La lettre juridique n°290 du 31 janvier 2008

La lettre juridique - Édition n°290

Éditorial

Régulation au pays de la spéculation : une histoire aussi de petits commerces de proximité

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N8570BDR

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la rédaction

Le 27 Mars 2014


L'article 58 de la loi "Dutreil" du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises qui instaure un droit de préemption des communes sur les fonds de commerce, les fonds artisanaux et les baux commerciaux, longtemps mis à l'Index, renaît de ses cendres à la faveur de la publication, plus de deux ans plus tard, de son décret d'application au Journal officiel du 28 décembre 2007, que nous propose d'étudier, cette semaine, Julien Prigent, Avocat au Barreau de Paris, Directeur scientifique de notre Guide juridique Baux commerciaux.

Désormais, les maires disposent du mode d'emploi pour exercer le droit de préemption institué en faveur des communes, qui leur faisait tant défaut aux fins de protéger la diversité du commerce de proximité, au point, comme à Paris, de risquer la censure du juge administratif en créant un dispositif de protection du commerce et de l'artisanat par le biais du plan local urbain, plutôt que d'attendre la publication retardée du décret d'application. Le tribunal administratif de Paris, dans un jugement en date du 2 août 2007, considérait, en effet, que le mécanisme de protection de la ville visant à protéger la diversité commerciale portait atteinte au droit de propriété.

Mais pourquoi donc risquer les fourches caudines judiciaires, porter atteinte au droit de propriété et à la libre concurrence, et anticiper le décret d'application de ce droit de préemption salvateur ? Parce que "l'histoire du commerce est celle de la communication des peuples" écrivait Montesquieu. On touche là un point névralgique de la cohésion sociale : vider les centres villes de leur diversité commerciale, au profit d'un monolithe "banques et assurances", sur fonds de spéculation sur les prix du marché, n'emporte pas l'adhésion des élus locaux, soucieux des équilibres commerciaux et, ce faisant, démographiques.

La liberté contrainte par l'exercice de ce droit de préemption ? Le maire régulateur du tissu commercial de son centre-ville ? "Le pays où le commerce est le plus libre sera toujours le plus riche et le plus florissant, proportion gardée" écrivait Voltaire dans ses Lettres philosophiques : "plus libre" ne veut-il pas dire plus diversifié ? Car la liberté s'exerce-t-elle sur fond d'exode commercial ?

C'est pour la protection de la liberté commerciale, justement, que ce décret oeuvre, plus comme une épée de Damoclès, que pour contrôler, chaque jour, les cessions de fonds de commerce, de fonds artisanaux et de baux commerciaux. La spéculation, lorsqu'il est possible d'exercer un droit de préemption à son encontre, devrait se voir ainsi, plus volontiers, contingentée.

Reste à savoir quel sera le sort des dispositifs mis en place par les communes non attentistes ; comme le souligne l'Association des maires de France, le décret n'en souffle mot. Tout comme il reste silencieux sur le caractère simplement consultatif ou non de l'avis émis par les Chambre de commerce et d'industrie sur les projets de délibération en faveur de l'exercice du droit de préemption qui leur sont soumis.

Le plus amusant, c'est que "l'homme rapproche les espaces par le commerce et les temps par le crédit", d'après Rivarol. Il y a donc bien un moyen de concilier l'espace et le temps, essence du mouvement, en centre-ville, non ?

newsid:308570

Marchés publics

[Jurisprudence] Les marchés publics postaux : quelles obligations pour les autorités publiques ?

Réf. : CJCE, 13 novembre 2007, aff. C-507/03 (N° Lexbase : A5367DZS) ; CJCE, 18 décembre 2007, aff. C-220/06 (N° Lexbase : A1116D3Q)

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N8643BDH

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par Olivier Dubos, Professeur de droit public à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV

Le 07 Octobre 2010

La libéralisation induite par l'Union européenne des services, naguère sous l'emprise d'un monopole étatique, a pour conséquence d'étendre le champ des marchés publics. En effet, les autorités publiques, qui pour leur fonctionnement, ont besoin de recourir à ces services relevant désormais du secteur concurrentiel, ont alors l'obligation de respecter le droit communautaire de la commande publique. Le cas des services postaux est, à cet égard, tout à fait topique. Ce secteur a été partiellement libéralisé par la Directive 97/67/CE du Parlement européen et du Conseil du 15 décembre 1997, concernant des règles communes pour le développement du marché intérieur des services postaux de la Communauté et l'amélioration de la qualité du service (N° Lexbase : L8278AU7, JOCE n° L 15 du 21 janvier 1998, p. 14). A travers deux arrêts des mois de novembre et décembre 2007, la Cour de justice est venue apporter d'utiles précisions sur l'application du droit des marchés publics aux services postaux. L'intérêt de ces arrêts dépasse d'ailleurs le secteur postal, car leurs solutions peuvent s'extrapoler à l'ensemble des services ayant fait l'objet d'une libéralisation.

Dans la première affaire (CJCE, 13 novembre 2007, aff. C-507/03, Commission des Communautés européennes c/ Irlande), le ministère irlandais des Affaires sociales avait conclu un contrat avec An Post (opérateur historique), sans procédure d'adjudication, en vertu duquel les bénéficiaires de prestations pouvaient retirer auprès des bureaux de poste les sommes qui leur étaient dues. Pour la Commission, il y avait là violation des articles 43 et 49 (N° Lexbase : L5359BCH) CE, tels qu'interprétés par la jurisprudence "Telaustria" (CJCE, 7 décembre 2000, aff. C-324/98, Telaustria Verlags GmbH et Telefonadress GmbH c/ Telekom Austria AG, en présence de Herold Business Data AG N° Lexbase : A1916AWU, Rec. p. I-10745). Elle a donc intenté une action en constatation de manquement.

Dans la deuxième affaire (CJCE, 18 décembre 2007, aff. C-220/06, Asociación Profesional de Empresas de Reparto y Manipulado de Correspondencia c/ Administración General del Estado), le ministère espagnol de l'Education nationale avait, sans appel d'offres, conclu un accord de collaboration avec la société publique pour le courrier et le télégraphe pour la prestation de services postaux relatifs aussi bien aux lettres, aux paquets, qu'au courrier express national et international. Ces prestations relevaient autant des activités réservées que des activités libéralisées au sens de la Directive 97/67/CE précitée. Cet accord a été contesté devant le juge espagnol par l'association professionnelle d'entreprises de distribution et de traitement du courrier, notamment au motif qu'il n'avait été procédé à aucun appel d'offres public.

La Cour a ainsi posé les principes d'articulation entre les Directives "libéralisation" et les Directives "marchés publics" (I), mais aussi entre ces Directives et les règles du Traité (II).

I - L'articulation des Directives "libéralisation" et des Directives "marchés publics"

A - Pour les services réservés, la solution est évidemment d'une grande logique puisqu'il n'existe pas de marché concurrentiel. Dans l'affaire "Asociación Profesional de Empresas de Reparto y Manipulado de Correspondencia" précitée, la Cour juge donc que les règles communautaires en matière de passation de marchés publics ne peuvent trouver à s'appliquer, puisque leur objectif est la libre circulation des marchandises et des services. La solution est évidemment plus délicate s'agissant des services libéralisés.

B - Pour apprécier l'applicabilité du droit communautaire des marchés publics, la Cour devait d'abord examiner si l'accord entre le ministère espagnol et la société publique pour le courrier et le télégraphe constituait bien un acte contractuel. La position du juge communautaire est assez curieuse.

L'argument tiré de l'exception in house était beaucoup plus aisé à écarter, puisque cette exception ne peut être invoquée que si, d'une part, le pouvoir adjudicateur exerce sur la société un contrôle analogue à celui qu'elle exerce sur ses services et si, d'autre part, cette société réalise l'essentiel de ces activités avec les collectivités publiques qui la détiennent (CJCE, 18 novembre 1999, aff. C-107/98, Teckal Srl c/ Comune di Viano et Azienda Gas-Acqua Consorziale (AGAC) di Reggio Emilia, N° Lexbase : A0591AWS, Rec. p. I-8121). La deuxième condition était manifestement absente puisque la société, en tant que prestataire du service universel, ne réalise évidemment pas l'essentiel de son activité avec le ministère de l'Education nationale.

L'argument du Gouvernement espagnol, tiré de l'existence de droits exclusifs au profit de la société publique pour le courrier et le télégraphe, pour écarter l'application du droit communautaire des marchés publics n'avait guère de chance de prospérer. En effet, les droits exclusifs ne peuvent par nature concerner que les secteurs réservés. Pour les secteurs ouverts à la concurrence, ils ne sauraient jouer car ils iraient à l'encontre de l'objectif de libéralisation de la Directive 97/67/CE. En effet, si le secteur n'est pas réservé, un droit exclusif au profit d'un opérateur a pour effet de lui octroyer un monopole avec certains clients, en l'occurrence l'administration espagnole. Si la Cour de justice distingue, par souci pédagogique, les réservations horizontales (par secteur d'activités) et les réservations verticales (par clients), ces dernières sont comme les autres contraires au droit communautaire. Mais ces droits exclusifs posaient, également, la question de l'articulation de la Directive avec les règles du Traité.

II - L'articulation des Directives "libéralisation" et "marchés publics" avec les règles du Traité CE

A Dans l'affaire "Asociación Profesional de Empresas de Reparto y Manipulado de Correspondencia", il y avait une incertitude quant à l'applicabilité de la Directive 92/50/CEE du Conseil du 18 juin 1992 (N° Lexbase : L7532AUI), portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services (JOCE L 209 du 24 juillet 1992, p. 1) en raison du montant du marché. C'est pourquoi la Cour de justice a rappelé qu'en toute hypothèse les autorités publiques devaient respecter les règles du Traité et notamment la libre prestation de services qui implique une obligation de transparence et de publicité (cf. CJCE, 7 décembre 2000, Telaustria préc.).

Toutefois, dans la mesure où l'Etat espagnol avait maintenu des droits exclusifs au profit de la société publique pour le courrier et le télégraphe, il a tenté de les justifier en faisant appel à l'article 86, paragraphe 2 , selon lequel "les entreprises chargées de la gestion de services d'intérêt économique général ou présentant le caractère d'un monopole fiscal sont soumises aux règles du présent Traité, notamment aux règles de concurrence, dans les limites où l'application de ces règles ne fait pas échec à l'accompagnement en droit ou en fait de la mission particulière qui leur a été impartie. Le développement des échanges ne doit pas en être affecté dans une mesure contraire à l'intérêt de la Communauté".

A cet argument, la Cour répond fort logiquement que la Directive 97/67/CE dans son ensemble constitue la mise en oeuvre de cette disposition, et a pris en compte l'exigence de service public qu'elle contient, en réservant certaines activités et certains secteurs à des opérateurs tels que la société publique pour le courrier et le télégraphe. Dès lors, pour les secteurs libéralisés, il n'est pas possible d'invoquer le jeu de l'article 86, paragraphe 2, pour échapper à la jurisprudence "Telaustria". Cette solution parfaitement cohérente rend d'autant plus surprenante la solution adoptée par la Cour de justice dans l'affaire "Commission c/ Irlande".

B Dans cette affaire, les parties s'accordaient pour admettre que le marché en cause relevait du champ d'application de la Directive 92/50/CEE. Le marché en cause relevait de l'annexe I B de la Directive. En application de cette disposition, les pouvoirs adjudicateurs ne sont tenus qu'aux seules obligations de définir des spécifications techniques, et d'envoyer à l'office des publications officielles des Communautés européennes un avis relatant les résultats de la procédure d'attribution de ces marchés. Pour la Commission, les autorités irlandaises auraient dû également respecter les articles 43 et 49 CE tels qu'interprétés par la jurisprudence "Telaustria". La Cour de justice a suivi la Commission car elle a estimé que "le régime de publicité, instauré par le législateur communautaire pour les marchés relatifs aux services relevant de l'annexe I B, ne saurait être interprété comme faisant obstacle à l'application des principes découlant des articles 43 et 49 CE, dans l'hypothèse où de tels marchés présenteraient néanmoins un intérêt transfrontalier certain".

Cette solution est des plus surprenantes. De manière générale, il est possible de considérer que l'existence d'une Directive a pour effet d'exclure le jeu des articles du Traité, telle est d'ailleurs la solution retenue quelques jours plus tard par la Cour de justice dans l'affaire "Asociación Profesional de Empresas de Reparto y Manipulado de Correspondencia". On ne peut s'empêcher de pencher que la Cour de justice a réécrit la Directive 92/50/CEE. Il s'agit là d'une regrettable atteinte au principe de la séparation des pouvoirs. La Cour de justice, à la suite des juridictions constitutionnelles nationales, se lance ainsi dans les délices délétères des réserves d'interprétation. Cette dangereuse voie pouvait être évitée, en estimant, tout simplement, que les dispositions de l'annexe I B de la Directive 92/50/CEE étaient contraires aux règles du Traité. Or, la Cour de justice admet de transformer un renvoi préjudiciel en interprétation en renvoi préjudiciel en appréciation de validité (CJCE, 1er décembre 1965, aff. 16/65, Firma G. Schwarze c/ Einfuhr- und Vorratsstelle für Getreide und Futtermittel N° Lexbase : A6454AUL, Rec., p. 1081).

La tâche des pouvoirs adjudicateurs ne sort évidemment pas facilitée d'une telle jurisprudence. En effet, l'existence d'une Directive, fixant les règles de passation des marchés publics de services, n'exclut nullement que puissent s'appliquer des principes jurisprudentiels extrapolés des règles générales du Traité sur le fondement desquelles a été adoptée cette même Directive. Le principe classique d'articulation des normes lex specilia generalibus derogant en sort affaibli. Surtout, il s'agit là d'une nouvelle victoire judiciaire de l'insécurité juridique.

newsid:308643

Contrats et obligations

[Jurisprudence] Qualification du mandat de l'agent commercial

Réf. : Cass. com., 15 janvier 2008, n° 06-14.698, Société Radio communications équipements (RCE), FS-P+B (N° Lexbase : A7597D3R)

Lecture: 3 min

N8533BDE

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par David Bakouche, Professeur agrégé des Facultés de droit

Le 07 Octobre 2010

Les règles du Code civil relatives au mandat, défini à l'article 1984 (N° Lexbase : L2207ABD) comme "l'acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et en son nom", traitent du mandat ordinaire et constituent, ainsi, en quelque sorte le droit commun du mandat. Sans bien entendu avoir perdu de leur intérêt, il reste que ces dispositions ne suffisent plus à rendre compte de la diversité des hypothèses de ce "contrat aux mille visages" qu'est le mandat (1). C'est que, en effet, des règles particulières ont, progressivement, vu le jour pour finir par composer un droit spécial du mandat. S'éloignant ainsi de la représentation qu'avaient pu se faire les rédacteurs du Code civil de ce contrat, conçu comme un contrat de bienfaisance et de confiance, gratuit, représentatif et conclu dans l'intérêt exclusif du mandant, la pratique a fait apparaître de nouvelles figures : mandats salariés, mandats sans représentation, mandats d'intérêt commun. Ce à quoi s'ajoute un certain nombre de mandats réglementés par le législateur. Cette diversité complexifie la matière. Aussi n'est-il pas fondamentalement très étonnant de voir la jurisprudence fréquemment conduite à préciser les critères de qualification de tel ou tel mandat. Un arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation en date du 15 janvier dernier, à paraître au Bulletin, en est, s'agissant du mandat de l'agent commercial, un exemple. En l'espèce, une société, ultérieurement absorbée par la Société française de radiotéléphonie (SFR), avait conclu avec la société RCE un "contrat partenaire", confiant à cette dernière le soin d'assurer la diffusion de services de radiotéléphonie, ainsi que d'assumer les tâches liées à l'enregistrement des demandes d'abonnement. Le contrat, conclu pour deux ans, prévoyait sa tacite reconduction par période annuelle, sauf dénonciation par l'une des parties trois mois avant son terme. Or, faisant usage de cette faculté, la société SFR avait refusé le renouvellement du contrat. Le cocontractant avait alors invoqué le bénéfice du statut d'agent commercial afin, entre autres, de pouvoir bénéficier du droit au paiement de dommages et intérêts pour rupture abusive. Approuvant un arrêt de la cour d'appel de Paris, la Cour de cassation décide que "l'agent commercial est un mandataire indépendant chargé de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats au nom et pour le compte de son mandant", ce qui, en l'espèce, n'était pas le cas, la société RCE n'étant en réalité investie "d'aucun pouvoir de négocier les contrats" puisqu'elle s'était engagée à n'apporter aucune modification, de quelque nature que ce soit, aux tarifs et conditions fixés par la société SFR pour la souscription des abonnements aux services.

La pratique, soutenue par la doctrine, et finalement entendue par la jurisprudence, a dégagé la notion de mandat d'intérêt commun, c'est-à-dire d'un mandat de collaboration poussant le mandataire à agir aussi bien dans l'intérêt du mandant que dans le sien propre (2). Le mandat est donc d'intérêt commun lorsque les parties ont des droits directs et concurrents sur l'objet du mandat et qu'elles contribuent par leur collaboration à l'accroissement d'une chose commune, par exemple lorsqu'elles ont intérêt à l'essor de l'entreprise par la création et le développement d'une clientèle. Or, le prototype du mandat d'intérêt commun est, précisément, le mandat de l'agent commercial. La jurisprudence l'avait, d'ailleurs, depuis longtemps déjà admis, avant que le législateur ne consacre cette analyse. L'article L. 134-4 du Code de commerce (N° Lexbase : L5652AI8), issu de la loi du 25 juin 1991, relative aux rapports entre les agents commerciaux et leurs mandants (loi n° 91-593 N° Lexbase : L8328AIB), dispose, en effet, que "les contrats intervenus entre les agents commerciaux et leurs mandants sont conclus dans l'intérêt commun des parties". La qualification est importante dans la mesure où elle commande l'application d'un régime particulier, aussi bien pour ce qui est des droits et obligations des parties que de la révocation du mandat (C. com., art. L. 134-1 à 134-17 N° Lexbase : L5665AIN). On saisit ainsi mieux l'enjeu qu'avait, dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt de la Chambre commerciale du 15 janvier dernier, le débat portant sur la nature du contrat liant les parties et, plus précisément, sur le point de savoir s'il pouvait ou non être qualifié de convention d'agence commerciale, les conditions de la rupture du contrat obéissant à des règles spécifiques (préavis obligatoire, droit à indemnité sauf faute grave...). Dans ces conditions, les discussions ont assez logiquement porté sur la notion d'agence commerciale, étant entendu que, comme le rappelle la jurisprudence, "l'application du statut d'agent commercial ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties dans le contrat, ni de la dénomination qu'elles ont données à leurs conventions mais des conditions dans lesquelles l'activité est effectivement exercée" (3). Les agents commerciaux sont des mandataires qui représentent régulièrement une ou plusieurs entreprises de production : ils sont bien, comme on l'a dit plus haut, le type même du mandataire d'intérêt commun, dans la mesure où le développement de leur activité pour le mandant passer par celui de leur propre clientèle. Or, en l'espèce, l'examen concret des rapports entre les parties laissait apparaître, contrairement à ce que soutenait le pourvoi, que les conditions du mandat d'agence commerciale telles que définies par le Code de commerce n'étaient pas remplies. C'est donc finalement assez logiquement que la Cour de cassation approuve les premiers juges d'avoir rejeté la qualification du statut d'agent commercial.


(1) F. Collart-Dutilleul et Ph. Delebecque, Contrats civils et commerciaux, Précis Dalloz, 7ème éd., n° 628.
(2) Ghestin, Le mandat d'intérêt commun, Mél. Derruppé, p. 105 ; Pigache, Le mandat d'intérêt commun, thèse Paris V, 1991.
(3) Cass. com., 10 décembre 2003, n° 01-11.923, Mme Françoise Blanc Canet c/ Société Europcar France, FS-P+B (N° Lexbase : A4236DA7), Bull. civ. IV, n° 198, D., 2004, p. 210, note Chevrier.

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Immobilier et urbanisme

[Chronique] Chronique en droit immobilier

Lecture: 4 min

N8657BDY

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par Marine Parmentier, Avocat à la cour d'appel de Paris

Le 07 Octobre 2010

Lexbase Hebdo - édition privée générale vous propose de retrouver, cette semaine, la chronique en droit immobilier de Marine Parmentier, Avocat à la cour d'appel de Paris. Au premier plan de cette chronique, sera présenté un arrêt en date du 19 décembre dernier, qui rappelle que les copropriétaires, tenus de participer aux charges de copropriété ne peuvent refuser de payer ces charges en opposant l'inexécution de travaux décidés. A l'honneur, également, un arrêt du 9 janvier 2008 qui précise que la libération des lieux loués au cours du délai de préavis n'est pas en soi constitutive d'un manquement du locataire à l'obligation de jouissance paisible.
  • L'impossibilité pour les copropriétaires tenus de participer aux charges de copropriété de refuser de payer en opposant l'inexécution de travaux décidés (Cass. civ. 3, 19 décembre 2007, n° 06-21.012, FS-P+B N° Lexbase : A1266D3B)

Par un attendu de principe, la Cour de cassation, dans un arrêt du 19 décembre 2007, rappelle que les copropriétaires, tenus de participer aux charges de copropriété en application des dispositions d'ordre public de la loi du 10 juillet 1965 (loi n° 65-557, fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis N° Lexbase : L5536AG7), ne peuvent refuser de payer ces charges en opposant l'inexécution de travaux décidés.

En l'espèce, un syndicat des copropriétaires de la résidence avait assigné des copropriétaires en paiement d'un arriéré de charges de copropriété qu'ils refusaient d'acquitter en invoquant l'inexécution de travaux de rénovation que l'assemblée générale des copropriétaires avait décidés cinq ans avant l'acquisition de leurs lots et que le syndicat n'avait pas réalisés. Condamnés au paiement, les copropriétaires se sont pourvus en cassation en faisant, notamment, valoir que le défaut de mise en oeuvre, par le syndicat des copropriétaires, de travaux de rénovation des parties communes votés par l'assemblée générale, fonderait tout copropriétaire à suspendre le paiement des charges de copropriété lui incombant. Selon les copropriétaires, la seule exception résiderait en l'administration de la preuve par le syndicat d'un empêchement légitime justifiant l'inexécution.

La Cour de cassation rejette leur pourvoi au visa des dispositions d'ordre public de la loi du 10 juillet 1965 imposant à chaque copropriétaire de payer ses charges (notamment, son article 10 N° Lexbase : L4803AHD). Elle refuse, ainsi, d'admettre un principe d'exception d'inexécution fondant les copropriétaires à se soustraire à l'obligation du paiement des charges de copropriété.

Cette solution n'est pas nouvelle, plusieurs juridictions du fond ayant déjà interdit aux copropriétaires de se prévaloir d'un tel moyen de défense. Dans un arrêt du 10 juillet 2007, la Cour de cassation a posé pour la première fois ce principe (Cass. civ. 3, 10 juillet 2007, n° 06-12.576, Société civile immobilière (SCI) Pat Ric, F-D N° Lexbase : A2980DXN). Néanmoins, la solution semblait limitée puisque la Cour prévoyait l'hypothèse de l'administration de la preuve par le copropriétaire de l'existence d'un préjudice lié à la non réalisation des travaux.

Dans l'arrêt commenté, la solution apportée par la Cour de cassation a une portée plus générale (aucune référence n'étant faite à l'éventuel préjudice du copropriétaire) et semble devoir s'appliquer quel que soit le motif d'inexécution invoqué par le copropriétaire récalcitrant.

  • La libération des lieux loués au cours du délai de préavis n'est pas en soi constitutive d'un manquement par le locataire à son obligation de jouissance paisible (Cass. civ. 3, 9 janvier 2008, n° 07-11.379, FS-P+B N° Lexbase : A2759D3L)

Dans un arrêt du 9 janvier 2008, la Cour de cassation précise que la libération des lieux loués au cours du délai de préavis n'est pas en soi constitutive d'un manquement du locataire à l'obligation de jouissance paisible.

En l'espèce, le locataire d'un appartement appartenant à une société d'HLM avait, par courrier du 10 mai 2003, donné congé à la bailleresse pour le 1er juillet 2003, date à laquelle il avait effectivement libéré les lieux. Postérieurement à son départ et antérieurement au 19 août 2003, date d'expiration du délai de préavis, des "squatters" s'étaient installés dans les lieux. Le locataire qui avait été averti en avait alors avisé la bailleresse. Il s'était acquitté des loyers jusqu'au 19 août 2003. La bailleresse l'avait alors assigné en paiement de loyers échus postérieurement.

Les juges du fond avaient accueilli cette demande. Ils considéraient, en effet, qu'aux termes de l'article 7 de la loi du 6 juillet 1989 (loi n° 89-462, tendant à améliorer les rapports locatifs N° Lexbase : L8461AGH), le preneur est tenu, notamment, d'user paisiblement des locaux loués suivant la destination qui leur a été donnée. Il doit, à l'issue du bail, rendre le local libre de tout bien ou tout occupant de son chef. Plus spécifiquement, les juges considéraient que le locataire avait gardé la jouissance exclusive de l'appartement jusqu'au 19 août 2003 et n'avait donc pas satisfait à son obligation d'occuper le logement jusqu'à son terme et de le rendre libre de tous occupants. En conséquence, il devrait s'acquitter des loyers réclamés par la bailleresse.

La Cour de cassation censure ce raisonnement pour défaut de base légale, la cour d'appel n'ayant pas recherché, comme il le lui était demandé, si l'intrusion des "squatters" dans le logement ne constituait pas un cas de force majeure ayant fait obstacle à sa restitution libre de toute occupation.

Il résulte de l'article 7 c) de la loi du 6 juillet 1989 (N° Lexbase : L4411AHT) que le locataire est obligé de répondre des dégradations et pertes qui surviennent pendant la durée du contrat dans les locaux dont il a la jouissance exclusive, à moins qu'il ne prouve qu'elles ont eu lieu par cas de force majeure, par la faute du bailleur ou par le fait d'un tiers qu'il n'a pas introduit dans le logement.

Il semble que la Cour de cassation étende, dans l'arrêt commenté, la portée de cet article -qui ne vise que l'obligation de principe du locataire de répondre des dégradations et pertes-. En effet, pour se défendre d'avoir manqué à son obligation de jouir paisiblement des lieux et donc de les occuper effectivement pendant la durée du bail (obligation prévue à l'article 7 b) de la loi du 6 juillet 1989), le locataire semble désormais pouvoir opposer l'hypothèse d'une force majeure, visée expressément à l'article 7 c). En tout état de cause, et comme le précise l'arrêt, la libération des lieux loués au cours du délai de préavis n'est pas en soi constitutive d'un manquement à l'obligation de jouissance paisible.

newsid:308657

Social général

[Textes] Travail, emploi, protection sociale : les propositions du Rapport "Attali"

Réf. : Rapport de la Commission pour la libération de la croissance française

Lecture: 11 min

N8710BDX

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par Christophe Willmann, Professeur à l'Université de Rouen

Le 07 Octobre 2010

La Commission pour la libération de la croissance française vient de rendre public son rapport, sous la présidence de Jacques Attali (1). Cette liste de propositions n'est pas une première : dans les années 1960, un rapport avait été rendu par un comité pour la suppression des obstacles à l'expansion économique, sous la direction de J. Rueff et L. Armand. Le rapport dit "Attali" a répondu à la lettre de mission du Président de la République, en date du 1er août 2007, demandant à la Commission de repérer les blocages qui affectent le dynamisme de l'économie française, d'élaborer des propositions pour améliorer la productivité et la compétitivité de l'économie française, libérer l'activité des professions dites réglementées et assurer une meilleure mobilité de l'emploi et du taux d'activité. La composition de la Commission, assez variée, témoigne du respect d'un certain pluralisme (2) : ses travaux méritent, à cet égard, d'être repris, dans les aspects intéressant le droit du travail et la protection sociale. La libération de la croissance française passe par la libération de certains freins à l'emploi et obstacles à l'embauche. Mais, la commission "Attali" ne s'en tient pas à ce simple constat, au demeurant éculé et peu stimulant intellectuellement. Elle reprend des suggestions déjà retenues par des économistes, tout en innovant sur certaines pistes de réflexion. 1 - Travail et emploi

A - Relations sociales

Le premier objectif que la Commission "Attali" a assigné à la présidence de la République, au Gouvernement et au législateur est la refonte de la représentativité des organisations syndicales et patronales. Les cinq syndicats reconnus représentatifs au regard des critères actuels (CGT, CFDT, FO, CFTC, CFE-CGC) bénéficient de la présomption irréfragable de représentativité qui leur confère des prérogatives connues (négocier des accords collectifs, participer à la définition et à la gestion du régime d'assurance chômage, des caisses de Sécurité sociale, des régimes complémentaires de retraite et des organismes collecteurs de la formation professionnelle ; octroyer des aides financières de l'Etat et des collectivités territoriales destinées à la formation des représentants syndicaux ; négocier des conventions et accords collectifs ; désigner un délégué syndical). La Commission a, ainsi, relevé un profond clivage entre ces cinq organisations et les autres syndicats. Les inconvénients de ce système seraient : un monopole des syndicats bénéficiant d'une présomption irréfragable dans le dialogue social, un déficit démocratique et, enfin, un durcissement des positions syndicales. La Commission propose donc de fonder la représentativité patronale sur le principe "une entreprise-une voix" (décision 115) et de fonder la représentativité syndicale sur le seul critère de l'élection (décision 116).

La Commission pour la libération de la croissance française a, ensuite, souligné que le financement des partenaires sociaux reste régi par les principes de la loi de 1884. Il est proposé de la moderniser (décision 117 : "Actualiser les règles de financement afin d'introduire plus de transparence et un meilleur ciblage des différentes catégories de ressources des syndicats").

Enfin, la Commission a assigné comme objectif le déploiement d'une offre de services pour les salariés, comme pour les exclus du marché du travail. Les syndicats devraient offrir une assistance à ces catégories les plus en difficulté, en veillant, notamment, à leur requalification professionnelle et à l'adaptation de leur formation aux emplois disponibles ou prévisibles (décision 118 : Promouvoir l'offre de services des syndicats en vue d'accroître leur audience" ; décision 119 : "Faire de la négociation collective le moyen privilégié de la transformation du droit du travail et de la maîtrise des évolutions socio-économiques des entreprises" ; décision 120 : "Organiser le principe majoritaire pour la validation des accords" ; décision 121 : "Expérimenter un espace de négociation légitime et efficace dans les PME").

B - Emploi

  • TPE et PME

Pour les membres de la Commission, les seuils sociaux constituent un frein à la croissance et à la création d'emploi. Ils proposent donc de les assouplir, en mettant en place une représentation unique dans toutes les PME de moins de 250 salariés, sous la forme d'un conseil d'entreprise exerçant les fonctions du comité d'entreprise, des délégués du personnel, des délégués syndicaux et du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail. Ce conseil d'entreprise serait le lieu privilégié de la négociation (décision 37).

  • Jeunes

La Commission pour la libération de la croissance française est partie d'un premier constat, largement connu et dont les données sont aussi largement diffusées, portant sur l'emploi des jeunes. Le taux de chômage des jeunes s'élève à 23,1 % en France, pour une moyenne de 17,3 % dans l'Union européenne. Plus d'un tiers des jeunes salariés français de 15 à 29 ans sont intérimaires, en contrat à durée déterminée ou aidé. Plus d'un quart des emplois occupés par les jeunes de moins de 26 ans bénéficient d'une aide d'Etat, alors qu'ils représentent le dixième de la population active. Pour réduire le chômage des jeunes, la Commission suggère d'améliorer leur formation et d'engager des réformes structurelles sur le marché du travail. Les réformes spécifiquement destinées aux jeunes ne seraient efficaces que lorsqu'elles se placeraient dans le cadre d'une réforme globale du marché du travail, mobilisant l'ensemble des acteurs locaux, au plus proche de la réalité économique (les régions, les pôles de compétitivité, les chambres de commerce et d'industrie et les chambres de métier, les établissements d'enseignement supérieur, les entreprises locales, les syndicats, le service public de l'emploi et les agences de placement). La Commission propose, ainsi, d'étendre le modèle de l'alternance à tous les niveaux de formation (décision 122), de développer les formations professionnalisantes à l'Université (décision 123), d'inciter les partenaires sociaux à revaloriser la rémunération des apprentis (décision 124), de relever, d'ici à 2012, la part de la taxe d'apprentissage effectivement réservée à la formation par alternance, de 52 % à 70 %, tout en incitant les structures d'enseignement professionnel à rechercher d'autres sources de financement (décision 125), de poursuivre la rationalisation de la collecte de la taxe d'apprentissage, éclatée entre 140 organismes collecteurs en moins de 20 organismes (décision 126) et, enfin, d'échanger les bonnes pratiques entre entreprises, par exemple les stages professionnalisants encadrés par un tuteur et devant déboucher sur un contrat à durée indéterminée (décision 127).

La Commission entend, également, attirer l'attention sur la nécessité d'une aide des jeunes dans la recherche d'un premier emploi et suggère d'intégrer dans des critères de bonus/malus l'emploi des jeunes et des primo-accédants (décision 128), d'encourager les jeunes à s'inscrire auprès du service public de l'emploi, même quand ils n'ont pas accès aux allocations chômage, afin de bénéficier d'un accompagnement (décision 130), d'ouvrir aux jeunes un contrat d'évolution. Ils disposeront, notamment, d'un accompagnement renforcé, avec des rendez-vous de suivi et d'accompagnement de la recherche d'emploi toutes les deux semaines, contre une fois par mois pour les autres personnes inscrites à l'Agence nationale pour l'emploi (décision 131) et, enfin, de mettre en place des écoles de la deuxième chance, notamment, par la méthode du e-learning et par la mobilisation de tuteurs recrutés parmi les seniors ou jeunes retraités (décision 132).

  • Travail des seniors

Là encore, le constat dressé par la Commission "Attali" n'est pas original. Le taux d'activité des personnes de plus de 55 ans en France est le plus faible de tous les pays de l'OCDE : ainsi, en 2003, le taux d'activité des 55-59 ans s'élève à 54 % (contre 78 % pour la Suède, 73 % pour le Japon et 68 % pour les Etats-Unis). Pour les 60-64 ans, ce taux s'élève à 13 % en France (contre 57 % en Suède, 51 % pour le Japon, et 49 % pour les Etats-Unis). La Commission souhaite permettre à chacun de retarder, s'il le désire, son départ à la retraite (décision 133), lever toutes les interdictions de cumul emploi-retraite (décision 134) et, enfin, limiter la possibilité de recours aux dispositifs de préretraite aux seules restructurations économiques (décision 135). Bref, rien de nouveau, la Commission s'inscrivant dans le prolongement de l'ANI sur le l'emploi des seniors (3) et la création du CDD senior (décret n° 2006-1070 du 28 août 2006, aménageant les dispositions relatives au contrat à durée déterminée afin de favoriser le retour à l'emploi des salariés âgés N° Lexbase : L6779HKB ; ANI Emploi des seniors du 13 octobre 2005 ; arrêté du 12 juillet 2006, portant extension de l'accord national interprofessionnel relatif à l'emploi des seniors (N° Lexbase : L3361HKP) ; C. trav., art. D. 322-24 N° Lexbase : L3234HPH) (4).

  • Sécurisation des parcours professionnels

La problématique de sécurisation des parcours professionnels n'est pas récente et les constats dressés par la Commission reprennent des données déjà connues et disponibles (5). Il serait essentiel, pour la Commission pour la libération de la croissance française, de créer les conditions pour que tous les salariés trouvent un intérêt au changement d'emploi et pour que mobilité professionnelle rime avec perspectives réelles. Il serait donc nécessaire de réorienter les budgets de la formation vers l'accompagnement des transitions professionnelles. En concédant une recherche active d'emploi, celle-ci permet, en effet, d'accélérer la sortie du chômage. La Commission propose donc d'instaurer des fonds régionaux de sécurisation des parcours professionnels (décision 138), d'attacher à la personne le droit individuel à la formation (décision 139) et, enfin, de former en priorité ceux qui ont une qualification initiale faible (décision 140).

Outre ce volet formation, la sécurisation des parcours professionnels comprend un volet chômage. La Commission "Attali" souligne l'importance d'un meilleur accompagnement de la recherche d'emploi et propose, à cette fin, d'intéresser les agents du service public de l'emploi à leurs performances en matière de reclassement (décision 141) et de considérer la situation des chercheurs d'emploi comme une activité rémunérée sous forme d'un "contrat d'évolution" avec un accompagnement renforcé (décision 142).

Une fois assurée la sécurisation des parcours, une rupture à l'amiable du contrat de travail devient possible, selon la Commission. Cette sécurisation des parcours professionnels permettrait de mieux prévoir les conditions de licenciement et d'accroître la capacité des salariés à changer d'emploi. L'urgence serait, pour le salarié comme pour l'employeur, de réduire l'incertitude liée à la rupture du contrat. La rupture du contrat de travail négociée présente deux avantages : pas de traumatisme, ni de coût excessif pour aucune des deux parties. Pour la Commission, l'enjeu n'est donc pas d'interdire l'accès au juge, mais d'augmenter l'avantage des procédures négociées. Si le salarié a intérêt à engager ou à accepter une rupture du contrat de travail d'un commun accord, parce qu'il y gagne du temps et de l'argent, alors cette procédure se développera et le recours au juge diminuera. Au final, la Commission invite les partenaires sociaux et le législateur à anticiper et négocier pour faire du licenciement économique un ultime recours (décision 143), à aménager des indemnités chômage généreuses, mais plafonnées, pour en faire bénéficier, surtout, les salariés les plus modestes, à mettre en place un système de bonus/malus (décision 144) et, enfin, à créer un troisième mode de rupture du contrat : la rupture à l'amiable (décision 145). On retrouve, ici, un dispositif déjà retenu par les partenaires sociaux au titre de l'accord national interprofessionnel sur la modernisation du marché du travail du 21 janvier 2008 (6).

2 - Santé, protection sociale

A - Système de soins

La Commission pour la libération de la croissance française s'est fixée quatre objectifs pour améliorer l'efficacité du système de soins en France. Le premier vise les professions réglementées, dont les pharmaciens (22 500 officines, avec 28 000 pharmaciens libéraux). Les autorisations d'ouverture de pharmacie sont délivrées par les préfets en fonction de l'évolution de la population. Depuis 1999, aucune autorisation ne peut être accordée dans les communes où les quotas de densité sont atteints. La Commission "Attali" suggère donc d'ouvrir les conditions d'exercice des activités de pharmacie (décision 212).

Le deuxième objectif assigné par la Commission "Attali" est relatif à une modulation de certaines prestations sociales en fonction du revenu. La Commission invite donc le législateur (et/ou les partenaires sociaux) à conditionner les prestations familiales aux revenus des ménages (décision 268) et à moduler la franchise médicale en fonction du revenu (décision 269).

Le troisième objectif n'est pas original, puisque la Commission pour la libération de la croissance française appelle de ses voeux une meilleure gouvernance d'ensemble, en renforçant l'action du comité d'alerte de l'assurance maladie (décision 270), en clarifiant le rôle respectif des administrateurs (gestion) et des partenaires sociaux (orientations stratégiques, conseils de surveillance) dans les organes de direction des caisses de Sécurité sociale (décision 271), en généralisant les Agences régionales de santé (décision 272), en organisant une gestion régionale de la carte sanitaire (décision 273) et, enfin, en mesurant l'efficience et la qualité du système de soins (décision 274).

Le quatrième objectif n'a pas, non plus, de résonance inédite, puisque la Commission "Attali" relève la nécessité de rationaliser la gouvernance des hôpitaux. Les établissements publics ressentiraient de plus en plus fortement la concurrence des cliniques privées qui gagnent en parts de marché et s'engagent dans des politiques de fusion-rapprochement pour maintenir leur compétitivité. La Commission "Attali" propose, ainsi, de permettre aux hôpitaux publics d'opter pour un statut équivalent à celui des hôpitaux privés à but non lucratif (décision 275), d'ouvrir le recrutement des directeurs des hôpitaux publics à des cadres, entrepreneurs ou médecins des secteurs publics et privés (décision 276), de modifier la formation de l'Ecole nationale de la santé publique (décision 277), d'accroître la responsabilité des directeurs d'hôpitaux et leur donner les moyens d'exercer cette responsabilité (décision 278) et, enfin, de dresser un cadre et un projet pour les centres hospitaliers universitaires en leur accordant un statut et une personnalité juridique propres (au lieu de simples conventions), clarifiant leurs missions et leurs objectifs au regard des moyens budgétaires mis en place et procédant à une réelle simplification de l'exercice des tutelles (décision 279).

Enfin, la Commission a retenu un cinquième objectif de mise en oeuvre d'une plus grande transparence tarifaire et d'une vigilance accrue en matière de concurrence. Il faudrait, selon la Commission pour la libération de la croissance française, créer les conditions d'une plus grande transparence tarifaire et d'une concurrence réelle. Celle-ci est difficile, car le Code de la santé publique (C. santé publ., art. R. 4127-13 N° Lexbase : L8707GTN et R. 4127-80 N° Lexbase : L9188GTH) assimile l'indication des tarifs pratiqués par un professionnel de santé à de la publicité et les ordres des professions de santé interdisent toute information comparative sur les tarifs. La Commission "Attali" retient deux pistes de réflexion : autoriser les assureurs de complémentaire santé à diffuser une information tarifaire nominative des professionnels de santé en utilisant l'information des bases de données dont ils disposent (décision 280) et libéraliser les prix des médicaments, obliger les officines et pharmacies à un affichage clair et lisible des prix des médicaments et, enfin, lever les restrictions sur la publicité des médicaments à prescription médicale facultative, comme le prévoit la Directive européenne 2004/27/CE (Directive (CE) 2004/27 du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004, modifiant la Directive 2001/83/CE, instituant un Code communautaire relatif aux médicaments à usage humain N° Lexbase : L1899DYY) (décision 281).

B - Financement de la protection sociale

En France, pour 1 euro de salaire net versé, le coût total est de 1,8 euros (contre 1,5 aux Pays-Bas et 1,25 au Royaume-Uni). La Commission "Attali" déplore que le financement de la protection sociale porte sur les seuls salaires, alors même que celle-ci bénéficie à l'ensemble de la population. Ce système pèserait de manière excessive sur la compétitivité de l'économie. Pour atténuer cet effet, les pouvoirs publics se sont attachés à alléger les cotisations sociales. La cotisation employeur n'existe plus au niveau du Smic et augmente de manière progressive jusqu'à 1,6 Smic (allègement dit "Fillon"). Ces allégements bénéficient particulièrement aux PME/TPE : le rapport des allégements de charges à la masse salariale s'établit à 6,9 % dans les entreprises de moins de 10 salariés, à 4,5 % dans les entreprises de 50 à 99 salariés et à 3,1 % dans les entreprises de plus de 2 000 salariés.

La part des cotisations sociales assises sur les revenus du travail est, ainsi, passée de 90 à 60 % (54 % pour le risque maladie) et la part de la fiscalité de 2 à 30 % (43 % pour le risque maladie). Dans la plupart des économies développées, les systèmes de financement les plus performants reposent sur des assiettes plus larges que les salaires pour financer des prestations ouvertes à tous. Aussi, pour continuer d'assurer le financement de la protection sociale (et particulièrement le risque "maladie"), tout en s'attachant à amplifier l'allégement du coût du travail, il faudrait remplacer les cotisations sociales assises sur les salaires (à l'exception de l'assurance chômage) par des recettes plus diversifiées, selon la Commission "Attali". Celle-ci propose de fusionner la part salariale et la part patronale des cotisations sociales pour en clarifier la nature et l'impact économique (décision 299) et d'accentuer les allégements de charges, en mettant en place une exonération totale des ex-cotisations sociales employeur au niveau du Smic pour toutes les entreprises (décision 300).


(1) XO Editions, La Documentation française, 2008.
(2) P. Aghion, professeur d'économie ; J. Attali, président de la commission ; F. Bassanini, universitaire, ; C. Bebear, président-fondateur de l'institut Montaigne ; J. Belamri, président directeur général d'un bureau d'études et d'ingénierie ; C. de Boissieu, économiste ; S. Boujnah, managing director ; P. Brabeck-Letmathe, président directeur général de Nestlé ; J.-P. Cotis, directeur général de l'Insee ; B. Cyrulnik, médecin ; J.-M. Darrois, avocat ; M. Debonneuil, économiste ; J. Delpla, économiste ; P. Ferracci, président du groupe Alpha ; X. Fontanet, président directeur général de Essilor ; E. Gebhardt, parlementaire européen ; M. Guillou, présidente directrice générale de l'Institut national de la recherche agronomique (Inra) ; Pehr. G. Gyllenhammar, entrepreneur suédois ; N. Hanet, secrétaire générale du Coorace ; J. Kaspar, ancien secrétaire général de la Cfdt ; Y. de Kerdrel, éditorialiste au Figaro ; E. Labaye, directeur général de Mackinsey France ; J.-P. Landau, second sous-gouverneur de la Banque de France ; B. Lasserre, président du Conseil de la concurrence et conseiller d'état ; A. Lauvergeon, présidente du directoire d'Areva ; E. Le Boucher, éditorialiste au Monde ; H. Lebras, historien et démographe ; R.-C. Mader, secrétaire générale de l'association Consommation, logement et cadre de vie (Clcv) ; M. Monti, commissaire européen ; P. Nanterme, président d'Accenture france ; E. Orsenna, écrivain ; A. Palacio, ancienne ministre espagnole des Affaires étrangères ; G. Roux de Bezieux, fondateur de Phone house ; L.-F. Salavador, président directeur général de Sogeti ; P.-S. Thill, président du directoire du bureau Francis Lefebvre ; P. Tillous-Borde, directeur général du groupe Sofiproteol ; J.-N. Tronc, directeur général d'Orange france mobile ; F. Villeroy de Galhau, président de Cetelem ; M. de Virville, secrétaire général et DRH du groupe Renault ; S. Weinberg, président du conseil d'administration du groupe Accor ; D. Weissmann présidente directrice générale de Biocortech ; Th. Zeldin, historien et sociologue à l'Université d'Oxford.
(3) Ch. Willmann, Les apports de l'ANI du 13 octobre 2005 aux politiques de vieillissement actif, Lexbase Hebdo n° 191 du 24 novembre 2005 - édition sociale (N° Lexbase : N1192AKD).
(4) F. Bousez, Le retour des seniors dans l'emploi : le CDD seniors, JCP éd. S, 2006, n° 1809 ; F. Favennec-Héry, L'accord national interprofessionnel relatif à l'emploi des seniors : un premier pas, JCP éd. S, n° 21, 15 novembre 2005, étude n° 1329, p. 14 ; S. Robin-Olivier, Les contrats à durée déterminée des "seniors" à l'épreuve du principe général de non-discrimination en fonction de l'âge, Rev. dr. trav., 2006, p. 133 ; P.-Y. Verkindt, Changer le regard sur le travail des seniors après l'ANI du 13 octobre 2005, Semaine sociale Lamy, 31 octobre 2005, n° 1234 ; Ch. Willmann, Promouvoir le vieillissement actif` : les modestes propositions des partenaires sociaux (ANI du 13 octobre 2005), Dr. soc., 2006, p. 144.
(5) E. Arnoult-Brill, rapporteur, La sécurisation des parcours professionnels, Projet d'avis présenté au nom de la section du travail, Conseil économique et social, 9 mai 2007.
(6) Ch. Radé, Commentaire des articles 10, 11, 12 et 13 de l'accord sur la modernisation du marché du travail : clarification des clauses spécifiques du contrat de travail et sécurisation dans sa rupture, Lexbase Hebdo n° 289 du 24 janvier 2008 - édition sociale (N° Lexbase : N8238BDH).

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Rel. individuelles de travail

[Jurisprudence] Procédure de licenciement économique et UES : le statu quo maintenu

Réf. : Cass. soc., 16 janvier 2008, n° 06-46.313, Société Oce business service Est (OBS EST), FS-P+B (N° Lexbase : A7768D34)

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N8536BDI

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par Sébastien Tournaux, Ater à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV

Le 07 Octobre 2010

Lorsqu'un employeur envisage de procéder à des licenciements économiques dans son entreprise, il est soumis à une procédure détaillée qui varie en fonction du nombre de salariés concernés et de l'effectif de l'entreprise. Mais l'évolution des modes d'organisation des entreprises, voyant la multiplication des groupes de sociétés et, comme en l'espèce, des unités économiques et sociales (UES), a bouleversé la notion même d'entreprise, si bien que l'on en vient, parfois, à se demander si les conditions prévues par le Code du travail ne sont pas devenues obsolètes. La Cour de cassation avait l'occasion d'étendre le champ d'appréciation des conditions de la procédure de licenciement économique au-delà du champ classique de l'entreprise. Elle s'y refuse, pourtant, par cet arrêt rendu par la Chambre sociale le 16 janvier 2008. Les juges préfèrent cantonner les modalités d'appréciation de ces conditions à l'entreprise au sens le plus classique du terme (1). Si la question de l'usage de l'unité économique et sociale comme champ d'appréciation est légitimement écartée en l'espèce, la Cour ne fait guère preuve d'audace face à une question qui se représentera nécessairement (2).
Résumé

C'est au niveau de l'entreprise ou de l'établissement concerné par les mesures de licenciement économique envisagées, au moment où la procédure de licenciement collectif est engagée, que s'apprécient les conditions déterminant la consultation des instances représentatives du personnel et l'élaboration d'un plan de sauvegarde de l'emploi.

Commentaire

1. Le cadre d'appréciation des conditions de procédure du licenciement pour motif économique limité à l'entreprise

  • Rappel des obligations de consultation des institutions représentatives du personnel et de mise en place d'un plan de sauvegarde de l'emploi

Les articles L. 321-3 (N° Lexbase : L8925G7P) et L. 321-4-1 (N° Lexbase : L8926G7Q) du Code du travail, visés dans l'arrêt commenté, mettent en place des obligations particulières à la charge de l'employeur, qui envisage de prendre des mesures de licenciement fondées sur un motif économique. Plus spécifiquement, et au regard des faits de l'espèce, ces obligations varient en fonction de l'effectif de l'entreprise et du nombre de licenciements prononcés. C'est, surtout, la question de l'effectif qui nous intéresse, puisque le nombre de licenciement prononcé sur une même période de trente jours ne fait pas débat dans l'arrêt.

S'agissant de la consultation des institutions représentatives du personnel, l'article L. 321-3 du Code du travail distingue selon que l'entreprise ou l'établissement concerné comporte un effectif inférieur ou supérieur à cinquante salariés. Si l'effectif est inférieur à ce seuil, seuls les délégués du personnel doivent être réunis et consultés. En revanche, dès lors que l'effectif est supérieur ou égal à cinquante salariés et qu'il existe un comité d'entreprise, conformément aux dispositions de l'article L. 431-1 du Code du travail (N° Lexbase : L6389ACM), la délégation du personnel s'efface à son profit. Le comité sera, alors, consulté, selon une procédure, d'ailleurs, duale, issue, à la fois du livre III et du livre IV du Code du travail, et dont le régime a été plusieurs fois remodelé (1).

S'agissant de la mise en place d'un plan de sauvegarde de l'emploi, l'article L. 321-4-1 du Code du travail ne l'impose qu'aux seules entreprises dont l'effectif dépasse cinquante salariés. Parmi les mesures présidant à sa mise en place figurent de nouvelles réunion, information et consultation des représentants du personnel ce qui, toujours au regard de l'effectif, vise directement le comité d'entreprise.

Que ce soit à l'égard de l'une ou l'autre de ces obligations, des difficultés ont pu survenir dans la détermination de l'entité dans laquelle devait s'effectuer le calcul de l'effectif.

  • Les questions relatives au calcul de l'effectif

S'il apparaît que le seuil de cinquante salariés soit fatidique à l'égard de ces diverses obligations, l'unité de représentation dans laquelle il sera apprécié peut, également, jouer un rôle important. L'effectif doit-il être apprécié au niveau de l'établissement dans lequel la procédure est engagée ? Au niveau de l'entreprise ? Voire de l'unité économique et sociale ou du groupe ?

Les deux textes invoqués ne semblent, à première vue, pas viser les mêmes conditions, puisque l'article L. 321-3 du Code du travail évoque les "entreprises ou établissements" pour la consultation des institutions représentatives du personnel, alors que l'article L. 321-4-1 ne se réfère qu'à "l'entreprise employant au moins cinquante salariés".

La jurisprudence a, déjà, clairement décidé que, s'agissant de la mise en place d'un plan de sauvegarde de l'emploi, l'effectif devait être apprécié au niveau de l'entreprise (2). La Cour de cassation exclut, d'ailleurs, explicitement la prise en compte du groupe comme unité de représentation pouvant servir au calcul du seuil d'effectif (3).

En revanche, concernant l'information et la consultation des représentants du personnel, seules les questions relatives au décompte des salariés concernés par le licenciement semble avoir fait débat. L'administration, pour déterminer si le nombre de dix salariés nécessaire est atteint, semble inviter à choisir entre établissement et entreprise en fonction de l'autonomie de l'établissement et du champ dans lequel interviennent les licenciements (4), solution à laquelle la Chambre sociale de la Cour de cassation paraît adhérer (5).

Restait la question de l'unité économique et sociale, dont la convergence croissante avec la notion d'entreprise permettait légitimement d'envisager la possibilité d'y voir une unité de représentation apte à servir de niveau de référence pour l'appréciation du seuil de cinquante salariés (6).

  • En l'espèce

Dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt commenté, une procédure de licenciement économique concernant dix-neuf salariés était mise en oeuvre, à la fin de l'année 2003, dans une entreprise, dont l'effectif comportait quarante salariés. Seule la consultation de la délégation du personnel devait, donc, intervenir et aucun plan de sauvegarde de l'emploi n'avait à être mis en place.

Pourtant, deux jugements d'un tribunal d'instance décidaient, entre mai et juillet 2004, de reconnaître l'existence d'une unité économique et sociale entre l'entreprise concernée par le licenciement et deux autres sociétés. Ces décisions devaient emporter la mise en place d'institutions représentatives du personnel centrales, en particulier d'un comité d'entreprise, en application de l'article L. 431-1 du Code du travail (N° Lexbase : L6389ACM). Les licenciements économiques n'étaient notifiés aux salariés qu'en juillet 2004, sans que l'instance représentative n'ait été instituée. Salariés et syndicats demandèrent, alors, l'annulation des licenciements pour non-respect de la procédure de consultation.

La cour d'appel de Besançon prononça la nullité de la procédure de licenciement, estimant qu'il aurait dû être mis en place un comité d'entreprise commun, qui aurait été informé et consulté et, qu'en outre, un plan de sauvegarde de l'emploi aurait dû accompagner les licenciements.

