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N8302BDT
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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la rédaction
Le 27 Mars 2014
L'accord signé le 11 janvier dernier aborde, pourtant, a priori, l'ensemble des thèmes gouvernant le marché du travail et faisant débat, aujourd'hui. Le premier intérêt du texte est son existence elle-même : il montre la capacité des partenaires sociaux à se réunir promptement et à négocier dans une optique de modernisation -l'ultimatum gouvernemental ayant sans doute aidé à la précipitation pour la publication d'un tel accord-. Ensuite, il indique clairement que la flexisécurité, modèle social nordique si envié secrètement par les acteurs de ce marché du travail, peut devenir une réalité sociale française, pour peu que l'on abandonne quelque dogmatisme de toute part.
Toutefois, le coeur de l'accord interprofessionnel, dont la "ratification" gouvernementale ne devrait pas trop se faire attendre, réside dans ses dix-neuf articles qui touchent tant la notion de contrat de travail, que les modes de rupture de la relation salarié -entreprise, tant la formation professionnelle, que l'insertion et l'aide des jeunes au premier emploi. Toute l'équipe de Lexbase Hebdo - édition sociale s'est mobilisée cette semaine, sous la conduite de Christophe Radé, son Directeur scientifique, pour décortiquer, point par point, confirmations de principes et avancées juridiques développées par ce texte.
Mais, à la lecture de cet accord, gardons à l'esprit plusieurs questions, d'ores et déjà soulevées ou qui ne manqueront pas de l'être. En matière de période d'essai, uniformiser branche par branche la période initiale et son allongement écartera-t-il le recours préalable au CDD ou à l'intérim ? La transaction au titre de la rupture amiable du contrat de travail ne va-t-elle pas venir grossir les rangs des allocataires chômage -le silence de l'administration valant homologation- ? Le CDD pour mission ou projet spécial à l'adresse des cadres ne risque-t-il pas de "précariser" une population épargnée par la dualité du marché du travail ? Quid du financement et des modalités de la "portabilité" du droit individuel à la formation et autres droits sociaux ? Et plus fondamentalement, la "légitimation en grande pompe" du recours aux contrats "précaires" effacera-t-elle les difficultés afférentes à l'accès au logement et à l'emprunt ? Loin de nous l'idée d'en appeler à la potence, mais la course "contre la montre" pourrait bien s'avérer être une "course à étapes".
"Mobilité et stabilité ne sont pas antinomiques : un cycliste n'est stable sur sa bicyclette qu'en avançant" écrivait Jacques Chirac, dans La France pour tous. On dit du cyclisme que c'est un sport d'équipe, mais à classement individuel. Qu'en est-il du marché du travail ?
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N8213BDK
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par David Bakouche, Professeur agrégé des Facultés de droit
Le 07 Octobre 2010
On comprend, dans ces conditions, que la portée reconnue au texte soit particulièrement étendue. Ainsi, l'interdiction faite à chacun des époux de disposer, l'un sans l'autre, du logement de la famille, vaut quelle que soit la nature des droits qui assurent le logement, droit de propriété ou droit au bail, la loi de 1965 n'ayant pas beaucoup ajouté au droit antérieur sur ce point, étant entendu que la loi du 4 août 1962 avait déjà affirmé que, sous tous les régimes matrimoniaux, les époux sont co-titulaires du bail de leur logement d'habitation (C. civ., art. 1751 N° Lexbase : L1873ABY).
Et quelques arrêts récents ont même donné un sens nettement extensif aux "droits qui assurent le logement de la famille", admettant l'application de l'article 215 du Code civil au contrat d'assurance garantissant le logement de la famille, et interdisant donc à un époux de résilier seul un tel contrat (Cass. civ. 2, 10 mars 2004, n° 02-20.275, Mme Marylène Destampes, épouse Labre c/ Société Groupe des populaires d'assurances IARD GPA (IARD), F-P+B N° Lexbase : A4912DBK, Bull. civ. II, n° 100 et nos obs. Un époux ne peut résilier seul le contrat d'assurance garantissant le logement familial, Lexbase Hebdo n° 115 du 8 avril 2004 - édition affaires N° Lexbase : N1151ABA ; Cass. civ. 1, 14 novembre 2006, n° 05-19.402, Mme Marylène Labre-Destampes, FS-P+B N° Lexbase : A3411DS7, Bull. civ. I, n° 482). Tout cela est, à vrai dire, parfaitement entendu. Reste à examiner l'une des limites posées à l'application du texte.
Si on laisse de côté le fait que l'article 215 du Code civil ne s'applique pas aux dispositions à cause de mort, autrement dit à l'hypothèse dans laquelle l'époux, propriétaire, lèguerait le logement à un tiers au détriment de son conjoint (Cass. civ. 1, 22 octobre 1974, n° 73-12402, Dame B. c/ B. et autres N° Lexbase : A6034CIC, JCP éd. G, 1975, II, 18041), il ressort également de l'examen du droit positif que l'article 215 n'exclut pas la possibilité pour les créanciers de saisir le logement de la famille. Le problème était le suivant : un époux contracte une dette entrainant la saisie possible des biens et, en l'occurrence, du logement de la famille. Faut-il alors considérer que le créancier n'a dans son gage le logement de la famille qu'à la condition que l'autre époux ait lui aussi consenti à la dette ? Tel n'est pas, en tout cas, l'avis de la Cour de cassation, qui a décidé que les dispositions de cet article doivent, en principe, être considérées comme inopposables aux créanciers, sous peine de frapper les biens d'une insaisissabilité contraire à la loi (Cass. civ. 1, 4 juillet 1978, n° 76-15.253, Epoux Van Beneden c/ Dame Chacon N° Lexbase : A8353AYZ, D. 1979, p. 479, note Chartier, JCP éd. G, 1980, II, 19368, note Labbouz, RTDCiv. 1979, p. 585, obs. Nerson ; CA Paris, 20 novembre 1984, JCP éd. G, 1986, II, 20584, note Dagot) -l'article 215 n'ayant pas eu pour objet de rendre le logement insaisissable-.
La rigueur de la solution a, cependant, été atténuée :
- d'abord, même si, il est vrai, l'hypothèse ne joue qu'assez rarement, la solution est écartée dans le cas de la fraude. Il faut alors démontrer une intention frauduleuse (c'est-à-dire la conscience d'exposer le logement de la famille à un risque sérieux de saisie) et établir l'existence d'un concert frauduleux avec le cocontractant, au courant de la situation ;
- ensuite, à la faveur de la réforme réalisée en 1985, le législateur a partiellement tempéré la rigueur de la solution de la jurisprudence, et ce dans le régime de communauté, avec le nouvel article 1415 du Code civil (N° Lexbase : L1546ABU) : en cas de cautionnement ou d'emprunt souscrit par un seul époux, si le logement de la famille est un bien commun, une telle dette ne pourra entraîner sa saisie que si les deux époux ont consenti à l'engagement. On rappellera, en effet, que, selon ce texte, "chacun des époux ne peut engager que ses bien propres et ses revenus, par un cautionnement ou un emprunt, à moins que ceux-ci n'aient été contractés avec le consentement exprès de l'autre conjoint qui, dans ce cas, n'engage pas ses biens propres" ;
- enfin, la loi du 1er août 2003 (loi n° 2003-721, pour l'initiative économique N° Lexbase : L3557BLC) a voulu protéger l'entrepreneur individuel en lui permettant de rendre insaisissable sa résidence principale. Ainsi les articles L. 526-1 et suivants du Code de commerce (N° Lexbase : L5977HI9) prévoient, par dérogation aux articles 2284 (N° Lexbase : L1112HIZ) et 2285 (N° Lexbase : L1113HI3) du Code civil (anciens articles 2092 et 2093, avant la réforme réalisée par l'ordonnance n° 2006-346 du 23 mars 2006, relative aux sûretés N° Lexbase : L8127HHH, ratifiée par la loi n° 2007-212 du 20 février 2007, portant diverses dispositions intéressant la Banque de France N° Lexbase : L4512HUN), que l'entrepreneur peut décider que seront insaisissables les droits réels dont il est titulaire sur l'immeuble où il a sa résidence principale, quel que soit son régime matrimonial, et pour les dettes professionnelles et fiscales. Il doit, pour cela, faire, au moyen d'un acte notarié, une déclaration d'insaisissabilité, soumise à publicité à la conservation des hypothèques.
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N8270BDN
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par Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de la base Droit médical des Editions juridiques Lexbase
Le 07 Octobre 2010
Alors que le Conseil d'Etat avait admis, dans des circonstances exceptionnelles, l'indemnisation des victimes d'aléas thérapeutiques (1), la Cour de cassation s'y est refusée (2), provoquant certainement, d'ailleurs, l'adoption de la loi du 4 mars 2002 (loi n° 2002-303, relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé N° Lexbase : L1457AXA) et la création de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) pour en assurer la prise en charge au nom de la solidarité.
C'est ce refus que confirme la première chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt en date du 22 novembre 2007 : "la réparation des conséquences de l'aléa thérapeutique n'entre pas dans le champ des obligations dont le médecin est contractuellement tenu" (Cass. civ. 1, 22 novembre 2007, n° 05-20.974, FS-P+B N° Lexbase : A7083DZD).
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IV - Produits de santé
A - Responsabilité de l'ONIAM et VIH
La loi du 9 août 2004 (loi n° 2004-806, 9 août 2004, relative à la politique de santé publique N° Lexbase : L0816GTE) a transféré à l'ONIAM, à compter du 1er janvier 2006, la charge d'indemniser les victimes contaminées par le VIH à l'occasion de transfusions sanguines, en lieu et place du FITH qui avait été créé par la loi du 31 décembre 1991 (3).
Antérieurement à la loi de 1991, les juges se fondaient sur un faisceau de faits avérés pour établir l'origine de la contamination : les victimes devaient établir qu'elles étaient indemnes de toute contamination avant leur hospitalisation, que leur séropositivité s'était révélée postérieurement à cette dernière, qu'elles avaient bien subi une transfusion de produits sanguins et qu'elles n'avaient pas été exposées, postérieurement à cette transfusion, à d'autres risques de contamination (4).
L'entrée en vigueur de la loi du 31 décembre 1991 a permis à la jurisprudence de franchir un pas supplémentaire et de reconnaître aux victimes le bénéfice d'une présomption d'imputabilité de la contamination à la transfusion de produits sanguins (5).
Les conditions d'indemnisation des victimes sont, aujourd'hui, déterminées par l'article L. 3122-2 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L8727GTE).
Selon ce texte, "dans leur demande d'indemnisation, les victimes ou leurs ayants droit justifient de l'atteinte par le virus d'immunodéficience humaine et des transfusions de produits sanguins ou des injections de produits dérivés du sang" (al. 1er) et "font connaître à l'office tous les éléments d'information dont elles disposent" (al. 3). L'ONIAM examine, alors, "dans un délai de trois mois à compter de la réception de la demande, qui peut être prolongé à la demande de la victime ou de ses ayants droit [...] si les conditions d'indemnisation sont réunies ; il recherche les circonstances de la contamination et procède à toute investigation sans que puisse lui être opposé le secret professionnel" (al. 4). Le texte prévoit l'hypothèse où "les justifications mentionnées à l'alinéa premier du présent article ont été admises par l'office" et précise, alors, que "celui-ci est tenu de verser dans un délai d'un mois une ou plusieurs provisions si la demande lui en a été faite".
Aucune disposition légale ne précise, en revanche, les conditions dans lesquelles l'office pourrait être conduit à refuser de présenter à la victime une offre d'indemnisation. L'article L. 3122-3 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L8729GTH) énonce simplement que ce refus autorise la victime à agir directement en justice contre l'office. Par ailleurs, l'article R. 3122-2 (N° Lexbase : L9272HE7) du même code permet à la commission d'indemnisation, placée auprès du directeur de l'Office, de "procéder à l'audition du demandeur". Enfin, l'article R. 3122-7 (N° Lexbase : L9278HED) impose à l'Office de motiver tout refus d'offre.
C'est donc à la jurisprudence qu'il appartient de préciser quels sont les éléments que l'Office peut prendre en compte pour refuser d'indemniser la victime et, singulièrement, le rôle que peut jouer la conduite à risque de cette dernière à l'époque de la prétendue contamination.
Dans une précédente décision en date du 14 janvier 1998, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation avait semblé être désireuse de laisser un large pouvoir d'appréciation aux juges du fond dans une affaire où c'était bien l'analyse du comportement de la victime qui avait justifié la mise hors de cause du FITH ; la Cour de cassation avait, en effet, relevé, pour rejeter le pourvoi dirigé contre un arrêt de la cour d'appel de Paris qui avait débouté la victime de l'ensemble de ses demandes, que "c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'apprécier la valeur et la portée des éléments de preuve que la cour d'appel, après avoir retenu que l'expert avait relevé que la transfusion est intervenue à une date où les risques de contamination transfusionnelle étaient très limités, de l'ordre de 1 sur 100 000, que le mari de Mme X était un toxicomane avéré, dont la contamination par le VIH était très ancienne, que les conseils de prophylaxie entre les époux n'avaient pas été suivis, et que, pour les médecins les ayant soignés, l'origine non transfusionnelle ne faisait aucun doute, a estimé que la présomption simple de contamination par la transfusion était contredite par cet ensemble de présomptions graves, précises et concordantes" (6).
Dans d'autres décisions rendues ultérieurement, la Cour allait, également, admettre que la présomption soit renversée dans des hypothèses où tous les lots sanguins n'avaient pu être testés, mais où de fortes présomptions existaient pour considérer que le lot manquant n'était pas contaminé (7).
L'examen des décisions les plus récentes montre, toutefois, un très net infléchissement de la jurisprudence en faveur des victimes. Ainsi, seul semble, désormais, admis le fait que tous les lots sanguins transfusés ont été testés négativement (8), la Cour de cassation faisant droit aux demandes d'indemnisation présentées par la victime en cas de doute sur l'origine de l'un d'entre eux (9).
Mais, jusqu'à présent, la Cour de cassation n'avait jamais eu à se prononcer directement sur le rôle que serait susceptible de jouer le comportement à risques de la victime.
Sur ce point, l'arrêt rendu par la première chambre civile le 20 décembre 2007 est des plus clairs : "la présomption édictée en faveur de la personne transfusée n'était pas détruite par la seule constatation de la conduite à risques" de la victime (Cass. civ. 1, 20 décembre 2007, n° 06-20.575, F-P+B N° Lexbase : A1256D3W).
Cette solution doit être pleinement approuvée.
La mise à l'écart du débat sur le comportement de la victime est incontestablement conforme à l'esprit du dispositif spécial d'indemnisation. Reposant sur le droit des patients à la sécurité des produits de santé, la mise hors de cause de l'office ne doit logiquement pouvoir intervenir que si la qualité de tous les produits sanguins transfusés est établie avec certitude. Or, les termes mêmes de l'article L. 3122-1 du Code de la santé publique démontrent que l'intention du législateur n'est pas d'imposer à la victime la preuve de la présence dans les produits transfusés du HIV, faute d'aptitude suffisante pour rapporter ce type de preuve, mais d'en confier la charge à l'office qui doit logiquement succomber si la pureté de tous les lots utilisés n'est pas établie avec certitude.
Cette solution a un second mérite car elle harmonise de manière très opportune la situation des victimes contaminées par le HIV avec celle, très proche, des victimes contaminées par le virus de l'hépatite C depuis l'article 102 de la loi "Kouchner" du 4 mars 2002, et dont on sait qu'elles seront indemnisées toutes les fois que l'établissement mis en cause ne prouvera pas la pureté de l'ensemble des lots utilisés lors de la transfusion (10).
B - Responsabilité de l'EFS et VHC
L'article 102 de la loi du 4 mars 2002 a conforté la présomption de contamination reconnue au bénéfice des victimes de transfusions sanguines et contaminées par le virus de l'hépatite C.
Comme nous avons eu l'occasion de le rappeler, la présomption légale conduit le fournisseur de produits sanguins à prouver que tous les lots étaient sains, faute de quoi il devra être immanquablement condamné (11).
Un arrêt rendu par la cour d'appel de Rennes, le 7 novembre 2007, confirme cette tendance à la sévérité pour les fournisseurs en affirmant que ces derniers ne sauraient renverser la présomption sous prétexte que la victime, par sa profession d'infirmière, avait été exposée par ailleurs à des risques de contamination (CA Rennes, 7ème ch., 7 novembre 2007, D. c/ Matmut).
Comme nous venons de le montrer, cette solution est conforme à la jurisprudence relative aux victimes du VIH, la Cour de cassation venant d'écarter toute prise en compte d'une prétendue conduite à risque de la victime.
C - Responsabilité des producteurs
1 - Défaut du produit
Un arrêt rendu le 22 novembre 2007 par la première chambre civile de la Cour de cassation, dans l'affaire dite du "Dermalive", est intéressante à plus d'un titre (Cass. civ. 1, 22 novembre 2007, n° 06-14.174, F-P+B N° Lexbase : A7100DZY).
En premier lieu, la Cour de cassation confirme, après de nombreuses décisions de cours d'appel (12), la responsabilité du producteur de ce médicament prescrit dans des soins de chirurgie esthétique et qui avait provoqué, sur le visage de nombreuses patientes, l'apparition de lésions cutanées.
Interdit aux Etats-Unis, ce produit est toujours sur le marché en France car il entraîne, dans une très grande majorité des cas, de très bons résultats. On sait, toutefois, que le défaut du produit peut résulter d'un défaut d'information portant sur les risques associés à l'utilisation du produit, dans certaines circonstances ou pour certains patients, ce qui était bien en cause ici (13). Ce défaut d'information, qui peut donc conduire à qualifier un produit de défectueux, est également susceptible de caractériser une faute du producteur, au sens des articles 1147 (N° Lexbase : L1248ABT) ou 1382 (N° Lexbase : L1488ABQ) du Code civil.
La question se posait, ici, de manière toutefois particulière dans la mesure où les risques inhérents à l'utilisation de ce produit n'avaient pas été mentionnés sur la fiche d'information remise par le médecin à la patiente avant l'opération (il s'agissait, pour reprendre les termes de la cour d'appel, d'"une brochure d'information à caractère publicitaire [...] qui vante les mérites d'un produit ayant une tolérance optimale, ne provoquant nulle rougeur disgracieuse"), mais figuraient sur la notice, jointe au produit, et remise par le fabricant au médecin. Il convenait de se demander si les manquements du médecin prescripteur à sa propre obligation d'information étaient de nature à influencer la qualification de produit défectueux et, partant, d'engager la responsabilité de plein droit du producteur.
Dans cet arrêt, la première chambre civile de la Cour de cassation a considéré que la patiente n'avait pas été suffisamment informée sur ces risques, faussant ainsi l'appréciation de "la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre", et établissant, de ce fait, la défectuosité du produit. Le producteur est donc ici condamné car les diligences réalisées pour informer les utilisateurs du Dermalive n'étaient pas suffisantes pour leur permettre de se déterminer, en pleine connaissance de cause, sur le choix du produit.
Cette solution est logique et parfaitement conforme aux solutions habituellement admises lorsqu'est en cause l'obligation d'information de plusieurs professionnels, chacun devant assumer ses propres obligations et ne pouvant se retrancher derrière l'information due par les autres professionnels (14). La remise d'une simple notice d'information ne saurait d'ailleurs épuiser l'obligation d'information du professionnel qui doit également "tenir compte de l'adéquation des risques [...] à la situation personnelle de son client" (15). Dans cette affaire, d'ailleurs, le médecin prescripteur et le laboratoire fabricant le Dermalive avaient été condamnés in solidum, le premier pour manquement à son obligation contractuelle d'information, et le second en raison du défaut de son produit.
Les producteurs sont, désormais, prévenus et auront tout intérêt à s'assurer que toutes les informations concernant les risques liés à l'utilisation de leurs produits seront effectivement transmises à l'utilisateur final, quitte d'ailleurs à rédiger eux-mêmes les documents d'information que le prescripteur devra impérativement leur remettre.
Cet arrêt est, également, intéressant en ce qu'il illustre parfaitement comment il convient d'apprécier la notion de "défaut". L'article 1386-4 du Code civil (N° Lexbase : L1497AB3), qui fait référence "à la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre" et qui impose au juge de tenir compte "de toutes les circonstances et notamment de la présentation du produit, de l'usage qui peut en être raisonnablement attendu et du moment de sa mise en circulation", montre que l'appréciation du défaut doit s'effectuer in abstracto, comme cela a d'ailleurs été jugé (16), tout en tenant compte des données concrètes propres à chaque espèce. Or, en l'occurrence, il était admis qu'une patiente normalement prudente et diligente, placée dans la même situation, aurait également été induite en erreur sur la sécurité à laquelle on pouvait légitimement s'attendre dans la mesure où elle ne disposait pas des informations suffisantes pour apprécier le degré de sécurité du produit.
2 - Manquement à l'obligation d'information
Près de quatre ans après la deuxième chambre civile de la Cour de cassation (17), la première chambre civile confirme, à son tour, l'absence de responsabilité de la SEITA dans les cancers développés par ses clients fumeurs (Cass. civ. 1, 8 novembre 2007, n° 06-15.873, FS-P+B N° Lexbase : A4175DZN).
Dans cette nouvelle affaire, une fumeuse avait appris, en juillet 1995, qu'elle était atteinte d'"un cancer bronchique, avec envahissement ganglionnaire médiastinal, inopérable". Après avoir suivi un traitement associant une chimiothérapie et une radiothérapie, elle était décédée en octobre 1996. Imputant sa maladie et son décès à sa consommation de cigarettes Gauloises brunes depuis l'âge de 13 ans, son mari, agissant tant en son nom personnel qu'au nom des trois enfants du couple, ainsi que deux des soeurs de la victime, ont assigné la SEITA, devenue société Altadis, en sa qualité de fabricant.
La cour d'appel de Montpellier ayant rejeté l'ensemble de ces demandes (18), les demandeurs avaient alors formé un pourvoi en cassation. Ces derniers reprenaient, dans leurs moyens, des arguments très proches de ceux de la famille G. dans la précédente affaire et reprochaient ainsi à la SEITA, "parfaitement informée [des dangers liés au tabac] par les études dont elle avait connaissance", de "prendre l'initiative de donner aux consommateurs les informations nécessaires" avant même l'adoption de la loi du 9 juillet 1976 imposant une mise en garde des fumeurs sur les risques liés au tabagisme. Ce comportement établissait, selon eux, à la fois la faute de l'entreprise, au regard de l'article 1382 du Code civil, et un manquement à l'obligation d'information du producteur susceptible de caractériser le défaut du produit, au sens où l'entendent "l'article L. 221-1 du Code de la consommation (N° Lexbase : L6691ABG) comme du droit interne interprété à la lumière de la Directive européenne du 25 juillet 1985 (N° Lexbase : L9620AUT)".
L'argument n'a pas convaincu et le pourvoi est ici rejeté. Si cette solution conforte l'arrêt rendu en 2003 dans l'affaire "Gourlain" par la deuxième chambre civile, l'argumentation retenue par la première chambre nous paraît des plus discutables dans la mesure où elle se focalise sur le seul comportement du fumeur, en semblant se désintéresser de celui du fabricant, ce qui n'est guère satisfaisant.
(1) CE contentieux, 9 avril 1993, n° 69336, M. Bianchi (N° Lexbase : A9435AME), Rec. Lebon, p. 127, concl. Daël.
(2) Cass. civ. 1, 8 novembre 2000, n° 99-11.735, M. X c/ M. Y et autre (N° Lexbase : A7649AHR), Resp. civ. et assur. 2000, comm. 375 : "Attendu que la réparation des conséquences de l'aléa thérapeutique n'entre pas dans le champ des obligations dont un médecin est contractuellement tenu à l'égard de son patient". Cass. civ. 1, 27 mars 2001, n° 99-13.471, M. Vlado Smatt c/ Mlle Soumilla Rahilou, F-P (N° Lexbase : A1115ATH), Resp. civ. et assur. 2001, chron. 13, Ch. Radé ; D. 2001, somm. p. 2236, obs. D. Mazeaud.
(3) Sur le nombre de dossiers en cours, voir le Rapport du premier semestre d'activité de l'Office pour 2007.
(4) CA Paris, 20 décembre 1996, Gaz. Pal., 2 et 3 janvier 1998, somm., p. 29, obs. H. Vray. Cass. civ. 2, 20 juillet 1993, n° 91-22.370, Groupe Azur assurances mutuelles de France c/ M. X et autres (N° Lexbase : A5975ABW), Bull. civ. II, n° 273 : "en l'absence de preuve que M. X... ait été contaminé pour d'autres causes".
(5) CA Paris, 21 février 1995, Gaz. Pal., 1996, 2, p. 393.
(6) Cass. civ. 2, 14 janvier 1998, n° 97-06.004, Mme X c/ Fonds d'indemnisation des transfusés et hémophiles contaminés par le VIH (N° Lexbase : A2962ACP), Bull. civ. II, n° 17.
(7) Cass. civ. 2, 10 juin 1999, n° 98-06.004, M. X c/ Fonds d'indemnisation des transfusés et hémophiles contaminés par le VIH, inédit (N° Lexbase : A9332CQP). Cass. civ. 2, 14 décembre 2000, n° 00-06.002, Mme X c/ Fonds d'indemnisation des transfusés et hémophiles contaminés par le VIH, inédit (N° Lexbase : A4358CTL).
