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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la rédaction
Le 27 Mars 2014
La fiscalité est-elle victime d'un dédoublement de la personnalité ? A en croire les dernières décisions de la Cour européenne des droits de l'Homme, la psychose n'est pas prête de guérir ! En effet, à la question séculaire, aux relents théologiques, l'impôt appartient-il à la sphère publique ou privée, la Cour répond par une formule alambiquée, dont elle a le secret, et qui ne convainc pas tout le monde : l'impôt emporte, certes, des conséquences patrimoniales relevant de la sphère privée, mais demeure une prérogative de puissance publique et, à ce titre, relève de la sphère publique. Et voilà que les fiscalistes-réalistes en sont à nouveau pour leur frais devant l'entêtement des Etats-cubistes à maintenir l'impôt comme un instrument régalien absolu au XXIème siècle. Il faut dire que, même si les juges de la Cour européenne ont pour principale mission de protéger les droits fondamentaux des citoyens face à la puissance étatique, la question de la nature de la fiscalité dérange. Poumon de l'action publique, l'impôt ne relève pas vraiment du contrat social -malgré l'illusion d'un consentement annuel à l'impôt, conformément à la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen-. Car si tel était le cas, la responsabilité de l'Etat pourrait aisément être engagée sur le terrain des droits de l'Homme, dans le cadre de la levée de l'impôt. Le refus systématique d'appliquer au recouvrement fiscal le droit à un procès équitable en est une illustration. Mais, à la décharge de ces juges suprêmes, le passif historique est lourd à écarter. "Les nations ne peuvent pas avoir de tranquillité sans une armée ; pas d'armée, sans une solde ; pas de solde sans des impôts". Tout est dit, ou presque, avec Tacite. L'organisation sociale, voire la civilisation, naissent avec l'impôt. Et Oliver Wendell Holmes de clamer "j'aime payer des impôts. Lorsque je paie des impôts, j'achète la civilisation". L'impôt est universel, tant il est inhérent à la civilisation : instrument de libération des hommes, il ne faut pas oublier que le tribut antique remplace le pillage anarchique et protège les sociétés vaincues ; instrument de libération des âmes, l'impôt est le squelette des églises primitives des Etats théocratiques qui de la levée de la dîme promettent la libation ou l'indulgence... Impôts fonciers, impôts sur la production et impôts sur le foyer, la trilogie de la fiscalité traverse les âges et les empires (égyptiens, romains, chinois ou arabo-musulmans). Alors, non seulement l'histoire commande que la fiscalité relève de la sphère publique, mais les écritures consacrent le fait. Et l'Evangile d'exhorter à rendre à César (puissance publique), ce qui lui appartient (la levée de l'impôt), et à Dieu (puissance privée et conviction intime), ce qui lui revient ; entérinant, par là-même, la fin (temporaire ?) de la double nature de l'impôt. On le voit bien, devant la patrimonialité privée de l'impôt se dressent la civilisation et Dieu ! Pourtant, il n'y qu'à ouvrir les yeux pour s'apercevoir que l'enjeu fiscal s'étend largement au-delà de la sphère régalienne. Les implications économiques et financières de la pression fiscale touchent le développement personnel des individus. Aucune décision stratégique d'investissement ou d'implantation n'est prise sans le conseil d'un fiscaliste. Les mécanismes mêmes du droit fiscal empruntent au droit public comme au droit privé. L'impôt, notamment, dans le cadre de l'harmonisation européenne lui niant extrinsèquement toute nature régalienne, est une donnée macro-économique comme une autre. C'est pourquoi il est permis de penser que l'école des fiscalistes-réalistes peut prospérer devant l'émancipation de la laïcité de l'impôt -après tout "les pensées sont exemptes d'impôt" (William Camden). Les éditions juridiques Lexbase vous proposent, cette semaine, de lire la chronique de Karim Sid Ahmed, Docteur en droit, "Stere et autres c/ Roumanie" ou la confirmation malheureuse de la jurisprudence "Ferrazzini" par la Cour européenne des droits de l'Homme.