La Chambre sociale de la Cour de cassation casse cette décision en estimant que "c'est au niveau de l'entreprise ou de l'établissement concerné par les mesures de licenciement économique envisagées, au moment où la procédure de licenciement collectif est engagée que s'apprécient les conditions déterminant la consultation des instances représentatives du personnel et l'élaboration d'un plan de sauvegarde de l'emploi".

Ce faisant, la Cour de cassation semble soigneusement éviter la question du champ d'appréciation de la consultation des représentants du personnel et de la mise en place du plan de sauvegarde de l'emploi. Elle évince totalement la question de l'existence de l'unité économique et sociale pour se placer seulement sur un plan chronologique. Le projet de licenciement ayant été engagé avant la reconnaissance de l'unité économique et sociale, il n'était pas nécessaire, à ses yeux, de s'interroger sur cette question. Si la solution n'est guère discutable s'agissant du moment auquel doivent être appréciées les conditions de procédure encadrant le licenciement, on ne peut que regretter que l'occasion de régler la question de l'unité économique et sociale n'ait pas été saisie.

2. La question de l'unité économique et sociale comme champ d'appréciation soigneusement évitée par le juge

  • Le moment déterminant les conditions de procédure du licenciement économique

Pour la Chambre sociale, il n'est pas nécessaire de s'interroger sur la structure de l'entreprise. En effet, les conditions du licenciement doivent être appréciées au moment où la procédure est engagée et non au moment où le licenciement est prononcé. L'unité économique et sociale n'ayant, à ce moment-là, pas encore été reconnue, seule l'entreprise constituait un cadre adéquat de calcul de l'effectif. Une telle solution nous paraît parfaitement logique.

Elle est, tout d'abord, justifiée au regard de la rédaction des textes du Code du travail relatifs aux conditions de procédure dont il était question.

S'agissant de la consultation des représentants du personnel, les deux premiers alinéas de l'article L. 321-3 prévoient, en effet, que les employeurs doivent réunir et informer les représentants du personnel lorsqu'ils "projettent" de procéder à des licenciements économiques. Nul ne contestera que le fait de projeter des mesures de licenciement est bien une action antérieure à leur prononcé. Il est, d'ailleurs, probable que la Chambre sociale, en estimant qu'il faille se référer au moment où la procédure est engagée, reste en la matière en deçà des obligations du texte qui paraît viser un temps encore antérieur.

S'agissant de la mise en place d'un plan de sauvegarde de l'emploi, l'article L. 321-4-1 du Code du travail demeure plus flou. Le moment de la mise en place du plan n'est pas clairement envisagé. Néanmoins, l'objectif du plan de sauvegarde qui, rappelons-le, vise, notamment, à "éviter les licenciements ou [à] en limiter le nombre", mais, aussi, la sanction de nullité frappant une procédure établie "tant qu'un plan [...] n'a pas été présenté par l'employeur aux représentants du personnel", implique nécessairement que l'obligation de le mettre en place soit antérieure au prononcé des licenciements.

L'arrêt semble donc offrir une harmonisation de régime entre les deux mesures. Pour l'une comme pour l'autre, les conditions de leur mise en oeuvre devront être appréciées au moment de l'engagement de la procédure, ce qui paraît plus réaliste que le stade de projet visé pour la consultation des représentants du personnel, et plus précis que la simple antériorité à la notification des licenciements déduite de l'article L. 321-4-1 pour le plan de sauvegarde de l'emploi.

La solution est, également, cohérente en ce qu'elle se refuse à donner une sorte d'effet rétroactif aux décisions des juges d'instances ayant reconnu l'existence d'une unité économique et sociale. Si la Cour de cassation avait, comme la cour d'appel, retenu l'existence de l'unité économique et sociale pour apprécier les conditions de consultation des représentants du personnel et de mise en place du plan de sauvegarde de l'emploi, elle aurait nécessairement fait produire aux décisions du tribunal d'instance des effets à une date antérieure, ce raisonnement étant conforté par la proximité temporelle entre la reconnaissance de l'unité économique et sociale et la notification des licenciements (7).

Cela n'empêche pas d'avoir le sentiment que la Chambre sociale prend grand soin de ne pas se prononcer, fût-ce par obiter dictum, sur la question de la prise en compte de l'unité économique et sociale comme unité de représentation valable dans le cadre de l'appréciation des seuils d'effectifs.

  • Une occasion manquée ?

L'interaction des règles du licenciement économique et de celles guidant l'unité économique et sociale pose un certain nombre de difficultés que la doctrine n'a pas manquées de souligner (8).

D'un côté, la Chambre sociale de la Cour de cassation restreint à l'entreprise ou à l'établissement l'appréciation des conditions de consultation des représentants du personnel ou de mise en place du plan de sauvegarde de l'emploi.

Mais, d'un autre côté, l'unité économique et sociale est de plus en plus souvent prise en considération dans d'autres mécanismes liés au licenciement pour motif économique. Ainsi, par exemple, la validité du plan de sauvegarde est-elle appréciée "au regard des moyens dont dispose l'entreprise ou, le cas échéant, l'unité économique et sociale ou le groupe" aux termes du dernier alinéa de l'article L. 321-4-1 du Code du travail. Ainsi, également, l'effectivité du motif de difficultés économiques de l'entreprise invoqué au soutien d'un licenciement doit-elle être appréciée au regard du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient, cadre paraissant plus large que celui de l'entreprise (9).

S'il ne peut être reproché à la Cour de cassation d'avoir tranché le litige en appliquant les règles relatives au moment d'appréciation des conditions de la procédure, la formule employée demeure elliptique quant à l'usage de l'unité économique et sociale comme unité de représentation pour déterminer ces mêmes conditions. Plus encore, la Cour évite soigneusement les termes d'"unité économique et sociale" pour estimer que "c'est au niveau de l'entreprise ou de l'établissement concerné" que s'apprécient les conditions, même si la référence au moment de l'engagement de la procédure laisse pressentir que la solution aurait pu être différente si la reconnaissance de l'unité économique et sociale était intervenue plus tôt.

Il faudra donc attendre que de nouvelles affaires soient portées au rôle de la Chambre sociale pour déterminer si l'unité économique et sociale peut être une unité de représentation valable pour fixer les conditions de procédure du licenciement économique. En somme, il ne s'agissait donc que de reculer pour mieux sauter...



(1) La dernière modification date de la loi de cohésion sociale du 18 janvier 2005 (loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005, de programmation pour la cohésion sociale N° Lexbase : L6384G49) et les obs. de N. Mingant, Fiche n° 1 : la modification du droit applicable en cas de "grand" licenciement économique, Lexbase Hebdo n° 152 du 27 janvier 2005 - édition sociale (N° Lexbase : N4383ABX).
(2) Cass. soc., 26 février 2003, n° 01-41.030, M. Albert Benarroche c/ Société Trigano Industries, F-P (N° Lexbase : A2923A7E), RJS 2003, n° 589 ; v., également, Cass. soc., 30 juin 2004, n° 02-42.672, Office public d'aménagement et de construction de l'Ariège (OPAC) c/ Mme Yolande Dupuy, FS-P+B N° Lexbase : A9017DCX) et les obs. de S. Koleck-Dessautel, Le calcul de l'effectif pour la mise en place d'un plan social, Lexbase Hebdo n° 129 du 15 juillet 2004 - édition sociale (N° Lexbase : N2334AB3), RJS 2004, n° 1015 ; JCP éd. S. 2005, I, 122, n° 19, obs. P. Morvan.
(3) Ibid..
(4) Si un établissement disposant d'une grande autonomie projette de réaliser des licenciements pour des motifs économiques propres à son établissement, n'excédant pas les pouvoirs du chef d'établissement, le nombre de licenciements à prendre en compte est celui mis en oeuvre dans cet établissement. Si des établissements distincts réalisent simultanément des licenciements pour un même motif économique, dans le cadre d'un plan de restructuration dont les modalités excèdent les pouvoirs des chefs d'établissement, le nombre de licenciements à prendre en compte est celui mis en oeuvre au niveau global de l'entreprise. Si un licenciement collectif pour un même motif est envisagé au niveau général de l'entreprise et affecte des entités ou des structures différentes de l'entreprise, le nombre de licenciements à prendre en compte est celui mis en oeuvre au niveau de l'entreprise.
V. la circulaire DGEFP/DRT/DSS n° 2002/1 du 5 mai 2002, relative à la mise en oeuvre des articles 93 à 123 de la loi de modernisation sociale (N° Lexbase : L6281A4E) et le volet licenciement pour motif économique, Bulletin officiel du Travail, de l'Emploi et de la Formation Professionnelle n° 2002/11, 20 juin 2002.
(5) Cass. soc., 7 mai 2003, n° 01-42.379, Société Tekelec Temex c/ M. Jean-Philippe Deblauwe, inédit (N° Lexbase : A7958BSK) et les obs. de Ch. Willmann, Le seuil de déclenchement du plan de sauvegarde de l'emploi : un régime complexe, à la croisée de la loi et de la jurisprudence, Lexbase Hebdo n° 72 du 22 mai 2003 - édition sociale (N° Lexbase : N7372AAB).
(6) La Chambre sociale a déjà eu l'occasion de considérer que l'unité économique et sociale ne constituait qu'une seule entreprise pour le droit du travail (Cass. soc., 16 octobre 2001, n° 99-44.037, FS-P N° Lexbase : A4913AWU). Sur cette question, v. I. Desbarats, La notion d'unité économique et sociale en droit du travail, in Mélanges Despax, PU Toulouse, 2001, p. 78 ; G. Blanc-Jouvan, L'unité économique et sociale et la notion d'entreprise, Dr. soc. 2005, p. 68 ; B. Boubli, L'unité économique et sociale à l'époque des voeux. Etat des lieux et souhaits de réforme, SSL 16 février 2004 et SSL 23 février 2004.
(7) L'arrêt précise, en effet, que les juges d'instance ont reconnu l'existence d'une unité économique et sociale par deux jugements de mai et de juillet 2004, alors que les licenciements ont été notifiés aux mois de juin et juillet.
(8) V. P. Morvan, obs. sous Cass. soc., 30 juin 2004, préc. ; v., également, de manière plus générale, J. Daniel, La mécanique du licenciement pour motif économique à l'épreuve de l'UES, JCP éd. S. 2007, 1949.
(9) En ce sens, également, P. Morvan, obs. sous Cass. soc., 30 juin 2004, préc..
Décision

Cass. soc., 16 janvier 2008, n° 06-46.313, Société Oce business service Est (OBS EST), FS-P+B (N° Lexbase : A7768D34)

Cassation, Cour d'appel de Besançon, 2ème ch. civ., 10 octobre 2006

Textes visés : C. trav., art. L. 321-3 (N° Lexbase : L8925G7P), art. L. 321-4-1 (N° Lexbase : L8926G7Q) et art. L. 431-1 (N° Lexbase : L6389ACM)

Mots-clés : Licenciement économique ; consultation des institutions représentatives du personnel ; plan de sauvegarde de l'emploi ; unité économique et sociale.

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Rel. individuelles de travail

[Jurisprudence] L'obligation de sécurité de résultat de l'employeur et la visite médicale de reprise

Réf. : Cass. soc., 9 janvier 2008, n° 06-46.043, Société G Kubas, F-D (N° Lexbase : A2741D3W)

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N8489BDR

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par Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale

Le 07 Octobre 2010

La sécurité des salariés dans l'entreprise est devenue une préoccupation majeure du législateur et de la Cour de cassation qui considère, désormais, que l'employeur est, non seulement tenu d'une obligation de résultat en la matière, mais, également, qu'il doit en assurer l'exécution effective, notamment, en respectant à la lettre ses obligations légales et réglementaires. C'est singulièrement s'agissant de l'obligation qui est faite à l'employeur de soumettre le salarié à une visite médicale de reprise, lorsqu'il reprend son poste après une interruption de plus de huit jours consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle (1), que s'exprime, aujourd'hui, cette obligation de garantir effectivement la sécurité du salarié sur son poste de travail (2).
Résumé

Il résulte de l'article L. 230-2 du Code du travail (N° Lexbase : L8438HNT), interprété à la lumière de la Directive 89/391/CEE du 12 juin 1989, concernant la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail (N° Lexbase : L9900AU9), ainsi que de l'article R. 241-51 du Code du travail (N° Lexbase : L9928ACP), que l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise, doit en assurer l'effectivité.

Il ne peut, dès lors, laisser un salarié reprendre son travail après une période d'absence d'au moins huit jours pour cause d'accident du travail, sans le faire bénéficier, lors de la reprise du travail ou, au plus tard, dans les huit jours de celle-ci, d'un examen par le médecin du travail destiné à apprécier son aptitude à reprendre son ancien emploi, la nécessité d'une adaptation des conditions de travail ou d'une réadaptation ou, éventuellement, de l'une et de l'autre de ces mesures.

A défaut, l'employeur ne peut résilier le contrat de travail à durée indéterminée du salarié, dont le droit à la sécurité dans le travail a, ainsi, été méconnu, que s'il justifie soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de l'impossibilité où il se trouve, pour un motif non lié à l'accident, de maintenir ledit contrat.

1. L'obligation de soumettre le salarié à une visite médicale de reprise

  • L'obligation de l'employeur

L'article L. 122-32-1 du Code du travail (N° Lexbase : L1371G9N) dispose que le contrat de travail d'un salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle est suspendu pendant la durée de l'arrêt de travail, le licenciement pendant cette période étant subordonné à la preuve d'une faute grave ou de l'impossibilité, pour un motif non lié à l'accident ou à la maladie, de maintenir le contrat de travail (1).

C'est la visite médicale de reprise, à laquelle le salarié est obligatoirement astreint par l'article R. 241-51 du Code du travail, qui met fin à cette période de suspension. Cet examen doit intervenir dès lors que l'arrêt de travail a duré au moins huit jours et il doit avoir lieu "lors de la reprise du travail et au plus tard dans un délai de huit jours".

La Cour de cassation a logiquement considéré que c'était à l'employeur de la provoquer (2) et qu'il ne pouvait être reproché au salarié de ne pas en avoir pris l'initiative (3).

  • Conséquences de l'absence de visite médicale de reprise

Restent à déterminer les conséquences du défaut de tenue de cette visite de reprise.

La première conséquence est que le contrat de travail demeure suspendu tend que la visite de reprise n'a pas eu lieu (4). Le régime protecteur des salariés continue, par conséquent, de s'appliquer et l'employeur doit, pour justifier le licenciement, prouver soit la faute grave, soit l'impossibilité de maintenir le contrat de travail dans les conditions posées par l'article L. 122-32-2 du Code du travail. C'est cette solution classique que vient réaffirmer cet arrêt en date du 9 janvier 2008.

La jurisprudence a dégagé deux autres conséquences qui tiennent au caractère fautif de la négligence de l'employeur, qui manque, ainsi, à son obligation de déclencher la visite de reprise.

Jusqu'à une période récente, la Cour de cassation se contentait d'affirmer que la violation de l'article R. 241-51 du Code du travail constituait une telle faute, sans autre référence, pour en tirer toute une série de conséquences.

Le salarié peut, tout d'abord, prendre acte de la rupture de son contrat de travail, aux torts de son employeur (5). Dans une décision intervenue en 2007, la Chambre sociale de la Cour de cassation a, toutefois, considéré que cette possibilité n'est pas automatique et que les juges du fond peuvent souverainement considérer "que le retard apporté dans l'organisation de la visite de reprise ne constitue pas en l'espèce un manquement suffisamment grave de l'employeur pour entraîner la rupture du contrat de travail" (6).

Le salarié peut, également, obtenir des dommages et intérêts réparant spécifiquement le préjudice que lui a "nécessairement" causé le défaut de visite de reprise et ce, dans le cadre de l'action engagée contre son employeur pour contester le bien-fondé de son licenciement (7).

2. Reconnaissance d'une obligation de sécurité de résultat à la charge du chef d'entreprise en matière de visite de reprise

  • Apparition de la référence à l'obligation de sécurité de résultat

C'est à partir de 2002 que la Cour de cassation a formalisé l'existence, à la charge de l'employeur, d'une obligation de sécurité de résultat, à l'occasion de la redéfinition de la faute inexcusable de l'employeur et dans le cadre de la législation professionnelle. Selon la Chambre sociale de la Cour de cassation, en effet, l'employeur est débiteur, à l'égard de ses salariés, d'une "obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par ce salarié du fait des produits fabriqués ou utilisés par l'entreprise" (8). Cette solution, initialement dégagée en présence de maladies professionnelles, fut logiquement étendue aux accidents du travail (9), puis reprise par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation (10), puis par l'Assemblée plénière (11).

Jusqu'en 2005, cette obligation de sécurité était expressément rattachée au contrat de travail, la Cour de cassation visant l'article 1147 du Code civil (N° Lexbase : L1248ABT) et précisant que cette obligation était due "en vertu du contrat de travail [...] liant [l'employeur] à son salarié" (12). Mais, depuis 2005, la référence à l'article 1147 du Code civil a disparu et le champ d'application de l'obligation de sécurité s'est élargi.

La Cour de cassation a, ainsi, considéré que l'employeur était responsable du respect de la législation relative au tabagisme dans l'entreprise et que le fait qu'il n'ait pas mis en oeuvre les mesures nécessaires pour la faire respecter justifiait la prise d'acte de la rupture du contrat de travail, à ses torts, par un salarié qui s'estimait victime de tabagisme passif (13).

En 2006, la Chambre sociale de la Cour de cassation a, alors, considéré que "l'employeur est tenu envers ses salariés d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise, notamment en matière de harcèlement moral" (14). La référence au contrat a, là encore, disparu et la Cour de cassation ne vise que des dispositions du Code du travail, sans référence à l'article 1147 du Code civil (15).

  • Application à l'obligation de soumettre le salarié à une visite médicale de reprise

Depuis 2006, et sans, d'ailleurs, que ce changement de fondement n'ait en rien modifié l'étendue des droits des salariés, la Cour de cassation a enrichi le fondement de ses condamnations pour manquement aux obligations relatives à la visite médicale de reprise, d'une référence nouvelle au manquement, par l'employeur, à son obligation de sécurité de résultat, obligation fondée sur les dispositions de l'article L. 230-2 du Code du travail, mais, également, sur celles de la Directive 89/391/CEE du 12 juin 1989, concernant la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail (16). La Cour allait, également, reprocher, sur le même fondement, à l'employeur, d'avoir tardé à prendre en compte les préconisations formulées par le médecin du travail (17).

  • Confirmation en l'espèce

C'est donc la solution dégagée dans son arrêt du 28 février 2006, et confirmée depuis (18), qui se trouve ici reprise. La Cour confirme, également, que l'employeur doit mettre en oeuvre toutes les mesures utiles pour garantir l'effectivité de cette obligation de sécurité (19).