(8) Cass. civ. 2, 24 octobre 2002, n° 01-06.004, Mme Florence Ardin, épouse Girbau c/ Fonds d'indemnisation des transfusés et hémopiles contaminés par le VIH, F-D (N° Lexbase : A3444A3X). Cass. civ. 2, 15 décembre 2005, n° 05-06.005, Mme Nora Sahraoui c/ Fonds d'indemnisation des transfusés et hémophiles contaminés par le VIH (FITH), F-D. Déjà Cass. civ. 2, 13 juillet 2000, n° 99-06.003, Mme X c/ Fonds d'indemnisation des transfusés et hémophiles contaminés par le VIH, inédit (N° Lexbase : A6497CSG).
(9) Cass. civ. 2., 19 octobre 2006, n° 05-15.373, M. Daniel Delporte, FS-P+B (N° Lexbase : A9652DRW), Bull. civ. II, n° 278.
(10) Sur ce point, nos obs. sous Cass. civ. 2, 21 avril 2005, n° 03-20.683, Société Axa France IARD, anciennement dénommée Axa assurances IARD c/ Etablissement français du sang (EFS), FS-P+B (N° Lexbase : A9633DHA), Resp. civ. et assur. 2005, comm. 223.
(11) Cass. civ. 1, 24 février 2004, n° 02-20.515, Mme Maria Bonillo, épouse Martinez c/ Société Polyclinique Saint-Roch, F-P+B (N° Lexbase : A3763DBY), Bull. civ. I, n° 63. Cass. civ. 1, 18 janvier 2005, n° 03-12.166, Fondation du centre hospitalier des courses c/ M. Jean-Paul Caillet, FS-P+B (N° Lexbase : A0804DGU), Resp. civ. et assur. 2005, comm. 100, et les obs. Lire, également, nos observations Panorama de responsabilité civile médicale, Lexbase Hebdo n° 281 du 15 novembre 2007 - édition privée générale (N° Lexbase : N0163BDE).
(12) CA Paris, 14ème ch., sect. B, 14 mars 2003, n° 2002/18338, SARL Dermatech c/ Madame Eve B. (N° Lexbase : A7716C8B) ; CA Dijon, ch. civ., sect. A, 17 avril 2007.
(13) Sur le défaut d'information concernant les risques "indésirables" : Cass. civ. 1, 24 janvier 2006, n° 03-19.534, Société Aventis Pasteur MSD, venant aux droits de la société Pasteur Vaccins c/ Mme Paule X, épouse Y, FS-P+B (N° Lexbase : A6043DMR), RTD civ. 2006, p. 323, obs. P. Jourdain ; D. 2006, pan. p. 1931, obs. P. Jourdain, p. 1273, note L. Neyret ; JCP éd. G, 2006, II, 10082, note L. Grynbaum ; Resp. civ. et assur. 2006, chron. 11, O. Gout, comm. 91, et les obs. ; RDC 2006, p. 841, obs. J.-S. Borghetti.
(14) Ainsi l'obligation d'information du vendeur n'exclut pas la propre obligation qui pèse sur l'installateur : Cass. civ. 1, 25 janvier 2000, n° 98-12.702, Epoux Le Moal c/ M. Signol (N° Lexbase : A3611AUB), Gaz. Pal., 2001, n° 39, p. 16, concl. J. Sainte-Rose : "l'obligation d'information du vendeur n'exclut pas celle de l'informateur".
(15) A propos de l'obligation d'information du dispensateur de crédit : Ass. Plén., 2 mars 2007, n° 06-15.267, M. Henri Dailler c/ Caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Touraine et du Poitou, P+B+R+I (N° Lexbase : A4358DUX), JCP éd. G, 2007, II, 10098, note A. Gourio. Lire plus largement S. Hocquet-Berg, Les fournisseurs de crédit à nouveau mis en garde, Resp. civ. et assur. 2007, chron. 15.
(16) CA Angers, 16 juin 2006, Resp. civ. et assur. 2006, comm. 304, et les obs..
(17) Cass. civ. 2, 20 novembre 2003, n° 01-17.977, Mme Lucette Gourlain c/ Société Seita, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A1842DAH), D. 2003, p. 2902, concl. R. Kessous, p. 2907, note L. Grynbaum ; JCP éd. G, 2004, II, 10004, note B. Daille-Duclos ; Resp. civ. et assur. 2004, chron. 5, Ch. Radé ; RTD civ. 2004, p. 103, obs. P. Jourdain ; D. 2004, somm. p. 1346, obs. D. Mazeaud, chron. p. 653, par A. Bugada.
(18) CA Montpellier, 22 mars 2006, RG n° 04/01316.
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Réf. : Accord sur la modernisation du marché du travail du 11 janvier 2008
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N8398BDE
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par Christophe Willmann, Professeur à l'Université de Rouen
Le 07 Octobre 2010
I - Favoriser le retour vers l'emploi
A - Favoriser le retour vers l'emploi au profit d'un public cible, les jeunes
- Afin de faciliter aux jeunes l'accès à la vie professionnelle et, afin de leur permettre une insertion durable, les partenaires sociaux ont souhaité que, à l'issue d'un contrat de travail, tout jeune de moins de 25 ans puisse bénéficier d'une prestation spécifique du nouveau service public de l'emploi, sous forme d'un examen personnalisé de sa situation et d'un accompagnement spécifique (art. 3, "L'entrée des jeunes dans la vie professionnelle"). Ce nouveau dispositif appelle plusieurs observations, relatives à son manque d'originalité et surtout d'effectivité. D'une part, ce droit à un accompagnement (v. infra) ne vaut pas pour les primo-demandeurs d'emploi (jeunes sans emploi s'inscrivant pour la première fois à l'ANPE), mais pour les jeunes qui étaient déjà titulaires d'un contrat de travail, réduisant, ainsi, considérablement la portée de ce dispositif. D'autre part, les partenaires sociaux anticipent l'action du "nouveau service public de l'emploi" au profit des jeunes qui viennent de perdre leur emploi, alors même que la fusion ANPE-Unédic est en cours et reste loin d'être finalisée. Le projet de loi, relatif à la réforme du service public de l'emploi (n° 141), n'a été déposé que le 14 décembre 2007 devant le Sénat (et renvoyé à la Commission des affaires sociales). Adopté par le Sénat après déclaration d'urgence, le projet de loi, relatif à la réforme de l'organisation du service public de l'emploi (n° 578), a été déposé, le 11 janvier 2008, devant l'Assemblée Nationale.
- Dans le cadre de l'accord du 11 janvier 2008, les partenaires sociaux ont introduit une innovation sensible dans le champ du régime d'assurance chômage, en instituant pour les jeunes de moins de 25 ans, involontairement privés d'emploi et ne remplissant pas les conditions de durée d'activité antérieure ouvrant l'accès aux allocations du régime d'assurance chômage, une prime forfaitaire. Les conditions d'accès, le montant de cette prime, ainsi que les conditions dans lesquelles elle sera susceptible de s'imputer sur le montant des premiers droits aux allocations chômage ouverts à ses bénéficiaires après son versement, seront définies dans le cadre de la fixation des nouvelles règles d'attribution du revenu de remplacement servi par l'assurance chômage.
La réserve exprimée sur cette innovation tient à son manque de précision mais, surtout, à sa totale ineffectivité, puisque les partenaires sociaux n'assortissent cette nouvelle allocation d'aucun financement, d'aucune condition, d'aucun régime : ils se contentent de renvoyer, ici, à la compétence des partenaires sociaux qui, au cours du premier semestre 2008, vont négocier les termes de la nouvelle convention d'assurance chômage, dans la mesure où l'actuelle convention, signée le 18 janvier 2006, viendra à expiration le 31 décembre 2008.
B - Favoriser le retour vers l'emploi par la formation des demandeurs d'emploi
Les partenaires sociaux ont souhaité (art. 15, "assurer l'accès à la formation de certains salariés et demandeurs d'emploi") que des moyens spécifiques soient mis en place pour assurer la qualification ou la requalification des demandeurs d'emploi, notamment, ceux les plus éloignés de l'emploi (indemnisés ou non), dont le déficit de formation fragilise leur entrée, leur maintien, leur évolution ou leur retour dans un emploi. Adaptés aux besoins des bénéficiaires et liés à leurs projets professionnels (y compris, en prenant appui sur le bilan d'étape professionnel), ainsi qu'aux besoins des entreprises, ils peuvent prendre des formes diverses et viser, notamment, l'acquisition de savoirs de base, l'acquisition de compétences professionnelles et qualifications. Ils peuvent se mettre en oeuvre dans le cadre de l'amélioration de l'accompagnement des demandeurs d'emploi (v. infra). Cet article 15 de l'accord du 11 janvier 2008 revêt une dimension incantatoire, puisque les partenaires sociaux, dans le cadre des conventions d'assurance chômage, se sont attachés, depuis les années 1980, à faciliter le retour vers l'emploi des chômeurs en leur ouvrant la possibilité de suivre des stages de formation. Dans le jargon des professionnels de l'emploi, les partenaires sociaux ont mis en place une "politique d'activation des dépenses passives" (1).
Pour assurer la mise en oeuvre de ces objectifs, les partenaires sociaux ont prévu, dans le cadre de l'accord du 11 janvier 2008, que les mêmes partenaires sociaux prendront les dispositions nécessaires lors de la négociation interprofessionnelle sur la formation professionnelle à venir, pour en assurer durablement le financement. A cette occasion, ils préciseront les modalités de conventionnement avec l'ensemble des autres partenaires concernés. Ils veilleront, par ailleurs, à ce que la négociation relative à la convention d'assurance chômage tienne compte et soit mise en cohérence avec les résultats de la négociation sur la formation professionnelle concernant ce point. Là encore, syndicats d'employeurs et de salariés se contentent de renvoyer à la compétence des partenaires sociaux qui, au cours du premier semestre 2008, vont négocier les termes de la nouvelle convention d'assurance chômage.
Bref, rien de neuf : les partenaires sociaux avaient déjà voulu faciliter l'entrée des allocataires dans une démarche de "V.A.E." et renforcer les efforts de formation des chômeurs indemnisés (convention d'assurance chômage du 18 janvier 2006) (2). On sait que l'Unédic prend en charge les dépenses liées à la "V.A.E.", dès lors qu'elles ne sont pas couvertes par d'autres financeurs et que les diplômes ou les certificats préparés favorisent l'accès à des emplois identifiés au niveau territorial ou professionnel. Ces actions ont vocation à être réservées en priorité aux allocataires justifiant de plus de 20 ans d'activité professionnelle, ou âgés de plus de 45 ans, ou susceptibles d'obtenir une certification leur permettant d'accéder à des métiers reconnus prioritaires.
De même, les partenaires sociaux avaient intégré, dans le champ du régime d'assurance chômage, l'esprit et la logique qui sous-tendent l'ANI du 5 décembre 2003, relatif à l'accès des salariés à la formation tout au long de la vie professionnelle. L'Accord du 22 décembre 2005 prévoit que les aides à la formation financées par l'Unédic soient réservées à des actions de formation répondant à des besoins identifiés dont la satisfaction est un préalable à une embauche (AFPE) ou à des actions de formation renforçant les capacités professionnelles des allocataires concernés pour répondre à des besoins de qualification identifiés au niveau territorial ou professionnel (formations conventionnées) ou à des tensions sur certains métiers.
II - Réformer le régime d'assurance chômage
A - Assurer un revenu de remplacement aux chômeurs
Avec l'article 16 de l'accord du 11 janvier 2008, les partenaires sociaux se sont attachés à "assurer un revenu de remplacement aux chômeurs". Il est vrai que l'attribution d'un revenu de remplacement aux chômeurs par le régime d'assurance chômage constitue un élément important de la sécurisation des parcours professionnels. Tout l'intérêt de cet accord du 11 janvier 2008 réside bien là : mettre en cohérence, poser des liens entre gestion du régime d'assurance chômage, gestion des carrières, gestion des transitions entre emploi, formation et chômage, thèmes habituellement pris en charges par différents interlocuteurs (Etat, partenaires sociaux, entreprises), dans le cadre de dispositifs variables (degré, nature), dans une logique de lignes parallèles, mais rarement croisées.
Mais, il faut regretter que les partenaires sociaux aient, une fois de plus, dans cet accord du 11 janvier 2008, prévus que les modalités de la mise en oeuvre de cette nécessaire dynamique seront fixées par la prochaine convention d'assurance chômage dont la négociation s'ouvrira au cours du 1er semestre 2008.
Le contenu de l'article 16 de l'accord du 11 janvier 2008 n'est que bavardage. Qu'on en juge. La convention d'assurance chômage du 1er janvier 2009 devra respecter ces objectifs et principes :
- clarifier et articuler la place respective des dispositifs pris en charge par la solidarité nationale et du dispositif assurantiel, afin de permettre la prise en charge de nouveaux publics et de garantir l'indépendance des partenaires sociaux dans la fixation des paramètres du régime d'assurance chômage ;
- fixer des règles d'attribution d'un revenu de remplacement aux personnes involontairement privées d'emploi si elles respectent certaines conditions. Les bénéficiaires doivent être involontairement privés d'emploi ou être inscrits comme demandeur d'emploi à la suite d'une rupture conventionnelle. La convention d'assurance chômage du 1er janvier 2009 précisera les modalités d'application de ce principe aux salariés démissionnaires et à ceux dont il a été mis fin au contrat de travail en cas de non reprise du travail après une mise en demeure de l'employeur. Les conditions et modalités d'acquisition des droits et d'indemnisation doivent être plus simples et plus lisibles. Ils doivent, aussi, répondre aux objectifs de s'adapter aux nouvelles caractéristiques du marché du travail, notamment, pour les jeunes rencontrant des difficultés d'insertion durable ; de mieux indemniser les allocataires, pour des durées plus courtes, dans le cadre d'un dispositif conjuguant des mesures personnalisées d'accompagnement vers l'emploi, mises en place par le nouvel opérateur de placement et des incitations à la reprise d'emploi ; de prendre en compte la nécessité d'allonger la durée d'activité des seniors, mieux prendre en compte le parcours professionnel des intéressés.
Le montant de l'allocation doit correspondre, dans la limite d'un plancher et d'un plafond, à un pourcentage de l'ancien salaire. Le caractère de revenu de remplacement des allocations ne doit pas être remis en cause. La convention d'assurance chômage du 1er janvier 2009 précisera les conditions dans lesquelles ce principe pourra être aménagé en évitant tout glissement vers l'institution d'un revenu de complément (activités réduites).
- enfin, articuler les principes et orientations ci-dessus en vue d'optimiser la prise en charge des demandeurs d'emploi.
B - L'accompagnement des demandeurs d'emploi
Les partenaires sociaux ont voulu, dans le cadre de l'accord du 11 janvier 2008, améliorer l'accompagnement des demandeurs d'emploi (art. 17). Dans le cadre des réformes en cours, l'amélioration de l'accompagnement des demandeurs d'emploi constitue, pour les signataires de l'accord du 11 janvier 2008, une priorité. Selon les syndicats d'employeurs et les syndicats de salariés, pour être pleinement efficace, cet accompagnement doit contribuer à l'accélération du retour à l'emploi dans un emploi de qualité, mieux répondre à la satisfaction des besoins des entreprises.
Cet accompagnement, tenant compte de la situation de chacun et adapté, en conséquence, à leurs besoins, doit pouvoir être accessible à l'ensemble des demandeurs d'emploi. Pour atteindre ces objectifs, il convient, à partir d'une évaluation des dispositifs déjà mis en place, de mobiliser tout à la fois des moyens humains renforcés faisant appel aux ressources des différents intervenants sur le marché de l'emploi : ANPE, Assédic (dans le cadre de la fusion des réseaux opérationnels), AFPA, APEC, opérateurs privés, branches professionnelles... ; des dispositifs rénovés, permettant au demandeur d'emploi, après une évaluation de sa situation et de ses compétences, de perfectionner ses démarches, avec l'appui d'un référent qui aurait pour mission de l'accompagner dans la mise en oeuvre du plan personnalisé d'aide au retour à l'emploi qu'ils auraient élaboré en commun, en tenant compte de la situation du marché du travail sur le bassin d'emploi, la région, ou l'ensemble du territoire.
Cette volonté des partenaires sociaux, dans le cadre de l'accord du 11 janvier 2008, d'améliorer l'accompagnement des demandeurs d'emploi (art. 17) ne réalise aucune innovation marquante. L'ANI du 22 décembre 2006 (art. 1), retranscrit dans la convention d'assurance chômage du 18 janvier 2006, avaient déjà mis en place un diagnostic initial sur la situation du demandeur d'emploi et sa distance à l'emploi, permettant une différenciation des parcours et une adaptation des prestations proposées conformément au projet personnalisé d'accès à l'emploi (C. trav., art. R. 311-3-11 N° Lexbase : L5614HZX et R. 311-3-12 N° Lexbase : L5615HZY). Le demandeur d'emploi bénéficiait d'une première évaluation personnalisée et d'une information sur les perspectives d'évolution des métiers, en vue d'actions de reclassement immédiat, de la réalisation éventuelle d'un bilan de compétence, d'une action de validation des acquis de l'expérience, de la prescription d'une formation complémentaire dont l'intérêt pour son reclassement a été identifié directement, ou de la conclusion d'un contrat de professionnalisation (3).
C - Contrôle de la recherche d'emploi
Avec une formulation bavarde et confuse, les partenaires sociaux ont voulu (art. 18) inscrire chômeurs et service public de l'emploi dans un cadre de droits et devoirs réciproques. A cet effet, les partenaires sociaux ont souligné que "l'efficacité d'un dispositif cohérent et dynamique de prise en charge financière et d'accompagnement personnalisé des demandeurs d'emploi, requiert de ces derniers une démarche active de recherche d'emploi qui s'inscrit dans une logique de respect des droits et devoirs réciproques et conduit nécessairement à ce que soient clairement définies, dans le respect de la personne, les modalités de contrôle de l'effectivité de la recherche et la notion d'offre valable d'emploi". On admettra que cette formulation laisse dubitatif, tant elle reste vague.
On se souvient que la dernière réforme du contrôle de la recherche d'emploi date de 2005 (loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005, de programmation pour la cohésion sociale N° Lexbase : L6384G49 ; v., aussi, décret n° 2005-915 du 2 août 2005, relatif au suivi de la recherche d'emploi N° Lexbase : L1269HBM) (4). La loi de cohésion sociale a mis fin au monopole de l'Etat dans l'exercice de cette mission. Dorénavant, le contrôle de la recherche d'emploi est opéré par des agents publics relevant du ministre chargé de l'Emploi et de l'ANPE, ainsi que par des agents relevant du régime d'assurance chômage (Unédic, Assédic). Les décisions de réduction, de suspension à titre conservatoire ou de suppression du revenu de remplacement sont prises dans les cas mentionnés à l'article L. 351-17 du Code du travail (N° Lexbase : L8888G7C). Elles sont précédées d'une procédure contradictoire, dans laquelle le demandeur d'emploi a le droit d'être entendu, accompagné d'une personne de son choix. Le revenu de remplacement peut être supprimé ou réduit par le représentant de l'Etat, après consultation d'une commission où sont représentés l'Unédic et l'ANPE. Les Assédic peuvent également à titre conservatoire, suspendre le versement du revenu de remplacement ou en réduire le montant. Le dossier est, alors, transmis au représentant de l'Etat, qui se prononce sur le maintien de la décision de suspension ou de réduction après une éventuelle consultation d'une commission où sont représentés les Assédic et l'ANPE.
(1) P. Domergue, L'assurance chômage : un régime façonné par les partenaires sociaux, Mélanges J. Pélissier, Dalloz 2004, p. 213 ; M. Elbaum, Coût du chômage, dépenses passives, traitement social : quelles significations pour un redéploiement ?, Dr. soc. 1996, p. 452 ; IGAS, Rapport annuel, 1999, accessible sur le site internet du ministère de l'Emploi et des affaires sociales ; P. Kosonen, Activation, incitations au travail et workfare dans quatre pays scandinaves, Travail et emploi, février 1999, n° 79 ; Y. L'horty, Une nouvelle politique pour l'emploi ?, Dr. soc. 2004, p. 239 ; L. Epiard, Le retour des demandeurs d'emploi indemnisés sur le marché du travail : la voie des politiques d'incitation, Thèse Nantes, 20 décembre 2007, dir. J.-P. Chauchard ; Conseil de l'Emploi, des Revenus et de la Cohesion sociale (CERC), Aider au retour à l`emploi, Rapport n° 6, décembre 2005 ; Cour des comptes, Rapport public thématique, L'évolution de l'assurance chômage : de l'indemnisation à l'aide au retour à l'emploi, mars 2006.
(2) Conseil de l'Emploi, des Revenus et de la Cohésion sociale (CERC), Aider au retour à l'emploi, Rapport n° 6, décembre 2005 ; F. Lefresne et C. Tuchszirer, Les processus de mise en oeuvre de l'offre de formation Unedic dans le cadre du PARE (plan d'aide au retour à l'emploi), Rapport de l'IRES, mars 2004.
(3) Lire nos obs., Nouvelle convention d'assurance chômage (accord du 22 décembre 2005) : le changement dans la continuité, Lexbase Hebdo n° 198 du 19 janvier 2006 - édition sociale (N° Lexbase : N3227AKQ) ; Actualité de l'assurance chômage : Convention d'assurance chômage et règlement annexé du 18 janvier 2006, Rapport de la Cour des comptes, Lexbase Hebdo n° 208 du 30 mars 2006 - édition sociale (N° Lexbase : N6354AKK).
(4) J. Marimbert, Rapport au ministre des Affaires sociales, du Travail et de la Solidarité sur le rapprochement des services de l'emploi, janvier 2004 ; v., également, nos obs., Loi de cohésion sociale : Chômage, Placement, Lexbase Hebdo n° 152 du 27 janvier 2005 - édition sociale (N° Lexbase : N4390AB9) ; Rapports de la Cour des comptes 2003, p. 40-41.
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Réf. : Cass. civ. 1, 9 janvier 2008, n° 06-19.581, Mme Zoubida Amraoui, épouse Maurice, FS-P+B (N° Lexbase : A2667D38)
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N8212BDI
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par David Bakouche, Professeur agrégé des Facultés de droit
Le 07 Octobre 2010
Les juges d'appel avaient, en l'espèce, supprimé la contribution du père à l'entretien de son fils majeur, retenant que celui-ci ne démontrait pas qu'il serait encore à la charge principale de sa mère, autrement dit qu'il n'était pas en mesure de s'assumer seul. Sous le visa des articles 1315 (N° Lexbase : L1426ABG) et 373-2-5 (N° Lexbase : L6972A4Y) du Code civil, la Cour de cassation casse l'arrêt de la cour d'appel de Colmar : après avoir affirmé, dans un attendu ayant les allures d'un principe, "qu'il appartient à celui qui demande la suppression d'une contribution à l'entretien d'un enfant de rapporter la preuve des circonstances permettant de l'en décharger", la Cour énonce "qu'en faisant ainsi peser la charge de le preuve sur l'enfant, la cour d'appel a violé les textes susvisés". Il faut rappeler que la loi du 4 mars 2002, dont on a relevé qu'elle avait consacré l'autonomie du devoir d'entretien par rapport à l'autorité parentale, a, également, entendu affirmer l'autonomie du devoir d'entretien et de l'incapacité de l'enfant : ainsi, généralisant la solution que les textes ne consacraient jusque là, en matière de divorce, l'article 373-2-5 prévoit que "le parent qui assume à titre principal la charge d'un enfant majeur qui ne peut lui-même subvenir à ses besoins peut demander à l'autre parent de lui verser une contribution à son entretien et à son éducation".
La mise au point faite par l'arrêt est importante dans la mesure où, depuis quelques années, une certaine incertitude paraissait exister, quand un enfant reçoit une pension, en général après le divorce de ses parents, sur la situation exacte à sa majorité : le débiteur doit-il prouver que l'enfant n'est plus dans le besoin ou l'enfant (ou le parent qui l'entretien en fait) doit-il prouver que les aliments lui sont encore nécessaires ? Sans doute classiquement décidait-on que, lorsqu'un parent a été condamné à contribuer à l'entretien de son enfant, il lui incombe, s'il demande la suppression de cette contribution, de rapporter la preuve des circonstances permettant de l'en décharger (Cass. civ. 2, 29 mai 1996, n° 94-10.520, Mme X c/ M. Y N° Lexbase : A8483ABS, Bull. civ. II, n° 116 : cas d'un enfant devenu majeur).
Mais, un arrêt de la même deuxième chambre civile du 26 septembre 2002 avait paru jeter le doute sur la question, au point, d'ailleurs, d'être présenté par certains auteurs comme constituant un revirement de jurisprudence, l'arrêt considérant qu'il appartient à la mère de prouver que l'enfant est à sa charge lorsque le père demande la suppression de la contribution qu'il versait jusque là (Cass. civ. 2, 26 septembre 2002, n° 00-21.234, FS-P+B+I N° Lexbase : A4925AZG, Bull. civ. II, n° 192, RTDCiv. 2003, p. 74, obs. J. Hauser).