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Réf. : Cass. soc., 10 mai 2006, n° 05-42.210, Mlle Florence Lucas c/ Société Gecoma, F-P+B (N° Lexbase : A3653DPY)
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par Sébastien Tournaux, Ater à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV
Le 07 Octobre 2010
Solution inédite
La suppression par l'employeur d'un avantage accordé en considération de la spécificité du travail d'une salariée, ayant pour conséquence de la mettre dans l'impossibilité de travailler, constitue une violation de l'obligation lui étant imposée par les articles 1134 du Code civil et L. 120-4 du Code du travail d'exécuter le contrat de travail de bonne foi. |
Décision
Cass. soc., 10 mai 2006, n° 05-42.210, Mlle Florence Lucas c/ Société Gecoma, F-P+B (N° Lexbase : A3653DPY) Cassation (CA Paris, 18ème ch., sect. D, 7 septembre 2004, n° 04/32260, Mademoiselle Florence Lucas c/ Société Gecoma N° Lexbase : A8059DDT) Textes visés : C. civ., art. 1134 (N° Lexbase : L1234ABC) ; C. trav., art. L. 120-4 (N° Lexbase : L0571AZ8). Mots-clefs : avantage accordé au salarié ; trajet ; impossibilité d'exécuter le contrat ; bonne foi. Liens bases : ; . |
Faits
Pendant plus de 10 ans, une salariée de l'entreprise Gecoma, ayant pour fonctions d'effectuer des inventaires de magasins, bénéficia d'une navette d'entreprise venant la chercher à son domicile. La spécificité du poste de cette salariée lui imposait de se rendre dans les entreprises clientes très tôt le matin, par conséquent sans pouvoir utiliser les transports en commun. En 2001, l'employeur décide de cesser cette pratique. La salariée, soutenant que ces nouvelles conditions l'ont mise dans l'impossibilité de travailler, saisit le juge prud'homal d'une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, demande dont elle est déboutée par la cour d'appel de Paris. |
Solution
"L'employeur, prenant en compte la spécificité de son travail d'inventoriste en équipe et l'horaire exceptionnel de prise du travail, faisait prendre la salariée depuis plus de dix ans à son domicile par un véhicule de l'entreprise et, cessant de la faire bénéficier de cet avantage lié à sa fonction, l'avait mise dans l'impossibilité de travailler, ce qui caractérisait un manquement de l'employeur à l'exécution de bonne foi du contrat de travail". |
Commentaire
1. Une nouvelle application de la bonne foi contractuelle
"Attendu, cependant, que le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi". Cette affirmation de principe, rappelée par la Cour de cassation dans l'espèce commentée, s'est construite progressivement au cours des quinze dernières années, tant à travers l'oeuvre du juge qu'à travers celle du législateur. C'est ainsi que, faisant application de l'article 1134, alinéa 3, du Code civil, la Chambre sociale avait initié le mouvement en imposant une obligation d'adaptation des salariés à leur emploi fondée sur la bonne foi contractuelle (Cass. soc., 25 février 1992, n° 89-41.634, Société Expovit c/ Mme Dehaynain, publié N° Lexbase : A9415AAX, D. 1992, p. 390, note M. Défossez). L'arrêt commenté reprend, d'ailleurs, à l'identique, la formule déjà utilisée en 1998 par la Cour de cassation, dans une décision demeurée inédite, au sujet du mode de calcul d'une rémunération (Cass. soc., 25 février 1998, n° 96-40.229, Société Schumacher DMF, société anonyme c/ M. Guy Chauveau, inédit N° Lexbase : A9822CZS). Cette obligation de bonne foi contractuelle en droit du travail, importée du droit civil par l'intermédiaire de l'article L. 121-1 du Code du travail (N° Lexbase : L5443ACL), fit une entrée remarquée dans le Code du travail lui-même en 2002 (loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002, précitée) à l'article L. 120-4. C'est, aujourd'hui, et à notre connaissance, le premier arrêt de la Chambre sociale de la Cour de cassation prononçant la cassation d'un arrêt d'appel au visa de cet article L. 120-4 du Code du travail, resté jusqu'ici relativement infécond. Quoique l'on puisse, à l'image du double visa utilisé dans l'arrêt par les juges, éternellement se demander si cette insertion dans le Code du travail avait une portée autre que symbolique, force est de constater que les Hauts magistrats décident, enfin, d'utiliser ce texte mis à leur disposition. Ce visa inédit n'est, cependant, pas la seule nouveauté présentée par la décision commentée.