Cette affirmation, et les conséquences qui en découlent, doivent être pleinement approuvées. Même s'il se sent apte à reprendre son travail, le salarié n'est pas nécessairement le mieux placé pour déterminer s'il est effectivement remis de son accident ou de sa maladie. Seule la visite de reprise pourra, alors, déterminer s'il est vraiment apte à reprendre ses fonctions. L'employeur est donc prévenu : à l'instar de son obligation de sécurité, son obligation de faire procéder à la visite de reprise est également une obligation de résultat !



(1) C. trav., art. L. 122-32-2 (N° Lexbase : L1371G9N).
(2) Cass. soc., 12 novembre 1997, n° 94-40.912, Mme Morchoisne c/ Imprimerie Siraudeau (N° Lexbase : A1142AAK), Bull. civ. V, n° 366, 1ère esp..
(3) Cass. soc., 12 octobre 1999, n° 97-40.835, M. Bellama c/ Société Outillage Forézien, publié (N° Lexbase : A2192CHN), D. 1999, p. 1103, note J. Savatier.
(4) Visite unique ou double visite dans l'hypothèse prévue à l'article R. 241-51-1 du Code du travail (N° Lexbase : L9929ACQ).
(5) Cass. soc., 15 octobre 2003, n° 01-43.571, Société Aux produits du Nyonsais c/ M. Jacky Richard, inédit (N° Lexbase : A8327C9B). Lire nos obs., Inaptitude médicale et autolicenciement : un employeur averti en vaut deux !, Lexbase Hebdo n° 91 du 23 octobre 2003 - édition sociale (N° Lexbase : N9165AAP).
(6) Cass. soc., 16 mai 2007, n° 06-41468, inédit (N° Lexbase : A2642DWR). Le salarié avait pris acte de la rupture de son contrat de travail moins d'un mois après la reprise de son travail.
(7) Cass. soc., 13 décembre 2006, n° 05-44.580, Société Valentin traiteur, FS-P+B (N° Lexbase : A9179DSR).
(8) Cass. soc., 28 février 2002 : JCP éd. G, 2002, II, 10053, concl. Benmakhlouf ; Dr. soc. 2002, p. 445, chron. A. Lyon-Caen ; Cass. soc., 11 avril 2002, n° 00-16.535, Mme Dounya Edrissi, épouse Hachadi c/ Société Camus industrie, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A4836AYR), Dr. soc. 2002, p. 676, obs. P. Chaumette ; Cass. soc., 26 novembre 2002, n° 00-19.347, Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Gironde c/ Société Everite, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A0741A49), Bull. civ. V, n° 356 ; Cass. soc., 6 février 2003, n° 01-20.004, Société Holophane c/ Mme Sylvana Cordier, FS-P+B (N° Lexbase : A9066A4K), Bull. civ. V, n° 48. Lire, également, P. Sargos, L'évolution du concept de sécurité au travail et ses conséquences en matière de sécurité, JCP éd. G, 2003, I, 104. La Cour de cassation a, par ailleurs, précisé que "lorsque le travail s'exécute dans les locaux d'une autre entreprise, l'employeur a le devoir de se renseigner sur les dangers courus par le salarié" et n'engage, alors, sa responsabilité qu'en cas de faute prouvée (Cass. civ. 2, 8 novembre 2007, n° 07-11.219, F-P+B N° Lexbase : A4294DZ3) : "en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la société Clemessy, qui avait fait intervenir M. X... pendant plusieurs années sur un site industriel sensible, avait satisfait à son obligation de se renseigner auprès de la société Sollac sur la nature des produits fabriqués ou utilisés par celle-ci, de façon à s'assurer de leur innocuité ou, en cas de danger, à mettre en oeuvre, en coopération avec les organes de cette entreprise tierce, des mesures propres à préserver la santé de son salarié, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes susvisés".
(9) Cass. soc., 11 avril 2002, n° 00-16.535, préc. ; Cass. soc., 23 mai 2002, n° 00-14.125, Société Negotap c/ M. Ameur Adour, FS-P+B+R (N° Lexbase : A7177AYH), Bull. civ. V, n° 177 ; Cass. soc., 27 juin 2002, n° 00-14.149, Commissariat à l'énergie atomique c/ M. Gérald Cardona, FS-P (N° Lexbase : A0172AZE), Bull. civ. V, n° 224 ; Cass. soc., 11 juillet 2002, n° 00-17.377, Mme Maria de Luz Vilarinho c/ Société Razel, FS-P (N° Lexbase : A0897AZA), Bull. civ. V, n° 261 ; Cass. soc., 31 octobre 2002, n° 00-18.359, Société Ouest Concassage c/ Mme Gilette Parvedy, épouse Latchoumanin, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A4141A3R), Bull. civ. V, n° 336.
(10) Cass. civ. 2, 12 mai 2003, n° 01-21.071, M. Lucien Lapeyronnie c/ Societe Les Chaux du Périgord, FS-P+B (N° Lexbase : A0224B7G), Bull. civ. II, n° 141 (accident du travail) ; Cass. civ. 2, 16 septembre 2003, n° 02-30.670, M. Philippe Sauveur c/ Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) d'Ille-et-Vilaine, F-P (N° Lexbase : A5556C9N), Bull. civ. II, n° 264 (idem) ; Cass. civ. 2, 14 octobre 2003, n° 02-30.231, Olga Pézin, épouse Rose c/ Société Dunlop France, FS-P+B (N° Lexbase : A8345C9X), Bull. civ. II, n° 300 (maladies professionnelles) ; Cass. civ. 2, 16 mars 2004, n° 02-30.834, M. Jean-jacques Corbin c/ M. René Thomasse, FS-P+B (N° Lexbase : A6043DBG), Bull. civ. II, n° 122 (accident du travail) ; Cass. civ. 2, 6 avril 2004, n° 02-30.688, Société Papeteries de Chatelles c/ Mme Anne-Marie Mansuy, FS-P+B (N° Lexbase : A8383DB4), Bull. civ. II, n° 153 (maladies professionnelles) ; Cass. civ. 2, 8 juillet 2004, n° 02-30.984, M. Daniel Averseng c/ M. Pierre Lagenette, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A0362DDR), Bull. civ. II, n° 394 (accident du travail) ; Cass. civ. 2, 14 décembre 2004, n° 03-30.247, Société Atofina c/ Mme Florence Royer, FS-P-B (N° Lexbase : A4869DE3), Bull. civ. II, n° 520 (maladies professionnelles) ; Cass. civ. 2, 8 mars 2005, n° 02-30.998, Société Rhodia organique, venant aux droits de la société anonyme Rhodia chimie c/ Mlle Claire Vialon, FS-P+B (N° Lexbase : A2498DHY), Bull. civ. II, n° 56 (idem) ; Cass. civ. 2, 11 octobre 2005, n° 04-30.360, Société Everite c/ Mme Madeleine Danek, F-P+B (N° Lexbase : A8439DKR), Bull. civ. II, n° 242 (idem) ; Cass. civ. 2, 31 mai 2006, n° 04-30.654, Mme Annick Lepineau, épouse Freulon c/ Société Renault Le Mans, F-P+B+R (N° Lexbase : A7437DP7) (idem).
(11) Ass. plén., 24 juin 2005, M. Jean-Claude Grymonprez c/ Société Norgraine (N° Lexbase : A8502DIQ), Dr. soc. 2005, p. 1067, obs. X. Prétôt ; JCP éd. S, 2005, p. 1056, note P. Morvan ; v., également, les obs. de Olivier Pujolar, Maître de conférences à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Faute inexcusable de l'employeur et faute inexcusable de la victime d'un accident du travail : des confirmations de jurisprudences, Lexbase Hebdo n° 176 du 13 juillet 2005 - édition sociale (N° Lexbase : N6599AIA). 
(12) Ass. plén., 24 juin 2005, préc..
(13) Cass. soc., 29 juin 2005, n° 03-44.412, Société ACME Protection c/ Mme Francine Lefebvre, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A8545DIC), Dr. soc. 2005, p. 971, chron. J. Savatier : "l'employeur, malgré les réclamations de la salariée, s'était borné à interdire aux autres salariés de fumer en sa présence et à apposer des panneaux d'interdiction de fumer dans le bureau à usage collectif qu'elle occupait".
(14) Cass. soc., 21 juin 2006, n° 05-43.914, M. Jacques Balaguer, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A9600DPA). Sur cet arrêt, lire nos obs., L'employeur responsable du harcèlement moral dans l'entreprise, Lexbase Hebdo n° 223 du 12 juillet 2006 - édition sociale (N° Lexbase : N0835ALI).
(15) "Vu les articles L. 122-49 (N° Lexbase : L0579AZH), L. 122-51 (N° Lexbase : L0582AZL) et L. 230-2 du Code du travail, ce dernier interprété à la lumière de la Directive CE n° 89/391 du 12 juin 1989, concernant la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et la santé des travailleurs".
(16) Cass. soc., 28 février 2006, n° 05-41.555, M. Dany Deprez c/ Société Cubit France technologies, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A2163DNG), lire les obs. de Stéphanie Martin-Cuenot, Ater à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Vers un principe général de sécurité dans l'entreprise ?, Lexbase Hebdo n° 206 du 15 mars 2006 - édition sociale (N° Lexbase : N5665AKZ).
(17) Cass. soc., 20 septembre 2006, n° 05-42.925, Société Comptoir des levures, FS-D (N° Lexbase : A3102DRC) : "la cour d'appel, qui a constaté que l'employeur avait tardé à suivre les préconisations du médecin du travail mettant, ainsi, en péril la santé du salarié, a légalement justifié sa décision".
(18) Cass. soc., 13 décembre 2006, n° 05-44.580, Société Valentin traiteur, FS-P+B (N° Lexbase : A9179DSR).
(19) Cass. soc., 28 février 2006, préc. ; Cass. soc., 20 septembre 2006, préc. : "l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise, doit en assurer l'effectivité en prenant en considération les propositions de mesures individuelles telles que mutations ou transformations de postes, justifiées par des considérations relatives à l'âge, à la résistance physique ou à l'état de santé des travailleurs que le médecin du travail est habilité à faire par l'article L. 241-10-1 du Code du travail (N° Lexbase : L6034ACH)" ; Cass. soc., 13 décembre 2006, préc..

Décisions

Cass. soc., 9 janvier 2008, n° 06-46.043, Société G Kubas, F-D (N° Lexbase : A2741D3W)

Rejet (cour d'appel de Paris, 22ème ch., sect. B, 10 octobre 2006)

Textes concernés : C. trav., art. L. 230-2 (N° Lexbase : L8438HNT), interprété à la lumière de la Directive 89/391/CEE du 12 juin 1989, concernant la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail (N° Lexbase : L9900AU9), et art. R. 241-51 (N° Lexbase : L9928ACP)

Mots clef : accident du travail ou maladie professionnelle ; congé ; suspension du contrat de travail ; fin ; visite de reprise ; défaut ; obligation de sécurité.

Liens base :

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Rel. collectives de travail

[Jurisprudence] Consultation du comité d'entreprise européen sur la fusion GDF-Suez

Réf. : Cass. soc., 16 janvier 2008, n° 07-10.597, Société Gaz de France-GDF et a. c/ Comité d'entreprise européen de Gaz de France, FS-P+B+R (N° Lexbase : A7784D3P)

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N8504BDC

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par Gilles Auzero, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV

Le 07 Octobre 2010

Conçu comme une instance de dialogue, le comité d'entreprise doit être consulté sur certaines questions intéressant la marche de l'entreprise. Ni la Directive (CE) 94/45 du 22 septembre 1994, concernant l'institution d'un comité d'entreprise européen ou d'une procédure dans les entreprises de dimension communautaire et les groupes d'entreprises de dimension communautaire en vue d'informer et de consulter les travailleurs (N° Lexbase : L8165AUX), ni la loi n° 96-985 du 12 novembre 1996, relative à l'information et à la consultation des salariés dans les entreprises et les groupes d'entreprises de dimension communautaire, ainsi qu'au développement de la négociation collective (N° Lexbase : L2581ATR), qui l'a transposée dans notre système juridique, ne comportent de dispositions envisageant de manière précise le moment auquel cette consultation doit intervenir. Pour autant, ces textes, et spécialement le premier d'entre eux, laissent à penser que la consultation peut être postérieure à la décision du chef d'entreprise, à rebours de ce que prévoit le Code du travail à propos de la consultation du comité d'entreprise (C. trav., art. L. 431-5 N° Lexbase : L8867G7K). Cela étant, lorsque le comité d'entreprise européen est mis en place par voie d'accord, les négociateurs peuvent aménager la procédure de consultation et exiger que celle-ci précède la décision du chef d'entreprise. Lorsque tel est le cas, et en cas de litige, les juges n'hésitent pas à donner une interprétation relativement large de la stipulation convenue et à lui faire produire tous ses effets. C'est ce qui ressort d'un important arrêt rendu, le 16 janvier dernier, par la Cour de cassation relativement à la fusion GDF-Suez.
Résumé

Selon l'article 4-3 de l'accord instituant le comité d'entreprise européen du groupe Gaz de France, "en cas d'évènements exceptionnels susceptibles d'affecter gravement l'intérêt des salariés du groupe (fusion), le comité est réuni et il est, alors, consulté dans un délai suffisant pour que les éléments du débat ou l'avis puissent être intégrés au processus de décision". Ce délai doit permettre au comité de donner un avis au cours du processus devant aboutir à la décision, avant la tenue du conseil d'administration devant arrêter le projet de fusion qui est irréversible, selon les dispositions combinées des articles L. 236-6 du Code de commerce (N° Lexbase : L6356AIA et 254 modifié du décret n° 67-236 du 23 mars 1967, sur les sociétés commerciales (N° Lexbase : L2613AHA).

Les procédures de consultation du comité d'entreprise et du comité d'entreprise européen d'entreprise n'ayant pas le même objet, ni le même champ d'application, les renseignements fournis lors de la réunion du comité d'entreprise n'assurent pas nécessairement une complète information du comité d'entreprise européen.

Observations

1 La date de consultation du comité d'entreprise européen

  • L'ambiguïté des textes

Pour ce qui est de déterminer la date à laquelle le comité d'entreprise doit être consulté, l'hésitation n'est pas permise. En effet, en application de l'alinéa 1er de l'article L. 431-5 du Code du travail, "la décision du chef d'entreprise doit être précédée par la consultation du comité d'entreprise". L'exigence d'antériorité de la consultation par rapport à la décision est logique et parfaitement justifiée. Admettre le contraire reviendrait à mettre le comité d'entreprise devant le fait accompli.

Alors même qu'elle paraît, ainsi, présenter un caractère fondamental, cette exigence d'antériorité n'est pas exprimée à propos de la consultation du comité d'entreprise européen, au moins dans notre législation. Bien plus, si l'on se tourne vers la Directive européenne du 22 septembre 1994, elle laisse à penser que la consultation peut intervenir postérieurement à la décision (1). Une telle interprétation s'avère, néanmoins, critiquable, dans la mesure où elle revient à confiner le comité d'entreprise européen au rôle de simple "chambre d'enregistrement a posteriori" (2). En outre, donner un effet utile à la consultation du comité paraît exiger, au moins dans certains cas, que la consultation intervienne avant que la décision ne soit arrêtée.

Certains juges du fond français ont été sensibles à cette argumentation, n'hésitant pas à imposer la règle de l'antériorité lors de la consultation d'un comité d'entreprise européen. Ce fut, notamment, le cas dans l'affaire "Renault Vilvoorde", qui avait en son temps largement défrayée la chronique (3). Saisie à son tour de la question, la Cour de cassation adopte, dans l'arrêt rapporté, une position similaire sur le fondement de l'accord ayant mis en place le comité d'entreprise européen.

  • L'espèce

Etait en cause, en l'espèce, le comité d'entreprise européen du groupe Gaz de France, mis en place par un accord du 14 novembre 2001 (4). A la suite de l'annonce d'un projet de fusion entre la société Gaz de France et la Société Suez, le comité d'entreprise européen a été consulté sur le principe de la fusion les 23 mars et 31 mai 2006. La réunion du conseil d'administration de la société devant arrêter le projet de fusion était fixée le 22 novembre 2006. Lors de la réunion du 15 novembre, le comité d'entreprise européen a refusé d'émettre un avis et adopté une résolution aux termes de laquelle, constatant l'insuffisance flagrante d'informations sur les conséquences en matière d'emploi de ce projet de fusion, il a décidé de recourir à une expertise, dont le rapport devait être déposé dans les 10 jours à compter de la remise par GDF des documents nécessaires. Le même jour, le comité a saisi le tribunal de grande instance en référé pour qu'il soit ordonné au président du comité de convoquer une réunion extraordinaire du comité d'entreprise européen sous un délai de 10 jours à compter du dépôt du rapport, la remise de certaines informations et de réponses écrites aux questions posées par le comité lors de la réunion du 15 novembre, ainsi que le report du Conseil d'administration de Gaz de France du 22 novembre 2006.

La société employeur reprochait à l'arrêt attaqué d'avoir accueilli ces demandes alors que la procédure d'information et de consultation du comité d'entreprise européen conserve son effet utile et peut se poursuivre tant que la décision n'est pas irréversible et, donc, en cas de fusion, jusqu'à la date à laquelle l'assemblée générale des actionnaires doit se prononcer.

Rejetant cette argumentation, la Cour de cassation considère que les juges du fond ont fait une exacte application des dispositions combinées de la Directive 94/45 du 22 septembre 1994, de l'article L. 439-6 du Code du travail et de l'accord du 14 novembre 2001, instituant le comité d'entreprise européen de la société Gaz de France. Selon la Chambre sociale, la cour d'appel a exactement déduit des dispositions de l'article 4-3 de l'accord précité, selon lequel "en cas d'évènements exceptionnels susceptibles d'affecter gravement l'intérêt des salariés du groupe (fusion), le comité est réuni et il est, alors, consulté dans un délai suffisant pour que les éléments du débat ou l'avis puissent être intégré au processus de décision", que ce délai doit permettre au comité de donner un avis au cours du processus devant aboutir à la décision, avant la tenue du conseil d'administration devant arrêter le projet de fusion qui est irréversible, selon les dispositions combinées des articles L. 236-6 du Code de commerce et 254 modifié du décret du 23 mars 1967.