Toujours est-il que, par la suite, la Cour de cassation a, à plusieurs reprises d'ailleurs, confirmé la solution de 1996 (Cass. civ. 1, 22 février 2005, n° 03-17.135, FS-P+B N° Lexbase : A8701DGD, Bull. civ. I, n° 94 ; Cass. civ. 1, 14 février 2006, n° 05-11.001, F-P+B N° Lexbase : A1883DN3, Bull. civ. I, n° 64 ; Cass. civ. 1, 20 juin 2006, n° 05-17.475, F-P+B N° Lexbase : A0011DQH, Bull. civ. I, n° 312 ; Cass. civ. 1, 12 décembre 2006, n° 05-11.945, FS-P+B N° Lexbase : A9020DSU, Bull. civ. I, n° 543), que l'arrêt du 9 janvier dernier reprend à nouveau. Les choses paraissent donc clarifiées, et l'on peut, après d'autres, considérer qu'il n'y a, en réalité, jamais eu de revirement de jurisprudence, la Cour de cassation ayant seulement entendu distinguer deux séries d'hypothèses différentes :
- s'agissant de l'obligation assumée à l'égard de l'enfant, c'est bien au parent de prouver que le devoir a cessé, la majorité de l'enfant ne suffisant pas ;
- s'agissant de la contribution versée par un parent à l'autre, il convient, aujourd'hui encore, de ne pas confondre la demande initiale en contribution -même formée après la majorité de l'enfant- et pour laquelle c'est logiquement au demander de prouver qu'il assume la charge de l'enfant, et la demande ultérieure en suppression, pour laquelle, effectivement, "il appartient à celui qui demande la suppression de la contribution de rapporter la preuve de circonstances qui permettent de l'en décharger" (sur cette distinction, voir not. F. Terré et D. Fenouillet, Droit civil, Les personnes, La famille, les incapacités, Précis Dalloz, 7ème édition, 2005, n° 1121).
Par où l'on voit bien, en définitive, que l'on en revient aux règles classiques relatives à la charge de la preuve -d'où la référence à l'article 1315 du Code civil dans le visa, d'ailleurs cité en premier, avant même l'article 373-2-5-.
On observera simplement, pour finir, que la jurisprudence subordonne la suppression de la contribution à la preuve de "circonstances" permettant d'en décharger le débiteur. Il restera à savoir de quelles circonstances il s'agit pour un enfant majeur, d'autant que, comme on a pu le dire, "le législateur de 2002 s'est contenté d'une affirmation gratuite sans danger sans nous fournir le mode d'emploi qui eût été politiquement plus délicat" (J. Hauser, obs. RTDCiv. 2005, p. 379, spéc. p. 380).
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Réf. : Accord sur la modernisation du marché du travail du 11 janvier 2008
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par Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale
Le 07 Octobre 2010
Situation actuelle
Le Code du travail n'impose pas la rédaction d'un contrat écrit pour les salariés titulaires d'un contrat de travail à durée indéterminée travaillant à temps plein, ni, à plus forte raison, la présence de clauses ; seuls les contrats spéciaux sont légalement soumis à des règles imposant la présence de clauses particulières (1).
C'est la jurisprudence qui a été conduite à préciser le régime de ces clauses et, singulièrement, à limiter le pouvoir normatif des parties en faisant une large application de l'article L. 120-2 du Code du travail (N° Lexbase : L5441ACI), afin de contrôler les stipulations portant une atteinte excessive et/ou injustifiée aux droits et libertés fondamentaux des salariés.
Dispositions de l'accord
L'accord dispose que "les contrats de travail devront préciser les conditions de mise en oeuvre" de clauses de non-concurrence, de mobilité, ou de délégation de pouvoir.
La situation des cadres fera l'objet d'une négociation interprofessionnelle spécifique dans un délai de six mois.
Commentaire
Sur ce point, l'accord innove en généralisant la rédaction d'un écrit pour tous les contrats et en imposant aux parties la rédaction d'un certain nombre de clauses, diffusant, ainsi, une pratique assez largement répandue.
Il faut se féliciter de cette initiative. L'absence de document écrit est, en effet, de nature à jeter le trouble sur le contenu exact des engagements des parties, singulièrement sur la détermination des obligations professionnelles du salarié.
Cette exigence conventionnelle ne saurait, toutefois, avoir, en elle-même, de force contraignante pour les parties contractantes, dans la mesure où la loi ne leur impose actuellement aucune obligation particulière ; il faudra donc, ici, attendre la modification du Code du travail. Il est, d'ailleurs, intéressant de noter que le nouveau Code du travail est déjà prêt à accueillir ces dispositions, dans la mesure où le nouveau plan a été conçu dans la perspective de la mise en place, par le législateur, d'un véritable régime du contrat de travail de droit commun (2).
Par ailleurs, l'accord ne prévoit que l'existence de "précisions", sans qu'il soit ici question de modifier les règles substantielles fixées par la jurisprudence. Ainsi, l'accord entérine l'exigence d'une contrepartie financière pour la clause de non-concurrence, posée par la Cour de cassation en 2002, alors que cette condition de validité ne va pas de soi (3).
Enfin, l'accord ne précise pas si l'écrit sera exigé à titre de moyen de preuve du contrat de travail (ce qui est actuellement le cas, conformément aux dispositions de l'article 1341 du Code civil N° Lexbase : L1451ABD), ou comme formalité substantielle dont le défaut pourrait entraîner l'annulation du contrat. Il est plus que vraisemblable que l'écrit sera exigé comme condition d'opposabilité au salarié des clauses qui y figurent, confirmant, ainsi, la jurisprudence actuelle.
Dans ces conditions, l'accord ne pourra que décevoir tous ceux qui attendaient des partenaires sociaux qu'ils fixent eux-mêmes le contenu des règles applicables aux principales clauses du contrat, singulièrement lorsqu'elles sont de nature à porter atteinte aux libertés des salariés.
Le chantier demeure donc ouvert, sans véritable indication pour le législateur.
- L'obligation de motiver les licenciements
Dispositions de l'accord
Sur ce point, l'accord se montre audacieux en demandant aux pouvoirs publics d'assurer le respect effectif de l'exigence d'une cause réelle et sérieuse pour tous les contrats de travail.
Commentaire
La volonté de rendre plus effective l'exigence d'une cause réelle et sérieuse vise très certainement le régime dérogatoire propre au "Contrat Nouvelles Embauches", instauré par l'ordonnance du 2 août 2005 (ordonnance n° 2005-893, relative au contrat de travail "nouvelles embauches" N° Lexbase : L0758HBP), et dont on sait qu'il écarte l'exigence d'une cause réelle et sérieuse pendant les deux premières années d'exécution du contrat (4). Or, de très nombreuses juridictions ont considéré que ces dispositions étaient contraires à la Convention 158 de l'OIT (5), et le bureau de l'OIT a, récemment, pris position dans le même sens (6).
En demandant aux pouvoirs publics d'assurer l'effectivité de cette exigence fondamentale, l'accord ouvre ainsi la voie, avec l'aval des organisations patronales signataires, à la réforme de ce contrat, ce dont on ne pourra que se réjouir compte-tenu des incertitudes qui affectent aujourd'hui son régime.
- L'amélioration de la lisibilité des droits contractuels
Dispositions de l'accord
Après avoir rappelé que le contrat de travail remplit, également, une fonction informative, l'accord innove en disposant que "le contrat de travail doit déterminer ceux des éléments qui ne pourront être modifiés sans l'accord du salarié", même si le texte renvoie à une réflexion commune des partenaires sociaux "dans les plus brefs délais".
Par ailleurs, l'accord ouvre la voie à la mise en place d'une procédure visant à encadrer la modification du contrat de travail, comme cela se fait légalement lorsque la modification du contrat repose sur un motif économique (7).
Commentaire
La désignation, dans le contrat de travail, des éléments essentiels qui ne peuvent être modifiés sans l'accord des deux parties part du constat que les contractants ne peuvent aujourd'hui se fier aux seules solutions jurisprudentielles, avec leur lot d'incertitudes et d'instabilité.
Il n'est, toutefois, pas certain que ces dispositions puissent recevoir une application effective sans une intervention "lourde" du législateur qui doterait lui-même le contrat de travail d'une force supérieure à celle qui est la sienne aujourd'hui.
La Cour de cassation considère, en effet, le droit du salarié de refuser une modification de son contrat de travail comme d'ordre public, ce qui s'oppose à toute clause autorisant l'employeur à modifier unilatéralement le contrat (8). On ne voit donc pas comment, dans ces conditions, les parties au contrat de travail pourraient imposer au juge leur conception des éléments essentiels, ce dernier étant toujours en mesure de leur opposer l'article 6 du Code civil (N° Lexbase : L2231ABA) et l'obligation qui est faite aux parties de respecter les dispositions légales d'ordre public.
Par ailleurs, la volonté de généraliser l'existence d'une procédure de révision du contrat, qui doit être pleinement approuvée, ne se traduit pas par des solutions précises, laissant, ainsi, le champ libre à la loi.
La question cruciale de la signification du silence gardé par le salarié sur la proposition que pourrait lui faire l'employeur n'est pas abordée.
Cette question a été tranchée dans un sens très favorable aux salariés par l'arrêt "Raquin", rendu en 1987, puisque le silence, tout comme la reprise du travail aux conditions nouvelles, ne valent pas acceptation (9). C'est, d'ailleurs, sur ce point que s'opposent aujourd'hui la modification du contrat pour un motif économique, où le silence gardé au bout d'un mois par le salarié vaut acceptation (10), et la règle prétorienne applicable à la modification pour un motif non économique.
Reste à déterminer si le législateur généralisera la procédure mise en place en matière économique, ce qui sonnerait le glas de la jurisprudence "Raquin", ou non. Pareil renversement de la jurisprudence n'est pas souhaitable. Le silence des salariés est, bien souvent, la meilleure arme de défense contre un exercice agressif du pouvoir de direction et la valeur de refus qui lui est attachée depuis 1987 est, non seulement conforme aux solutions qui prévalent en droit commun des contrats, mais, également, le seul moyen de protéger les salariés contre des modifications qui leur seraient imposées par l'employeur.
Une intervention a minima du législateur nous semble donc souhaitable pour imposer une proposition écrite et circonstanciée de modification du contrat de travail, fixer une durée minimale pendant laquelle le salarié aurait le droit de réfléchir et une durée maximale, qui pourrait être d'un mois, à l'issue de laquelle le salarié doit répondre, tout en conservant au silence sa valeur de refus.
- Les indemnités de rupture
Dispositions actuelles
Depuis la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 (loi n° 2002-73 N° Lexbase : L1304AW9), le montant de l'indemnité légale de licenciement varie selon le motif du licenciement (11). En présence d'un motif personnel, l'indemnité est d'un dixième de mois de salaire par année d'ancienneté, auquel il convient d'ajouter un quinzième supplémentaire par année d'ancienneté au-delà de dix ans, alors que ce montant est doublé en présence d'un licenciement pour motif économique, pour s'établir à deux dixièmes, le salarié bénéficiant de deux quinzièmes supplémentaires par année d'ancienneté au-delà de dix ans.
Dispositions de l'accord
Sans modifier les conditions d'octroi de l'indemnité de licenciement, actuellement fixées par l'article L. 122-9 du Code du travail, l'accord prévoit une indemnité conventionnelle dont le montant sera au minimum de 1/5ème de mois de salaire par année de présence. Le texte prévoit, par ailleurs, l'application préférentielle d'accords plus favorables pour les salariés ayant un an d'ancienneté dans leur entreprise.
Commentaire
Ces dispositions constituent une innovation majeure car elles mettent en place une indemnité conventionnelle de licenciement dont le montant est plus favorable que celui qui résulte de l'application combinée des articles L. 122-9 et R. 122-2 (N° Lexbase : L9012ACR) du Code du travail pour les salariés licenciés pour un motif non économique. Pareille indemnité est donc en soi applicable, sans relais législatif, même si son application effective est subordonnée à celle de la loi qui sera prise sur le fondement de l'accord.
L'accord a donc cette conséquence inattendue d'aligner conventionnellement les droits des salariés licenciés pour un motif personnel sur ceux des salariés licenciés pour un motif économique, contrairement, d'ailleurs, aux objectifs légalement affirmés dans l'article L. 122-9 du Code du travail.
L'accord présente une autre particularité. L'article 11 dispose que ce montant pourra être amélioré par des accords plus favorables pour les salariés "ayant au moins un an d'ancienneté". Dans la mesure où la section IV de l'accord stipule expressément "qu'il ne peut être dérogé à ces dispositions par accord de branche ou d'entreprise", cette condition d'une année ne pourra être portée à une durée supérieure, mais pourra, en revanche, être réduite, et ce conformément au principe de faveur (12).
- Le reçu pour solde de tout compte
Dispositions de l'accord
L'accord prévoit de redonner au reçu pour solde de tout compte la portée libératoire que la loi de modernisation sociale lui a retirée en 2002 (13), tout en portant le délai de dénonciation, fixé, avant 2002, à deux mois, à un délai supérieur, fixé par l'accord à six mois.
L'accord ne réintroduit pas, en revanche, l'obligation de dénonciation "écrite et dûment motivée", qui figurait dans l'ancienne version de l'article L. 122-17 du Code du travail.
Commentaire
Cette mesure est, bien entendu, destinée à sécuriser la rupture du contrat de travail et constitue, sous un abord technique, l'une des innovations majeures de l'accord. Sans qu'il soit besoin de conclure une transaction, la signature par le salarié (et sans réserves) du reçu pour solde de tout compte, et l'effet libératoire qui s'y attachera passé le délai de dénonciation de six mois, protégeront les entreprises contre les risques de contestations tardives. Les salariés devront, alors, faire diligence pour vérifier qu'ils ont bien été remplis dans leurs droits à l'occasion de la rupture de leur contrat de travail.
- La conciliation prud'homale
Dispositions de l'accord
L'accord vise à redonner son efficacité à la phase de la conciliation prud'homale, réduite aujourd'hui, dans 90 % des affaires, à une simple formalité.
Le texte imposera au demandeur, généralement le salarié, d'adresser au défendeur "l'objet de sa réclamation préalablement à la saisine du conseil de prud'hommes".
Par ailleurs, et lorsque l'une des parties ne peut comparaître personnellement, l'accord lui impose de fournir à son mandataire un document écrit l'autorisant à se concilier, mais, également, attestant du fait qu'il a conscience de s'exposer à voir sa demande rejetée pour cause de caducité, s'il est demandeur, ou à se voir condamné s'il est défendeur.
Le texte prévoit, enfin, la possibilité d'une conciliation partielle, autorisant la saisine du bureau de jugement lorsque sera constatée l'impossibilité des parties de se concilier.
Commentaire
Les partenaires sociaux ne modifient pas la possibilité pour les parties de ne pas comparaître personnellement en invoquant "un motif légitime" (14).
L'obligation, faite également à la partie qui ne comparaît pas personnellement, d'attester avoir pris connaissance des risques de caducité de l'article R. 516-16 du Code du travail (N° Lexbase : L0617AD9), ou de mesures prises à son encontre selon les termes de l'article R. 516-18 du même code (N° Lexbase : L0619ADB), devrait, également, inciter les parties à faire l'effort de comparaître personnellement.
L'exigence d'une notification à l'autre partie de ses griefs avant toute saisine du Conseil sera incontestablement de nature à favoriser l'ouverture de négociations avant toute saisine de la juridiction prud'homale, même si l'accord ne va pas jusqu'à imposer aux parties de tenter une transaction avant la saisine du bureau de conciliation.
Reste à déterminer si la modestie de ces dispositions sera suffisante pour redonner toute sa place à la conciliation prud'homale ; rien n'est moins sur.
- La réparation judiciaire du licenciement
L'introduction de plafonds d'indemnisation
Sur ce point, l'accord se montre encore innovant en appelant les pouvoirs publics à introduire un plafond aux indemnités accordées aux salariés pour sanctionner le défaut de cause réelle et sérieuse, et ce, en sus du plancher actuel de l'article L. 122-14-4 du Code du travail (N° Lexbase : L8990G74) (15).
Pareils plafonds existent déjà, notamment, pour sanctionner le non-respect de la procédure de licenciement lorsque ce dernier est, par ailleurs, justifié (16) ; il s'agirait donc, ici, de généraliser cette règle.
Si l'on comprend bien l'objectif de la réforme qui vise à s'opposer au versement de sommes faramineuses, pareil plafond pourrait bien heurter le principe de réparation intégrale. Il convient, toutefois, de préciser que ce principe n'a pas de valeur constitutionnelle, le législateur étant seulement tenu d'assurer le respect du principe de réparation de l'intégralité des préjudices, tout en pouvant, pour un motif d'intérêt général suffisant, limiter la réparation pour chaque chef de préjudice (17).
Cette réforme renforce l'idée que les dommages et intérêts accordés aux salariés s'analysent, pour l'entreprise, moins comme la réparation d'un préjudice subi par le salarié que comme une pénalisation d'un comportement antisocial ; on ne peut, en effet, manquer de faire le rapprochement avec l'existence des peines plancher et le plafond du droit pénal.
La fin de la jurisprudence "Rogie"
L'accord prévoit, également, de revenir sur l'une des jurisprudences les plus contestées, et les plus contestables, concernant la procédure du licenciement. On sait, en effet, que, depuis l'arrêt "Rogie" de 1990 (18), l'employeur qui ne motive pas suffisamment la lettre de licenciement sera automatiquement condamné pour défaut de cause réelle et sérieuse. Cette règle conduit à une hyper-formalisation de la procédure de licenciement et à condamner des employeurs pour des insuffisances formelles, et ce dans des hypothèses où le licenciement repose bien sur une cause réelle et sérieuse.
En permettant au juge de "rechercher dans ce cas la cause du licenciement et à statuer sur son caractère réel et sérieux", l'accord met fin à une injustice qu'il était temps de réparer. Certes, cette disposition est de nature à renchérir le nombre des procès, puisque, jusqu'à présent, l'employeur qui prenait conscience des insuffisances de la motivation de sa lettre de licenciement était fortement incité à transiger. Mais, il nous semble que ce risque est le prix à payer pour une juste réforme.
- La rupture conventionnelle
L'encadrement de la procédure conduisant à un accord de rupture amiable
L'accord s'efforce de favoriser la conclusion d'accords de rupture amiables, tout en encadrant cette pratique afin que soient sauvegardés les droits collectifs et individuels des salariés. Le texte prévoit, ainsi, la possibilité, pour le salarié et pour l'employeur, de se faire assister pendant la phase de négociation, comme le salarié peut, d'ailleurs, le faire aujourd'hui lors de l'entretien préalable au licenciement. Il impose, également, l'information préalable du salarié sur les droits ouverts par la rupture, notamment, en matière de prestations de chômage ou de droit à la formation.
Le texte exporte aussi, de manière très intéressante, la technique consumériste du délai de rétractation pour permettre au salarié de revenir sur sa signature dans un délai de quinze jours.
Il impose, également, la rédaction d'un document en trois exemplaires, dont l'un devra être transmis au directeur départemental du travail.
L'autorisation administrative de rupture
La disposition la plus innovante réside certainement dans l'homologation, par le directeur départemental du travail, de l'accord conclu par les parties, une fois expiré le délai de rétractation de quinze jours.
Si cette mesure est de nature à permettre de s'assurer que les droits du salarié n'ont pas été bafoués par la conclusion de l'accord de rupture amiable, cette procédure n'est pas sans poser de très nombreux problèmes.
En premier lieu, l'accord réintroduit, certes, d'une manière nouvelle, la vieille autorisation administrative des licenciements économiques qui avait été supprimée en 1986, et dont on pensait qu'elle appartenait désormais à l'histoire.
En second lieu, se pose la question des recours ouverts contre cette homologation ; dans la mesure où elle conduit à la rupture du contrat de travail, elle semble, en effet, faire grief aux parties et se trouver ainsi exposée à des recours administratifs (19). D'autres interrogations subsistent : quid de la possibilité de saisir le juge prud'homal d'une demande en annulation de cette convention homologuée (20), de l'articulation avec la procédure de l'autorisation administrative de licenciement pour les salariés protégés, de l'insertion de cette procédure dans les obligations procédurales de l'employeur en matière de licenciement pour motif économique (21), etc. ?
Par conséquent, il faudra attendre, de l'aveu même des partenaires sociaux, les modalités de mise en oeuvre de ces dispositions par les pouvoirs publics pour avoir des réponses à toutes ces questions...
Le plus sage serait de renoncer à cette homologation qui nous semble poser plus de problèmes qu'elle n'est censée en résoudre.
Le régime indemnitaire de la rupture négociée
L'accord innove, ici, de manière considérable par rapport au régime de l'actuel accord de rupture amiable.
Dans l'état actuel du droit, l'accord de rupture amiable ne traduit pas l'existence d'une "perte involontaire d'emploi", au sens de l'article L. 351-1 du Code du travail (N° Lexbase : L6240AC4), et ne permet pas au salarié de prétendre bénéficier de l'assurance-chômage, sauf à tenter sa chance devant la commission paritaire de l'ASSEDIC. Or, le texte de l'accord interprofessionnel ouvre droit aux prestations de l'assurance-chômage, dans les conditions du droit commun, dès lors que l'accord a été homologué.
Par ailleurs, le salarié aura droit à une indemnité, exonérée de charges sociales et fiscales, et identique, dans son montant, à la nouvelle indemnité conventionnelle de licenciement.
- La rupture pour réalisation de l'objet défini au contrat
Dispositions de l'accord
Il s'agit, ici, d'introduire au régime des contrats à durée déterminée une nouvelle dérogation expérimentale à la durée maximale de 18 mois pour des contrats à terme imprécis conclus avec certains cadres et ingénieurs pour la réalisation "de certains projets". Dans ce cas de figure, la durée minimale du contrat serait fixée à 18 mois et la durée maximale à 36, sans possibilité de renouvellement.
Le recours à ces contrats ne pourrait se faire que dans un cadre collectif (accord de branche étendu ou accord d'entreprise) et jamais pour faire face à un accroissement temporaire d'activité.
L'accord traite ce contrat selon les dispositions habituellement applicables aux contrats à durée déterminée (clauses écrites obligatoires précisant notamment l'objet justifiant le recours au contrat, indemnité de précarité au terme du contrat (22) ), tout en introduisant certains éléments du régime des contrats à durée indéterminée, comme le délai de prévenance de deux mois avant l'arrivée du terme. Il précise, par ailleurs, que le salarié à qui la cessation des relations contractuelles n'est pas imputable pourra bénéficier des allocations de chômage et des mesures d'accompagnement offertes aux salariés licenciés.
Commentaire
Contrairement à ce qui a été souvent affirmé, il s'agit bien ici de mettre en place une extension du régime actuel des contrats à durée déterminée, et non de favoriser l'émergence d'un nouveau motif autonome de rupture d'un contrat de travail à durée indéterminée. Il en résulte que, sous réserve des dispositions spécifiques qui seront introduites par la loi à venir, les titulaires de ces nouveaux contrats relèveront du droit commun des contrats à durée déterminée ; continueront donc de s'appliquer les dispositions relatives à la rupture anticipée (23), ainsi que les sanctions encourues par l'employeur qui ne respecterait pas ces règles (24).
Le texte prévoit, lorsqu'un salarié n'a pas pu être reclassé à la suite d'une inaptitude d'origine non professionnelle, de faire servir les indemnités de rupture par un fonds de mutualisation professionnel.
(1) Contrats à durée déterminée, de travail temporaire, à temps partiel, CNE, etc..
(2) On pourrait, ainsi, imaginer la création d'une section IV (Clauses du contrat de travail) dans le chapitre premier (formation du contrat de travail) du titre 2 (Formation et exécution du contrat de travail) du Livre II (Le contrat de travail) de la première partie (Relations individuelles de travail) du Code du travail.
(3) Cass. soc., 10 juillet 2002, n° 99-43.334, M. Alain Moline c/ Société MSAS cargo international, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A0769AZI). V. nos obs., La Cour de cassation prise en flagrant délit de violation du principe de la prohibition des arrêts de règlement, Lexbase Hebdo n° 33 du 25 juillet 2002 - édition sociale (N° Lexbase : N3574AAM).
(4) Art. 2.
(5) CPH Longjumeau, 28 avril 2006, n° 06/00316, Mlle Linda de Wee c/ M. Philippe Samzun (N° Lexbase : A3873DTM), JCP S 2006, 1424, note P. Morvan ; SSL 12 juin 2006, note F. Favennec-Héry ; RTD civ. 2007, p. chron. R. Encinas de Munagory ; CA Bordeaux, 18 juin 2007, n° 06/04806 ; CA Paris, 18ème ch., sect. E, 6 juillet 2007, n° 06/06992, Monsieur le procureur de la République près le tribunal de grande instance d'Evry c/ Mademoiselle Linde de Wee (N° Lexbase : A1564DX9), JCP S 2007, n° 1565, note P. Morvan. V., également, les obs. de Ch. Willmann, Le contrat nouvelles embauches contraire à la Convention n° 158 de l'OIT, Lexbase Hebdo n° 268 du 11 juillet 2007 - édition sociale (N° Lexbase : N7948BBY).
(6) CA OIT, 14 novembre 2007, GB 200/20/6, novembre 2007. Lire le Rapport adopté par le conseil d'administration de l'OIT le 6 novembre 2007. V., également, les obs. de Ch. Willmann, Contrairement au Conseil d'Etat, l'OIT invalide le contrat nouvelles embauches, Lexbase Hebdo n° 283 du 28 novembre 2007 - édition sociale (N° Lexbase : N2230BDX).
(7) C. trav., art. L. 321-1-2 (N° Lexbase : L8923G7M).
(8) Cass. soc., 27 février 2001, n° 99-40.219, Groupe des assurances nationales (GAN Vie) c/ M. Rouillot (N° Lexbase : A0505ATU), Dr. soc. 2001, p. 514, et la chron. ; D. 2001, somm. p. 2166, obs. S. Frossard - 5 juin 2001, Dr. soc. 2001, p. 887, et les obs..
(9) Cass. soc., 8 octobre 1987, n° 84-41.902, M Raquin et autre c/ Société anonyme Jacques Marchand (N° Lexbase : A1981ABY), Dr. soc. 1988, p. 140, note J. Savatier.
