La lettre juridique n°241 du 21 décembre 2006

La lettre juridique - Édition n°241

Éditorial

Les éditions juridiques Lexbase : la somme des originalités pertinentes

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N5376A9Y

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la rédaction

Le 27 Mars 2014


Loin de nous l'idée de "surfer" sur les thèmes principaux des campagnes électorales de 2007 ; mais force est de constater que l'actualité juridique oblige la treizième édition de votre Revue Lexbase de Droit Public à traiter de ces thèmes avec toute la neutralité doctrinale qu'il se doit.

Au chapitre identitaire, Olivier Dubos, Professeur de droit public à l'université Montesquieu-Bordeaux IV, revient sur la coopération entre l'Union européenne et les régions, replaçant sur le devant de la scène, même si l'auteur la condamne, l'idée d'une Europe des Régions qui s'instaurerait progressivement aux lieu et place de l'Europe des Etats. Chacun sait que ces régions profitent de la construction européenne pour s'affirmer face à leur tutelle étatique, en prenant souvent Bruxelles comme interlocuteur, sans passer par leur pouvoir national. Elles tentent, parfois, de se regrouper entre elles, voire de part et d'autres des frontières, pour faire valoir leurs intérêts propres (régions de l'arc Atlantique, Catalogne française et espagnole, régions de l'axe central de l'Union, dit "banane bleue", etc.). La création du Comité des régions par le Traité de Maastricht a confirmé cette tendance à dépasser le cadre étatique et à créer un lien direct entre régions et Union européenne. C'est pourquoi, il nous paraissait important, à l'heure de la relance de la construction européenne, de revenir sur une communication de la Commission intitulée "Les régions, actrices du changement économique" et sur le Règlement concernant l'application des articles 87 et 88 du Traité aux aides nationales à l'investissement à finalité régionale.

Au chapitre de la cohésion sociale, il serait difficile de faire l'impasse sur les thèmes de la qualité du logement et celui de l'immigration. Nicolas Wismer, Collaborateur juridique à des associations de collectivités territoriales et Chargé d'enseignement en droit public à l'IEP de Lyon, vous propose de s'attarder sur le décret relatif à la lutte contre l'habitat insalubre ou dangereux et à la sécurité des immeubles collectifs d'habitation. Ce décret, qui fait suite à l'ordonnance du 15 décembre 2005 relative à la lutte contre l'habitat insalubre ou dangereux, donne, enfin, les clés de la politique locale pour assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publique. Par ailleurs, Fréféric Dieu, Commissaire du Gouvernement près le tribunal administratif de Nice, invite à plusieurs réflexions sur la loi du 14 novembre 2006 et le renforcement du contrôle des mariages. Cette loi aurait pour but d'identifier et de priver d'effets ceux de ces mariages qui peuvent être dits "simulés", c'est-à-dire ceux qui ne reposent pas sur la volonté libre et éclairée de vouloir se prendre pour mari et femme et, plus particulièrement, ceux qui sont entachés d'un défaut de sincérité d'intention matrimoniale, en clair, les mariages de complaisance (dits "mariage blanc") conclus exclusivement à des fins migratoires ou pour obtenir un avantage professionnel, social, fiscal ou successoral.

Au chapitre, à proprement parler, électoral, Guy Prunier, Chargé de mission au Conseil constitutionnel, revient, pour vous, sur la querelle des investitures en droit électoral, en prenant soin de rappeler que, si la vie politique démocratique s'articule autour des partis politiques, soit qu'ils patronnent des candidats, soit que ces derniers s'en réclament expressément, la référence aux formations politiques n'apparaît guère en droit électoral, sauf lorsqu'il s'agit de définir les règles d'accès aux chaînes de radio et de télévision pour certaines campagnes électorales. Il rappelle, et tire les conséquences, du principe selon lequel aucune des dispositions du Code électoral relatives aux modalités de dépôt des candidatures ne fait référence à l'existence d'un parti ; on peut donc se porter candidat sans être présenté par une formation politique ou revendiquer son patronage...

Au chapitre de la décentralisation accélérée, nos équipes de la rédaction se sont entretenues avec J.-M. Moreau, vice-président du comité "Collectivités locales" et du club "Secteur public" de l'Ordre des experts-comptables (pluralisme des doctrines oblige), sur le choix du mode de gestion d'un service public par les collectivités, l'Ordre devant publier un ouvrage prochainement sur cette question.

A noter, enfin, une nouvelle initiative de Lexbase Hebdo - édition fiscale en faveur de la mutualisation des doctrines et des savoirs sur les grands problèmes fiscaux de ces derniers mois : nous vous proposons une sélection de quatre études d'exception rédigées par le Master II Droit Fiscal des Affaires de l'Université de Rennes I, sous la direction scientifique des Professeurs Yolande Sérandour, Henri Hovasse et Renaud Mortier. Il s'agit d'une expérience unique qui permettra, cette année et les années à venir, de vous apporter l'état du droit positif et des réflexions doctrinales sur les problèmes les plus complexes et transversaux de la fiscalité : La fiscalité de la location d'entreprise, par Pierre-Marie Hourdin ; Le calcul des plus ou moins values de cession de parts de sociétés de personnes, par Marion Le Doeuff ; Fusions et normes IFRS, par Frédéric Keller ; L'exonération de 75 % des droits de mutation à titre gratuit et la location meublée professionnelle, par François Genuyt.

Toutes les équipes des éditions juridiques Lexbase vous souhaitent de bonnes fêtes de fin d'année et seront ravies de vous retrouver pour nos nouvelles éditions le 4 janvier prochain.

newsid:265376

Fiscal général

[Doctrine] La location d'entreprise, la cession de parts de sociétés de personnes, les fusions et les normes IFRS, la location meublée professionnelle : 4 études complètes pour 4 problèmes fiscaux d'actualité

Lecture: 3 min

N4238A9T

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Le 07 Octobre 2010

Une nouvelle initiative de Lexbase Hebdo - édition fiscale en faveur de la mutualisation des doctrines et des savoirs sur les grands problèmes fiscaux de ces derniers mois : nous vous proposons une sélection de quatre études d'exception rédigées par le Master II Droit Fiscal des Affaires de l'Université de Rennes I, sous la direction scientifique des Professeurs Yolande Sérandour, Henri Hovasse et Renaud Mortier. Il s'agit d'une expérience unique qui permettra, cette année et les années à venir, de vous apporter l'état du droit positif et des réflexions doctrinales sur les problèmes les plus complexes et transversaux de la fiscalité.
Au sommaire, cette année :

Le droit de la location a suscité ces derniers mois autant d'espoirs que de craintes chez les entrepreneurs. La loi "Jacob-Dutreil" du 2 août 2005 (loi n° 2005-882 [LXB =L7582HEK]) leur promet, en effet, un nouveau mode de transmission des entreprises, la location des titres de société, parts ou actions. S'agissant des inquiétudes, elles naquirent en 2004, de la remise en cause par la cour administrative d'appel de Paris de l'intérêt fiscal de la transmission des entreprises grâce à la technique de la location-gérance du fonds de commerce. Si la loi de finances pour 2006 (loi n° 2005-1719 N° Lexbase : L6429HET) mit un terme au débat suscité par cet arrêt, tout en renouvelant la fiscalité de la location-gérance de fonds, le traitement fiscal de la location de titres comporte encore des incertitudes. Cette étude sera l'occasion de revenir sur les avantages et les risques de cette technique séculaire qu'est la location-gérance de fonds de commerce et de s'interroger sur la fiscalité de la location de titres de société.

  • Le calcul des plus ou moins values de cession de parts de sociétés de personnes (N° Lexbase : X7803ADD)
    Par Marion Le Doeuff

La précision de ce sujet s'explique par l'existence de difficultés se révélant lors du calcul de ces plus ou moins values. Succinctement, le risque pour l'administration fiscale est de voir le contribuable bénéficier d'une double déduction des déficits. L'inverse étant également possible, le contribuable peut être sujet à une double imposition des bénéfices. Même s'ils sont peu nombreux, les arrêts des différentes juridictions rendus en la matière constituent la source d'information la plus instructive. Ils permettent dans un premier temps de saisir la complexité du sujet et dans un second temps de le comprendre. En effet, ces arrêts ont une vocation pratique puisqu'ils posent des modalités de calcul. Néanmoins, pour traiter de ce sujet il n'est pas nécessaire de faire uniquement une analyse de la jurisprudence. Pour cette raison, cette étude s'intéresse également aux solutions apportées par d'autres régimes en présence du même problème.

La réforme comptable des fusions et opérations assimilées s'inscrit dans une volonté de faire progressivement converger le Plan Comptable Général vers les normes IAS /IFRS. Un intérêt tout particulier doit donc être porté à ce mouvement pour comprendre dans quelle mesure la modification du régime des fusions a été inspirée par la philosophie des normes comptables internationales. Cette recherche implique de dégager les points communs existant entre les deux référentiels. L'examen des conséquences fiscales de la réforme pourra ensuite conduire à se demander si les réactions du législateur face à une évolution de cette ampleur ont été suffisantes et adaptées. La difficulté de ce sujet réside essentiellement dans l'étroite relation entre la comptabilité et la fiscalité. Elle impose, en effet, une extrême rigueur dans la compréhension et l'articulation de ces deux corps de règles. Mais, une telle difficulté nous donnera précisément l'occasion de mener une réflexion plus globale, à travers un exemple précis, sur la pertinence du maintien de cette connexion à l'heure de l'avènement des normes IFRS.

  • L'exonération de 75 % des droits de mutation à titre gratuit et la location meublée professionnelle (N° Lexbase : X7804ADE)
    Par François Genuyt

L'exonération de 75 % des droits de mutation à titre gratuit est un dispositif récemment amélioré afin d'optimiser la transmission des entreprises. La location meublée professionnelle (LMP) est un moyen traditionnel d'optimisation fiscale du patrimoine, permettant de dégager des déficits fiscaux en cours d'exploitation. Appliquer le dispositif d'exonération à la LMP permet d'achever l'optimisation fiscale en bénéficiant, pour la transmission de la LMP, d'un régime favorable. Le but patrimonial de la LMP n'empêche pas l'application du dispositif à cette exploitation. Le caractère personnel et familial oblige cependant à adapter le dispositif d'exonération. Le lien entre la LMP et l'exonération des droits de mutation n'avait pas été déjà réellement approfondi. Il permet de faire une jonction entre les règles des BIC et celles des articles 787 B (N° Lexbase : L1921HNH) et 787 C (N° Lexbase : L8205HLH) du CGI, dans le cadre plus général de la transmission d'entreprise.

newsid:264238

Droit financier

[Jurisprudence] Première décision de la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers en matière de sanction des déclarations de franchissement de seuils

Réf. : Décision AMF, 9 novembre 2006, à l'égard de la société Jousse Morillon Investissement (N° Lexbase : L6733HTK)

Lecture: 12 min

N5425A9S

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Le 07 Octobre 2010

"Ce n'est pas l'histoire qui fait le jugement : c'est le jugement qui fait l'histoire" (1). Voilà une formule propre à souligner le rôle de la jurisprudence et à illustrer l'importance de la position de celui qui juge, dans le regard, ultérieur, que nous posons sur l'évolution du droit. A ce titre, la décision qui vient d'être rendue, le 7 novembre dernier, par la Commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers (AMF) ne marquera les annales que parce qu'elle est la première en la matière. Depuis la réforme de l'autorité boursière, c'est, en effet, la première fois que la Commission rend une décision de sanction à l'encontre d'une société de gestion de portefeuille qui s'est abstenue d'effectuer, dans les délais impartis, des déclarations de franchissement de seuil.
Sur ce point l'AMF, en investissant un nouveau domaine du droit des marchés financiers, conforte l'essor de sa fonction juridictionnelle, essor qui, s'il prend la voie de celui qu'avait suivie l'ancienne Commission des opérations de bourse (COB), devrait singulièrement étoffer sa jurisprudence. On sait, toutefois, que la jurisprudence de la défunte COB, à l'époque, en raison de l'ambiguïté de son statut et de l'absence de mécanismes procéduraux adaptés (2), s'était avérée particulièrement vulnérable aux recours fondés sur les prescriptions de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales (Convention EDH). Lors de la création de l'AMF, le législateur a donc tiré parti des problèmes qu'avait rencontrés l'ancienne autorité boursière, afin de concevoir une structure et des modes de fonctionnement exempts de toute critique. Reste que, dans cette nouvelle structure, le pouvoir de l'AMF demeure à reconstruire en matière de sanctions, d'autant que le droit boursier, qui est affecté d'un mouvement de complexification permanent, nécessite, dans une perspective de sécurité juridique, que ses modalités d'application soient sans cesse précisées. La décision du 7 novembre 2006 offre, ainsi, l'occasion pour l'AMF de sanctionner la violation des règles d'information en matière de franchissement de seuil (I) tout en indiquant au marché quelles seront, à l'avenir, les techniques d'analyse retenues pour rendre sa décision (II).

I - Une violation caractérisée des règles d'information en matière de franchissement de seuil

La violation des règles d'information en matière de franchissement de seuil a été réalisée, en l'espèce, dans un contexte d'offre publique (A) mais l'AMF apprécie les faits en faisant abstraction de la situation particulière de la société-cible. En effet, l'analyse des responsabilités encourues fait ressortir la particularité du régime applicable aux fonds commun de placement (FCP) (B).

A - Un franchissement de seuil dans un contexte d'offre publique

La société Saveurs de France SA (Saveurs de France), société de droit français cotée sur le marché Eurolist d'Euronext Paris, fait l'objet d'une offre publique d'achat. Après le lancement de l'offre, le département de surveillance des marchés constate que des mouvements importants sont opérés sur l'action entre le 1er janvier et le 15 février 2005 et, à un tel niveau, que le titre connaît une hausse de plus de 37,5 % durant cette période. Ces faits conduisent le secrétaire général de l'AMF à ouvrir une enquête le 21 juin 2005. Celle-ci établit que les achats ont été effectués par un FCP : la société Stock picking France (Stock picking) et que ce fonds -qui ne dispose pas, par nature, de la personnalité juridique- est représenté, conformément aux dispositions de l'article L. 214-32 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L9959DYI), par la société de gestion Jousse Morillon investissement SA (société Jousse Morillon) chargée, ès qualités, d'effectuer les déclarations prévues à l'article L. 233-7 du Code de commerce (N° Lexbase : L3890HBP).

Or, alors que Stock-picking avait franchi, le 2 février, le seuil de 5 % du capital de la société Saveurs de France, puisqu'elle en détenait, à cette date, 7,30 % du capital social et 6,20 % des droits de vote ; la société Jousse Morillon ne portera pas le franchissement de seuil à la connaissance de l'émetteur et ne le déclarera à l'AMF que le 18 avril 2005. Le rapport relèvera qu'au jour de cette déclaration, Stock-picking détenait 9,9975 % du capital social de la société. A la suite de l'examen du rapport d'enquête par la Commission spécialisée du Collège de l'AMF, le président de l'AMF notifiera, le 19 juin 2006, un grief tiré de la méconnaissance des deux articles précités à la société Jousse Morillon.

On notera que la décision commentée insiste largement, à ce propos, sur le respect des éléments de procédure et, notamment, sur le fait que le rapport d'enquête a été annexé à la lettre portant notification de griefs et que sa copie a été transmise au président de la Commission des sanctions pour attribution et désignation d'un rapporteur. Un membre de la Commission des sanctions ayant été désigné en cette qualité le 21 juillet 2006, il déposera son rapport le 4 octobre 2006, la société Jousse Morillon étant convoquée devant l'AMF le 9 novembre 2006.

La question centrale concernant la responsabilité de la société Jousse Morillon tient, naturellement, à la non déclaration de franchissement de seuils. Mais il semble que l'Autorité l'apprécie d'une façon duale, c'est-à-dire en considération, d'abord, de l'infraction considérée in abstracto et, ensuite, des circonstances qui l'ont entourée. Cette grille d'analyse réduit, en l'espèce, l'appréciation de l'impact de l'infraction sur le fonctionnement du marché.

