Le statut de travailleur à domicile permet, d'une part, le bénéfice de l'application des dispositions protectrices du droit du travail et, d'autre part, l'affiliation au régime général de la Sécurité sociale. Dès lors que le travailleur exécute son travail à domicile dans les conditions de l'article L. 721-1 du Code du travail (
N° Lexbase : L6718ACS), le lien de subordination avec le donneur d'ouvrage est présumé et les parties ne peuvent écarter leur soumission à la législation du travail. En outre, les travailleurs à domicile sont obligatoirement assujettis au régime général de la Sécurité sociale en vertu de l'article L. 311-3 du Code de la Sécurité sociale (
N° Lexbase : L5025ADH). Cette qualification sera, en conséquence, fréquemment revendiquée. Pourtant, les conditions de cette qualification sont strictes, ainsi que vient de le rappeler la Cour de cassation dans un arrêt en date du 3 avril 2003.
Dans cette affaire, l'Urssaf avait réintégré dans l'assiette des cotisations les rémunérations versées à des auteurs d'articles par leur société d'édition. Cette dernière conteste la réintégration effectuée par l'Urssaf mais la cour d'appel, estimant qu'il existe un lien de subordination entre les auteurs et la société de presse, rejette son recours. Saisie de cette affaire, la Cour de cassation donne raison à la société de presse et censure la cour d'appel au motif que cette dernière n'a caractérisé ni le versement d'une rémunération forfaitaire ni l'existence d'un lien de subordination entre les auteurs d'article et la société d'édition. Cette décision n'est que l'application de principes légaux fermement établis.
Aux termes de l'article L. 721-1 du Code du travail (
N° Lexbase : L6718ACS), un certain nombre de conditions sont, en effet, nécessaires à la qualification de travailleur à domicile. Ainsi, pour l'attribution de ce statut, le travailleur doit exécuter moyennant une rémunération forfaitaire, un travail confié soit directement, soit par un intermédiaire. L'existence d'un lien de subordination entre le donneur d'ouvrage et le travailleur est indifférente et dès lors que ce dernier exerce son travail dans les conditions de l'article L. 721-1 du Code du travail, il est présumé être salarié. Une des conditions essentielles est donc l'existence d'une rémunération forfaitaire. C'est d'ailleurs cette condition qui a fait défaut aux auteurs d'articles dans l'affaire qui nous intéresse.
La cour d'appel, dans l'arrêt du 3 avril 2003, a relevé que les auteurs d'articles ne travaillaient pas de manière indépendante et ne disposaient pas d'une liberté d'action exclusive du salariat. Les juges du fond avaient notamment détaillé, point par point, les conditions d'exécution du travail par ces auteurs. Ainsi, en l'espèce, les textes qui devaient obligatoirement être de nature érotique ou pornographique n'étaient pas accompagnés de commentaires personnels et n'étaient consultables par le biais du Minitel qu'après validation de la société de presse ; en outre, ils étaient fongibles et les lecteurs en ignoraient l'auteur. En conséquence, selon la cour d'appel, les auteurs devaient être affiliés au régime général.
La Cour de cassation casse cette décision et, par-là même, infirme la réintégration par l'Urssaf des rémunérations perçues par les auteurs dans l'assiette des cotisations. Selon la Cour suprême, en l'absence de rémunération forfaitaire, la qualification de travailleur à domicile et le lien de subordination qu'elle implique doivent être écartés. Le critère de la rémunération forfaitaire est en effet un critère légal essentiel dont la Cour de cassation n'a eu de cesse de souligner l'importance. Ainsi, par exemple, dans un arrêt en date du 11 octobre 1979 (Cass. soc., 11 octobre 1979, n° 78-12.261, CPCAM Région parisienne c/ SA Les Presses de la Cité, publié
N° Lexbase : A3428AG3), la Cour de cassation reconnaît à des rédacteurs correcteurs le statut de travailleurs à domicile, ces derniers percevant une rémunération déterminée selon un tarif horaire fixé et connu à l'avance, peu important que chaque intéressé établisse sa note d'honoraires d'après le temps passé en fonction de la difficulté de la tâche. De même, dans un arrêt en date du 22 janvier 1981, la Cour de cassation précise que le fait que l'intéressée soit rémunérée selon un tarif fixé à l'avance par ouvrage permet de le qualifier de travailleur à domicile.
A l'inverse, la Cour de cassation dénie le statut de travailleur à domicile à ceux dont le travail n'est pas rémunéré forfaitairement. Ainsi, selon la Cour suprême, dans un arrêt en date du 22 janvier 1981 (Cass. soc., 22 janvier 1981, n° 77-12.854, Caisse primaire centrale d'assurance maladie de la région parisienne c/ dame Beaufort, publié
N° Lexbase : A6670BLM), le rédacteur d'articles historiques, qui choisit librement ses sujets et effectue son activité littéraire en dehors de toutes normes préétablies, travaille à ses risques et périls et ne peut être considéré comme un travailleur à domicile au sens des articles L 721-1 du Code du travail et L. 242-1 du Code de la Sécurité sociale (
N° Lexbase : L4949ADN). La seule référence à une rémunération à la ligne ne saurait suffire pour établir son caractère forfaitaire dès lors qu'il n'est pas prouvé qu'elle soit calculée d'après un tarif de base fixe et connu d'avance. De même, dans l'arrêt du 3 avril 2003, la cour d'appel n'ayant pas caractérisé le versement d'une rémunération forfaitaire, les auteurs ne peuvent avoir le statut de travailleurs à domicile.
Dès lors, en l'absence d'une reconnaissance légale du statut de salarié, seule la preuve d'un lien de subordination existant entre le donneur d'ouvrage et les auteurs pouvait permettre de qualifier ces derniers de salariés et de valider le redressement opéré par l'Urssaf. La jurisprudence considère qu'il y a contrat de travail lorsqu'une personne se place sous la subordination d'une autre afin d'effectuer une prestation de travail moyennant une rémunération. Or, en l'espèce, les éléments relevés par la cour d'appel n'ont pas suffi à caractériser l'existence d'un lien de subordination. En conséquence, l'Urssaf n'avait pas à réintégrer les revenus des auteurs dans l'assiette des cotisations.
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable