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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication
Le 27 Mars 2014
L'affectio societatis est une notion mystérieuse qui se cache en pleine lumière, celle des manuels de droit des sociétés, des amphithéâtres et des prétoires écrivait récemment Vincent Cuisinier. Mais, avant tout, l'affectio societatis est un critère de qualification et d'existence du contrat de société, il est utilisé pour distinguer la société de certaines situations, telles que le contrat de travail ou le contrat d'indivision. Le concept a beau être incertain et obscurci par l'emploi d'une expression latine, comme se plaisait à le souligner P. Didier, dans son traité de Droit commercial (t. II, p. 66), cette création prétorienne témoigne d'un souhait évident d'aller au-delà du simple consentement au contrat de société, pour engager l'associé dans la gestion de la société, lors de l'exécution du contrat et non seulement lors de sa formation. Et c'est cet affectio societatis multiforme, comme aime à le rappeler Yves Guyon, dans son Traité de droit des affaires (t. I, p. 128), qui constitue le fondement de l'agrément sociétal. La volonté d'union, la convergence d'intérêts, selon le doyen Hamel, suppose que les parties au "mariage sociétal" consentent à s'unir devant le Registre du commerce et des sociétés, mais aussi à fonder un foyer juridique, pour le meilleur et pour le pire ! Æquum est ut cujus participavit lucrum, participet et damnun... On comprendra, dès lors, que, loin de la polygynie sororale de la Chine féodale, les associés d'une société ne souhaitent pas convoler justes noces avec les ayant droits du défunt associé, intuitu personae oblige. Et, se pose, alors, l'incontournable question des conditions et des modalités de rachat des parts sociales des héritiers ou légataires.
Deux récentes décisions de la Chambre commerciale de la Cour de cassation (bon retour au XXIème siècle !) apportent d'intéressantes précisions, l'une du 29 septembre 2009 sur les conditions de l'obligation du rachat des parts de sociétés civiles transmises aux héritiers non agréés de l'associé décédé, et l'autre du 15 septembre 2009 sur l'erreur d'évaluation des titres portés à l'actif successoral. "Les héritiers ou légataires qui ne deviennent pas associés n'ont droit qu'à la valeur des parts sociales de leur auteur. Cette valeur doit leur être payée par les nouveaux titulaires des parts ou par la société elle-même si celle-ci les a rachetées en vue de leur annulation. La valeur de ces droits sociaux est déterminée au jour du décès dans les conditions prévus à l'article 1843-4" nous enseigne l'article 1870-1 du Code civil. C'est, alors, au visa de ce texte et de l'article 1134 du Code civil que la Cour de cassation retient que, si l'article des statuts imposant l'agrément des associés survivants renvoie à la clause relative à la cession des parts, ce renvoi "ne peut avoir pour effet d'obliger les ayants droit à présenter un projet de cession portant sur des parts qui, en l'absence d'agrément, ne leur ont pas été transmises". Rendue au visa des dispositions générales du Code civil, cette solution s'applique à toutes les sociétés civiles. "L'agrément de la raison ne suffit pas pour adopter une éthique. Il faut aussi l'adhésion du coeur" nous enseigne le poète égyptien Zaki Mubärak.
"Evaluer, c'est créer : écoutez donc, vous qui êtes créateurs ! C'est l'évaluation qui fait des trésors et des joyaux de toutes choses évaluées" s'insurgeait Nietzsche... Mais, la Haute juridiction juge qu'un titre de société peut avoir, individuellement, une valeur substantiellement différente. Ainsi, en matière d'évaluation de titres de sociétés non cotées, un redevable ne peut prétendre invoquer une erreur d'évaluation en faisant uniquement état de la cession antérieure d'un paquet minoritaire alors que, au jour de la transmission, un associé avait engagé des négociations pour l'acquisition des titres à évaluer, acquisition qui lui permettait de devenir majoritaire. "Il y a une innocence dans le mensonge qui est signe de bonne foi"... Friedrich ne fera pas d'émule auprès de l'administration fiscale volontiers zoroastrienne lorsqu'il s'agit de caractériser les intentions du contribuable... maudite mens rea !
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N3726BMX
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par Anne Lebescond, Journaliste juridique
Le 07 Octobre 2010
Pascal Eydoux : Le regroupement des CARPA répond à des impératifs de pragmatisme, surtout d'un point de vue économique. La gestion de l'aide juridictionnelle confiée aux CARPA a imposé à celles-ci un certain nombre de contraintes : en particulier, elle doit être assurée par l'intermédiaire d'un logiciel agréé par la Chancellerie et elle doit être contrôlée par un commissaire aux comptes. Le regroupement aboutit à une réduction de ces frais, qui, pour les petites et moyennes caisses, ne sont pas entièrement couverts par les intérêts retirés de la dotation. Le regroupement permet de réaliser des économies certaines, par la mise en commun du matériel, du personnel et des locaux, par exemple.
Sur le sujet de l'aide juridictionnelle, Roland du Luart avait publié, en octobre 2007, un rapport intitulé L'aide juridictionnelle : réformer un système à bout de souffle (rapport d'information n° 23-2007/2008), qui a donné lieu, courant 2008, à une enquête de la part de la Cour des comptes et à la publication, le 21 juillet 2009, d'un nouveau rapport de la Commission des finances du Sénat, intitulé Vers un regroupement des caisses de règlements pécuniaires des avocats ? (rapport d'information n° 63-2008/2009). La préoccupation était de déterminer si la gestion des fonds de l'aide juridictionnelle par les CARPA entraînait des coûts importants pour l'Etat. Les conclusions étaient rassurantes sur ce point : les coûts étaient maîtrisés du point de vue du budget national. Elles ne l'étaient, cependant, pas pour les caisses : si la gestion de l'aide juridictionnelle entraînait des coûts, c'était bien à leur charge. Dès lors, le regroupement des CARPA a été avancé comme un moyen permettant une réduction significative de ces frais.
Le regroupement des caisses présente, aussi, cet autre avantage non négligeable de créer une masse financière plus solide, ce qui améliore nettement les discussions avec les différents interlocuteurs financiers communs, dont les banquiers. Enfin, les circuits d'information mis en oeuvre par les CARPA sont améliorés dans le cadre du regroupement des caisses, permettant à chacun de remplir au mieux sa mission.
Lexbase : Quel pourrait être le schéma de regroupement ?
Pascal Eydoux : La règle, aujourd'hui, est une caisse par ordre des avocats. La réflexion s'oriente sur une CARPA par cour d'appel. Ce schéma de principe n'est pas choquant. Pour autant, il doit, nécessairement, être adapté, afin de tenir compte des spécificités de chaque cour. Les cours d'appel recouvrent, en effet, des réalités très différentes, notamment, d'un point de vue économique et démographique. L'approche en la matière se doit d'être pragmatique et au cas par cas.
Lexbase : Le mouvement de rapprochement des CARPA est-il amorcé ?
Pascal Eydoux : Aujourd'hui, nous comptons 152 CARPA pour 181 barreaux. Ce mouvement de regroupement des CARPA est amorcé depuis déjà quelques années, même s'il a démarré difficilement, en raison de certaines craintes de nature politique et pratique.
Il se fonde, à l'origine, sur l'article 53-9 de la loi du 31 décembre 1971 (loi n° 71-1130, portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques N° Lexbase : L6343AGZ), qui envisage la possibilité pour les barreaux de créer des caisses communes, et sur les dispositions des articles 236 et suivants du décret du 27 novembre 1991 (décret n° 91-1197, organisant la profession d'avocat N° Lexbase : L8168AID), qui précisent, notamment, que, la CARPA, lorsqu'elle est commune à plusieurs barreaux, est créée par une délibération conjointe des conseils de l'ordre des barreaux intéressés.
L'impulsion a, surtout, été donnée par le décret du 5 novembre 1996 (décret n° 96-610 N° Lexbase : L9050IEW, modifiant le décret n° 91-1197 du 27 novembre 199), dont l'article 5 prévoit que la caisse "doit justifier auprès de la commission prévue à l'article 240-3 de moyens en matériel et en personnel nécessaires à son fonctionnement [...] à défaut, la caisse doit, après délibération des conseils de l'ordre concernés, se regrouper avec une ou plusieurs autres caisses en une caisse commune satisfaisant à cette obligation".
Si ce mouvement de rapprochement est, aujourd'hui, significatif, il n'est, cependant, pas universel, en raison de certaines réticences (proximité des CARPA, crainte d'une perte d'autonomie de la part de certains barreaux, etc.). Le rôle de la Conférence des Bâtonniers est de convaincre de la nécessité de se regrouper et de fédérer la profession, tout en rassurant chacun sur les modalités de tels rapprochements. Nous communiquons beaucoup sur ce sujet, qui doit, notamment, faire l'objet de discussions lors de notre prochaine assemblée générale du 27 novembre 2009.
Lexbase : Quelles formes peut revêtir le regroupement des CARPA ?
Pascal Eydoux : Outre le regroupement simple des services de l'aide juridictionnelle, le regroupement des CARPA peut revêtir trois formes :
- la fusion-absorption -à savoir, la transmission du patrimoine d'une ou plusieurs caisses à une autre caisse déjà existante- ;
- la fusion-création -la transmission du patrimoine d'une ou plusieurs caisses se fera au profit d'une caisse nouvelle constituée par délibération commune des conseils de l'ordre- ;
- et, enfin, le regroupement volontaire des avocats de plusieurs barreaux auprès d'une caisse nouvelle ou déjà existante, après dissolution et liquidation des caisses anciennes, ceci, sans aucune transmission du patrimoine.
Comme nous le soulignons dans notre rapport sur le regroupement des CARPA (Le regroupement des CARPA, rapport de madame le Bâtonnier Martine Gout, présenté à l'assemblée générale du 28 novembre 2008), "le choix d'une de ces modalités dépend de la réponse d'ordre politique' apportée par chacun des barreaux concernés par le regroupement à la question de répartition du patrimoine de leur CARPA, la répartition des pouvoirs et la répartition des produits".
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Réf. : Cass. soc., 28 octobre 2009, n° 08-40.457, Société Pfizer PGM, F-P+B (N° Lexbase : A6131EMZ)
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N3676BM4
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par Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale
Le 07 Octobre 2010
Résumé
Un accord d'entreprise ne peut prévoir de différences de traitement entre salariés d'établissements différents d'une même entreprise exerçant un travail égal ou de valeur égale, que si elles reposent sur des raisons objectives dont le juge doit contrôler concrètement la réalité et la pertinence. Le conseil de prud'hommes a fait ressortir que le choix des partenaires sociaux de priver un certain nombre de salariés du site de Val-de-Reuil du bénéfice de la prime anniversaire aux fins de permettre au plus grand nombre de salariés des autres établissements de bénéficier sans délai de la plupart des avantages issus de l'accord cadre, choix que l'employeur justifiait par l'insuffisance de ses capacités financières, ne reposait sur aucune explication objective relative à la situation des salariés, propre à justifier les différences de traitement constatées entre les salariés de l'établissement de Val-de-Reuil et ceux affectés dans les autres établissements de l'entreprise. |
I - Sort des différences de traitement entre salariés appartenant à la même entreprise
Il est acquis, depuis 1999, que des différences de traitement entre salariés appartenant à une même entreprise peuvent s'expliquer par la variété des accords d'établissements. La Cour de cassation a toutefois précisé, à partir de 2004, que ces différences devaient être justifiées par les particularités de ces établissements tenant soit aux zones géographiques dans lesquelles ils sont implantés, soit aux sujétions particulières liées à la nature de l'activité (4), compte tenu de la nature des avantages en cause.
Par ailleurs, s'est posée, à plusieurs reprises, la question de la possibilité de justifier des différences de traitement par les difficultés économiques rencontrées par l'employeur. Ces tentatives ont toutes échoué, la Cour de cassation n'étant jamais convaincue de savoir en quoi les difficultés économiques devraient être supportées par certains salariés et pas par d'autres (6).
Ce sont ces principes qui se trouvent appliqués ici, dans une nouvelle affaire intéressant des salariés de la société Pfizer, au sein de laquelle un accord-cadre était intervenu en 2004 concernant son Groupe Pfizer en France, qui prévoyait, notamment, le bénéfice d'une prime anniversaire d'entrée dans le groupe pour les salariés justifiant d'une certaine ancienneté. Cet accord cadre renvoyait, en outre, pour sa mise en oeuvre, à un calendrier, qui devait être négocié dans chaque société ; l'accord intervenu le 30 novembre 2004 au sein de la société Pfizer PGM disposait que la prime anniversaire d'entrée dans le groupe serait applicable à compter du 1er mois suivant la date de signature de l'accord, à l'exception de l'établissement de Val-de-Reuil, pour lequel la date d'application était fixée au 1er décembre 2005. Un certain nombre de salariés de l'établissement de Reuil, dont la date anniversaire d'entrée dans le groupe était antérieure au 1er décembre 2005, ont saisi le conseil de prud'hommes de Louviers en paiement de cette prime anniversaire en se prévalant, notamment, du principe "à travail égal, salaire égal", et ont obtenu gain de cause, ce que contestait, ici, l'entreprise dans le cadre de son pourvoi.
Le pourvoi est rejeté et le jugement confirmé. Après avoir indiqué "qu'un accord d'entreprise ne peut prévoir de différences de traitement entre salariés d'établissements différents d'une même entreprise exerçant un travail égal ou de valeur égale que si elles reposent sur des raisons objectives dont le juge doit contrôler concrètement la réalité et la pertinence", la Haute juridiction relève "que le conseil de prud'hommes, qui n'était pas tenu de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a fait ressortir que le choix des partenaires sociaux de priver un certain nombre de salariés du site de Val-de-Reuil du bénéfice de la prime anniversaire aux fins de permettre au plus grand nombre de salariés des autres établissements de bénéficier sans délai de la plupart des avantages issus de l'accord cadre, choix que l'employeur justifiait par l'insuffisance de ses capacités financières, ne reposait sur aucune explication objective relative à la situation des salariés, propre à justifier les différences de traitement constatées entre les salariés de l'établissement de Val-de-Reuil et ceux affectés dans les autres établissements de l'entreprise".