(10) C. trav., art. L. 321-1-2.
(11) C. trav., art. L. 122-9 (N° Lexbase : L5559ACU).
(12) Sur le sens à donner à la notion de "dérogation" dans la loi du 4 mai 2004 (loi n° 2004-391, relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social N° Lexbase : L1877DY8), voir la circulaire du 22 septembre 2004, Fiche 2, point 1.3.1, al. 4 (circ. DRT, n° 2004-09, du 22 septembre 2004, relative au titre II de la loi n° 2004-391 du 4 mai 2004, relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social N° Lexbase : L7884GT8).
(13) C. trav., art. L. 122-17 (N° Lexbase : L5480ACX).
(14) C. trav., art. R. 516-4 (N° Lexbase : L0650ADG).
(15) Salaire des six derniers mois pour les salariés des entreprises de onze salariés et plus ayant une ancienneté d'au moins deux ans (C. trav., art. L. 122-14-5 N° Lexbase : L5570ACB).
(16) Un mois de salaire (C. trav., art. L. 122-14-4 N° Lexbase : L8990G74).
(17) Voir notre étude, Liberté, égalité, responsabilité dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel, Les cahiers du conseil constitutionnel, n° 16, 2004, pp. 111-122.
(18) Cass. soc., 29 novembre 1990, n° 88-44.308, M. Rogie c/ Société Sermaize Distribution (N° Lexbase : A9329AAR), D. 1991, p. 99, note J. Savatier.
(19) Cette conclusion s'impose pour le refus d'homologation qui fait grief aux deux parties. On peut, en revanche, s'interroger sur l'homologation elle-même, même si elle apparaît bien comme une "décision" administrative qui produit des effets de droit pour les deux parties, puisqu'elle conduit à rompre le contrat de travail.
(20) Le juge serait, alors, tenu de poser une question préjudicielle au juge administratif sur la légalité de l'homologation.
(21) L'accord ne semble, en effet, pas souhaiter que ces accords échappent au champ d'application du plan de sauvegarde de l'emploi, comme le confirme le préambule du point a), aux termes duquel ces dispositions ne doivent pas "porter atteinte aux procédures de licenciements collectifs pour cause économique".
(22) D'un montant de 10 %.
(23) Licéité de cette rupture avant terme subordonnée à la preuve d'un accord des parties, d'une faute grave, d'un cas de force majeure ou de la conclusion par le salarié d'un CDI.
(24) Paiement des salaires dus jusqu'au terme prévisible du contrat.
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Réf. : Accord sur la modernisation du marché du travail du 11 janvier 2008
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par Gilles Auzero, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV
Le 07 Octobre 2010
Envisagé dans son ensemble, l'article 1er de l'accord du 11 janvier 2008, sur la modernisation du marché du travail, peut être qualifié de simple déclaration d'intention, dans la mesure où il ne présente pas véritablement de force contraignante. Il n'en revêt pas moins une grande importance, moins, sans doute, par ce qu'il affirme de manière expresse que par ce qu'il laisse entendre. Il témoigne, en outre, très clairement du compromis qui irrigue l'ensemble de l'accord.
Une lecture rapide du texte peut laisser à penser que les partenaires sociaux se sont bornés à reprendre des dispositions qui figurent de longue date dans le Code du travail. Ainsi, l'affirmation selon laquelle "le contrat à durée indéterminée est la forme normale et générale du contrat de travail" (al. 1er) reprend l'idée que ce contrat est le contrat de principe, ainsi que le précise l'article L. 121-5 dudit code (N° Lexbase : L5447ACQ) (1). De même, l'alinéa 3 de l'article confirme le caractère exceptionnel du recours au contrat à durée déterminée et au contrat de travail temporaire qui doit se faire "dans le respect de leur objet et ne peut se justifier que pour faire face à des besoins momentanés de renfort, de transition et de remplacement objectivement identifiables par le comité d'entreprise ou, à défaut, par les délégués du personnel dans le cadre de leurs attributions respectives concernant l'évolution de la situation de l'emploi dans l'entreprise" (2).
Les partenaires sociaux marquent, ainsi, très clairement leur attachement au contrat à durée indéterminée en tant que contrat de droit commun et signifient que les contrats à durée déterminée et les contrats de travail temporaire ne sauraient être détournés de leur objet (3). Rien de bien nouveau donc. Est, en revanche, plus intéressante, l'affirmation selon laquelle, dans un environnement en perpétuelles fluctuations et dans un contexte de concurrence mondiale, l'utilité économique du contrat de travail à durée déterminée et du contrat de travail temporaire est "avérée" (al. 2). Bien qu'il convienne d'être prudent quant à la recherche de l'intention des négociateurs de l'accord, cette stipulation nous paraît marquer le rejet par les partenaires sociaux d'un contrat de travail unique qui viendrait se substituer purement et simplement à l'arsenal des contrats existants (4). Certains ne manqueront pas de regretter le maintien de la dualité du marché du travail entre contrats à durée indéterminée et contrats précaires. Elle paraît, cependant, correspondre à une réalité qu'il est difficile d'occulter.
Pour le reste, l'article 1er de l'accord revient sur l'information des représentants du personnel en matière de recours au travail précaire. Une telle information est envisagée de manière détaillée par les articles L. 432-4-1 (N° Lexbase : L6396ACU) et L. 432-4-2 (N° Lexbase : L6406ACA) du Code du travail, qui distinguent selon que l'entreprise emploie plus ou moins de 300 salariés (5). Il est, cependant, important de relever que l'accord du 11 janvier 2008 précise que le chef d'entreprise informe le comité d'entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel, "des éléments à sa disposition qui pourraient conduire l'entreprise à faire appel, pour la période à venir, aux contrats à durée déterminée et aux contrats de travail temporaire pour accroissement temporaire d'activité". Cette précision est importante dans la mesure où, en application de la loi, l'information relative au recours aux contrats de travail précaire est tournée vers le passé, l'employeur devant communiquer aux représentants du personnel le nombre de salariés qui ont été embauchés sous ce type de contrats et les motifs l'ayant amené à y recourir. Il s'agira, désormais, d'envisager l'avenir et non plus simplement le passé. Notons que la mise en oeuvre d'une telle stipulation pourra intervenir sans le secours de la loi, même si, en application du § IV de l'accord, elle ne pourra entrer en vigueur qu'à la date de publication des dispositions législatives et réglementaires, par ailleurs, indispensables à l'application de l'accord (6).
Pour en terminer avec cet article 1er, on ne peut que se féliciter de l'affirmation selon laquelle "s'agissant des contrats aidés, les parties signataires demanderont aux Pouvoirs publics de procéder à une simplification et rationalisation des dispositifs existants" (dernier al.). Il faut, en effet, souhaiter que le législateur se décide, enfin, à éclaircir le maquis constitué par ces contrats aidés dont la succession et l'empilement au fil des alternances politiques sont à déplorer.
Si la GPEC a, d'ores et déjà, fait couler beaucoup d'encre, elle sera, sans aucun doute, à nouveau sur le devant de la scène en 2008 à, au moins, deux égards. En premier lieu, il importe de rappeler que les entreprises et groupes d'entreprises occupant au moins 300 salariés avaient jusqu'au 20 janvier dernier pour ouvrir des négociations en la matière. L'échéance de cette date butoir devrait conduire à la signature d'un nombre accru d'accords ayant pour objet la GPEC, même si, faut-il le rappeler, obligation de négocier ne signifie pas obligation de conclure (7). En second lieu, il est à espérer que l'année à venir donnera l'occasion à la Cour de cassation, d'ores et déjà saisie de la question, de se prononcer sur la lancinante question de l'articulation entre l'obligation triennale de négocier la GPEC et la mise en oeuvre d'un projet de licenciement économique. Ce problème a donné lieu à des décisions contradictoires des juges du fond, certains n'hésitant pas à juger qu'il y a lieu d'ordonner la suspension de la procédure d'information-consultation du comité d'entreprise au titre des livres III et IV du Code du travail, le temps pour l'employeur d'engager la négociation sur la GPEC et de mener à terme la consultation des institutions représentatives du personnel sur cette même GPEC (8).
Replacées dans un tel contexte, les stipulations de l'accord du 11 janvier 2008 sur la GPEC prennent un relief particulier, même si l'article 9 de l'accord ne se caractérise pas, là encore, par sa contrainte. Les parties à l'accord ont entendu faire de la GPEC un élément clé de la sécurisation des parcours professionnels. Aussi décident-ils "de rappeler les principes directeurs de cette démarche et de lui donner une nouvelle dynamique" (art. 9, al. 1er).
S'agissant du rappel des principes directeurs de cette démarche, les parties soulignent que la GPEC "a pour objet de faciliter, tant pour les salariés que pour les entreprises, l'anticipation des besoins d'évolution et de développement des compétences en fonction de la stratégie de l'entreprise ainsi que des évolutions économiques, démographiques et technologiques prévisibles". Partant, "la GPEC doit constituer, pour les salariés, un outil majeur pour faciliter les évolutions de carrière internes ou externes, choisies ou acceptées, en leur permettant de disposer de points de repère dans la gestion de leur parcours professionnel. Elle est un facteur essentiel de sécurisation des parcours professionnels des salariés. Elle constitue conjointement pour les entreprises un élément de dynamisme économique".
On l'aura compris, la GPEC présente des avantages tant pour les salariés que pour l'entreprise dans laquelle ils oeuvrent (9). Si un tel objectif n'est pas illusoire, il exige que la GPEC fasse l'objet d'une négociation approfondie et que chaque partie prenante à la négociation ait à l'esprit les préoccupations de l'autre. C'est ce que tend à signifier la précision selon laquelle "la GPEC doit s'inscrire dans le cadre d'un dialogue social dynamique avec les représentants du personnel, en prenant appui sur la stratégie économique définie par l'entreprise" (10).
Vouloir inscrire la GPEC dans le cadre de la sécurisation des parcours professionnels est une bonne chose. Mais cet objectif exige de dépasser le seul cadre de l'entreprise ou du groupe. Or, et cela a été évoqué précédemment, l'obligation de négocier sur la GPEC ne concerne, pour l'heure, que l'entreprise ou le groupe et, qui plus est, des structures d'une taille importante.
Il était donc nécessaire d'envisager le développement de la GPEC dans les PME, les branches et les territoires. A ce titre, l'accord souligne que l'importance de celle-ci doit conduire les partenaires sociaux des différentes branches professionnelles à rechercher les moyens d'en développer l'accès dans les entreprises non assujetties à l'obligation triennale de négocier sur la mise en place d'un tel dispositif (11).
Enfin, on ne saurait passer sous silence une précision de l'accord commenté qui stipule qu'"en tant que démarche globale d'anticipation, la GPEC doit être entièrement dissociée de la gestion des procédures de licenciements collectifs et des PSE". On peut, évidemment, voir dans cette affirmation, une simple indication à destination des partenaires sociaux qui, au niveau des entreprises ou groupes d'entreprises, auront à négocier la GPEC. Mais, on ne peut s'empêcher d'y déceler, également, un sérieux démenti à l'égard de certains juges du fond qui ont, au contraire, lié GPEC et procédures de licenciements économiques. Reste à savoir la solution qu'entendra privilégier la Cour de cassation.
Apparu en France au milieu des années quatre-vingt, le portage salarial a été l'objet, l'année passée, de débats passionnés au sein de la doctrine, dont témoignent certains articles au ton parfois peu amène (12). Il est vrai que la licéité de cette technique peut prêter à discussion sur bien des points, alors même qu'elle paraît rencontrer en pratique un succès croissant. La volonté des partenaires sociaux de sécuriser cette pratique apparaît, par suite, légitime, même si, nous allons le voir, on est en droit de se demander si une telle sécurisation relève réellement de leur compétence.
Ainsi que l'indique l'article 19 de l'accord commenté, "le portage salarial se caractérise par :
- une relation triangulaire entre une société de portage, une personne, le porté et une entreprise cliente ;
- la prospection des clients et la négociation de la prestation et de son prix par le porté ;
- la fourniture des prestations par le porté à l'entreprise cliente ;
- la conclusion d'un contrat de prestation de service entre le client et la société de portage ;
- et la perception du prix de la prestation par la société de portage qui en reverse une partie au porté dans le cadre d'un contrat qualifié de contrat de travail".
Si l'on en croit les parties signataires de l'accord, cette forme d'activité répond à un besoin social, dans la mesure où elle permet le retour à l'emploi de certaines catégories de demandeurs d'emploi, notamment, des seniors. Le problème, relevé par ces mêmes parties signataires, réside dans le fait que cette pratique peut être considérée comme entachée d'illégalité. Encore que la question puisse être discutée (13), le portage salarial paraît, en effet, relever du délit de marchandage (C. trav., art. L. 125-1 N° Lexbase : L6406ACA) ou, encore, du prêt de main-d'oeuvre à but lucratif, dont on sait qu'il est prohibé lorsqu'il n'est pas effectué dans le cadre du travail temporaire (C. trav., art. L. 125-3 N° Lexbase : L9638GQZ). Au-delà des aspects pénaux, on peut, aussi, se demander si le porté peut être qualifié de travailleur salarié. L'absence de lien de subordination véritable à l'égard de la société de portage peut en faire douter.
Au regard de ces difficultés, les parties signataires de l'accord considèrent qu'il est souhaitable d'organiser le portage salarial afin de sécuriser la situation des portés, ainsi que la relation de prestation de service.
A cette fin, l'accord stipule que "la branche du travail temporaire organisera, par accord collectif étendu, la relation triangulaire en garantissant au porté, le régime du salariat, la rémunération de sa prestation chez le client, ainsi que de son apport de clientèle". Il est, également, prévu que la durée du contrat de portage ne devra pas excéder trois ans. Nonobstant les vertus que pourrait présenter l'accord prévu (14), ce dernier n'est pas, à notre sens, de nature à supprimer les défauts du portage salarial. S'agissant, tout d'abord, de l'illégalité du mécanisme, on ne voit pas sur quel fondement un accord collectif pourrait légaliser un mécanisme de nature à relever du délit de marchandage ou du prêt de main-d'oeuvre illicite. Seule la loi est à même d'autoriser un tel dispositif, ainsi qu'elle l'a fait pour le travail temporaire ou, encore, le travail à temps partagé. De même, et s'agissant de la volonté de garantir au porté le régime du salariat, elle ne peut dépendre d'un accord collectif. Seul le législateur est à même d'étendre le Code du travail à des personnes qui, pour une raison ou pour une autre, peinent à entrer dans la catégorie des salariés. Ne parle-t-on pas, d'ailleurs, à leur propos de "salariés par détermination de la loi" ?
En résumé, il y a tout lieu de penser que la sécurisation du portage salarial ne sera effective que si le législateur consent à se saisir de cette forme d'activité pour, enfin, la réglementer. Cette question démontre avec éclat que l'accord du 11 janvier 2008 sur la modernisation du marché du travail aura besoin, sur de nombreux points, du secours du législateur pour pleinement produire ses effets. Cela nous permet de souligner que, s'il y a certainement place, désormais, pour une nouvelle articulation entre la convention collective et la loi dont témoigne l'accord sous examen, celle-ci conserve dans notre pays une place de premier plan. On ne saurait mieux dire que la balle est, à présent, dans le camp du législateur.
(1) Article qui dispose, faut-il le rappeler, que "le contrat de travail est conclu sans détermination de durée".
(2) Le caractère exceptionnel du recours à ces contrats est confirmé par l'alinéa 2 de l'article qui stipule que "le contrat de travail à durée déterminée et le contrat de travail temporaire constituent des moyens de faire face à des besoins momentanés de main-d'oeuvre".
(3) Il est, encore, précisé qu'il appartiendra aux branches professionnelles, à l'occasion de la négociation annuelle obligatoire, de jouer pleinement leur rôle et de s'assurer, à partir du rapport prévu à l'article L. 132-12 du Code du travail (N° Lexbase : L3144HIB), qu'il est fait appel à ces types de contrats (CDD, intérim, temps partiel) de façon responsable et dans le respect de leur objet.
(4) Contrat de travail unique dont il faut relever qu'il avait "du plomb dans l'aile" après la condamnation du CNE par l'OIT. Sur ce point, lire les obs. de Ch. Willmann, Contrairement au Conseil d'Etat, l'OIT invalide le contrat nouvelles embauches, Lexbase Hebdo n° 283 du 28 novembre 2007 - édition sociale (N° Lexbase : N2230BDX).(5) Si les informations et documents à remettre aux représentants du personnel sont les mêmes, leur périodicité est différente : trimestrielle dans les entreprises de plus de 300 salariés et annuelle dans les autres.
(6) Il importe, à ce stade, d'apporter la précision suivante. Certaines stipulations de l'accord commenté ne pourront être appliquées que si elles sont reprises par des dispositions législatives ou réglementaires, eu égard à leur caractère dérogatoire. En revanche, il est des stipulations qui n'exigent pas une modification de cette nature pour être appliquées. Cependant, les partenaires sociaux ont expressément soumis leur entrée en vigueur à la publication au Journal officiel des dispositions législatives et réglementaires en cause. Cela ne saurait surprendre, eu égard au caractère indivisible des stipulations de l'accord ("les dispositions du présent accord correspondent à un équilibre d'ensemble").
(7) Il apparaît que 4 500 entreprises et 3 000 groupes d'au moins 300 salariés sont, potentiellement, concernés par cette obligation de négocier. Or, ce sont à peine 135 accords qui ont été conclus entre 2005 et le premier semestre 2007 sur la GPEC (v., sur ces chiffres, le hors-série de Liaisons sociales du 27 décembre 2007, 2007 : le coup d'envoi des réformes sociales et spéc. l'article d'E. Béal, Les négociations sur la GPEC s'accélèrent, p. 42).
(8) V. en ce sens, CA Paris, 14ème ch., sect. A, 7 mars 2007, n° 06/17500, Société Nextiraone France c/ Syndicat CGT UFICT du personnel de Nextiraone France (N° Lexbase : A7707DUY). Lire aussi nos obs., GPEC et licenciement pour motif économique : la position de la cour d'appel de Paris, Lexbase Hebdo n° 255 du 5 avril 2007 - édition sociale (N° Lexbase : N6192BAL).
(9) Il n'est pas certain que de tels avantages existent pour la société qui structure juridiquement l'entreprise...
(10) Précision intéressante qui démontre que la définition de la stratégie échappe à la négociation et reste l'apanage de "l'entreprise", même si les représentants du personnel doivent en être informés.
(11) Dans ce cadre général, l'accord invite les partenaires sociaux des branches professionnelles à négocier un certain nombre de dispositifs.
(12) V., notamment, L. Casaux-Labrunée, Le portage salarial : travail salarié ou travail indépendant ?, Dr. soc. 2007, p. 58 ; J.-Y. Kerbourc'h, Le portage salarial : prestation de service ou prêt de main d'oeuvre illicite ?, ibid., p. 72 ; P. Morvan, Eloge juridique et épistémologique du portage salarial, Dr. soc. 2007, p. 607 ; J.-J. Dupeyroux, Le roi est nu Réponse à P. Morvan, Dr. soc. 2007, p. 616.
(13) Il est, en effet, classiquement enseigné qu'il importe de distinguer fourniture de main-d'oeuvre et contrat de prestation de services. Tandis que la première est prohibée, le second est licite. La distinction n'est guère évidente. Relevons, cependant, que les juges attachent une grande importance à la nature de la prestation fournie. Ils recherchent, notamment, si l'entreprise prestataire de services a une activité spécifique, nettement différenciée de l'activité de l'entreprise cliente (v., par ex., Cass. soc., 25 avril 1989, Dr. soc. 1990, p. 421). Or, compte-tenu de l'objet de la société de portage, cette activité spécifique paraît absente.
(14) Il faut, au passage, relever que, contrairement à ce que laisse entendre la stipulation commentée, le portage salarial ne saurait être considéré comme l'apanage des sociétés de travail temporaire. On peut, par suite, douter de la portée véritable d'un accord conclu dans la seule branche du travail temporaire, quand bien même serait-il étendu.
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Réf. : Accord sur la modernisation du marché du travail du 11 janvier 2008
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par Sébastien Tournaux, Ater à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV
Le 07 Octobre 2010
1. L'évolution des périodes d'essai
L'article 4 de l'accord s'ouvre sur ce qui pourrait paraître comme une définition apportée à la période d'essai du contrat de travail. Ainsi, le texte institue une période d'essai interprofessionnelle "afin de faciliter l'accès direct au CDI en permettant à l'employeur d'évaluer les compétences du salarié dans son travail, notamment au regard de son expérience, et au salarié d'apprécier si les fonctions occupées lui conviennent".
Il s'agit là d'un véritable bond en avant tant les dispositions du Code du travail relatives à la période d'essai restaient, jusqu'ici, pour le moins laconiques, se contentant, à l'article L. 122-4 (N° Lexbase : L5554ACP), d'exclure une partie du régime juridique du licenciement. Ainsi, la période d'essai aurait pour objectif "de faciliter l'accès direct au CDI". Il faut probablement entendre, ici, que l'existence de périodes d'essai dont la durée se trouve allongée permet à l'employeur de ménager le risque constitué par l'embauche d'un salarié dont les compétences restent toujours difficiles à évaluer à la simple lecture d'un curriculum vitae et, ainsi, dans une certaine mesure, de sécuriser l'emploi des salariés passant le cap de cette période d'essai.
La période d'essai permettra d'"apprécier les compétences du salarié dans son travail, notamment au regard de son expérience". La période d'essai serait donc destinée à évaluer les compétences du salarié, formule qui n'est pas, il est vrai, totalement nouvelle, puisque la Chambre sociale de la Cour de cassation a, récemment, jugé que "la période d'essai [était] destinée à permettre à l'employeur d'apprécier la valeur professionnelle du salarié" (1).
Plus étonnant, les partenaires sociaux estiment que la période d'essai permet au salarié "d'apprécier si les fonctions occupées lui conviennent". Une telle affirmation est le plus souvent relevée par la doctrine (2). Néanmoins, s'il n'existait pas de période d'essai en faveur du salarié, celui-ci pourrait, malgré tout, se livrer à une telle appréciation et n'aurait aucune obligation de demeurer dans l'entreprise s'il souhaitait la quitter en raison d'une inadéquation entre ses attentes et la réalité de son emploi, comme, d'ailleurs, pour toute autre raison non constitutive d'une intention de nuire, voire d'une légèreté blâmable (3). Seule l'obligation de respecter un préavis lié à la démission semble différencier la rupture du contrat par le salarié pendant, ou hors, la période d'essai. Or, comme nous le verrons, le texte institue un préavis pour la rupture des périodes d'essai, si bien que cette dernière différence tend, désormais, à disparaître.
Quoique les dispositions de cet article 4 paraissent pouvoir trouver application d'elles-mêmes, nul doute que la transcription dans la loi de cette définition sera porteuse de nouvelles évolutions du régime juridique de la période d'essai.
L'article 4 de l'accord prévoit l'aménagement du régime juridique de la période d'essai sur un certain nombre de points. Si le plus médiatique demeure l'allongement décidé des périodes d'essai, les autres mesures n'en sont pas moins d'une importance à souligner.
Ainsi, sauf accord de branche antérieur et prévoyant des durées supérieures, les durées des périodes d'essai seront fixées au niveau interprofessionnel (4). Plus précisément, en fonction des catégories de salariés, les périodes d'essai seront comprises entre une durée minimale et une durée maximale. Ainsi, pour les ouvriers et les employés, la période d'essai sera comprise entre un et deux mois ; pour les agents de maîtrise et les techniciens, entre deux et trois mois ; pour les cadres, entre trois et quatre mois. Le plus souvent, et quoiqu'il soit difficile de généraliser compte-tenu de la diversité des conventions collectives de branche en la matière, il s'agit d'allonger d'un mois la durée maximale des périodes d'essai. Cet allongement se répercute, bien entendu, sur l'éventuel renouvellement de la période d'essai, la durée cumulée ne pouvant pas excéder, selon la catégorie professionnelle, quatre, six ou huit mois.
Si l'allongement des durées maximales d'essai n'implique pas de commentaires plus poussés, il en va autrement de la fixation par l'accord de durées minimales. En effet, jusqu'à présent, les conventions de branche avaient plutôt l'habitude de fixer seulement une durée maximale. La mise en place de durées plancher pourrait laisser penser que l'existence de la période d'essai dans les relations de travail serait rendue automatique. Cette impression s'estompe, néanmoins, à la lecture de la suite de l'article puisque le b) prévoit expressément que "la période d'essai ne se présume pas. Pour exister, elle doit être expressément stipulée dans la lettre d'engagement ou le contrat de travail".
En réalité, l'accord semble même aller plus loin que ce que prévoyait, jusqu'ici, le droit positif. En effet, lorsqu'une convention de branche rendait obligatoire l'existence d'une période d'essai pour les salariés, la Cour de cassation estimait seulement que cette période d'essai ne pouvait être rendue opposable au salarié qu'à la condition qu'il ait été dûment informé de l'existence de la convention collective et qu'il ait été mis en mesure d'en prendre connaissance (5). La période d'essai devra, désormais, être expressément prévue au contrat ou dans la lettre d'engagement. Ce formalisme renforcé de la période d'essai paraît indispensable en raison de la dérogation au droit du licenciement que constitue l'essai et, dans la même idée, à son caractère le plus souvent défavorable pour le salarié (6). Il devrait, en outre, permettre de faire reculer un contentieux jusqu'alors développé en la matière.
