est cependant une curiosité qui suscite une réflexion sur leur graduation en droit OHADA. Mais avant d'entrer dans le vif du sujet, il convient d'abord de s'interroger sur les notions de finalité, d'entreprise et d'entreprise en difficulté.
Entendue comme "le caractère de ce qui tend à un but [ou encore] le fait de tendre à ce but, par l'adaptation de moyens à des fins" (5), la finalité est souvent assimilée, en droit des entreprises en difficulté, au concept de "fonction" (6). Il s'agit pourtant d'une confusion malheureuse compte tenu de la diversité des approches de cette dernière notion (7). L'expression "finalité", plus précise, nous semble plus adaptée dans le cadre de la présente réflexion sur les entreprises en difficulté (8).
Lorsqu'elle va mal, l'entreprise (9) est un sujet de réflexions en droit OHADA (10). Le concept d'entreprise en difficulté semble tout de même unanimement bien compris. Ainsi, elle est en difficulté lorsqu'elle ne parvient plus à remplir ses engagements aussi bien pour préserver son image que pour entretenir son personnel et satisfaire ses créanciers. Sa marge de bénéfice se réduit considérablement au point de provoquer des pertes. Il s'agit là d'une situation dynamique au cours de laquelle l'entreprise reçoit de nombreux "clignotants" à la fois divers et variés (11).
L'histoire pathétique des entreprises en difficulté remonte à Rome (12). A l'origine, une entreprise était une personne physique commerçante. Fortement débitrice, elle était traitée sans égards (13) pour apaiser la colère des créanciers insatisfaits. Les pouvoirs publics la tenaient parfois pour pénalement responsable des difficultés qui l'accablaient : on disait qu'elle avait failli et ne parvenait plus à tenir ses engagements (14). La situation n'était pas très différente en France par exemple (15) où le droit de la faillite avait un caractère vexatoire en ce sens que les commerçants concernés étaient publiquement humiliés voire emprisonnés. Au fil du temps, le droit français s'est humanisé. De sa conception primitive et barbare, il a évolué en dents de scie entre sévérité et souplesse à l'égard du débiteur en difficultés (16). A côté du droit de la faillite défavorable pour ce dernier (17), un droit de la faillite atténuée'' a progressivement vu le jour à partir de l'institution en 1889 (18), de la nouvelle procédure de liquidation judiciaire. C'était les prémices d'un droit tolérant qui permettrait désormais au débiteur d'éviter l'incarcération et de continuer à s'occuper de ses affaires, mais avec l'assistance d'un liquidateur judiciaire. Par la suite, et pour permettre à l'entreprise de faire face à ses difficultés, le législateur français mit en place, en plus de la liquidation judiciaire, un ensemble de procédures permettant au débiteur d'apurer son passif c'est-à-dire de désintéresser ses créanciers.
En Afrique, à l'exception de quelques pays (19), les législations nationales, éparses (20), n'étaient qu'une copie (pâle ou aménagée) de certains textes français (21). Le principe de l'incarcération était maintenu bien que pratiquement abandonné depuis longtemps (22). La codification de la matière à travers l'AUPCAP a permis de moderniser et harmoniser la gestion des difficultés des entreprises grâce aux procédures collectives (23). Ces dernières ne sont pas précisément définies par l'article 1-3 de l'AUPCAP qui s'est contenté de n'en exposer que les variétés (24). Mais le lexique juridique et fiscal (25) les désigne comme l'ensemble des procédures dans lesquelles le règlement des dettes et la liquidation éventuelle des biens du débiteur ne sont pas abandonnés à l'initiative individuelle de chaque créancier, mais organisés de façon collective afin de permettre à l'ensemble de ces créanciers de faire valoir leurs droits en fonction de leur rang de préférence. En un mot, et selon la doctrine qui va dans le même sens (26), c'est l'organisation collective du règlement des dettes d'une entreprise.
Les procédures collectives ne constituent pas l'ensemble du droit des entreprises en difficulté. Elles ne sont ouvertes que lorsque l'entreprise connait déjà de sérieuses difficultés. Le droit des entreprises en difficulté par contre a un domaine plus vaste : il s'agit non seulement des procédures collectives, mais aussi un certain nombre de mesures préventives visant à sauvegarder l'entreprise à une période où les problèmes financiers de l'entreprise n'étaient encore qu'en germe. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle ce droit a globalement trois finalités principales : permettre à l'entreprise de satisfaire ses créanciers, surmonter toutes les difficultés qu'elle subit, et sanctionner les actes frauduleux (27). L'articulation (28) de ces finalités est une nécessité voire un impératif. Mais encore faut-il s'accorder sur le critère (29) qui la sous-tend. Il peut être temporel (30), mais cette option évidente voire élémentaire, ne semble pas pertinente. Le critère qui mérite une particulière attention dans le cadre de cette étude nous semble être celui de la graduation des finalités.
La graduation évoque une idée d'échelle. Appliquée au droit des entreprises en difficulté, elle renvoie à une sorte de hiérarchie au sein des finalités. Il faut dire d'emblée que la réhabilitation des entreprises et le paiement des créanciers constituent les finalités principales de ce droit. A priori, le législateur aurait opté pour une sorte de rapport égalitaire entre elles. Mais derrière cette apparente équivalence se cache, en réalité, un ordre de priorités sur lequel la doctrine ne s'est pas toujours accordée. Pour certains, sauver l'entreprise est la finalité primordiale dans la mesure où cela permettrait d'apurer facilement et entièrement le passif (31). Pour d'autres, la satisfaction des créanciers en est la priorité compte tenu de l'implication de ces derniers pour la survie de l'entreprise (32). Avant la réforme de 2015, l'opinion dominante semblait portée vers la seconde tendance. A cette époque, sur la base de l'interprétation du texte de l'article 1er de l'Acte uniforme, un auteur avait soutenu que "l'on peut penser que l'Acte uniforme de l'OHADA met en première place le paiement des créanciers puisqu'il fixe comme objectif prioritaire à toutes les procédures collectives l'apurement du passif [...]. Néanmoins, le sauvetage de l'entreprise n'est pas négligé puisqu'il constitue la finalité principale de deux des trois procédures" (33).
Ce paradigme semble aujourd'hui fragilisé. D'après l'article 1er nouveau, le paiement des créanciers ne serait plus la finalité première du droit des entreprises en difficulté. Selon un auteur, "cette modification déplace le centre de gravité du droit OHADA des procédures collectives. Il est permis, à la lumière du nouveau dispositif, de soutenir que le premier objectif du droit OHADA des procédures collectives est désormais le redressement des entreprises et la préservation des emplois, ensuite le paiement des créanciers, enfin la punition du débiteur" (34). L'article 1er nouveau ne dispose pourtant pas expressément dans ce sens. Il présente juste une liste détaillée et assez précise de finalités du droit des entreprises en difficulté. Ce qui semble remettre en cause l'opinion doctrinale ci-dessus émise.
Finalement, si à la faveur de l'Acte uniforme révisé, les finalités du droit des entreprises en difficulté sont bien précisées dans leur contenu, elles semblent cependant moins claires dans leur combinaison. La question se pose donc de savoir quelle graduation le législateur OHADA opère-t-il des finalités du droit des entreprises en difficulté ?
Cette question est intéressante pour deux raisons au moins. D'une part, au centre des intérêts des uns et des autres, l'entreprise a des obligations antagonistes : elle doit en même temps apurer son passif et renflouer son actif. Une éventuelle dichotomie de ces finalités peut la conduire à mettre la clé sous le paillasson.
D'autre part, si la conception selon laquelle le paiement des créanciers a souvent été une finalité privilégiée du droit des entreprises en difficulté n'est pas erronée, elle mérite cependant d'être précisée. Autant cette finalité est fondamentale comme les deux autres, autant la survie, voire la vie de l'entreprise est prédominante. D'ailleurs, la gestion des créanciers ne dépend-elle pas de la situation "clinique'' du débiteur ? Lorsque l'entreprise est en difficulté, ses créanciers sont anxieux : craignant sa fermeture, ils s'inquiètent, sinon de ne pas être payés, du moins d'être tardivement ou indirectement satisfaits. Il nous semble donc possible d'affirmer que, malgré la révision de l'Acte uniforme, si la satisfaction des créanciers est la finalité ultime du droit des entreprises en difficulté, elle reste subsidiaire (II) (cf. seconde partie N° Lexbase : N9774BWW), la pérennisation de l'entreprise étant, aujourd'hui plus qu'hier, la finalité primordiale (I).
I - La finalité primordiale : la pérennisation de l'entreprise
Malgré l'objectif d'apurement du passif qu'il s'est assigné en mettant en place les procédures collectives, le législateur n'a jamais négligé la situation difficile de l'entreprise (35). D'ailleurs, à la lecture de l'Acte uniforme révisé, l'on ne peut s'empêcher d'observer que cette situation inquiétante est désormais au centre des préoccupations (36). Concrètement, le législateur OHADA a mis en place un important dispositif qui laisse apparaître un traitement préventif vigoureux des difficultés de l'entreprise avant la cessation des paiements (A). Malgré l'échec des nombreuses mesures appliquées, le législateur persiste à sauver l'entreprise désormais en cessation de paiements grâce à un traitement curatif additionnel de ses difficultés (B).
A - Un traitement préventif vigoureux des difficultés avant la cessation de paiements
Il ressort de l'article 1er du nouvel Acte uniforme que les procédures collectives ont des finalités diverses dont une socio-économique : "préserver les activités économiques et les niveaux d'emplois des entreprises débitrices". Certes cela n'est pas nouveau, mais cette disposition a un double mérite : préciser de manière explicite la fonction économique des procédures collectives, d'une part, et justifier la primauté accordée à la pérennisation de l'entreprise (37), d'autre part. Pour ces raisons, le législateur avait mis en place de façon marquée et appréciable, divers moyens classiques de prévention des difficultés (a) auxquels il a ajouté, en 2015, la conciliation préalable qui semble plutôt formellement discutable (b).
a) La diversité appréciable des moyens classiques de prévention
La vie et la survie d'une entreprise dépendent de la capacité de ses dirigeants à pouvoir anticiper les difficultés. Plus tôt seront détectés les problèmes, plus longtemps vivra l'entreprise. La meilleure façon d'éviter ces difficultés "est [donc] assurément de les tuer dans l'oeuf" (38) Pour cela, l'information et la vigilance sont des éléments capitaux dans la gestion quotidienne de l'entreprise. Cela n'est possible que par le respect des obligations comptables (39) et la mise en place de nombreuses mesures (40). Mais en plus de ces précautions, le législateur OHADA a prévu des procédures exploitables au fur et à mesure de l'accroissement des difficultés : ce sont l'alerte et le règlement préventif. Elles se justifient par les menaces plus ou moins graves qui pèsent sur l'entreprise.
La procédure d'alerte est un ensemble de mesures prises par le commissaire aux comptes (41) ou par les associés (42) afin d'attirer l'attention sur certains dangers qui menacent l'entreprise. Quant au règlement préventif, l'article 6 de l'Acte uniforme le définit comme une procédure ouverte "au débiteur qui, sans être en état de cessation des paiements, justifie de difficultés financières ou économiques sérieuses". Cela veut dire que malgré toutes les mesures instituées par le législateur et appliquées par l'entreprise, la situation financière de celle-ci peut davantage voire considérablement se dégrader. Si rien n'est fait, elle devient ce patient dans l'agonie dont les chances de survie sont très faibles : le concordat préventif n'étant pas garanti (43), le redressement judiciaire, qui est la finalité de cet éventuel concordat, n'est par conséquent pas une certitude. Pourtant, en impliquant personnellement le juge dans cette ultime tentative d'éviter la cessation des paiements, le législateur avait sans doute espéré que son autorité contribuerait à parvenir à une situation favorable pour tous. Malheureusement, à l'épreuve des faits, le juge n'opère pas de miracle. Si la situation du débiteur est compromise, celui-ci ne pourra pas échapper au redressement judiciaire ou à la liquidation des biens (44).
Malgré la révision de l'Acte uniforme, le règlement préventif, qui intervient après échec de la procédure d'alerte, est la dernière chance pour le débiteur d'éviter la cessation des paiements. Le législateur l'impose pour permettre à l'entreprise débitrice, avec le concours de ses créanciers, de rester crédible malgré les sérieuses difficultés financières qu'elle subit.