La solution n'est guère surprenante, compte tenu des termes de la jurisprudence actuelle. On relèvera, d'ailleurs, que la défense de l'employeur, même devant la Cour de cassation, était des plus maladroites, puisque ce dernier tentait de justifier le différé d'entrée en vigueur de la prime dans l'établissement incriminé par l'existence de l'accord d'établissement l'ayant prévu et sur la justification économique de cet étalement dans une entreprise en proie à des difficultés économiques. Or, l'employeur n'expliquait nullement pourquoi les salariés de cet établissement devaient attendre pour bénéficier de la prime, le cas échéant, compte tenu des difficultés de cet établissement ou de sa situation particulière. Comme nous avons déjà eu l'occasion de le dire, l'existence de difficultés économiques est susceptible de justifier le niveau de rémunération des salariés de l'entreprise, mais pas une différence de traitement, sauf à établir un lien direct, établissement par établissement, entre la situation économique de l'établissement et le sort des salariés, ce qui n'avait pas été le cas ici.
II - L'absence d'autonomie des partenaires sociaux au sein des établissements
La solution adoptée semble extrêmement restrictive puisqu'en affirmant que la différence de traitement "ne reposait sur aucune explication objective relative à la situation des salariés, propre à justifier les différences de traitement constatées entre les salariés de l'établissement de Val-de-Reuil et ceux affectés dans les autres établissements de l'entreprise", la Cour semble exclure que des justifications puissent relever non pas de la "situation des salariés", mais bien de la "situation de l'établissement", comme nous l'avons indiqué.
L'arrêt repose donc, une nouvelle fois, la question du contrôle judiciaire sur les justifications avancées aux différences de traitement, lorsque celles-ci résultent d'un accord collectif. Si, en effet, le juge apparaît comme le seul rempart face au pouvoir unilatéral de l'employeur, la situation est bien différente lorsque les différences de traitement résultent d'un accord collectif où les partenaires sociaux ont nécessairement étudié la question de la justification et de l'opportunité des différences de traitement introduites. Est-il, dans ces conditions, souhaitable que le juge substitue totalement son appréciation à la leur, hormis les hypothèses de violation flagrante du principe "à travail égal, salaire égal" ? Nous ne le croyons pas et souhaitons vivement que la Cour de cassation réduise son contrôle des conventions collectives à un seul contrôle de l'erreur manifeste et se rapproche, ainsi, du type de contrôle qu'exerce le Conseil constitutionnel sur la loi (8).
La solution montre, ainsi, la différence qui existe entre le pouvoir des partenaires sociaux, au sein de l'entreprise, et ceux dont ils disposent dans le cadre de la négociation d'établissement. Lorsqu'ils négocient au niveau de l'entreprise, les partenaires sociaux sont, en effet, libres d'accorder, ou non, au personnel certains avantages et ce, y compris si, au sein du groupe ou du réseau, toutes les entreprises n'en bénéficient pas, dans la mesure où le principe "à travail égal, salaire égal" ne s'applique qu'aux salariés appartenant à une même entreprise (9) et ce, même si un accord de groupe existe (10). Lorsqu'ils négocient au niveau de l'établissement, les partenaires sociaux bénéficient d'une autonomie conventionnelle moindre dans la mesure où, même si cette possibilité résulte des termes mêmes de l'accord d'entreprise, ils ne peuvent se désolidariser des autres établissements de l'entreprise sans une bonne raison, et ne peuvent donc, si les salariés de ces établissements sont dans une situation identique et si l'établissement ne présente pas par ailleurs de caractéristiques particulières, inscrire leur accord dans l'ensemble, sauf à voir les salariés obtenir gain de cause en justice.
Décision
Cass. soc., 28 octobre 2009, n° 08-40.457, Société Pfizer PGM, F-P+B (N° Lexbase : A6131EMZ) Irrecevabilité partielle et rejet CPH Louviers, sect. industrie, 8 novembre 2007 Textes concernés : principe "à travail égal, salaire égal" Mots clef : rémunération ; principe "à travail égal, salaire égal" ; différence de traitement ; justification ; établissements distincts Lien base : (N° Lexbase : E0721ETU) |
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Réf. : Cass. soc., 28 octobre 2009, n° 08-43.251, Mme Nicole Depoilly, F-P+B (N° Lexbase : A6166EMC)
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N3678BM8
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par Sébastien Tournaux, Maître de conférences à l'Université Montesquieu - Bordeaux IV
Le 07 Octobre 2010
Résumé
L'initiative de la saisine du médecin du travail appartient normalement à l'employeur dès que le salarié, qui remplit les conditions pour en bénéficier, en fait la demande et se tient à sa disposition pour qu'il y soit procédé. Le refus de l'employeur s'analyse en un licenciement. |
I - Rappel et précisions quant au refus d'organiser la visite médicale de reprise du salarié
Lorsque le salarié a été absent de l'entreprise en raison de son état de santé, il bénéficie parfois d'un examen de reprise du travail par le médecin du travail. Les situations ouvrant droit à cette visite sont énumérées par l'article R. 4624-21 du Code du travail ([LXB=L3918IA]).
L'exigence d'une telle visite de reprise revêt une importance fondamentale aux yeux de la Cour de cassation, qui rattache cette modalité à l'obligation de sécurité de résultat dont l'employeur a la charge (2).
Pour autant, la Cour de cassation n'a jamais été hostile à ce que le salarié puisse, de lui-même, prendre l'initiative de cette visite médicale de reprise (3). Manifestation d'une exécution loyale du contrat de travail, la faculté laissée au salarié de prendre l'initiative de suppléer la carence de l'employeur doit être saluée, même s'il demeure indispensable qu'elle ne dégénère pas en abus (4).
Si la Cour de cassation permet donc au salarié de prendre l'initiative de la visite de reprise, cela ne signifie pas pour autant que l'employeur soit dédouané de son obligation. La visite de reprise relève normalement de son initiative. L'employeur qui manque à cette obligation peut être diversement sanctionné.
D'abord, la Cour de cassation considère que ce manquement cause nécessairement un préjudice au salarié (5). L'emploi de cette formule n'est pas anodin puisque les juges du fond ne pourront refuser aux salariés qui le demandent une indemnisation du préjudice subi du fait de l'inaction de l'employeur.
Ensuite, la Haute juridiction juge que l'absence d'initiative de l'employeur ouvre la possibilité pour le salarié de prendre acte de la rupture de son contrat de travail (6). Elle tempère tout de même cette sanction en jugeant qu'un simple retard dans l'organisation de la visite ne comporte pas une gravité suffisante pour justifier la prise d'acte (7). C'est au sujet des effets de l'absence de visite médicale de reprise sur la rupture du contrat de travail qu'était saisie la Cour de cassation dans l'espèce commentée.
Une secrétaire avait été placée en arrêt maladie pendant près de trois ans. La maladie semblait relativement grave puisque la salariée fit l'objet d'un classement en invalidité de 2ème catégorie par la Sécurité sociale (8). Deux mois après la fin de son arrêt de travail, la salariée demandait à son employeur d'organiser la visite médicale de reprise, demande à laquelle l'employeur répondit qu'il organiserait la visite lorsque la salariée aurait repris le travail. A la suite de ce refus, la salariée saisit le juge prud'homal d'une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur.
La cour d'appel saisie du dossier rejette les demandes de la salariée. La cour juge que, tant que la reprise effective du travail n'a pas eu lieu et que la visite de reprise n'a pas été effectuée au plus tard dans le délai de huit jours après la reprise du travail, le contrat de travail demeure suspendu. Or, les juges du fond constatent que l'employeur n'avait pas refusé l'organisation de la visite de reprise, mais l'avait conditionnée à la reprise effective du travail par la salariée. Dans ces conditions, l'absence de reprise du travail était imputable à la salariée et non à l'employeur.
Cette solution est cassée par la Cour de cassation aux visas, d'une part, des articles L. 1132-1 (N° Lexbase : L6053IAG) et L. 1132-2 (N° Lexbase : L0676H9W) du Code du travail, relatifs à la rupture du contrat de travail et, d'autre part, des articles R. 4624-21 (N° Lexbase : L3918IAD) et R. 4624-22 (N° Lexbase : L3915IAA) du Code du travail, relatifs aux conditions de la visite médicale de reprise. Au soutien de cette cassation, la Cour estime que "si, en cas de carence de l'employeur, le salarié peut solliciter lui-même la visite de reprise à condition d'en aviser au préalable l'employeur, l'initiative de la saisine du médecin du travail appartient normalement à l'employeur dès que le salarié qui remplit les conditions pour en bénéficier en fait la demande et se tient à sa disposition pour qu'il y soit procédé". Par conséquent, "le refus de l'employeur s'analyse en un licenciement".
Outre ce rappel, selon lequel le refus de l'employeur d'organiser la visite de reprise permet au salarié d'obtenir la rupture aux torts de l'employeur, l'arrêt apporte quelques précisions sur le moment auquel l'employeur doit prendre l'initiative d'organiser la visite médicale de reprise.
L'arrêt apporte des précisions quant au moment auquel l'employeur doit organiser l'examen du salarié par le médecin du travail. La Chambre sociale semble imposer à l'employeur de prendre l'initiative de cette reprise "dès que le salarié qui remplit les conditions pour en bénéficier en fait la demande et se tient à sa disposition pour qu'il y soit procédé".
Cette formule générale implique d'abord que le salarié remplisse les conditions pour bénéficier de la visite de reprise. Il s'agit là d'un renvoi implicite à la liste des situations prévues par l'article R. 4624-21 du Code du travail. A partir du moment où le salarié n'est plus indemnisé par la Sécurité sociale et que l'arrêt de travail répondait aux causes et aux durées prévues par le texte, le salarié peut faire la demande de bénéficier de la visite de reprise.
Il faut, ensuite, que le salarié se tienne à la disposition de l'employeur pour qu'il soit procédé à cette visite. Ici, rien de nouveau, puisque le respect de l'obligation de subir une visite médicale de reprise s'impose depuis toujours au salarié aussi bien qu'elle s'impose à l'employeur (9). Il est donc normal que l'employeur ne soit pas tenu d'organiser la visite si le salarié refuse de s'y soumettre.
Enfin, il faut que le salarié fasse la demande à l'employeur d'organiser la visite médicale de reprise. Cette solution permettra d'alléger quelque peu l'obligation de l'employeur qui ne pourra être condamné pour s'être abstenu d'organiser la visite de reprise si le salarié ne lui en a pas fait la demande. Pourtant, cette solution n'allait pas de soi puisque la Cour de cassation a toujours jugé que l'initiative de la visite médicale incombait à l'employeur (10), qui devait tout mettre en oeuvre pour qu'elle soit assurée (11). D'une certaine manière, l'initiative de l'organisation de la visite de reprise pourrait, désormais, être partagée : le salarié demande à l'employeur de l'organiser, l'employeur l'organise. Cette précision nous paraît justifiée car l'employeur n'est pas censé être informé que le salarié est disposé à reprendre son travail. Cependant, elle introduit un élément de complexité supplémentaire dans le régime de l'initiative de la visite de reprise, complexité encore amplifiée par l'argumentation adoptée par la Cour de cassation.
II - Refus d'organiser la visite médicale de reprise du salarié : une argumentation complexe
Il convient d'abord de remarquer que la Cour de cassation se prononce extra petita sur la faculté du salarié de prendre l'initiative de la visite médicale, ainsi que sur l'incidence d'un classement en invalidité d'un salarié sur la tenue de la visite médicale de reprise. En effet, ces questions n'avaient pas été soumises à la Cour par le demandeur au pourvoi.
La Cour rappelle pourtant que "le classement d'un salarié en invalidité 2ème catégorie par la Sécurité sociale ne dispense pas" l'employeur d'organiser la visite médicale de reprise. Elle confirme également qu'"en cas de carence de l'employeur, le salarié peut solliciter lui-même la visite de reprise à condition d'en aviser au préalable l'employeur". Répondant à des questions qui ne lui étaient pas posées, la Cour de cassation se prononce donc par obiter dicta. Ces obiter dicta sont d'une nature particulière, puisqu'ils n'annoncent aucun changement de jurisprudence à venir, comme cela est parfois le cas (12). Au contraire, ils reprennent soigneusement des solutions déjà bien établies. Que faut-il comprendre ?
Ces rappels opérés par la Chambre sociale peuvent être compris comme manifestant une volonté de sa part de systématiser les solutions rendues en matière de visite médicale de reprise. En effet, le régime juridique de cette visite médicale est essentiellement jurisprudentiel et a été construit par petites touches successives par la Cour de cassation. Face aux hésitations et aux turbulences qui se manifestent encore fréquemment devant les juridictions du fond sur ces questions, la Cour de cassation réaffirme sa "doctrine" dans l'espoir d'une stabilisation des contentieux au fond.
Pour autant, ces rappels ne paraissent pas très heureux au moment où la Cour semble indiquer que le salarié doit prendre l'initiative de demander à l'employeur d'organiser la visite de reprise. Il aurait paru plus clair de limiter l'argumentation de la Cour au principe selon lequel l'employeur a la charge d'organiser cette visite et de s'abstenir de mentionner l'exception permettant au salarié de prendre lui-même l'initiative de contacter le médecin du travail.
Ensuite, la Cour de cassation confirme une position qu'elle adopte depuis longtemps déjà. En refusant que l'employeur puisse conditionner la visite médicale à la reprise effective du travail, elle juge implicitement que la visite de reprise doit intervenir avant la reprise du travail.