Il semble qu'il ne faille donc retenir de l'existence de ces durées minimales que l'obligation faite aux parties signataires d'un contrat de travail, si elles souhaitent qu'une période d'essai initie leurs relations, de ne pas fixer une période d'essai dont la durée soit inférieure au plancher interprofesionnel. Néanmoins, la rédaction du d) de l'article 4, précisant que les dispositions précédentes "ne font pas échec à la fixation de périodes d'essai plus courtes dans la lettre d'engagement ou le contrat de travail", vient contredire une telle analyse. On finit donc par se demander si la fixation de durées minimales avait véritablement une utilité.
Enfin, l'accord institue un délai de prévenance généralisé lors de la rupture de la période d'essai, que la rupture soit à l'initiative de l'employeur ou du salarié. Si l'employeur met fin à l'essai, il devra respecter un délai de préavis de 48 heures au cours du premier mois de présence, de deux semaines après le premier mois de travail et d'un mois après trois mois de présence. Quant au salarié, il sera tenu à un préavis de 48 heures quel que soit le temps déjà passé dans l'entreprise.
L'existence de préavis de rupture de l'essai était déjà prévue par quelques conventions de branche, mais la technique n'avait jamais fait l'objet d'une telle généralisation (7). Cela permettra d'éviter le caractère, parfois trop brutal, de la rupture d'essai. Cela devrait, en outre, permettre aux parties de prendre les mesures nécessaires pour compenser les effets de la rupture, en particulier pour le salarié, lorsque celle-ci interviendra après une longue période d'essai.
Quant à l'instauration d'un préavis obligatoire de 48 heures pour le salarié à l'origine de la rupture, cela ne fait que rapprocher un peu plus la rupture d'essai du salarié de la démission. L'intérêt de l'existence d'un essai pour le salarié, déjà souvent contesté, devient de plus en plus difficile à identifier.
L'accord précise, enfin, que l'existence de ce préavis ne peut être de nature à prolonger la période d'essai au-delà des durées maximales fixées. Si cela aura nécessairement pour effet de réduire l'effectivité du préavis lorsque la rupture interviendra à une date proche de l'échéance, il faut, néanmoins, se féliciter d'une telle précision qui évitera un rallongement artificiel et potentiellement frauduleux de la période d'essai.
2. L'accès élargi à des droits conditionnés par l'ancienneté du salarié
Nombre de droits du salarié sont conditionnés à une certaine ancienneté dans l'entreprise. Ainsi en va-t-il, par exemple, du bénéfice d'indemnités de licenciement conditionné à une ancienneté de deux ans (8) ou, encore, de la possibilité d'être titulaire d'un mandat de représentation du personnel (9).
L'article 5 de l'accord envisage de faciliter l'accès à certains de ces droits conditionnés par l'ancienneté du salarié. Il s'agit, en particulier, du droit des salariés à bénéficier d'une indemnité conventionnelle de maladie prévue par les accords de mensualisation. A cette fin, l'accord entend permettre que "toutes les périodes de travail accomplies dans la même entreprise dans le cadre d'un contrat de travail" soient prises en compte pour l'appréciation de l'ancienneté requise au bénéfice de ces indemnités.
Concrètement, cela signifie que des périodes de travail ayant alterné avec des périodes d'inactivité pourront être totalisées pour le calcul de l'ancienneté. Par les termes "périodes de travail", l'accord limite, toutefois, ce calcul à des périodes couvertes par l'existence d'un contrat de travail, quel qu'en soit le type. Cela exclut, en conséquence, les périodes de stage que pourrait avoir effectué le salarié avant d'être embauché. Il aurait peut-être été plus harmonieux d'intégrer ces périodes compte-tenu des dispositions de l'article 3 a) qui déduisent, au moins pour partie, la durée de ces stages de la période d'essai et qui avouent, ainsi, implicitement l'existence d'un travail lors des stages en entreprise.
L'accord aménage, également, les conditions de bénéfice de l'indemnité conventionnelle de maladie en réduisant la condition d'ancienneté de trois à un an, mais, également, en réduisant le délai de carence de onze à sept jours. Il est indéniable que ces mesures devraient permettre d'accroître sensiblement le nombre de salariés qui bénéficieront de cette indemnisation.
Ces mesures restent centrées sur le mécanisme d'indemnisation conventionnelle de la maladie. Pourtant, les dispositions finales de l'article 5, articulées avec celles de la section III, B), portent le potentiel de nombreux autres assouplissements de la condition d'ancienneté pour d'autres droits y étant conditionnés. Ces assouplissements devront être mis en place par la négociation de branche ou d'entreprise et devront veiller à ne pas "générer des freins à la mobilité et à l'embauche". On peut penser, notamment, que c'est dans le domaine des différents congés octroyés au salarié que l'aménagement de ces modalités de calcul pourrait avoir le plus grand impact.
3. La mise en place du bilan d'étape professionnel
L'article 6 de l'accord entend promouvoir le développement des compétences des salariés, estimant, d'ailleurs, qu'il s'agit là d'un "élément déterminant pour leur évolution de carrière", leur permettant d'atteindre "l'objectif visant à permettre à chaque salarié de progresser d'au moins un niveau de qualification au cours de sa vie professionnelle" et à concourir "au maintien et à l'amélioration de la compétitivité des entreprises et de la situation de l'emploi".
Pour cela, et quoique le texte demeure plutôt vague quant aux mécanismes à mettre en oeuvre, est proposé que soit mise en place une nouvelle prestation dénommée "bilan d'étape professionnel". Elle serait destinée à inventorier de manière prospective et à périodicité régulière les compétences des salariés. Autrement dit, il pourrait s'agir d'une forme d'évaluation périodique des compétences du salarié (10).
Mais, à la différence du pouvoir d'évaluation dont dispose l'employeur sur ses salariés (11), il s'agit moins ici d'une prérogative patronale que d'un droit accordé au salarié qui aurait la volonté de jauger périodiquement l'évolution de son niveau de compétence et d'apprécier un éventuel besoin d'amélioration de ses compétences qu'ils pourraient faire valoir, en cas de perte d'emploi, lors des entretiens professionnels.
Il reste que les modalités précises de ce bilan d'étape professionnelle restent, dans l'accord, bien trop floues et imprécises, les partenaires sociaux s'engageant à négocier un avenant au présent accord avant fin 2008 destiné à préciser "les conditions de mises en oeuvre [...], dont la périodicité du bilan d'étape professionnel".
Une telle mesure répond, néanmoins, à l'objectif de sécurisation des parcours professionnels affiché par l'accord, lequel passe nécessairement par une amélioration des compétences des salariés.
(1) Cass. soc., 20 novembre 2007, n° 06-41.212, Société Cofiroute, FP-P+B+R (N° Lexbase : A7171DZM) et les observations critiques de Ch. Radé, Rupture du contrat de travail en période d'essai : l'étau se resserre, Lexbase Hebdo n° 283 du 29 novembre 2007 - édition sociale (N° Lexbase : N2219BDK). V., également, à propos de cet arrêt, J. Mouly, La rupture de l'essai pour motif non inhérent à la personne du salarié : fraude, abus de droit ou absence de cause réelle et sérieuse ?, D. 2008, p. 196.
(2) J. Rivero et J. Savatier, Droit du travail, PUF, Paris, 13ème éd., 1993, p. 414 ; F. Gaudu, R. Vatinet, Traité des contrats Les contrats du travail, p. 96.
(3) G. Couturier, Droit du travail 1) Les relations individuelles de travail, PUF, coll. Droit fondamental, 3ème éd. mise à jour, 1996, p. 320.
(4) En effet, le b) de la section IV de l'accord prévoit qu'il ne soit pas possible de déroger, par accord de branche ou accord d'entreprise, aux dispositions de l'accord, si bien qu'en théorie, les durées d'essai prévues ne pourront être allongées ou réduites par accord d'un niveau inférieur.
(5) Cass. soc., 28 juin 2000, n° 98-41.039, M. Marc Grattepanche c/ M. Eric Desfrenne, exerçant sous l'enseigne ''La Boîte à Pain'' et autres (N° Lexbase : A8304AHZ) ; Cass. soc., 26 septembre 2002, n° 00-45.456, M. Edmond Bakoulouka c/ Société de développement Informatique, F-D (N° Lexbase : A4849AZM) ; Cass. soc., 19 novembre 2003, n° 01-43.806, M. Jésus Montanes Labasa c/ Société Keymage, F-D (N° Lexbase : A3143DAN).
(6) Sur le mouvement contemporain de renforcement du formalisme de la période d'essai, v. nos obs. sous Cass. soc., 17 octobre 2007, n° 06-44.388, M. Nourredine Daoui, F-P+B (N° Lexbase : A8191DYZ), L'influence des conventions collectives sur la période d'essai, Lexbase Hebdo n° 279 du 1er novembre 2007 - édition sociale (N° Lexbase : N9567BCC).
(7) Seuls quelques conventions collectives de branche ou accords professionnels prévoient l'existence d'un préavis encadrant la rupture d'essai. V., à titre d'exemple, l'article 16 de la Convention collective nationale des réseaux de transports publics urbains de voyageurs du 25 janvier 1993 ; l'article 3-2 de la Convention collective nationale des commerces de détail de papeterie, fournitures de bureau, de bureautique et informatique et de librairie du 30 décembre 1989, pour une durée d'essai excédant un mois ; l'article 13 de la Convention collective nationale du personnel des prestataires de services dans le domaine du secteur tertiaire du 23 février 2000, préavis n'existant qu'en cas de rupture après que la période d'essai ait été renouvelée .
(8) C. trav., art. L. 122-9 (N° Lexbase : L5559ACU).
(9) Ancienneté d'un an requise pour les mandats de délégué du personnel (C. trav., art. L. 423-8 N° Lexbase : L9174HD7), de représentant élu au comité d'entreprise (C. trav., art. L. 433-5 N° Lexbase : L9122HD9) et de délégué syndical (C. trav., art. L. 412-14 N° Lexbase : L6334ACL).
(10) Sur la notion d'évaluation du salarié, v., notamment, S. Vernac, L'évaluation des salariés en droit du travail, D. 2005, chr., p. 924 ; A. Chirez, Notation et évaluation des salariés, Dr. ouvrier 2003, p. 309 ; Ph. Waquet, L'évaluation des salariés, SSL 10 juin 2003, p. 7.
(11) La Cour de cassation estime que l'évaluation fait partie intégrante du pouvoir de direction de l'employeur, v. Cass. soc., 10 juillet 2002, n° 00-42.368, Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) c/ Mme Colette Kobyla, F-D (N° Lexbase : A1175AZK) et les obs. de D. Baugard, L'employeur a le droit d'évaluer le travail des salariés, Lexbase Hebdo n° 34 du 1er août 2002 - édition sociale (N° Lexbase : N3647AAC) ; SSL 2 déc. 2002, p. 18.
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Réf. : CE Contentieux, 5 décembre 2007, 4 arrêts, n° 295671, M. et Mme Ghazal (N° Lexbase : A0214D3C), n° 285394 (N° Lexbase : A0203D3W), n° 285395 (N° Lexbase : A0204D3X), n° 285396 (N° Lexbase : A0205D3Y) M. Singh
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N8298BDP
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par Frédéric Dieu, commissaire du Gouvernement près le tribunal administratif de Nice
Le 07 Octobre 2010
Les quatre décisions du 5 décembre 2007, à la suite de la loi du 15 mars 2004, affirment ainsi le développement d'une laïcité négative à l'école, c'est-à-dire d'une laïcité qui refuse de laisser à la religion et bien plus, à tout ce qui peut faire penser à la religion, toute possibilité d'expression.
I - Le Conseil d'Etat confirme le caractère objectif de l'interdiction posée par l'article L. 141-5-1 du Code de l'éducation...
A - La loi n° 2004-228 du 15 mars 2004 a substitué à l'analyse subjective et permissive jusqu'alors effectuée par la jurisprudence relative aux signes religieux une approche objective et répressive
1 - Sur le fondement de l'avis du 27 novembre 1989, la jurisprudence administrative a autorisé le port de signes religieux sous certaines réserves
Par l'avis qu'il a rendu le 27 novembre 1989 dans le cadre de ses attributions consultatives, le Conseil d'Etat a pris position sur le droit des élèves de porter des signes d'appartenance religieuse (AJDA 1990, p. 39, note J.-P. C, RFDA 1990, p. 1, note Rivero, Les grands Avis du Conseil d'Etat, Dalloz, 2ème édition, n° 22). Il a estimé que la liberté de conscience comportait pour les élèves "le droit d'exprimer et de manifester leurs croyances religieuses à l'intérieur des établissements scolaires, dans le respect du pluralisme et de la liberté d'autrui, et sans qu'il soit porté atteinte aux activités d'enseignement, au contenu des programmes et à l'obligation d'assiduité". Il en a déduit que le port de signes d'appartenance religieuse ne saurait faire l'objet d'une interdiction générale et absolue : le port par un élève, d'un signe visible manifestant son appartenance religieuse n'est donc pas en lui-même, c'est-à-dire en principe, contraire au principe de laïcité.
Toutefois, les chefs d'établissement peuvent prendre une mesure d'interdiction lorsque, dans une situation donnée, le port d'un signe religieux par certains élèves est de nature à porter atteinte, notamment, à la liberté de conscience des autres élèves ou au fonctionnement normal de l'établissement. Le Conseil d'Etat admet ainsi l'interdiction des signes religieux des signes qui "par leur nature, par les conditions dans lesquelles ils seraient portés [...] ou par leur caractère ostentatoire ou revendicatif, constitueraient un acte de pression, de provocation, de prosélytisme ou de propagande, porteraient atteinte à la dignité ou à la liberté de l'élève ou d'autres membres de la communauté éducative, compromettraient leur santé ou leur sécurité, perturberaient le déroulement des activités d'enseignement et le rôle éducatif des enseignants, enfin troubleraient l'ordre dans l'établissement ou le fonctionnement normal du service public". C'est-à-dire que ce sont les effets produits par le port du signe religieux qui justifient la mesure d'interdiction. Le Conseil d'Etat admet, certes, que le "caractère ostentatoire" d'un signe est susceptible de produire de tels effets, qui eux justifient la mesure d'interdiction mais ce n'est pas le caractère ostentatoire en lui-même qui est prohibé. En d'autres termes, ce caractère ostentatoire n'est répréhensible que lorsqu'il manifeste une volonté de prosélytisme de la part de l'élève concerné.
Adoptant le même raisonnement et la même rédaction, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé un règlement intérieur qui interdisait le port de tout signe religieux à l'intérieur de l'établissement (1). Dans ce même arrêt, le Conseil d'Etat a affirmé au bénéfice des élèves le "droit d'exprimer et de manifester leurs croyances religieuses à l'intérieur des établissements scolaires", droit dont l'exercice peut impliquer "le port par les élèves de signes par lesquels ils entendent manifester leur appartenance religieuse", avant, en l'espèce, d'indiquer que le port d'un "foulard qualifié de signe d'appartenance religieuse" par les élèves en cause n'avait pas le "caractère d'un acte de pression, de provocation, de prosélytisme ou de propagande", ne portait pas "atteinte à la dignité, à la liberté, à la santé ou à la sécurité des élèves" et ne perturbait pas "l'ordre dans l'établissement ou le déroulement des activités d'enseignement". C'est ainsi que le Conseil a pu annuler la décision d'exclusion définitive qui avait été prise à l'encontre des élèves qui n'avaient rien fait d'autre que d'arborer un foulard manifestant leur appartenance religieuse.
Plus généralement, l'autorisation de principe du port de signes religieux par les élèves des établissements publics a conduit le Conseil d'Etat à annuler les décisions prononçant des sanctions qui étaient fondées sur le seul port d'un signe religieux (2). Le Conseil d'Etat a ainsi très nettement distingué la situation dans laquelle la sanction est fondée sur le seul port du foulard islamique et est donc illégale (CE Contentieux, 27 novembre 1996, n° 172686, M. et Mme Jeouit N° Lexbase : A1888APM), des situations dans lesquelles cette sanction est fondée soit sur l'existence d'un trouble au bon fonctionnement de l'établissement (CE Contentieux, 27 novembre 1996, n° 172207, Ligue islamique du Nord et époux Chabou et autres N° Lexbase : A1841APU) : ce trouble, en l'espèce, caractérisé par des mouvements de protestation organisés dans l'enceinte de l'établissement, peut également résulter d'un comportement prosélyte de la part du porteur du signe religieux) soit sur un manquement à l'obligation d'assiduité (CE Contentieux, 27 novembre 1996, n° 170209, M. et Mme Wissaadane N° Lexbase : A1842APW).
Il a, en revanche, considéré que l'administration pouvait légalement interdire le port d'un foulard par des jeunes filles de confession musulmane pendant les cours d'éducation physique, en raison de l'incompatibilité entre cet élément vestimentaire et les nécessités de cet enseignement (CE Contentieux, 10 mars 1995, n° 159981, Epoux Aoukili N° Lexbase : A3232ANZ : AJDA 1995 p. 332).
Au total, ainsi que le soulignait D. Kessler, commentant la portée de l'avis du 27 novembre 1989 dans ses conclusions sous l'arrêt précité "Kherouaa" : "La laïcité n'apparaît plus comme un principe qui justifie l'interdiction de toute manifestation religieuse. L'enseignement est laïc non parce qu'il interdit l'expression des différentes fois mais au contraire parce qu'il les tolère toutes [...il y a là] un renversement de perspective qui fait de la liberté le principe et de l'interdiction l'exception". Nous n'étions donc pas loin, alors, de la "laïcité positive" qui reconnaît ou du moins tolère l'ensemble des religions. Cependant, la loi du 15 mars 2004 est venue et l'approche des parlementaires, de la commission "Stasi", et du Président de la République fut à cet égard radicalement différente puisqu'elle aboutit à interdire certains signes en raison de leur caractère "visible" ou "ostensible", et non en raison des conséquences qui résultent du port de ces signes.
2 - La loi du 15 mars 2004 a posé une interdiction de principe des signes ostensibles d'appartenance religieuse
Issu de l'article 1er de la loi du 15 mars 2004, l'article L.141-5-1 du Code de l'éducation dispose : "Dans les écoles, les collèges et les lycées publics, le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit. Le règlement intérieur rappelle que la mise en oeuvre d'une procédure disciplinaire est précédée d'un dialogue avec l'élève".
Il résulte de ces dispositions, telles qu'éclairées et même, nous y reviendrons, complétées par la circulaire "Fillon" du 18 mai 2004, que les signes concernés sont "ceux dont le port conduit à se faire immédiatement reconnaître par son appartenance religieuse" (p. 2-1). Il s'agit, notamment, des signes caractéristiques des trois grandes religions monothéistes existantes : le voile islamique, la kippa juive et la croix chrétienne de dimension manifestement excessive. Dans un luxe de précision, le texte indique, à propos du voile, que l'interdiction vaut "quel que soit le nom qu'on lui donne", sans toutefois se lancer dans l'énumération du "hijab", du "niqab" et autre "burqa". La circulaire confirme ensuite ce que l'exposé des motifs du projet de loi indiquait déjà : "La loi ne remet pas en cause le droit des élèves de porter des signes religieux discrets". Lors de l'examen du recours formé contre cette circulaire, le Conseil d'Etat a considéré que celle-ci s'était bornée à rappeler et à expliciter les termes de la loi (3). C'est dire que le Conseil d'Etat a pleinement "validé" l'explicitation par cette circulaire des dispositions de l'article 1er de la loi du 15 mars 2004.
Sur le plan juridique, cette expression irréductible de la liberté de religion des élèves est la condition sine qua non de la constitutionnalité (DDHC, art. 10 N° Lexbase : L1357A97 et 11 N° Lexbase : L1358A98) comme de la conventionalité (CESDH, art. 9 N° Lexbase : L4799AQS) des dispositions de l'article 1er de la loi du 15 mars 2004. La protection ainsi accordée à cette liberté fondamentale empêche le législateur d'instaurer une interdiction générale et absolue du port de tous signes religieux à l'école. Cette exigence juridique explique que la loi parle du port de "signes manifestant ostensiblement une appartenance religieuse" et non, comme le proposait la mission d'information de l'Assemblée nationale dans son rapport du 4 décembre 2003, de "signes visibles". La seconde expression aurait en effet impliqué une interdiction générale de tous les signes religieux à l'école puisque tous les signes visibles, mêmes discrets, auraient été alors prohibés. L'esprit de la jurisprudence administrative perdure sur ce point : un règlement intérieur qui interdirait aux élèves de porter tout signe religieux serait illégal (CE Contentieux du 2 novembre 1992 précité). Sur le plan pratique, la circulaire ne fournit, en revanche, aucun exemple de ces signes religieux discrets. En se fondant sur les rapports parlementaires (v. Rapport Assemblée nationale n° 1381, du 24 janvier 2004, de Pascal Clément au nom de la commission des lois, p. 19 et 21), on peut estimer qu'une petite croix, une médaille de dimension modeste, une étoile de David ou une main de Fatima figurent au nombre de ces signes discrets.
Des signes discrets tels qu'une médaille ne peuvent donc être regardés comme manifestant ostensiblement une appartenance religieuse au sens de l'article L. 141-5-1 susvisé. L'interprétation de cet article marque ainsi une certaine continuité avec les solutions jurisprudentielles antérieures à l'adoption de la loi du 15 mars 2004 et selon lesquelles, nous l'avons vu, le port par les élèves de signes par lesquels ils entendent manifester leur appartenance à une religion n'est pas, par lui-même, incompatible avec le principe de laïcité.
Soulignons, donc, que la loi du 15 mars 2004 n'a pas pour but de prohiber le port de signes ou tenues religieuses mais d'interdire le port de tels signes ou tenues lorsqu'il manifeste ostensiblement une appartenance religieuse. La différence est essentielle dans la mesure où cette interdiction est beaucoup plus large que la prohibition évoquée : peu importe en effet que le signe ou la tenue en cause n'ait pas en elle-même et pour ceux qui les portent une signification et une valeur religieuses, puisque seul compte le sens qui leur est donné par autrui, c'est-à-dire par l'opinion publique et en l'espèce les autres élèves fréquentant le même établissement. Précisons, à cet égard, que c'est en premier lieu au chef d'établissement qu'incombe la tâche de déterminer si le signe ou la tenue en cause peut être perçu par les autres élèves comme une manifestation ostensible d'appartenance religieuse.
Il y a là, en tout état de cause, une objectivation de la notion de signe religieux par rapport à la jurisprudence issue de l'avis du 27 novembre 1989, laquelle se fondait essentiellement sur le comportement (absentéisme ou non, par exemple) et les intentions (visée religieuse ou non, prosélytisme ou non, par exemple) des élèves arborant un tel signe et donc sur leur subjectivité pour déterminer si la sanction prononcée par le chef d'établissement était ou non justifiée. Dans le cadre de la jurisprudence définie par le Conseil d'Etat, l'appréciation de l'administration ne portait donc pas sur le caractère religieux ou non du signe incriminé, puisque le port de signes religieux à l'école n'était pas, en lui-même, incompatible avec le principe de laïcité et était donc en principe autorisé. Dans le régime juridique issu de la loi du 25 mars 2004, la logique d'appréciation est renversée : c'est à l'administration de qualifier une tenue ou un signe litigieux de signe religieux en se fondant sur ce que l'administrateur, en l'espèce le chef d'établissement, connaît des religions existantes. L'on voit donc que pour refouler toute expression religieuse ostensible dans les établissements scolaires, l'administration doit se faire experte en religions.
Pour terminer et plus concrètement, force est de constater que la sévérité de l'interdiction posée par la loi du 15 mars 2004 conduit à un rejet quasi-systématique des recours en annulation des sanctions qui sont prononcées sur son fondement. Ainsi que l'indique une réponse ministérielle : "si, au cours de l'année scolaire 2003-2004, environ 1 500 élèves manifestaient ostensiblement une appartenance religieuse, seuls 639 cas ont été recensés à la rentrée 2004. Plus de 550 cas ont trouvé une solution par le dialogue [...]. Sur l'ensemble des élèves qui s'étaient présentés avec un signe religieux ostensible à la rentrée [2004], l'immense majorité (90 %) d'entre eux a fait le choix de se conformer à la loi à l'issue du dialogue. Néanmoins, 47 élèves ayant refusé l'application de la loi ont fait l'objet, après décision du conseil de discipline, d'une exclusion définitive de l'établissement où ils étaient scolarisés. 28 recours contentieux ont été formés, 28 décisions de rejet ont été rendues, dont 13 ont fait l'objet d'un appel. Actuellement, 7 décisions d'appel ont confirmé les décisions de rejet et deux les ont annulées, non pas sur l'interprétation faite de la loi du 15 mars 2004, mais en raison de la violation des dispositions concernant le règlement intérieur de l'établissement scolaire [...] Dans toutes ces affaires, il s'avère que les juges confirment l'interprétation faite par l'administration de la notion de signe manifestement ostensible" (Rép. Min. n° 99109, JOAN Q. du 12 décembre 2006 N° Lexbase : L7838H3P, p. 12993 ; JCP éd. A 2006, act. n° 1138).