B - L'appréciation de l'infraction boursière liée au régime particulier applicable aux FCP

S'agissant de l'encadrement strictement juridique de l'activité incriminée, la situation est déjà singulière. Inutile de rappeler de façon exhaustive le statut des FCP, tel qu'il ressort des dispositions de l'article L. 214-20 du Code monétaire et financier dans sa rédaction issue de la loi du 1er août 2003 (3). Le FCP n'a pas la personnalité morale et constitue une copropriété d'instruments financiers et de dépôts sans que, pour autant, puissent s'y appliquer les dispositions du Code civil relatives à l'indivision, non plus que celles qui régissent la société en participation. Le fonds est donc dans une position qui ne lui permet pas de remplir les différentes obligations applicables sur les marchés financiers. C'est pourquoi le régime de représentation qui régit ses activités est caractérisé par l'existence d'une structure bicéphale. Aux termes de l'article L. 214-24 du même code (4), le fonds est, désormais, constitué à l'initiative conjointe d'une société de gestion de portefeuille, chargée de sa gestion, et d'une personne morale, dépositaire des actifs du fonds, l'article L. 214-25 précisant que le fonds est représenté à l'égard des tiers par la société chargée de sa gestion (5).

La question, face à cette double structure est de prévoir les responsabilités respectives des deux types de sociétés. Sur ce point, les textes apportent des réponses qui, dans le cas d'espèce, sont sans ambiguïté. D'une part, le règlement du fonds prévoit que les actifs sont conservés par un dépositaire unique, distinct de la société de gestion, et qui s'assure de la régularité des décisions de cette société, sa responsabilité n'étant pas "affectée" (sic) par le fait qu'il confie à un tiers tout ou partie des actifs dont il a la garde (C. mon. fin., art. L. 214-26) (6). L'article L. 214-28 dispose, ensuite, que la société de gestion ou le dépositaire sont responsables individuellement ou solidairement, selon le cas, envers les tiers ou envers les porteurs de parts, soit des infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables aux fonds communs de placement, soit de la violation du règlement du fonds, soit de leurs fautes.

Ce dernier texte peut paraître d'une redoutable imprécision, mais on peut, également, y voir -à l'inverse-, une règle-cadre (s'agit-il d'un principe ? nous en doutons) en vertu de laquelle, tout préjudice trouvera, en toute hypothèse, un responsable. Quant au partage de cette responsabilité, il pourra être précisé et modifié ultérieurement par le législateur, et éventuellement par la jurisprudence, du moins par voie d'interprétation. En l'espèce, la règle est claire, s'agissant de la société Jousse Morillon. L'attribution de la responsabilité de la déclaration à l'un des partenaires de la vie du fonds relève des dispositions du Code monétaire et financier qui prévoit, dans son article L. 214-32, que c'est la société de gestion qui est tenue d'effectuer les déclarations prévues à l'article L. 233-7 du Code de commerce, pour l'ensemble des actions détenues par les fonds communs de placement qu'elle gère (7). Cette disposition prévoit que toute personne physique ou morale agissant seule ou de concert qui vient à posséder un nombre d'actions représentant plus du vingtième du capital ou des droits de vote informe la société, dans un délai fixé par décret en Conseil d'Etat, à compter du franchissement du seuil de participation, du nombre total d'actions ou de droits de vote qu'elle possède. Le II du même article impose, également, d'effectuer cette déclaration auprès de l'AMF, dans un délai et selon des modalités fixés par son règlement général.

La question se pose, alors, dans la configuration particulière des FCP, non pas de déterminer l'identité du responsable (ce qui, dans le cas examiné, ne fait aucun doute), mais de juger la sanction applicable. Or, sur ce point, la motivation de l'Autorité des marchés financiers nous semble extrêmement explicite et permet de comprendre la logique qui pourra présider, ultérieurement, à son raisonnement dans des affaires comparables.

II - La logique suivie par l'Autorité des marchés financiers

L'Autorité des marchés financiers a rédigé sa décision dans des termes non équivoques. Grâce à une structuration de la décision en deux temps (A), elle pose les bases de sa jurisprudence quant à l'appréciation de l'infraction et de la gradation de la sanction (B).

A - Une structuration duale de la motivation

L'autorité rend d'abord sa décision au visa d'anciens textes, applicables au moment des faits de l'espèce, et en rappelle la teneur. L'AMF, en considération de la date des faits retient, en effet, qu'il convient d'appliquer les dispositions combinées des articles L. 621-15-II c) (N° Lexbase : L6268DIY) et L. 621-14-I (N° Lexbase : L6267DIX) du Code monétaire et financier dans leur rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 (loi n° 2005-842, 26 juillet 2005, pour la confiance et la modernisation de l'économie N° Lexbase : L5001HGC). Aux termes de ces textes, la Commission des sanctions peut prononcer une décision contre tout auteur de pratiques contraires aux dispositions législatives ou réglementaires, lorsque celles-ci "sont de nature à porter atteinte aux droits des épargnants ou ont pour effet de fausser le fonctionnement du marché, de procurer aux intéressés un avantage injustifié qu'ils n'auraient pas obtenu dans le cadre normal du marché, de porter atteinte à l'égalité d'information ou de traitement des investisseurs ou à leur intérêts ou de faire bénéficier les émetteurs ou les investisseurs des agissements d'intermédiaires contraires à leurs obligations professionnelles" (8).

En l'espèce, point n'est besoin pour l'autorité de motiver sa décision de façon surabondante. Elle relève, d'une part, que le fonctionnement du marché n'a pas véritablement été faussé puisque, même si le rapport déposé le 4 octobre 2006 a pour origine certaines interrogations des organes de contrôle de l'autorité, confrontés à un essor considérable de la valeur du titre, il faudra conclure, à terme, que "le manquement n'a pas eu d'incidence notable sur les quantités échangées ni sur le cours du titre". D'autre part, la Commission, relève qu'il a incontestablement été porté atteinte à l'égalité d'information ou de traitement des investisseurs, dès lors que le marché n'était pas informé du franchissement du seuil de 5 % (7,30 % du capital social). Elle souligne, au surplus, que, sur ce point, l'absence d'effet de cette absence de déclaration sur l'évolution de la valeur du titre concerné est indifférente dans l'appréciation de l'infraction (9).

Au-delà de cette appréciation stricte du comportement répréhensible de la société de gestion, il apparaît que l'autorité souligne, ce qui nous semble riche d'enseignements, que cette non-déclaration a été entourée de circonstances particulières. En effet, s'appuyant sur le rapport qui lui avait été remis, la Commission des sanctions relève que la déclaration tardive de la société Jousse Morillon a été réalisée alors que le FCP, dont elle était responsable, détenait 9,9975 % du capital social de la société. Ainsi, le fonds s'apprêtait à franchir un nouveau seuil de déclaration, celui des 10 %, de l'article L. 233-7 du Code de commerce, seuil qui, sur les marchés réglementés -ce qui n'était, il est vrai, pas le cas en l'espèce-, impose, au surplus, de déclarer les objectifs que l'acquéreur "a l'intention de poursuivre au cours des douze mois à venir". Pis encore, dans le cas du FCP, ce seuil représentait, selon les termes mêmes de la Commission, "l'extrême limite autorisée pour un fonds commun de placement en application de l'article L. 214-4 du Code monétaire et financier".

Cet ensemble de circonstances permet à l'autorité de démontrer que, loin d'être dû à une série de négligences, c'est "à dessein qu'elle [la société] a différé la date de déclaration de franchissement de seuil", et que ce dessein était "non contesté" par la société. Ceci posé, l'articulation de la décision nous donne des indications précieuses quant à la position adoptée par la commission dans son appréciation de l'infraction et de la sanction.

En effet, la constatation de l'atteinte à l'égalité d'information ou de traitement des investisseurs est opérée dans les motifs de la décision, où il est précisé que la circonstance de l'absence d'effet de la non notification est sans incidence sur l'appréciation de l'infraction. Cette dernière, de la sorte, est toujours constituée indépendamment de son impact sur le marché et doit être appréciée en fonction des données dont doivent disposer les investisseurs.

En revanche, c'est dans la partie de la décision intitulée "sanction" que la Commission souligne le caractère volontaire de la dissimulation du franchissement de seuil, ce qui laisserait entendre, qu'indépendamment de la constatation de l'infraction, l'AMF ne conclut pas à l'automaticité d'une sanction, mais module cette dernière en fonction de l'attitude adoptée par l'acteur du marché.

B - La portée de la décision

On ne saurait qu'approuver la rigueur du raisonnement esquissé dans cette première décision concernant les franchissements de seuils. La sanction y est, conformément aux principes du droit pénal (C. pén., art. 132-24) (10), analysée comme devant être personnalisée et appréciée en fonction des circonstances. Toutefois, au-delà de la recherche d'une bonne administration de la police des marchés, il convient de noter que la Commission n'est pas assujettie au respect des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire puisque les sanctions qu'elle inflige sont d'ordre disciplinaire et/ou professionnel. Cette spécificité est d'ailleurs reconnue par la loi qui autorise, autant que de raison, le cumul de ces peines avec celles qui sont infligées par les juridictions pénales. En revanche, lui sont applicables les prescriptions de la Convention européenne des Droits de l'Homme et, notamment, celles que l'on rattache à la notion de procès équitable en application de l'article 6 § 1 et 3 b) de la Convention. Or, c'est sur ce fondement que la Cour européenne des Droits de l'Homme a accepté de connaître indirectement d'un problème lié à la personnalisation de la peine dans l'affaire G.B. c/ France du 2 octobre 2001 (11).

En l'espèce, et compte tenu de l'impossibilité de comparer les deux espèces -l'une étant criminelle, et celle qui nous intéresse étant professionnelle- il est hautement improbable que l'AMF, contrairement à l'époque à laquelle la COB était régulièrement rappelée à l'ordre, puisse encourir les sanctions de la Cour européenne (12). Il demeure, toutefois, que l'autorité morale, qui est l'assise de la crédibilité du régulateur boursier, mérite qu'on accorde quelque attention à la forme de ses décisions.

Reste que si la motivation choisie apporte un certain nombre de garanties formelles, son fond mérite, également, l'attention. On relèvera, en premier lieu, que l'appréciation de l'existence de l'infraction est purement objective, c'est-à-dire dénuée de toute relation avec les effets que la non déclaration a pu avoir sur le marché. On peut en conclure que, dans l'absolu, la simple erreur matérielle commise à l'occasion de l'information de la société émettrice ou de l'autorité et, par extension, le retard, même très limité dans cette information, pourront être sanctionnés à l'avenir.

Il semble, en second lieu, que, sur le volet de la sanction, l'AMF conserve une grande latitude d'appréciation, du moins si l'on s'en tient à la lettre de sa motivation. Relevant, d'abord, que la non information n'avait eu d'effet ni sur le fonctionnement du marché ni sur la tenue des cours, elle souligne, ensuite, que le retard dans la notification du dépassement de seuil était délibéré et que ce dernier n'avait été révélé que lorsque la transmission de l'information était devenue inéluctable. En exergue, l'autorité relèvera implicitement que le caractère délibéré de l'omission n'était pas contesté. Ces constats conduisent la commission à infliger une amende de 30 000 euros à la société Jousse Morillon ainsi qu'à ordonner la publication du jugement.

Pour conclure, il apparaît qu'il est sans doute peu judicieux de porter une appréciation sur le poids de la sanction dans ce contexte particulier. D'aucuns trouveront que le volet financier a été apprécié de façon trop sévère, d'autres y verront une amende trop faible, mais, en toute hypothèse, il nous semble que la publication de la décision constitue une arme extrêmement dissuasive dans les mains de l'autorité. On en retirera simplement une certitude : toutes autres auraient été les peines si la société poursuivie n'avait pas reconnu sa mauvaise foi-flagrante-, et surtout si le marché avait eu à pâtir de l'inconséquence de son comportement (13).

Jean-Baptiste Lenhof
Maître de conférences à l'ENS- Cachan Antenne de Bretagne
Membre du centre de droit financier de l'Université de Paris I (Panthéon-Sorbonne)


(1) Gaétan Picon, in : L'écrivain et son ombre, Gallimard, 1996.
(2) J.-B. Lenhof, L'adéquation des procédures de sanction boursières aux prescriptions de l'article 6 de la CESDH - Première partie, Lexbase Hebdo n° 41 du 3 octobre 2002 - édition affaires (N° Lexbase : N3905AAU) et L'adéquation des procédures de sanction boursières aux prescriptions de l'article 6 de la CESDH - Seconde partie, Lexbase Hebdo n° 42 du 10 octobre 2002 - édition affaires (N° Lexbase : N4141AAM), à propos de deux arrets : CA Paris, 27 juin 2002, 1ère ch. section H, M. Gerbelot-Barillon c/ COB (N° Lexbase : A1837AZ3) et CA Paris, 27 juin 2002, 1ère ch. section H, Olitec c/ COB (N° Lexbase : A1838AZ4).
(3) L'article L. 214-20 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L6439DIC) (loi nº 2003-706, du 1 août 2003, de sécurité financière art. 59 3º, 6º Journal officiel du 2 août 2003 N° Lexbase : L3556BLB) dispose que : "Sous réserve des dispositions du second alinéa de l'article L. 214-30 (N° Lexbase : L2579DKQ), le fonds commun de placement, qui n'a pas la personnalité morale, est une copropriété d'instruments financiers et de dépôts dont les parts sont émises et rachetées à la demande des porteurs à la valeur liquidative majorée ou diminuée, selon les cas, des frais et commissions. Ne s'appliquent pas au fonds commun de placement, les dispositions du Code civil relatives à l'indivision ni celles des articles 1871 (N° Lexbase : L2069ABA) à 1873 du même code relatives aux sociétés en participation".
(4) C. mon. fin., art. L. 214-24 (N° Lexbase : L6438DIB) : "Le fonds commun de placement est constitué à l'initiative conjointe d'une société de gestion de portefeuille, chargée de sa gestion, et d'une personne morale, dépositaire des actifs du fonds. Cette société et cette personne établissent le règlement du fonds. La souscription ou l'acquisition de parts d'un fonds commun de placement emporte acceptation du règlement".
(5) C. mon. fin., art. L. 214-25 (N° Lexbase : L2580DKR) : "Le fonds commun de placement est représenté à l'égard des tiers par la société chargée de sa gestion. Cette société peut agir en justice pour défendre ou faire valoir les droits ou intérêts des porteurs de parts. Le siège social et l'administration centrale de la société de gestion sont situés en France".
(6) C. mon. fin., art. L. 214-26 (N° Lexbase : L9953DYB) : "Le règlement du fonds doit prévoir que ses actifs sont conservés par un dépositaire unique distinct de la société de gestion du fonds et qui s'assure de la régularité des décisions de cette société. Ce dépositaire est choisi par la société de gestion sur une liste établie par le ministre chargé de l'économie. Sa responsabilité n'est pas affectée par le fait qu'il confie à un tiers tout ou partie des actifs dont il a la garde. Il doit avoir son siège social en France".
(7) En exergue, les dispositions des articles L. 233-14 (N° Lexbase : L3894HBT) (privation du droit de vote pour l'excédent non déclaré) et L. 247-2 du Code de commerce (N° Lexbase : L8795G8A) (sanction personnelle pour les dirigeants responsables de la non déclaration) sont applicables.
(8) La nouvelle rédaction de ces articles, plus large puisque, outre des infractions spécifiques à la réglementation applicable sur les marchés, elle couvre extensivement tout "manquement de nature à porter atteinte à la protection des investisseurs ou au bon fonctionnement du marché" ne modifie pas l'analyse qui doit être faite de la jurisprudence de l'Autorité. La nouvelle rédaction de l'article L. 621-14 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L8009HBA), telle qu'elle ressort de l'art. 30 I de la loi du 26 juillet 2005 est, désormais, la suivante : "I - Le collège peut, après avoir mis la personne concernée en mesure de présenter ses explications, ordonner qu'il soit mis fin, en France et à l'étranger, aux manquements aux obligations résultant des dispositions législatives ou réglementaires ou des règles professionnelles visant à protéger les investisseurs contre les opérations d'initiés, les manipulations de cours et la diffusion de fausses informations, ou à tout autre manquement de nature à porter atteinte à la protection des investisseurs ou au bon fonctionnement du marché. Ces décisions peuvent être rendues publiques [...]".
La nouvelle rédaction de l'article L. 621-15 II c) du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L6102HHH) est la suivante : "II - La commission des sanctions peut, après une procédure contradictoire, prononcer une sanction à l'encontre des personnes suivantes : [...] c) Toute personne qui, sur le territoire français ou à l'étranger, s'est livrée ou a tenté de se livrer à une opération d'initié ou s'est livrée à une manipulation de cours, à la diffusion d'une fausse information ou à tout autre manquement mentionné au premier alinéa du I de l'article L. 621-14, dès lors que ces actes concernent un instrument financier émis par une personne ou une entité faisant appel public à l'épargne ou admis aux négociations sur un marché d'instruments financiers ou pour lequel une demande d'admission aux négociations sur un tel marché a été présentée, dans les conditions déterminées par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers ; [...]".
(9) Dans un autre contexte, les investisseurs eux-mêmes auraient pu être visés aux termes de l'article L. 621-14 du Code monétaire et financier puisque ces derniers auraient éventuellement bénéficié "des agissements d'intermédiaires contraires à leurs obligations professionnelles", étant donné que lesdites obligations professionnelles, qui désignent presque exclusivement, dans les textes, les règles de bonne conduite, emportent la sujétion systématique de respecter en toute occasion la réglementation en vigueur.
(10) C. pén., art. 132-24 (N° Lexbase : L3760HGD) : "Dans les limites fixées par la loi, la juridiction prononce les peines et fixe leur régime en fonction des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur. Lorsque la juridiction prononce une peine d'amende, elle détermine son montant en tenant compte également des ressources et des charges de l'auteur de l'infraction".
(11) CEDH, 2 octobre 2001, Req. 44069/98, G.B. c/ France (N° Lexbase : A9970DS3).
(12) L'article 6 de la Convention européenne des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales (N° Lexbase : L7558AIR) établit au titre du "Droit à un procès équitable" que "Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi". Ces exigences ont ainsi été analysées comme traduisant à la fois la recherche d'une impartialité subjective (celle du juge) et objective c'est-à-dire liée à l'organisation de la structure chargée de décider de la sanction, ou consécutive à la procédure suivie. L'impartialité du tribunal suppose, selon la Cour européenne, une séparation des fonctions d'instruction et de jugement (CEDH, 26 octobre 1984, Req. 8/1983/64/99, De Cubber N° Lexbase : A6678AWA), comme de celles de poursuite et de jugement (CEDH, 1er octobre 1982, Req. 8692/79, Piersack N° Lexbase : A5322AZ7). La Cour invoque à cette occasion les apparences et la confiance que les tribunaux doivent inspirer, complétant de la sorte les dispositions laconiques de l'article 6. La prise en considération de ces contraintes par le juge français est plus récente, puisqu'elle résulte -en droit des marchés financiers- de l'arrêt "Oury" rendu par l'Assemblée plénière de la Cour de cassation le 5 février 1999 (Ass. plén., 5 février 1999, n° 97-16.440, Commission des opérations de bourse c/ M. Oury et autre N° Lexbase : A1567AT9). Sur la question : D. 1999, I.R.. n° 7, p. 1 ; Bull. Joly bourse et produits financiers, février-mars 1999, n° 41, note N. Rontchevsky ; Banque et droit, n° 74, mars-avril 1999, chr. H. de Vauplane ; D. Affaires, n° 150, 25 février 1999, Entretien avec Mme Ducouloux-Favard ; D. affaires n° 152, 11 mars 1999, p. 411, note. M. B. ; D. affaires n° 160, 6 mai 1999, note F. Bucher ; RJDA, mars 1999, note A. Couret ; JCP. éd E., 1999, n° 22, p. 957, note E. Garaud ; JCP éd. G., 1999, n° 13, p. 631, note H. Mastopoulou ; DA., mars 1999, p. 27, note M.-A. Frison-Roche, M. Germain ; N. Rontchevsky, La commission des opérations de bourse à l'épreuve de l'exigence d'impartialité, Bull. Joly bourse et produits financiers, mars-avril 1999, p. 129.
(13) A ce titre, la teneur du communiqué de presse de l'AMF, du 7 décembre dernier, concernant cette décision invite à réfléchir sur le fait que l'autorité attire indiscutablement l'attention sur la portée de la décision : "Cette décision fait une application directe de la lettre de ces textes mais revêt un caractère original et novateur dans la mesure où il s'agit de la première fois que la Commission des sanctions de l'AMF inflige une sanction à une société de gestion de portefeuille qui s'est abstenue d'effectuer, dans les délais impartis, des déclarations de franchissement de seuil".

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Électoral

[Le point sur...] La querelle des investitures en droit électoral - Droit électoral et partis politiques

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N4254A9G

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Le 07 Octobre 2010

La vie politique démocratique s'articule autour des partis politiques, soit qu'ils patronnent des candidats, soit que ces derniers s'en réclament expressément. Pourtant la référence aux formations politiques n'apparaît guère en droit électoral, sauf lorsqu'il s'agit de définir les règles d'accès aux chaînes de radio et de télévision pour certaines campagnes électorales (1). Doit-on alors considérer que la question de l'investiture des candidats par les partis ne laisse aucune trace en matière électorale ? Ce constat serait excessif car la jurisprudence a dû approfondir les relations complexes entre candidatures et investitures.

I - En quelles circonstances le lien entre un candidat et un parti est-il établi ?

Ce lien, qui affleure discrètement en termes de procédure, peut apparaître à plusieurs titres successifs. On prendra de préférence, par convention, l'exemple des élections législatives, de loin le plus complet en la matière.

L'investiture définit la procédure interne par laquelle un parti, le cas échéant au terme d'une présélection entre plusieurs personnes, choisit un candidat (ou une candidate) ou une liste de candidats et le, la ou les propose aux suffrages des électeurs. L'investiture peut, bien évidemment, être accordée dans le cadre d'une coalition de partis. D'une manière générale, le droit électoral ignore cette phase préliminaire. Elle est considérée comme relevant du fonctionnement interne des "partis et groupements politiques" et donc du principe de liberté d'activité des formations politiques consacré par l'article 4 de la Constitution (N° Lexbase : L1300A9Z).

De cette procédure peut être rapproché le choix de l'emblème dont la présence sur les bulletins de vote est expressément autorisée par la loi (2). Bien que ce qu'on doit entendre par emblème ne soit pas défini, il s'agit ordinairement du symbole graphique de la formation ou de la coalition qui soutient le candidat.

Aucune des dispositions du Code électoral (3) relatives aux modalités de dépôt des candidatures ne fait référence à l'existence d'un parti. On peut donc se porter candidat sans être présenté par une formation politique ou revendiquer son patronage.

Toutefois, à cette occasion, deux procédures différentes interviennent en parallèle :

1°) L'attribution au candidat d'une "étiquette politique"

Le "fichier des élus et des candidats" est un traitement informatisé des données nominatives faisant apparaître les appartenances politiques des personnes détentrices d'un mandat électif ou candidates à une élection politique. Ce fichier, géré par le ministère de l'Intérieur, est autorisé et défini dans son contenu et le droit d'accès à ses données (4).

L'appartenance politique des candidats y apparaît sous trois mentions possibles :

- le cas échéant, le sigle ou le titre de la liste sur laquelle les candidats se présentent ou ont été élus ;
- l'étiquette politique choisie par le candidat et, le cas échéant, par le remplaçant éventuel ;
- la nuance politique, attribuée par l'administration au vu, soit des indications qui précèdent, soit des éléments de notoriété locale du candidat.

2°) La souscription du candidat en faveur d'une formation politique pour l'attribution et le calcul de l'aide publique aux partis

Les candidats aux élections législatives sont invités à souscrire une déclaration spécifique, au demeurant facultative, au moment du dépôt des candidatures (5). La mention qui figure sur cette déclaration s'impose à l'administration mais n'a aucune portée en dehors de cette procédure (6).

II - La jurisprudence contribue-t-elle à éclaircir les relations entre partis et candidats ?

Le juge est fréquemment conduit à connaître, non pas tant de l'investiture accordée par un parti à un candidat, que de celle revendiquée, à plus ou moins bon escient, par le candidat et accordée ou non, parfois de façon ambiguë, par une formation politique. Le droit positif, on vient de le voir, n'est pas alors d'un grand secours.

Dans un grand nombre de cas, le juge se borne à établir l'existence de faits dépourvus d'influence sur l'issue du scrutin. Ne peuvent ainsi nullement être assimilés à une investiture par un parti :

- l'indication qu'un candidat soutient l'action du Président de la République et les partis de sa majorité (7) ;
- le fait pour un candidat de se réclamer du programme politique d'un parti, quand bien même ce parti aurait investi un candidat concurrent (8) ;
- le soutien apporté à un candidat à titre individuel par des adhérents d'un parti n'ayant pas accordé d'investiture à ce candidat (9) ;

De même, ne peuvent être incriminés, en dépit de l'existence d'une investiture :

- le choix opéré par un parti qui a investi certains candidats au détriment d'autres, notamment les requérants, qui auraient pu l'être (10) ;
- le fait pour des candidats de ne pas faire état d'une investiture, pourtant effective, par une formation politique pendant la campagne électorale (11).

Le juge cherche à déterminer dans quelle mesure le contexte peut induire l'électeur en erreur, constituer une manoeuvre ou introduire une confusion de nature à altérer la sincérité du scrutin. Il tient compte de plusieurs indices, constituant souvent le reflet d'une vie politique locale agitée, entre autres le positionnement revendiqué par les candidats en lice, la thématique générale de la campagne et les déclarations qui l'ont émaillée, la notoriété, voire la violence, du débat politique, ainsi que l'écart, plus ou moins grand, des suffrages recueillis.

Un contexte, parfois compliqué mais connu des électeurs appelés dès lors à trancher un différend, n'est pas analysé comme tendant à les tromper. N'ont ainsi pas été assimilés à des manoeuvres :

- la mention d'une investiture, annoncée par la presse mais non confirmée et, en définitive, accordée tardivement à un candidat concurrent (12) ;
- le retrait d'une investiture au détriment du candidat requérant juste avant le premier tour de scrutin (13) ;
- la circonstance que plusieurs membres d'une liste de candidats à une élection municipale, adhérents de plusieurs partis constituant la "majorité présidentielle" se réclament de cette étiquette, alors qu'une liste concurrente a été investie par un des partis de cette même majorité (14) ;
- le fait de se réclamer d'une coalition de partis regroupant plusieurs formations politiques dont l'une aurait aussi investi un autre candidat (15) ;
- l'invocation du soutien d'une coalition de deux partis, dont un seul a investi le candidat élu, l'autre se bornant à s'abstenir d'en présenter concurremment (16) ;
- l'investiture d'un candidat par une coalition de partis au premier tour, alors que l'un des partis de cette coalition investit un autre candidat au second tour (17) ;
- des circonstances, pourtant complexes, où une fédération départementale soutient un candidat au premier tour d'une élection locale, puis lui retire son soutien avant d'investir un candidat concurrent au second tour (18).

Les proximités politiques, les ressemblances de thèmes de campagne parfois recherchées délibérément par les candidats, notamment en cas de dissidence d'une formation politique, n'ont pas davantage porté atteinte à la sincérité du scrutin dans les cas suivants :

- l'intitulé d'une liste proche de celle concurrente présentée par un parti, en dépit même de la ressemblance des emblèmes de deux listes, dès lors que la campagne a permis de dissiper toute confusion possible dans l'esprit des électeurs (19) ;
- la présence, dans une liste de candidats, de membres d'un parti et l'usage de l'emblème de ce parti, qui pourtant n'a pas accordé l'investiture à la liste de candidats (20) ;
- la promotion par une même formation politique de la campagne de deux listes concurrentes, les candidats ayant eu pendant la campagne la possibilité de faire une mise au point à destination des électeurs, en particulier par le biais des documents de propagande qui leur sont destinés (21).

Le juge électoral ne se reconnaît pas compétent pour porter une appréciation sur la régularité de la décision d'investiture d'un candidat par une formation politique au regard de ses propres statuts ou de ses règles internes de fonctionnement (22). Il ne se reconnaît compétent que si, au vu des indications fournies par les requérants et confirmées par l'instruction, l'investiture alléguée a pour effet de vicier les opérations électorales ou si les allégations invoquées par les requérants sont entachées d'erreur de nature à tromper les électeurs. Tout au plus, si l'on reprend les termes utilisés par le Conseil constitutionnel (23), appartient-il au juge de l'élection de vérifier si des manoeuvres ont été susceptibles de tromper les électeurs sur la réalité de l'investiture des candidats par les partis politiques.

Le juge tend à considérer que les manoeuvres "frauduleuses" invoquées par les requérants sont loin d'avoir la nature et les conséquences que ces derniers leur prêtent volontiers. Dès lors, on peut même se demander si ces questions d'investiture ont quelques chances de prospérer au contentieux.

III - Toutefois, par contraste, deux décisions récentes méritent d'être signalées

Le Conseil constitutionnel a annulé une élection en 2003 (24), en partie (car ce n'est pas la seule cause d'annulation invoquée) sur un motif d'investiture incertaine. Le contexte s'y prêtait particulièrement puisqu'il n'avait manqué que deux suffrages au requérant pour atteindre le seuil légal de 12,5 % des électeurs inscrits, condition nécessaire pour pouvoir se présenter au second tour (25). L'investiture qu'un parti avait tardivement accordée au candidat requérant, après l'avoir consentie à un concurrent, avait été présentée comme maintenue à ce concurrent par la presse locale. Le juge a considéré que, compte tenu de l'infime écart de voix en cause, ce contexte avait pu influencer un nombre suffisant d'électeurs et peser sur la portée des résultats en empêchant le candidat de se présenter au second tour.

Devant le tribunal de grande instance de Paris (26), a été récemment contestée par le député sortant d'une circonscription la décision prise par les instances locales d'une formation politique d'investir un autre candidat pour les prochaines élections législatives. Bien que le contexte de cette affaire soit loin d'être définitif, ce jugement présente d'ores et déjà un double intérêt. L'incompétence de la juridiction, soulevée par les défenseurs de la formation politique, n'a pas été admise par le juge. Il y a là complémentarité avec les décisions d'incompétence rendues à plusieurs reprises, tant par le Conseil d'Etat que le Conseil constitutionnel statuant au contentieux en matière électorale.

Par ailleurs, bien que le cadre juridique de l'affaire relève entièrement du droit privé, la circonstance que la décision locale d'investiture ait été précédée d'un vote à bulletins secrets, à l'encontre duquel diverses irrégularités de procédure étaient invoquées, a permis au juge de tenir un raisonnement très comparable à celui que tient volontiers le juge électoral (irrégularité sans influence déterminante sur l'issue du scrutin, fort écart de voix).

La jurisprudence électorale sur la question des investitures conduit à distinguer, d'une part, les positions d'une coalition de partis opposées à celles de chacune de ses composantes, d'autre part, les démarches au niveau national des initiatives locales. Outre l'absence de cadre légal contraignant, le caractère fluctuant des relations entre candidatures et investitures, reflet de la vie interne à plusieurs dimensions que connaissent les formations politiques, empêche de grandes avancées jurisprudentielles en la matière.

Guy Prunier
Chargé de mission au Conseil constitutionnel


(1) Par exemple, pour les élections législatives, C. élect., art. L. 167-1 (N° Lexbase : L9642DNG).
(2) C. élect., art. L. 52-3 (N° Lexbase : L2762AAK).
(3) En particulier, pour les élections législatives, C. élect. art. L. 154 (N° Lexbase : L0423DPD), L. 155 (N° Lexbase : L0422DPC) et R. 99 (N° Lexbase : L3723HT3).
(4) Cf. décret modifié n° 2001-777 du 30 août 2001.
(5) Loi n° 88-227 du 11 mars 1988, en particulier son article 9 (N° Lexbase : L8358AGN).
(6) CE, cont., 22 mars 1999, n° 196807, Groupement des élus de l'UDF (N° Lexbase : A4239AXB).
(7) Cons. const., décision 2002-3654, 21 janvier 2003, A.N., Hauts-de-Seine (5ème circ.)
(8) Cons. const., décision 2002-2657/2841, 19 décembre 2002, A.N., Paris (15ème circ.) (N° Lexbase : A5286DLD).
(9) Cons. const., décision 97-2251, 29 janvier 1998, A.N., Rhône (2ème circ.) (N° Lexbase : A8476ACW).
(10) CE, 3° et 5° s-s-r., 13 décembre 1996, n° 177147, Elections municipales de Marseille (5ème secteur) (N° Lexbase : A1210AIN) et CE, 1° et 6° s-s-r., 20 octobre 2004, n° 266304, Elections régionales de Picardie (N° Lexbase : A6324DDL).
(11) CE, 3° et 8° s-s-r., 21 décembre 2001, n° 235800, Elections municipales du Perray-en Yvelines (N° Lexbase : A1379AYQ).
(12) Cons. const., décision 93-1327/1360, 25 novembre 1993, A.N., Yvelines (5ème circ.) (N° Lexbase : A9762AHZ).
(13) Cons. const., décision 2002-2731, 24 octobre 2002, A.N., Moselle (8ème circ.) (N° Lexbase : A5329DLX).
(14) CE, cont., 10 mai 1996, n° 174082, Elections municipales de Mesnil-le-Roi (N° Lexbase : A9443AN3).
(15) CE, 10° s-s., 6 mars 2002, n° 239365, Election cantonale de Genlis (N° Lexbase : A4178B7U).
(16) Cons. const., décision 97-2200, 16 décembre 1997, A.N., Alpes-maritimes (1ère circ.) (N° Lexbase : A8391ACR).
(17) Cons. const., décision 93-1174, 20 octobre 1993, A.N., Mayotte (N° Lexbase : A7057AHT).
(18) CE, cont., 25 septembre 1995, n° 162658, Election cantonale d'Aramon (Gard) (N° Lexbase : A5576ANT).
(19) CE, cont., 6 novembre 1998, n° 195225, Elections régionales Pays de la Loire (Mayenne) (N° Lexbase : A9223ASE).
(20) CE, cont., 30 novembre 1998, n° 195128, Elections régionales Languedoc-Roussillon (Aude) (N° Lexbase : A1223AI7).
(21) CE, 3° et 8 s-s-r., 16 février 2004, n° 258343, M. Poinsot et autres (N° Lexbase : A3487DBR).
(22) Cons. const., décision 2004-3398, 25 novembre 2004, Sénat, Yonne (N° Lexbase : A0385DI4).
(23) Cons. const., décision 2004-3398, 25 novembre 2004, Sénat, Yonne précitée.
(24) Cons. const., décision 2002-2651, 30 janvier 2003, A.N., Seine-Saint-Denis (7ème circ.) (N° Lexbase : A1886DIP).
(25) C. élect., art. L. 162 (N° Lexbase : L9643DNH).

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Collectivités territoriales

[Textes] Les régions, moteur du développement économique de l'Europe : les idées et les actes de la Commission européenne

Réf. : Règlement (CE) n° 1628/2006 (N° Lexbase : L0245HTA) ; Communication de la Commission "Les régions, actrices du changement économique" (COM/2006/0675 final)

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N4256A9I

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par Olivier Dubos, Professeur de droit public à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV

Le 07 Octobre 2010

L'Europe des régions n'est qu'un mythe et il s'agit probablement d'un mythe, non pas primitif, mais plus probablement primaire. L'Union européenne tire son existence de la seule volonté de ses Etats membres qui conservent par la suite un rôle essentiel dans son fonctionnement. Elle n'appréhende les Etats que de manière monolithique et reste tout à fait indifférente à leur mode d'organisation. Cette solution, tout à fait conforme au droit international, permet à l'Union européenne de ne connaître qu'un seul débiteur des obligations qu'elle édicte : l'Etat central. L'Etat membre de l'Union peut donc être monarchique ou républicain, fédéral ou unitaire, peu importe pourvu qu'il soit démocratique et respecte les droits de l'homme. Il en résulte au profit des Etats une compétence plénière d'auto-organisation que traduit le principe de l'autonomie institutionnelle. Si la construction de liens étroits entre les régions et l'Union européenne est souvent ressentie comme un gain potentiel pour les premières, il n'est pas certain que cette dernière puisse en retirer de quelconques avantages. Eu égard à la grande diversité que recouvre le fait régional dans l'Union européenne, on ne voit pas très bien comment l'Union européenne pourrait établir des relations un tant soit peu homogènes, au moins sur le plan juridique, avec des régions qui vont des Länder allemands ou des Communautés belges aux Comtés danois ou aux Départements helléniques. Le seul bénéfice que pourrait retirer l'Union européenne -et il serait de taille- serait une plus grande légitimité.

L'Union européenne n'ignore pas, pour autant, totalement les régions, mais elle n'a jamais véritablement de liens directs avec elles : l'Etat demeure le truchement de leurs relations. Les régions sont prises en compte dans le droit des aides d'Etat, dans le cadre de la politique de cohésion économique et social, mais toujours en tant qu'espaces géographiques et jamais véritablement comme entités juridiques. Toutefois, l'Union européenne, et particulièrement la Commission, a conscience du rôle des régions comme moteur du développement économique de l'Europe. Deux documents récents de la Commission en témoignent. Le premier est une communication intitulée "Les régions, actrices du changement économique" (COM/2006/0675 final) et constitue une sorte de "boîte à idées" dans le cadre de la Stratégie de Lisbonne (I). Le second revêt, en revanche, une portée normative puisqu'il s'agit du Règlement (CE) n° 1628/2006 de la Commission du 24 octobre 2006 concernant l'application des articles 87 et 88 du Traité aux aides nationales à l'investissement à finalité régionale (JOUE n° L 302 du 1er novembre 2006, p. 29) qui permet une exemption de ces aides et les dispense, donc, de l'obligation de notification prévue à l'article 88, paragraphe 3, CE (II).

I. Des idées : la communication "Les régions, actrices du changement économique"

A. Les fondations

1. La communication de la Commission s'inscrit, d'abord, de manière générale dans le cadre de la Stratégie de Lisbonne lancée par le Conseil européen de mars 2000. Le but est de faire de l'Union européenne l'économie la plus compétitive du monde afin de parvenir au plein emploi d'ici 2010. Cet objectif est fondée sur "la connaissance" en misant à la fois sur la société de l'information et la recherche-développement. Le bilan dressé à mi-parcours fut, pour reprendre le remarquable euphémisme de la Commission européenne, "mitigé". L'agenda de Lisbonne a donc été révisé à la baisse fin 2005. Le taux de chômage en Europe et la part de la recherche-développement dans le PIB, surtout lorsqu'ils sont comparés aux indicateurs américains, peuvent laisser penser aux esprits chagrins que la Stratégie de Lisbonne n'est que "paroles, paroles". Cette communication de la Commission apparaît, alors, comme l'une des multiples tentatives plus ou moins désespérées de la Commission Barroso de donner quelque consistance à la Stratégie de Lisbonne.

La méthode ici proposée par la Commission est celle du benchmarking. Il s'agit d'une méthode développée initialement dans les années quatre-vingts en matière de gestion des entreprises. En vue d'une prise de décision optimale, elle permet à une entreprise d'évaluer en amont quelles sont les meilleures pratiques des concurrents. Le benchmarking a été transposé aux politiques publiques par des organisations internationales comme la Banque mondiale. Il n'est nul besoin de préciser que ce procédé n'est pas totalement neutre sur le plan idéologique. Sur le plan pratique, il est évident qu'une telle approche comparative peut être évidemment féconde, mais elle comporte des limites car une bonne pratique ou une bonne réglementation n'est pas systématiquement transposable car tout n'est pas toujours égal par ailleurs, notamment, sur le plan socio-culturel. Quoiqu'il en soit, la Commission européenne s'est à son tour emparée du benchmarking et la communication précise, ainsi, que "l'initiative Les régions, actrices du changement économique' sera consacrée à la découverte des meilleures pratiques en matière de modernisation économique, en particulier celles fondées sur des projets contribuant nettement aux objectifs de l'Union en matière d'emploi, de croissance, et à leur diffusion auprès des autres régions, afin d'aider à stimuler la croissance régionale et à réduire les disparités économiques".

2. Cette communication est, ensuite, en lien étroit avec la réforme des fonds structurels (2007-2013). Il s'agit pour la Commission d'instaurer "un rapport clair entre la convergence économique régionale et la modernisation économique". Ainsi, les régions les plus défavorisées doivent affecter 60 % de leurs investissements à la modernisation et pour les autres régions (et notamment toutes les régions françaises métropolitaines) l'objectif est de 75 %.

Pour ces dernières, la communication précise que "l'initiative sera fondée sur le recentrage de deux instruments existants de la politique européenne -le programme de coopération interrégionale et le programme de développement urbain- autour de thèmes de développement économique définis par la Commission en accord avec les orientations stratégiques communautaires en matière de cohésion. De plus, cette initiative fonctionnera au sein du nouvel objectif de coopération territoriale européenne". C'est, en effet, grâce à ces deux instruments, qui bénéficient pour 2007-2013 d'un budget de 375 millions d'euros, que les régions françaises pourront obtenir des financements communautaires.

B. Les propositions

1. Dans le cadre de la politique régionale, les régions et les villes pourront créer et gérer leurs propres réseaux, mais sont incitées à agir dans le cadre de l'objectif de modernisation économique, tel qu'il est conçu par la Commission. Les orientations stratégiques européennes ont ainsi défini trois grands thèmes dans lesquels devront s'inscrire l'action de ces réseaux. Il s'agit, d'abord, d'"améliorer l'attractivité des Etats membres, des régions et des villes en améliorant l'accessibilité, en garantissant une qualité et un niveau de services adéquats et en préservant leur potentiel environnemental". Ensuite, la Commission entend "encourager l'innovation, l'esprit d'entreprise et la croissance de l'économie de la connaissance en favorisant la recherche et l'innovation, y compris l'éco-innovation et les nouvelles technologies de l'information et de la communication". Enfin, doivent pouvoir être créés "des emplois plus nombreux et de meilleure qualité en attirant un plus grand nombre de personnes sur le marché du travail ou vers la création d'entreprises, en améliorant la capacité d'adaptation des travailleurs et des entreprises et en augmentant l'investissement dans le capital humain". Qui pourrait écarter des perspectives aussi séduisantes ?

2. Le benchmarking sera mis en oeuvre grâce à une passerelle à double sens entre l'initiative "Les régions, actrices du changement économique" et les programmes de la politique régionale. Les régions qui auront développé de bonnes pratiques dans le cadre de la politique régionale pourront bénéficier d'une évaluation dans le cadre de l'initiative, afin que ces pratiques puissent faire l'objet d'une diffusion dans l'ensemble de la Communauté. Les régions et les villes qui agiront dans le cadre de l'initiative devront démontrer que leur projet s'inscrit dans le cadre des programmes régionaux. Pour favoriser la création de telles passerelles, la Commission inscrira ces programmes dans le cadre d'un "volet accéléré" (sic !).

3. Dans le cadre de "volet accéléré", la Commission jouera un rôle de chef de file d'un réseau auquel participeront de manière volontaire les régions et les villes. Elle déterminera les thèmes et fournira l'aide de ses experts. Il semblerait, ainsi, que des financements pourraient être plus facilement obtenus soit dans le cadre du Fonds européen de développement régional que de la Banque européenne d'investissement ou de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement.

4. Enfin, la Commission insiste sur la nécessité d'une "communication efficace". Seront ainsi organisées des conférences annuelles, sera lancé un site internet pour l'échange des bonnes pratiques et sera créé un prix annuel de l'innovation qui sera attribué aux meilleurs projets liés à la modernisation économique. Peut-on reprocher à la Commission d'avoir parfaitement assimilé que la communication est la première forme de la gouvernance des sociétés post-modernes ?

II. Des actes : le Règlement concernant l'application des articles 87 et 88 du Traité aux aides nationales à l'investissement à finalité régionale

A. Champ d'application

1. Le Règlement s'applique, d'abord, aux aides régionales à l'investissement transparent et les définit comme celles qui "permettent de calculer précisément ex ante l'équivalent-subvention brut en pourcentage des dépenses admissibles sans devoir procéder à une appréciation des risques (par exemple régimes utilisant des subventions, des bonifications d'intérêts ou des mesures fiscales plafonnées)" (article 2, paragraphe 1, i)). Il s'applique, également, aux aides ad hoc, si elles sont utilisées en complément d'aides accordées sur la base d'un régime d'aides régionales à l'investissement transparent et si l'élément ad hoc ne dépasse pas 50 % de l'aide totale à accorder pour l'investissement. Les aides ad hoc sont celles qui ne sont pas accordées sur la base d'un régime particulier d'aides.

2. Toutefois, il est précisé que ce Règlement ne s'applique pas dans certains domaines et, notamment, la pêche et l'aquaculture, la construction navale, les secteurs du charbon, de l'acier et des fibres synthétiques. Certains types d'aides sont également exclus : les aides en faveur des activités liées aux exportations vers des pays tiers ou des Etats membres et les aides subordonnées à l'utilisation de produits nationaux de préférence à des produits importés.

B. Conditions d'application

1. Des conditions spécifiques sont prévues par le Règlement pour les aides à l'investissement initial (article 4). L'investissement initial est ainsi défini : "i) un investissement en immobilisation corporelles et incorporelles se rapportant à la création d'un établissement, à l'extension d'un établissement existant, à la diversification de la production d'un établissement sur de nouveaux marchés de produits, à un changement fondamental de l'ensemble du processus de production d'un établissement existant ; ou ii) l'acquisition d'actifs immobilisés directement liés à un établissement, lorsque l'établissement a fermé, ou aurait fermé sans cette acquisition, et que les actifs sont achetés par un investisseur indépendant" (article 2, paragraphe 1, c)).

2. L'aide doit être, alors, accordée uniquement dans les régions pouvant bénéficier d'aides régionales telles qu'elles ont été déterminées pour la période 2007-2013 par la carte des aides régionales. Elle ne doit, également, pas dépasser le plafond fixé par chaque Etat membre tel qu'il est défini dans cette carte. Les aides à l'investissement initial doivent, en outre, remplir certaines conditions spécifiques. L'investissement doit être maintenu dans la région bénéficiaire pour une période minimum de cinq ans qui est ramenée à trois ans pour les PME. Les immobilisations incorporelles sont soumises à des conditions très rigoureuses (v. article 4, paragraphe 2).

Il ne reste plus qu'à espérer que cette communication et ce Règlement produisent les effets escomptés ; rendez-vous en 2010 pour le bilan de la Stratégie de Lisbonne...

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Entreprises en difficulté

[Chronique] La chronique mensuelle de Pierre-Michel Le Corre

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N4237A9S

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Le 07 Octobre 2010

Lexbase Hebdo - édition privée générale vous propose, cette semaine, la chronique de Pierre-Michel Le Corre, retraçant l'essentiel de l'actualité juridique rendue en matière de procédures collectives. Se trouvent, au premier plan de cette actualité, l'aménagement de la compétence territoriale pour connaître d'une procédure collective, ainsi que la sanction de la règle de l'interdiction du cours des inscriptions et, enfin, la preuve de l'identité du déclarant en l'absence de signature de la déclaration de créance.
  • L'aménagement de la compétence territoriale, un mécanisme pour tourner l'obstacle tiré d'une double ouverture de procédure collective (Cass. com., 3 octobre 2006, n° 05-12.834, F-D N° Lexbase : A7766DR3)

L'effet universel de la faillite, que la jurisprudence a illustré en matière internationale, existe a fortiori en droit interne. La combinaison de ce principe avec la règle de l'unité du patrimoine emporte cette conséquence de l'impossibilité d'ouverture de deux procédures contre un même débiteur. En liquidation judiciaire, il a justement été observé qu'un obstacle technique s'ajoute, en outre, à la justification théorique, pour poser la règle : il ne peut y avoir qu'une seule procédure de distribution (Ph. Froehlich et M. Sénéchal, De l'ouverture et du déroulement de la liquidation judiciaire, LPA n° sp. 9 février 2006, n° 29, p. 4 et s., sp. p. 5).

Cette solution, d'abord jurisprudentielle, a été, ensuite, énoncée par la loi de sauvegarde des entreprises (loi n° 2005-845, 26 juillet 2005 N° Lexbase : L5150HGT), notamment à l'article L. 620-2, alinéa 2, du Code de commerce (N° Lexbase : L4126HBG).

La longueur de certaines procédures, combinée avec un déménagement du débiteur, permet d'apercevoir, parfois, cette ouverture consécutive de deux procédures, alors que la première n'est pas encore clôturée. Pourtant, les deux procédures ne peuvent coexister. Comment faire pour sortir de cette impasse ? Telle est la problématique qui se pose ici.