Mais l'intervention du juge arrive-t-elle à point nommé ? L'entreprise n'étant pas encore déclarée en cessation de paiements, la réponse à cette interrogation ne semble a priori pas aisée à cause de la caractérisation assez laconique de la situation financière et économique du débiteur : il doit connaître des difficultés "sérieuses". Cette formulation suscite, comme dans le cas de l'alerte, le problème de l'opportunité du déclenchement de la procédure. En effet, à quel moment les difficultés de l'entreprise deviennent-elles "sérieuses" pour que le règlement préventif soit ouvert ? Madame le Professeur Françoise Pérochon observait déjà, s'agissant justement de l'alerte, que la difficulté majeure pour le législateur était de "déterminer le critère de [son] déclenchement qui correspond au moment optimal" (45).
Désormais, autant la procédure d'alerte est déclenchée à partir de "clignotants" bien identifiés, autant le règlement préventif est ouvert en cas de difficultés "sérieuses", c'est-à-dire à deux conditions : le débiteur ne doit pas seulement connaître des difficultés passagères ou superficielles d'une part et il ne doit pas être en cessation de paiements d'autre part. Autrement dit, si l'entreprise ne connait que des difficultés surmontables par elle-même, le règlement préventif sera ouvert trop tôt : c'est plutôt la procédure d'alerte qui pourrait éventuellement être déclenchée dans ce cas. De même, s'agissant des sociétés commerciales, si le règlement préventif est brusquement déclenché sans la procédure préalable de l'alerte, parce que justifié par la situation difficile de l'entreprise, alors le juge arrive assez tard.
Il convient cependant de relever que si toutes ces démarches sont normales, elles restent assez théoriques. En effet, il n'existe pas une limite claire et précise qui impose au juge d'ouvrir la procédure de règlement préventif. Sur la base des éléments dont il dispose, il doit objectivement apprécier la situation de l'entreprise avant de prendre une décision en toute conscience. Mais encore faudrait-il qu'il soit exempt de tout reproche, ce qui n'est malheureusement pas toujours le cas (46).
Une interrogation porte désormais sur la nature juridique du règlement préventif : est-il une procédure collective ? A priori, il en serait une du fait de la constitution des créanciers en une masse représentée (47) d'une part, et de la suspension ou l'interdiction des poursuites individuelles (48), d'autre part. En revanche, la doctrine avait souligné qu'"en droit OHADA [...], la cessation des paiements conditionne l'ouverture des procédures collectives" (49), ce qui n'est pas le cas dans le règlement préventif malgré le caractère "sérieux" des difficultés. De plus, le cours des intérêts et les majorations de retard ne sont pas arrêtés (50). En réalité, ces deux derniers arguments ne sont pas solides. La cessation de paiements ne suffit plus à justifier la démarche collective (51). Quant à la poursuite du cours des intérêts et majorations de retard, ils nous paraissent être des arguments mineurs face à ceux qui fondent la nature collective du règlement préventif. Voilà, pensons-nous, autant d'éléments qui permettent d'affirmer qu'en définitive, le règlement préventif est une procédure collective.
Quoiqu'il en soit, il apparaît finalement que le règlement préventif, autant que les autres mesures préventives, contribue à maintenir le débiteur viable et crédible. Il faut toutefois savoir raison garder car, malgré tous les arguments qui peuvent justifier cette procédure, la masse des créanciers, à qui elle s'impose, se trouve dans l'embarras : leurs poursuites individuelles étant suspendues afin de sauvegarder la crédibilité du débiteur, leur entière satisfaction devient incertaine à l'issue de la procédure de règlement préventif. Doit-on alors penser que le législateur a compris ce dilemme lorsqu'il a institué la conciliation préalable ? Il faut croire que oui.
b) L'institution discutable de la nouvelle technique d'une conciliation préalable
La conciliation est un héritage du droit français des procédures collectives. D'abord dénommée règlement amiable (52), elle vise à prévenir des difficultés "naissantes", dans la perspective de leur traitement anticipé afin d'effectuer, en tout ou partie, la restructuration financière de l'entreprise. Conduite par un conciliateur désigné par le juge (53), cette technique vise concrètement à "favoriser la conclusion, entre le débiteur et ses principaux créanciers ainsi que, le cas échéant, ses cocontractants habituels, d'un accord amiable destiné à mettre fin aux difficultés de l'entreprise" (54).
La technique de conciliation a été présentée comme étant le meilleur moyen de prévenir les difficultés des entreprises. Selon la doctrine en effet, "la voie royale de résolution [des] difficultés passe par la conclusion, sous l'égide du président du tribunal, d'un accord entre le débiteur et ses principaux créanciers, dans le cadre des procédures de règlement amiable" (55). Elle soulève pourtant deux questions en droit OHADA.
La première question est la conséquence d'un constat : l'Acte uniforme originaire n'avait étrangement pas prévu la technique de conciliation. Avant la réforme de 2015, sa fonction semblait assignée au règlement préventif (56). Il s'agit donc de savoir quel est l'intérêt d'instituer une conciliation préalable au règlement préventif qui est déjà une procédure préventive et quasi amiable ? Au-delà de leur différence (57), la conciliation semble a priori se justifier car si la procédure de règlement préventif intervient également avant la cessation des paiements, les difficultés qui la suscitent doivent être "sérieuses" conformément à l'article 6 de l'Acte uniforme. Lorsque le législateur évoque des difficultés "avérées ou prévisibles" pour instituer la conciliation, il entend par là des difficultés manifestes ou latentes mais pas suffisamment graves pour convoquer l'autorité et l'omniprésence du juge. Cette situation est donc encore surmontable par l'entreprise elle-même de concert avec ses principaux créanciers. Le juge, quant à lui, ne peut avoir qu'un regard distant à ce stade. Son rôle consiste juste à mettre le débiteur et ses créanciers en contact avec le conciliateur qu'il aura désigné dans sa décision d'ouverture de la procédure de conciliation. D'après l'article 5-1 de l'Acte uniforme, ce dernier a pour mission d'aider à "trouver un accord amiable avec les principaux créanciers et cocontractants du débiteur, en vue de mettre fin à ses difficultés".
A ce niveau, l'on peut objectivement se demander si l'institution d'une conciliation préalable et distincte du règlement préventif était opportune. A notre avis, cette option du législateur ne fait qu'alourdir les procédures dans un contexte où les créanciers et le débiteur savent très bien qu'ils ont ou non intérêt à engager la conciliation. Celle-ci nous semble donc être, en droit OHADA, un coup d'épée dans l'eau. On ne peut, en effet, obliger deux parties à tomber d'accord si elles n'y trouvent ni issue, ni intérêt. Il faudrait donc aménager un cadre dans lequel toutes les difficultés seraient examinées avant la cessation de paiement. Il s'agirait alors de maintenir le règlement préventif en élargissant simplement son domaine aux difficultés "avérées ou prévisibles", bien entendu avec un juge assez discret à ce stade. Son rôle se limiterait à veiller à éviter que, de connivence avec les créanciers, le débiteur dissimule ses problèmes financiers par tous les moyens, y compris la voie de l'illégalité.
La seconde question est relative à la place de la conciliation dans l'Acte uniforme. N'étant qu'une procédure anticipative, l'on peut légitimement se demander si elle est une procédure collective. Contrairement à un auteur qui, s'inspirant du droit français (58) la considère comme telle (59), la réponse est clairement négative en droit OHADA pour la simple raison qu'il s'agit d'un moyen amiable de résolution des difficultés juste "naissantes" (60) avec maintien des poursuites individuelles des créanciers (61). Cette précision suscite une nouvelle interrogation sur la concordance entre l'objet de l'Acte uniforme et le choix de son intitulé par le législateur (62). La réflexion est la suivante : à partir du moment où même les difficultés encore incertaines sont désormais prises en compte par l'Acte uniforme, alors, au lieu de limiter l'intitulé de ce texte aux seules procédures collectives, le législateur n'aurait-il pas été plus logique s'il l'avait plutôt dédié au "droit des entreprises en difficultés" ? A notre humble avis, l'instant de la révision de l'Acte uniforme a été une occasion manquée d'éviter cette incohérence. Si par extraordinaire la technique de conciliation devait être maintenue, le législateur est donc vivement convié à adapter l'intitulé du texte à son nouveau contenu afin que sa lettre reflète la volonté clairement manifestée d'élargir le champ de l'Acte uniforme à toutes les difficultés de l'entreprise y compris celles qui ne sont pas encore sérieuses.
Quoiqu'il en soit, malgré toutes ces procédures, l'entreprise peut tout de même se retrouver en cessation de paiements. Mais même à ce stade, le législateur persiste à vouloir la sauver par un traitement curatif qu'il lui impose.
B - Un traitement curatif complémentaire des difficultés en cas de cessation de paiements
Une entreprise en cessation de paiements n'est pas condamnée à disparaitre. Certes il arrive que sa situation économique et financière soit si "désastreuse" qu'il ne reste au juge que la décision ultime de la liquidation de ses biens (63). Mais malgré cette situation critique, il est également possible qu'elle soit encore sauvée par la procédure de redressement judiciaire (64). A l'occasion de la révision de l'acte uniforme, le redressement judiciaire (65) a été naturellement maintenu mais aussi simplifié (66) lorsque le débiteur concerné est un entreprenant (67). Le législateur réaffirme par là l'intérêt de ne négliger aucune entreprise en difficulté quelle que soit sa taille (68). Compte tenu du piteux état économique et financier dans lequel l'entreprise débitrice se trouve, la procédure de redressement judiciaire est donc exigée à juste titre (a) compte tenu de sa portée significative (b).
a) L'exigence justifiée du redressement judiciaire
Le sauvetage de l'entreprise en difficulté est envisagé parce que le temps où elle avait de fortes chances de s'en sortir est dépassé. Deux hypothèses peuvent justifier cette situation : soit les procédures préventives ont été négligées (69), soit elles ont été suivies mais se sont avérées inefficaces. Dans tous les cas, l'entreprise désormais considérablement affaiblie, est agonisante. Elle est en cessation de paiements et doit par conséquent subir la procédure de redressement judiciaire pour sa survie. Mais encore faudrait-il pouvoir établir avec certitude l'état de cessation de paiements.
Avant la révision de l'acte uniforme, l'article 25 (1) disposait que le débiteur en cessation de paiements est celui qui est "dans l'impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible". Il s'agissait donc d'un jeu de déséquilibre entre les moyens dont le débiteur dispose effectivement et la dette à laquelle il lui est devenu impossible de faire face (70). Plus simplement, le débiteur ne peut plus payer ses créanciers avec l'argent dont il dispose. Derrière cette apparente simplicité, la notion de cessation de paiements a dû être précisée. Le contenu du passif exigible n'a pas posé de difficultés particulières. Il s'agit des dettes arrivées à échéance et non réglées. Encore faudrait-il qu'elles soient certaines, liquides (71) et exigibles (72).
L'identification des éléments de l'actif disponible par contre s'est avérée être plus délicate. Dans l'esprit du législateur, cet actif était entendu comme celui qui est réalisable à bref délai (73). Plus clairement, c'est "la trésorerie de l'entreprise et il comprend les sommes dont l'entreprise peut disposer immédiatement soit parce qu'elles sont liquides, soit parce que leur conversion en liquide est possible à tout moment et sans délai" (74). Finalement, le droit OHADA avait opté pour un contenu large de la cessation des paiements ce d'autant plus que l'article 25 disposait que le redressement judiciaire pouvait être ouvert à l'endroit de l'entreprise "quelle que soit la nature de ses dettes", civiles ou commerciales.
A l'occasion de la réforme de 2015, le législateur a restreint le contenu de la cessation de paiements (75). Cette nouvelle conception se comprend bien car elle prend explicitement en compte deux éléments primordiaux. D'une part, le caractère flexible de la dette exigible qui impose le respect des délais de paiement consentis par les créanciers. Ainsi par exemple, si le débiteur dont la dette est arrivée à terme, bénéficie d'un moratoire, alors il demeure dans les délais pour payer : ces dettes ne sont donc pas encore exigibles et par conséquent l'entreprise ne peut pas déjà se retrouver en cessation de paiements.
D'autre part le législateur a pris en compte la théorie des réserves de crédit pour épargner le débiteur d'un éventuel et précoce redressement judiciaire. La notion de réserve de crédit suppose "une trésorerie supplémentaire" c'est-à-dire une somme d'argent qui viendra accroître les liquidités de l'entreprise lorsque cela sera nécessaire. C'est une sorte de bouffée d'oxygène qu'elle respire lorsque la quantité de crédits dont elle dispose normalement est épuisée. Exclure les situations de réserves de crédit dans la définition de la cessation des paiements est, sans nul doute, un moyen complémentaire de permettre à l'entreprise de rester debout. Celle-ci pourra alors faire face à son passif exigible si, grâce à une réserve de crédit, elle n'a pas épuisé ses possibilités de crédit.
b) La portée significative du redressement judiciaire
Le redressement judiciaire est une procédure dont l'objectif est, comme son nom l'indique, de redresser une entreprise en voie de disparition à cause d'une trésorerie très déficitaire. Mais il ne suffit pas que cette procédure soit mise en place pour sauver le débiteur, encore faudrait-il qu'elle soit efficace. Telle qu'elle est organisée par le législateur, on peut dire qu'elle constitue un réel espoir de sauver l'entreprise en difficulté, mais encore viable, qui s'y conforme. Elle est en effet prometteuse car elle est non seulement minutieuse mais aussi ouverte.