  • L'antériorité de la consultation

Au regard des termes de l'article 4-3 de l'accord de 2001, l'obligation pour le chef d'entreprise de consulter le comité d'entreprise européen avant que sa décision ne soit arrêtée ne faisait guère de doute. D'ailleurs, l'argumentation développée dans le pourvoi ne portait pas sur cette question, mais sur la conception qu'il convenait de retenir de la notion de "décision" lors d'une fusion de société (5). Selon GDF, la décision devait s'entendre, ici, du vote de l'assemblée générale des actionnaires et non de la délibération du conseil d'administration, étant entendu que la décision ne devenait irréversible qu'au moment où l'assemblée générale était appelée à se prononcer sur la fusion.

Cette position n'était pas dénuée de tout fondement. Il est, en effet, généralement admis que la consultation doit porter sur un projet suffisamment élaboré, mais susceptible de modifications. Cela dit, il est logique de considérer qu'elle doit se situer avant le stade ultime et irréversible que constitue, dans le processus d'élaboration d'une décision, son adoption par les organes dirigeants compétents (6). Le problème réside dans le fait que le processus de décision peut faire intervenir plusieurs organes d'une même société. Tel est précisément le cas d'une opération, par définition complexe, de fusion.

Selon l'article L. 236-2, al. 2 du Code de commerce, la fusion est décidée "par chacune des sociétés intéressées, dans les conditions requises pour la modification des statuts". Or, compte-tenu des conséquences de la fusion, tant pour l'absorbée (dissolution), que pour l'absorbante (augmentation de capital), la décision de fusion relève des assemblées générales des actionnaires. Ces quelques précisions tendent à démontrer que, en matière de fusion, la décision ne devient irréversible qu'à la date à laquelle l'assemblée se prononce, ce qui rejoint l'argumentation qui était développée par GDF dans son pourvoi. Toutefois, les actionnaires se prononcent sur un projet de fusion qui, en application des articles L. 236-6 et R. 236-1 (N° Lexbase : L5097HZS) du Code de commerce doit obligatoirement être dressé par le conseil d'administration. Par suite, dès lors que ce projet de fusion est arrêté par le conseil d'administration, il a vocation à être transmis à l'assemblée et aucun retour en arrière n'est possible. Par suite, on peut approuver la Cour de cassation d'avoir considéré que, lorsque le conseil d'administration se réunit et adopte le projet de fusion, celui-ci devient irréversible, même si la fusion, elle, ne l'est pas.

En conséquence, dès lors que l'on admet que la consultation du comité d'entreprise européen doit précéder la décision, celle-ci doit s'entendre, en matière de fusion, de la réunion du conseil d'administration arrêtant le projet de fusion sur lequel se prononcera l'assemblée générale (7).

Au-delà de la détermination du moment précis auquel doit intervenir la consultation du comité d'entreprise européen, lors d'une opération de fusion, l'arrêt commenté confirme que cette consultation doit être préalable à la décision du chef d'entreprise. On ne saurait, cependant, accorder une trop grande portée à cette dernière solution, qui reste, ici, exclusivement fondée sur les stipulations de l'accord conclu au sein de GDF. Il faudra, donc, attendre encore pour savoir si la Cour de cassation entend faire une application générale de cette exigence.

2 L'information à délivrer au comité d'entreprise européen

  • Le litige

A supposer que l'on comprenne bien les faits, passablement embrouillés, de l'arrêt, il semblerait qu'à l'occasion du projet de fusion, l'information qui avait été remise au comité d'entreprise européen était identique à celle qui avait été délivrée au comité central d'entreprise. S'estimant insuffisamment informé sur les conséquences sociales de la fusion, le comité d'entreprise européen avait eu recours à une expertise.

La cour d'appel avait écarté tout abus, dans l'exercice par le comité, de la faculté de recourir à un expert, motif pris que l'information délivrée par GDF ne prenait pas suffisamment en compte la dimension européenne du projet et que l'information du comité d'entreprise européen ne saurait être complètement identique à celle remise au comité central d'entreprise.

Pour contester cette décision, l'employeur s'appuyait sur une décision du Président du TGI de Paris qui, lors d'un litige précédent, avait jugé que l'information remise au comité central d'entreprise de GDF était suffisante et qu'aucune norme juridique communautaire ou interne n'exige que l'information remise au comité d'entreprise européen en cas de projet de fusion soit plus complète que celle remise au comité central d'entreprise.

  • La solution

Là encore, l'argumentation est rejetée par la Cour de cassation qui affirme que "les procédures de consultation du comité d'entreprise et du comité d'entreprise européen d'entreprise n'ayant pas le même objet, ni le même champ d'application, les renseignements fournis lors de la réunion du comité d'entreprise n'assurent pas nécessairement une complète information du comité d'entreprise européen". Par suite, "la cour d'appel, qui a constaté dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que l'information donnée au comité d'entreprise européen sur le projet de fusion était incomplète, a pu ordonner les mesures nécessaires à cette information".

Deux enseignements peuvent être tirés de cette solution. Tout d'abord, l'appréciation du caractère complet, ou non, de l'information remise au comité relève du pouvoir souverain des juges du fond. Ensuite, et surtout, les informations à remettre au comité d'entreprise européen ne sont pas "nécessairement" les mêmes que celles délivrées à l'instance nationale, alors même que les deux institutions sont consultées sur la même opération. Il faut remarquer que la Chambre sociale prend soin de ne pas donner un caractère général à son affirmation. Si un comité d'entreprise européen peut prétendre à une information plus complète que celle remise à l'instance nationale, c'est en fonction des circonstances ou de l'évènement qui a conduit à la consultation. Cela étant, cette différence doit être approuvée. Il est, en effet, évident qu'une instance de représentation transnationale ne peut avoir la même vision d'une opération de restructuration et de ses conséquences qu'une instance nationale. Elle est, ainsi, en droit de demander des informations lui permettant d'avoir une vision globale du projet et de ses conséquences.

L'arrêt rapporté constitue une étape importante dans la détermination de l'étendue des prérogatives du comité d'entreprise européen. Nul doute que d'autres décisions devraient lui succéder, ne serait-ce que pour trancher la récurrente question de l'articulation des consultations du comité d'entreprise et du comité d'entreprise européen.



(1) V., de manière argumentée en ce sens, B. Teyssié, Droit européen du travail, Litec, 3ème éd., 2006, § 825.
(2) Selon l'expression de M. Cohen, Le droit des comités d'entreprise et des comités de groupe, LGDJ, 8ème éd., 2005, p. 225.
(3) CA Versailles, 14ème ch., 7 mai 1997, n° 2780/97, Société Renault S.A. c/ Comité de groupe européen Renault (C.G.E) (N° Lexbase : A4320A77), Dr. soc., 1997, p. 506, obs. M.-A. Moreau et A. Lyon-Caen.
(4) V., sur cette affaire, P. Rodière, La fusion GDF/Suez ou quand le comité d'entreprise européen s'en mêle, Sem. soc. Lamy, n° 1285, p. 6.
(5) Relevons que l'article 4-3 de l'accord ne vise pas stricto sensu la "décision", mais le "processus de décision".
(6) V., sur la question, M. Cohen, préc., p. 560.
(7) Reste à savoir s'il ne conviendrait pas, également, de consulter le comité avant la tenue de l'assemblée générale. La prudence pourrait l'imposer...

Décision

Cass. soc., 16 janvier 2008, n° 07-10.597, Société Gaz de France-GDF et a. c/ Comité d'entreprise européen de Gaz de France, FS-P+B+R (N° Lexbase : A7784D3P)

Rejet, CA Paris, 14ème ch., sect. A, 21 novembre 2006, n° 06/20033, Société Gaz de France c/ Comité d'entreprise européen de Gaz de France (N° Lexbase : A8237DSU)

Textes concernés : Directive (CE) 94/45 du 22 septembre 1994, concernant l'institution d'un comité d'entreprise européen ou d'une procédure dans les entreprises de dimension communautaire et les groupes d'entreprises de dimension communautaire en vue d'informer et de consulter les travailleurs (N° Lexbase : L8165AUX) ; C. trav., art. L. 439-6 (N° Lexbase : L5330ACE) ; C. com., art. L. 236-6 (N° Lexbase : L6356AIA) et R. 236-1 (N° Lexbase : L5097HZS)

Mots clefs : comité d'entreprise européen, consultation, caractère préalable à la décision, information.

Liens base :

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Sécurité sociale

[Textes] Loi de financement de la Sécurité sociale pour 2008 : aspects budgétaires, assurance maladie et branches accidents du travail, et maladies professionnelles

Réf. : Loi n° 2007-1786 du 19 décembre 2007, de financement de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L5482H3G)

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N8119BD3

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par Olivier Pujolar, Maître de conférences à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV

Le 07 Octobre 2010

Conformément au calendrier législatif et aux dispositions de la loi organique n° 2005-881 du 2 août 2005, relative aux lois de financement de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L5011HGP), le législateur a récemment adopté la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2008 (loi n° 2007-1786 du 19 décembre 2007 N° Lexbase : L5482H3G). Un contrôle constitutionnel a été réalisé et a donné lieu à la décision du Conseil constitutionnel n° 2007-558 du 13 décembre 2007 (Cons. const., décision n° 2007-558 DC du 13 décembre 2007, Loi de financement de la sécurité sociale N° Lexbase : A0604D3R). Pour l'essentiel, les dispositions du texte ont été validées, à l'exception d'une réserve d'interprétation et de la censure de plusieurs cavaliers sociaux excédant outre mesure le domaine des lois de financement de la Sécurité sociale. Comme à l'accoutumée, face à un texte qui demeure inévitablement assez technique, certaines dispositions ont fait l'objet d'une couverture médiatique assez importante (pour cette année, les franchises médicales emportent indéniablement la palme), tandis que d'autres sont restées plus discrètes, alors que leur importance n'est pas forcément moindre. Pour poursuivre les observations déjà publiées à propos de la LFSS 2008 (1), nous nous proposons cette semaine d'envisager trois autres volets de la LFSS 2008 : les aspects budgétaires, les dispositions relatives à l'assurance maladie et, enfin, celles relatives à la branche accidents du travail et maladies professionnelles. 1. Aspects budgétaires
  • Les comptes pour 2006

Chaque loi de financement de la Sécurité sociale est, tout d'abord, l'occasion de faire le bilan de la période écoulée. L'article 1er de la loi porte, ainsi, approbation des données relatives à l'année 2006.

Sont donc approuvés :

- le tableau d'équilibre, par branche, de l'ensemble des régimes obligatoires de base de Sécurité sociale (en milliards d'euros) :

Recettes Dépenses Solde
Maladie 160,1 166,0 - 5,9
Vieillesse 162,2 163,2 - 1,0
Famille 52,9 53,7 - 0,8
AT-MP 11,2 11,3 - 0,1
Toutes branches 381,4 389,2 - 7,8


- le tableau d'équilibre, par branche, du régime général de Sécurité sociale :

Recettes Dépenses Solde
Maladie 137,5 143,4 - 5,9
Vieillesse 83,0 84,8 - 1,9
Famille 52,5 53,4 - 0,9
AT-MP 9,8 9,9 - 0,1
Toutes branches 277,8 286,6 - 8,7


On peut remarquer que les déficits sont, finalement, moins élevés que ce qui avait été prévu par le législateur dans la LFSS pour 2006 (2). Pour 2006, le déficit est essentiellement dû à la situation de la branche maladie.

  • Les prévisions pour 2007

Les articles 3 à 7 de la LFSS 2008 comportent, ensuite, les prévisions pour 2007 concernant :

- les recettes et le tableau d'équilibre, par branche, de l'ensemble des régimes obligatoires de base de Sécurité sociale (en milliards d'euros) :

Prévisions de recettes Objectifs de dépenses Solde
Maladie 166,8 173,4 - 6,6
Vieillesse 168 172,1 - 4,0
Famille 54,7 55,1 - 0,5
AT-MP 11,3 11,6 - 0,3
Toutes branches 395,5 406,9 - 11,4


- les recettes et le tableau d'équilibre, par branche, du régime général de Sécurité sociale :

Prévisions de recettes Objectifs de dépenses Solde
Maladie 143,5 149,7 - 6,2
Vieillesse 85,4 90,0 - 4,6
Famille 54,3 54,8 - 0,5
AT-MP 10,0 10,4 - 0,4
Toutes branches 288,0 299,6 - 11,7


Au final, on ne peut que constater l'accroissement des déficits si l'on compare les résultats pour 2006 avec les prévisions pour 2007 retenues par la LFSS 2008, le tableau étant particulièrement négatif en ce qui concerne la branche vieillesse.

  • Les prévisions pour 2008

Enfin, les articles 8 et suivants sont relatifs aux prévisions pour 2008. Deux scénarios économiques (un bas et un haut) sont envisagés :

- pour les recettes et le tableau d'équilibre, par branche, de l'ensemble des régimes obligatoires de base de Sécurité sociale (en milliards d'euros) :

Prévisions de recettes Objectifs de dépenses Solde
Maladie 175,4 179,5 - 4,1
Vieillesse 175,6 179,7 - 4,2
Famille 57,1 56,8 + 0,3
AT-MP 12,2 11,8 +0,3
Toutes branches 414,8 422,5 - 7,7


- pour les recettes et le tableau d'équilibre, par branche, du régime général de Sécurité sociale :

Prévisions de recettes Objectifs de dépenses Solde
Maladie 151 155,2 - 4,2
Vieillesse 89,2 94,3 - 5,2
Famille 56,7 56,4 + 0,3
AT-MP 10,8 10,5 + 0,3
Toutes branches 302,3 311,1 - 8,8

Chiffre toujours très attendu en ce qui concerne la branche maladie : le taux de l'ONDAM (objectif national des dépenses d'assurance maladie) est fixé à 2,8 % (contre 2,5 % en 2006 et 2,6 % en 2007). On peut donc relever une moindre amélioration des comptes par rapport à ce qui était prévu. Des dispositions visant à une plus grande efficacité de la procédure d'alerte sont censées contribuer à une amélioration des résultats (v., notamment, LFSS, art. 36).

  • Les contributions sur les stock-options

Dans son rapport sur l'application des lois de financement de la Sécurité sociale, paru en septembre 2007, la Cour des comptes s'étonnait de l'absence d'assujettissement des stock-options et attributions d'actions gratuites. En effet, la Cour des comptes a évalué à 3,25 milliards d'euros pour l'année 2005 (soit 0,7 à 0,8 % des ressources de l'ensemble des régimes) le manque à recouvrer.

L'article 13 de la LFSS 2008 met en place une contribution (au profit des régimes obligatoires de base d'assurance maladie dont relèvent les bénéficiaires) sur les attributions de stock-options et d'actions gratuites. Le montant de la contribution est fixé à 10 % pour la part patronale et à 2,5 % pour la part salariale. Cette contribution s'applique aux attributions intervenues à compter du 16 octobre 2007.

  • La compensation des dépenses

Pour terminer sur les aspects budgétaires, il convient de remarquer que la LFSS 2008 aborde l'un des serpents de mer de la Sécurité sociale : la question de la compensation des mesures d'exonération et celle de la dette de l'Etat vis-à-vis de la Sécurité sociale. Nous nous contenterons de rappeler que l'annexe 5 au projet de LFSS 2008 mentionnait pas moins de 61 hypothèses intéressant ces questions. Plus particulièrement, pour cette année, la LFSS 2008 prévoit, notamment, un transfert de recettes vers les régimes de Sécurité sociale pour compenser les exonérations sur les heures supplémentaires instaurées par la loi "TEPA" (loi n° 2007-1223 du 21 août 2007, en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat N° Lexbase : L2417HY8).

2. Assurance maladie

  • Mesures intéressant les assurés

Probablement la mesure la plus médiatisée : la LFSS instaure des franchises médicales annuelles et forfaitaires (art. 52). Présentées comme une participation des assurés aux dépenses de santé, ces franchises médicales constituent une nouvelle expérience dite de responsabilisation des assurés. Les piètres résultats des tickets modérateurs et autres restes à charge déjà appliqués ne peuvent que laisser douter des effets de ces nouvelles mesures sur le long terme.

La mise en place des franchises médicales a été placée au centre du recours de parlementaires contre la LFSS 2008 devant le Conseil constitutionnel. Les requérants faisaient, notamment, valoir que l'instauration des franchises médicales ne prenait pas en compte les "différences objectives de situation" qui peuvent exister entre les assurés sociaux et remettait donc en cause le principe d'égalité et les exigences du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 relatives à la protection de la santé.

Dans sa décision n° 2007-558 DC du 13 décembre 2007, le Conseil constitutionnel a validé, sous réserve d'interprétation, l'article 52 de la LFSS porteur des franchises médicales. Le Conseil constitutionnel retient, en effet, la conformité de l'article, sous réserve que le montant de la franchise et le niveau des plafonds soient fixés de façon telle que ne soient pas remises en cause les exigences du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946. Ainsi, le Conseil constitutionnel a, pour l'essentiel, repris le raisonnement qu'il avait précédemment suivi à l'occasion de la mise en place de la participation forfaitaire d'un euro pour certains actes ou consultations par la loi n° 2004-810 du 13 août 2004, relative à l'assurance maladie (N° Lexbase : L0836GT7) (v. Cons. const., décision n° 2004-504 DC du 12 août 2004, Loi relative à l'assurance maladie N° Lexbase : A1527DDW).

Un décret du 26 décembre 2007 a finalement concrétisé la mise en place des franchises médicales (décret n° 2007-1937 du 26 décembre 2007, relatif à l'application de la franchise prévue au III de l'article L. 322-2 du Code de la Sécurité sociale N° Lexbase : L6995H3H). Remarquons, pour finir, que la participation forfaitaire d'un euro est maintenue et que l'articulation des franchises médicales avec les couvertures maladie complémentaires est assurée par une adaptation des dispositions relatives aux "contrats responsables" (3).

Parmi les dispositions les plus marquantes de la cuvée 2008 pour l'assurance maladie, on peut, également, mentionner une volonté de renforcer la transparence pour les assurés concernant les dépassements d'honoraires (art. 39), ainsi qu'un assouplissement des conditions d'ouverture des droits à prestations des assurés ayant relevé de plusieurs régimes de Sécurité sociale (art. 57, I).

  • Mesures intéressant les professionnels de santé

Le Conseil constitutionnel n'ayant pas censuré ces dispositions alors que les lois de financement de la sécurité Sociale ne sont, en principe, pas le lieu des expérimentations (4), il convient, tout d'abord, de mentionner la mise en place d'une expérimentation de nouveaux modes de rémunération des professionnels de santé, se substituant au traditionnel paiement à l'acte ou le complétant (art. 44 et s.). Pour l'essentiel, des expérimentations sur une période de 5 ans sont prévues, sur une base volontaire ; elles sont autorisées ou conduites par les missions régionales de santé.