En l'espèce, une société est mise en liquidation judiciaire sur déclaration de cessation des paiements par le tribunal de commerce de Toulon. Puis, sur assignation d'un créancier, cette même société est placée cinq mois plus tard en redressement puis en liquidation judiciaire par le tribunal de commerce de Cannes. Le dirigeant de cette société est poursuivi en paiement des dettes sociales. Désireux d'éviter sa condamnation, il soulève un moyen procédural tendant à l'annulation des deux décisions, à savoir, l'article 618 du Nouveau Code de procédure civile (N° Lexbase : L2874ADS), en saisissant, à cette fin, la Cour de cassation. Cependant, dans l'intervalle, le premier président de la cour d'appel, saisi par le ministère public, avait rendu une ordonnance prévoyant que la poursuite serait exclusivement poursuivie par le tribunal de commerce de Toulon. L'annulation des deux jugements d'ouverture était-elle alors encore concevable ? C'est à cette question que répond l'arrêt commenté, en énonçant que, "aux termes de l'article 3, alinéa 4, du décret du 27 décembre 1985 (N° Lexbase : L5312A4I), la décision par laquelle le premier président d'une cour d'appel désigne la juridiction chargée de connaître de la procédure collective d'un débiteur s'impose à la juridiction désignée et aux parties ; que cette décision met fin, par elle-même, à la contrariété existante entre les différents jugements d'ouverture en emportant caducité de plein droit des décisions prononçant le redressement ou la liquidation judiciaire du même débiteur rendu par toutes juridictions autres que celles désignées par le premier président ; que dès lors, le pourvoi formé par M. A. sur le fondement de l'article 618 du Nouveau Code de procédure civile est sans objet".

On comprend bien la logique procédurale qui animait le dirigeant social. S'il parvenait à faire annuler les deux jugements d'ouverture, sa condamnation devenait évidemment impossible, puisqu'une condamnation à combler le passif doit nécessairement avoir pour support un jugement d'ouverture de procédure collective à l'encontre de la personne morale dirigée. Observons, toutefois, qu'il s'agissait d'une vision courte car rien n'interdirait, après l'annulation, au tribunal d'ouvrir une nouvelle procédure, au cours de laquelle l'action en comblement de passif pourrait à nouveau prospérer. La prescription n'aurait pas joué, celle-ci ne courant, en effet, que du jour du jugement d'ouverture, l'annulation des précédents jugements d'ouverture n'ayant aucun effet sur la prescription de l'action.

L'article 618 du Nouveau Code de procédure civile semblait bien, pour ce dirigeant, constituer le texte adapté pour trouver remède au caractère inconciliable des deux décisions d'ouverture. Selon ce texte, lorsque deux décisions, même non rendues en dernier ressort et dont aucune n'est susceptible d'un recours ordinaire, sont inconciliables, elles peuvent être frappées d'un pourvoi unique. Il y a alors lieu d'annuler l'une des deux décisions ou les deux. En matière de procédure collective, l'annulation d'une seule des deux décisions s'imposera. Il pourra s'agir de la première (Cass. com., 10 mars 2004, n° 02-15.220, F-D N° Lexbase : A6216DBT).

Mais, pour faire l'économie d'un pourvoi en cassation, il existe une autre technique, ainsi que nous l'enseigne l'arrêt de la Cour de cassation ici rapporté. En application de l'article 3, alinéa 1er, du décret du 27 décembre 1985, "lorsque les intérêts en présence justifient le renvoi de l'affaire devant une autre juridiction en application du troisième alinéa de l'article 7 de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises ([LXB=L6706AHT ]), le président du tribunal transmet immédiatement le dossier par ordonnance motivée au premier président de la cour d'appel ou, s'il estime que l'affaire relève d'une juridiction du ressort d'une autre cour d'appel, au premier président de la Cour de cassation". Ce texte a été repris par la loi de sauvegarde pour devenir l'article L. 662-2 du Code de commerce (N° Lexbase : L4179HBE), de sorte que les observations qui suivent conservent, sous l'empire de la législation nouvelle, toute leur actualité.

Par l'ordonnance du premier président de la cour d'appel, il était mis fin à la dualité des jugements d'ouverture, la décision rendue par le tribunal de commerce de Cannes devenant caduque. La Cour de cassation en tire logiquement la conséquence que le recours à l'article 618 du Nouveau Code de procédure civile est devenu inutile et que le pourvoi en cassation formé par le dirigeant social poursuivi en paiement des dettes sociales sur le fondement de ce texte est corrélativement devenu sans objet.

  • La sanction de la règle de l'interdiction du cours des inscriptions après jugement d'ouverture (Cass. com., 7 novembre 2006, n° 05-11.551, F-D N° Lexbase : A2976DSZ)

La règle dite de l'arrêt du cours des inscriptions ne fait guère l'objet de contentieux et n'est, par conséquent, l'objet que de peu de commentaires. L'arrêt ici commenté n'en est que plus intéressant, alors, surtout, qu'il conserve toute son actualité sous l'empire de la loi de sauvegarde des entreprises.

L'article L. 621-50, alinéa 1, du Code de commerce, issu de la loi du 25 janvier 1985 (N° Lexbase : L6902AIH), dispose que "les hypothèques, nantissements et privilèges ne peuvent plus être inscrits postérieurement au jugement d'ouverture du redressement judiciaire". La solution est reproduite, sous l'empire de la loi de sauvegarde des entreprises, par l'article L. 622-30, alinéa 1, du même code (N° Lexbase : L3750HBI) et est donc, désormais, applicable non seulement en redressement ou en liquidation judiciaire, mais encore dans la procédure de sauvegarde. Mais le mutisme complet est observé par ces textes sur la sanction applicable lorsque l'inscription intervient après jugement d'ouverture. Faut-il y voir une nullité ? Faut-il y voir une inopposabilité ? C'est à cette question que répond l'arrêt rapporté.

En l'espèce, une banque accorde un prêt à une personne physique destinée l'acquisition d'un fonds de commerce. En garantie du prêt, les parents de l'emprunteur promettent d'affecter un immeuble en garantie hypothécaire. Cependant, dès avant la constitution de l'hypothèque, le père du débiteur principal décède. Le débiteur principal est déclaré en liquidation judiciaire et, quelques mois plus tard, la banque inscrit sur l'immeuble, dont l'affectation hypothécaire était promise, une hypothèque provisoire. La banque déclare sa créance à titre hypothécaire et l'immeuble est vendu dans la liquidation judiciaire. L'état de collocation établi par le liquidateur ne fait pas mention de la banque. La question qui se pose est de savoir si inscription d'hypothèque dans ce contexte était efficace.

Non, répond la Cour de cassation : "après avoir relevé que la procédure collective de M. M. avait été ouverte le 17 septembre 1996, tandis que l'hypothèque provisoire avait été inscrite le 17 janvier 1997, l'arrêt retient exactement, par motifs propres et adoptés, qu'est inopposable à la procédure collective toute inscription d'hypothèque effectuée après le jugement d'ouverture".

Le premier intérêt de l'arrêt, ici, commenté est de préciser la sanction attachée à la violation de l'interdiction de l'inscription, après jugement d'ouverture, sur un bien du débiteur, d'un privilège, d'un nantissement ou, en l'espèce, d'une hypothèque. Il a été soutenu qu'il ne pouvait être question que d'une nullité (F. Macorig-Venier, Les sûretés sans dépossession dans le redressement et la liquidation judiciaires des entreprises, thèse, Toulouse, 1992, n° 153 à 156), au demeurant absolue (J.-J. Fremont, Les nouvelles procédures de règlement collectif au regard de la publicité foncière, JCP éd. N, 1997, p. 1 et s., n° 77 ; C. Saint-Alary-Houin et F. Macorig-Venier, J.-CL. com., fasc. 2365, n° 7). N'est-ce pas, en effet, la sanction classique d'un acte interdit ? Il pouvait, de cette analyse, être tirée la conséquence que les organes de la procédure ne pouvaient y renoncer (Kornmann, Procédures collectives, publicité foncière et sûretés immobilières - A propos de l'article 57 de la loi de 1985, LPA 1990, n° 92-9) et que tout intéressé pouvait se prévaloir de la nullité (Ripert et Roblot, par Ph. Delebecque et M. Germain, Traité de droit commercial, t. II, 17ème éd., LGDJ, 2004, n° 2977). Des juridictions du fond avaient, cependant, opté pour l'inopposabilité de l'inscription à la procédure (CA Colmar, 1ère civ., sect. 2, 16 mars 1998, Rev. proc. coll. civ. 2001, p. 249, n° 5, obs. F. Macorig-Venier ; T. com. Paris, 2 avril 1998, Rev. proc. coll. 2000, 15, n° 12, obs. F. Macorig-Venier). Cette solution est celle retenue par la Cour de cassation, dans l'arrêt commenté, qui énonce que l'inscription d'hypothèque effectuée après le jugement d'ouverture est inopposable à la procédure collective.

La différence entre la nullité et l'inopposabilité à la procédure collective n'est guère perceptible en cas de liquidation judiciaire, dans la mesure où le bien grevé sera vendu, ce qui emportera, par voie de conséquence, disparition de la sûreté, sans prise en compte des droits du créancier inscrit. En revanche, si après l'inscription intervenue en période d'observation, le débiteur obtient un plan de continuation, de sauvegarde ou de redressement, l'inscription reste efficace à l'égard du débiteur. En cas de résolution de ce même plan, l'inscription inopposable à la première procédure collective ne le sera pas à la seconde procédure ouverte à la suite de la résolution du plan.

La difficulté, en l'espèce, pouvait tenir au fait que l'immeuble, objet de l'inscription d'hypothèque, n'appartenait pas en propre au débiteur au jour de l'ouverture de sa procédure collective. L'immeuble était un bien indivis entre la mère du débiteur et ce dernier, du fait du décès de son père. C'est en cela que l'inscription d'hypothèque a pu être considérée prise du chef du débiteur. Si l'hypothèque avait également été prise du chef de la mère du débiteur, elle aurait été efficace de ce chef, mais n'aurait alors pu porter que sur la quote-part de ce constituant in bonis. En ce qu'elle a été inscrite du chef du débiteur principal après son jugement d'ouverture, l'hypothèque était nécessairement inefficace dans sa procédure collective. Le créancier ne pouvait être admis à titre hypothécaire et, par voie de conséquence, ne pouvait être colloqué à titre hypothécaire dans la distribution du prix de vente.

Il convient de remarquer que le liquidateur ne pouvait faire vendre l'immeuble qu'après une licitation-partage. L'indivision était, en effet, apparue avant l'ouverture de la procédure et s'imposait donc à la procédure. La mère, propriétaire indivis de l'immeuble, a, en cette qualité, vocation à percevoir sa quote-part du prix de vente.

Quelle eut été la situation si l'hypothèque avait été inscrite du chef du débiteur principal, mais aussi du chef de sa mère, propriétaire indivis de l'immeuble ? Le créancier inscrit aurait alors pu, en présence d'une indivision antérieure à l'ouverture de la procédure, saisir l'immeuble et le faire vendre, avant tout partage, en appréhendant ainsi, à concurrence de sa créance, le prix de vente (sur cette solution, Cass. com., 22 avril 1997, n° 94-19.420, Madame Rey, ès qualités de liquidateur de Monsieur Pécaud c/ Banque La Hénin, P N° Lexbase : A1544AC8, Bull. civ. IV, n° 99 ; Defrénois 1997, art. 36703, n° 165, obs. L. Aynès ; JCP éd. E, 1997, I, 681, n° 15, obs. P. Pétel ; D. 1998, somm. p. 106, obs. S. Piedelièvre ; Dr. et patr. septembre 1997, p. 13, obs. M.-H. Monsérié ; Dr. et patr. janvier 1998, p. 38, note F. Vauvillé ; Cass. com., 6 juillet 1999, n° 97-14.096, M. Sutter c/ Société Citibank international PLC N° Lexbase : A3403AUL, Defrenois 2000, 42, note J.-P. Sénéchal ; Rev. proc. coll. civ. et com. 2001, 8, n° 1, obs. F. Macorig-Venier ; Cass. civ. 1, 14 juin 2000, n° 98-10.577, Société Abbey national France c/ Société civile professionnelle Laureau-Jeannerot, ès qualités d'administrateur judiciaire de Mme Bouaniga et autres, P N° Lexbase : A3573AUU, Bull. civ. I, n° 182 ; D. Affaires 2000, 318, obs. A. Lienhard ; Rev. proc. coll. civ. et com. 2001, 8, n° 1, obs. F. Macorig-Venier ; Defrénois 2001, p. 368, note J.-P. Sénéchal ; Cass. com., 19 décembre 2000, n° 97-17.728, M. Biard c/ Comptoir des entrepreneurs, P N° Lexbase : A2137CIY, Bull. civ. IV, n° 202 ; Rev. proc. coll. civ. et com. 2001, 8, n° 1, obs. F. Macorig-Venier ; Defrénois 2001, p. 943, obs. P. Théry ; Cass. civ. 1, 28 juin 2005, n° 02-20.452, FP+B N° Lexbase : A8415DII, RJPF 2005/9, p. 30, obs. F. Vauvillé ; RD bancaire et fin. 2005/6, p. 24, obs. S. Piédelèvre). Pour cela, il faut, cependant, être créancier de tous les indivisaires (Cass. com., 11 décembre 2001, n° 98-15.022, FS-D N° Lexbase : A6414AXT, RJDA 2002/4, n° 415, p. 353 ; Act. proc. coll. 2002/4, n° 52), ce que la pratique désigne sous l'expression "créancier de l'indivision", concept juridiquement inadapté, faute pour l'indivision d'avoir la personnalité morale. La solution aurait alors été aux antipodes de celle qui s'impose à lui dans la procédure collective.

  • En l'absence de signature de la déclaration de créance, la preuve de l'identité du déclarant peut résulter de la simple mention dactylographiée du nom d'une personne habilitée à déclarer (Cass. com., 21 novembre 2006, n° 05-17.008, FS-P+B+I+R N° Lexbase : A4873DSB)

La déclaration de créance est une source inépuisable de contentieux d'un grand intérêt pratique. Au rang des innombrables arrêts relatifs à cette question, se trouve, désormais, un nouvel arrêt capital si l'on en juge les lettres suivant sa numérotation (FS-P+B+I+R). Il a trait à la preuve de l'identité du signataire de la déclaration de créance en l'absence de signature de celle-ci.

En l'espèce, une société financière avait déclaré ses créances au passif de son débiteur mis en redressement judiciaire. La caution, assignée en exécution de ses engagements, avait opposé au créancier une irrégularité des déclarations de créance. En effet, celles-ci n'étaient pas signées et portaient simplement la mention dactylographiée du nom d'un préposé du créancier qui occupait un emploi de directeur adjoint au sein de l'établissement financier. La cour d'appel (Besançon, 29 mars 2005) n'ayant pas fait droit à l'argumentation de la caution, cette dernière s'est pourvue en cassation. Par l'arrêt rapporté, la Cour rejette le pourvoi, considérant que, "après avoir constaté que les déclarations de créances initiales faites en avril 1997 portaient la mention dactylographiée du nom de Geneviève Froger et relevé que celle-ci occupait un emploi de directeur adjoint au sein de CGLE-Crédit général industriel, l'arrêt retient qu'il résulte de ces éléments que les déclarations peuvent être attribuées à Mme Froger ; que par ces constatations et appréciations, la cour d'appel a légalement justifié sa décision". Cet arrêt, salvateur pour le créancier, marque un revirement par rapport à la position adoptée antérieurement par la Chambre commerciale de la Cour de cassation. Dans une espèce analogue ayant donné lieu à un arrêt rendu le 16 juin 2004 (Cass. com., 16 juin 2004, n° 02-20.152, F-D N° Lexbase : A7370DCX), la déclaration de créances ne portait pas de signature mais simplement la mention de deux signataires dont un avait reçu pouvoir du président du conseil d'administration, avec faculté de subdélégation, de déclarer les créances. La Cour de cassation cassa alors l'arrêt d'appel qui avait considéré que la créance litigieuse avait été déclarée par une personne habilitée et jugea "qu'en se déterminant par de tels motifs, impropres à établir quel était le signataire de la déclaration de créance [...] la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision". Dans le même sens, avait également été rendu un arrêt considérant que n'était pas rapportée la preuve que la déclaration de créances avait été établie par une personne habilitée lorsqu'elle comportait l'indication "je certifie sincère et véritable", suivie du nom du délégataire de pouvoir, alors qu'elle n'était pas signée (Cass. com., 15 février 2005, n° 02-16.600, Société BTP Retraite (section CNRO et CNPO) c/ Société à responsabilité limitée Euromaçonnerie Corse (Euromac), F-D N° Lexbase : A0955DHT).