Comme le règlement préventif (76), la procédure de redressement judiciaire est extrêmement rigoureuse parce qu'en plus des nombreuses pièces à fournir (77), des délais stricts sont à respecter. S'agissant des pièces, leur quantité est justifiée car elle permet au juge d'avoir une idée précise de la situation exacte de l'entreprise au moment de la déclaration (78), et de vérifier la bonne foi du déclarant (79) qui peut être le débiteur lui-même (AUPCAP, art. 25 (3) et 26 ou un créancier, art. 28) (80). C'est dans ce sens que l'article 26 in fine dispose que "tous ces documents doivent être datés, signés et certifiés conformes et sincères par le déclarant". Il va sans dire que la mauvaise foi constatée du déclarant lui causera certainement du tort. Ainsi, s'agissant du débiteur, le juge pourrait par exemple ne pas ouvrir la procédure de redressement judiciaire ; ce qui entrainerait à coup sûr la liquidation des biens de l'entreprise.
S'agissant des délais, deux cas permettent d'illustrer la nécessité de les respecter. D'une part, l'article 25 (4) de l'Acte uniforme dispose que "la déclaration de cessation de paiements doit être faite par le débiteur au plus tard dans les trente jours qui suivent la cessation de paiements". L'article 26 précise que les documents à joindre à ce dossier doivent dater "de moins de trente jours" (81). La question se pose de savoir quelles conséquences subira le débiteur qui ne respecte pas ces formalités. Compte tenu du silence du législateur, la réponse se trouve dans la théorie des nullités virtuelles (82). D'autre part, l'article 34 (2) dispose, à propos de la période suspecte, que "la date de cessation de paiements ne peut être antérieure de plus de dix-huit mois au prononcé de la décision d'ouverture" (83). L'intérêt d'identifier cette période est, conformément aux articles 68 et suivants de l'Acte uniforme, de rendre les actes posés par le débiteur inopposables (84) à la masse des créanciers pendant cet intervalle de temps.
Le redressement judiciaire est surtout une procédure ouverte dans le sens où elle permet à l'entreprise, dans son projet de concordat, de choisir entre la voie de sa continuation et celle de sa cession. Certes l'une et l'autre option sont deux techniques dont l'objectif est commun : le redressement de l'entreprise et le paiement des créanciers. Elles sont cependant distinctes. Pour reprendre une formule imagée : "[La cession] se distingue [...] de la continuation par sa technique de type chirurgical : [...] alors que la continuation tend à guérir le patient, la cession recherche la survie de ses organes sains, greffés sur un meilleur porteur (le cessionnaire)" (85)
Concrètement, la continuation de l'entreprise se caractérise par le maintien de l'architecture juridique existante. Certes "le droit commun retrouve son empire" (86) en ce sens que les contrats en cours sont maintenus et, à travers le syndic, le débiteur retrouve sa liberté de gestion (87). Mais les règles ne sont plus absolument les mêmes. En effet, la continuation n'est possible que si le concordat offre des possibilités sérieuses de redressement de l'entreprise et de règlement du passif (88). Autant le législateur a bien perçu que la situation critique du débiteur doit inciter à la méfiance, autant il a compris que, pour des raisons socio-économiques évidentes, la continuation de l'entreprise doit être privilégiée. Mais il arrive que la situation soit si compromise que la voie de la cession de l'entreprise s'impose.
La cession d'entreprise ou d'établissement est toute cession de biens susceptibles d'exploitation autonome afin de permettre d'assurer le maintien d'une activité économique et des emplois qui lui sont attachés et d'apurer le passif (89). Contrairement à la continuation qui, comme son nom l'indique, vise à la poursuite des activités du débiteur par lui-même, la cession est plutôt "en rupture franche avec le passé". Quelle que soit son étendue (totale ou partielle), elle peut désormais (90) être sollicitée par la formule du contrat de location-gérance (91). Il s'agit pour une entreprise en difficulté de décharger le syndic de la gestion directe de ses activités, en contrepartie d'une rémunération. Deux raisons peuvent le justifier : l'incapacité pour l'entreprise de continuer à s'autogérer d'une part et la nécessité de renflouer ses caisses d'autre part. Elle fait ainsi d'une pierre deux coups. Le prix de ladite cession est alors versé dans l'actif du débiteur en tenant compte des biens grevés d'une sûreté réelle spéciale (92).
Malgré les avantages indéniablement reconnus à la location-gérance, cette option est cependant risquée si les locataires-gérants ne disposent pas de fonds propres suffisants. L'entreprise peut alors être reprise par un "pilleur d'entreprise" ou par l'ancien débiteur officiellement écarté de la gestion. Pour éviter de telles dérives, le législateur OHADA, s'inspirant du droit comparé (93), s'est senti obligé d'exiger des conditions strictes (94) et un "maximum" de garanties (95). L'expérience étrangère montre cependant que ces restrictions ont contribué à rendre ce contrat "rarissime". Sur la base de ce constat, il est légitime de se demander quel est finalement l'intérêt du contrat de location-gérance ? A notre avis, il serait paradoxal d'encourager le législateur à prévoir des moyens de sauvetage de l'entreprise et dans le même temps lui reprocher d'avoir institué l'option très rarement exploitée de la conclusion de ce contrat. En réalité, cette soudaine rareté des contrats de location-gérance révèle l'efficacité de la rigueur imposée par le législateur : les mauvaises intentions des repreneurs qui, ne pouvant plus impunément courir le risque de développer leur mauvaise foi, sont obligés d'éviter la location-gérance.
Tandis que la pérennisation de l'entreprise, la finalité prédominante des procédures collectives, a été rénovée par le législateur, la satisfaction des créanciers, finalité subsidiaire, a quant à elle été conservée.
(1) Organisation pour l'harmonisation en Afrique du droit des affaires. Le traité instituant l'OHADA a été signé le 17 octobre 1993 par quatorze Etats de la zone franc : Benin, Burkina Faso, Cameroun, Centrafrique, Comores, Congo, Côte d'Ivoire, Gabon, Guinée Equatoriale, Mali, Niger, Sénégal, Tchad, Togo. A ces Etats signataires, il faut ajouter de nouveaux adhérents : la Guinée Conakry et la Guinée Bissau.
(2) Ce texte originaire a été signé le 10 avril 1998 à Libreville au Gabon.
(3) C'est-à-dire précisément le 24 décembre 2015.
(4) Le législateur prévoit en effet que les procédures collectives visent à "préserver les activités économiques et les niveaux d'emplois".
(5) Paul Robert, Le Nouveau Petit Robert de la langue française, Le Robert, 2008.
(6) A titre d'exemple, lire Gomez (J. R.), Ohada, Entreprises en difficulté, Lecture de l'Acte Uniforme de l'Ohada portant organisation des procédures collectives d'apurement du passif à la lumière du droit français, Bajag-Meri, 2003, pp. 23 et s..
(7) La fonction renvoie tantôt au rôle caractéristique que joue une chose dans l'ensemble dont elle fait partie. Tantôt elle signifie la relation qui existe entre deux ou plusieurs grandeurs interdépendantes. Tantôt il s'agit de ce qui dépend de quelque chose etc..
(8) Dans ce sens : F. Aubert, Les finalités des procédures collectives, in Prospectives du droit économique, Dialogues avec Michel Jeantin, Dalloz, 1999, pp. 367-380.
(9) L'entreprise est définie de manière disparate par l'AUPCAP comme toute personne physique ou morale soumise aux dispositions dudit acte uniforme (lire l'article 1-3 de l'AUPCAP qui renvoie aux dispositions de l'article 1-1). Le Dictionnaire de droit des affaires la définit comme "un ensemble de moyens humains et matériels organisés en vue de la production et de la circulation des richesses" (Voir Dictionnaire de droit des affaires, n° 204). La doctrine quant à elle l'entend comme une unité de production réunissant un ensemble d'éléments affectés à une activité économique (En ce sens, lire S. Guinchard et T. Debard (sous la dir. de), Lexique des termes juridiques, 24ème éd., Dalloz, 2016-2017. Voir également : J. Paillusseau, L'efficacité des entreprises et la légitimité du pouvoir, LPA, 19 juin 1996, n° 74, p. 17 ; La modernisation du droit des sociétés commerciales, D., 1996, p. 287 ; Les fondements du droit moderne des sociétés, JCP éd. G, I, 1984, I, n° 3148 ; Les apports du droit de l'entreprise au concept de droit, D., 1997, p. 97 ; Du droit des faillites au droit des entreprises en difficulté, in Problèmes d'actualités posés par les entreprises, Etudes offertes à Roger Houin, Dalloz-Sirey,1985, pp. 109-150.
(10) P. Nguihe Kante, Réflexions sur la notion d'entreprise en difficulté dans l'Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d'apurement du passif OHADA, Revue Penant, n° 838, 2002, pp. 5 et s..
(11) F. M. Sawadogo, Ohada, Droit des entreprises en difficulté, Bruxelles, Juriscope, Bruylant, 2002, p. 32 ; Y. Chaput, Droit de la prévention du règlement amiable des difficultés des entreprises, PUF, 1986, n° 5 et s. ; Y. Guyon, Droit des affaires, T. 2 : Entreprises en difficultés, Redressement judiciaire, Faillite, Paris, Economica, 7ème éd., 1999, n° 1049.
(12) Lire dans ce sens : C. Magras, La lente agonie du droit de la faillite : une soumission progressive de la loi aux volontés du monde des affaires au XIXe siècle, in Les violations du droit, Juris doctoria, Revue doctorale de droit, n° 13, 2016, pp. 48 et s. ; A. Akam Akam, Le règlement préventif, l'ouverture du redressement judiciaire et de la liquidation des biens, in Recueil des cours de l'ERSUMA, Droit des procédures collectives et d'apurement du passif (2004-2012), 1ère éd., ERSUMA, 2013, p. 6.
(13) A cette époque, l'individu qui représente l'entreprise (c'est-à-dire le commerçant) "est humilié publiquement et fait l'objet d'une pression à la fois physique et morale dont la violence s'accroît à mesure que le temps passe" (Magras, op. cit., p. 49).
(14) J. Hilaire, Introduction historique au droit commercial, PUF, 1986, p. 305 et s. ; R. Szramkiewicz, Histoire du droit des affaires, Montchrestien, 1989, n° 71, 435, 750 ; C. Dupouy, Le droit des faillites en France avant le Code de commerce, Paris, LGDJ, 1960 ; D. Desurvire, Banqueroute et faillite. De l'antiquité à la France contemporaine, Les Petites Affiches, 1991, n° 104 ; B. Soinne, Traité des procédures collectives, 2ème éd., Litec, 1995, n° 1 et s. ; C. Saint-Alary-Houin, Droit des entreprises en difficulté, 6e éd., Montchrestien, 2009, n° 9 et s. ; F. Pérochon et R. Bonhomme, Entreprises en difficulté, Instruments de crédit et de paiement, 8e éd. LGDJ, 2009, n° 2 et s. ; A. Jacquemont, Droit des entreprises en difficulté, 7ème éd., Paris, Litec, 2011, n° 1 et s..
(15) L'exemple français est choisi à dessein dans la mesure où il a inspiré le droit des entreprises en difficulté de l'ensemble des Etats de l'Afrique noire francophone.
(16) Du Moyen-âge jusqu'en 1838, le législateur avait mis en avant le paiement des créanciers et la punition du débiteur défaillant. Ensuite, par une loi du 28 mai 1938, il institua des exceptions à l'incarcération du débiteur. Mais suite à de multiples scandales financiers subséquents, il se sentit "obligé de revenir à la sévérité avec les décrets-lois de 1935". Plus tard, par un vaste mouvement continu de réformes, le législateur mit progressivement en place les procédures collectives.
(17) Ce droit mettait en avant l'intérêt des créanciers et la punition du débiteur. "Le droit applicable aux faillites est un droit sévère, un droit que le débiteur va s'attacher à fuir par tous les moyens" (C. Magras, op. cit., p. 50).
(18) Loi française du 4 mars 1889 sur la liquidation judiciaire.