L'argumentation peut, de prime abord, paraître bien sévère. En effet, si l'on analyse les faits, on s'aperçoit que l'employeur n'avait pas formellement refusé de prendre l'initiative d'organiser la visite médicale du salarié, mais l'avait simplement conditionnée à la reprise effective du travail par la salariée. A moins de considérer que la condition adjointe était irréalisable, l'acceptation sous condition ne doit pas être considérée comme constituant un refus. La Cour de cassation considère, malgré tout, que l'employeur avait refusé d'organiser la visite.
En réalité, la Cour de cassation réitère seulement une position qu'elle adopte depuis toujours. Pour la Chambre sociale, seule la visite médicale de reprise met fin à la suspension du contrat de travail (13). Dans ces conditions, le travail ne devrait pas reprendre tant que la visite n'a pas eu lieu puisque le contrat est toujours suspendu. Dans la mesure où le travail ne peut pas reprendre avant la visite, la condition posée par l'employeur était une condition impossible, si bien que son acceptation conditionnée pouvait être interprétée comme un refus.
Là encore, il aurait été autrement plus simple d'affirmer que l'employeur ne peut conditionner l'organisation de la visite à la reprise effective du travail. Pour autant, une formule si simple ne pouvait que difficilement être adoptée tant elle se heurte frontalement à la lettre de l'article R. 4624-22 du Code du travail.
La Cour de cassation adopte implicitement une position contra legem, puisque l'article R. 4624-22 du Code du travail impose que "cet examen a[it] lieu lors de la reprise du travail et au plus tard dans un délai de huit jours". La visite médicale ne devrait normalement pas intervenir avant la reprise, mais à partir de la reprise et dans un délai de huit jours. L'interprétation littérale du texte devrait donc permettre à l'employeur de conditionner l'organisation de la visite à la reprise effective du travail par le salarié. Pourquoi la Cour de cassation adopte-t-elle alors une solution contraire ?
La réponse à cette question trouve probablement sa source dans le premier alinéa de l'article R. 4624-22 du Code du travail, lequel dispose que "l'examen de reprise a pour objet d'apprécier l'aptitude médicale du salarié à reprendre son ancien emploi, la nécessité d'une adaptation des conditions de travail ou d'une réadaptation du salarié ou éventuellement de l'une et de l'autre de ces mesures". L'ensemble de ces objectifs ne peut être atteint que si la visite intervient antérieurement ou concomitamment à la reprise. Finalement, l'ambiguïté née de la confrontation des deux alinéas du texte est réglée par une interprétation téléologique : c'est le but de la mesure qui prend le pas sur la lettre du texte.
Si l'on peut admettre une telle interprétation, la situation s'obscurcit à nouveau lorsque l'on constate que, parfois, la Cour de cassation s'accommode du fait que la visite de reprise intervienne dans un délai de huit jours après la reprise du travail. Si cette possibilité demeure envisageable par application de l'article R. 4624-22, elle place, cependant, les parties dans une situation tout à fait surréaliste. En effet, dans ce cas, le contrat de travail du salarié est suspendu alors que le salarié travaille (14) !
Il devient impérieux que des positions plus claires soient adoptées sur cette question. Si l'on peut regretter que l'Ani du 11 septembre 2009 n'assume pas cette mission, il reste à espérer que la loi, qui aura pour mission de transcrire l'accord, se penche sur l'imbroglio de l'initiative de la visite médicale de reprise.
(1) Protocole d'accord sur la modernisation de la médecine du travail du 11 septembre 2009 et nos obs., L'Ani du 11 septembre 2009 : réforme des services de santé au travail et du rôle préventif du médecin du travail, Lexbase Hebdo n° 364 du 24 septembre 2009 - édition sociale (N° Lexbase : N9275BL4).
(2) Cass. soc., 28 février 2006, n° 05-41.555, M. Dany Deprez c/ Société Cubit France technologies, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A2163DNG) et les obs. S. Martin-Cuenot, Vers un principe général de sécurité dans l'entreprise ?, Lexbase Hebdo n° 206 du 16 mars 2006 - édition sociale (N° Lexbase : N5665AKZ), Bull. civ. V, n° 87, JCP éd. S, 2006, 1278, p. 27 ; RDT, 2006, p. 24, obs. B. Lardy-Pélissier. V., également, Cass. soc., 9 janvier 2008, n° 06-46.043, Société G Kubas, F-D (N° Lexbase : A2741D3W) et les obs. de Ch. Radé, L'obligation de sécurité de résultat de l'employeur et la visite médicale de reprise, Lexbase Hebdo n° 290 du 31 janvier 2008 - édition sociale (N° Lexbase : N8489BDR).
(3) Cass. soc., 12 novembre 1997, n° 95-40.632, Mme Garofoli c/ M. Ajdonik (N° Lexbase : A2200AAQ).
(4) C'est pour cette raison que la Chambre sociale a posé les limites d'une telle initiative en imposant au salarié, avant la visite de reprise, de se présenter à son travail et d'avertir l'employeur de l'initiative qu'il s'apprête à prendre. V. Cass. soc., 4 février 2009, n° 07-44.498, M. Jean-François Counil, FS-P+B (N° Lexbase : A9596ECE) et nos obs., Visite médicale de reprise : l'encadrement strict de l'initiative du salarié, Lexbase Hebdo n° 338 du 19 février 2009 - édition sociale (N° Lexbase : N5655BIB).
(5) Cass. soc., 10 octobre 1995, n° 91-45.647, Société Canjaere, société de traitement des bois par injection sous pression, société anonyme c/ Mme Francine André, venant aux droits de M. Jean André (N° Lexbase : A0834AA7).
(6) Cass. soc., 18 janvier 2000, n° 96-45.545, Mme Taiclet c/ Société Jullien (N° Lexbase : A4672AG7).
(7) Cass. soc., 16 mai 2007, n° 06-41.468, M. Matthieu Wiel, F-D (N° Lexbase : A2642DWR).
(8) Un tel classement en invalidité ne dispense pas l'employeur d'organiser la visite médicale de reprise, v. Cass. soc., 30 janvier 1991, n° 87-41.967, Mme Brudner c/ M Caminati (N° Lexbase : A4074AGY).
(9) Cass. soc., 17 octobre 2000, n° 97-45.286, M. Denis Nisi c/ Société Bata Hellocourt, société anonyme (N° Lexbase : A9274ATN).
(10) Cass. soc., 12 mars 1987, n° 84-43.003, Entreprise Leveaux c/ Mme Boggio Bernier (N° Lexbase : A1611ABB).
(11) Cass. soc., 26 janvier 2005, n° 03-40.893, Société Artisanat Toiture Vigneron c/ M. Grégory Novack, F-P+B (N° Lexbase : A3064DGL).
(12) L'obiter dictum est souvent considéré comme un moyen d'anticiper les revirements de jurisprudence. V. Ch. Mouly, Comment rendre les revirements de jurisprudence davantage prévisibles ?, LPA, 18 mars 1994, n° 33, p. 15.
(13) Cass. soc., 16 mai 2000, n° 98-42.942, M. Walpole c/ Société Paul Bergeroux (N° Lexbase : A8753AHN).
Décision
Cass. soc., 28 octobre 2009, n° 08-43.251, Mme Nicole Depoilly, F-P+B (N° Lexbase : A6166EMC) Cassation, CA Amiens, ch. soc., 28 mai 2008 Textes visés : C. trav., art. L. 1231-1 (N° Lexbase : L8654IAR) ; L. 1232-2 (N° Lexbase : L1075H9P) ; R. 4624-21 (N° Lexbase : L3918IAD) et R. 4624-22 (N° Lexbase : L3915IAA) Mots-clés : maladie du salarié ; visite médicale de reprise ; initiative de la visite ; refus de l'employeur ; sanction Lien base : (N° Lexbase : E3227ETP) |
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Réf. : TGI Angers, 8 octobre 2009, n° 09/00568, Monsieur Pascal O., Madame Isabelle C., épouse O. c/ Monsieur le Préfet de Maine-et-Loire (N° Lexbase : A5217EM8)
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par Adeline Gouttenoire, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directrice de l'Institut des Mineurs de Bordeaux
Le 07 Octobre 2010
Mesure in futurum. La demande des grands-parents consiste seulement, au moins dans un premier temps, à obtenir, en référé, une mesure d'instruction in futurum, plus précisément, un examen comparé des sangs sur le fondement de l'article 145 du Code de procédure civile. Ce texte permet d'obtenir d'un juge des référés qu'il ordonne une mesure d'instruction pour établir des faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige à venir. Reprenant une jurisprudence bien établie, le tribunal de grande instance d'Angers rappelle que la seule condition pour obtenir une mesure d'instruction in futurum réside dans la possibilité d'un procès, c'est-à-dire que celui-ci puisse au moins être envisagé, et dans la nécessité "d'établir ou de conserver la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution du litige".
Le procès envisagé : le recours contre l'arrêt d'admission en qualité de pupille de l'Etat. Il ne s'agissait évidemment pas, comme tente de le faire croire le préfet de Maine-et-Loire, d'une action en établissement de la filiation de l'enfant réservée au seul enfant et pour laquelle les grands-parents n'ont pas qualité pour agir. En l'espèce, la procédure envisagée par les grands-parents de l'enfant est celle dont l'objet est de contester l'admission de leur petite-fille en qualité de pupille de l'Etat, et donc sa qualité d'enfant adoptable. Cette admission résulte d'une procédure administrative à l'issue de laquelle le président du Conseil général prend cette décision par arrêté. Pour les enfants appartenant aux quatre premières catégories de l'article L. 224-4 du Code de l'action sociale et des familles (N° Lexbase : L5359DKP), dont les enfants sans filiation ou dont la filiation est inconnue, l'admission se déroule en deux étapes : l'article L. 224-5 du même code (N° Lexbase : L5361DKR) prévoit qu'un procès-verbal est d'abord établi lors du recueil de l'enfant à la date duquel l'enfant est déclaré pupille de l'Etat à titre provisoire (2). Le délai de deux mois pendant lequel la mère peut obtenir restitution de l'enfant de plein droit court à partir de cette date. Et ce n'est qu'à l'issue de ce délai que l'admission de l'enfant en qualité de pupille de l'Etat devient définitive. L'article L. 224-8 du Code l'action sociale et des familles (N° Lexbase : L5365DKW) prévoit un recours contre l'admission de l'enfant en qualité de pupille de l'Etat qui est subordonné à certaines conditions de qualité et de délai pour agir, lesquelles devaient être satisfaites pour que le procès susceptible d'être envisagé ne soit pas voué à l'échec.
Le délai pour agir. Clairement affirmée par l'article L. 224-8 du Code l'action sociale et des familles la durée du délai pour agir de trente jours n'est pas en elle-même discutable. C'est la détermination du point de départ de ce délai qui n'est pas claire ou qui, du moins, est discutée. Dans l'affaire ayant donné lieu à la décision commentée l'enfant née en juin 2009 a fait l'objet d'une admission en qualité de pupille de l'Etat le 14 août. Les grands-parents, pensant que la recevabilité de leur action en contestation de l'arrêté exigeait qu'ils établissent leur lien avec l'enfant, ont attendu pour agir. Si l'on considère que le délai de trente jours court à compter de la date de l'arrêté, ce que semble indiquer les termes du texte, l'action des grands-parents visant à contester celui-ci est prescrite. Dans ce cas, le procès envisagé par les grands-parents, à l'appui de leur demande d'expertise, n'a aucune chance d'aboutir et le juge des référés ne peut ordonner la mesure. Toutefois, le tribunal a considéré que "le recours contre l'arrêté n'est pas manifestement irrecevable, pour n'avoir pas été introduit dans le délai d'un mois dès lors qu'il n'est pas douteux que ce délai ne peut commencer à courir que du jour de la notification dudit arrêté et qu'il est constant, pour n'être pas contesté, qu'il ne l'a pas été aux époux O.". Très favorable aux grands-parents, ce raisonnement n'en comporte pas moins un risque pour l'enfant puisqu'il permet finalement la remise en cause à tout moment de l'arrêté, et donc de toute la procédure d'adoption qui pourrait s'en suivre. Si l'on considère en effet, avec la Cour européenne des droits de l'Homme, qu'il est de l'intérêt d'un enfant abandonné de trouver le plus rapidement possible une famille de substitution (3), il n'est pas certain que la possibilité de remettre en cause pendant une longue période son statut de pupille de l'Etat et donc sa qualité d'enfant adoptable soit une solution opportune. Il est, en effet, probable que l'arrêté ne soit notifié qu'aux personnes dont les autorités compétentes connaissent l'existence. Or, la liste des personnes pouvant intenter un recours contre cette décision est relativement longue et un certain nombre d'entre elles peut ne pas être connu des services sociaux. Il reste qu'en l'espèce, il n'en allait vraisemblablement pas ainsi des demandeurs qui étaient venus voir la mère et l'enfant à la maternité. Les services sociaux, sans aucun doute, avertis de cette visite, aurait pu leur notifier l'arrêté. L'argument selon lequel la mère avait accouché dans le secret ne pouvait justifier qu'ils ne l'aient pas fait puisque la mère elle-même avait levé le secret en demandant à ses parents de venir la voir et de voir l'enfant.
La qualité pour agir. Le préfet de Maine-et-Loire a raison d'affirmer que la demande d'expertise des grands-parents devant le juge des référés "tend en réalité à leur reconnaître une qualité pour agir" ; mais l'action envisagée n'a pas pour objet, comme il l'affirme, d'établir une filiation, mais de contester l'arrêté d'admission de l'enfant en qualité de pupille de l'Etat. Outre les parents en effet, figurent parmi les personnes susceptibles d'intenter ce recours, "en l'absence d'une déclaration judiciaire d'abandon ou d'un retrait total de l'autorité parentale", ce qui était le cas en l'espèce, les alliés de l'enfant, que n'étaient pas juridiquement les grands-parents, ou "toute personne justifiant d'un lien avec lui, notamment pour avoir assuré sa garde, de droit ou de fait et qui demandent à en assumer la charge". C'est bien ce lien que les grands-parents, qui n'ont pas assuré la garde de l'enfant, veulent faire établir en recourant à une expertise génétique, sachant qu'ils demandaient à assumer la charge de leur petite-fille.