Mettant un terme à cette jurisprudence, la Cour de cassation considère au contraire, aujourd'hui, que, la preuve de l'identité du déclarant -laquelle peut être faite par tout moyen jusqu'au jour où le juge statue-, peut résulter de la simple mention dactylographiée du nom d'une personne habilitée à déclarer la créance. Cette position, qui n'est au demeurant pas celle de la doctrine (v. P.-M. Le Corre, Droit et pratique des procédures collectives, Dalloz action 2006-2007, n° 662.42), n'est pas à l'abri de toute critique et peut emporter des conséquences pour le moins singulières. On sait, en effet, que, lorsque la déclaration de créance a été signée, en cas de contestation de l'identité du signataire de la déclaration de créance, le juge doit vérifier que la signature émane bien du préposé titulaire de la délégation de pouvoir (Cass. com., 6 mars 2001, n° 98-15.630, Caisse mutuelle de dépôts et de prêts de Besançon Saint-Claude c/ Mme Françoise Le Gallic N° Lexbase : A4793ARX, Act. proc. coll. 2001/9, n° 108). Voici, cependant, que la Cour de cassation rend en quelque sorte facultative la signature de la déclaration de créances dès lors que le nom de celui qui aurait dû en être le signataire figure sur la déclaration. Puisque, désormais, la preuve de l'identité du déclarant peut résulter de la simple mention dactylographiée du nom de la personne habilitée à déclarer la créance, on pourrait presque conseiller aux créanciers de se garder de faire apposer une signature aux côtés du nom du préposé déclarant leur créance, ce qui couperait court à toute discussion à propos de la concordance entre le nom du déclarant et la signature apposée sur la déclaration...

Pierre-Michel Le Corre
Professeur agrégé, Directeur du Master droit de la Banque de la faculté de droit de Toulon
Emmanuelle Le Corre-Broly
Maître de conférences des Universités
Enseignante du Master Droit de la banque de la faculté de droit de Toulon et du Var

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Habitat-Logement

[Textes] Décret relatif à la lutte contre l'habitat insalubre ou dangereux et à la sécurité des immeubles collectifs d'habitation

Réf. : Décret n° 2006-1359 du 8 novembre 2006 relatif à la lutte contre l'habitat insalubre ou dangereux et à la sécurité des immeubles collectifs d'habitation (N° Lexbase : L1245HTB)

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Le 07 Octobre 2010

Le décret relatif à la lutte contre l'habitat insalubre ou dangereux et à la sécurité des immeubles collectifs d'habitation a été pris en application de l'ordonnance du 15 décembre 2005 relative à la lutte contre l'habitat insalubre ou dangereux (1). Cette ordonnance avait en particulier apporté une simplification notable de la procédure applicable aux arrêtés de péril "non imminent". Les modalités de la procédure contradictoire prévue préalablement à la signature de l'arrêté de péril se trouvent aujourd'hui précisées. Le décret porte sur trois points principaux : les immeubles menaçant ruine ; la sécurité des immeubles collectifs à usage principal d'habitation ; les immeubles insalubres. I. Le péril "non imminent" et la police des édifices menaçant ruine

A. Pouvoir de police spéciale et pouvoirs de police générale

Pour assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publique, le maire dispose de ses pouvoirs de police générale (2). Il dispose, également, d'un pouvoir de police spéciale (3) lui conférant l'autorité pour prescrire la réparation ou la démolition des murs, bâtiments, ou édifices menaçant ruine (4). La distinction s'établit sur l'origine du péril. La police spéciale s'exerce lorsque les causes du danger sont liées au bâtiment lui-même. Lorsque le danger provient de causes extérieures, la police générale s'exerce. Puisque dans le premier cas la responsabilité incombe au propriétaire, les travaux sont exécutés à leurs frais. Dans le second cas, ils restent à la charge de la commune, d'où l'importance du choix de la procédure.

Le Conseil d'Etat a confirmé, comme critère exclusif, la distinction extrinsèque ou intrinsèque du danger affectant l'immeuble (5). Néanmoins, en situation d'extrême urgence créant un péril particulièrement grave et imminent, le maire peut prendre les mesures de sûreté nécessaires sur la base de ses pouvoirs de police générale, même si ce péril relève, de par son origine intrinsèque, de la police spéciale (6). La sauvegarde de la sécurité collective autorise ce recours et justifie la prise en charge par la collectivité des travaux prescrits.

B. Péril "ordinaire" et péril "imminent"

L'ordonnance du 15 décembre 2005 a permis de clarifier la distinction entre péril imminent et péril non imminent (7). Le péril "ordinaire" est caractérisé par le risque d'un effondrement compromettant la sécurité publique ou d'absence de garantie quant à la solidité nécessaire au maintien de la sécurité publique. Le maire peut alors prescrire la réparation ou la démolition de l'édifice.

Dès lors que le péril apparaît immédiat, le maire prend les mesures provisoires nécessaires pour parer à l'imminence du danger (8). L'urgence de la situation, constatée par le maire et validée par un expert, impose ces mesures. Hors le cas où le propriétaire a exécuté des travaux mettant un terme au péril, le maire doit veiller à ce qu'il soit mis fin durablement au danger : à la procédure de péril imminent, succède une procédure de "péril ordinaire". Un arrêté de péril ordinaire suit donc logiquement un arrêté de péril imminent.

II. La procédure de péril "non imminent"

Tant la procédure de péril imminent que celle relative au péril ordinaire ont été modifiées par l'ordonnance du 15 décembre 2005 (9). La nouvelle procédure de péril ordinaire se trouve simplifiée : la phase contradictoire est renvoyée avant la signature de l'arrêté de péril et l'homologation par le juge administratif est supprimée. Elle est précisée par le décret du 10 novembre 2006.

A. Phase contradictoire

Le maire, informé des désordres affectant un édifice, en avise le propriétaire, tel qu'il figure au fichier immobilier de la conservation des hypothèques, ou au Livre foncier. Le maire lui demande ses observations dans un délai qu'il fixe et qui ne peut être inférieur à un mois. Il joint à ce message les éléments utiles en sa possession (10).

Cette information est effectuée par une lettre remise contre signature. Ce préalable constitue une formalité impérative et doit permettre aux propriétaires de faire valoir leurs observations. Le cas échéant, ils pourront procéder aux travaux exigés par la situation. Passé le délai fixé, l'absence de réponse ou une réponse dilatoire permettront au maire de prendre l'arrêté de péril (11).

B. Arrêté de péril

Prise de l'arrêté. Lorsque le péril persiste du fait du silence du propriétaire ou de son inaction pour réaliser des travaux, le maire prend un arrêté de péril, en application de l'article L. 511-2 (N° Lexbase : L1146HP7), ordonnant les travaux de réparation, ou de démolition à effectuer dans le délai fixé. Ce délai d'exécution des travaux ne peut être inférieur à un mois (12).

Si la sécurité des habitants d'un immeuble d'habitation est menacée, l'arrêté de péril peut être assorti d'une interdiction d'habiter et d'utiliser les lieux. L'interdiction peut être temporaire ou définitive, dans ce dernier cas, la date d'effet ne peut être fixée au-delà d'un an. L'arrêté précise également la date à laquelle le propriétaire de l'habitation doit informer le maire de l'offre d'hébergement ou de relogement qu'il a faite aux occupants (13).

Notification et transmission. L'arrêté est notifié aux propriétaires et aux occupants. Elle peut également se faire par affichage à la mairie de la commune où est situé l'immeuble et sur ce dernier. Cet affichage est pertinent en cas de doute sur l'identification des occupants ou des propriétaires. L'arrêté doit être transmis au préfet dans le cadre du contrôle de légalité (14). Le maire peut demander sa publication, aux frais du propriétaire, à la conservation des hypothèques, ou au livre foncier dont dépend l'immeuble.

L'arrêté de péril est communiqué au président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d'habitat, aux organismes payeurs des aides personnelles au logement ainsi qu'au gestionnaire du fonds de solidarité pour le logement du département lorsque le bâtiment concerné est à usage d'habitation (15).

C. Exécution des mesures prescrites

Mise en demeure. Si les mesures ordonnées dans l'arrêté n'ont pas été exécutées par le propriétaire, le maire le met en demeure d'effectuer les travaux ou la démolition spécifiés dans un nouveau délai qui ne peut être inférieur à un mois. L'absence de réaction du propriétaire entraînera leur exécution par le maire.

Protection du patrimoine et des sites. L'avis de l'architecte des Bâtiments de France doit être sollicité par le maire dans les cas où l'immeuble frappé de péril est inscrit au titre des monuments historiques, situé dans le champ de visibilité d'un immeuble classé, dans une zone de protection du Code du patrimoine ou encore protégé au titre du Code de l'environnement. L'avis est réputé émis en l'absence de réponse dans le délai de quinze jours (16).

Exécution des travaux ou de la démolition. Sans autorisation préalable, le maire a l'obligation de procéder aux travaux d'office en cas de silence ou de non-réalisation par le propriétaire. En revanche, si la mesure prescrite est la démolition, son exécution d'office nécessite l'autorisation du juge des référés judiciaire.

D. Arrêté constatant la réalisation des travaux

Le maire constate, par arrêté, la réalisation des travaux prescrits, ainsi que leur date d'achèvement sur le rapport d'un homme de l'art. Il prononce la mainlevée de l'arrêté de péril et, le cas échéant, de l'interdiction d'habiter et d'utiliser les lieux. L'arrêté de constatation se trouve notifié et transmis à l'identique de l'arrêté de péril. Il est publié à la conservation des hypothèques ou au livre foncier dont dépend l'immeuble pour chacun des locaux, et aux frais du propriétaire.

E. Contenu de la créance

Les frais des travaux ou de la démolition incombent au propriétaire défaillant. Le montant de la créance née de l'exécution d'office comprend le coût de l'ensemble des mesures rendues nécessaires, notamment, la rémunération de la maîtrise d'ouvrage, y compris les diagnostics ou expertises nécessaires, les missions complémentaires telles que l'assistance à la maîtrise d'ouvrage, le contrôle technique, la coordination sécurité ou protection de la santé ou les missions de coordination du chantier, les frais d'assurance, éventuellement les expertises ou travaux complémentaires nécessaires pour assurer la sécurité de l'ouvrage ou celle des bâtiments mitoyens (17). Le montant des frais est recouvré comme en matière d'impôts directs.

III. Immeubles en copropriété

Dans le même temps, le décret apporte des précisions de procédure relatives au péril et, parallèlement, à la sécurité des équipements communs des immeubles collectifs à usage principal d'habitation. En effet, les procédures applicables à ces équipements sont identiques à celle du péril depuis la loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006 (18). Quelques points diffèrent.

A. Phase contradictoire

Dans le cas d'un immeuble en copropriété, l'information est faite au syndicat des copropriétaires, pris en la personne du syndic, qui la transmet aux copropriétaires dans un délai qui ne peut excéder vingt et un jours. Le délai dans lequel le syndic apporte ses observations quant au péril se trouve fixé à deux mois au lieu d'un seul.

B. Arrêté de péril

Dans le cas d'un immeuble en copropriété, lorsque les travaux prescrits ne concernent que les seules parties communes, la notification aux copropriétaires est valablement faite au seul syndicat de la copropriété, pris en la personne du syndic qui la transmet aux copropriétaires dans le délai de vingt et un jours à compter de la réception.

C. Exécution des mesures prescrites

Dans le cas où l'inexécution de l'arrêté de péril résulte de la défaillance de certains copropriétaires, le syndic informe le maire des démarches entreprises pour faire réaliser les travaux. Il lui fournit une attestation de défaillance. La défaillance résulte de l'absence de réponse ou de la réponse partielle aux appels de fonds destinés à financer les travaux prescrits dans le délai de quinze jours à compter de la sommation à payer.

L'autorité publique se décide dans un délai d'un mois à se substituer aux copropriétaires défaillants. Elle ne peut se substituer qu'aux seuls copropriétaires défaillants. La décision est notifiée par le maire au syndic et aux propriétaires défaillants, ainsi que les sommes versées pour leur compte. La maîtrise d'ouvrage des travaux est donc assurée dans ce cas par le syndicat des copropriétaires. Dans le cas d'une défaillance généralisée, la commune ne peut recourir à la procédure de substitution : le maire devra engager les travaux d'office.

D. Contenu de la créance

La commune informe le syndic lorsqu'elle a recouvré la totalité de la créance qu'elle détient sur un copropriétaire défaillant et auquel elle s'est substituée. Tant que la créance n'est pas recouvrée, le syndic notifie sans délai à la commune toute mutation concernant un lot d'un propriétaire défaillant. La commune peut, ainsi, faire valoir ses droits auprès du notaire qui en est chargé.

IV. Equipements communs des immeubles collectifs à usage principal d'habitation

Le décret du 8 novembre 2006 précise la procédure applicable lorsque les équipements communs des immeubles collectifs à usage principal d'habitation présentent un fonctionnement défectueux ou un défaut d'entretien de nature à créer des risques sérieux pour la sécurité des occupants, hors cas de danger imminent. Les dispositions réglementaires sont identiques à celles qui ont été prévues pour les bâtiments menaçant ruine (19).

V. Immeubles insalubres

Le décret du 8 novembre 2006 introduit huit articles au Code de la santé publique qui visent des situations identiques à celles ayant fait l'objet des dispositions en matière de bâtiments menaçant ruine (20). Les mesures sont adaptées pour être propres à résorber l'insalubrité.

VI. Référé instruction

Les modifications apportées aux procédures de péril et de sécurité des équipements communs des immeubles collectifs d'habitation ont rendu nécessaire une adaptation du Code de justice administrative. Un chapitre VI est inséré, relatif au référé en matière de péril et de sécurité des équipements communs des immeubles collectifs d'habitation. Le référé prévu est un "référé instruction" de l'article R. 532-1 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L3075ALH). Il est pris par le juge des référés saisi par simple requête.

Le contenu de la mission de l'expert désigné par le juge se trouve précisée.

Nicolas Wismer
Collaborateur juridique à des associations de collectivités territoriales
Chargé d'enseignement en droit public à l'IEP de Lyon


(1) Ordonnance n° 2005-1566 du 15 décembre 2005, relative à la lutte contre l'habitat insalubre ou dangereux (N° Lexbase : L5276HDR).
(2) CGCT, art. L. 2212-2 (N° Lexbase : L8691AA7) à L. 2212-4.
(3) CGCT, art. L. 2213-24 (N° Lexbase : L8710AAT).
(4) CCH, art. L. 511-1 (N° Lexbase : L8421HEM) à L. 511-4.
(5) CE, 4° et 5° s-s-r.,10 octobre 2005, n° 259205, Commune de Badinières (N° Lexbase : A0028DLM).
(6) Idem.
(7) F. Dieu, La ratification de l'ordonnance relative à la lutte contre l'habitat insalubre ou dangereux, Revue Lexbase de Droit Public, n° 9 du 20 juillet 2006 (N° Lexbase : N1026ALL).
(8) Idem.
(9) Nous renvoyons à l'article de F. Dieu précité.
(10) CCH, nouv. art. R. 511-1.
(11) Cette procédure se substitue donc à l'homologation de l'arrêté du maire par le tribunal administratif, à la suite d'une contestation ou du silence des propriétaires.
(12) CCH, nouv. art R. 511-3.
(13) En application de l'article L. 521-3-1 du CCH (N° Lexbase : L8436HE8).
(14) CGCT, art. L. 2131-1 (N° Lexbase : L2000GUM).
(15) CCH, nouv. art. R. 511-4.
(16) CCH, nouv. art. R. 511-2.
(17) CCH, nouv. art. R. 511-5.
(18) Loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006, portant engagement national pour le logement (N° Lexbase : L2466HKK).
(19) CCH, nouv. art. R. 129-2 et R. 129-3.
(20) C. santé publ., nouv. art. R. 1331-4 à R. 1331-11.