(19) Le Mali et le Sénégal avaient procédé à une réforme complète. Le Burkina Faso avait, comme en France, institué la nouvelle procédure de redressement judiciaire mais avec la différence fondamentale qu'elle ne s'ouvrait que si le débiteur était en cessation de paiements.
(20) Dans ce sens, lire : G. Blanc, Prévenir et traiter les difficultés, Rev. Lamy Droit civil, n° 67, 2010, pp. 75 et s., Ohadata D-10-18.
(21) Loi de 1838 modifiant le Code de commerce de 1807, loi du 4 mars 1889 sur la liquidation judiciaire, des décrets-lois de 1935.
(22) F.-M. Sawadogo, Effets de l'ouverture d'une procédure collective à l'égard du débiteur in P. G. Pougoue (sous la dir. de), Encyclopédie du droit OHADA, Lamy, 2011, pp. 756-757. L'auteur signale cependant qu'au Burkina Faso par exemple, "les créanciers [...] "traînent'' leurs débiteurs à la Gendarmerie ou à la Police où ces derniers sont gardés soit jusqu'au paiement, soit jusqu'à l'intervention d'une promesse sérieuse de paiement".
(23) F. Anoukaha, Afrique juridique et politique, Revue du CERDIP, n° 1, vol. 1, janvier-juin 2002, pp. 62 et s..
(24) Procédure collective étrangère (principale et non principale), procédure collective secondaire, procédure collective territoriale.
(25) B. Bédaride, Lexique juridique et fiscal, BBN, Paris, 2016.
(26) Ces procédures sont "des mécanismes légaux permettant de placer les biens d'un débiteur défaillant sous contrôle de justice afin d'organiser une procédure réunissant les créanciers (en vue d'un traitement égalitaire) et aboutissant à d'éventuelles sanctions à l'encontre du débiteur" (Office de greffier du tribunal de commerce de Paris, Les conditions d'ouverture d'une procédure collective, www.greffe-tc-paris.fr). En d'autres termes, il s'agit "des procédures judiciaires ouvertes lorsque le débiteur professionnel (et pas seulement le commerçant) ou la personne morale de droit privé n'est plus en mesure de payer ses dettes -on dit d'un tel débiteur aux abois qu'il est en état de cessation de paiements- ou, à tout le moins, connaît de sérieuses difficultés financières, en vue d'assurer le paiement des créanciers et, dans la mesure du possible, le sauvetage de l'entreprise et, par voie de conséquence, de l'activité des emplois ; F. M. Sawadogo, Commentaire sous Acte uniforme du 10 septembre 2015 portant organisation des procédures collectives d'apurement du passif, in J. Issa-Sayegh, P.-G. Pougoué, F.-M. Sawadogo (sous la coord. de), OHADA, Traité et Actes uniformes commentés et annotés, éd. 2015, Juriscope, 2016, p. 1109.
(27) La prise en compte directe de cette dernière finalité est sans intérêt dans le cadre de ce travail sur la graduation.
(28) L'articulation est entendue comme un assemblage de plusieurs pièces ou une imbrication de deux processus permettant leur mouvement relatif (P. Robert, Le nouveau Petit Robert de la langue française, op. cit.). Appliquée aux procédures collectives, elle serait donc la jonction harmonieuse des fonctions afin d'éviter une confusion malheureuse qui conduirait à une inefficacité desdites procédures.
(29) Le critère est défini comme un signe qui permet de distinguer une notion ou de porter sur un objet un jugement d'appréciation (cf. P. Robert, Le nouveau Petit Robert de la langue française, op. cit.).
(30) Dans ce sens, la survie de l'entreprise est une finalité constante tandis que le désintéressement des créanciers est une finalité ultime.
(31) Dans ce sens, lire F. Aubert, Les finalités des procédures collectives, in Dialogues avec M. Jeantin, Prospectives du droit économique, Dalloz, 1999, p. 368.
(32) J. -R. Gomez, op. cit, p. 24 ; F.-M. Sawadogo, OHADA, Droit des entreprises en difficulté, op. cit., p. 4. Lire aussi la définition du même auteur dans son commentaire sous Acte uniforme du 10 septembre 2015, op. cit.
(33) F.-M. Sawadogo, Ohada, Droit des entreprises en difficulté, op. cit., p. 4. Lire aussi la définition du même auteur dans son Commentaire sous Acte uniforme du 10 septembre 2015, op. cit..
(34) R. Akono Adam, Regards sur les innovations introduites par la réforme du 10 septembre 2015 dans les procédures collectives de l'OHADA, Revue congolaise de droit et des affaires, no 22, octobre-novembre-décembre 2015,p. 6 ; Dans le même sens : J. Kom, Droit des entreprises en difficulté OHADA, PUA, 2013, p. 20.
(35) R. Nemedeu, Le principe d'égalité des créanciers : vers une double mutation conceptuelle (Etude à la lumière du droit français et OHADA des entreprises en difficulté, RTDCom., 2008, n° 107.
(36) Le législateur OHADA veut s'arrimer à la modernité par le biais de la réforme. La doctrine a en effet pensé qu'il serait préférable de prévenir ces mêmes difficultés avant même que l'entreprise ne soit en cessation des paiements. Il s'agit désormais d'anticiper les difficultés de l'entreprise afin d'augmenter les chances de la sauver. "L'anticipation est donc devenue l'un des moteurs du droit économique des entreprises en difficulté". Dieynaba Sakho, Les droits communautaires des procédures collectives dans l'espace OHADA, Mémoire de DEA, Université Gaston Berger de Saint Louis, Sénégal, 2008.
(37) Dans un environnement africain marqué par l'ampleur des activités "informelles" et la précarité des emplois.
(38) F. Pérochon, Entreprises en difficulté, instruments de crédit et de paiement, 2ème éd., LGDJ, p. 15.
(39) Les obligations comptables se résument de manière globale à tenir les comptes relatifs à l'activité de l'entreprise. Cela consiste à tenir des documents comptables et les états financiers annuels. Dans ce sens, lire par exemple les dispositions des articles 13 à 15 de l'Acte uniforme OHADA, portant sur le droit commercial général (N° Lexbase : L3037LGL), mais aussi et surtout l'Acte uniforme du 24 mars 2000, portant organisation et harmonisation des comptabilités des entreprises.
(40) Financements (publics ou privés) de l'entreprise, demande de délai de paiement, réduction des créances, remplacement des dirigeants, licenciement des employés, etc. Pour plus de détails, lire par exemple J. Kom, op. cit., p. 49 et s..
(41) Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d'intérêt économique (AUDSCGIE), art. 150 à 156 (N° Lexbase : L0647LG3).
(42) AUDSCGIE, art. 157 et suivants.
(43) L'article 8 dispose que le projet de concordat doit déjà paraître sérieux au juge pour que ce dernier ouvre la procédure de règlement préventif.
(44) Lire dans ce sens : E. L. Balemaken, Le juge et le sauvetage de l'entreprise en difficulté en droit OHADA et en droit français : étude de droit comparé, Thèse de Doctorat, Université Paris II, 2013.
(45) F. Pérochon, op. cit., p. 17.
(46) Lire dans ce sens : A.-F. Tjouen, La chose jugée et la vérité dans le procès civil en droit camerounais, Revue africaine de droit et de science politique, vol. III, n° 5, janvier-juin 2015, p. 217.
(47) AUPCAP, art. 8.
(48) AUPCAP, art. 9.
(49) R. Nemedeu, Le principe d'égalité des créanciers : vers une double mutation conceptuelle, op. cit., § 42.
(50) AUPCAP, art. 10.
(51) Cette logique est en effet dépassée en droit comparé. En droit français par exemple, la cessation des paiements n'est plus la condition d'ouverture des procédures collectives. En ce sens, lire F. -X. Lucas, Aperçu de la réforme du droit des entreprises en difficulté par la loi de sauvegarde des entreprises du 26 juillet 2005, Bull. Joly Sociétés, novembre 2005, p. 1181 et s.. L'auteur relève l'abandon de la summa divisio entre procédures amiables et judiciaires, spéc. 1186.
(52) Jusqu'à la loi française n° 2005-845 du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises (N° Lexbase : L0828HDZ), réformée par l'ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008, portant réforme du droit des entreprises en difficulté (N° Lexbase : L2777ICT). La technique de conciliation a remplacé la procédure de règlement amiable parce que le législateur français avait estimé que le juge n'avait pas à intervenir dans la négociation. La volonté contractuelle doit pleinement et librement s'exprimer sous le regard bienveillant d'un conciliateur. Celui-ci est tout de même désigné par le juge dont le rôle se cantonne désormais à l'ouverture de la procédure. Il reste malgré tout informé par le conciliateur qui lui rend compte régulièrement de l'état d'avancement de sa mission (AUPCAP, art. 5-6).
(53) AUPCAP, art. 5-3 et 5-4.
(54) AUPCAP, art. 5-5.
(55) F. Pérochon, op. cit., p. 31.
(56) L'article 5-1 de l'AUPCAP a cependant apporté une nuance : "La conciliation est ouverte aux personnes [...] qui connaissent des difficultés avérées ou prévisibles mais qui ne sont pas encore en cessation des paiements". Elle est donc préalable au règlement préventif qui suppose que les difficultés soient devenues sérieuses. L'article 5-14 précise d'ailleurs très clairement que "l'ouverture d'une procédure de règlement préventif [...] met fin de plein droit à la conciliation et, le cas échéant, à l'accord". La conciliation est un moyen purement amiable et donc préalable de résoudre les difficultés, le règlement préventif quant à lui était et demeure une procédure à la fois amiable et judiciaire. La confidentialité de la technique de conciliation vient justement conforter cette idée dans la mesure où les difficultés embryonnaires que connait une entreprise ne méritent pas qu'elle soit exposée à la raillerie du public.
(57) L'une des différences fondamentales entre la conciliation et le règlement préventif est la confidentialité consubstantielle à la première, que l'on ne retrouve pas forcément dans la seconde. Le législateur l'a d'ailleurs fortement marqué par les nombreuses dispositions relatives à la confidentialité en cas de conciliation.
(58) Lire à cet effet : P. Petel, Procédures collectives, Dalloz, cours, 4ème éd., 2005 ; A. Leinhard, Sauvegarde des entreprises en difficultés, Le nouveau droit des procédures collectives, Delmas, 1ère éd., 2006.
(59) Y. R. Kalieu Elongo, Notion de procédure collective, in P. G. Pougoué (sous la dir. de), Encyclopédie du droit OHADA, op. cit., p. 1246.
(60) Une procédure collective suppose en effet que les difficultés de l'entreprise sont déjà sérieuses voire même que celle-ci est en cessation de paiements.
(61) La doctrine va dans ce sens lorsqu'elle relève que "c'est certainement une procédure, mais il est difficile de la qualifier de collective dans la mesure où elle peut ne concerner qu'une infime partie des créanciers, lesquels ne sont pas regroupés en masse" ; cf. F. M. Sawadogo, Les procédures de prévention dans l'AUPCAP révisé : la conciliation et le règlement préventif, in Modernisation de l'acte uniforme sur les procédures collectives, Droit et patrimoine, no 253, décembre 2015, p. 34).
(62) Rappelons à toutes fins utiles qu'il s'agit de l'acte uniforme portant organisation des procédures collectives d'apurement du passif.
(63) TPI Lomé, jugements nos 0448 bis du 14 février 2012 et 3633 du 16 octobre 2012.
(64) Le redressement judiciaire est "un ensemble de mesures qui définissent les conditions de l'exploitation de l'entreprise telles qu'elles sont acceptées par les divers intéressés et auxquelles le tribunal confère force obligatoire et opposabilité erga omnes" (F. Pérochon, op. cit., p. 232).
(65) Autant que le règlement préventif et la liquidation des biens.
(66) B. Diallo, Des procédures adaptées aux petites'' entreprises : les procédures simplifiées, in Modernisation de l'acte uniforme sur les procédures collectives, op. cit, pp. 44 et s.
(67) L'Acte uniforme révisé portant droit commercial général de 2010 avait créé le statut d'entreprenant pour sortir du secteur informel les petits commerçants très nombreux (environ 75 à 90 % dans plusieurs pays parties au Traité OHADA). Mais compte tenu de leur capital plutôt réduit, non seulement ils ne pouvaient pas supporter les frais imposés par les procédures collectives, de plus leurs difficultés ne nécessitent pas des délais longs et des procédures compliquées, raisons pour lesquelles à leur égard, les procédures sont simplifiées. Pour plus de détails, lire P.-G. Pougoué et S. S. Kuaté Tameghe, L'entreprenant OHADA, PUA, 2013.