La preuve et l'appréciation du lien. Les juges angevins, selon un raisonnement audacieux mais difficilement contestable en droit comme en opportunité, admettent que ce lien résulte de la réalité biologique. Ils considèrent, en effet, que "s'il est manifeste que la preuve du lien avec l'enfant [...] n'implique pas celle d'un lien biologique de parenté ou d'un lien juridique de filiation avec lui, elle n'interdit pas celle d'un lien biologique dont il appartiendra à la juridiction saisie d'apprécier le bien fondé et la pertinence dans l'optique de la contestation de l'admission en qualité de pupille". Autrement dit, ce n'est pas au juge des référés de décider avant tout procès si l'existence d'un lien biologique suffit à fonder la qualité pour agir en contestation de l'arrêté d'admission mais au juge du fond, comme l'affirme la décision du 8 octobre 2009 selon laquelle "il appartiendra au tribunal de grande instance saisi sur le recours d'apprécier si la preuve de ce lien est apportée et s'il est de l'intérêt de l'enfant de leur en confier la garde à charge de l'organisation d'une tutelle ou toujours dans son intérêt de leur octroyer un droit de visite".
Le juge des référés ne peut que constater que le procès n'est pas totalement voué à l'échec en raison de la possibilité d'un lien, qui demande cependant à être prouvé dans les meilleurs délais, notamment pour qu'il soit statué le plus rapidement possible sur le statut de l'enfant. C'est bien l'objectif de la demande en référé fondée sur l'article 145 du Code de procédure civile qui paraissait donc logiquement recevable. On peut, toutefois, se demander s'il n'y avait pas suffisamment d'éléments pour établir le lien entre l'enfant concerné et les personnes qui demandaient à la prendre en charge sans avoir à recourir à un examen comparé des sangs, qui implique l'établissement d'une vérité biologique quelque peu problématique...
II - L'établissement problématique de la vérité biologique
Exclusion du recours aux empreintes génétiques. Il faut, au préalable, préciser que la demande d'expertise des grands-parents portait sur un examen comparé des sangs et non sur une mesure d'identification de l'enfant par un recours à ses empreintes génétiques. L'article 16-11 du Code civil (N° Lexbase : L8778G8M) restreint, en effet, ce dernier recours aux mesures d'instruction ordonnées par un juge saisi d'une action en établissement ou en contestation d'un lien de filiation ou visant à obtenir des subsides. Faute de qualité pour agir, les grands-parents ne pouvaient évidemment pas intenter une telle action. Le juge des référés ne pouvait donc pas ordonner une mesure portant sur les empreintes génétiques. Il pouvait, en revanche, ordonner un examen comparé des sangs qui n'est pas, ce qui pourrait d'ailleurs être contesté, soumis au même régime restrictif.
Etablissement du lien biologique. L'examen comparé des sangs établira vraisemblablement le lien de parenté biologique entre l'enfant et les demandeurs et, par conséquent, entre l'enfant et la fille de ces derniers, réduisant à néant les efforts de cette dernière pour que l'enfant ne lui soit rattaché ni en fait, ni en droit. En fait tout d'abord. En appelant ses parents à son chevet à la maternité, la jeune mère a, elle-même, levé le secret sur son accouchement et peut difficilement prétendre ensuite imposer sa volonté que n'existe aucun lien entre son enfant et ses parents. En abandonnant l'enfant sans établir de filiation à son égard elle renonce à exercer des droits sur lui, y compris celui de décider si oui ou non il doit avoir des liens avec ses grands-parents biologiques. En droit ensuite. En levant le secret sur son identité, et compte tenu de la suppression -d'ailleurs fortement critiquable- de la fin de non-recevoir à l'action en recherche de maternité par la loi de ratification de 2009 (loi n° 2009-61 du 16 janvier 2009, ratifiant l'ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005, portant réforme de la filiation et modifiant ou abrogeant diverses dispositions relatives à la filiation N° Lexbase : L5763ICG), la mère s'expose à une action en recherche en maternité de l'enfant qui, du fait de l'action des grands-parents, connaîtra l'identité de sa mère même si, comme le relève le tribunal, l'enfant "restera libre d'exercer ou non l'action en établissement de sa filiation". On peut s'en réjouir ou le regretter... mais en tout état de cause ce n'est pas au juge des référés d'en décider et comme le note le tribunal "l'attitude ambigüe de mère d'Héléna, ne doit pas être occultée" !
(1) Cass. civ. 1, 8 juillet 2009, n° 08-20.153, M. X, FS-P+B+I (N° Lexbase : A7497EII), et nos obs., Pour qu'il y ait des grands-parents, il faut des parents..., Lexbase Hebdo n° 359 du 16 juillet 2009 - édition privée générale (N° Lexbase : N0027BLL).
(2) C. act. soc. fam., art. L. 224-6 (N° Lexbase : L5362DKS).
(3) CEDH, 10 janvier 2008, Req. 35991/04, Kearns c/ France (N° Lexbase : A2492D3P) et nos obs., Le consentement de la femme qui accouche sous X doit être libre et éclairé, Lexbase Hebdo n° 297 du 18 mars 2008 - édition privée générale ({"IOhtml_internalLink": {"_href": {"nodeid": 3189998, "corpus": "reviews"}, "_target": "_blank", "_class": "color-reviews", "_title": "[Jurisprudence] Le consentement de la femme qui accouche sous X doit \u00eatre libre et \u00e9clair\u00e9", "_name": null, "_innerText": "N\u00b0\u00a0Lexbase\u00a0: N4397BEL"}}).
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Réf. : Cass. com. 29 septembre 2009, n° 08-16.368, Mme Jennifer Bertrand, épouse Cabanne, agissant tant en son nom personnel qu'au nom et pour le compte de ses enfants mineurs, Elora et Florian Cabanne,F-P+B (N° Lexbase : A5844ELZ)
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par Jean-Baptiste Lenhof, Maître de conférences à l'ENS - Cachan Antenne de Bretagne, Membre du centre de droit financier de l'Université de Paris I (Panthéon-Sorbonne)
Le 07 Octobre 2010
Abstract
L'absence d'agrément n'ayant pas permis la transmission des parts sociales d'un GAEC aux ayants droit d'un associé décédé, ces derniers ne peuvent être contraints, par des stipulations statutaires, à présenter un projet de cession aux associés survivants. |
I - La mise en oeuvre des clauses statutaires du GAEC en cas de décès d'un associé
Usant de la possibilité offerte par l'article 1870-1 du Code civil de réserver au groupement le pouvoir d'agréer les héritiers ou légataires de l'associé décédé, les statuts du GAEC (A) avaient utilisé cette faculté, à l'appui d'un ensemble de stipulations prévoyant, en particulier, les conditions de rachat des parts en cas de refus d'agrément. C'est ainsi que le groupement, soulevant l'absence de respect par les héritiers des procédures prévues dans les statuts, avait pu refuser le remboursement de la valeur de leurs parts (B).
A - Des dispositions statutaires supplétives de l'article 1870-1 du Code civil
A la suite du décès de M. C., associé d'un groupement agricole d'exploitation en commun (le GAEC), ses héritiers -en la personne de son épouse Mme B. représentant leurs deux enfants mineurs- obtiennent, en référé, la désignation d'un expert chargé de déterminer la valeur des parts sociales dépendant de la succession. L'expert établit, alors, leur valeur au jour du décès de M. C., à la somme de 109 760 euros. Mme B. n'ayant pas manifesté son souhait de devenir associée du groupement, aucune délibération n'intervient dans le délai de 6 mois prévu à l'article 10.2 1° des statuts, le GAEC se prononçant, toutefois, par une décision plus de 6 mois après le décès, contre l'agrément des ayants droit de l'associé.
Madame B., face au refus du GAEC de lui rembourser la valeur des parts, demande en conséquence au premier juge le paiement de la somme litigieuse assortie des intérêts à dater du jour du décès de son époux. Ce dernier ayant rejeté sa demande, la requérante interjette appel devant la cour de Pau qui confirme le jugement, en s'appuyant sur les stipulations des statuts, supplétives des dispositions de l'article 1870-1 du Code civil.
L'analyse des motifs de la cour d'appel fait, toutefois, ressortir que les statuts en cause usaient de la possibilité d'aménager les dispositions légales au titre de deux textes. Le premier est l'article 1870 du Code civil (N° Lexbase : L2067AB8) qui établit que : "la société n'est pas dissoute par le décès d'un associé mais continue avec ses héritiers ou légataires, sauf à prévoir dans les statuts qu'ils doivent être agrées par les associés". Le second est l'article 1870-1 qui prévoit que les héritiers ou légataires qui n'ont pas été agréés "n'ont droit qu'à la valeur des parts sociales de leur auteur. Cette valeur doit leur être payée par les nouveaux titulaires des parts ou par la société elle-même si celle-ci les a achetés en vue de leur annulation". Le jeu de ces deux dispositions entraînait, ainsi, la mise en oeuvre des statuts du groupement.
Ces dernières établissaient, en l'espèce, un ensemble de stipulations relatives au vote des associés survivants. Leur article 9.2 prévoyait, ainsi, que "toute cession de parts, même entre associés, est subordonnée à l'accord unanime des autres associés, donné dans les conditions suivantes : 1. Le cédant notifie au groupement et à chacun de ses coassociés son projet de cession [...] 4. [lorsque le projet de cession] est rejeté, les associés autres que le cédant sont tenus :
- soit d'acquérir eux-mêmes les parts cédées ;
- soit de les faire acquérir par un ou plusieurs tiers agréés à l'unanimité par eux ;
- soit de les faire racheter en vue de leur annulation par le groupement lui-même qui réduit alors d'autant son capital, cette décision étant également prise à l'unanimité".
La cour d'appel motivait donc son refus de faire droit à la demande de remboursement de la valeur des parts par le GAEC, par le constat que ses associés n'avaient pas rejeté le projet de cession et, qu'ainsi, les survivants n'étaient pas tenus de faire racheter les parts par le groupement.
B - Le non-respect de la procédure statutaire d'agrément, argument clé pour le rejet de la demande de remboursement
La décision du juge du fait trouvait, en réalité, un fondement factuel d'importance, en raison du non-respect, par Mme. B., de la procédure initiale d'agrément inscrite dans les statuts. Leur article 10.2 prévoyait, en effet, que "à la requête de tout associé ou de tout ayant droit de l'associé décédé, le ou les associés survivants doivent, dans les six mois du décès, se prononcer sur l'agrément d'un ou de plusieurs ayants droit". Or, comme l'article 9.2 (précité), établissait, par ailleurs, que "le cédant notifie au groupement et à chacun de ses coassociés son projet de cession", il aurait fallu que Mme B., au regard de ces stipulations (2), ait notifié un projet de cession avant le 31 avril 2001. N'ayant pas respecté ce délai, l'application des stipulations précitées, combinées avec celles de l'article 10.3 des statuts, imposaient, donc, à cette dernière, de "proposer un candidat à la reprise des parts", le remboursement de la valeur desdites parts ne pouvant être envisagée, selon le juge d'appel, qu'en cas de refus d'agrément, sur la foi des statuts.
A cette interprétation stricte des stipulations de l'ordre sociétaire, l'auteur du pourvoi opposait une lecture différente. D'une part, elle s'appuyait sur la combinaison des dispositions des articles 1870-1 et 1134 du Code civil et des articles 9.2 et 10.2 des statuts, pour soutenir que "à défaut de décision" dans le délai de 6 mois sus indiqué, le rachat devait être opéré soit par les associés survivants, soit par un tiers, soit par le groupement selon la procédure prévue à l'article 9.2. Cette interprétation s'appuyait, selon toute vraisemblance, autant sur l'économie de l'alinéa 3 de l'article 1134 qui établit que les conventions "s'exécutent de bonne foi" que sur celle de l'article 1870-1, qui pose le principe du remboursement de la valeur des parts pour les héritiers "qui ne deviennent pas associés".
Il demeure que l'application combinée de ces deux textes ne pouvait, en l'espèce, permettre d'écarter ipso facto la mise en oeuvre des stipulations statutaires. D'abord, en raison du caractère supplétif des règles posées aux articles 1870 et 1870-1 du Code civil qui laissent une large part à la mise en oeuvre de l'ordre sociétaire. Ensuite, parce que le refus d'agrément n'ayant pas été matérialisé dans les formes prescrites, Mme. B., comme les héritiers représentés, ne pouvaient véritablement prétendre se voir refuser la qualité d'associé, condition posée par l'article 1870-1, pour pouvoir obtenir le remboursement de la valeur des parts. L'auteur du pourvoi, en conséquence, n'omettait pas de souligner, à ce titre, que les ayants droit de l'associé décédé "n'avaient pas exprimé le désir de faire partie du groupement".
II - L'application des articles 1870-1 et 1134 du Code civil, justifiée par le caractère inopérant des clauses statutaires
L'argument implicite, issu de l'absence de bonne foi du groupement, pouvait-il prospérer ? On aurait pu en douter. Le GAEC, en effet, en invoquant, à l'appui de l'application stricte des stipulations des statuts, l'impossibilité de faire droit à la demande de remboursement, faute pour Mme B. de pouvoir présenter un cessionnaire, ne se trouvait pas véritablement en contradiction, comme l'avait rappelé le juge d'appel dans son arrêt, avec les dispositions de l'article 1870-1 du Code civil. Le juge du droit, cependant, va retenir une solution plus nuancée que celle du juge du fond : tout en faisant porter son visa sur les articles 1870-1 et 1134, il met en lumière l'impossibilité, pour les ayants cause, de faire jouer les clauses statutaires (A), justifiant, de la sorte, que les stipulations des statuts soient écartées pour violation des articles précités. La question se pose, cependant, de la portée de cette décision en raison du particularisme du fonctionnement des GAEC (B).