Au cours de l'évolution qu'a connu le principe de bonne foi contractuelle en droit du travail, trois grands domaines semblent avoir été les sièges principaux de cette obligation. La bonne foi dans l'exécution du contrat s'est, tout d'abord, épanouie au regard de l'obligation d'adaptation du salarié à son emploi. Il s'agit, en l'occurrence, du domaine initial avec l'arrêt "Expovit", mentionné précédemment. A la suite de cela, on a vu émerger la notion de bonne foi en droit du travail concernant la preuve et, spécialement, la preuve de la faute du salarié. Il s'agit, là, alors, des nombreuses jurisprudences sur les vidéosurveillances (v., par ex., Cass. soc., 19 avril 2005, n° 02-46.295, F-P+B N° Lexbase : A9552DHA et les obs. de S. Martin-Cuenot, Faute, preuve et vidéo, Lexbase Hebdo n° 166 du 5 mai 2005 - édition sociale N° Lexbase : N3922AI4) ou, encore, de celles relatives à la consultation du disque dur d'un ordinateur mis à disposition du salarié (par ex., Cass. soc., 17 mai 2005, n° 03-40.017, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A2997DIT et les obs. de Ch. Radé, L'employeur et les fichiers personnels du salarié : la Cour de cassation révise la jurisprudence "Nikon", Lexbase Hebdo n° 169 du 26 mai 2005 - édition sociale N° Lexbase : N4601AIA). Enfin, c'est en ce qui concerne l'utilisation abusive par l'employeur de modifier les conditions de travail du salarié (Cass. soc., 4 avril 2006, n° 04-43.506, F-P+B N° Lexbase : A9706DNS) ou de faire application d'une clause de mobilité (Cass. soc., 23 février 2005, n° 04-45.463, F-P+B+R+I N° Lexbase : A8816DGM ; Cass. soc., 23 février 2005, n° 03-42.018, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A8789DGM, et les obs. de Ch. Radé, La bonne foi de l'employeur et la mise en oeuvre de la clause de mobilité, Lexbase Hebdo n° 158 du 10 mars 2005 - édition sociale N° Lexbase : N4888ABN) que s'est, également, exprimé le principe de bonne foi contractuelle en droit du travail. Dans l'espèce commentée, la Cour fait application du principe de bonne foi contractuelle pour une hypothèse dont elle n'avait, encore, jamais eu à connaître. Il s'agissait de la suppression d'un avantage spécifiquement lié à la fonction du salarié, mais qui, semble-t-il, n'avait ni valeur contractuelle, ni valeur d'usage d'entreprise. La suppression de cette pratique entraînant une impossibilité pour la salariée de travailler, les juges en déduisent, dans un esprit de solidarité contractuelle, que l'employeur ne devait pas mettre la salariée dans une telle situation et ne devait donc pas supprimer cet avantage. Il faut, cependant, relativiser l'ampleur de cette extension du champ de la bonne foi dans l'exécution du contrat de travail, cela d'autant qu'à l'analyse, on peut se demander si la solution n'aurait pas pu être basée sur d'autres fondements. 2. Une surprenante application de la bonne foi contractuelle
On peut, en effet, légitimement s'interroger sur le périmètre exact de cette obligation d'exécution de bonne foi du contrat de travail. Concerne-t-elle seulement les éléments du contrat ou, au contraire, peut-elle englober, de façon plus large, des éléments issus du statut ? La question se pose lorsqu'on observe les faits ayant donné lieu à l'arrêt censuré par la Cour de cassation. L'employeur avait décidé de cesser une "pratique", selon les termes même de la Chambre sociale. Devant l'absence de qualification par les juges de cette pratique, il faut tenter de la discerner, celle-ci ne pouvant revêtir qu'un nombre limité d'hypothèses. Il pouvait, tout d'abord, s'agir d'un usage d'entreprise. Celui-ci étant défini comme une "pratique caractérisée par sa répétition régulière [...] tenue pour obligatoire par ceux qui s'y soumettent ou en bénéficient" (J. Pélissier, A. Supiot, A. Jeammaud, Droit du travail, Dalloz, 22ème éd., p. 123), on pouvait penser que cette qualification était adéquate. Ce n'est pas celle qui est retenue, la Cour excluant même expressément qu'il puisse s'agir de ce type de sources. On pouvait, également, imaginer qu'il s'agisse d'un engagement unilatéral de l'employeur qui, à condition que certaines formalités soient respectées, peut toujours être dénoncé par l'employeur. Pourtant, là encore, la Cour relève que la société n'avait jamais pris l'engagement d'assurer le transport de la salariée. C'est donc finalement dans le cadre