(68) Il convient de préciser qu'il n'y a pas de disposition particulière à l'entreprenant en droit des entreprises en difficulté. Malgré la simplification des procédures collectives, c'est le droit commun qui s'applique à tous.
(69) CCJA, 6 décembre 2011 n° 022 /2011, Ohadata J-13-150. Dans cette affaire, la CCI en état de cessation de paiements constaté par l'expert, avait réclamé l'ouverture d'une procédure de prévention des difficultés. La CCJA, restant dans la logique des juridictions inférieures d'Abidjan, avait rejeté le pourvoi de la CCI qui soutenait que malgré son état de cessation de paiements, une procédure préventive devait être ouverte à son endroit compte tenu de ce que l'OHADA poursuit le sauvetage des entreprises.
(70) Lire J.-R. Gomez, op. cit., p. 71.
(71) La dette est certaine lorsqu'elle ne souffre d'aucune contestation dans son principe. Elle est liquide c'est-à-dire qu'elle est estimable en argent et de manière précise. Ne sont donc pas considérées les dettes litigieuses, contestées ou contestables dans leur montant ou dans leur principe.
(72) La dette est exigible lorsque le terme pour la réclamer est déjà échu. Elle doit être considérée même si son paiement n'est pas effectivement exigé par le créancier (Cass. com., 17 juin 1997, n° 95-12.911, JCP éd. G, 1998, n° 1/2, p. 28, obs. Ph. Pétel).
(73) Il s'agissait d'abord des éléments d'actif liquides qui, figurant au bilan, permettent de faire face aux dettes exigibles. A cela devait s'ajouter la trésorerie disponible en caisse et en banque, de même que l'actif réalisable immédiatement, c'est-à-dire les effets de commerce échus ou escomptables et les valeurs cotées en bourse.
(74) F.-M. Sawadogo, Commentaire de l'acte uniforme du 10 septembre 2015, op. cit., p. 1193.
(75) Désormais, l'article 25 (2) l'entend comme "l'état où le débiteur se trouve dans l'impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible, à l'exclusion des situations où les réserves de crédit ou les délais de paiement dont le débiteur bénéficie de la part des créanciers lui permettent de faire face à son passif exigible".
(76) Lire par exemple l'article 6 et suivants AUPCAP.
(77) AUPCAP, art. 26.
(78) Elle doit en effet fournir à la fois des états financiers de synthèse, un état de la trésorerie, un état chiffré des créances et des dettes, un état des sûretés, un inventaire des biens de l'entreprise.
(79) Pour démontrer cette bonne foi, il doit fournir certains documents. Entre autres : une attestation d'immatriculation, d'inscription ou de déclaration d'activités, la liste des travailleurs, une attestation d'absence de procédure préventive en cours d'exécution ou de procédure curative non encore clôturée, etc..
(80) Le juge peut aussi se saisir d'office sur la base des informations fournies par le représentant du ministère public, les commissaires aux comptes des personnes morales de droit privé, les membres de ces personnes morales ou les institutions représentatives du personnel qui lui indiquent les faits de nature à motiver cette saisine (AUPCAP, art.29).
(81) Le législateur n'a pas indiqué le dies acquo à l'article 26 sans doute parce que cela relève de la logique : ces documents doivent naturellement dater de moins de trente jours au moment de la déclaration de la cessation de paiements.
(82) Les nullités virtuelles peuvent se définir comme celles qui sanctionnent une irrégularité suffisamment grave qu'il est "superflu'' pour le législateur de les prévoir explicitement. Elles sont évidentes et logiques.
(83) La précision de la durée par l'acte uniforme a été saluée par la doctrine.
(84) Il y a inopposabilité lorsqu'un acte juridique dont la validité en tant que telle n'est pas contestée peut voir ses effets écartés par les tiers.
(85) F. Pérochon, op. cit., p. 251.
(86) F. Pérochon, op. cit., p. 236.
(87) Il dispose par exemple du droit d'option qui consiste à choisir entre continuer les contrats en cours et "laisser la rupture se consommer".
(88) AUPCAP, art. 127-4.
(89) F.-M. Sawadogo, Commentaire de l'acte uniforme du 10 septembre 2015, op. cit., p. 1277.
(90) Il n'est pas inutile de préciser qu'avant la réforme, les articles 160 et suivants de l'Acte uniforme disposaient que la cession globale était réservée au cas de liquidation des biens.
(91) Celui-ci est le contrat par lequel "le propriétaire d'un fonds de commerce ou d'artisan concède pour un temps d'exploitation de son fonds à une personne dite gérant libre ou locataire-gérant qui exploite à ses risques et périls, contre paiement d'une redevance périodique". (G. Cornu, Vocabulaire juridique, PUF, 2016.
(92) AUPCAP, art. 133.
(93) En France par exemple, suite à une pratique régulière mais abusive de la location-gérance, le législateur s'est vu obligé, par la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985, relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises (N° Lexbase : L7852AGW), de la subordonner à des conditions très rudes.
(94) AUPCAP, art. 115 et s..
(95) Indépendance du locataire-gérant vis-à-vis du débiteur, offre de garanties fiables, etc.
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par David Chrétien, Avocat et Directeur associé chez Ernst & Young
Le 07 Septembre 2017
Ainsi, d'importants mouvements sont en cours pour atteindre une meilleure adéquation entre, d'une part, les territoires physiques et numériques des Etats et, d'autre part, la fiscalité des entreprises. Pour saisir au mieux, les caractéristiques de ce mouvement, l'analyse s'appuiera des dispositions de la MLI ainsi que sur une réforme et issue de la loi de finances pour 2017 (N° Lexbase : L0759LC4) en matière de territorialité ; invalidée par le Conseil constitutionnel, cette réforme est disparue prématurément (7) mais reste digne d'intérêt comme elle suit un cap donné par les pouvoirs publics dans ce domaine. Les principales dispositions de ces deux textes seront analysées successivement.
I - Les adaptations du concept d'établissement stable
On rappelle brièvement que le droit fiscal international repose, pour une majeure partie, sur des conventions fiscales bilatérales, qui envisagent des situations dans lesquelles des personnes morales résidentes d'un Etat signataire ont des sources de revenus dans l'autre Etat signataire. Dans le cadre des conventions fiscales bilatérales, lorsqu'une entreprise résidente d'un Etat dispose d'un établissement stable situé dans un autre Etat engagé dans une convention fiscale d'évitement des doubles-impositions, cette entreprise est également imposable dans cet Etat qui accueille l'établissement stable.
L'action 7 BEPS de l'OCDE insiste sur la nécessité d'une mise à jour de la notion d'établissement stable afin de prévenir les abus de ce "concept-clef" pour la répartition entre Etats du droit de lever une imposition (8). Parmi différents points traités, la MLI organise et prépare les premières étapes juridiques dans cette perspective. Précisons dès ce stade que la MLI ne sera applicable qu'après avoir été ratifiée par au moins cinq Etats (9). Compte tenu des délais de signature (les premières signatures intervenant en juin 2017) et de ratification, l'entrée en vigueur de cette convention pourrait intervenir courant 2018.
On reviendra en premier lieu sur le concept classique d'établissement stable avant de mesurer les avancées prévues par la MLI.
A - La conception classique de l'établissement stable dans les conventions fiscales bilatérales d'évitement des doubles impositions
Une installation fixe d'affaires par l'intermédiaire de laquelle une entreprise exerce tout ou partie de son activité, telle est la définition basique et classique de l'établissement stable retenue dans les conventions fiscales.
Tout aussi classiquement, en l'absence d'une véritable installation fixe d'affaires, une entreprise peut avoir un établissement stable là où elle est représentée par un agent qui traite des contrats en son nom mais à la condition qu'il s'agisse d'un agent dépendant : cela vise une personne employée ou non, qui peut être une société ou une personne physique et qui est placée dans un état de dépendance juridique et économique vis-à-vis de l'entreprise. L'agent doit être habilité à traiter les contrats de l'entreprise, c'est-à-dire à en négocier tous les éléments (10). L'agent doit exercer dans des domaines caractéristiques de l'existence d'un établissement stable, lorsqu'il y a une installation fixe d'affaires. En revanche, il n'y a pas établissement stable lorsque l'agent n'effectue que des opérations non-caractéristiques de l'existence d'un établissement stable : par exemple, un achat de marchandises pour l'entreprise.
La notion d'agent dépendant se définit par opposition, aux plans juridique et économique, aux agents jouissant d'un statut indépendant : par exemple, des commissionnaires ou courtiers ; à tout le moins lorsque ces derniers agissent dans le cadre normal de leurs activités, leur activité n'est pas constitutive d'un établissement stable.
Un écueil est apparu quant à l'interprétation des règles conventionnelles relatives aux établissements stables constitués découlant de l'activité d'agent ; ces règles permettent en effet que des contrats concernant la vente de biens produits par une entreprise étrangère (ou, à tout le moins, lui appartenant) puissent être négociés et conclus dans un autre pays par les vendeurs d'une filiale locale de cette entreprise étrangère sans que l'essentiel des bénéfices générés par ces ventes soient imposables dans l'Etat d'implantation de cette filiale, au même titre que si ces ventes avaient été directement réalisées par un distributeur attitré de l'entreprise étrangère. Cette possibilité a permis à des entreprises de remplacer des accords en vertu desquels des filiales locales agissaient traditionnellement comme distributeurs par des "accords de commissionnaire", entraînant un transfert de bénéfices hors du pays où les ventes ont lieu sans qu'il y ait une modification substantielle des fonctions exercées dans ce pays.
Le plan d'action BEPS de l'OCDE stigmatise ce type de situation, comme d'autres dans lesquelles un groupe multinational fragmente artificiellement son activité dans un pays, parfois entre des entités multiples, afin de pouvoir prétendre à l'exception au statut d'établissement stable prévue en cas d'activités de caractère préparatoire ou auxiliaire (11). Tel est le cas lorsque les activités de l'installation fixe ne constituent pas en elles-mêmes une part essentielle ou notable des activités de l'ensemble de l'entreprise. C'est le cas, par exemple des installations utilisées aux seules fins de réunir des informations pour une entreprise (dans ce dernier cas, l'installation est alors souvent qualifiée de simple "bureau de liaison").
L'action 7 du plan BEPS de l'OCDE préconise également de modifier la définition de l'établissement stable de manière à empêcher qu'une installation puisse échapper artificiellement à ce statut, dans l'optique de l'érosion de la base d'imposition et du transfert de bénéfices, y compris par le recours aux exemptions dont bénéficient certaines activités spécifiques.
B - Les avancées prévues par la MLI pour l'élargissement du concept d'établissement stable
Au sein d'une Partie IV intitulée "Mesures visant à éviter le statut d'établissement stable", la MLI s'attache à modifier la notion d'établissement stable pour lutter contre les stratégies d'évitement susmentionnées.
On note en particulier les mesures visant à éviter artificiellement la qualification d'établissement stable par des accords mettant en place des relations de type "Principal-à-Agent", caractéristiques des "accords de commissionnaire" (cf. I, A). Ainsi, l'article 12 de la MLI a pour objet de modifier la définition conventionnelle de l'agent dépendant, afin notamment de pouvoir considérer qu'un commissionnaire à la vente caractérise un établissement stable de son commettant.
La définition de l'agent dépendant, caractérisant un établissement stable, serait donc étendue avec la clause modèle suivante (12) : "lorsqu'une personne agit dans un Etat contractant pour le compte d'une entreprise et ce faisant, conclut habituellement des contrats ou joue habituellement le rôle principal menant à la conclusion de contrats qui, de façon routinière, sont conclus sans modification importante par l'entreprise, et que ces contrats sont (i) au nom de l'entreprise, ou (ii) pour le transfert de la propriété de biens, ou pour la concession du droit d'utiliser des biens appartenant à cette entreprise ou que l'entreprise a le droit d'utiliser, ou (iii) pour la prestation de services par cette entreprise, cette entreprise est considérée comme ayant un établissement stable dans cet Etat pour toutes les activités que cette personne exerce pour l'entreprise".