A - L'impossibilité de mettre en oeuvre les clauses statutaires
Les motifs de la cour d'appel, tout en reconnaissant aux ayants droit la faculté, consacrée par l'article 1870-1 du Code civil, d'obtenir la valeur des parts de leur auteur, avait pu souligner qu'aucun projet de cession n'ayant été proposé aux associés survivant, ces derniers n'avaient pu ni racheter les parts, ni rejeter l'agrément. Ils n'étaient pas, en conséquence, tenus de faire acquérir les parts par le groupement. Confronté à une situation de blocage incontestable, née d'une rédaction imparfaite des statuts, le juge du fait ne faisait ressortir que l'impossibilité, pour le groupement, de mettre en oeuvre les mécanismes légaux ou statutaires.
La réponse de la Chambre commerciale de la Cour de cassation, en revanche, replace la problématique dans la perspective inverse de celle qui avait été retenue par les juges du fond. Alors que ces derniers, en effet, n'envisageaient que la situation de blocage à laquelle le groupement était confronté, le juge du droit va, lui, mettre en évidence l'impossibilité, pour les ayants droit, de mettre en oeuvre ces mêmes statuts afin d'obtenir le remboursement de la valeur des droits sociaux. Il va, ainsi, dans son dernier attendu, casser l'arrêt pour violation des articles 1870-1 et 1134 du Code civil, précisant que la mise en oeuvre des clauses statutaires ne peut "avoir pour effet d'obliger les ayants droit à présenter un projet de cession portant sur des parts qui, en l'absence d'agrément, ne leur ont pas été transmises".
L'inefficacité de l'article 1870-1 est ainsi levée, face aux clauses statutaires, en raison de l'absence de transmission des parts. En tout état de cause, la solution d'espèce tient, sans doute, à l'agencement fort imparfait des statuts examinés, alors qu'en pratique ces groupements recourent habituellement à l'adoption de statuts-types, solution distinguée par le législateur puisque le choix de ce mécanisme, confère aux sociétés civiles le droit d'être reconnue en tant que GAEC (C. rur., art. L. 323-11 N° Lexbase : L9582HDA, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2004-637 du 1er juillet 2004, relative à la simplification de la composition et du fonctionnement des commissions administratives et à la réduction de leur nombre N° Lexbase : L7395D7Z) (3) .
B - Une décision limitée à l'agrément des associés d'un GAEC
L'originalité du fonctionnement de GAEC doit, en effet, conduire à interpréter l'arrêt commenté, et plus encore les décisions des juges du fond, au regard du statut particulier qui est celui des associés de ces groupements. Le GAEC, en tant que société civile, obéit, au demeurant, au droit commun des sociétés civiles, mais il y est apporté des dérogations suffisamment importantes pour faire naître le type de difficultés rencontrées en l'espèce. On soulignera, d'une part, le fort intuitu personae qui caractérise ce type de groupement (par exemple, l'obligation faite aux associés du GAEC de participer au travail au commun ou la disposition de l'article L. 323-2 du Code rural N° Lexbase : L3551G9E, qui établit que le travail en commun doit se faire dans des conditions comparables à celui des exploitations de caractère familial). Cet intuitu personae conduit, ainsi, en pratique, à conditionner l'agrément à un vote unanime. On relèvera d'autre part, que le fonctionnement des GAEC exclut, dans à peu près tous les cas, que des mineurs en deviennent associés, les textes établissant que ces derniers doivent tous participer, dans l'égalité, aux responsabilités de la conduite de l'entreprise (l'article L. 323-1 du Code rural N° Lexbase : L3826AEG prohibe même la constitution de tels groupements avec des mineurs). Il apparaît, enfin, que les ayants droit bénéficient d'un statut particulier puisque l'article R. 323-41 du Code rural (N° Lexbase : L6081AEX) dispose que les héritiers d'un associé décédé participent, jusqu'à la décision d'agrément, aux délibérations de l'assemblée générale, avec les voix dont disposait leur auteur.
Le particularisme de la situation des ayants droit pourrait, donc, permettre de souligner la portée limitée de l'arrêt, la nature particulière du GAEC ayant pu, seule, conduire le juge du droit à anticiper d'éventuels problèmes d'agrément. L'interrogation sur la généralisation éventuelle de la solution retenue dans cet arrêt, renverrait, dès lors, à l'unique question de l'extension de cette solution à des situations équivalentes, nées d'une rédaction perfectible des statuts. Il demeure que l'arrêt, rendu au visa de l'article 1134 du Code civil, semble permettre le recours à la notion de bonne foi, combiné avec d'autres dispositions, l'article 1870-1 du Code civil constituant, en l'espèce, grâce au renforcement que lui confère le renvoi aux dispositions de l'article 1134, un rempart contre l'impossibilité de rembourser la valeur des droits sociaux en application d'une interprétation trop stricte des statuts.
(1) Géorgiques, II, 458-459.
(2) Et à défaut d'une saisine des associés survivants qui ne se prononceront que le 16 décembre 2002, soit 13 mois après le décès de l'associé.
(3) Cf. arrêté du 6 août 1990, portant approbation des statuts types concernant les groupements agricoles d'exploitation en commun, JORF n° 205 du 5 septembre 1990 (N° Lexbase : L9049IEU).
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Réf. : Cass. civ. 2, 2 juillet 2009, n° 08-14.586, M. Charles Rattaire, FS-P+B (N° Lexbase : A5829EIQ)
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N3643BMU
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par Marine Parmentier, Avocat à la cour d'appel de Paris
Le 07 Octobre 2010
Devant la Cour de cassation, l'auteur du pourvoi soutenait notamment que, même si elle est réglementée, la rémunération des avocats n'est pas comprise dans les dépens lorsque leur ministère n'est pas obligatoire, ce qui est le cas devant le tribunal d'instance. Faute de disposition contraire, ce principe devrait être applicable, selon le pourvoi, en toute hypothèse, que l'avocat soit rémunéré par son client ou par l'Etat dans le cadre de l'aide juridictionnelle, alors que l'ordonnance de taxe estimait qu'il n'y avait pas lieu de distinguer là où la loi ne distingue pas. La Cour de cassation rejette le pourvoi.
Elle rappelle qu'aux termes des articles 25 et 43 de la loi du 10 juillet 1991 (N° Lexbase : L8607BBE) et 123 du décret du 19 décembre 1991 (N° Lexbase : L0627ATE), relatifs à l'aide juridique, le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle a droit à l'assistance d'un avocat.
Dès lors que son adversaire est condamné aux dépens, il est tenu de rembourser au Trésor les sommes avancées par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Ces textes :
- n'opèrent aucune distinction entre les dépens, au sens des articles 695 (N° Lexbase : L4893GUR) et suivants du Code de procédure civile, et les autres sommes versées par l'Etat au titre de la rétribution des officiers publics et ministériels, ou au titre de la part contributive à la mission de l'avocat et l'article 695-7° du Code de procédure civile ;
- et ne distinguent pas selon que le ministère d'avocat est ou non obligatoire.
En conséquence, estime la Cour de cassation, la rémunération de l'avocat doit faire partie des sommes que l'adversaire, condamné aux dépens, doit rembourser à l'Etat, et il importe peu, notamment, qu'il s'agisse d'une instance où le ministère d'avocat n'était pas obligatoire.
Cette décision tranche une question sur laquelle les juridictions ont peu souvent l'occasion de statuer, ce qui contribue à son intérêt pratique.
Elle mérite approbation dans la mesure où les textes mettent à la charge de la partie adverse condamnée aux dépens les sommes avancées par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, sans opérer de distinction entre les dépens proprement dits et les autres sommes avancées par l'Etat au titre, notamment de la part contributive à la mission de l'avocat.
D'autant que l'article 695, 7°, du Code de procédure civile, qui prévoit qu'est comprise dans les dépens la rémunération de l'avocat lorsqu'elle est réglementée ne limite pas son champ d'application à la seule hypothèse où le ministère d'avocat serait obligatoire.
Cet arrêt est l'occasion de rappeler les règles encadrant la prise en charge de frais en matière d'aide juridictionnelle.
L'article 24 de la loi du 10 juillet 1991 précise que les dépenses qui incomberaient au bénéficiaire de l'aide juridictionnelle s'il n'avait pas cette aide sont à la charge de l'Etat. Il s'agit, ici, de rendre effectif l'accès à la Justice aux personnes démunies pour que les frais de procédure ne soient pas un obstacle à la possibilité de faire valoir ses droits.
L'article 40 de la loi du 10 juillet 1991 précise que l'aide juridictionnelle concerne tous les frais afférents aux instances, procédures ou actes pour lesquels elle a été accordée. Le bénéficiaire de l'aide est dispensé du paiement, de l'avance ou de la consignation de ces frais.
Les dépositaires publics délivrent gratuitement au bénéficiaire de l'aide juridictionnelle les actes et expéditions nécessaires à la procédure ou à la mesure d'exécution (art. 42).
Qu'il soit demandeur ou défendeur, le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle condamné aux dépens supporte exclusivement la charge des dépens effectivement exposés par son adversaire, sans préjudice des frais non compris dans les dépens, notamment les frais irrépétibles visés à l'article 700 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L2976ADL) (Cass. civ. 3, 3 octobre 1991, n° 90-10.917, Epoux Da Conceicao Silva c/ Copropriété de l'immeuble Le Colombier N° Lexbase : A2951ABW).
Doivent être intégrées dans les dépens le droit proportionnel et le droit fixe (Cass. civ. 2, 2 février 1983, Mme Maurel c/ Société civile et professionnelle Pierre et Philippe Blanc N° Lexbase : A9980C7R).
Le juge peut, toutefois, même d'office, laisser une partie des dépens à la charge de l'Etat (art. 42). En cas de partage des dépens, la part de ceux-ci incombant à l'adversaire du bénéficiaire de l'aide judiciaire est récupérée sur cette partie par l'Etat qui, pour ce qui concerne ses avances, est subrogé dans les droits et actions que le bénéficiaire de l'aide judiciaire possède envers son adversaire et qui, pour le surplus, agit en qualité de mandataire légal des auxiliaires de justice désignés à ce titre (Cass. civ. 2, 12 juillet 1989, n° 88-13.815, Mme Roussen c/ Trésorier -payeur général et autre N° Lexbase : A0059ABS).
Le juge peut, en outre, mettre à la charge du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle, demandeur au procès, le remboursement d'une fraction des sommes exposées par l'Etat autres que la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle des avocats et des officiers publics et ministériels (art. 42).
Lorsque la partie condamnée aux dépens ou la partie perdante ne bénéficie pas de l'aide juridictionnelle, elle est tenue de rembourser au Trésor public les sommes exposées par l'Etat, à l'exclusion des frais de justice criminelle, correctionnelle ou de police (art. 43).
C'est dans ce contexte que s'inscrit la décision commentée : la partie condamnée aux dépens était tenue de rembourser au Trésor public les sommes exposées par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Toutefois, pour des considérations tirées de l'équité ou de la situation économique de cette partie, le juge peut la dispenser totalement ou partiellement de ce remboursement. La demande de partage des dépens ne relève pas de la compétence du juge taxateur (Cass. avis, 13 octobre 1995, n° 09-50.012, M. Reboa et autres N° Lexbase : A3358CHT).
Le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut, en outre, demander au juge de condamner la partie condamnée aux dépens et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle au paiement d'une somme au titre des frais qu'il a exposés.
Le recouvrement des sommes avancées par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle est effectué par le comptable assignataire général au vu d'un état de recouvrement qui est établi et notifié à la personne contre qui les sommes sont à recouvrer par le greffier en chef ou le secrétaire de la juridiction concernée. L'état de recouvrement contient, notamment, le montant des frais avancés par l'Etat et le montant de la part contributive de l'Etat à la mission de l'avocat pour l'instance. Le montant des sommes à recouvrer est exigible le dernier jour du deuxième mois suivant l'envoi de la notification. Dans le mois de la notification, le redevable peut faire une opposition auprès du greffe ou du secrétariat de la juridiction concernée. Le greffier en chef de la juridiction saisie en avise sans délai le comptable assignataire. L'action en recouvrement se prescrit en effet par cinq ans à compter de la décision de justice ou de l'acte mettant fin à la mission d'aide juridictionnelle (art. 44).
L'aide juridictionnelle permet aux gens les plus démunis d'exercer leurs droits en justice, avec le concours gratuit ou partiellement gratuit des auxiliaires de justice. Mais, les sommes ainsi versées ne sont qu'une avance de l'Etat, à charge pour lui d'en recouvrer le montant auprès de la partie perdante si elle n'est pas, elle-même, bénéficiaire de l'aide juridictionnelle. C'est dans ce contexte que s'inscrit cette complexe procédure de recouvrement des sommes avancées par l'Etat, précédemment résumée. Il n'est pas inintéressant d'achever cette présentation par des exemples chiffrés.
Le dispositif de l'aide juridictionnelle se caractérise, en outre, par un accroissement considérable du nombre des admissions depuis 1991 : + 159,5 % (en 2007). Parallèlement, l'enveloppe budgétaire consacrée à cette aide a progressé de 391,3 % entre 1991 et 2006. En 2007, elle représentait 5,2 % des crédits dédiés à la justice avec un montant de 328,7 millions d'euros. Or, en 2005, le montant effectivement recouvré par le Trésor public s'élevait à 11,5 millions d'euros. Ce qui pousse le gouvernement français à réfléchir à une réforme d'envergure de l'aide juridictionnelle (lire, sur ce sujet "Un casse-tête français : la réforme de l'aide juridictionnelle" N° Lexbase : N1645BMU).