B - Dans trois arrêts en date du 5 décembre 2007, le Conseil d'Etat a considéré que le seul port par des élèves de religion sikh d'un sous-turban manifestait ostensiblement leur appartenant à cette religion et justifiait ainsi leur exclusion
1 - La confirmation de la distinction entre signes manifestant une appartenance religieuse et signes religieux
Dans les trois décisions du 5 décembre 2007 relatives à l'exclusion des élèves de confession sikh (CE Contentieux, n° 285394, n° 285395, n° 285396, M. Singh), le Conseil d'Etat a confirmé le raisonnement de la cour administrative d'appel de Paris, qui avait estimé que ceux-ci, en arborant un sous-turban ("keshi"), avaient manifesté ostensiblement leur appartenance à cette religion. Peu importe donc que ce sous-turban ne soit pas en lui-même un signe religieux mais serve tout simplement, comme le turban lui-même, à cacher et protéger les cheveux qui ont une valeur sacrée aux yeux des sikhs. Soulignons, à cet égard, que le port de ces accessoires n'a été introduit dans cette religion qu'au dix-septième siècle, soit deux siècles après la création de la religion sikhe. La rédaction adoptée par la loi du 15 mars 2004 manifeste ainsi non seulement une objectivation mais une extension de la prohibition des manifestations religieuses à l'école. En effet, elle permet d'exclure des élèves qui n'ont fait preuve d'aucun prosélytisme, sur la seule constatation que les signes qu'ils portent peuvent être objectivement interprétés et reconnus comme manifestant leur appartenance religieuse, et ne s'embarrasse nullement de la notion de signe religieux, beaucoup plus restrictive et délicate, puisqu'elle se limite à quelques éléments et nécessite, en outre, une connaissance de chaque religion pour déterminer si le signe en cause est bien un signe de la religion de l'élève.
Par ailleurs, les décisions du 5 décembre 2007 confirment le caractère limité de la notion de signe discret et l'interprétation restrictive qui en est faite par le juge. Sans aller jusqu'à faire du signe discret un signe caché ou non visible, elles indiquent clairement que cette catégorie ne saurait comprendre des signes qui sont visibles par tous et, si l'on peut dire, de loin. L'on peut en effet estimer que le signe discret est celui que l'on ne peut remarquer qu'avec une particulière attention, ce qui exige une attitude active de la part des autres élèves, alors que le signe manifestant une appartenance religieuse est le signe qui s'impose au regard et que l'on voit de manière passive, que l'on subit même, bref un signe que l'on ne peut pas ne pas voir. D'une certaine manière, ce sont là l'intention et l'objet essentiels de la loi du 15 mars 2004 : empêcher les élèves d'imposer aux autres la vision de leur appartenance religieuse et des signes concrets qui la manifestent.
Soulignons enfin que le déséquilibre est donc grand entre ce qui est permis et ce qui est interdit. En effet, ce qui est permis, ce sont, d'après la circulaire du 18 mai 2004, "les signes religieux discrets", et non les signes manifestant "discrètement" une appartenance religieuse, alors que ce qui est interdit ce sont les signes manifestant ostensiblement une appartenance religieuse. Les deux notions ne se situent donc pas sur le même plan puisqu'alors que l'autorisation porte sur des signes religieux, l'interdiction porte sur des signes qui ne le sont pas forcément en eux-mêmes. L'autorisation nécessite ainsi, comme sous l'empire de la jurisprudence issue de l'avis du 27 novembre 1989, de connaître et de reconnaître les signes religieux, lesquels sont en nombre plus limité (la circulaire cite ainsi une petite croix, une médaille de dimension modeste, une étoile de David ou une main de Fatima) que les signes manifestant discrètement une appartenance religieuse.
2 - La confirmation du caractère objectif de l'interdiction posée par la loi du 15 mars 2004
Dans les trois décisions du 5 décembre 2007 relatives aux élèves de religion sikhe, le Conseil d'Etat indique que ceux-ci, "par le seul port de ce signe" (le sous-turban), ont manifesté ostensiblement leur appartenance à cette religion. Peu importe donc l'intention (prosélyte ou non) ou le comportement (absentéisme ou, au contraire, assiduité, attitude revendicative ou non) de ces élèves, l'administration étant ainsi exonérée de la nécessité d'entrer dans leur subjectivité. Le travail des chefs d'établissement est donc bien facilité. Dans ses conclusions sous l'un des arrêts de la cour administrative d'appel de Paris qui a été confirmé par le Conseil d'Etat le 5 décembre 2007, le commissaire du Gouvernement B. Bachini estimait que les élèves concernés, "en se présentant à l'école coiffés de sous-turbans sikhs, immédiatement identifiables et dont la connotation religieuse est connue de tous, [avaient] fait clairement apparaître leur appartenance confessionnelle à tous les autres élèves ainsi qu'au personnel du lycée". L'on voit donc que le signe manifestant ostensiblement une appartenance religieuse est celui qui s'impose au regard et à la raison, puisque sa signification religieuse ne doit pas être équivoque.
Sur ce point précisément, l'on peut toutefois émettre des réserves sur le caractère extensif accordé par la jurisprudence administrative à la loi du 15 mars 2004. Il nous semble en effet excessif de considérer que tous les élèves et tous les personnels des écoles, collèges et lycées concernés reconnaissent un élève de religion sikh au seul port par celui-ci d'un sous-turban. Il est très vraisemblable que de nombreux élèves et personnels sont tout à fait incapables d'identifier un sikh (car il s'agit bien de cela) à ce seul signe et l'on (le juge) prête donc à l'élève et à l'agent de l'éducation nationale moyen une culture religieuse bien vaste. Soulignons à cet égard que les décisions du Conseil d'Etat indiquent bien qu'à chaque fois l'élève exclu a manifesté "son" appartenance religieuse et non "une" appartenance religieuse, ce qui signifie selon nous que l'administration doit tout de même connaître ou déterminer la religion de l'élève avant de décider si le signe qu'il porte manifeste son appartenance à sa religion. En d'autres termes, l'administration ne saurait reprocher à un élève chrétien de porter un sous-turban puisque, ce faisant, cet élève ne manifeste pas "son" appartenance religieuse. L'administration est ici (il faut bien reconnaître qu'il s'agit d'une hypothèse d'école, dans tous les sens de l'expression) sur un terrain difficile car comment, autrement que par la couleur de la peau, déterminer si l'élève en cause appartient ou non à la communauté et à la religion sikhs ?
Cette remarque oblige, donc, à relativiser le caractère objectif de l'interdiction posée par la loi de 2004. En effet, ce caractère n'empêche pas l'administration d'avoir à porter son appréciation subjective non seulement sur la réalité de l'appartenance religieuse de tel ou tel élève, mais encore sur la manière dont les signes qu'ils arborent sont reçus, vus et compris par les autres élèves et les personnels. En d'autres termes, pour décider si un signe manifeste ostensiblement, c'est-à-dire aux yeux de ces derniers, une appartenance religieuse, l'administration doit projeter sur eux ce qu'elle connaît et comprend de ces signes et donc sa propre perception de ceux-ci. Pour le dire brutalement, le signe qui manifeste ostensiblement une appartenance religieuse est en fait le signe que l'administration perçoit comme tel. Le caractère objectif de l'interdiction posée par la loi du 15 mars 2004 permet ainsi de renforcer le caractère subjectif de l'appréciation portée par l'administration scolaire.
II - ...tout en y ajoutant un élément subjectif caractérisé par le comportement et les intentions de l'élève
A - La circulaire du 18 mai 2004 a ajouté à la loi du 15 mars 2004 en créant la catégorie des signes qui manifestent subjectivement (et ostensiblement) une appartenance religieuse
1 - Un ajout contestable...
La circulaire du 18 mai 2004 a ajouté à la loi du 15 mars 2004, qu'elle devait pourtant se borner à commenter, en indiquant que cette loi "interdit à un élève de se prévaloir du caractère religieux qu'il y attacherait, par exemple, pour refuser de se conformer aux règles applicables à la tenue des élèves dans l'établissement". A bien entendre le ministre, il faut distinguer en réalité deux catégories de signes religieux ostensibles qui sont, l'une comme l'autre, prohibées à l'école. La première est constituée des signes religieux que l'on qualifiera de "signes ostensibles par nature". Ce sont les tenues ou simples accessoires qui sont portés pour souligner de façon objective l'appartenance d'un élève à une confession particulière. Le foulard islamique, la kippa ou une croix de taille respectable représentent ainsi, par nature, l'expression d'une conviction religieuse. La circulaire ajoute à cette première catégorie, qui vient immédiatement à l'esprit, une seconde bien plus subtile : les signes religieux que l'on appellera "signes ostensibles par destination". Ces signes ne sont pas, par nature, des signes confessionnels. Ils le deviennent néanmoins lorsque l'élève les arbore en leur conférant, de façon subjective, une signification religieuse et en faisant la marque substitutive de son appartenance confessionnelle. Cette distinction habile constitue bien évidemment une réponse aux tentatives, qui ne manqueront pas, de contournement de la loi : substituer, par exemple, à un voile islamique un peu trop connoté, un bandana beaucoup plus anodin. Ce petit foulard carré de coton imprimé, dans cette circonstance, devient un signe religieux ostensible par destination et tombe alors sous le coup de l'interdiction posée par la loi du 15 mars 2004. Cette extension du champ de la catégorie des "signes religieux ostensibles" échapperait à la critique si elle ne conduisait l'administration à opérer, de façon très subjective, son travail de qualification juridique des faits dans une matière où le principe de laïcité lui interdit habituellement d'intervenir.
Il lui revient aussi d'opérer cette qualification à partir de ce qu'elle croit reconnaître comme intention maligne dans le port par un élève d'un signe vestimentaire anodin auquel celui (ou celle-ci) attacherait une valeur religieuse (signe religieux ostentatoire par destination). Ce recours à tant de subjectivité appelle deux remarques. Sur le plan des principes, tout d'abord, il n'appartient pas, selon nous, à une administration soumise au principe de neutralité du service public de déterminer si telle tenue ou tel accessoire constitue ou non un signe religieux ostensible. Faute de pouvoir prendre appui sur des considérations objectives, l'Etat laïque et démocratique se renie lui-même en s'immisçant dans ce type de considérations. Le Conseil d'Etat exprime, selon nous, cette position lorsqu'il dénie à la circulaire "Bayrou" du 20 septembre 1994 toute portée juridique (4). Rappelons que, dans ce texte, le ministre de l'Education nationale estimait, sans aller jusqu'à citer le foulard islamique, "qu'il n'est pas possible d'accepter à l'école la présence de signes si ostentatoires que leur signification est précisément de séparer certains élèves des règles de commune de l'école". Dans la pratique enfin, la question des critères utilisés pour opérer la qualification juridique se pose. Comment le chef d'établissement pourra-t-il savoir que le port d'un signe, a priori anodin, constitue en réalité un signe religieux ostentatoire par destination, sinon en se fondant notamment sur des indices aussi contestables que le faciès ou la couleur de la peau ? Entre une élève blonde portant un bandana dans les cheveux et une élève "beur" coiffée du même bandana, on voit aisément, trop aisément, laquelle des deux retiendra immédiatement l'attention de l'administration.
2 - ...pourtant validé par les décisions du 5 décembre 2007
Dans ces décisions, le Conseil d'Etat, dans le considérant de principe, a indiqué qu'étaient interdits non seulement les signes "dont le port, par lui-même, manifeste ostensiblement une appartenance religieuse" (comme le sous-turban sikh puisque les décisions n° 285394, n° 285395 et n° 285396 précisent que les élèves ont, "par le seul port de ce signe", manifesté leur appartenance à cette religion), mais encore les signes "dont le port ne manifeste une appartenance religieuse qu'en raison du comportement de l'élève". Cette seconde catégorie est illustrée par le bandana porté par une élève musulmane qui fait l'objet de la décision n° 295671 du 5 décembre dernier (Ghazal, précité). En effet, dans cette décision, le Conseil d'Etat relève que l'élève en cause et sa famille ont "persisté avec intransigeance dans leur refus" de renoncer au port permanent du bandana. Nous sommes donc ici à nouveau (et cela rejoint la jurisprudence issue de l'avis du 27 novembre 1989) dans l'appréciation de l'intention et du comportement de l'élève, dont l'on sanctionne alors le prosélytisme et l'attitude revendicative et délibérément anti-laïque. Le Conseil d'Etat confirme en effet l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy, qui avait également insisté sur cette volonté de la part de l'élève et de sa famille de revendiquer son appartenance religieuse. Dans un jugement du 7 juin 2005 (TA Caen, M. et Mme Kervanci, n° 0500301), le tribunal administratif de Caen avait déjà validé l'exclusion d'une élève musulmane qui avait substitué à son voile noir un "bonnet noir brodé" puis un "bonnet noir en laine" en considérant que le port permanent de ce bonnet avait fait de cet objet "la marque substitutive et la manifestation ostensible de son appartenance à la religion musulmane".
L'on voit donc ici que le juge administratif est amené à nouveau à entrer dans la subjectivité de l'élève, afin de déterminer si celui-ci, en arborant un signe qui n'a a priori rien de religieux, ne cherche pas à contourner l'interdiction posée par la loi du 15 mars 2004. Soulignons, toutefois, que si le Conseil d'Etat a ainsi effectué un retour à l'analyse subjective prônée par l'avis de 1989, et a donc validé l'ajout effectué par la circulaire du 18 mai 2004 (puisqu'encore une fois l'article L. 141-5-1 précité ne prévoit nullement l'existence d'une catégorie de signes dont le port manifeste ostensiblement une appartenance religieuse en raison du comportement de l'élève), cela a pour conséquence non pas de limiter l'interdiction des signes religieux aux seuls élèves dont l'intention ou le comportement contreviennent à la laïcité, mais d'étendre considérablement la latitude d'action de l'administration scolaire, et donc le champ d'application de cette interdiction. En effet, à la catégorie des signes dont la connotation religieuse est comprise ou perçue par autrui (les autres élèves), s'ajoute désormais la catégorie des signes dont la connotation religieuse est affirmée par ceux qui les portent. Précisons toutefois qu'il ne s'agit pas pour l'administration de demander à l'élève, pour le sanctionner ou non, s'il attribue une valeur et un sens religieux à tel ou tel signe, mais de le déterminer à partir du comportement de cet élève. C'est dire que le signe qui manifeste ostensiblement une appartenance religieuse en raison du comportement de l'élève a pour particularité d'être un signe religieux subjectif ou personnel, et non objectif ou anonyme, dont le caractère subjectif et personnel est décidé par l'administration et in fine le juge administratif.
B - Une extension considérable de la marge d'appréciation de l'administration qui pose problème
1 - Une extension considérable de la marge d'appréciation de l'administration
En pratique, la marge d'appréciation de l'administration trouvera à s'exercer dans deux domaines en particulier. Il lui faudra tout d'abord distinguer les signes ou tenues manifestant ostensiblement une appartenance religieuse de ceux qui n'en expriment aucune : la pierre d'achoppement est, on le sait, la catégorie des signes religieux ostensibles par destination. La question du bandana a été précédemment évoquée. Celle du port de la barbe, voire des dreadlocks se posera certainement. Il sera tout aussi délicat pour l'administration de fixer la limite entre un signe religieux discret et un signe religieux ostensible. Quelles sont les dimensions exactes d'une croix pour que son port soit autorisé ? De la croix pectorale à la croix de baptême, les possibilités sont nombreuses... et les contentieux certains !
A cet égard, il n'est pas exclu que l'administration scolaire doive prochainement se pencher non plus seulement sur la signification religieuse des signes matériels (c'est-à-dire sur des objets), mais aussi sur la signification religieuse des signes physiques. En effet, l'on pourrait envisager que le port de la barbe puisse dans certains cas manifester ostensiblement une appartenance religieuse (essentiellement à la religion musulmane), puisqu'un tel signe ne saurait être assimilé à un signe discret autorisé par l'article L. 141-5-1.
Plus généralement, la notion de signes dont le port manifeste ostensiblement une appartenance religieuse en raison du comportement de l'élève conduira à une extension de la notion de signes d'appartenance religieuse dont le port est prohibé, et à une extension du contrôle de l'administration sur les attitudes et les motivations des élèves. Ainsi, l'on peut estimer que l'administration pourra de cette manière interdire aux élèves d'arborer des tenues dont la signification est culturelle avant d'être religieuse : que l'on songe par exemple à l'abaya portée par les femmes musulmanes, ou encore aux tenues traditionnelles portées par les sikhs. La solution retenue par le Conseil d'Etat est donc extrême, dans la mesure où elle offre à l'administration la possibilité d'interdire le port de vêtements traditionnels, dès lors que l'élève leur accorde une signification religieuse.
Il y a là, selon nous, un certain reniement de la neutralité du service public afin, ce n'est pas le moindre des paradoxes, d'assurer un meilleur respect de la laïcité. Les plus vives réserves doivent en effet être réitérées à propos de l'opportunité, comme de la légalité, de la catégorie des "signes religieux ostensibles par destination". Celle-ci ne figure pas explicitement dans la loi, dont l'application pourrait être assurée par l'interdiction des seuls signes objectivement religieux, même s'il existe des risques de contournement. La circulaire du 18 mai 2004, en créant cette catégorie, et les décisions du Conseil d'Etat du 5 décembre 2007, en validant cet ajout, contraignent l'administration à entrer dans l'appréciation subjective des convictions religieuses des élèves et de leurs intentions en matière vestimentaire. Il s'agit d'une atteinte, parfaitement contestable sur le plan des principes comme devant le juge administratif, à la neutralité confessionnelle du service public de l'enseignement et de ces agents. Plus largement, la nouvelle législation implique, on peut le regretter, que l'administration s'engage dans la délicate question consistant à déterminer ce qu'est un signe religieux ou plus précisément ce qu'est un signe d'appartenance religieuse. Dans la pratique, en effet, le chef d'établissement devra d'abord s'interroger sur le point de savoir si un signe manifeste une appartenance religieuse avant de se demander si le port par un élève de ce signe manifeste son appartenance religieuse. Il devra enfin décider, dans l'hypothèse où le signe est religieux, s'il est assez discret pour être autorisé. On peut douter qu'il appartienne à une administration laïque d'entrer dans ce type de considération.
2 - Une extension qui pose problème
L'extension de la marge d'appréciation de l'administration posera d'abord problème à l'administration elle-même puisqu'elle va la contraindre à entrer de plain-pied dans l'interprétation des signes arborés par les élèves et dans la qualification, religieuse ou non, qu'il faut leur accorder. Il y a là un certain reniement.
Par ailleurs, la compatibilité des décisions rendues par le Conseil d'Etat avec les stipulations de l'article 9 de la CESDH, telles qu'interprétées par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme est loin d'être évidente. En effet, même si la CEDH, a, dans l'affaire "Leyla Sahin c/ Turquie" (5), confirmé que les Etats disposent d'une marge de manoeuvre pour appliquer ces stipulations et, qu'en l'espèce, le caractère laïc de l'Etat turc comme les menaces islamistes auxquelles il devait faire face légitimaient l'interdiction du port du foulard islamique à l'Université, cette décision est essentiellement fondée sur le contexte national turc. Or, si la laïcité est un principe traditionnel de la République française, le caractère extensif de l'interdiction posée par l'article L. 141-5-1 (qui vise donc désormais les signes d'appartenance religieuse par eux-mêmes et les signes d'appartenance religieuse liés au comportement de l'élève) semble disproportionné, eu égard à la valeur de ce principe et à la teneur des menaces qui pèseraient sur la société française s'il n'était pas appliqué aussi strictement. En effet, alors qu'en Turquie est interdit le port d'un signe religieux en raison des menaces que font peser sur la société laïque les tenants d'une interprétation rigoriste de l'islam, ce sont tous les signes d'appartenance religieuse, et non seulement comme en Turquie les signes revendiqués par les "ennemis de la laïcité", qui sont interdits. En outre, la notion de signes ostensibles ou, plus exactement, de signes manifestant ostensiblement une appartenance religieuse conduit quasiment à prohiber le port de tous les signes visibles par les autres élèves, la catégorie des signes discrets étant très limitée.
Les décisions rendues par le Conseil d'Etat le 5 décembre 2007 permettent d'abord opportunément d'enlever à la loi du 15 mars 2004 le caractère de loi anti-islam que certains lui ont prêté. En effet, ces décisions visent également des élèves de religion sikhe.
Ces décisions démontrent, en outre, que pour appliquer l'interdiction du port des signes d'appartenance religieuse, l'administration scolaire est conduite à entrer de manière toujours plus profonde dans les religions, plus précisément dans l'interprétation des signes et comportements adoptés par les élèves. C'est ainsi que le caractère objectif et général de cette interdiction impose à l'administration, beaucoup plus qu'auparavant, de penser et de connaître les religions des élèves.
Le religieux n'est donc "extrait" des élèves que pour être réintroduit dans l'administration, qui sera amenée à adopter des raisonnements de plus en plus subtils et, il faut bien le dire, de plus en plus contestables : que l'on songe par exemple au bandana qui, porté par une élève de confession musulmane, sera interdit tandis qu'il sera autorisé pour les autres élèves. De manière plus générale, l'administration sera probablement confrontée à la difficulté de tracer la frontière, pour les élèves issus de régions non sécularisées où la culture et la civilisation sont empreintes de religion, entre les signes qui manifestent une appartenance culturelle et les signes qui manifestent une appartenance religieuse.
Nous sommes donc loin ici de la "laïcité positive" ou de la laïcité de reconnaissance.
(1) CE Contentieux, 2 novembre 1992, M. Kherouaa et Mme Kachour, M. Balo et Mme Kizic N° Lexbase : A8254AR7, au Recueil p. 389 : RFDA 1993, p. 112, conclusions D. Kessler ; AJDA 1992, p. 790, chronique C. Maugüé et R. Schwartz.
(2) Ainsi, à propos du foulard islamique : CE Contentieux, 20 mai 1996, n° 170343, Ministre de l'Education nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche c/ Ali (N° Lexbase : A9323ANM), au Recueil Lebon p. 187 conclusions Schwartz ; JCP éd G, 1996 IV, n° 2196 observations M.-C. Rouault ; AJDA 1996 p. 709, obs. G. Koubi ; RFDA 1997, p. 151, chronique C. Durand-Prinborgne).
(3) CE Contentieux, 8 octobre 2004, n° 269077, Union française pour la cohésion nationale (N° Lexbase : A5515DDM), au Recueil p. 367 conclusions R. Keller ; RDFA 2004, p. 977 ; AJDA 2005, p. 43, note Rolin, JCP éd A, 2004, n° 1849, note Tawil.
(4) CE Contentieux, 10 juillet 1995, n° 162718, Association Un Sysiphe ( N° Lexbase : A5255ANX), Recueil p. 292 : AJDA 1995, p. 644, concl. R. Schwartz.
(5) CEDH, 10 novembre 2005, Req. 44774/98, Leyla Sahin c/ Turquie (N° Lexbase : A4947DLS) : AJDA 2005, p. 2149 ; Droit de la famille avril 2006 étude n° 19 : S. Plana, La prévention de la Cour européenne à l'encontre de certaines prescriptions religieuses.
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Le 07 Octobre 2010
I - Communications électroniques
Contenu :
Le décret n° 2007-1519 du 22 octobre 2007 a été pris en application de l'article L. 33-1 du Code des postes et des communications électroniques (N° Lexbase : L1109HHK) et de la loi n° 91-646 du 10 juillet 1991, relative au secret des correspondances émises par la voie des communications électroniques (N° Lexbase : L7789H3U).
Ce décret a pour objet de préciser les modalités de rémunération des opérateurs de télécommunication lorsqu'ils réalisent des interceptions de communications électroniques pour des raisons de sécurité publique.
Le décret prévoit que "les coûts exposés pour les études, l'ingénierie, la conception et le déploiement de systèmes demandés pour les interceptions de communications électroniques", ainsi que ceux "liés à la maintenance et, le cas échéant, à la location des moyens permettant le fonctionnement des systèmes demandés pour les interceptions de communications électroniques" sont remboursés dans le cadre d'une convention passée entre l'Etat et l'opérateur concerné.
En outre, le décret prévoit que "les coûts liés au traitement des demandes d'interception" sont remboursés aux opérateurs suivant un barème fixé par l'arrêté du ministre du Budget en date du 22 octobre 2007. Le remboursement se fait sur présentation par l'opérateur d'un justificatif et d'une facture.
Commentaires :
Aux termes de l'article L. 33-1 du Code des postes et des communications électroniques, "l'établissement et l'exploitation des réseaux ouverts au public et la fourniture au public des services de communications électroniques sont soumis au respect de règles portant sur les prescriptions exigées par l'ordre public, la défense nationale et la sécurité publique, notamment celles qui sont nécessaires à la mise en oeuvre des interceptions justifiées par les nécessités de la sécurité publique, ainsi que les garanties d'une juste rémunération des prestations assurées à ce titre".
Le décret vient, ainsi, fixer dans le IV de l'article D. 98-7 du Code des postes et des communications électroniques (N° Lexbase : L1888H3C) les modalités de rémunération des opérateurs lorsqu'ils interviennent dans des opérations d'interception de communications électroniques conformément à l'article L. 33-1 du code précité.
Le décret ne concerne que les interceptions de sécurité effectuées au titre des pouvoirs de police du Premier ministre, les interceptions réalisées sur demande de l'autorité judiciaire étant régies par le Code de procédure pénale.
En outre, les barèmes fixant les tarifs de remboursement des coûts liés au traitement des demandes d'interception prévus dans l'arrêté du 22 octobre 2007 ne concernent que les interceptions de communications en téléphonie fixe et mobile.
Enfin, il convient de préciser que les coûts liés à l'étude et à la maintenance des systèmes d'interception sont soumis à l'approbation préalable du ministre chargé des Communications électroniques.
II - Internet
Texte :
L'accord pour le développement et la protection des oeuvres et programmes culturels sur les nouveaux réseaux est destiné à lutter contre le piratage.
Il a, notamment, pour objectifs de :
- mener une action contre les atteintes portées aux droits de propriété intellectuelle ;
- favoriser l'offre légale de contenu sur internet au profit des consommateurs ;
- mettre en place des mesures de prévention du piratage.