Outre le cas des agents, la MLI (13) prévoit certaines avancées concernant la définition des activités préparatoires ou auxiliaires qui ne sont pas constitutives d'un établissement stable (article 5 § 4 de la convention-modèle OCDE) ; l'objectif est de limiter cette dérogation à la caractérisation d'un établissement stable à des activités qui sont purement préparatoires ou auxiliaires. Dans le sillage des propositions issues du rapport sur l'action 7 du plan BEPS, la MLI propose aux Etats de subordonner expressément les activités supposées éligibles à cette dérogation à une condition de caractère préparatoire ou auxiliaire avéré. Alternativement, certains Etats considèrent d'une part que certaines des activités énumérées à l'article 5 § 4 du modèle actuel de convention fiscale de l'OCDE revêtent intrinsèquement un caractère préparatoire ou auxiliaire sans besoin d'exiger expressément cette caractéristique et, d'autre part, qu'il y a plutôt lieu de lutter contre la fragmentation d'activités par une même entreprise qui, si elles étaient considérées ensemble, constitueraient un établissement stable. La MLI leur donne les moyens juridiques d'élargir suffisamment la notion d'établissement stable pour englober de telles activités. La MLI (art. 14) comporte par ailleurs une autre disposition "antifragmentation" dédiée notamment aux situations dans lesquelles la fragmentation des activités intervient entre des entités étroitement liées.
II - Nouvelle, et éphémère, définition extensive de la territorialité de l'impôt sur les sociétés en France
Sur fond de maintien du concept de territorialité de l'impôt sur les sociétés selon lequel les bénéfices passibles de l'IS tiennent compte des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France (ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention fiscale internationale) (14), c'est, à vrai dire, une dérogation nouvelle et complémentaire à ce principe que le législateur a voulu introduire dans le cadre de la loi de finances pour 2017.
Quoique nationale, cette initiative était très largement inspirée également des travaux issus du projet BEPS sur les établissements stables.
Si cette disposition a été censurée par le Conseil constitutionnel pour défaut d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi, sa portée en sera examinée néanmoins dans la mesure où elle pourrait être une source d'inspiration pour des réformes (nationales ou même européennes) à venir.
A - L'extension prévue de la territorialité de l'IS
Afin de lutter contre les schémas consistant à éviter la qualification d'établissement stable au sens des conventions fiscales, une dérogation complémentaire aux règles de droit commun en matière de territorialité de l'IS avait été créée afin de pouvoir imposer plus largement en France le résultat d'entreprises établies hors de France et qui réalisent en France des ventes de biens ou de services par l'intermédiaire d'entités qui ne relèvent pas, par ailleurs, de la qualification d'établissement stable.
Cette disposition aurait néanmoins été applicable sous réserve des stipulations des conventions fiscales internationales sur les doubles-impositions.
Elle envisageait deux régimes.
Le premier régime visait à imposer en France les ventes de biens ou de services réalisées par une personne morale établie hors de France par l'intermédiaire d'un agent commercial ; centré sur la problématique des agents (dépendants), il était d'une nature assez similaire à la disposition examinée plus avant dans le cadre de la MLI sur les commissionnaires (cf. I, A). Il sera donc simplement évoqué ici (15).
Le second mécanisme, lui, instaurait une présomption d'établissement stable en France afin d'y "territorialiser" et imposer les bénéfices réalisés par les entités étrangères (notamment via des sites internet) mais moyennant une intervention active de l'administration fiscale. Techniquement, ce mécanisme visait la réalisation en France, par une entité, d'une activité en lien avec la vente de biens (ou de services) qui appartiennent à une personne morale établie hors de France. Trois conditions cumulatives devaient être satisfaites pour permettre cette imposition :
- une personne morale est établie ou domiciliée hors de France et vend des biens ou des services en France ;
- une personne physique ou morale, domiciliée ou non en France, exerce une activité en lien avec la vente des biens et services ;
- il existe des raisons sérieuses de considérer que l'activité de la personne morale ou physique a pour objet d'échapper au régime d'extension de la territorialité de l'IS.
La notion "d'activité en lien" au centre de la deuxième condition n'était pas définie par l'article 209 C du CGI, mais ce lien aurait pu être direct (service après-vente, conseils d'utilisation, etc.) ou plus "distant" d'un point de vue fonctionnel (études commerciales, activité de marketing, etc.).
La troisième condition était également muette quant à la mise en évidence des "raisons sérieuses" permettant d'identifier une intention de contournement fiscal. D'ordre essentiellement processuel, cette condition aboutissait à transformer l'ensemble de ce mécanisme en un élément complémentaire dans l'arsenal législatif de l'administration et qu'elle aurait pu mettre en oeuvre lors des vérifications de comptabilité.
Plusieurs cas pouvaient être anticipés néanmoins sur le contournement du régime de territorialité de l'IS :
(i) Le cas des sites internet qui vendent des produits ou des services à des personnes domiciliées en France.
Il était prévu que lorsque les produits ou les services de la personne morale établie hors de France sont vendus sur un site internet, cette personne morale est imposable en France, sans distinction sur le lieu d'hébergement du site internet.
(ii) Le cas de l'intervention d'une personne (autre qu'un agent indépendant) agissant pour le compte d'une entreprise étrangère et qui, de façon habituelle, conclut des contrats ou intervient à titre principal dans le processus menant à la conclusion de contrats, en participant à convaincre l'acheteur d'un bien ou d'un service de conclure le contrat ou en négociant les stipulations des contrats qui sont ensuite approuvés par le siège de l'entreprise étrangère, lesquels sont conclus au nom de la personne morale ou portent sur le transfert de propriété de biens, la concession du droit d'utilisation de biens qui appartiennent à la personne morale ou sur lesquels elle dispose d'un droit d'exploitation.
B - Les exclusions pratiques atténuant l'extension de la territorialité de l'IS
En gardant à l'esprit, de nouveau, que la disposition commentée a été invalidée, et que l'intention du législateur était d'édicter un dispositif applicable sous réserve des conventions fiscales internationales, il est intéressant néanmoins de se pencher sur les exclusions auquel l'article 209 C du CGI auraient fait droit.
On note de prime abord que l'intention du législateur étaient que les exclusions d'application du régime d'extension de la territorialité de l'1S reprennent celles prévues à l'article 209 B du CGI (N° Lexbase : L9776I3H), à savoir un autre mécanisme dérogatoire aux règles de principe en matière de territorialité de l'IS.
Il en résulte essentiellement que lorsque la personne morale étrangère est établie ou constituée dans l'Union européenne, le dispositif n'aurait été applicable qu'en présence d'un montage artificiel dont le but est de contourner la législation fiscale française.
A titre de référence, on note que, dans ses commentaires du concept de montage artificiel au regard de l'article 209 B du CGI, l'administration indique que l'existence d'un montage artificiel dont le but est de contourner la législation fiscale s'apprécie au regard de critères objectifs et que les dispositions de cet article ne trouvent pas à s'appliquer lorsque la réalité de l'implantation (existence physique en termes de locaux, personnels et équipements) et l'exercice effectif d'une activité économique sont justifiés.
Egalement, la personne morale établie hors de France dans le dispositif de l'article 209 C aurait pu échapper au régime d'extension de la territorialité de l'IS en démontrant que ses activités ont principalement un objet et un effet autre que celui de se soustraire à tout ou partie de l'imposition en France en apportant la preuve du caractère normal, non exagéré et non dépourvu de substance économique de ses opérations.
(1) Loi n° 2011-1117 du 19 septembre 2011, de finances rectificative pour 2011 (N° Lexbase : L4994IRE).
(2) Instauré en 1965, ce régime permettait d'agréer une société française à déterminer sa base imposable en intégrant les résultats de leurs établissements étrangers, et éventuellement une part de ceux de leurs filiales.
(3) Base Erosion and Profit Shifting (v. Lexbase, éd. fisc., n° 628, 2015 [LXB= N9317BUM]).
(4) Multilateral instrument.
(5) The White House, 26 avril 2017, 2017 Tax reform for economic growth and American jobs. The biggest individual and business tax cut in American history.
(6) Conseil des prélèvements obligatoires, Adapter l'impôt sur les sociétés à une économie ouverte, décembre 2016, Documentation Française ; rapport d'information de l'Assemblée nationale sur "L'optimisation fiscale des entreprises dans un contexte international", par P.-A. Muet (commissions des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire-mission d'information), juin 2014.
(7) Article 78, codifié à l'article 209 C du CGI (N° Lexbase : L5720IX7) ; déclaré contraire à la Constitution par une décision du Conseil constitutionnel (décision n° 2016-744 DC du 29 décembre 2016 N° Lexbase : A9172SXY).
(8) Rapport final publié le 30 mars 2016.
(9) Article 34 de la Convention.
(10) Idem si les contrats sont effectivement signés au siège de l'entreprise (BOI-INT-DG-20-20-10-20120912 N° Lexbase : X5508ALL).
(11) Rappelons en effet que, suivant le modèle de l'OCDE (§ 4 de l'article 5), les conventions prévoient généralement qu'il n'y a pas établissement stable lorsque l'installation fixe d'affaires est utilisée aux seules fins d'exercer, pour l'entreprise, une "activité de caractère préparatoire ou auxiliaire".
(12) Article 5 § 5 du futur modèle de convention fiscale de l'OCDE.
(13) Article 13.
(14) CGI, art. 209-I (N° Lexbase : L2929LCH).
(15) L'application de cette disposition nécessitait de remplir trois conditions cumulatives :
- une personne morale est établie ou domiciliée hors de France ;
- la personne morale contrôle une entité juridique ou une entreprise, établie ou non en France ;
- l'entité juridique contrôlée exerce une activité d'agent commercial en vendant des produits ou des services qui appartiennent à la personne morale ou que celle-ci peut utiliser. Cette condition excluait que l'entité juridique soit elle-même propriétaire des biens ou des services vendus et qu'elle agisse en distributeur acheteur-revendeur des produits ou des services. L'entité juridique devait donc exercer une activité d'agent commercial intervenant pour le compte de la personne morale établie hors de France ; cela visait les commissionnaires, qui concluent des contrats en leur nom mais pour le compte de personnes morales établies hors de France.
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Réf. : CEDH, 5 septembre 2017, req. 61 496/08 (N° Lexbase : A6623WQD)
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par Elisa Dechorgnat
Le 07 Septembre 2017
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par Sébastien Tournaux, Professeur à la Faculté de droit de Bordeaux
Le 07 Septembre 2017
I - Les conditions de validité de la convention de rupture
A - L'importance des entretiens préparatoires
La Chambre sociale de la Cour de cassation a rendu le 1er décembre 2016 un arrêt remarqué relatif à la validité de la convention de rupture (1).
Après avoir conclu avec son employeur une rupture conventionnelle qui obtient l'homologation administrative, un salarié saisit le juge prud'homal pour obtenir la nullité de la rupture en soutenant qu'aucun entretien préparatoire à la rupture n'a eu lieu. L'organisation d'un ou plusieurs entretiens préparatoires constitue l'une des conditions procédurales imposées par l'article L. 1237-12 du Code du travail (N° Lexbase : L8193IAP).
Le législateur ne prévoit pas formellement de sanction en cas de violation de ces formalités. Toutefois, la Chambre sociale de la Cour de cassation admet que la convention de rupture puisse être annulée en cas de manquement à l'une de ces règles procédurales lorsque cela a pour effet d'entraver la liberté du consentement de l'une des parties (2). Il est en revanche beaucoup plus rare qu'elle accepte qu'un tel manquement suffise, à lui seul, pour annuler la convention de rupture. Jusqu'à cette décision du 1er décembre 2016, elle ne l'avait admis que dans l'hypothèse où le salarié ne s'était pas vu remettre une copie de la convention de rupture (3).
En jugeant que "si le défaut du ou des entretiens prévus par le premier de ces textes, relatif à la conclusion d'une convention de rupture, entraîne la nullité de la convention, c'est à celui qui invoque cette cause de nullité d'en établir l'existence", la Chambre sociale ajoutait donc un nouveau cas "autonome" de nullité de la convention qui n'exige pas la preuve de l'altération du consentement. S'il ne doit pas démontrer que son consentement a été altéré, le débat probatoire ne s'en trouve pourtant pas allégé pour le salarié.
En effet, le salarié qui demande l'annulation de la convention devra démontrer l'existence de la cause de nullité, c'est-à-dire démontrer l'absence d'entretien, ce qui s'apparente à prouver un fait négatif et qui est toujours particulièrement délicat. En pratique, cette preuve sera donc rarement rapportée, ce qui ne contrevient toutefois à aucun principe juridique et s'appuie sur un argument d'interprétation des stipulations de l'ANI du 11 janvier 2008 et de la loi de modernisation du marché du travail du 25 juin 2008 ayant créé la rupture conventionnelle.
D'abord, les règles de preuve du droit commun trouvent à s'appliquer faute pour le Code du travail d'avoir envisagé de règles spéciales en la matière. Par voie de conséquence, l'article 9 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1123H4D), qui traduit l'adage Actor incumbit probatio, doit produire ses effets et le demandeur faire la preuve de ses prétentions. Ce texte n'était toutefois pas invoqué par la Chambre sociale de la Cour de cassation qui préfère le visa de l'ancien article 1315 du Code civil (N° Lexbase : L1426ABG) dont l'application est moins évidente, la convention de rupture ayant un effet extinctif davantage qu'un effet créateur d'obligations (4).