contractuel que doit se situer cette décision. Mais, alors, on s'interroge sur l'utilité d'invoquer la bonne foi contractuelle pour sanctionner l'employeur ayant rompu son engagement. En effet, la modification du contrat de travail est, de façon très classique, soumise à l'acceptation du salarié, acceptation qui n'avait pas été obtenue en l'espèce. Il faut ajouter à cela le fait qu'il s'agissait d'un avantage en nature, caractérisé par l'absence de frais de trajet pour la salariée. Ce type d'avantages n'est pas sans rappeler certaines clauses contractuelles dont peuvent bénéficier certains salariés, comme celles attribuant au salarié un véhicule de fonction, avec prise en charge des frais de carburant. Proche du statut de la rémunération -cela étant d'autant plus vrai qu'en pratique, les frais de trajet peuvent, aujourd'hui, s'avérer conséquents-, bastion encore solide du domaine contractuel, on peut donc être étonné qu'une telle disposition puisse être modifiée par l'employeur de manière discrétionnaire, et que le juge soit obligé de faire appel à la bonne foi contractuelle pour le sanctionner. Quoi qu'il en soit, la Cour fait donc application de ce principe : l'employeur ne pouvait cesser cette pratique sans porter atteinte à la bonne foi dans l'exécution du contrat. L'élément déterminant paraît résider dans l'impossibilité, pour la salariée, de travailler dans les nouvelles conditions.
Le coeur du débat semble, en effet, se situer au niveau de cette impossibilité pour la salariée de travailler, générée par la décision de l'employeur. La Cour évoque la spécificité du travail d'inventoriste de la salariée, imposant des trajets trop tôt pour emprunter les transports en commun. On peut imaginer la situation d'une salariée qui ne serait pas titulaire du permis de conduire. La situation établie depuis 10 ans se compliquerait nécessairement pour la salariée, au point, d'ailleurs, de rendre quasiment impossible pour elle l'exécution de sa prestation de travail. Une telle hypothèse rappelle, une fois de plus, les faits de l'arrêt "Expovit", où l'employeur avait modernisé le matériel informatique de l'entreprise sans former sa salariée aux nouveaux dispositifs. Par une modification de certains éléments entourant le contrat de travail, l'employeur rendait impossible l'exécution convenable du contrat de travail, tout comme il semble que cela soit le cas en l'espèce. La différence entre les deux solutions réside dans la nature de l'obligation imposée à l'employeur pour ne pas se mettre en position d'exécution de mauvaise foi du contrat de travail : dans l'affaire "Expovit", l'employeur devait adapter les salariés, il s'agissait donc d'une obligation de faire, tandis qu'en l'espèce, il ne devait pas supprimer un avantage concédé en faveur de la spécificité des fonctions de la salariée, ce qui constitue, à n'en pas douter, une obligation de ne pas faire. Il faut, néanmoins, rester très réservé quant à cette interprétation, ne serait-ce que parce qu'à aucun moment la Cour de cassation n'évoque le fait que la salariée ne soit pas titulaire du permis de conduire. Or, c'est cette hypothèse qui permet de considérer que la salariée est réellement dans l'impossibilité d'exécuter sa prestation de travail, impossibilité entendue, d'ailleurs, de façon relativement souple, les critères de la force majeure ne semblant, en l'espèce, pas être réunis (ainsi, il avait été jugé, dans les années 1970, que la force majeure n'était pas constituée lorsque l'exécution de l'obligation devenait simplement plus onéreuse ou plus difficile : Cass. soc., 3 mai 1973, n° 72-40.225, Dame Hoffenus c/ SA Vedette, publié N° Lexbase : A7021AG7). Dans le cas contraire, on pourrait, en forçant le trait, admettre que les employeurs, ne fournissant pas à leurs salariés le moyen de se rendre sur leur lieu de travail, exécuteraient les contrats de travail de manière défectueuse. Autant dire qu'il faut bien mesurer le caractère exceptionnel que l'on doit réserver à la "spécificité" du travail et à "l'impossibilité de travailler" du salarié concerné et donc, par conséquent, à la mise en cause de l'obligation de l'employeur d'exécuter le contrat de bonne foi. |
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Réf. : Cass. soc., 10 mai 2006, n° 03-46.593, M. Janah Moukarim, FS-P+B+I (N° Lexbase : A3293DPN)