Ont participé à cet accord, l'Etat français, les professionnels et ayants-droits de l'audiovisuel du cinéma et de la musique et les prestataires techniques tels que les fournisseurs d'accès à internet et les plates-formes d'hébergement et de partage de contenus.
Ils se sont engagés à participer à la réalisation de ces objectifs par divers moyens.
1. Les engagements des pouvoirs publics
Les pouvoirs publics s'engagent à proposer des textes législatifs et à adopter des mesures réglementaires permettant la mise en oeuvre de mécanismes d'avertissements et de sanctions visant à sanctionner l'atteinte portée aux droits de propriété intellectuelle sur les réseaux numériques.
Ils s'engagent, par ailleurs, à créer une autorité publique spécialisée placée sous le contrôle du juge et chargée de la gestion des avertissements et sanctions pris envers les contrevenants.
Le système prévoit qu'une plainte des ayants-droits permettra de déclencher l'action de cette autorité. Cette action se matérialisera, dans un premier temps, par l'envoi de messages électroniques d'avertissement au titulaire de l'abonnement sous son timbre, par l'intermédiaire du fournisseur d'accès. Si l'autorité constate un nouveau manquement, elle saisira le juge en vue de prendre des sanctions à l'égard du titulaire de l'abonnement, allant de l'interruption de l'accès à internet à la résiliation du contrat de fourniture.
2. Les engagements des professionnels de l'audiovisuel, du cinéma et de la musique
Ces professionnels, comptant également parmi eux les chaînes de télévision, ont pour leur part pris les engagements suivants. Ils s'engagent à :
- utiliser les dispositifs légaux existants pour évaluer, choisir et promouvoir des technologies de marquage et de reconnaissance des contenus ;
- ouvrir des discussions devant conduire, sous l'autorité du ministère de la Culture et de la Communication, à réaménager la chronologie des médias en prévoyant notamment une disponibilité plus rapide en ligne des oeuvres cinématographiques et les modalités d'insertion de la vidéo à la demande (VOD) dans le système de segmentation en fenêtre d'exploitation de cette technologie ;
- fournir les meilleurs efforts pour rendre systématiquement disponibles en VOD les oeuvres cinématographiques dans le respect des droits et exclusivités reconnus.
3. Les engagements des prestataires techniques (FAI et plates-formes d'hébergement et de partage de contenus)
Les FAI s'engagent à :
- envoyer, dans le cadre du mécanisme d'avertissement et de sanction et sous le timbre de l'autorité, les messages d'avertissement ;
- mettre en oeuvre les déclarations de sanctions ;
- collaborer, dans un premier délai ne pouvant excéder 24 mois à compter de la signature de l'accord, avec les ayants-droits sur les modalités d'expérimentation des technologies de filtrage des réseaux disponibles ;
- généraliser des techniques efficaces de reconnaissance et de filtrage des contenus.
Les plates-formes d'hébergement et de partage de contenus doivent se soumettre aux engagements suivants :
- généraliser le marquage et le filtrage des vidéos sur leur site, et employer "systématiquement" ces technologies ;
- généraliser à court terme les techniques efficaces de reconnaissance de contenus et de filtrage en déterminant avec les ayants-droits les technologies d'empreintes recevables.
Commentaire :
Cet accord multipartite a, essentiellement, pour mission de mettre en oeuvre, par une "riposte graduée", le principe de la responsabilité de l'abonné du fait de l'utilisation frauduleuse de son accès à internet. Ce principe est énoncé à l'article L. 335-12 du Code de la propriété intellectuelle (N° Lexbase : L2897HPY) qui dispose que "le titulaire d'un accès à des services de communication au public en ligne doit veiller à ce que cet accès ne soit pas utilisé à des fins de reproduction ou de représentation d'oeuvres de l'esprit sans l'autorisation des titulaires des droits, lorsqu'elle est requise, en mettant en oeuvre les moyens de sécurisation qui lui sont proposés par le fournisseur de cet accès".
Cet accord devrait être suivi prochainement de la présentation de projets de textes législatifs et de mesures réglementaires par le Gouvernement avec pour objectif l'adoption de ces textes avant l'été 2008.
La portée de ce texte reste, néanmoins, limitée dans la mesure où cet accord n'a pas été signé par certaines sociétés renommées telles que Dailymotion, Télé 2, Microsoft et Apple, par certaines chaînes de télévision (M6 et les chaînes de la TNT) et par les associations de consommateurs (UFC Que Choisir).
Faits :
M. G. avait été engagé en qualité de professeur au sein de l'association OGEC Emmanuel d'Alzon gérant un établissement d'enseignement catholique. En 2003, pensant que son ordinateur était infecté par un virus, il avait demandé au prestataire de services qui gérait le réseau de l'établissement de venir le nettoyer. Ce prestataire avait ainsi constaté que le salarié avait consulté de nombreux sites internet à caractère pornographique dont le contenu, mis en cache sur l'ordinateur du salarié, avait entraîné les dysfonctionnements de son appareil. Il en a alors informé l'employeur qui a déposé plainte auprès du procureur de la République. Après expertise du disque dur de l'ordinateur, diligentée par le procureur, l'employeur a licencié M. G. pour faute grave.
Contestant la légitimité de ce licenciement, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes qui l'a intégralement débouté de ses demandes aux fins de paiement d'indemnités compensatrices et de dommages-intérêts. La cour d'appel a confirmé la décision du conseil de prud'hommes.
La cour d'appel a considéré que les preuves de la faute grave commise par le salarié avaient été obtenues de manière licite, justifiant le licenciement :
- d'une part, l'intervention sur le poste de travail professionnel du salarié par le prestataire de services, sollicitée par l'intéressé lui-même, avait permis de constater la présence d'un virus après visualisation de "cookies" correspondant à des sites non professionnels ;
- d'autre part, l'enquête diligentée sur instruction du procureur de la République avait révélé, après expertise du disque dur, l'existence de plusieurs milliers de fichiers à caractère pornographique, établissant des connexions qualifiées d'assidues à ces sites pendant les heures et sur les lieux de travail.
La cour d'appel a précisé que le salarié, du fait, notamment, des fonctions occupées et du niveau de qualification, ne pouvait ignorer que la consultation de milliers de fichiers pornographiques dans un établissement scolaire revêtait un caractère fautif par utilisation massive du réseau internet, pendant les horaires de travail et sur les lieux de travail. Le salarié a introduit un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel.
Décision :
La Chambre sociale de la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par le salarié et a confirmé l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier, dans la mesure où la preuve de la faute grave du salarié avait été obtenue de manière licite sur un poste informatique professionnel et après examen du disque dur sur demande du salarié par le prestataire de services.
Commentaire :
Cet arrêt s'inscrit dans la continuité de la jurisprudence de la Chambre sociale de la Cour de cassation (e. g., Cass. soc., 17 mai 2005 n° 03-40.017, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A2997DIT et Cass. soc., 18 octobre 2006, n° 04-47.400, FS-P+B N° Lexbase : A9616DRL).
Cet arrêt apporte, aussi, des précisions relatives à la collecte de preuves obtenues de manière licite par l'employeur afin de justifier le licenciement pour faute grave du salarié. En l'espèce, les preuves des agissements illicites du salarié avaient été apportées par le prestataire de services qui était intervenu sur le poste de travail du salarié à sa demande. Sur la base de ces éléments, l'employeur avait porté plainte contre le salarié auprès du procureur de la République.
Ainsi, l'intervention d'un prestataire de services, dans un but de maintenance d'un ordinateur professionnel et d'un examen du disque dur de celui-ci, peut apporter la preuve d'une faute grave d'un salarié, notamment lorsque celui-ci utilise son poste de travail professionnel pour consulter des sites internet à connotation pornographique.
Faits :
Le 24 septembre 2007, Mme B., M. T. et M. D. ont fait constater par un huissier de justice la présence d'un article mis en ligne par un utilisateur sur le site "Wikipedia" hébergé par la société Wikimedia Foundation (Wikimedia). Selon les demandeurs, cet article portait atteinte à leur vie privée en ce qu'il alléguait de l'homosexualité de certains demandeurs nommément cités et était diffamatoire à l'égard de Mme B. car il sous-entendait qu'elle n'avait pu adopter des enfants que grâce à son militantisme en faveur des couples homosexuels.
Les demandeurs ont alors adressé deux mises en demeure à Wikimedia par courriels en date des 27 et 28 septembre 2007. Celles-ci sont demeurées sans réponse et l'article litigieux n'a pas été supprimé du site internet hébergé par Wikimedia. En conséquence, les demandeurs ont assigné Wikimedia devant le tribunal de grande instance de Paris pour qu'il lui soit ordonné de retirer l'article de son site et d'en interdire l'accès.
Les demandeurs soutenaient, en effet, que Wikimedia avait la qualité d'hébergeur au sens de l'article 6.I.1 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004, pour la confiance dans l'économie numérique (N° Lexbase : L2600DZC) et qu'à ce titre, Wikimedia devait tout mettre en oeuvre pour empêcher l'accès à l'article litigieux.
Pour rejeter sa responsabilité, Wikimedia a fait valoir qu'elle n'était tenue à aucune obligation générale de surveillance du contenu hébergé et qu'elle n'avait pas eu connaissance des propos litigieux car les mises en demeure n'avaient pas respecté le formalisme imposé par l'article 6.I.5 de la "LCEN".
Décision :
Le juge des référés du tribunal de grande instance a relevé, dans un premier temps, que, au jour de l'audience, le contenu litigieux avait été supprimé, Wikimedia ayant, en effet, retiré les propos litigieux le jour de la délivrance de l'assignation, de sorte que la demande tendant à son retrait n'avait plus d'objet.
Ensuite, le juge a rappelé que "conformément à l'article 6.I.2 les prestataires d'hébergement ne peuvent voir leur responsabilité civile engagée du fait des informations qu'ils stockent s'ils n'avaient pas effectivement connaissance de leur caractère illicite ou de faits et circonstances faisant apparaître ce caractère" et "qu'aux termes de l'article 6.I.7 de la loi précitée [la "LCEN"], les prestataires d'hébergement ne sont pas tenus d'une obligation générale de surveiller les informations stockées, ni de rechercher des faits ou circonstances révélant des activités illicites".
Par ailleurs, le juge relève, en l'espèce, que les demandeurs n'ont pas notifié le contenu illicite à Wikimedia en respectant les formes requises par l'article 6.I.5 de la "LCEN" puisque "si le courriel du 28 septembre 2007 en particulier, comporte l'adresse précise de la page comportant le contenu litigieux, il n'est fait nulle part mention des dispositions légales essentielles pour la vérification par le destinataire du caractère manifestement illicite que doit revêtir le contenu en question".
Par conséquent, le juge des référés en a déduit que Wikimedia n'était pas réputée avoir eu connaissance du caractère illicite de l'article en cause et que les demandeurs n'avaient pas démontré, avec l'évidence qui s'impose, au juge des référés en quoi la responsabilité de cette dernière s'était trouvée engagée.
Dès lors, les prétentions des demandeurs ont été rejetées.
Commentaire :
Sur le statut de Wikimedia
A titre liminaire, il convient de relever que les parties n'ont pas débattu sur le statut d'éditeur ou d'hébergeur de Wikimedia puisque, comme le relève le tribunal, "les parties conviennent que c'est en qualité de prestataire d'hébergement que la fondation Wikimedia Foundation se trouve assignée".
Or, cette qualification d'hébergeur n'allait pas de soi tant la jurisprudence en la matière est fluctuante. En effet, si certains juges ont considéré que les sociétés qui proposent à leurs membres d'héberger des pages personnelles et qui exploite commercialement ces sites, grâce, notamment, à la publicité, peuvent être qualifiées d'éditeur (CA Paris, 4ème ch., sect. A, 7 juin 2006, n° 05/07835, SA Tiscali c/ SA Dargaud Lombard N° Lexbase : A6632DR3 et TGI de Paris, 22 juin 2007, n° RG 07/55081, Monsieur Jean-Yves L. dit Lafesse c/ Société Myspace Inc N° Lexbase : A5140DXN, et nos obs., Bulletin d'actualités Clifford Chance - Département Communication Média & Technologies - Juillet 2007, Lexbase Hebdo n° 272 du 13 septembre 2007 - édition privée générale N° Lexbase : N2734BCA), la troisième chambre du tribunal de grande instance de Paris a considéré, en revanche, que, dès lors que les utilisateurs publient eux-mêmes le contenu sur un site internet, ces sociétés peuvent être qualifiées d'hébergeur (TGI de Paris, 13 juillet 2007, n° RG 07/05198, Monsieur Christian C. c/ SA Dailymotion N° Lexbase : A5139DXM et nos obs. préc. ; TGI de Paris, 19 octobre 2007, n° RG 06/11874, SARL Zadig Productions c/ Société Google Inc N° Lexbase : A5562DZZ et nos obs., Bulletin d'actualités Clifford Chance - Département Communication Média & Technologies - Novembre 2007, Lexbase Hebdo n° 285 du 12 décembre 2007 - édition privée générale N° Lexbase : N3876BDW).
Sur les obligations de l'hébergeur
Les articles 6.I.7 et 6.I.2 de la "LCEN" disposent que les hébergeurs ne sont tenus à aucune obligation générale de surveillance des contenus qu'ils hébergent mais que, dès lors qu'ils ont connaissance de la présence d'un contenu illicite sur le site qu'ils hébergent, ils doivent agir promptement pour les retirer et/ou en rendre l'accès impossible. En outre, l'article 6.I.5 énumère les règles formelles qu'il convient de respecter pour notifier la présence d'un contenu illicite telles que "la date de la notification" et "les motifs pour lesquels le contenu doit être retiré, comprenant la mention des dispositions légales et des justifications de faits".
Or, en l'espèce, les demandeurs n'ont pas respecté ce formalisme en ne démontrant pas en quoi le contenu était manifestement illicite puisqu'ils n'ont pas rapporté pas la preuve de la réception par Wikimedia des mises en demeure adressées par courriels. En effet, selon le juge, "seule se trouve rapportée la preuve de l'envoi [et non de sa réception], d'un courriel, et non d'un courrier adressé par la voie postale avec la preuve de sa réception".
Par conséquent, cette décision permet de confirmer que l'envoi et la réception de mises en demeure de retirer des contenus illicites sur un site internet envoyées à un hébergeur doivent respecter le formalisme de l'article 6.I.5 de la "LCEN" et avoir date certaine.
Marc d'Haultfoeuille
Avocat associé
Département Communication Média & Technologies
Cabinet Clifford Chance
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Réf. : Accord sur la modernisation du marché du travail du 11 janvier 2008
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par Stéphanie Martin-Cuenot, Ater à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV
Le 07 Octobre 2010
Le problème, outre la nécessaire intervention du législateur, résulte des multiples renvois de l'accord à la négociation de branche, interprofessionnelle, voire d'entreprise, ceci risquant d'allonger le délai d'entrée en application effective du dispositif et de créer des disparités entre les branches et, donc, entre les salariés.
Si l'objectif fixé est louable, les moyens seront-ils suffisants ?
1. Accession et pérennisation de l'emploi
A. "Nouvelle orientation" de l'orientation professionnelle (article 2)
L'accord sur la modernisation du marché du travail vient donner une importance inédite et une nouvelle jeunesse à l'orientation en l'adaptant aux réalités du travail, ce qu'il convient d'approuver.
L'objectif est clairement précisé : réduire le taux d'échec et les sorties sans diplômes. Pour ce faire, les partenaires sociaux ont imaginé des moyens ou, plus justement, ont déterminé des lignes directrices, qu'il appartiendra aux partenaires sociaux de mettre en application. La détermination des modalités concrètes de mise en oeuvre de cette "orientation professionnelle nouvelle" est, en effet, renvoyée aux partenaires de la branche.
Vus l'intérêt et la nécessité de l'orientation professionnelle, il leur apparaît important de faire de l'orientation professionnelle un élément concret et accessible pour tous. L'un des moyens principaux mis en avant est la création de liens entre l'école et l'entreprise. L'orientation professionnelle ne sera plus simplement une présentation des différentes voix qui s'offrent au "demandeur", compte-tenu de sa formation ou de son expérience professionnelle, mais elle sera fonction du marché du travail et elle se fera en accord avec celui-ci.
Les partenaires sociaux souhaitent que soient définies des actions pour aider et rendre effective l'intervention des entreprises à l'école. L'accord ne vient pas définir les modalités de cette intervention, mais confie aux accords de branche, le soin de déterminer et définir les moyens permettant de les mettre en oeuvre.
Ils entendent, en outre, parallèlement, que soit mis en place un système d'information des salariés et des entreprises. L'information portera sur les secteurs d'activité, la diversité des métiers, les entreprises, les organisations, ainsi que sur la formation tout au long de la vie. Elle s'adressera donc à tous et devra permettre à la personne "demanderesse" de disposer d'informations sur les débouchés immédiats mais, également, à plus long terme, de l'orientation qu'il a choisie, qu'il envisage de choisir ou sur la profession qu'il occupe.
L'accord met, enfin, à la charge des partenaires sociaux le soin de diffuser et de valoriser les informations disponibles concernant les différents secteurs d'activité, les métiers y afférents et leurs évolutions prévisibles. Là encore aucun outil n'est clairement établi, mais l'accord suggère la création d'un site internet interprofessionnel destiné à recueillir et diffuer ces informations, ce qui vient confirmer la volonté d'en assurer la diffusion la plus large et la plus accessible (qui n'a pas accès à internet ?).
B. Facilitation de l'accès à l'emploi des plus jeunes (article 3)
Les partenaires sociaux ont souhaité permettre aux plus jeunes de mettre toutes les chances de leur côté pour accéder ou retrouver un emploi.
Cet article vient prévoir et imposer la prise en compte effective des stages, contrats d'apprentissage et contrats de professionnalisation comme élément à part entière de la vie professionnelle du salarié.
Les partenaires sociaux souhaitent faire des stages inscrits dans un cursus pédagogique, des contrats de professionnalisation et des contrats d'apprentissage, un élément du parcours professionnel du salarié.
Lorsqu'un stage professionnel débouche sur un emploi dans la même entreprise, il est prévu que la durée du stage viendra réduire la durée de la période d'essai. Les partenaires posent, toutefois, une limite à cette prise en considération : la durée du stage prise en compte ne pourra être supérieure à la moitié de la période d'essai prévue au contrat.
Cette règle est clairement assortie d'un caractère d'ordre public social, puisque l'accord laisse aux accords de branche ou d'entreprise la possibilité de prévoir une disposition plus favorable, c'est-à-dire d'augmenter la durée du stage à imputer sur la période d'essai.
Les partenaires sociaux font du stage et du contrat d'apprentissage, ou du contrat de professionnalisation, un élément à part entière du parcours professionnel du salarié. Ces contrats feront, désormais, l'objet d'une mention sur le passeport formation du salarié.
Ils délèguent, enfin, aux accords de branche, la charge de rechercher et définir, prioritairement par le biais de la négociation collective, les moyens permettant de favoriser l'embauche des jeunes ayant accomplis des stages, contrats d'apprentissage ou de formation. Bien que marquant sa préférence pour les contrats de travail à durée indéterminée, l'accord laisse la possibilité aux partenaires sociaux d'orienter leurs efforts vers d'autres types de contrats de travail.
L'accord met, en premier lieu, en place, pour les jeunes de moins de 25 ans ayant perdu leur emploi, un dispositif d'accompagnement et d'indemnisation.
D'une part, en effet, le jeune de moins de 25 ans bénéficiera, à l'issue de son contrat de travail, d'un examen personnalisé et de mesures d'accompagnement. Ces mesures sont identiques à celles prévues par l'accord pour tout demandeur d'emploi (article 17). Elles ont pour objet de contribuer au retour le plus rapide possible du salarié dans un emploi et de répondre, de la manière la plus adéquate possible, aux besoins des entreprises.
D'autre part, il est prévu, pour les jeunes de moins de 25 ans, involontairement privés d'emploi et qui ne remplissent pas les conditions d'activité leur permettant de bénéficier d'une autre indemnité et, singulièrement, de leur prise en compte par l'assurance chômage, le versement d'une prime dont le montant et les modalités sont calqués sur les nouvelles règles prévues pour assurer un revenu de remplacement aux chômeurs (article 16). Il faudra donc attendre les résultats des négociations interprofessionnelles prévues au cours du 1er semestre 2008 pour en savoir plus à ce sujet (III de l'accord).
C. Développement de la formation professionnelle (article 7)
Dans ce domaine, il est prévu, au préalable, de faire un bilan de l'accord du 5 décembre 2003. Cet accord doit être éprouvé, son dispositif pérennisé mais, également, amélioré, car il est vu comme un élément favorisant l'évolution professionnelle du salarié. La formation professionnelle tout au long de la vie constitue, pour les partenaires sociaux, un élément déterminant la sécurisation du parcours professionnel.
Il s'agit donc de perpétuer et de compléter les actions de formation existantes et les dispositifs déjà en place, pour permettre à tout salarié de développer, parfaire, renouveler sa qualification, ses compétences et ses aptitudes. La volonté des partenaires sociaux est de déployer les moyens permettant de favoriser l'employabilité, le développement des compétences du salarié, afin qu'il conserve son emploi, ou, à tout le moins, un emploi.
Cette incitation et, partant, ces actions de formation, se feront en rapport avec les résultats de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, ce qui permettra d'optimiser la formation et au besoin de l'orienter "vers l'emploi".
L'accord donne aux partenaires sociaux au niveau interprofessionnel le soin de faire le bilan, de tirer les conséquences, de porter les améliorations et de prendre les dispositions propres à remplir ces objectifs.
C'est, également, à eux qu'il est demandé de développer le système de formation tout au long de la vie. L'accord commenté vient seulement donner des exemples de ce qu'il est possible de faire : simplifier le dispositif existant, mettre en place un accompagnement effectif du salarié candidat à la validation des acquis de l'expérience.
L'accent est mis, de ce point de vue, sur le passeport formation, qui doit trouver un plus large écho auprès des salariés. Celui-ci doit permettre de faciliter l'accès à l'emploi durable des salariés titulaires de contrats de travail à durée déterminée, de participer au développement des compétences des salariés à temps partiel (domaine dans lequel il est néanmoins prévu l'ouverture de négociations de branches afin de permettre aux travailleurs à temps partiel d'accéder à la formation).
Il est, enfin, imposé que la tenue des réunions de consultation du comité d'entreprise sur l'exécution du plan de formation de l'année ait lieu avant le 1er octobre, et celle sur le projet de plan de l'année avant le 31 décembre.
2. Sécurisation des "transitions"
Il s'agit d'une étape vers un dispositif plus poussé. L'accord voit, dans les deux dispositifs de mobilités et de transitions professionnelles, une première étape, qui doit être complétée par la mise en place d'autres dispositifs qui devront être déterminés par un groupe de travail.
Là encore aucune précision n'est donnée sur les fonctions et la composition de ce groupe, la seule chose connue est son objet, le maintien dans l'emploi, qu'il convient de saluer.
A. Accompagnement de la mobilité professionnelle et géographique (article 8)
Cette mobilité est vue, à juste titre par les partenaires sociaux, comme un moyen permettant de favoriser l'évolution et la promotion sociale du salarié et, par voie de conséquence, de le protéger contre la perte d'emploi ou, plus largement, contre l'inactivité.
L'accord s'intéresse précisément à deux pans de la mobilité professionnelle, celle voulue par le salarié et celle voulue par l'employeur.
La première est souvent abandonnée, faute pour le salarié d'avoir les éléments lui permettant de prendre une décision. Pour cette raison, l'accord vient ouvrir au salarié, souhaitant évoluer professionnellement, quelle que soit cette évolution, l'accès au service public de l'emploi, et ce, afin de lui offrir la possibilité d'obtenir les outils lui permettant d'acquérir de nouvelles compétences ou de changer de voie, comme, par exemple, des aides juridiques et financières à la création ou la reprise d'entreprise. Pour que cet accompagnement soit total et qu'il existe le moins possible d'obstacle au changement d'orientation du salarié, l'accord prévoit une recherche avec les pouvoirs publics d'un moyen qui pourrait permettre au salarié demandeur de bénéficier de la continuité de ses droits en cas de passage d'un régime à un autre, ce qui n'est pas le cas pour l'instant, or, ceci peut être un frein au changement.
La seconde, la mobilité géographique, singulièrement lorsqu'elle est imposée par l'employeur, est vécue comme un traumatisme. Pour cette raison, les partenaires sociaux souhaitent que soit mis en place un encadrement, un accompagnement à cette mobilité, ainsi que des dispositions pour anticiper ce changement.
Les partenaires sociaux fournissent une liste non limitative des dispositifs à créer au profit du salarié et de sa famille afin qu'il soit en mesure de se familiariser et, partant, d'accepter ce changement : visite du futur lieu de travail, aide au déménagement, aide à la recherche d'un logement, recherche d'un établissement scolaire, d'une voiture, d'un emploi pour le conjoint....
Un effort particulier doit être fait au niveau financier mais, également, au niveau de l'organisation pour permettre une bonne gestion du "futur dispositif mobilité". La réussite de cet accompagnement repose sur l'information qui en est faite. Pour cette raison, les partenaires sociaux de la branche et les organisations territoriales sont tenues de communiquer aux entreprises et aux salariés, les différents dispositifs existants, et d'assurer une large diffusion aux meilleures pratiques des autres branches afin d'inciter à leur reprise.
Outre ce nouvel engagement de la branche, l'accord impose aux entreprises de plus de 300 salariés de faire de cet accompagnement mobilité un véritable objectif de l'entreprise. Les modalités de mise en oeuvre de ce dispositif sont donc laissées à leur discrétion.