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Collectivités territoriales

[Questions à...] Le pouvoir stratégique des collectivités locales : le choix du mode de gestion des services publics locaux

Lecture: 10 min

N5375A9X

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Le 07 Octobre 2010

Pour optimiser la gestion de leurs services publics, les collectivités locales doivent opérer le bon choix entre différents modes de gestion -gestion directe avec ses propres services ou avec des tiers, gestion déléguée confiée à des entités dans lesquelles elle est ou non partie prenante- choix à travers lequel apparaît clairement la stratégie politique d'une collectivité. A l'initiative du Conseil supérieur de l'Ordre des experts comptables, un groupe de travail a rédigé un ouvrage intitulé "Le pouvoir stratégique des collectivités locales : le choix du mode de gestion des services publics locaux", dont la publication est prévue pour la fin du premier semestre 2007, conjointement au Moniteur et chez Experts Comptables Media (société d'édition de l'Ordre) (1). Pour comprendre les différents éléments de cette problématique, nous avons choisi d'interroger Jean-Michel Moreau, vice-président du club "secteur public" de l'Ordre des experts-comptables, co-auteur de l'ouvrage. Lexbase : Pourquoi l'Ordre des experts comptables a-t-il décidé de travailler sur le choix du mode de gestion des services publics ?

J.-M. Moreau : L'Ordre des experts comptables met à la disposition de la profession de nombreux outils techniques. Les membres du "comité collectivités locales" et du club "secteur public" de l'Ordre "produisent" depuis plus de dix ans des ouvrages sur des thèmes intéressant le secteur public tels que le patrimoine des collectivités territoriales, le contenu du rapport du délégataire de service public, le contrôle interne dans les collectivités territoriales.

Les experts comptables qui interviennent dans le secteur public se trouvent, souvent, confronté aux interrogations des élus locaux et de leurs collaborateurs de direction sur les choix à effectuer pour optimiser la gestion des services publics.

Au-delà des choix idéologiques, les professionnels, généralement dans le cadre de la réunion de compétences pluridisciplinaires, rencontrent eux-mêmes des difficultés pour obtenir une synthèse de l'ensemble des problématiques posées. Aucun ouvrage, sauf à tendance encyclopédique, ne balaye l'ensemble des problèmes liés au choix du mode de gestion d'un service public.

Aussi, il nous est apparu nécessaire de mettre en chantier un document de synthèse permettant aux différents acteurs, élus, fonctionnaires territoriaux, experts comptables..., de balayer l'ensemble des sujets et de disposer des moyens de hiérarchiser les problématiques afin d'en approfondir les principales.

Lexbase : Cet ouvrage n'est donc pas destiné qu'aux experts comptables ?

J.-M. Moreau : Non, il s'adresse à tous les acteurs du choix.

Lexbase : Pour rédiger cet ouvrage, quelle équipe avez-vous réunie autour de vous ?

J.-M. Moreau : La complexité et la multitude des éléments à prendre en compte ont rendu nécessaire la constitution d'une équipe à géométrie variable qui s'est d'abord attelée à la tâche en considérant que moins d'une année suffirait à réaliser notre ambition. En fait, il aura fallu plus de deux ans et les travaux de nombreuses personnes, toutes, à un moment ou à un autre de leur vie professionnelle, ayant été confrontées à ce choix. Ainsi, autour d'un noyau formé par des experts comptables, ont participé à ces travaux non seulement des avocats et des fonctionnaires territoriaux, mais aussi des élus, des représentants du ministère des Finances, des magistrats de Chambres régionales des comptes et un conseiller d'Etat.

Je voudrais en profiter pour leur rendre hommage ici. La finalisation de nos travaux est en cours, nos discussions ont été souvent animées, mais toujours empreintes du respect de l'autre, non seulement pour sa compétence mais aussi pour son apport sans langue de bois.

Ce fut enrichissant pour tous, j'espère que nos lecteurs y trouveront cette vision générale qui leur permettra de mieux aborder l'ensemble des problèmes posés. Notre ouvrage se veut, en effet, un simple outil généraliste d'assistance à la décision. Il ne peut remplacer les études spécifiques et complexes qui apparaîtront éventuellement nécessaires.

Lexbase : Pratiquement, quelles sont les premières questions que doit se poser une collectivité territoriale ?

J.-M. Moreau : La première étape consiste à définir de manière précise le service public concerné. Cela peut sembler évident mais la démarche n'est pas toujours complète. Il m'est arrivé d'entendre les questions suivantes :

"Comment gérer l'eau ?". Cela porte-t-il sur l'adduction, la potabilisation, la distribution, l'assainissement, sur l'ensemble de ces éléments, sur certains d'entre eux ? "Comment externaliser la station de ski ?". Cela comprend-il les investissements, la simple exploitation, les éléments annexes tels qu'un restaurant d'altitude, le ski alpin et/ou le ski de fonds ?

Je ne ferai l'affront à personne de poser la question de savoir si l'exploitation du service public concerné ne laisse pas place au choix, tel l'état civil ou les transports ferroviaires régionaux.

La deuxième étape, si le service public existe déjà, est de bien connaître comment il est exploité aujourd'hui.

La troisième étape est de s'interroger sur les contraintes politiques locales. En effet, certains modes de gestion sont, parfois, écartés préalablement par des élus, voire par une grande majorité des électeurs. Or, le choix doit être éclairé, sans idéologie, par des scénarios incontestables permettant de peser, de manière réfléchie, avantages et inconvénients, d'une part, risques et opportunités, d'autre part.

La quatrième étape est de se préoccuper de choisir qui réalisera l'étude permettant d'éclairer les élus. Les services de la collectivité disposent-ils des compétences et de l'expérience nécessaires, peuvent-ils être considérés comme indépendant, un "oeil extérieur" peut-il apporter un éclairage nouveau, une assistance aux services est-elle pertinente ?

Enfin, il s'agit d'étudier ou de faire étudier les différents modes de gestion possible.

Lexbase : Existe-t-il un mode d'emploi concernant le choix du mode de gestion d'un service public ? Quels sont les différents paramètres qui doivent être pris en compte ?

J.-M. Moreau : Mode d'emploi ? Non, je n'aime pas cette expression qui donne l'impression qu'il suffit de prendre une grille d'analyse et de mettre des croix dans les cases pour déterminer un mode de gestion. C'est toujours beaucoup plus complexe. En fait, il est nécessaire d'analyser plusieurs paramètres :

  • le niveau de satisfaction du mode de gestion actuel ;
  • les conséquences d'une modification du mode de gestion actuel principalement en termes de :

    - transfert des biens ;
    - transfert des contrats ;
    - gestion des ressources humaines ;
    - conséquences fiscales (tant en ressource pour la collectivité territoriale, qu'en charge pour l'exploitant) ;
    - image auprès des usagers ;
    - conflit politique potentiel.

  • les particularités des différents modes de gestion envisagés, voire envisageables dans les domaines :

    - du juridique ;
    - du social ;
    - du fiscal ;
    - du financier ;
    - des composantes budgétaires ;
    - de la comptabilité ;
    - du niveau de maîtrise du service ;
    - des responsabilités liées à l'organisation et à l'exploitation du service ;
    - de la capacité de la collectivité territoriale à contrôler un exploitant extérieur.

Lexbase : Le choix final doit-il systématiquement résulter d'une analyse comparative entre les différents modes de gestion ?

J.-M. Moreau : Assurément, sans comparaison le choix n'est pas éclairé, aucune stratégie n'est lisible, l'électeur ne peut qu'avoir l'impression d'une décision idéologique ou résultant d'un effet de mode.

Les élus doivent se poser la question du niveau souhaité de la maîtrise du service public, pour cela, ils doivent être en mesure de comparer les différentes possibilités ouvertes :

- totale avec la régie pure et simple (par exemple : ramassage des ordures ménagères par le matériel et les agents de la commune ou du syndicat -voire de la communauté- auquel la commune a transféré sa compétence, la distribution de l'eau potable effectuée avec les seuls moyens de la commune) ;
- quasi-totale avec la régie mais pour laquelle certains travaux ou certaines prestations sont externalisées dans le cadre d'un marché public (par exemple : une entreprise à qui est confiée le ramassage des ordures ménagères ou l'entretien des compteurs d'eau potable) ;
- plus ou moins partielle avec une délégation de service publique (par exemple la distribution de l'eau confiée à une entreprise, l'autorité délégante conservant ou non la maîtrise des travaux, quitte à les externaliser dans le cadre de marchés publics).

C'est ainsi que l'ouvrage organise la mise en oeuvre du choix, selon trois grands cercles, dans la galaxie du pouvoir, allant du centre, la collectivité, jusqu'aux contrats avec des entreprises privées en passant par ceux avec des entreprises ou des groupements aux capitaux mixtes.

En tout état de cause la délégation, au sens large, ne doit pas correspondre à une manière de se débarrasser des éventuels problèmes liés au service, ce qui a été parfois le cas par le passé.

La loi oblige à effectuer une évaluation préalable et une comparaison avec les autres modes de gestion possibles, lors de la mise place d'un contrat de partenariat. Pourquoi ne pas étendre cette obligation aux autres modes de gestion, y compris lorsque la régie est choisie ?

Lexbase : Est-il possible de décrire, pour chaque mode de gestion d'un service public, une situation-type dans laquelle le choix d'un mode de gestion s'impose ?

J.-M. Moreau : Pour certains, en particulier, lorsque la loi l'impose. On peut donner quelques exemples :

- la régie lorsque la compétence n'est pas délégable : essentiellement des services publics administratifs tels que l'état civil, les élections, la gestion des concessions funéraires ou la police municipale ;
- une forme de délégation lorsque la contractualisation pour l'exploitation d'un service est obligatoire, tel est le cas de l'exploitation du service de transport ferroviaire régional des voyageurs.

Voire, lorsque la loi ne laisse pas de choix, s'il y a externalisation tels les contrats de partenariat en milieu hospitalier ou les concessions d'aménagement.

Dans d'autres cas, des raisons économiques ou fiscales laissent un espace de liberté restreint :

- certaines activités liées à la culture, lorsque des subventions ne sont versées qu'à des associations, la délégation à une entité créée dans le cadre de la loi de 1901, sans être obligatoire, devient un impératif au niveau du financement ;
- un service saisonnier pour lequel la gestion de l'exploitation est inutilement compliquée par l'obligation de la gérer par année civile, tel une station de ski alpin (clôturer un exercice comptable le 31 décembre alors que l'activité a pu commencer trois semaines ou deux jours avant ne permet pas une gestion optimale ;
- les conséquences des règles liées à l'assujettissement ou non de la TVA (par exemple : eau potable, ski de fonds, traitement des déchets ménagers)

Mais, dans la majorité des cas, aucun mode de gestion ne s'impose a priori.

Lexbase : Est-il possible de dresser pour chaque mode de gestion, un tableau avantages/inconvénients ?

J.-M. Moreau : Non dans l'absolu. Tel mode de gestion qui s'imposera de lui-même en fonction de circonstances et de contraintes locales, apparaîtra comme peu approprié dans un autre lieu.

C'est au cas par cas, en fonction d'analyses objectives et indépendantes, sans parti pris, que les élus doivent exercer leur choix dans le souci de l'intérêt général et de la satisfaction des usagers.

Il me paraît indispensable de faire apparaître pour chaque mode de gestion possible d'un service public :

- ses avantages et ses inconvénients ;
- ses forces et ses faiblesses ;
- les risques et les opportunités qui peuvent en résulter.

Encore une fois, ce qui apparaîtra comme un avantage en un lieu pourra être considéré comme un inconvénient ailleurs.

Lexbase : Pouvons-nous reprendre les éléments évoqués ci-dessus à travers un exemple ?

J.-M. Moreau : Puisque la saison de ski commence, on peut donner quelques pistes en ce domaine.

Pour une commune qui souhaite mettre en place une station de ski, certains éléments locaux, tant matériels que psychologiques, auront des incidences :

- les terrains sur lesquels les pistes seront installées appartiennent-ils au domaine public, au domaine privé communal ou à des personnes privées (dans bien des cas il y aura mixité) : qui va gérer cet espace et les relations entre ces divers acteurs ?
- l'investissement est lourd : qui va porter l'investissement, comment peut-il être financé ?
- une partie du personnel est saisonnier : quel mode de gestion apporte le plus de souplesse quant à la date de départ des contrats en fonction de l'ouverture de la station ? Dans quel mode de gestion y-a-t-il le plus de risque que les contrats saisonniers se transforment un jour en contrats à durée indéterminée ? Quel sera le meilleur employeur si une grande partie de ce personnel est local ?

Des éléments budgétaires et financiers sont à prendre en compte :

- en cas d'ouverture précoce de la station, la régie risque de ne pas permettre de déclencher de nouvelles dépenses de fonctionnement à quelques jours de la fin de l'année sauf à avoir prévu un budget très large, source d'éventuels gaspillages ;
- en cas d'enneigement insuffisant quel est le mode de gestion le mieux adapté pour faire face à un déficit élevé ? La trésorerie de l'entreprise délégataire, voire sa capacité d'emprunt pour assurer son besoin en fonds de roulement à court et moyen terme, est-elle suffisante pour assurer la continuité de l'exploitation du service ?

Des éléments fiscaux sont à prendre en compte :

En supposant que l'exploitation soit déléguée, le montant de la taxe professionnelle correspondante est assis sur les immobilisations utilisées, il est donc généralement très élevé, mais la valeur ajoutée dégagée par l'entreprise qui exploite le service est souvent assez faible, aussi le plafonnement de la taxe trouve à s'appliquer et l'autorité délégante perçoit une taxe payée pour partie (et une petite partie !) seulement par l'exploitant. C'est l'Etat qui paiera le solde, on peut donc considérer qu'un tel mode de gestion peut, dans le cadre de la fiscalité actuelle, générer une sorte de subvention indirecte. Encore faut-il que l'autorité délégante perçoive la taxe professionnelle, en effet pourrait-on considérer que, l'autorité délégante étant un syndicat intercommunal, la taxe professionnelle étant perçue par une communauté de communes (dont la composition serait, bien sûr, différente de celle du syndicat) cette dernière puisse transférer une partie de l'impôt perçu au premier ?

En supposant que l'exploitation soit effectuée en régie, l'exercice fiscal sera clos le 31 décembre. Ainsi, toutes les opérations de césure d'exercice seront effectuées en pleine activité, de même pour la déclaration à déposer en pleine saison, c'est-à-dire à un moment où les disponibilités humaines seront tournées vers l'exploitation et non l'administratif. Au contraire, une clôture d'exercice à fin septembre permettrait d'arrêter les comptes en toute sérénité, en période creuse, à la fois plus simplement et plus rapidement.

On pourrait, ainsi, continuer pendant longtemps. Avant de finir : et si une partie de la station concerne l'activité de ski de fond ? Certains des éléments ci-dessus seront analysés différemment car les investissements sont moins importants, les risques financiers sont beaucoup plus faibles et surtout le régime de la TVA sur les versements effectués par les usagers est totalement différent : ces versements pouvant passer d'une absence de taxation à une taxation au taux de 19,6 % tandis que ceux effectués pour du ski alpin (donc pour l'utilisation de remontées mécaniques assimilée à une activité de transport de personnes) seront taxés au taux de 5,5 % !

Lexbase : En conclusion ?

J.-M. Moreau : Seule une analyse effectuée au cas par cas a un sens. Sans avoir pour objectif de répondre à toutes les questions et à tous les cas, notre ouvrage a pour vocation d'aider à la réflexion et de permettre de lister les problématiques à approfondir afin de permettre aux élus de faire un choix éclairé dans le cadre d'une stratégie lisible par les citoyens.

J'espère que nos lecteurs trouveront que notre ambition était justifiée et que nos objectifs ont été atteints.

Propos recueillis par Anne-Lise Lonné
Rédactrice en chef de la Revue Lexbase de Droit Public


(1) Le pouvoir stratégique des collectivités locales : le choix du mode de gestion des services publics locaux, publication prévue pour la fin du premier semestre 2007 conjointement au Moniteur et chez Experts Comptables Media (société d'édition de l'Ordre des experts-comptables). La parution sera annoncée de manière plus précise et indiquée sur le site www.secteurpublic.asso.fr, site de l'Ordre des experts-comptables pour le secteur public.
Les grandes parties de l'ouvrage :
1. Les principes fondamentaux
2. Le choix éclairé
3. La diversité du cadre juridique
4. Les règles fondamentales en matière de ressources humaines, recettes et financement, budgétaire et comptable, fiscale, contrôle et responsabilité
5. La mise en oeuvre dans les différentes sphères de la galaxie publique
6. Les particularités liées à l'objet du service.

newsid:265375

Rel. collectives de travail

[Textes] Vers la fin de la représentativité présumée ?