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par Daniel Faucher, Consultant au CRIDON de Paris
Le 07 Octobre 2010
Un titre de société peut avoir, individuellement, une valeur substantiellement différente. Ainsi, en matière d'évaluation de titres de sociétés non cotées, un redevable ne peut prétendre invoquer une erreur d'évaluation en faisant uniquement état de la cession antérieure d'un paquet minoritaire alors que, au jour de la transmission, un associé avait engagé des négociations pour l'acquisition des titres à évaluer, acquisition qui lui permettait de devenir majoritaire. Par ailleurs, le juge tire, en matière de garanties des contribuables, toutes les conséquences de la poursuite du dialogue par l'administration, après une première confirmation des redressements
S'il est, en principe, possible d'invoquer une erreur d'évaluation lors de la transmission à titre gratuit de titres non cotés, encore faut-il démontrer cette erreur par la cession de mêmes titres dans des conditions similaires.
Tel n'est pas le cas d'un héritier qui, prétendant avoir commis une erreur lors de la transmission par décès d'une participation importante dans un groupe n° 1 dans la gestion des biens immobiliers. A cette fin, il invoquait la cession, six mois avant le décès, de 464 actions de la même société pour un prix très inférieur à l'évaluation faite dans la déclaration de succession.
Le juge a refusé de considérer l'erreur comme établie pour deux motifs. Le premier étant que la cession invoquée portait sur un volume très inférieur aux 6 494 actions transmises par décès. Le second résidait dans le fait que, juste avant le décès, un associé minoritaire avait mis en place une stratégie d'acquisition du groupe, dont les perspectives d'avenir étaient excellentes.
1. La possibilité de déposer une réclamation fondée sur une erreur d'évaluation
Le redevable qui prétend avoir commis une erreur d'évaluation lors de la transmission à titre gratuit (succession, donation) d'un bien ou pour l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune est en droit de la démontrer (Cass. com., 21 mars 1995, n° 93-16.404, Mme Inge, Christel, dite Ingrid Pividori, épouse de M Eberhard Schulte c/ M. le directeur des services fiscaux du Bas-Rhin et autres N° Lexbase : A3267AYN). Toutefois, la réclamation contenant demande de restitution des droits versés en trop doit intervenir dans le délai prévu à l'article R. 196-1 du LPF (N° Lexbase : L6486AEX) : soit au plus tard le 31 décembre de la deuxième année qui suit le versement de l'impôt, ou, si la découverte de l'erreur résulte d'un évènement postérieur au versement, le 31 décembre de la deuxième année qui suit cet évènement.
2. La difficulté de prouver l'erreur
Pour démontrer l'erreur qu'il aurait commise, le redevable doit s'appuyer sur des éléments antérieurs au fait générateur de l'impôt, soit, en cas de succession, sur des cessions antérieures au décès. Ainsi, il ne peut invoquer un rapport d'expertise établi après le décès, dès lors qu'il n'est pas démontré que l'évaluation du bien avait été faite en se plaçant à la date du décès (Cass. com., 12 mars 2002, n° 99-19.559, F-D N° Lexbase : A2229AY9). S'agissant de l'évaluation de titres de sociétés non cotées, la valeur vénale est appréciée en tenant compte, en priorité, de transactions portant sur des titres de la même société. Au cas particulier, l'héritier invoquait bien une cession de titres intervenue six mois avant le décès. Cependant, un autre critère exigé par le juge pour retenir une cession antérieure n'était pas rempli, à savoir le fait que la transaction antérieure doit présenter des conditions équivalentes à la transmission pour laquelle l'erreur d'évaluation est invoquée. En effet, la transaction antérieure concernait 464 titres, soit 15 fois moins que la transmission par décès. Au contraire, le juge a retenu, pour valider l'évaluation faite par l'héritier, que quatre mois après le décès, ce dernier avait cédé les titres qui lui restait pour la même valeur que celle mentionnée dans la déclaration de succession. Pour justifier cette analyse, le juge relève que le prix auquel les actions avaient été cédées n'était que l'aboutissement de négociations engagées avant le décès, d'autant plus que l'acquéreur était déjà "monté" dans le capital de la société à la faveur d'acquisitions antérieures.
La Haute juridiction vient de confirmer que la prescription de l'action en déchéance du régime de faveur, prévu par l'article 1115 du CGI (N° Lexbase : L6784HW8), subordonné à une obligation de revendre, ne saurait courir avant l'échéance de cette obligation. La prescription longue est applicable quand bien même l'administration aurait refusé au marchand de biens une prorogation du délai pour construire.
Lorsqu'une condition suspensive suspend la perception des droits, ce n'est que l'accomplissement de la condition qui fait naître l'exigibilité des droits afférents à la convention. Par suite le délai de reprise, en principe la prescription longue, ne commence donc à courir qu'à compter du premier jour suivant l'expiration du délai imparti à l'acquéreur pour justifier du respect de l'engagement pris.
1. Point de départ du délai de prescription
L'enregistrement de la convention qui est affecté d'une condition suspensive, ce qui suspend l'exigibilité des droits, ne donne lieu qu'à paiement d'un seul droit fixe. Cet enregistrement ne peut faire courir ni la prescription courte, ni la prescription longue. En effet, les droits de mutation dus ne deviennent exigibles que s'il n'est pas justifié du respect de l'engagement pris. Tel est le cas des acquisitions de terrains à bâtir pour lesquelles les droits ne sont exigibles que s'il n'est pas régulièrement justifié d'une construction dans le délai légal (Cass. com., 3 décembre 2002, n° 01-02.822, Société civile immobilière (SCI) du Moulin c/ Direction des services fiscaux de la Seine-Maritime, F-D N° Lexbase : A1922A4X). De même, dans l'affaire examinée récemment par la Cour, la perception des droits est simplement différée en considération de l'engagement de revente pris par le marchand de biens. En conséquence, la prescription ne court qu'à compter de l'expiration du délai imparti pour tenir l'engagement de revente.
2. Nature de la prescription applicable
C'est, en principe, la prescription sexennale qui court à compter la date d'exigibilité de l'impôt. En effet, l'administration ne pouvant avoir connaissance de l'absence de réalisation de constructions, ou de revente, dans le délai sans effectuer de recherches, les conditions posées pour l'application de la prescription abrégée ne se trouvent pas réunies. Bien entendu, si un acte présenté à la formalité, ou tout autre document connu du service, révèle la réalisation de la condition, l'action en reprise de l'administration tombe sous le coup de la prescription dite "courte" (DA 13 L 1214, 1er juillet 2002, n° 34). Ainsi, jusqu'à présent, lorsqu'un refus a été opposé à une demande de prorogation formulée par l'acquéreur d'un terrain à bâtir, cette décision de refus constituait le point de départ de la prescription abrégée (Cass. com., 15 1992, n° 90-12.522, Balzli c/ M. le receveur principal des impôts de Paris 9ème N° Lexbase : A9625ATN). Cependant, dans son arrêt du 27 octobre 2009, la Cour précise qu'une proposition de rectification ne constitue pas un acte révélateur de l'exigibilité des droits au sens de l'article L. 180 du LPF (N° Lexbase : L8488AE4) faisant courir la prescription abrégée.
Si l'administration n'a pas l'obligation de répondre à de nouvelles observations présentées par le contribuable après une première réponse qui a donné lieu à un maintien des redressements, elle est dans l'obligation de mentionner la possibilité de saisir la commission de conciliation dans l'hypothèse où elle répond à ces secondes observations. Cette décision confirme le strict respect par le juge des garanties que la loi offre aux contribuables objet d'une procédure de rectification.
1. Le principe de la mention obligatoire de la possibilité de saisir la commission de conciliation...
Lorsque l'administration notifie un redressement dans les conditions prévues par l'article L. 57 du LPF (N° Lexbase : L5447H9M), elle invite le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans le délai de trente jours à compter de la réception de la proposition de rectification. Dans l'hypothèse où le service rejette les observations du contribuable, sa réponse doit être motivée. Si le contribuable persiste, ensuite, à contester la position de l'administration, il dispose, alors, d'un délai de 30 jours à compter de la réception de la réponse de l'administration pour demander que le litige soit soumis à l'avis, soit de la commission départementale des impôts, soit de la commission de conciliation (LPF, art. L. 59 N° Lexbase : L5471H9I).
2. ...s'applique lorsque le service répond à de nouvelles observations.
Après le rejet des observations présentées par le contribuable, ce dernier peut adresser au service émetteur des redressements un second courrier dans lequel il fait état de nouveaux arguments pour contester les rappels d'impôts. Aucune disposition légale, ni aucune jurisprudence n'imposent à l'administration de répondre au contribuable. Cependant, dans l'hypothèse où l'agent des impôts y répond et rejette ces nouveaux arguments, la question qui se pose est celle de l'obligation de mentionner la possibilité de saisir la commission compétente. De même, le service peut inviter le contribuable à présenter de nouvelles observations, auxquelles il est tenu, en principe, de souscrire puisqu'il les a sollicitées. Dans cette seconde hypothèse, la question concernant la saisine de la commission se pose également. Or, la Cour de cassation a confirmé la décision de la cour d'appel ayant jugé que, si l'administration n'a pas l'obligation de répondre aux nouvelles observations des contribuables, il lui incombe, si elle demande de nouvelles observations et si elle y répond, de leur rappeler la faculté dont ils disposent de saisir la commission compétente (Cass. com., 23 septembre 2008, n° 07-13.975, FS-P+B N° Lexbase : A4882EA3). Autrement dit, la poursuite facultative des échanges postérieurement à la confirmation des redressements rouvre le délai de saisine de la commission légalement expiré, après un premier rejet de ses observations. Par identité d'analyse, le juge considère que, lorsque le service répond, alors que rien ne l'y oblige, à de nouvelles observations, il doit mentionner la possibilité de saisir la commission compétente. On notera que cette décision peut permettre à un contribuable, qui a laissé passer le délai de saisine après le rejet de ses observations, de voir un nouveau délai s'ouvrir à son profit s'il présente de nouvelles observations et que l'administration y répond. Seul bémol, le Conseil d'Etat écarte cette solution reconnaissant au bénéfice du contribuable la réouverture du délai de saisine de la commission départementale des impôts, lorsque l'intéressé a négligé d'user de cette faculté dans le délai de trente jours suivant la confirmation des redressements (CE 3° et 8° s-s., 28 novembre 2003, n° 243329, SCI Les Louviers II N° Lexbase : A3954DAP). En tout état de cause, la solution retenue par la Cour de cassation, qui privilégie le dialogue et les explications du contribuable, même tardifs, satisfait davantage à l'amélioration des relations entre l'administration et le contribuable que celle qui bloque le dialogue et les garanties trente jours après la réception par le contribuable de l'unique réponse du service confirmant les redressements.
La Haute juridiction précise que le délai spécial de réclamation concernant le cas de redressements ne peut être invoqué lorsque l'administration a, après une procédure de redressement, consenti une remise.
L'article R. 196-3 du LPF (N° Lexbase : L5551G4D), dans le cas où le contribuable fait l'objet d'une procédure de rectification, précise que ce dernier dispose d'un délai égal à celui de l'administration pour présenter une réclamation. Autrement dit, si l'administration peut, dans le délai de trois ans plus l'année en cours procéder à un redressement, le contribuable qui subit ce rappel est en droit, lui, de déposer une réclamation contre l'avis de mise en recouvrement des rappels dans le même délai, c'est-à-dire jusqu'au 31 décembre de la troisième année qui suit.
1. Conditions de mise en oeuvre
Le contribuable ne peut raisonnablement introduire une réclamation dans le délai spécial de l'article R. 196-3 du LPF que s'il y a eu reprise ou redressement. Bien entendu, ce délai spécial ne trouve à s'appliquer qu'à l'égard des impôts et pour les mêmes années au titre desquels le service a engagé la procédure de rectification. En revanche, dès que cette condition est remplie, le délai prévu à l'article R. 196-3 du LPF autorise la contestation tant de l'imposition primitive que de l'imposition complémentaire. Enfin, le point de départ du délai spécial de réclamation a pour point de départ la notification des redressements.
2. Notion de procédure de reprise
La notion de reprise ou de redressement recouvre essentiellement la procédure de rectification contradictoire par laquelle l'administration a effectué un rappel d'impôt. Elle vise, également, les procédures d'imposition d'office, ainsi que les vérifications de comptabilité. Il a, également, été jugé que, lorsque l'administration procède à la réparation d'erreurs commises dans l'établissement des impositions, elle engage une procédure qui doit être regardée comme une procédure de reprise au sens de l'article R. 196-3 du LPF. En revanche, ce qui vient d'être jugé, une décision de dégrèvement, alors même qu'elle prendrait la forme d'une notification de redressements, n'ouvre pas, au bénéfice du contribuable, le délai spécial de réclamation prévu par l'article R. 196-3 du LPF. Au cas particulier, à l'issue de la vérification de comptabilité d'une exploitation viticole, intervenue en 1993, l'administration fiscale avait procédé, dans le cadre de la notification de redressements qui tirait les conséquences de la vérification, à un dégrèvement partiel de l'impôt sur le revenu de l'année 1990 au motif que l'exploitant avait déclaré des valeurs vénales excessives au titre de la taxation de la fraction des plus-values dégagées sur sa part indivise dans la communauté dissoute par le décès de son épouse.
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Réf. : Cass. soc., 27 octobre 2009, n° 08-41.501, Société Foncia République c/ Mme Pascale Barrou, F-P+B (N° Lexbase : A6140EMD)
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N3679BM9
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par Gilles Auzero, Professeur à l'Université Montesquieu - Bordeaux
Le 07 Octobre 2010
Résumé
Ayant relevé que la "clause de clientèle" contenait une interdiction, y compris dans le cas où des clients de l'employeur envisageraient spontanément, en dehors de toute sollicitation ou démarchage, de contracter directement ou indirectement avec l'ancienne salariée, et retenu que dans ce cas, il ne peut être considéré que l'intéressé manque de loyauté à l'égard de son ancien employeur, la cour d'appel en a exactement déduit que cette clause s'analysait en une clause de non-concurrence, illicite car dépourvue de contrepartie financière et non limitée dans le temps et dans l'espace. |
I - Qualification de la clause de non-démarchage
La clause de non-démarchage de clientèle, encore appelée clause de "non-détournement de clientèle" ou, plus simplement et comme en l'espèce, "clause de clientèle", a pour objet d'interdire au salarié de démarcher les clients de son ancien employeur ou certains d'entre eux.