Ensuite, comme l'explique fort clairement la Cour de cassation dans son rapport annuel pour 2016, il n'était pas envisageable de faire supporter à l'employeur la charge de la preuve de la tenue effective d'un entretien sans que cela ait d'incidence sur le formalisme de celui-ci. En effet, ni les partenaires sociaux, ni le législateur n'ont envisagé une formalisation de l'organisation de l'entretien. Contrairement à ce qui est prévu en matière d'entretien préalable au licenciement, l'employeur n'est pas tenu, ni de convoquer le salarié à l'entretien, ni de l'informer de ses droits et, en particulier, du droit de se faire assister au cours de celui-ci. Or, exiger de l'employeur d'être en mesure de démontrer que le ou les entretiens ont bien eu lieu, aurait nécessairement pour conséquence de lui imposer de formaliser la convocation du salarié, voire de formaliser l'entretien en faisant par exemple signer au salarié une décharge ou un procès-verbal reprenant les débats ayant eu lieu. On peut, à cet égard, faire l'analogie avec les conséquences de la jurisprudence ayant mis à la charge du médecin la preuve que le patient a bien été informé de tous les risques graves liés au traitement prescrit : en pratique, les médecins informent par écrit et recueillent le consentement écrit de leurs patients.
On relèvera, enfin, que le formulaire Cerfa utilisé pour formaliser la convention et la demande d'homologation à l'administration du travail, doit faire mention du ou des entretiens et est signé par les deux parties. La signature des parties confère à ce document écrit la qualification d'acte sous-seing privé. Sa force probatoire est importante puisque son contenu ne devrait pouvoir être contesté que par la production d'un autre acte sous-seing privé le déniant (5).
B - Le consentement délivré par erreur
Si la violation des prescriptions du Code du travail peut donc ponctuellement permettre l'annulation de la convention, celle-ci reste pour partie soumise au droit commun des contrats, en particulier s'agissant de l'appréciation de la liberté du consentement des parties. Quoiqu'elles ne s'appuient pas formellement sur les textes du Code civil encadrant les vices du consentement, les juridictions judiciaires en mobilisent toutefois les règles lorsqu'elles acceptent l'annulation d'une convention de rupture pour violence (6). L'hypothèse d'un consentement vicié par dol ou par erreur est en revanche beaucoup plus rare (7).
C'est pour cette raison qu'un intérêt peut être porté à un arrêt rendu par la cour d'appel de Paris le 18 mai 2017 (8). Dans cette affaire, un salarié et son employeur avaient conclu une rupture conventionnelle qui avait été indissociablement liée au rachat des actions du salarié par la société. La société n'ayant pu racheter lesdites actions en raison d'une situation irrémédiablement compromise, le salarié demandait la nullité de la convention de rupture pour erreur. La cour juge que le salarié "a commis une erreur sur les qualités substantielles de l'objet de son engagement". Constatant que la société ne parvient pas à apporter la preuve du caractère inexcusable de l'erreur, elle prononce la nullité de la convention de rupture et lui fait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Comme le note Lucas Bento de Carvalho (9), cette qualification n'allait pas de soi puisque l'erreur doit en principe être appréciée au moment de l'échange des consentements. Or, à l'occasion de la recherche du caractère excusable ou non de l'erreur, la cour d'appel relève qu'à cet instant, aucun élément ne pouvait laisser penser que l'engagement de l'employeur de racheter les actions ne serait pas tenu. En d'autres termes, soit la situation de la société n'était pas compromise au moment de la conclusion de la convention de rupture et aucune erreur ne pouvait avoir été commise, soit cette situation financière était déjà largement dégradée, auquel cas elle a été cachée au salarié et les juges auraient dû rechercher l'existence d'un dol plutôt que d'une erreur, ce à quoi ils se sont d'ailleurs refusés.
Cette décision a toutefois le mérite de montrer qu'une place demeure pour l'erreur dans l'appréciation du consentement des parties à la rupture conventionnelle, quand bien même les éléments susceptibles de la caractériser sont rares. Outre l'hypothétique erreur-obstacle qui pourrait survenir si le salarié conclut la rupture conventionnelle en pensant s'engager à d'autres effets juridiques que la rupture du contrat de travail, les parties pourraient se tromper "sur les qualités essentielles de la prestation due ou sur celles du cocontractant" (10). Les éléments relatifs à la prestation sont strictement encadrés par le Code du travail qui vise la rupture du contrat de travail, la détermination de la date de cette rupture et l'établissement du montant de l'indemnité. Ces éléments étant contrôlés par l'administration du travail, l'identification d'une erreur des parties est quasiment impensable, cela d'autant que la Chambre sociale juge que l'erreur commise dans le calcul de l'indemnité ne permet pas d'obtenir l'annulation de la convention (11). Il en va naturellement de même des qualités essentielles du cocontractant : les parties se connaissent fort bien puisqu'elles sont liées par un contrat de travail à durée indéterminée, ce qui refoule tout risque d'erreur sans qu'il soit même nécessaire d'analyser les conditions strictes de sa reconnaissance dans ce domaine.
Reste donc l'erreur sur une prestation accessoire adjointe aux effets classiques de la rupture conventionnelle. Si, en l'espèce, il s'agissait d'un pacte de cession d'actions, on pourrait par exemple imaginer une erreur sur les stipulations relatives au devenir d'une clause de non-concurrence.
II - Les effets du retrait d'homologation par la DIRECCTE
La Chambre sociale de la Cour de cassation s'est également penchée sur les effets du retrait par l'administration d'une décision de refus d'homologation (12).
Après qu'un employeur et un salarié ont conclu une rupture conventionnelle, celle-ci est adressée à l'administration du travail qui refuse l'homologation en raison d'un dossier incomplet. L'employeur adresse rapidement à la DIRECCTE les documents manquants qui, quinze jours après sa première décision, homologue la convention de rupture. Considérant que la rupture conventionnelle a produit ses effets à la suite d'une décision de refus qui ne pouvait valablement être retirée, le salarié saisit le juge prud'homal d'une demande d'annulation de la rupture conventionnelle.
La Chambre sociale de la Cour de cassation rejette le pourvoi formé contre la décision d'appel qui jugeait la convention valable. Elle décide "qu'une décision de refus d'homologation d'une convention de rupture conclue en application des dispositions des articles L. 1237-11 (N° Lexbase : L8512IAI) et suivants du Code du travail ne crée de droits acquis ni au profit des parties à la convention, ni au profit des tiers" et que, par conséquent, "la décision de refus d'homologation avait été retirée par la DIRECCTE et que la convention de rupture, qui avait fait l'objet d'une homologation, était valable".
Comme le relevaient les commentateurs de cette décision, la solution adoptée par la Chambre sociale, quoique s'appuyant sur une règle éphémère, est parfaitement rigoureuse.
Il s'agit en effet d'une décision à la portée très relative car l'ordonnance n° 2016-307 du 17 mars 2016, portant codification des dispositions relatives à la réutilisation des informations publiques dans le Code des relations entre le public et l'administration (N° Lexbase : L1881K7S), a profondément réformé le régime juridique du retrait des actes administratifs. Jusqu'ici, le juge administratif distinguait, comme le fait la Chambre sociale en l'espèce, selon que la décision administrative était ou non créatrice de droits. Dans l'affirmative, seules les décisions illégales pouvaient être retirées dans un délai de quatre mois. Au contraire, en l'absence de création de droits, la décision pouvait être retirée pour tout motif et sans délai (13). L'ordonnance a toutefois modifié le Code des relations entre le public et l'administration dont l'article L. 243-3 (N° Lexbase : L1861KNA) aligne désormais le régime du retrait d'un acte administratif non créateur de droits sur celui d'un acte créateur de droits : tout retrait devra, à l'avenir, être justifié par une illégalité et intervenir dans un délai de quatre mois. Cette ordonnance n'était toutefois pas applicable aux faits de l'espèce.
Si la solution est donc rigoureuse sur le plan de l'application de la loi dans le temps, elle l'est également au regard du régime juridique applicable aux faits. On peut en effet considérer que le refus d'homologation ne crée pas de droits pour le salarié. Le salarié et l'employeur ayant en principe librement conclu la rupture conventionnelle, ils n'ont ni l'un, ni l'autre intérêt à voir l'homologation refusée. Au contraire, on peut imaginer qu'une décision d'homologation serait considérée comme une décision créatrice de droits qui devrait répondre aux règles spécifiques du retrait à ce type d'acte.
Le retrait d'une décision administrative produisant un effet rétroactif, la décision de refus initiale est présumée n'avoir jamais existé. Il n'était donc probablement pas nécessaire pour l'administration d'adopter une nouvelle décision d'homologation, la convention de rupture ayant été homologuée implicitement en raison du silence gardé par l'administration après quinze jours, comme le prévoit l'article L. 1237-14 du Code du travail (N° Lexbase : L8504IA9).
III - L'application dans le temps de la loi du 25 juin 2008
Avant l'été, la Chambre sociale a encore rendu une décision relative à l'application dans le temps de la loi du 25 juin 2008 (14).
Une salariée et son employeur concluent un accord de rupture par deux documents datés des 2 et 7 juillet 2008. La salariée saisit le juge en vue de faire produire à la rupture les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et demander différentes indemnités et rappels de salaire. La cour d'appel saisie de l'affaire fait droit aux demandes de la salariée en jugeant que l'entrée en vigueur de la loi du 25 juin 2008 fait obstacle à la conclusion d'un accord de rupture ne répondant pas au régime de la rupture conventionnelle (15).
La Chambre sociale de la Cour de cassation casse cette décision par un moyen soulevé d'office au visa des articles L. 1237-11 et suivants et R. 1237-3 (N° Lexbase : L6226IMK) du Code du travail. Elle juge que "la rupture amiable était intervenue antérieurement à l'entrée en vigueur le 20 juillet 2008 du décret n° 2008-715 du 18 juillet 2008, portant diverses mesures relatives à la modernisation du marché du travail (N° Lexbase : L7278IAS) et créant l'article R. 1237-3 du Code du travail déterminant l'autorité administrative compétente pour statuer sur les demandes d'homologation des ruptures conventionnelles et que le dispositif de la rupture conventionnelle n'était pas applicable avant cette date".
Il est très fréquent que les lois comportent des dispositions transitoires encadrant, notamment, l'entrée en vigueur des dispositions nouvelles. Cela n'était toutefois pas le cas de la loi du 25 juin 2008 qui ne différait pas son entrée en vigueur et ce sont, par conséquent, les règles classiques d'entrée en vigueur des lois qui devaient s'appliquer, spécialement la règle posée par l'article 1er du Code civil (N° Lexbase : L3088DYZ).
Ce texte dispose que "les lois et, lorsqu'ils sont publiés au Journal officiel de la République française, les actes administratifs entrent en vigueur à la date qu'ils fixent ou, à défaut, le lendemain de leur publication. Toutefois, l'entrée en vigueur de celles de leurs dispositions dont l'exécution nécessite des mesures d'application est reportée à la date d'entrée en vigueur de ces mesures". Les mesures de la loi de modernisation du marché du travail qui ne nécessitaient aucune disposition réglementaire d'application sont donc entrées en vigueur le 27 juin 2008 (16).
Contrairement à une autre pratique législative courante, les dispositions de la loi du 25 juin 2008 ne renvoyaient toutefois pas au pouvoir réglementaire le soin d'adopter des décrets d'application en matière de rupture conventionnelle. Est-ce à dire que les dispositions législatives pouvaient entrer en vigueur sans décret d'application ? Le Conseil d'Etat juge que "si une loi une fois promulguée devient exécutoire à partir du moment où sa promulgation est connue, son entrée en vigueur se trouve différée lorsque la loi contient des dispositions subordonnant expressément ou nécessairement son exécution à une condition déterminée" (17). Pour leur plus grande partie, les dispositions de la loi du 25 juin 2008 pouvaient s'appliquer sans autre précision. Le calcul de l'indemnité de rupture conventionnelle, par exemple, ne nécessitait aucune précision réglementaire en raison du renvoi au mode de calcul de l'indemnité de licenciement.