La LFSS 2008 comporte, également, des dispositions visant à une meilleure répartition des professionnels de santé sur le territoire. La concrétisation est, cependant, pour l'essentiel renvoyée aux partenaires conventionnelles. On notera, néanmoins, des dispositions plus spécifiques relatives aux officines pharmaceutiques (art. 59).

3. Branche accidents du travail et maladies professionnelles

La branche AT-MP faisant l'objet de négociations assez importantes entre partenaires sociaux, la LFSS 2008 ne comporte que quelques dispositions relatives à cette branche.

Outre la suppression des exonérations spécifiques de cotisations accident du travail-maladie professionnelle dont bénéficiaient certains employeurs (5), on peut relever un renforcement des conditions de versement des indemnités journalières en cas d'arrêt de travail pour accident du travail ou maladie professionnelle (art. 117), ainsi que de nouvelles modalités de calcul des rentes d'accident du travail (art. 86 et 87).



(1) Une première série d'observations a déjà été publiée dans un précédent numéro de Lexbase Hebdo édition sociale. Lire les obs. de Christophe Willmann, Professeur à l'Université de Rouen, LFSS 2008 : réforme des exonérations de charges sociales et des mesures d'âge, Lexbase Hebdo n° 287 du 10 janvier 2008 édition sociale (N° Lexbase : N8029BDQ).
(2) La loi n° 2005-1579 du 19 décembre 2005, de financement de la Sécurité sociale pour 2006 (N° Lexbase : L9963HDD), prévoyait, pour l'année 2006, un solde déficitaire de 10,1 milliards d'euros pour l'ensemble des régimes obligatoires de base de Sécurité sociale. C'est un solde déficitaire de 7,8 milliards d'euros qui est finalement constaté par la LFSS 2008. Un constat identique peut être effectué pour la même année 2006, concernant le régime général de la Sécurité sociale : un déficit de 8,9 milliards d'euros était prévu par la LFSS 2006, il est, finalement, de 8,7 milliards d'euros.
(3) Sur les contrats dits "responsables", v. nos obs., Assurance maladie complémentaire : les contrats responsables enfin réglementés, Lexbase Hebdo n° 186 du 20 octobre 2005 édition sociale (N° Lexbase : N9825AIQ).
(4) La loi organique relative aux lois de financement de la Sécurité sociale prévoit que peuvent figurer, dans ces dernières, les dispositions relatives aux recettes ou aux dépenses de l'année à venir ou des années ultérieures des régimes obligatoires de base "à la condition qu'elles présentent un caractère permanent". Distinguant les dispositions d'application expérimentale et les dispositions d'application bornée dans le temps, le Conseil constitutionnel n'a pas censuré les expérimentations prévues par la LFSS 2008.
(5) V., à ce sujet, les observations de Christophe Willmann, op. cit..

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Fiscalité des entreprises

[Chronique] Chronique de droit fiscal des entreprises - janvier 2008

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N8644BDI

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par Frédéric Dal Vecchio, Juriste-Fiscaliste et Chargé d'enseignement à l'Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines

Le 07 Octobre 2010

Lexbase Hebdo - édition fiscale vous propose, cette semaine, de retrouver la chronique d'actualité en droit fiscal des entreprises réalisée par Frédéric Dal Vecchio, Juriste-Fiscaliste, Chargé d'enseignement à l'Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines. Cette chronique débute par une affaire d'escroquerie à la TVA permettant de préciser la notion de manoeuvres frauduleuses. Puis, en matière de vérification de comptabilité, est abordée la possibilité de ne mener qu'une seule procédure à l'encontre d'un contribuable s'étant livré à plusieurs activités n'ayant pas, notamment, de caractère de connexité ni de complémentarité. Enfin, il sera traité des conditions d'application de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée prévue par le CGI quant aux opérations de négociation d'engagements.
  • Escroquerie à la TVA : notion de manoeuvres frauduleuses (Cass. crim., 14 novembre 2007, n° 07-83.208, F-P+F N° Lexbase : A0500D3W)

La TVA est un impôt réel dont l'assiette est liquidée par le contribuable qui peut en retarder le versement lorsque l'entreprise connaît des difficultés financières (1) ou organiser un circuit de fraude, plus ou moins complexe, permettant la restitution indue des crédits de taxe par le Trésor. Lorsque l'administration se décide à porter l'affaire devant les juridictions répressives, elle peut alors se placer sur le terrain de la fraude fiscale mais également sur celui de l'escroquerie : relevant du régime des infractions de droit commun (2) (C. pén., art. 313-1 N° Lexbase : L2012AMH), les poursuites pour escroquerie à la TVA ne font pas l'objet d'un avis préalable et conforme de la Commission des infractions fiscales (Cass. crim., 19 octobre 1987, n° 85-94.605 N° Lexbase : A1809CIT) ; cette dernière devant se prononcer, notamment, en matière de délit de fraude fiscale (CGI, art. 1741 N° Lexbase : L1732HNH). Le second intérêt est de pouvoir réclamer des dommages et intérêts au titre du préjudice subi du fait de l'escroquerie alors que l'Etat ne peut le faire lorsque le contribuable est poursuivi pour fraude fiscale (Cass. crim., 17 avril 1989, n° 88-81189 N° Lexbase : A8489CHU (3)), dès lors que les pénalités fiscales appliquées assurent cette réparation.

S'agissant plus spécifiquement de l'escroquerie à la TVA, objet de la décision commentée, les jugements et arrêts rendus par les juridictions répressives sont rares en France. Plusieurs phénomènes en sont la cause : d'une part, cette délinquance astucieuse est difficile à détecter. D'autre part, l'administration ne dépose que très peu de plaintes pour cette infraction : huit en 2006...(4) ; ce qui témoigne vraisemblablement d'une réticence culturelle à considérer, en particulier dans les pays latins, l'escroquerie à la TVA -ou toute autre fraude visant les ressources publiques- comme un "vrai" délit devant être réprimé pénalement. Enfin, sur le terrain des sanctions administratives et à la suite d'une recommandation du Conseil des impôts (5) (aujourd'hui Conseil des prélèvements obligatoires) issue de son rapport annuel consacré, en juin 2001, à la TVA, la loi de finances pour 2002 (6) a institué une amende applicable aux demandes de remboursement indu de crédits de taxes sur le chiffre d'affaires déposées à compter du 1er janvier 2002 (CGI, art. 1787 N° Lexbase : L4511HMZ ; v. depuis le 1er janvier 2006 : CGI, art. 1729 N° Lexbase : L6792HWH, BOI 13 N-1-07, p. 22 N° Lexbase : X8206ADB).

Au cas particulier, les faits de l'espèce rapportent que le gérant d'une société à responsabilité limitée avait substitué de fausses factures libellées au taux de 19,6 %, qu'il avait créées, aux factures reçues de ses fournisseurs, non comptabilisées, dont le taux de TVA était alors de 5,5 %. Puis, après avoir déposé les déclarations mensuelles et mensongères de TVA, la société a alors réclamé, et obtenu, le remboursement des crédits fictifs de TVA.

Poursuivi pour le chef d'escroquerie, le gérant de la SARL a été relaxé par la cour d'appel de Lyon : qualifiées, par la juridiction d'appel, de mensonges écrits, les déclarations de TVA adressées à l'administration fiscale et les demandes de remboursement n'étaient pas susceptibles de caractériser l'élément matériel de l'infraction d'escroquerie. En effet, il est de jurisprudence constante (7) que le simple mensonge ne peut suffire, à lui seul, à qualifier les faits d'escroquerie.

L'escroquerie, qui peut concerner la remise d'un bien corporel ou incorporel, suppose une tromperie sous la forme de l'usage d'un faux nom, d'une fausse qualité, de l'abus de qualité vraie ou du recours à des manoeuvres frauduleuses (8).

La Cour de cassation précise son point de vue quant à cette dernière notion en censurant l'arrêt rendu par les conseillers de la cour d'appel de Lyon : selon la Cour régulatrice, "les demandes de paiement de crédits indus de TVA justifiées par des déclarations mensuelles de chiffre d'affaires indiquant un montant fictif de taxe déductible sous le couvert d'une comptabilité inexacte, dissimulant le montant de la taxe effectivement décaissée" sont une mise en scène caractérisant les manoeuvres frauduleuses au sens de l'article 313-1 du Code pénal.

Ainsi, l'intérêt de cette décision est de préciser la notion de manoeuvres frauduleuses constitutives du délit d'escroquerie tenant en des demandes de remboursement de crédits de TVA appuyées par des déclarations mensuelles indiquant des montants de TVA fictifs. La jurisprudence de la Haute juridiction s'était déjà prononcée en ce sens dans l'hypothèse où un délinquant créait et présentait une facture sans cause pour encaisser un crédit apparent de TVA (9) (Cass. crim., 19 octobre 1987, n° 85-94605 N° Lexbase : A1809CIT). La décision rendue par la Haute juridiction doit être approuvée.

  • Vérification de comptabilité et activités professionnelles distinctes : validité d'une procédure unique (CE 3° et 8° s-s-r., 30 novembre 2007, n° 292999, M. Dijoux N° Lexbase : A9660DZS)

Un contribuable exerçant plusieurs activités professionnelles est-il bien fondé à contester la validité d'une procédure de vérification de comptabilité unique menée par l'administration fiscale dans le cadre de son droit de contrôle (LPF, art. L 10 N° Lexbase : L3904AL8 ; LPF, art. L 13 N° Lexbase : L6794HWK) ?

Les faits de l'espèce rapportent qu'un contribuable exerçait deux activités commerciales de ferronnerie et de limonaderie, dont chacun s'accordera à considérer qu'elles n'étaient ni similaires, ni complémentaires (10).

Ces activités ne faisaient pas appel aux mêmes moyens d'exploitation et s'adressaient à des clientèles différentes. Situées à la même adresse et ayant fait l'objet d'une seule inscription au registre du commerce et des sociétés, le contribuable avait souscrit une unique déclaration à la suite de l'enregistrement des écritures comptables dans une seule comptabilité.

Pour la juridiction d'appel (CAA Bordeaux, 4ème ch., 2 février 2006, n° 02BX00429, M. Carnot Dijoux N° Lexbase : A6508DND), l'administration fiscale n'avait pas à suivre une procédure de vérification propre à chacune des activités exercées, dès lors qu'elle n'était pas tenue de mentionner la nature de l'activité contrôlée dans l'avis de vérification adressé au contribuable.

Mais, dans l'hypothèse où l'administration aurait mentionné la nature de l'activité contrôlée dans l'avis de vérification, il n'y aurait pas eu, selon nous, de vice susceptible d'entacher la procédure d'illégalité si le contrôle avait alors bien porté sur l'activité désignée dans ledit avis. En revanche, il y aurait bien eu irrégularité si l'administration avait entendu expressément, dans l'avis de vérification, limiter le contrôle à l'une des activités du contribuable puis aurait décidé, en cours de procédure, d'étendre le contrôle à l'autre activité (CE Contentieux, 8 juillet 1998, n° 164657, Meissonnier N° Lexbase : A8025AYU). En d'autres termes, l'administration doit tirer les conséquences, sur le terrain de la procédure, d'une formulation limitant la vérification à telle ou telle activité exercée par le contribuable.

La décision rendue par la juridiction d'appel, rejetant les griefs d'unicité du contrôle et de la procédure de redressement, devait être approuvée : si l'article L. 47 du LPF (N° Lexbase : L3907ALB) exige la mention des années vérifiées et la possibilité de se faire assister par un conseil de son choix, la loi et la jurisprudence n'exigent aucunement la mention de la nature de l'activité vérifiée (CAA Paris, 2ème ch., 14 mai 2002, n° 97PA01462, Mme Gaon N° Lexbase : A6195AZH) ; ni même de la nature des impôts sur lesquels portera la vérification (CAA Lyon, 12 février 2004, n° 98LY00972, M. Bertrand Mercier N° Lexbase : A8176DBG ; CAA Bordeaux, 3ème ch., 29 mai 2001, n° 98BX00941, M. Jean-Paul Benetier N° Lexbase : A8797A39 (11) ; CAA Lyon, 1ère ch., 6 décembre 1994, n° 92LY01153, Association Eglise de scientologie de Saint-Etienne N° Lexbase : A9501BEM (12)).

A la suite de la décision rendue par la cour administrative d'appel de Bordeaux, le Conseil d'Etat, saisi d'un pourvoi en cassation par le contribuable, rejettera les prétentions de ce dernier car : "pour l'application [des articles L. 13 et L. 47 du LPF] à un contribuable qui exerce plusieurs activités, l'administration n'est pas tenue de suivre une procédure de vérification distincte pour chacune d'elles dès lors qu'il ressort des déclarations du contribuable que l'ensemble des opérations soumises à la vérification est retracé dans une seule comptabilité".

Pour la Haute juridiction, les juges du fond n'ont commis aucune erreur de droit, ni entaché l'arrêt de contradiction de motifs ou dénaturé les pièces du dossier : en écartant expressément l'argumentation tenant en l'absence de similitude ou de complémentarité des activités, l'absence de mêmes moyens d'exploitation et l'existence de clientèles différentes, le Conseil d'Etat fonde sa décision sur le seul critère d'une comptabilité unique, qu'il faut alors comprendre comme retraçant l'ensemble des opérations relevant des différentes activités du contribuable, autorisant ainsi le recours à une seule procédure de vérification de comptabilité.

  • TVA et exonération de prestations de négociation de garanties (CAA Versailles, 3ème ch., 15 mai 2007, n° 05VE01063, SA Mikit France N° Lexbase : A1945DXC)

La société anonyme Mikit France a pour activité la vente de maisons individuelles : elle a contracté, avec un garant et une société d'assurances ayant la qualité de mandataire, des conventions portant, notamment, sur les garanties légales (13) liées aux opérations de construction effectuées par les entreprises franchisées de son réseau.

Conformément aux contrats conclus, la société d'assurances a versé des commissions à la société Mikit France. L'administration a, alors, considéré que ces dernières devaient supporter la TVA et a remis en cause leur exonération.

L'argumentation de la SA Mikit France reposait, d'une part, sur le fait que la rémunération perçue était une commission de négociation de garantie exonérée au sens de l'article 261 C 1° b) du CGI ([LXB=L4701HW]) applicable à "la négociation et la prise en charge d'engagements, de cautionnements et d'autres sûretés et garanties ainsi que la gestion de garanties de crédits effectuée par celui qui a octroyé les crédits" ; et, d'autre part, à titre subsidiaire, elle prétendait être intervenue en qualité d'intermédiaire dans une opération d'assurance au sens de l'article 261 C 2° du CGI justifiant, à nouveau, l'exonération des commissions perçues.

La cour administrative d'appel de Versailles accepte de considérer que les garanties légales, qui faisaient l'objet des conventions susdites, avaient bien le caractère d'engagements, de cautionnements et de garanties au sens des dispositions de l'article 261 C 1° b) du CGI.

Toutefois, ce sont les stipulations des conventions conclues par la requérante et ses cocontractants qui vont la perdre : celle-ci s'engageait à assurer des actes de gestion de cautionnements et de garanties et non à effectuer des prestations de négociateur puisqu'elle n'intervenait pas "dans la conclusion des conditions de garantie pour chaque nouvelle souscription de contrat individuel d'un franchisé".

On relèvera, également, que ces contrats précisaient bien que les "engagements ne sauraient en aucun cas être assimilés et substituer ou suppléer la mission du mandataire [i.e., la société d'assurances]".

Si les commissions ne pouvaient être qualifiées de contrepartie à une prestation de négociation de garanties, on peut sans doute considérer que les commissions perçues l'ont été dans le cadre de relations commerciales relevant de la nature d'une activité d'apporteur d'affaires n'entrant pas dans le champ d'application de l'article 261 C 1° b) du CGI.

Par ailleurs, la juridiction d'appel en déduit que les obligations décrites dans ces conventions ne révèlent pas du régime des opérations d'assurance "où un assureur se charge, moyennant le paiement préalable d'une prime, de procurer à l'assuré, en cas de réalisation du risque couvert, la prestation convenue lors de la conclusion du contrat" (14).

La réponse de la cour administrative d'appel de Versailles, qui déboute la requérante de ses demandes, est fondée sur les stipulations des conventions conclues par le contribuable et ses partenaires commerciaux dont on ne soulignera jamais assez l'importance de la rédaction en prévision d'un litige -notamment- fiscal : il s'en infère, à nouveau, que les spécialistes du droit des contrats et du droit fiscal ont beaucoup à partager.