B. Ouverture de l'accès à la portabilité de certains droits (article 14)
L'accord vient mettre en place un mécanisme de portabilité des droits liés au contrat de travail en cas de rupture de celui-ci. Tout salarié, à la condition, toutefois, que son contrat de travail ne soit pas rompu pour faute lourde, pourra bénéficier de cette portabilité. Celle-ci porte sur divers droits expressément visés par l'accord.
En premier lieu, l'accord prévoit la conservation des couvertures complémentaires santé et prévoyance appliquées à leur ancienne entreprise pendant la période de chômage. La durée de ce maintien est, toutefois, encadrée. Il ne pourra, en effet, être inférieur à 3 mois et il ne pourra dépasser un tiers de la durée des droits à indemnisation du salarié. L'accord ne prévoit pas les modalités de financement du maintien de ces garanties (employeurs/salariés ou mutualisation), ce qui repousse de six mois l'entrée en application de ce mécanisme.
L'accord vient, en second lieu, permettre au salarié de mobiliser les heures acquises au titre du droit individuel à la formation (décret n° 2007-1470 du 15 octobre 2007, relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie des fonctionnaires de l'Etat N° Lexbase : L6782HYT, JO du 16 octobre 2007). C'est, ici, au salarié ayant perdu son emploi que s'adressent les partenaires sociaux. Il permet, en effet, au salarié, de décider, pendant la période de prise en charge par le régime d'assurance chômage, d'utiliser ces heures pour financer des actions de formation, des bilans de compétences, des VAE, ou des mesures d'accompagnement. Deux conditions sont, ici, posées : que le référant du salarié soit d'accord, et que cette utilisation ait lieu au cours de la première moitié de la période d'indemnisation du chômage. Le financement sera assuré par l'organisme paritaire collecteur agréé, dont dépendait l'établissement dans lequel travaillait antérieurement le salarié.
Le salarié peut, encore, décider d'utiliser les heures cumulées lors de son ancien emploi à l'occasion de son retour à l'emploi. Cette utilisation est, toutefois, subordonnée à l'accord du nouvel employeur et elle est limitée dans le temps, puisque le salarié doit émettre ce voeu avant l'expiration des deux années suivant l'embauche. C'est, ici, l'organisme paritaire collecteur agréé, dont dépend la nouvelle entreprise dans laquelle il est embauché, qui financera les actions de formation.
L'accord renvoie aux accords de branche la charge de déterminer et de matérialiser les modalités de mise en oeuvre de ce nouveau dispositif. Il ouvre, en outre, la portabilité à d'autres droits que ceux expressément visés (comptes épargnes retraites).
Les branches professionnelles sont tenues d'ouvrir, dans les 12 mois de l'entrée en vigueur de l'accord, des négociations pour permettre la mise en place du dispositif de portabilité, initié comme ouvert...
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Réf. : Accord sur la modernisation du marché du travail du 11 janvier 2008
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par Charlotte Figerou, Juriste en droit social
Le 07 Octobre 2010
Alors que le Président de la République, Nicolas Sarkozy, en avait fait l'un de ses chevaux de bataille lors des élections présidentielles de mai dernier, le contrat de travail unique ne verra pas le jour. Rappelons, pour mémoire, que ce dispositif mort-né consistait à instaurer un seul type de contrat de travail pour toutes les entreprises, qui devait prendre le forme d'un contrat à durée indéterminée (lire, sur ce sujet, Le contrat de travail unique : questions à... Sophie Jammet, avocate au barreau de Paris, Lexbase Hebdo n° 254 du 29 mars 2007 - édition sociale N° Lexbase : N3786BAH).
On est loin, aujourd'hui, de ce contrat unique, puisque l'Ani du 11 janvier 2008, dans son article premier, réaffirme son attachement aux contrats de travail précaires. Après avoir rappelé, en effet, que le CDI reste la forme normale et générale du contrat de travail, les partenaires sociaux poursuivent en énonçant que le contrat de travail à durée déterminée et le contrat de travail temporaire conservent leur utilité et constituent des moyens de faire face à des besoins momentanés de main-d'oeuvre. Rien de bien neuf ici, si ce n'est le désir d'inscrire, une nouvelle fois, dans le marbre que notre droit du travail n'entend pas faire une croix sur le recours aux contrats précaires, dès lors que l'employeur les utilise rationnellement.
Actuellement, la période d'essai est fixée par l'accord de branche, le plus souvent, à 3 mois renouvelables une fois pour les cadres, et un mois renouvelable une fois pour les non cadres.
A première vue, l'Ani allonge la durée de la période d'essai, puisque, selon l'accord, la nouvelle période d'essai "interprofessionnelle" est comprise, pour les ouvriers et les employés, entre 1 et 2 mois maximum ; pour les agents de maîtrise et les techniciens, entre 2 et 3 mois maximum ; enfin, pour les cadres, entre 3 et 4 mois maximum. Or, l'Ani permet à un accord de branche de renouveler une fois cette durée, sans que l'essai ne puisse respectivement dépasser 4, 6 et 8 mois.
Certaines organisations syndicales sont, alors, montées au créneau, craignant par là même le retour d'un "mini CNE". Mais, à y regarder de plus près, cette crainte semble injustifiée. En effet, on imagine mal un syndicat se risquer à signer un accord de branche prévoyant ce renouvellement de l'essai...
Ainsi, finalement, les nouvelles durées de la période d'essai, hors renouvellement, sont sensiblement équivalentes aux anciennes... Peu de changement à ce niveau là, donc.
Par ailleurs, l'Ani prévoit que la durée d'un stage de fin d'études sera, désormais, prise en compte dans la durée de la période d'essai, "sans que cela puisse la réduire de plus de moitié, [...] en cas d'embauche dans l'entreprise à l'issue de la formation".
L'une des principales innovations de l'accord est la création d'un nouveau mode de rupture du CDI, de type conventionnel. C'est, ici, l'un des changements majeurs apportés par cet Ani et qui valide une pratique largement répandue dans l'entreprise mais qui revêtait, jusque-là, la forme d'un licenciement déguisé. En effet, les employeurs peuvent déjà conclure des transactions avec les salariés dont ils veulent se séparer. Cependant, de telles transactions ne permettent l'accès à l'assurance-chômage que si elles sont déguisées en licenciement.
La rupture conventionnelle n'est ni un licenciement, ni une démission, et elle suppose l'accord des deux parties, employeur et salarié. Cette rupture négociée ouvre droit aux indemnités de rupture (1/5ème de mois par année d'ancienneté dans l'entreprise) et aux allocations de chômage, à l'instar du licenciement. Le salarié et -c'est nouveau- l'employeur pourront se faire assister, lors des discussions préalables à cette rupture. Surtout, ce mode de rupture accorde une place toute particulière à l'Etat, puisque l'Ani prévoit l'homologation de la rupture par le directeur départemental du travail, ce qui constitue incontestablement une nouveauté. Précisons que le silence de ce dernier vaut acceptation de la rupture conventionnelle, passé un délai de 15 jours. Par ce dispositif, on voit se profiler le rôle du juge administratif que le salarié devra saisir s'il se ravise. Et l'on imagine aisément combien la procédure prud'homale qui s'ensuivra sera longue et délicate...
L'Ani rappelle la nécessité de motiver tous les licenciements. Tous doivent donc reposer sur un motif réel et sérieux, motif dont le salarié doit nécessairement avoir connaissance. En outre, et c'est ici que l'Ani est plus novateur, l'indemnité minimale de licenciement est doublée lors des dix premières années dans l'entreprise, puisque son montant ne peut être inférieur, sauf dispositions conventionnelles plus favorables à partir d'un an d'ancienneté dans l'entreprise, à 1/5ème du salaire mensuel par année de présence.
A relever également, l'Ani redonne toute sa place à la conciliation prud'homale qui doit, aux termes du texte, retrouver "son caractère d'origine de règlement amiable, global et préalable à l'ouverture de la phase contentieuse proprement dite devant le bureau de jugement".
L'Ani institue, à titre expérimental, un nouveau contrat de travail, réservé aux ingénieurs et cadres, et conclu pour la réalisation d'un objet défini. Autrement dit, sa réalisation constitue un motif valable de rupture de contrat, automatiquement donc. Ce contrat, conformément au souhait de certaines organisations syndicales, prendra la forme d'un contrat à durée déterminée, par définition plus difficile à rompre et plus avantageux pour le salarié en termes d'indemnités de rupture. La durée de ce CDD, dont le terme est incertain, est comprise entre 18 et 36 mois, sans possibilité de renouvellement. Le recours à ce type de contrat est subordonné à la conclusion d'un accord de branche ou d'entreprise, précisant les "nécessités économiques auxquelles il est susceptible d'apporter une réponse adaptée". En outre, ce contrat pourra être rompu à la date anniversaire de sa conclusion, soit un an après sa signature, par l'une ou l'autre des parties pour un motif réel et sérieux. S'il est effectivement rompu, le salarié a droit à une indemnité d'un montant égal à 10 % de sa rémunération brute et non assujettie aux prélèvements sociaux et fiscaux. Le salarié aura, par ailleurs, droit aux allocations chômage.
Aux termes de l'Ani, un mécanisme de portabilité est mis en place afin de garantir le maintien de l'accès à certains droits liés au contrat de travail en cas de rupture de celui-ci. Il est, ainsi, prévu que le salarié pourra conserver le bénéfice des garanties des couvertures complémentaires santé et prévoyance pendant une durée égale à un tiers de sa durée d'indemnisation du chômage, avec un minimum de trois mois. Par ailleurs, il gardera également 100 % du solde des heures de formation, acquises au titre du droit individuel à la formation (Dif) dans son ancienne entreprise (20 heures par an, dans la limite de 120 heures).
L'Ani prévoit plusieurs mesures en faveur des jeunes, parmi lesquelles on retiendra surtout, ainsi que nous l'avons énoncé ci-dessus, la prise en compte de la durée du stage, intégré à un cursus pédagogique réalisé lors de la dernière année d'études, dans la durée de la période d'essai. Egalement, novation importante, la création d'une prime forfaitaire pour les jeunes de moins de 25 ans (c'est-à-dire n'ayant pas droit au RMI), involontairement privés d'emploi et ne remplissant pas les conditions de durée d'activité antérieure ouvrant l'accès aux allocations chômage.
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Le 07 Octobre 2010
8h15 : Accueil des participants - Service du petit-déjeuner
8h30 : Fiscalité de la détention
- Revenu (dividendes, prélèvement forfaitaire libératoire, paiement à la source des prélèvements sociaux, sociétés à prépondérance immobilière, déduction des intérêts d'emprunt pour l'acquisition d'une résidence principale, imposition des plus-values)
- ISF (réduction pour investissement dans les PME-FIP/FCPI/FCPR, aménagement du bouclier fiscal, Pacte "Dutreil")
9h45 : Fiscalité de la transmission
- Assouplissement du Pacte "Dutreil"
- Donations, successions (réversion d'usufruit, partage, testament-partage, mandat posthume)
11h00 : Questions des participants - Débats
11h30 : Clôture de la Matinée
Pierre Berger,
Avocat associé, Cabinet Fidal,
Membre du Conseil National des Barreaux,
Bâtonnier des Hauts-de-Seine
Marceau Clermon,
Notaire associé,
SCP Dupont-Cariot, Depaquit et Clermon
Judith Sebillotte-Legris,
Associé gérant,
Score Patrimoine
- Date et lieu :
Jeudi 21 février 2008, de 8h30 à 11h30, à l'Hôtel de Crillon, 10, place de la Concorde - 75008 Paris
- Renseignements et inscriptions :
Laure Flemal
Tél. : 08 25 08 08 00
Fax : 01 76 73 48 13
E-mail : matineesdebats@lamy.fr
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Réf. : Accord sur la modernisation du marché du travail du 11 janvier 2008
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par Stéphanie Martin-Cuenot, Ater à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV
Le 07 Octobre 2010
Le problème, outre la nécessaire intervention du législateur, résulte des multiples renvois de l'accord à la négociation de branche, interprofessionnelle, voire d'entreprise, ceci risquant d'allonger le délai d'entrée en application effective du dispositif et de créer des disparités entre les branches et, donc, entre les salariés.
Si l'objectif fixé est louable, les moyens seront-ils suffisants ?
1. Accession et pérennisation de l'emploi
A. "Nouvelle orientation" de l'orientation professionnelle (article 2)
L'accord sur la modernisation du marché du travail vient donner une importance inédite et une nouvelle jeunesse à l'orientation en l'adaptant aux réalités du travail, ce qu'il convient d'approuver.
L'objectif est clairement précisé : réduire le taux d'échec et les sorties sans diplômes. Pour ce faire, les partenaires sociaux ont imaginé des moyens ou, plus justement, ont déterminé des lignes directrices, qu'il appartiendra aux partenaires sociaux de mettre en application. La détermination des modalités concrètes de mise en oeuvre de cette "orientation professionnelle nouvelle" est, en effet, renvoyée aux partenaires de la branche.
Vus l'intérêt et la nécessité de l'orientation professionnelle, il leur apparaît important de faire de l'orientation professionnelle un élément concret et accessible pour tous. L'un des moyens principaux mis en avant est la création de liens entre l'école et l'entreprise. L'orientation professionnelle ne sera plus simplement une présentation des différentes voix qui s'offrent au "demandeur", compte-tenu de sa formation ou de son expérience professionnelle, mais elle sera fonction du marché du travail et elle se fera en accord avec celui-ci.
Les partenaires sociaux souhaitent que soient définies des actions pour aider et rendre effective l'intervention des entreprises à l'école. L'accord ne vient pas définir les modalités de cette intervention, mais confie aux accords de branche, le soin de déterminer et définir les moyens permettant de les mettre en oeuvre.
Ils entendent, en outre, parallèlement, que soit mis en place un système d'information des salariés et des entreprises. L'information portera sur les secteurs d'activité, la diversité des métiers, les entreprises, les organisations, ainsi que sur la formation tout au long de la vie. Elle s'adressera donc à tous et devra permettre à la personne "demanderesse" de disposer d'informations sur les débouchés immédiats mais, également, à plus long terme, de l'orientation qu'il a choisie, qu'il envisage de choisir ou sur la profession qu'il occupe.
L'accord met, enfin, à la charge des partenaires sociaux le soin de diffuser et de valoriser les informations disponibles concernant les différents secteurs d'activité, les métiers y afférents et leurs évolutions prévisibles. Là encore aucun outil n'est clairement établi, mais l'accord suggère la création d'un site internet interprofessionnel destiné à recueillir et diffuer ces informations, ce qui vient confirmer la volonté d'en assurer la diffusion la plus large et la plus accessible (qui n'a pas accès à internet ?).
B. Facilitation de l'accès à l'emploi des plus jeunes (article 3)
Les partenaires sociaux ont souhaité permettre aux plus jeunes de mettre toutes les chances de leur côté pour accéder ou retrouver un emploi.
Cet article vient prévoir et imposer la prise en compte effective des stages, contrats d'apprentissage et contrats de professionnalisation comme élément à part entière de la vie professionnelle du salarié.
Les partenaires sociaux souhaitent faire des stages inscrits dans un cursus pédagogique, des contrats de professionnalisation et des contrats d'apprentissage, un élément du parcours professionnel du salarié.
Lorsqu'un stage professionnel débouche sur un emploi dans la même entreprise, il est prévu que la durée du stage viendra réduire la durée de la période d'essai. Les partenaires posent, toutefois, une limite à cette prise en considération : la durée du stage prise en compte ne pourra être supérieure à la moitié de la période d'essai prévue au contrat.
Cette règle est clairement assortie d'un caractère d'ordre public social, puisque l'accord laisse aux accords de branche ou d'entreprise la possibilité de prévoir une disposition plus favorable, c'est-à-dire d'augmenter la durée du stage à imputer sur la période d'essai.
Les partenaires sociaux font du stage et du contrat d'apprentissage, ou du contrat de professionnalisation, un élément à part entière du parcours professionnel du salarié. Ces contrats feront, désormais, l'objet d'une mention sur le passeport formation du salarié.
Ils délèguent, enfin, aux accords de branche, la charge de rechercher et définir, prioritairement par le biais de la négociation collective, les moyens permettant de favoriser l'embauche des jeunes ayant accomplis des stages, contrats d'apprentissage ou de formation. Bien que marquant sa préférence pour les contrats de travail à durée indéterminée, l'accord laisse la possibilité aux partenaires sociaux d'orienter leurs efforts vers d'autres types de contrats de travail.
L'accord met, en premier lieu, en place, pour les jeunes de moins de 25 ans ayant perdu leur emploi, un dispositif d'accompagnement et d'indemnisation.
D'une part, en effet, le jeune de moins de 25 ans bénéficiera, à l'issue de son contrat de travail, d'un examen personnalisé et de mesures d'accompagnement. Ces mesures sont identiques à celles prévues par l'accord pour tout demandeur d'emploi (article 17). Elles ont pour objet de contribuer au retour le plus rapide possible du salarié dans un emploi et de répondre, de la manière la plus adéquate possible, aux besoins des entreprises.
D'autre part, il est prévu, pour les jeunes de moins de 25 ans, involontairement privés d'emploi et qui ne remplissent pas les conditions d'activité leur permettant de bénéficier d'une autre indemnité et, singulièrement, de leur prise en compte par l'assurance chômage, le versement d'une prime dont le montant et les modalités sont calqués sur les nouvelles règles prévues pour assurer un revenu de remplacement aux chômeurs (article 16). Il faudra donc attendre les résultats des négociations interprofessionnelles prévues au cours du 1er semestre 2008 pour en savoir plus à ce sujet (III de l'accord).
C. Développement de la formation professionnelle (article 7)
Dans ce domaine, il est prévu, au préalable, de faire un bilan de l'accord du 5 décembre 2003. Cet accord doit être éprouvé, son dispositif pérennisé mais, également, amélioré, car il est vu comme un élément favorisant l'évolution professionnelle du salarié. La formation professionnelle tout au long de la vie constitue, pour les partenaires sociaux, un élément déterminant la sécurisation du parcours professionnel.
Il s'agit donc de perpétuer et de compléter les actions de formation existantes et les dispositifs déjà en place, pour permettre à tout salarié de développer, parfaire, renouveler sa qualification, ses compétences et ses aptitudes. La volonté des partenaires sociaux est de déployer les moyens permettant de favoriser l'employabilité, le développement des compétences du salarié, afin qu'il conserve son emploi, ou, à tout le moins, un emploi.
Cette incitation et, partant, ces actions de formation, se feront en rapport avec les résultats de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, ce qui permettra d'optimiser la formation et au besoin de l'orienter "vers l'emploi".
L'accord donne aux partenaires sociaux au niveau interprofessionnel le soin de faire le bilan, de tirer les conséquences, de porter les améliorations et de prendre les dispositions propres à remplir ces objectifs.
C'est, également, à eux qu'il est demandé de développer le système de formation tout au long de la vie. L'accord commenté vient seulement donner des exemples de ce qu'il est possible de faire : simplifier le dispositif existant, mettre en place un accompagnement effectif du salarié candidat à la validation des acquis de l'expérience.
L'accent est mis, de ce point de vue, sur le passeport formation, qui doit trouver un plus large écho auprès des salariés. Celui-ci doit permettre de faciliter l'accès à l'emploi durable des salariés titulaires de contrats de travail à durée déterminée, de participer au développement des compétences des salariés à temps partiel (domaine dans lequel il est néanmoins prévu l'ouverture de négociations de branches afin de permettre aux travailleurs à temps partiel d'accéder à la formation).
Il est, enfin, imposé que la tenue des réunions de consultation du comité d'entreprise sur l'exécution du plan de formation de l'année ait lieu avant le 1er octobre, et celle sur le projet de plan de l'année avant le 31 décembre.
2. Sécurisation des "transitions"
Il s'agit d'une étape vers un dispositif plus poussé. L'accord voit, dans les deux dispositifs de mobilités et de transitions professionnelles, une première étape, qui doit être complétée par la mise en place d'autres dispositifs qui devront être déterminés par un groupe de travail.
Là encore aucune précision n'est donnée sur les fonctions et la composition de ce groupe, la seule chose connue est son objet, le maintien dans l'emploi, qu'il convient de saluer.
A. Accompagnement de la mobilité professionnelle et géographique (article 8)
Cette mobilité est vue, à juste titre par les partenaires sociaux, comme un moyen permettant de favoriser l'évolution et la promotion sociale du salarié et, par voie de conséquence, de le protéger contre la perte d'emploi ou, plus largement, contre l'inactivité.
L'accord s'intéresse précisément à deux pans de la mobilité professionnelle, celle voulue par le salarié et celle voulue par l'employeur.
La première est souvent abandonnée, faute pour le salarié d'avoir les éléments lui permettant de prendre une décision. Pour cette raison, l'accord vient ouvrir au salarié, souhaitant évoluer professionnellement, quelle que soit cette évolution, l'accès au service public de l'emploi, et ce, afin de lui offrir la possibilité d'obtenir les outils lui permettant d'acquérir de nouvelles compétences ou de changer de voie, comme, par exemple, des aides juridiques et financières à la création ou la reprise d'entreprise. Pour que cet accompagnement soit total et qu'il existe le moins possible d'obstacle au changement d'orientation du salarié, l'accord prévoit une recherche avec les pouvoirs publics d'un moyen qui pourrait permettre au salarié demandeur de bénéficier de la continuité de ses droits en cas de passage d'un régime à un autre, ce qui n'est pas le cas pour l'instant, or, ceci peut être un frein au changement.
La seconde, la mobilité géographique, singulièrement lorsqu'elle est imposée par l'employeur, est vécue comme un traumatisme. Pour cette raison, les partenaires sociaux souhaitent que soit mis en place un encadrement, un accompagnement à cette mobilité, ainsi que des dispositions pour anticiper ce changement.
Les partenaires sociaux fournissent une liste non limitative des dispositifs à créer au profit du salarié et de sa famille afin qu'il soit en mesure de se familiariser et, partant, d'accepter ce changement : visite du futur lieu de travail, aide au déménagement, aide à la recherche d'un logement, recherche d'un établissement scolaire, d'une voiture, d'un emploi pour le conjoint....
Un effort particulier doit être fait au niveau financier mais, également, au niveau de l'organisation pour permettre une bonne gestion du "futur dispositif mobilité". La réussite de cet accompagnement repose sur l'information qui en est faite. Pour cette raison, les partenaires sociaux de la branche et les organisations territoriales sont tenues de communiquer aux entreprises et aux salariés, les différents dispositifs existants, et d'assurer une large diffusion aux meilleures pratiques des autres branches afin d'inciter à leur reprise.
Outre ce nouvel engagement de la branche, l'accord impose aux entreprises de plus de 300 salariés de faire de cet accompagnement mobilité un véritable objectif de l'entreprise. Les modalités de mise en oeuvre de ce dispositif sont donc laissées à leur discrétion.
B. Ouverture de l'accès à la portabilité de certains droits (article 14)
L'accord vient mettre en place un mécanisme de portabilité des droits liés au contrat de travail en cas de rupture de celui-ci. Tout salarié, à la condition, toutefois, que son contrat de travail ne soit pas rompu pour faute lourde, pourra bénéficier de cette portabilité. Celle-ci porte sur divers droits expressément visés par l'accord.
En premier lieu, l'accord prévoit la conservation des couvertures complémentaires santé et prévoyance appliquées à leur ancienne entreprise pendant la période de chômage. La durée de ce maintien est, toutefois, encadrée. Il ne pourra, en effet, être inférieur à 3 mois et il ne pourra dépasser un tiers de la durée des droits à indemnisation du salarié. L'accord ne prévoit pas les modalités de financement du maintien de ces garanties (employeurs/salariés ou mutualisation), ce qui repousse de six mois l'entrée en application de ce mécanisme.
L'accord vient, en second lieu, permettre au salarié de mobiliser les heures acquises au titre du droit individuel à la formation (décret n° 2007-1470 du 15 octobre 2007, relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie des fonctionnaires de l'Etat N° Lexbase : L6782HYT, JO du 16 octobre 2007). C'est, ici, au salarié ayant perdu son emploi que s'adressent les partenaires sociaux. Il permet, en effet, au salarié, de décider, pendant la période de prise en charge par le régime d'assurance chômage, d'utiliser ces heures pour financer des actions de formation, des bilans de compétences, des VAE, ou des mesures d'accompagnement. Deux conditions sont, ici, posées : que le référant du salarié soit d'accord, et que cette utilisation ait lieu au cours de la première moitié de la période d'indemnisation du chômage. Le financement sera assuré par l'organisme paritaire collecteur agréé, dont dépendait l'établissement dans lequel travaillait antérieurement le salarié.
Le salarié peut, encore, décider d'utiliser les heures cumulées lors de son ancien emploi à l'occasion de son retour à l'emploi. Cette utilisation est, toutefois, subordonnée à l'accord du nouvel employeur et elle est limitée dans le temps, puisque le salarié doit émettre ce voeu avant l'expiration des deux années suivant l'embauche. C'est, ici, l'organisme paritaire collecteur agréé, dont dépend la nouvelle entreprise dans laquelle il est embauché, qui financera les actions de formation.
L'accord renvoie aux accords de branche la charge de déterminer et de matérialiser les modalités de mise en oeuvre de ce nouveau dispositif. Il ouvre, en outre, la portabilité à d'autres droits que ceux expressément visés (comptes épargnes retraites).
Les branches professionnelles sont tenues d'ouvrir, dans les 12 mois de l'entrée en vigueur de l'accord, des négociations pour permettre la mise en place du dispositif de portabilité, initié comme ouvert...
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