A priori, ce type de clause impose au salarié débiteur des restrictions moins fortes que la clause de non-concurrence, qui a, quant à elle, pour objet d'interdire l'exercice d'une activité professionnelle donnée. Partant, la clause de non-démarchage de clientèle devrait être distinguée de la clause de non-concurrence et échapper, de ce fait, à son régime juridique et, plus particulièrement, à ses rigoureuses conditions de validité.
C'est, d'ailleurs, l'argument principal que développait l'employeur à l'appui de son pourvoi dans l'affaire ayant conduit à l'arrêt commenté. Pour aller à l'essentiel, était en cause, en l'espèce, la clause d'un contrat de travail dite "clause de clientèle", libellée comme suit :
"En cas de cessation de votre contrat de travail, quelle qu'en soit la cause vous vous interdirez :
- d'entrer en contact directement ou indirectement, sous quelque forme et sous quelque mode que ce soit, avec les clients de la société Foncia République et, de manière corollaire, de démarcher lesdits clients et ce, même si vous faîtes l'objet de leur part de sollicitations spontanées ;
- d'exploiter directement ou indirectement la clientèle concernée, à titre personnel ou par l'intermédiaire de toute société, association ou entité juridique quelconque dont vous seriez l'associé, le membre, le salarié ou le collaborateur ou pour le compte de laquelle vous interviendriez ou seriez rémunérée, directement ou indirectement de quelque manière, à quelque titre, et sous quelque statut que ce soit. En cas de violation de la présente clause, la société Foncia République se réserve le droit de demander réparation du préjudice subi et de faire ordonner, le cas échéant, sous astreinte, la cessation dudit trouble".
A la suite de son licenciement, la salariée concernée par la clause avait saisi la juridiction prud'homale d'une demande dont on suppose qu'elle avait pour objet de faire requalifier la "clause de clientèle" en clause de non-concurrence. Cette demande avait été satisfaite par les juges d'appel qui avaient requalifié la clause litigieuse en clause de non-concurrence illicite faute de contrepartie financière.
A l'appui de son pourvoi, l'employeur soutenait que n'est pas une clause de non-concurrence la clause dite "de clientèle", qui se borne à interdire à un salarié, à la suite de la rupture de son contrat de travail, de démarcher ou de détourner la clientèle de son employeur, quand bien même elle l'aurait sollicité spontanément. Une telle clause, qui n'interdit pas au salarié de rechercher un emploi dans une société concurrente ou de créer lui-même une telle société, mais seulement de détourner les clients de son précédent employeur, ne fait que contractualiser le contenu du devoir de loyauté qui, en droit commun, pèse sur l'ancien salarié. Par voie de conséquence, en requalifiant la clause de clientèle en clause de non-concurrence afin de l'annuler, la cour d'appel aurait violé les articles 1134, alinéas 1 et 3, du Code civil (N° Lexbase : L1234ABC) et L. 1121-1 du Code du travail (N° Lexbase : L0670H9P), ensemble le "principe de l'exécution de bonne foi des conventions".
La Cour de cassation n'aura guère été sensible à cette argumentation. Rejetant le pourvoi, elle approuve les juges du fond d'avoir qualifié la clause de clientèle de clause de non-concurrence. Plus précisément, et ainsi que le souligne la Chambre sociale, "ayant relevé, par motifs propres et adoptés que la 'clause de clientèle' contenait une interdiction, y compris dans le cas où des clients de l'employeur envisageraient spontanément, en dehors de toute sollicitation ou démarchage, de contracter directement ou indirectement avec l'ancienne salariée, et retenu que dans ce cas, il ne peut être considéré que l'intéressée manque de loyauté à l'égard de son ancien employeur, la cour d'appel en a exactement déduit que cette clause s'analysait en une clause de non-concurrence, illicite car dépourvue de contrepartie financière et non limitée dans le temps et dans l'espace".
Bien que le motif de principe de la Cour de cassation ouvre une certaine place à l'interprétation, la solution doit recevoir approbation. Tout d'abord, et cela relève de l'évidence, le fait d'intitulé une stipulation contractuelle de "clause de clientèle" ne saurait suffire à écarter la qualification de clause de non-concurrence. Il importe d'avoir égard, pour ce faire, au contenu de la clause litigieuse. Ensuite, et ainsi que cela a été relevé, les deux clauses précitées "poursuivent la même finalité : protéger les intérêts de l'entreprise et singulièrement sa clientèle. Elles instituent des restrictions au principe de libre exercice de l'activité professionnelle" (1).
On peut, néanmoins, se demander s'il ne conviendrait pas de distinguer entre la clause de clientèle, interdisant uniquement au salarié de démarcher les clients de son ancien employeur et celle qui lui interdit, en outre et comme en l'espèce, de contracter avec ces mêmes clients consécutivement à une démarche spontanée de leur part, en dehors de toute sollicitation ou démarchage. A suivre la solution retenue par la Cour de cassation dans l'arrêt rapporté, si ce second type de clause de clientèle doit nécessairement être regardé comme une clause de non-concurrence, le premier pourrait échapper à cette qualification.
A supposer que cette interprétation soit la bonne, elle peut être critiquée dès lors que l'on considère que, dans les deux cas, une restriction est apportée à la liberté du travail du salarié. D'ailleurs, dans des arrêts antérieurs, dont on doit relever qu'ils n'ont pas fait l'objet d'une publication, la Cour de cassation n'a pas hésité à qualifier de clause de non-concurrence des stipulations qui faisaient uniquement interdiction à un salarié d'entrer en relation, directement ou indirectement avec la clientèle qu'il avait démarché lorsqu'il était au service de son ancien employeur (2).
L'atteinte à la liberté du travail est, toutefois, plus importante lorsque l'on interdit à un salarié de nouer des relations avec les clients de son ancien employeur alors même que ce sont ces derniers qui, de façon tout à fait spontanée, l'ont contacté. Par ailleurs, ne peut-on pas considérer que la clause qui se borne à interdire à un salarié de démarcher les clients de son ancien employeur revient, en réalité, à prohiber des pratiques sanctionnées au titre de la concurrence déloyale ? Admettre cela reviendrait à écarter la qualification de clause de non-concurrence puisque, si atteinte à la liberté du travail il y a, celle-ci procède moins de la stipulation contractuelle que de l'interdiction des pratiques précitées. En d'autres termes, la clause de non-démarchage de clientèle n'aurait guère d'utilité, si ce n'est à titre de rappel. Ce raisonnement doit cependant être reçu avec circonspection, dans la mesure où la jurisprudence refuse aujourd'hui de considérer comme a priori suspecte la concurrence qu'exerce un ancien salarié vis-à-vis de son ancienne entreprise (3).
Pour autant, lorsque la Cour de cassation affirme, dans l'arrêt commenté, qu'il ne peut être considéré que le salarié manque de loyauté à l'égard de son ancien employeur dans le cas où des clients de l'employeur envisagent spontanément, en de hors de toute sollicitation ou démarchage, de contracter directement ou indirectement avec l'ancien salarié, elle laisse entendre qu'il y a déloyauté dans l'hypothèse où les relations contractuelles se nouent consécutivement à un démarchage ou une sollicitation. Une telle attitude traduirait, dès lors, une concurrence déloyale sanctionnée à ce titre sans qu'il soit besoin que figure dans le contrat de travail une clause de non-démarchage de clientèle. Ce qui nous ramène à l'idée qu'une telle clause ne peut recevoir la qualification de clause de non-concurrence.
Un tel raisonnement reste, cependant, contestable, dès lors que l'on admet que la qualification de clause de non-concurrence dépend du fait de savoir s'il y a atteinte ou pas à la liberté du travail du salarié. Seule, peut-être, la stipulation interdisant à un salarié d'entrer en relation avec la clientèle qu'il avait démarchée lorsqu'il était au service de son ancien employeur pourrait échapper à la qualification de clause de non-concurrence. Mais, et ainsi que nous l'avons mentionné précédemment, la Chambre sociale a retenu une position opposée dans semblable situation (4). Sans doute est-il possible d'affirmer qu'il s'agit d'une décision non publiée et que l'arrêt sous examen traduit un assouplissement de la position de la Cour de cassation.
De telles distinctions apparaissent, cependant, délicates à mettre en oeuvre et, en fin de compte, contestables. Il serait peut-être préférable de considérer que toute clause apportant une limite à la liberté du travail d'un salarié constitue une clause de non-concurrence, quitte à tenir compte du degré de l'atteinte portée à la liberté précitée au stade de l'appréciation de la validité de la clause.
II - Validité de la clause de non-démarchage requalifiée en clause de non-concurrence
Dès lors qu'une clause de non-démarchage de clientèle est requalifiée en clause de non-concurrence, elle doit être soumise au régime juridique de celle-ci et, au premier chef, à ses conditions de validité. On sait qu'une telle clause n'est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, limitée dans le temps et dans l'espace, qu'elle tient compte des spécificités de l'emploi du salarié et comporte l'obligation pour l'employeur de verser au salarié une contrepartie financière. A défaut de remplir l'une de ces conditions de validité, la clause doit être déclarée nulle.
Cela étant précisé, on doit s'interroger sur l'application de ces conditions de validité aux clauses de non-démarchage de la clientèle ou, plus exactement, sur leur pertinence. Compte tenu de l'objet de ces clauses, la limite d'espace n'a pas de sens ou, à tout le moins, n'est pas opportune (5), pour la seule raison qu'il est fait interdiction au salarié de démarcher les clients de son ancien employeur. Pourtant, et pour en revenir à l'arrêt sous examen, la Cour de cassation déclare la clause illicite car dépourvue, notamment, de limite dans l'espace. On peine, cependant, à imaginer quel pourrait être le libellé d'une telle limitation.
S'agissant de la limitation dans le temps, elle est, en revanche, non seulement envisageable, mais surtout nécessaire. On peut, toutefois, se demander si cette limite intéresse la durée de l'interdiction de démarcher les clients de l'ancien employeur ou les personnes qui sont devenues clientes de l'employeur avant le départ du salarié de l'entreprise.
Ainsi que l'affirme clairement la Cour de cassation dans l'arrêt rapporté, la clause de non-démarchage de clientèle requalifiée en clause de non-concurrence ne peut être valide que si elle comporte une contrepartie financière à la charge de l'employeur et au bénéfice du salarié.
On sait qu'une contrepartie financière dérisoire à la clause de non-concurrence contenue dans un contrat de travail équivaut à une absence de contrepartie (6). Cela étant admis, on se heurte très classiquement à la question du montant de la contrepartie financière. Or, la question que l'on peut se poser ici est de savoir si, compte tenu du fait qu'une clause de non-démarchage de clientèle apporte des restrictions moindre à la liberté du travail du salarié qu'une clause de non-concurrence plus "classique", le montant de la contrepartie financière ne pourrait être moindre. Cela a pu être suggéré par un auteur, au moins dans l'hypothèse où la restriction n'est pas identique (7). Si cette suggestion apparaît pertinente, il nous semble que l'employeur aura tout intérêt à ne pas se lancer dans des calculs d'apothicaire s'il entend sécuriser la stipulation contractuelle.
(1) P.-H. Antonmattéi, Les clauses du contrat de travail, Ed. Liaisons, 2005, p. 84. Cet auteur souligne que certains considèrent la clause de non-démarchage comme "un diminutif de la clause de non-concurrence".
(2) Cass. soc., 19 mai 2009, n° 07-40.222, Société Ufifrance patrimoine, F-D (N° Lexbase : A1862EHG) ; Cass. soc., 12 décembre 2008, n° 07-43.371, Société Equity conseil Gavin Anderson, F-D (N° Lexbase : A7268EBS).
(3) V., en ce sens, Y. Picod et S. Robine, Rep. Trav. Dalloz, v° Concurrence (Obligation de non-concurrence), mai 2009, § 24.
(4) Cass. soc., 19 mai 2009, n° 07-40.222, préc..
(5) V., en ce sens, P.-H. Antonmattéi, op. cit., p. 85.
(6) Cass. soc., 15 novembre 2006, n° 04-46.721, Société Comasud, FS-P+B (N° Lexbase : A3326DSY) et lire nos obs., Une contrepartie financière dérisoire à la clause de non-concurrence équivaut à une absence de contrepartie, Lexbase Hebdo n° 238 du 29 novembre 2006 - édition sociale (N° Lexbase : N2412A99).
(7) P.-H. Antonmattéi, op. cit., p. 85.
Décision
Cass. soc., 27 octobre 2009, n° 08-41.501, Société Foncia République c/ Mme Pascale Barrou, F-P+B (N° Lexbase : A6140EMD) Rejet, CA Grenoble, ch. soc., 28 janvier 2008 Mots-clefs : clause de non-démarchage de clientèle ; clause de clientèle ; qualification ; clause de non-concurrence ; conditions de validité ; obligation de loyauté Lien base : (N° Lexbase : E8699ESY) |
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Réf. : CJCE, 10 septembre 2009, 2 arrêts, C-573/07, Sea Srl c/ Comune di Ponte Nossa (N° Lexbase : A8897EKQ) et C-206/08, WAZV Gotha c/ Eurawasser Aufbereitungs (N° Lexbase : A8887EKD)
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par Olivier Dubos, Professeur de droit public à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV
Le 07 Octobre 2010
I - Le champ de l'exception in house
Dans l'affaire "Comune di Ponte Nossa" (C-573/07), la Cour a rappelé que les sociétés adjudicataires à capitaux privés ne pouvaient jamais bénéficier de l'exception in house (A), mais que les sociétés à capitaux entièrement publics peuvent, en revanche, sous condition, être admises dans le champ de l'exception (B).