Seul l'article L. 1237-14 du Code du travail demeurait trop flou pour être appliqué sans mesures d'application puisqu'il se contentait de viser "l'autorité administrative" pour identifier l'autorité compétente pour homologuer la convention de rupture. S'il fait peu de doute que c'est bien l'administration du travail à qui devait échoir cette compétence, fallait-il la confier au ministère du Travail, aux directions régionales ou aux services d'inspection du travail ? Ce choix n'était d'ailleurs pas tout à fait neutre au regard du principe d'indépendance des agents de l'inspection du travail garanti par la convention n° 81 de l'Organisation du travail (N° Lexbase : L0964AIK). Ce principe bénéficie aux agents de contrôle de l'inspection du travail. Au contraire, les agents des DIRECCTE et des unités territoriales, quand bien même ils relèveraient du corps de l'inspection du travail, n'en bénéficient pas en dehors de leurs éventuelles attributions de contrôle de l'application du droit du travail. Attribuer cette compétence à l'inspection du travail aurait pu amoindrir la force des directives et instructions du ministère du Travail en matière d'homologation des ruptures conventionnelles.
L'entrée en vigueur du régime de la rupture conventionnelle, entièrement lié à l'homologation administrative tant pour sa validité qu'en raison du bloc de compétence attribué au conseil de prud'hommes s'agissant de la convention et de l'homologation, ne pouvait donc qu'être retardée à l'entrée en vigueur du décret déterminant l'autorité administrative compétente. Le décret n° 2008-715 du 18 juillet 2008 portant diverses mesures relatives à la modernisation du marché du travail, entrait en vigueur le 20 juillet 2008, date effective à laquelle les ruptures amiables ne pouvaient plus être conclues.
IV - Les évolutions prochaines de la rupture d'un commun accord
Pour conclure, il faut sans doute dire un mot de l'un des projets d'ordonnances prochainement adoptés et, en particulier, de la future ordonnance relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail.
L'article 17 de cette ordonnance devrait ajouter vingt-deux nouveaux articles au Code du travail (C. trav., art. L. 1237-17 à L. 1237-19-14, futurs) dans une nouvelle section 4 intitulée "Rupture d'un commun accord dans le cadre d'accords collectifs" insérée après la section 3 consacrée à la rupture conventionnelle.
L'article L. 1237-17, qui chapeautera deux sous sections, disposera qu'"un accord collectif portant gestion prévisionnelle des emplois et des compétences ou plan de départ volontaire peut définir les modalités encadrant les conditions de la rupture d'un commun accord du contrat de travail qui lie l'employeur et le salarié. Ces ruptures, exclusives du licenciement ou de la démission, ne peuvent être imposées par l'une ou l'autre des parties. Les dispositions de la présente section destinées à garantir la liberté du consentement des parties leur sont applicables".
Très concrètement, l'ordonnance remet indirectement en cause les dispositions de l'actuel article L. 1237-16 du Code du travail (N° Lexbase : L8479IAB) qui excluent l'application des règles relatives à la rupture conventionnelle aux ruptures résultant d'accords collectifs de GPEC ou de plans de sauvegarde de l'emploi. Si la remise en cause n'est que partielle, c'est que les règles de la rupture conventionnelle resteront exclues. En lieu et place, l'ordonnance instituera un nouveau régime de ces ruptures amiables collectives. On relèvera, par ailleurs, que ces dispositions futures sont de nature à remettre en cause plusieurs régimes prétoriens ou légaux.
Premièrement, les articles L. 1237-19 et suivants de l'ordonnance créeront une procédure spécifique de mise en place d'un plan de départ volontaire distincte de la procédure relative au plan de sauvegarde de l'emploi. Cette procédure semble réservée au cas où les suppressions d'emploi n'impliqueront aucun licenciement puisque l'article L. 1237-19 du Code du travail prévoira que l'accord collectif détermine "le contenu d'un plan de départs volontaires excluant tout licenciement pour atteindre les objectifs qui lui sont assignés en termes de suppression d'emplois". Elle devrait confirmer la position de la Chambre sociale qui exclut la mise en place d'un plan de sauvegarde de l'emploi lorsque le plan de départ volontaire comporte l'engagement de ne procéder à aucun licenciement (18). Contrairement au plan de sauvegarde de l'emploi qui peut être institué unilatéralement par l'employeur, le plan de départ volontaire ne pourra être mis en place que par accord collectif. Une procédure de validation de l'accord par l'autorité administrative, sur le modèle de la validation d'un accord de PSE, sera également instituée tandis que, dans le même temps, des consultations du nouveau comité économique et social devront être organisées.
Ce faisant, l'ordonnance devrait parvenir à dresser une barrière étanche entre le régime juridique des licenciements collectifs pour motif économique et les plans de départs volontaires qui seront de véritables accords de départ négociés. Les risques de conflits avec le droit du licenciement pour motif économique seront d'autant mieux limités que l'article L. 1237-17 disposera que ces ruptures sont "exclusives du licenciement ou de la démission". Il faudra toutefois prendre garde aux effets du droit de l'Union européenne dont on sait qu'il n'accorde pas d'importance au type de rupture pour l'application des protections contre les licenciements pour motif économique collectifs (19) ...
Deuxièmement, c'est l'articulation entre congé de mobilité et motif économique de licenciement qui pourrait être bouleversée. Par un arrêt rendu le 12 novembre 2015, la Chambre sociale de la Cour de cassation jugeait que "si l'acceptation par le salarié de la proposition de congé de mobilité emporte rupture du contrat de travail d'un commun accord, elle ne le prive pas de la possibilité d'en contester le motif économique" (20). Alors que la Chambre sociale jugeait ici clairement que le congé de mobilité était une mesure d'accompagnement du licenciement pour motif économique et ne pouvait intervenir préventivement dans le cadre d'un accord de GPEC, l'ordonnance déplacera les règles relatives au congé de mobilité qui quitteront le giron des règles relatives au licenciement (21). L'argument a rubrica qui nous semblait avoir justifié la solution prétorienne sera donc sans doute remis en question (22).
On peut en revanche penser que l'insertion de ces dispositions dans le même chapitre que celui consacré à la rupture conventionnelle ne remettra pas en cause l'autonomie de celle-ci. Les ordonnances ne feront ici que réformer des dispositifs de rupture amiable qui existent déjà et qui n'ont pas fait obstacle à l'hégémonie de la rupture née de la loi du 25 juin 2008.
(1) Cass. soc., 1er décembre 2016, n° 15-21.609, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A7976SLY ; cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E0223E7E) ; les obs. de Ch. Radé, Lexbase, éd. soc., n° 680, 2016 (N° Lexbase : N5643BWW) ; RDT, 2017, p. 124 et nos obs., Lexbase, éd. soc., n° 709, 2017 (N° Lexbase : N9773BWU).
(2) Défaut d'information du salarié sur la possibilité de se faire assister par un conseiller du salarié, Cass. soc., 29 janvier 2014, n° 12-27.594, FS-P+B (N° Lexbase : A2279MDR), v. également CA Basse-Terre, 23 janvier 2017, n° 14/01982 (N° Lexbase : A9066S9N) ; absence d'information du salarié sur la possibilité de prendre contact avec le service public de l'emploi en vue d'envisager la suite de son parcours professionnel, Cass. soc., 29 janvier 2014, n° 12-24.951, FS-P+B (N° Lexbase : A4267MDE ; cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E2954E48) ; erreur commise dans la convention de rupture sur la date d'expiration du délai de rétractation, Cass. soc., 29 janvier 2014, n° 12-24.539, publié (N° Lexbase : A2278MDQ ; cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E0220E7B) ; erreur commise dans le calcul de l'indemnité de rupture conventionnelle, Cass. soc., 10 décembre 2014, n° 13-22.134, FS-P+B (N° Lexbase : A6058M7I ; cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E0210E7W).
(3) Cass. soc., 6 février 2013, n° 11-27.000, FS-P+B+R (N° Lexbase : A5796I7S ; cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E0215E74) et nos obs., Lexbase, éd. soc., n° 516, 2013 (N° Lexbase : N5793BTQ) ; RDT, 2013, p. 258, obs. F. Taquet.
(4) V. toutefois l'argumentation en faveur d'une qualification contractuelle, N. Gras, La rupture conventionnelle en droit des contrats, JCP éd. E, 2017, 1240.
(5) C. civ., art. 1359, al. 2 (N° Lexbase : L1007KZC), "il ne peut être prouvé outre ou contre un écrit établissant un acte juridique [...] que par un autre écrit sous signature privée ou authentique".
(6) Violence morale liée à un harcèlement : v. Cass. soc., 30 janvier 2013, n° 11-22.332, FS-P+B+R (N° Lexbase : A6245I43 ; cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E0217E78) et nos obs., Lexbase, éd. soc., n° 516, 2013 (N° Lexbase : N5793BTQ) ; pressions et menaces de licenciement : Cass. soc., 23 mai 2013, n° 12-13.865, FS-P+B+R (N° Lexbase : A9246KDS ; cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E0217E78) et nos obs., Lexbase, éd. prof., n° 150, 2013 (N° Lexbase : N7295BTD).
(7) Admission d'une réticence dolosive lorsque l'employeur passe sous silence la création prochaine d'un poste qui aurait pu convenir au salarié, CA Lyon, 7 mai 2012, n° 11/03134 (N° Lexbase : A6878IKX). Refus de qualification de dol lorsque l'employeur n'informe pas le salarié du délai de carence applicable à la perception d'indemnités de chômage, CA Versailles, 4 juin 2013, n° 12/01539 ([LXB=A0527KG
M]).
(8) CA Paris, pôle 6, ch. 5, 18 mai 2017, n° 15/09660, Cah. soc., 2017, n° 298, p. 23, obs. L. Bento de Carvalho.
(9) Préc..(10) C. civ., art. 1132 (N° Lexbase : L0831KZS).
(11) Cass. soc., 8 juillet 2015, n° 14-10.139, FS-P+B (N° Lexbase : A7439NMH ; cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E0210E7W) et les obs. de G. Auzero, Lexbase, éd. soc., n° 625, 2015 (N° Lexbase : N8937BUK).
(12) Cass. soc., 12 mai 2017, n° 15-24.220, FS-P+B (N° Lexbase : A8777WC3 ; cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E0211E7X) et les obs. de Ch. Radé, Lexbase, éd. soc., n° 700, 2017 (N° Lexbase : N8465BWG) ; RDT, 2017, p. 483, obs. F. Crouzatier-Durand.
(13) CE, 26 octobre 2001, req. n° 197018, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A1913AX7 ; cf. l’Ouvrage "Droit de la fonction publique" N° Lexbase : E0186EQX) ; AJDA, 2001, p. 1034, chron. Guyomar et Collin ; AJDA, 2002, p. 738, note Y. Gaudemet ; RFDA, 2002, p. 88, note Delvolvé.
(14) Cass. soc., 5 juillet 2017, n° 16-10.841, FS-P+B (N° Lexbase : A8215WLT).
(15) Sur l'autonomie de la rupture conventionnelle, v. Cass. soc., 15 octobre 2014, n° 11-22.251, FS-P+B+R (N° Lexbase : A6594MYU ; cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E0215E74) et nos obs., Lexbase, éd. soc., n° 589, 2014 (N° Lexbase : N4455BUK).
(16) V. JORF n°0148 du 26 juin 2008, p. 10224.
(17) CE, 26 février 2001, n° 220021 (N° Lexbase : A0819ATI) ; Rec. CE 2001, p. 88.
(18) Cass. soc., 26 octobre 2010, n° 09-15.187, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A6142GCH ; cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E9317ESU).
(19) CJUE, 11 novembre 2015, aff. C-422/14 (N° Lexbase : A4806NWW ; cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E9317ESU) et les obs. de M. Gadrat, Lexbase, éd. soc., n° 635, 2015 (N° Lexbase : N0261BWL).
(20) Cass. soc., 12 novembre 2015, n° 14-15.430, FS-P+B+R (N° Lexbase : A7467NWH ; cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E0536E9Q) et nos obs., Lexbase, éd. soc., n° 634, 2015 (N° Lexbase : N0091BWB).
(21) Jusqu'ici, les règles relatives au congé de mobilité étaient établies par les articles L. 1233-77 et suivants, dans la partie du Code consacrée au licenciement pour motif économique. Ces articles seront abrogés par l'article 17 de l'un des projets d'ordonnances prochainement adoptés.
(22) V. nos obs. sous Cass. soc., 12 novembre 2015, préc..
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Réf. : Décret n° 2017-1311 du 29 août 2017, relatif à la modernisation de la médecine du travail en agriculture (N° Lexbase : L6194LGI)
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par Elisa Dechorgnat
Le 07 Septembre 2017
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Réf. : CA Aix-en-Provence, 31 août 2017, n° 15/16279 (N° Lexbase : A5870WQH)
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par Aziber Seïd Algadi
Le 11 Septembre 2017
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