(1) Du point de vue du recouvrement de l'impôt, le comptable public peut attraire le dirigeant en solidarité devant les juridictions civiles de l'ordre judiciaire (LPF, art. L 267 N° Lexbase : L3699HBM). De tels agissements sont également susceptibles de donner lieu, sur le plan pénal, à des poursuites pour fraude fiscale mais, selon la Cour de cassation, il existe une indépendance des contentieux pénal et civil : une relaxe n'entraîne pas la décharge de la solidarité ("Et attendu, d'autre part, qu'en relevant que la procédure fondée sur les dispositions de l'article L. 267 du Livre des procédures fiscales était autonome au regard des poursuites pénales fondées sur la fraude fiscale, la cour d'appel, qui en a déduit que la décision de relaxe prise par la juridiction pénale en faveur de M. X était sans portée sur le litige qui lui était soumis, a légalement justifié sa décision" - Cass. com., 26 juin 2007, n° 06-15.867, F-P+B N° Lexbase : A9473DWR).
(2) Les peines principales sont alors de cinq ans d'emprisonnement et de 375 000 euros d'amende. La répression est accrue lorsque l'escroquerie est commise en bande organisée : dix ans d'emprisonnement et 1 million d'euros d'amende (C. pén., art. 313-2 al. 2 N° Lexbase : L0465DZA).
(3) "Alors que l'administration fiscale, partie civile, agit comme auxiliaire du ministère public et n'est donc pas fondée à réclamer des dommages-intérêts ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a de ce chef violé les textes visés au moyen ; attendu que, par application de l'article L. 232 du Livre des procédures fiscales, la constitution de partie civile devant la juridiction correctionnelle sur des poursuites exercées pour les infractions visées au Code général des impôts, permet à l'administration fiscale de suivre la procédure et d'y intervenir dans l'intérêt du fisc mais ne lui ouvre pas le droit de demander, pour le préjudice causé au Trésor public par la fraude, une réparation distincte de celle qui est assurée par les majorations et amendes fiscales ; attendu que l'arrêt attaqué, statuant sur la constitution de partie civile du Trésor public, après l'avoir déclarée recevable, a condamné les prévenus à payer à ce dernier la somme de 1 franc à titre de dommages-intérêts et celle de 3 000 francs sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ; mais attendu qu'en prononçant ainsi la cour d'appel a méconnu le sens et la portée du texte susvisé ; que la cassation est encourue de ce chef par voie de retranchement et sans renvoi".
(4) DGI, Rapport annuel de performance 2006, p. 28. Comp. avant l'adoption de l'article 89 de la loi de finances pour 2002 (N° Lexbase : L1042AWI) : 34 plaintes en 1998 et 29 plaintes en 1999 (Conseil des impôts, La taxe sur la valeur ajoutée XIXe Rapport remis au Président de la République, juin 2001, p. 233).
(5) Conseil des impôts, ibidem p. 240.
(6) Loi n° 2001-1275 du 28 décembre 2001, de finances pour 2002, art. 89, précité.
(7) CA Paris, 16 janvier 1960, JCP éd. G 1960, II, 11473 ; Cass. crim., 8 novembre 1951, JCP éd. G 1952, IV, 1 ; Cass. crim., 16 octobre 1957, JCP éd. G 1957, IV, 166 ; Cass. crim., 11 février 1976, D. 1976, jurispr. p. 295.
(8) J. Larguier et P. Conte, Droit pénal des affaires, Armand Colin, 11ème édition, 2004, p. 103.
(9)"Qu'en effet la fabrication d'une facture sans cause, au nom d'une entreprise de pure façade ou d'une société fictive comme en l'espèce, constitue un faux en écritures de commerce, comme sa comptabilisation le délit d'usage de faux ; que son paiement, réalisé à des fins personnelles à l'aide des deniers d'une société réelle, s'analyse en un abus de biens sociaux dont cette dernière a été la victime de la part de son dirigeant ; qu'enfin sa présentation pour en encaisser la partie représentant un crédit apparent de TVA constitue la manoeuvre frauduleuse génératrice des délits d'escroquerie ou de tentative d'escroquerie".
(10) C'est également l'opinion du juge du fond et du juge de cassation.
(11) "Qu'ainsi, la circonstance que l'avis de vérification en date du 27 août 1990, adressé à M. B., qui comportait les mentions prévues par les dispositions susrappelées, n'ait pas mentionné la nature des impôts en cause n'est pas de nature à vicier la procédure d'imposition".
(12) "Considérant [...] qu'aucune disposition n'oblige l'administration à mentionner sur l'avis de vérification de comptabilité, les impôts sur lesquels le vérificateur se propose de faire porter ses investigations ; que l'association requérante ne peut utilement invoquer le fait que l'avis qui lui a été adressé ne mentionnait pas la totalité des impositions objet de la vérification de comptabilité".
(13) "D'une part, la garantie de livraison à prix et délais convenus, prévue au K de l'article L. 231-2 du Code de la construction et de l'habitation et définie à l'article L. 231-6 du même code, qui couvre le maître de l'ouvrage à compter de la date d'ouverture du chantier contre les risques d'inexécution ou de mauvaise exécution des travaux prévus au contrat, à prix et délais convenus, et qui prévoit que le garant prend en charge certaines dépenses en cas de défaillance du constructeur ; d'autre part, la garantie de remboursement de l'acompte versé à la signature du contrat de construction entre le franchisé et le maître de l'ouvrage, cette garantie étant prévue à l'article R. 261-22 du Code de la construction et de l'habitation selon lequel elle revêt la forme d'une convention de cautionnement aux termes de laquelle la caution s'engage envers l'acquéreur, solidairement avec le vendeur, à rembourser les versements effectués par l'acquéreur au cas de résiliation amiable ou judiciaire de la vente pour cause de défaut d'achèvement".
(14) Comp. : G. Cornu, Vocabulaire juridique, PUF, collection Quadrige Dicos Poche, 2007, V° Assurance.

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Baux commerciaux

[Textes] Publication du décret relatif au droit de préemption des communes sur les fonds de commerce, les fonds artisanaux et les baux commerciaux (première partie) (*)

Réf. : Décret n° 2007-1827 du 26 décembre 2007, relatif au droit de préemption des communes sur les fonds de commerce, les fonds artisanaux et les baux commerciaux (N° Lexbase : L6840H3Q)

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N8659BD3

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par Julien Prigent, Avocat à la cour d'appel de Paris

Le 07 Octobre 2010

En vue de permettre aux commerces de première nécessité et de proximité de se maintenir en milieu rural et dans certains quartiers des grandes villes, le législateur a reconnu aux communes un droit de préemption, en cas de cession de fonds de commerce ou artisanal ou de bail commercial (article 58 de la loi du 2 août 2005 n° 2005-882, en faveur des petites et moyennes entreprises N° Lexbase : L7582HEK). Ces nouvelles dispositions n'étaient, toutefois, pas applicables, tant qu'un décret, pris en Conseil d'état, n'en avait pas précisé les conditions d'application (C. urb., art. L. 214-3 N° Lexbase : L5589HBM). Le décret d'application a été publié le 28 décembre 2007, soit plus de deux ans après la création de ce droit. Le nouveau droit de préemption ne semble, toutefois, toujours pas applicable, dans la mesure où le nouvel article R. 214-4 du Code de l'urbanisme subordonne sa mise en oeuvre à l'édiction, par arrêté interministériel, des formes de la déclaration préalable prévue au deuxième alinéa de l'article L. 214-1 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L5587HBK). Le décret commenté crée, dans la partie réglementaire du Code de l'urbanisme, au titre Ier du livre II, un nouveau chapitre IV intitulé "Droit de préemption des communes sur les fonds artisanaux, les fonds de commerce et les baux commerciaux".

Seront étudiées, dans le cadre du présent commentaire, les dispositions relatives au champ d'application et aux modalités de mise en oeuvre du droit de préemption. Ses effets seront étudiés dans un prochain commentaire.

I - Champ d'application du droit de préemption

A - Champ d'application géographique

Il appartient au conseil municipal de délimiter un périmètre de sauvegarde du commerce et de l'artisanat de proximité, à l'intérieur duquel seront soumises au droit de préemption les cessions de fonds artisanaux, de fonds de commerce ou de baux commerciaux (C. urb., art. L. 214-1).

Il ne s'agit que d'une faculté et, à défaut de délibération en ce sens, la commune ne bénéficie d'aucun droit de préemption.

Les nouveaux articles R. 214-1 et R. 214-2 du Code de l'urbanisme précisent les modalités selon lesquelles une commune pourra prendre cette décision.

Le projet de délibération devra, ainsi, être soumis pour avis à la chambre de commerce et d'industrie et à la chambre des métiers et de l'artisanat dans le ressort desquelles se trouve la commune. Il devra être accompagné :

  • du projet de plan délimitant le périmètre de sauvegarde du commerce et de l'artisanat de proximité ;
  • d'un rapport analysant, d'une part, la situation du commerce et de l'artisanat de proximité à l'intérieur de ce périmètre et, d'autre part, les menaces pesant sur la diversité commerciale et artisanale.

L'avis de ces deux chambres sera réputé favorable, en l'absence d'observations, dans les deux mois de leur saisine. Le texte est silencieux sur les conséquences d'un avis négatif.

La délibération doit, enfin, faire l'objet de mesures de publicité et d'information, dans les conditions prévues à l'article R. 211-2 du Code de l'urbanisme ([LXB=L8018ACX ]), dont il convient de relever que le second alinéa subordonne les effets juridiques de la délibération instituant un droit de préemption à l'accomplissement de ces mesures.

B - Champ d'application au regard des opérations visées

Aux termes de l'article L. 214-1 du Code de l'urbanisme, le droit de préemption porte sur les "cessions de fonds artisanaux, de fonds de commerce ou de baux commerciaux".

Le nouvel article R. 214-3 du Code de l'urbanisme ne vise pas le terme "cession", mais l'expression "aliénation à titre onéreux". En effet, aux termes de ce texte, le droit de préemption peut s'exercer "sur les fonds artisanaux, les fonds de commerce ou les baux commerciaux lorsqu'ils sont aliénés à titre onéreux". Un auteur (D. Dutrieux, JCP éd. N, 2008, n° 129, p. 3) a fait remarquer que le domaine du droit de préemption s'en trouverait élargi. Ainsi, selon cet auteur, si l'apport d'un fonds de commerce à une société ne pouvait être assimilé à une cession (en ce sens, voir l'article L. 141-1 du Code de commerce N° Lexbase : L5666AIP, qui distingue les deux opérations), la question se posait de savoir si, compte tenu de la rédaction de l'article R. 214-3 du Code de l'urbanisme, cette opération se trouvait désormais visée ou non au titre des opérations soumises au droit de préemption. Toutefois, la Cour de cassation a pu juger que l'apport du droit au bail à une société devait, au regard des clauses du bail, être analysé en une cession (Cass. civ. 3, 8 juillet 1992, n° 90-16.758, SARL Suffren Fleurs c/ SCI 4, rue Desaix à Paris 15ème N° Lexbase : A8883AHH).

L'article R. 214-3 prévoit, ensuite, certaines exclusions. En effet, ne sont pas soumises au droit de préemption, les aliénations de fonds artisanaux, fonds de commerce ou baux commerciaux, compris dans la cession d'une ou de plusieurs activités prévue à l'article L. 626-1 du Code de commerce (N° Lexbase : L4101HBI) ou dans le plan de cession arrêté en application de l'article L. 631-22 (N° Lexbase : L4033HBY) ou des articles L. 642-1 (N° Lexbase : L9092HGT) à L. 642-17 du Code de commerce. Le but de ces exclusions est d'éviter que le droit de préemption paralyse toute cession et vienne, ainsi, entraver les chances de redressement du débiteur soumis à une procédure de sauvegarde ou de redressement, ou de maintien de l'activité ou d'apurement du passif, dans le cadre d'une liquidation.

II - Modalités d'exercice du droit de préemption - Règles générales

A - La déclaration préalable de l'intention de céder

Aux termes de l'alinéa 2 de l'article L. 214-1 du Code de l'urbanisme, le cédant devra, avant chaque cession, effectuer une déclaration préalable à la commune, déclaration qui précisera le prix et les conditions de la cession.

L'article R. 214-4 du Code de l'urbanisme dispose que la déclaration préalable devra être établie dans les formes prescrites par un arrêté du ministre chargé de l'Urbanisme et du ministre de la Justice.

Il prévoit, néanmoins, d'ores et déjà, qu'elle devra être effectuée en quatre exemplaires et être adressée, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, à la mairie de la commune où est situé le fonds ou l'immeuble dépendant des locaux loués. Elle pourra également être déposée en mairie, contre récépissé.

On rappellera qu'aux termes de l'alinéa 2 de l'article L. 214-1 du Code de l'urbanisme, la sanction du défaut de déclaration est sévère, puisqu'il entraînera la nullité de la cession.

Le texte ne prévoit pas la nature de la nullité encourue. Toutefois, ce droit de préemption revêt un caractère interventionniste et vise la protection d'un intérêt général qu'est la sauvegarde de la diversité commerciale. Il ne fait, donc, guère de doute que sa violation sera sanctionnée par une nullité absolue, qui devrait pouvoir être invoquée, en premier lieu, par la commune, mais également par tout intéressé, par exemple, un acquéreur potentiel éconduit.

L'alinéa 5 de l'article L. 214-1 du Code de l'urbanisme dispose, également, que cette "action en nullité se prescrit par cinq ans à compter de la prise d'effet de la cession" et non à compter de la date de conclusion du contrat, qui peut être différente.

Enfin, le nouvel article R. 214-10 du Code de l'urbanisme donne compétence au tribunal de grande instance du lieu de situation du fonds ou de l'immeuble dont dépendent les locaux loués, pour connaître de cette action en nullité.

B - L'exercice par la commune de son droit de préemption

On rappellera, à titre préalable, que l'article L. 2122-22 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L7906HBG) avait été complété d'un 21° en vue de conférer au maire, par délégation de son conseil municipal, le pouvoir d'exercer, au nom de la commune et dans les conditions fixées par le conseil municipal, ce droit de préemption.

1. Le délai imparti au titulaire du droit de préemption pour se prononcer

L'article L. 214-1, alinéa 3, du Code de l'urbanisme dispose que le silence de la commune pendant deux mois à compter de la réception de la déclaration vaudra renonciation à l'exercice du droit de préemption et que le cédant pourra réaliser la vente aux prix et conditions figurant dans sa déclaration.

L'article R. 214-5 du Code de l'urbanisme rappelle cette règle, en précisant, d'une part, que la commune qui entend préempter devra faire connaître son intention dans le délai de deux mois courant à compter de la date de réception de la déclaration préalable et, d'autre part, que le silence gardé par le titulaire du droit de préemption au terme de ce délai vaut renonciation à l'exercice de son droit.

2. Le contenu du droit de préemption

L'article R. 214-5 du Code de l'urbanisme dispose, également, que, dans le délai de deux mois à compter de la réception de la déclaration préalable, le titulaire du droit de préemption doit notifier au cédant :

  • soit sa décision d'acquérir aux prix et conditions indiqués dans la déclaration préalable ;
  • soit son offre d'acquérir aux prix et conditions fixés par l'autorité judiciaire saisie dans les conditions prévues à l'article R. 214-6.

L'article L. 214-1 du Code de l'urbanisme précise, en effet, que le droit de préemption est exercé selon les modalités prévues pour le droit de préemption urbain (C. urb., art. L. 213-4 N° Lexbase : L7384ACH à L. 213-7). La commune peut, donc, contester le prix et les conditions de la cession envisagée et demander à la juridiction compétente en matière d'expropriation de fixer le prix d'acquisition. Les règles de saisine de la juridiction sont prévues à l'article R. 214-6 du Code de l'urbanisme (voir infra). Le renvoi opéré par l'article L. 214-1 du Code de l'urbanisme à l'article L. 213-7 du même code (N° Lexbase : L7389ACN) devrait permettre, à défaut d'accord sur le prix, au vendeur de renoncer à la cession et, à la commune qui a exercé son droit de préemption, d'y renoncer. Aux inconvénients liés à la durée prévisible d'une procédure en fixation du prix, qui pèseront essentiellement sur le cédant, s'ajoutera celui de pouvoir voir la commune renoncer, à tout moment, à la cession.

  • soit sa décision de renoncer à l'exercice du droit de préemption.

3. La forme de l'exercice du droit de préemption

La titulaire du droit de préemption, qui souhaite exercer ce dernier, doit notifier sa décision au cédant, par pli recommandé avec demande d'avis de réception ou par remise contre décharge au domicile ou au siège social du cédant (C. urb., art. R. 214-5, al. 2).

Lorsque le cédant est lié par un contrat de bail, une copie de cette notification est adressée au bailleur (même texte).

4. La fixation judiciaire du prix et des conditions de l'offre d'acquérir du titulaire du droit de préemption

Le titulaire du droit de préemption peut offrir de préempter aux prix et conditions fixés par l'autorité judiciaire (voir supra).

Le nouvel article R. 214-6 du Code de l'urbanisme dispose qu'en cas de désaccord sur le prix ou les conditions indiqués dans la déclaration préalable, le titulaire du droit de préemption, qui veut acquérir, saisit, dans le délai fixé à l'article R. 214-5 du Code l'urbanisme (deux mois à compter de la réception de la déclaration préalable), la juridiction compétente en matière d'expropriation, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée au secrétariat de cette juridiction, accompagnée d'une copie en double exemplaire de son mémoire.

Une copie de la lettre de saisine et du mémoire doit être simultanément notifiée au cédant et, le cas échéant, au bailleur.

III - Modalités d'exercice du droit de préemption - Règles spécifiques

A - L'exercice du droit de préemption en cas de cession par voie d'adjudication

Le nouvel article R. 214-7 du Code de l'urbanisme régit de manière dérogatoire le processus de préemption, en cas de cession d'un fonds artisanal, d'un fonds de commerce ou d'un bail commercial par voie d'adjudication.

Dans cette hypothèse, en effet, c'est le commissaire-priseur judiciaire, le greffier de la juridiction ou le notaire chargé de procéder à la vente, selon la nature de l'adjudication, qui procède à la déclaration préalable prévue à l'article L. 214 -1 du Code de l'urbanisme.

Cette déclaration est établie dans les formes de droit commun (C. urb., art. R. 214-4) et indique la date et les modalités de la vente.

Elle est alors adressée au maire, trente jours au moins avant la date fixée pour la vente, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.

Le titulaire du droit de préemption dispose, ensuite, d'un délai de trente jours à compter de l'adjudication pour notifier, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, au greffier ou au notaire sa décision de se substituer à l'adjudicataire.

Il ne peut bénéficier, dans ce cas, de la possibilité de saisir le juge de l'expropriation pour obtenir la fixation d'un nouveau prix. La substitution ne peut intervenir, en effet, qu'au prix et aux conditions de la dernière enchère ou de la surenchère.

Une copie de la décision de préempter devra ensuite être annexée au jugement ou à l'acte de l'adjudication et publiée au bureau des hypothèques, en même temps que celui-ci.

Le greffier, le notaire ou le rédacteur de l'acte, selon les cas, devra, enfin, informer l'adjudicataire évincé de l'acquisition réalisée par voie de préemption.

B - L'exercice du droit de préemption en cas de cession de gré à gré dans le cadre d'une liquidation judiciaire

En cas de cession de gré à gré d'un fonds artisanal, d'un fonds de commerce ou d'un bail commercial, autorisée par le juge-commissaire en application de l'article L. 642-19 du Code de commerce (N° Lexbase : L3926HBZ), le liquidateur doit procéder, avant la signature de cet acte, à la déclaration préalable prévue à l'article L. 214-1 du Code de l'urbanisme dans les formes prévues à l'article R. 214-7 du même code, relatif à la cession par voie d'adjudication (voir supra).

Le titulaire du droit de préemption peut, alors, exercer son droit dans les conditions également prévues par ce texte, à cette différence qu'en cas d'acquisition par voie de préemption, il incombe au liquidateur d'en informer l'acquéreur évincé.


(*) La deuxième partie de ce commentaire sera publiée dans Lexbase Hebdo n° 291 du 7 février 2008 - édition privée générale.

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