A - L'exclusion systématique des sociétés adjudicataires à capitaux privés
La Cour de justice rappelle, d'abord, fermement que l'exception in house n'est remplie que si "la collectivité territoriale qui est le pouvoir adjudicateur exerce sur l'entité adjudicataire un contrôle analogue à celui qu'elle exerce sur ses propres services, et si cette entité réalise l'essentiel de son activité avec l'autorité ou les autorités qui la détiennent" (2). Elle précise, également, que "la circonstance que l'entité adjudicataire [prenne] la forme d'une société de capital n'exclut nullement l'application de l'exception admise par la jurisprudence rappelée au point précédent" (3). Toutefois dans cette hypothèse, "la participation, fût-elle minoritaire, d'une entreprise privée dans le capital d'une société à laquelle participe, également, le pouvoir adjudicateur concerné exclut, en tout état de cause, que ce pouvoir adjudicateur puisse exercer sur cette société un contrôle analogue à celui qu'il exerce sur ses propres services" (4). Cependant, cette condition doit être appréciée à la date de conclusion du contrat.
Dès lors, si les statuts de la société permettent que certaines de ses actions soient cédées ultérieurement à des opérateurs privés, cela ne suffit pas à remettre en cause, au moment de la conclusion du contrat, le fait que le contrôle du pouvoir adjudicateur est analogue à celui qu'il exerce sur ses propres services. Selon la Cour, "admettre que cette simple possibilité puisse indéfiniment tenir en suspens l'appréciation quant au caractère public ou non du capital d'une société adjudicataire d'un marché public, ne serait pas conforme au principe de sécurité juridique" (point 49). Toutefois, la Cour prend soin de mettre en garde les pouvoirs adjudicateurs. Si, postérieurement à la passation du contrat sans mise en concurrence et pendant la durée de validité du contrat, des actionnaires privés sont admis au capital de ladite société, il s'agit d'un "changement d'une condition fondamentale du marché qui nécessiterait une mise en concurrence" (point 53). Cette fermeté à l'égard des sociétés à capitaux privés a, toutefois, pour contrepartie une plus grande souplesse lorsque les sociétés sont uniquement détenues par des capitaux publics.
B - L'inclusion conditionnelle des sociétés à capitaux entièrement publics
La Cour de justice avait déjà jugé que l'exception in house pouvait jouer dans l'hypothèse où une concession de service public était confiée à une société coopérative intercommunale dont tous les affiliés sont des autorités publiques, dès lors que ces autorités publiques exercent, sur cette société, un contrôle analogue à celui qu'elles exercent sur leurs propres services, et que ladite société réalise l'essentiel de son activité avec ces autorités publiques. Elle avait, également, estimé qu'"exiger que le contrôle exercé par une autorité publique en pareil cas soit individuel aurait pour effet d'imposer une mise en concurrence dans la plupart des cas où une autorité publique entendrait s'affilier à un groupement composé d'autres autorités publiques, tel qu'une société coopérative intercommunale" (5).
La Cour rappelle, ensuite, sa jurisprudence selon laquelle, dans une telle configuration, "si une autorité publique devient associée minoritaire d'une société par actions à capital entièrement public en vue de lui attribuer la gestion d'un service public, le contrôle que les autorités publiques associées au sein de cette société exercent sur celle-ci peut être qualifié d'analogue au contrôle qu'elles exercent sur leurs propres services lorsqu'il est exercé conjointement par ces autorités" (6).
Pour apprécier la réalité de ce contrôle, la Cour de justice pose ici trois critères : la législation applicable, la question de savoir si la société a une vocation de marché, et les mécanismes de contrôle prévus. S'agissant du premier critère, en l'espèce, la législation allemande reprenait les principes posés par la jurisprudence communautaire en matière d'exception in house. Pour apprécier le deuxième critère, la Cour estime qu'il convient d'examiner "la portée géographique et matérielle des activités de cette société, ainsi que la possibilité, pour celle-ci, de nouer des relations avec des entreprises du secteur privé" (point 73). Ici, les statuts imposent que la société ne gère que les services publics des collectivités publiques qui la composent. Pour le troisième critère, les statuts de la société avaient été modifiés pour répondre aux exigences de la jurisprudence communautaire et, spécialement, quant à la nature du contrôle exercé par les collectivités sur la société. La Cour se montre donc relativement souple dans l'appréciation de l'exception in house. Sa mansuétude est encore plus grande s'agissant de la délimitation des contours de la notion de service public.
II - La notion de concession de service public
Dans l'arrêt "WAZV Gotha" (C-206/08), la Cour de justice retient une conception extensive de la notion de concession de service public (A), qui apparaît plus laxiste que celle retenue par la jurisprudence administrative française (B).
A - Une conception extensive
Selon l'article 1er, paragraphe 3, sous b), de la Directive (CE) 2004/17, "la concession de services est un contrat présentant les mêmes caractéristiques qu'un marché de services, à l'exception du fait que la contrepartie de la prestation des services consiste soit uniquement dans le droit d'exploiter le service, soit dans ce droit assorti d'un prix". La Cour de justice, pour souligner l'importance de la question qui lui est posée, rappelle, à titre liminaire, que cette définition est identique à celle de l'article 1er, paragraphe 2, sous a), et 4 de la Directive (CE) 2004/18 (N° Lexbase : L1896DYU). Elle en conclut donc que "cette similarité requiert que les mêmes considérations soient utilisées en vue de l'interprétation des notions de marché de services et de concession de services dans les champs d'application respectifs des deux Directives susmentionnées" (point 43).
La définition de la concession est donc opérée par renvoi à la définition du marché de service. Pour interpréter le sens de cette définition, la Cour prend donc, également, en compte la définition de l'article 1er, paragraphe 2, sous a) et d), de la Directive (CE) 2004/17 qui dispose que "les marchés de fournitures, de travaux et de services' sont des contrats à titre onéreux conclus par écrit entre une ou plusieurs entités adjudicatrices visées à l'article 2, paragraphe 2, et un ou plusieurs entrepreneurs, fournisseurs ou prestataires de services". Conformément à une jurisprudence classique (7), la Cour en déduit qu'"il résulte de la comparaison de ces deux définitions que la différence entre un marché de services et une concession de services réside dans la contrepartie de la prestation de services. Le marché de services comporte une contrepartie qui est payée directement par le pouvoir adjudicateur au prestataire de services [...] alors que, dans le cas d'une concession de services, la contrepartie de la prestation de services consiste dans le droit d'exploiter le service, soit seul, soit assorti d'un prix" (point 51). Mais la principale difficulté consiste à déterminer ce qu'implique le droit d'exploiter, comme contrepartie de la prestation de services.
Selon une jurisprudence constante (8), la Cour estime que "lorsque le mode de rémunération convenu tient dans le droit du prestataire d'exploiter sa propre prestation, ce mode de rémunération implique que le prestataire prenne en charge le risque lié à l'exploitation des services en question" (point 59). La Cour en déduit donc, de manière fort expéditive, que "le risque est inhérent à l'exploitation économique du service" (point 66), et, qu'"en l'absence complète de transfert au prestataire du risque lié à la prestation de service, l'opération visée constitue un marché de services" (point 68). Dès lors, s'il y a eu transfert du service, il y a bien concession. Peut importe qu'en l'espèce, le risque réel encouru par le concessionnaire soit mineur, notamment en raison d'une réglementation administrative du prix de l'eau et de la soumission de ce type de contrat à des principes de droit public.
B - Une conception divergente
Comme l'on justement souligné les premiers commentateurs (9), cette définition de la concession "vient non pas, bien sûr, remettre en cause la prise en compte du risque d'exploitation dans la définition mais [...] vient, en quelque sorte, circonscrire cet élément dans la définition en considérant que l'existence d'un risque, même très limité, n'est pas nécessairement de nature à remettre en cause la qualification de concession de service d'un contrat".
L'on rappellera que l'article 3 de la loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001, portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier (N° Lexbase : L0256AWE), a repris la définition jurisprudentielle de la délégation de service public (10), et impose que la rémunération du délégataire soit "substantiellement liée aux résultats de l'exploitation du service". Cette définition semble appliquée par le juge administratif de manière assez erratique. R. Noguellou (11) a, ainsi, remarqué que "certains arrêts retiennent, en effet, la qualification de délégation de service public pour des montages dans lesquels le risque financier pris par le cocontractant paraît minime (12), voire inexistant (13). Dans d'autres arrêts, en revanche, le juge retient la qualification de marché public au motif que le cocontractant 'n'assume pratiquement aucun risque d'exploitation'" (14).
Le Conseil d'Etat a, toutefois, récemment jugé qu'un contrat dans lequel la rémunération du délégataire d'un service public de restauration municipale était principalement assurée par des redevances versées par des usagers, était un marché public. Les usagers (enfants des écoles et des centres aérés, personnes âgées des maisons de retraite) constituaient une clientèle en quelque sorte captive, dès lors il n'y avait pas véritablement un risque pour le délégataire (15). Sa rémunération n'était donc pas substantiellement liée aux résultats de l'exploitation.
Les commentateurs de cette jurisprudence avaient souligné la volonté du Conseil d'Etat français de se mettre au diapason de la Cour de justice (16). C'était sans compter sur la mansuétude actuelle de la Cour de justice à l'égard des Etats membres.
Pour conclure, l'on regrettera qu'eu égard aux intéressantes précisions apportées par cet arrêt, celui-ci ait été rendu sans conclusions de l'Avocat général. Si le "tout concurrence" trouve, enfin, des limites dans la jurisprudence de la Cour, il conviendrait que le new public management en trouve, également, dans ses méthodes de travail...
(1) Directive (CE) 2004/17 du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004, portant coordination des procédures de passation des marchés dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des services postaux (N° Lexbase : L1895DYT), JOUE n° L 134 du 30 avril 2004, p. 1 ; Directive (CE) 2004/18 du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004, relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services (N° Lexbase : L1896DYU), JOUE n° L 134 du 30 avril 2004 p. 114.
(2) Point 40 ; cf. CJCE, 18 novembre 1999, aff. C-107/98, Teckal Srl c/ Comune di Viano et Azienda Gas-Acqua Consorziale (AGAC) di Reggio Emilia (N° Lexbase : A0591AWS), Rec. p. I-8121 ; CJCE, 13 octobre 2005, aff. C-458/03, Parking Brixen GmbH c/ Gemeinde Brixen, Stadtwerke Brixen AG (N° Lexbase : A7748DK8).
(3) Point 41 ; cf. CJCE, 6 avril 2006, aff. C-410/04, Associazione Nazionale Autotrasporto Viaggiatori (ANAV) c/ Comune di Bari, AMTAB Servizio SpA (N° Lexbase : A9381DNR), Rec., p. I-3303.
(4) Point 46 ; cf. CJCE, 11 janvier 2005, aff. C-26/03, Stadt Halle, RPL Recyclingpark Lochau GmbH c/ Arbeitsgemeinschaft Thermische Restabfall- und Energieverwertungsanlage TREA Leuna (N° Lexbase : A9511DEY), Rec., p. 1.
(5) CJCE, 13 novembre 2008, aff. C-324/07, Coditel Brabant SA c/ Commune d'Uccle et Région de Bruxelles-Capitale (N° Lexbase : A2174EB7), spéc. n° 47.
(6) Point 63 ; cf. CJCE, 19 avril 2007, aff. C-295/05, Asociación Nacional de Empresas Forestales (Asemfo) c/ Transformación Agraria SA (Tragsa) et Administración del Estado (N° Lexbase : A9407DUX), Rec., p. I-2999 ; dans cette affaire, la collectivité ne détenait que 0,25 % du capital de l'entreprise publique.
(7) CJCE, 13 octobre 2005, aff. C-458/03, Parking Brixen, précité.
(8) CJCE, 13 novembre 2008, aff. C-437/07, Commission des Communautés européennes c/ République italienne N° Lexbase : A2176EB9).
(9) W. Zimmer, Notion de risque d'exploitation dans la définition de la concession de service, Contrats et Marchés publics n° 10, octobre 2009, comm. 329.
(10) CE, 15 avril 1996, n° 168325, Préfet des Bouches-du-Rhône c/ Commune de Lambesc (N° Lexbase : A8735ANT), Rec., p. 137.
(11) R. Noguellou, Champ d'application matériel, J.-Cl., Contrats et marchés publics, fasc. 41, n° 64.
(12) CAA Marseille, 3ème ch., 5 mars 2001, n° 99MA01751, Département du Var (N° Lexbase : A2393BML), Rec. CE, Tables, p. 1040, Dr. adm., 2001, comm. 230 : contrat dans lequel la rémunération était assurée de redevances perçues sur les usagers et d'une subvention couvrant 90 % de la différence entre le montant des charges et le montant des recettes perçues par l'exploitant.
(13) CE 2° et 7° s-s-r., 28 juin 2006, n° 288459, Syndicat intercommunal d'alimentation en eau de la moyenne vallée du Gier (N° Lexbase : A0906DQM), Dr. adm., 2006, comm. 185, note A. Ménéménis, AJDA, 2006, p. 1781, note L. Richer, Contrats-Marchés publ., 2006, comm. 232, note G. Eckert.
(14) CAA Versailles, 3ème ch., 14 septembre 2006, n° 04VE03566, Société Avenance enseignements et santé (N° Lexbase : A3323DRI), Contrats-Marchés publ., 2006, comm. 283, note G. Eckert.
(15) CE 2° et 7° s-s-r., 5 juin 2009, n° 298641, Société Avenance Enseignement et Santé (N° Lexbase : A7215EHP).
(16) G. Eckert, La délégation de service public requiert un risque d'exploitation, Contrats et Marchés publics n° 7, juillet 2009, comm. 236 ; B. Plessix, Chronique "droit administratif", JCP éd. G, 2009, n° 317.
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