Réf. : Avis du Conseil économique et social intitulé "Consolider le dialogue social"

Lecture: 10 min

N4287A9N

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Le 07 Octobre 2010

Le Conseil économique et social a rendu, le 29 novembre 2006, un avis intitulé "Consolider le dialogue social". Ce texte illustre à nouveau combien le renforcement de la place de la négociation collective au sein des sources du droit social paraît fondamental, tant aux gouvernants qu'aux partenaires sociaux. On se souviendra, ainsi, que le mouvement ébauché avec la position commune des partenaires sociaux en juillet 2001 a pris une plus grande ampleur avec la loi n° 2004-391 du 4 mai 2004, relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social (N° Lexbase : L1877DY8). Alors qu'est en préparation une loi relative à la modernisation du dialogue social (v. les obs. de Ch. Radé, A propos de la modernisation du dialogue social, Lexbase Hebdo n° 238 du 30 novembre 2006 - édition sociale N° Lexbase : N2405A9X), cet avis présente, lui aussi, de nouvelles pistes destinées à promouvoir, à "moderniser" le dialogue social. L'avis traite de cinq thèmes intéressant la négociation collective : la représentativité des acteurs, la validité des accords collectifs, la négociation dans les PME, les moyens des organisations syndicales et, enfin, quelques réflexions complémentaires relatives au secteur public et à l'Outre-mer. Seules les propositions concernant la réforme de la représentativité syndicale nous intéresseront ici.

Le CES se fonde sur le postulat selon lequel le dialogue social ne pourra être consolidé que si la légitimité des partenaires sociaux est restaurée (1). A cet effet, il dresse un état des lieux de la légitimité actuelle des organisations syndicales, avant d'envisager quelques axes d'évolution qui pourraient être suivis et de, concrètement, proposer des mesures visant à réformer la représentativité syndicale.

  • L'état des lieux de la légitimité des organisations syndicales

Le CES reprend les faits constitutifs d'une situation désormais bien identifiée. "La légitimité des acteurs actuels est fragilisée par une contestation rampante et les salariés deviennent aujourd'hui trop souvent étrangers à l'action syndicale quotidienne". Le taux de syndicalisation en France a baissé de moitié ces 25 dernières années, pour se trouver en 2003 à environ 8 % (voir le rapport de la Dares, Mythes et réalités de la syndicalisation en France, octobre 2004). Parmi les causes de cette désaffection, le CES pointe du doigt le mécanisme de la représentativité présumée.

Issue d'un arrêté ministériel du 31 mars 1966, la liste des organisations syndicales bénéficiant de cette présomption irréfragable de représentativité n'a jamais été actualisée. Seules la CGT, la CGT-FO, la CFDT, la CFTC et la CFE-CGC sont dispensées, à tous les niveaux, de faire la preuve de leur représentativité.

Le fossé existant avec les organisations syndicales ne bénéficiant pas de cette présomption est profond. Pour ces dernières, il faudra faire la preuve de leur représentativité grâce aux critères prévus par le Code du travail (C. trav., art. L. 133-2 N° Lexbase : L5695ACW), à savoir les effectifs, l'indépendance, les cotisations, l'expérience et l'ancienneté du syndicat et, enfin, tel le symbole de l'obsolescence du système, une dernière condition résidant dans l'attitude patriotique du syndicat pendant l'occupation. A ces indices, la Cour de cassation est venue ajouter ceux de l'influence du syndicat (Cass. soc., 3 décembre 2002, n° 01-60.729, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A1569A4U ; lire les obs. de Charlotte d'Artigue, Représentativité prouvée : la Cour de cassation revoit ses critères d'appréciation, Lexbase Hebdo n° 51 du 12 décembre 2002 - édition sociale N° Lexbase : N5131AAB) et de son activité (Cass. soc., 21 mai 2003, n° 01-60.660, Groupement d'intérêt économique (GIE) Vivalis c/ Syndicat Sud Caisse d'épargne, FS-P+B N° Lexbase : A1538B9T ; lire les obs. de Stéphanie Martin-Cuenot, Les critères de la représentativité syndicale, Lexbase Hebdo n° 74 du 5 juin 2003 - édition sociale N° Lexbase : N7642AAB).

Le CES estime que la présomption a perdu son intérêt originel. Si elle avait alors pour but "de faciliter l'implantation syndicale dans l'entreprise et d'éviter les contentieux multiples", ces objectifs ne seraient plus d'actualité. Il ne faut, néanmoins, pas oublier que la motivation implicite de la présomption de représentativité était, à l'époque, de lutter contre le monopole de fait dont bénéficiait la CGT et de permettre la diversité syndicale plus que l'implantation syndicale. Il est certain qu'aujourd'hui, la crainte d'un pouvoir trop important abandonné à la CGT prête presque à sourire tant elle paraîtrait anachronique.

Le CES estime, également, que la présomption serait, aujourd'hui, incomprise des salariés. Si cela est peut être le cas, c'est surtout son manque de réalisme qui doit subir les plus fortes critiques. Par le jeu de cette présomption, un syndicat aujourd'hui très minoritaire tel que la CFTC obtient des droits qui sont, parfois, déniés à d'autres syndicats tels que Sud, bénéficiant, pourtant, d'une audience autrement importante.

Les représentants du CES en concluent donc qu'il est souhaitable de réformer la représentativité et d'en apporter une nouvelle définition plus en corrélation avec le monde syndical d'aujourd'hui.

  • Les axes d'évolution envisagés

Le rapport est très clair sur ce point : il faut préserver la liberté syndicale, la liberté du salarié de pouvoir choisir un syndicat reflétant des valeurs dans lesquelles il se retrouve. Il faut donc maintenir la diversité syndicale, l'existence de syndicats réformistes ou révolutionnaires, laïcs ou à coloration religieuse, défendant plutôt les intérêts des ouvriers et des employés ou plutôt les intérêts des cadres. En outre, le CES estime que l'augmentation ou la diminution du nombre d'organisations syndicales n'aurait aucun effet mécanique sur le taux de syndicalisation. En revanche, il semble envisageable de faire intervenir d'autres axes d'évolution.

Le premier d'entre eux passerait par la réforme des critères permettant de prouver la représentativité du syndicat. D'une manière générale, le CES estime qu'il faudrait que la légitimité du syndicat à bénéficier des atours de représentativité soit mesurée en fonction de l'activité du syndicat caractérisée par sa "capacité à élaborer des propositions collectives, informer les salariés des résultats obtenus, demander leur avis et garantir la bonne exécution des accords résultant de la négociation collective". Cette capacité doit pouvoir être appréciée non seulement par les adhérents du syndicat, mais aussi par ses simples sympathisants. Il s'agirait, alors, d'un critère d'influence, principalement caractérisé par l'audience électorale du syndicat.

En réalité, un tel axe a déjà été plus ou moins pris en compte par le législateur comme par la Cour de cassation. Le législateur, par la loi du 4 mai 2004, a introduit dans le Code du travail un nouvel article L. 132-2-2 (N° Lexbase : L4693DZT), qui laisse aux partenaires sociaux la possibilité de prévoir que l'entrée en vigueur de conventions collectives sera soumise au principe du majoritaire, l'expression de cette majorité ayant dû s'extraire d'un suffrage auprès des salariés. Quant à la Chambre sociale, elle considère depuis longtemps l'audience électorale comme un critère de la représentativité (Cass. soc., 12 février 1985, n° 84-60.857, Saint Cas, Figarede, Landais c/ Mme Thomas, Mme Chastenet, Mme Renaut, publié N° Lexbase : A3862AG7).

Mais, il est vrai qu'il existe une sérieuse nuance entre considérer l'audience comme un indice s'ajoutant à ceux prévus par le Code du travail et la placer comme critère principal de l'établissement de la représentativité. De même, le mécanisme ne serait plus facultatif et limité à un secteur de l'activité des syndicats, contrairement à ce qu'avait mis en place la loi relative au dialogue social.

Le second axe concernerait le rétablissement d'une certaine égalité entre les différentes organisations syndicales. L'arrêté de 1966 devrait ainsi être abrogé, les différentes organisations syndicales seraient alors placées sur un pied d'égalité puisque chacune devrait faire la preuve de sa représentativité. La représentativité irréfragable de l'arrêté serait alors remplacée par une "représentativité nationale". Celle-ci serait attribuée à certaines organisations syndicales et pourrait être revue "en fonction des choix exprimés par les salariés lors de consultations électorales dont la périodicité et les modalités restent à définir".

Si l'on fait le bilan des deux axes proposés, on parvient à un système de représentativité prouvée pour tous les syndicats, cette preuve n'étant à apporter que périodiquement par voie électorale et étant ensuite valable jusqu'à la prochaine échéance. Il s'agirait donc toujours, contrairement à ce que laisse penser le CES, d'une représentativité présumée de manière irréfragable. Mais, ce caractère irréfragable ne serait plus éternel. En outre, cela aurait pour avantage conséquent de modifier la source de la représentativité. Si celle-ci était jusque-là attribuée par le Gouvernement, elle se trouverait, cette fois, appuyée sur le vote des salariés, syndiqués ou non, ce qui, à n'en pas douter, apporterait une plus grande légitimité aux organisations adoubées et, par conséquent, aux pouvoirs qui découlent d'une telle responsabilité.

Cependant, ce tableau qui semblait très clair s'obscurcit par une précision apportée par le rapport selon laquelle des groupes de l'assemblée, en particulier parmi les partenaires sociaux, adhèrent à l'idée d'une suppression du caractère irréfragable de la représentativité mais estiment qu'un élément principalement électoral induirait des effets indésirables. Cela les conduit à préférer une simple adaptation des dispositions actuelles.

La présomption irréfragable serait bien supprimée, l'arrêté de 1966 étant actualisé à intervalles de temps réguliers sur la base des cinq critères légaux (à l'exception de l'attitude patriotique pendant l'occupation, se transformant pour l'occasion en "respect des valeurs républicaines") auxquels s'ajouteraient les deux critères jurisprudentiels d'audience et d'activité. La réunion de ces différents indices serait étudiée par une instance indépendante ayant vocation à proposer au Gouvernement la liste actualisée, lequel la transcrirait par décret, établissant ainsi les organisations bénéficiant de la représentativité nationale.

On peut vivement regretter qu'aucun choix clair ne soit opéré par le CES entre ces deux modèles envisagés. Car si le premier opérerait un véritable changement de cap, en asseyant, une fois pour toutes, la légitimité des syndicats sur l'assentiment recueilli auprès des salariés, le second ne reviendrait finalement qu'à nuancer le système antérieur, sans fondamentalement redéfinir la notion de représentativité. Prend-on la direction d'un acte manqué ?

  • Les mesures de réforme de la représentativité syndicale proposées

Le système proposé est bel et bien fondé sur une légitimité électorale des syndicats, mais l'idée de représentativité nationale n'est absolument pas reprise.

Le CES préconise le principe selon lequel "le choix, par les salariés, des organisations appelées à les représenter dans les négociations doit se fonder, entre autres mais principalement, sur des élections". Il pose alors quatre propositions permettant d'établir la représentativité des organisations :

- Seules pourraient être candidates pour obtenir l'onction des salariés les organisations légalement constituées et indépendantes. Il s'agirait, concrètement, de modifier l'actuel article L. 133-2 du Code du travail (N° Lexbase : L5695ACW), pour qu'il ne comprenne plus que des critères dits "objectifs", tels que la déclaration de l'organisation, un nombre minimum d'adhérents et de cotisations, une ancienneté minimale. Cela consisterait, en réalité, à poser des conditions d'éligibilité pour les syndicats et permettrait un premier tri attestant du minimum de sérieux des candidats.

- La mesure de la représentativité des organisations candidates résulterait de consultations "permettant à tous les salariés et quelle que soit la taille de leur entreprise d'élire leurs délégués". Inutile de revenir sur le critère selon lequel tous les salariés et non les seuls syndiqués seraient impliqués dans la caractérisation de la représentativité (l'ancien critère d'effectif étant remplacé par celui d'audience). En revanche, la référence à l'élection de délégués dans l'entreprise laisse perplexe pour deux raisons. D'abord, parce que la référence à l'entreprise laisse penser que ce n'est qu'à ce niveau que serait appréciée la représentativité des organisations syndicales par vote des salariés. Ne s'agissait-il pas de remplacer la représentativité présumée de l'arrêté de 1966 par une "représentativité nationale" ? Ensuite, parce que la référence à l'élection de délégués peut renvoyer à deux réalités totalement différentes. Soit le CES envisage de baser la consultation des salariés sur les élections professionnelles au sein de l'entreprise et il n'y a, dès lors, guère de grand bouleversement, la technique étant déjà envisagée par la loi du 4 mai 2004. Soit le CES envisage que les délégués syndicaux soient désormais élus et non plus désignés dans l'entreprise. Ce serait, alors, une véritable révolution. Si une telle mesure paraît en adéquation avec la recherche effrénée de légitimité des syndicats et, par conséquent, de leurs représentants, on peut se demander si elle n'aurait pas pour effet de réduire le nombre de délégués syndicaux et de sections syndicales dans les entreprises. Peut-être est-ce un mal nécessaire, mais la moindre des choses serait de le dire ouvertement.

- L'élection doit se dérouler dans l'entreprise, sur le lieu de travail, au besoin à l'aide des NTIC : "il est important que toute élection porte sur des personnes reconnues par une organisation". Là encore, la tentation est grande de considérer que l'idée d'une "représentativité nationale" n'est pas reprise dans ces propositions, mais, qu'en revanche, c'est l'élection des délégués syndicaux qui se profile avec de telles mesures.

La référence au vote sur le lieu de travail permet d'opposer le scrutin à celui des conseillers prud'hommes qui s'organise, le plus souvent, dans les mairies. Il s'agirait donc d'élections sur le modèle de celles instituant les délégués du personnel et les représentants élus au comité d'entreprise.

- Enfin, la dernière proposition envisage qu'une période suffisamment grande soit laissée entre chaque élection afin d'éviter des effets pervers tels que les campagnes électorales à répétition pouvant mener à des surenchères peu réalistes ou à de l'immobilisme à l'approche des échéances. Il faudrait, également, prévoir un seuil de représentativité, le chiffre de 5 % étant envisagé, tout en préservant des règles particulières pour la CFE-CGC du fait de la spécificité des salariés concernés.

Finalement, comme on pouvait le craindre, ces quatre propositions ne reprennent pas clairement la volonté de remise en cause du système de présomption irréfragable de représentativité. L'élection organisée seulement au sein des entreprises et dans le but d'élire des délégués qui, on peut le supposer, remplaceraient les délégués syndicaux, ne semble pas avoir clairement vocation à servir de support à une représentativité d'un point de vue national mais, bien au contraire, de rester sur le schéma d'une représentativité au niveau de l'entreprise. Peut-être ne faisons-nous là qu'un procès d'intention... Mais le silence est équivoque.

Ce rapport va, malgré tout, dans le bon sens. Il accroît encore la démocratisation du système syndical, ce qui est très certainement un enjeu majeur pour redonner aux syndicats la légitimité qu'ils ont perdue. Mais, il ne faut pas s'y tromper : les partenaires sociaux, comme ils l'expriment au sein même du CES, sont toujours hostiles au remplacement progressif des règles oligarchiques datant de 40 ans par d'autres reflétant une certaine idée de démocratie sociale. A l'heure où l'on souhaite appeler les partenaires sociaux à négocier sur tout point de droit social que l'on envisage de réformer (v. le projet de loi précité), on peut craindre que le concept de représentativité nationale fondée sur le suffrage des salariés ne sorte jamais des méandres de la négociation préalable !

Sébastien Tournaux
Ater à l'Université Montesquieu Bordeaux IV


(1) Il reporte, pourtant, à une réflexion ultérieure les questions de légitimité et de représentativité des organisations patronales, estimant tout de même que la situation de sous-représentation des employeurs de l'économie sociale doit être réexaminée.

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