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par Nadia Chekli, Docteur en droit, Chargée d'enseignement à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV
Le 07 Octobre 2010
Résumé
L'exception d'ordre public international justifie la compétence de la juridiction française et l'application de la loi française à un contrat de travail exécuté à l'étranger. La loi française étant applicable et un travail dissimulé ayant été caractérisé, il y a lieu de faire application des dispositions d'ordre public de l'article L. 324-11-1 du Code du travail. |
Décision
Cass. soc., 10 mai 2006, n° 03-46.593, M. Janah Moukarim, FS-P+B+I (N° Lexbase : A3293DPN) Rejet (CA Aix-en-Provence, 17ème ch. soc., 24 juin 2003) Textes concernés : mécanisme de l'exception d'ordre public international ; C. trav., art. L. 324-11-1 (N° Lexbase : L6212AC3) ; NCPC, art. 1015 (N° Lexbase : L1818ADP). Mots-clefs : contrat de travail international ; ordre public international ; juridiction compétente ; loi applicable ; rattachement ; travail dissimulé ; ordre public interne. Liens base : ; . |
Faits
1. Mlle Isopehi, de nationalité nigériane, alors âgée de 22 ans, a été engagée en qualité d'employée de maison par M. Moukarim, de nationalité britannique, en vertu d'une convention rédigée en langue anglaise et passée le 13 octobre 1994 à Lagos, au Nigéria. Alors qu'elle se trouvait à Nice, Mlle Isopehi a abandonné son emploi. EIle a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en paiement d'un rappel de salaires ainsi que de l'indemnité forfaitaire de travail dissimulé. 2. La cour d'appel d'Aix-en-Provence a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par les époux Moukarim et a fait application de la loi française à la relation contractuelle établie avec Mlle Isopehi. Partant, la cour d'appel a condamné M. Moukarim à lui payer des salaires et indemnités. |
Solution
1. Rejet. 2. "Mais attendu que l'exception d'ordre public international s'oppose à ce qu'un employeur puisse se prévaloir des règles de conflit de juridictions et de lois pour décliner la compétence des juridictions nationales et évincer l'application de la loi française dans un différend qui présente un rattachement avec la France et qui a été élevé par un salarié placé à son service sans manifestation personnelle de sa volonté et employé dans des conditions ayant méconnu sa liberté individuelle [...]". 3. "[...] la cour d'appel, qui a constaté que la salariée avait travaillé en France sans avoir été déclarée aux organismes de protection sociale ou à l'administration fiscale en vertu des dispositions législatives et réglementaires en vigueur, a exactement fait application des dispositions d'ordre public de l'article L. 324-11-1 du Code du travail, peu important que l'employeur ait accompli ou non des formalités équivalentes dans un autre Etat [...]". |
Commentaire
Lorsqu'un litige éclate dans le cadre d'une relation de travail internationale, deux questions essentielles se posent aux parties : quelle est la juridiction compétente et quelle est la loi applicable à la relation litigieuse ? Pour répondre à la première question, il convient, en principe, de se référer au droit commun de la compétence judiciaire internationale, dans la mesure où le litige en cause ne relèverait pas des dispositions de la Convention de Bruxelles de 1968 (et, partant, du Règlement n° 44/2001 du conseil du 22 décembre 2000 N° Lexbase : L7541A8S ; ce Règlement concerne la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale). Pour ce qui est du droit international privé français, il importe alors de se tourner, notamment, vers les dispositions de l'article R. 517-1 du Code du travail (N° Lexbase : L0663ADW). S'agissant de la détermination de la loi applicable au contrat international, la question est réglée par les dispositions de la Convention de Rome du 19 juin 1980 (N° Lexbase : L6798BHA) qui sont applicables, dans les situations comportant un conflit de lois, aux obligations contractuelles. Les règles de conflit applicables ayant désigné une juridiction et une loi étrangères, ces solutions sont-elles, pour autant, intangibles ? En d'autres termes, est-il possible d'y faire exception et ce, au profit des juridictions et législations françaises ? L'exception d'ordre public international est incontestablement l'un des moyens permettant d'écarter tant la compétence des juridictions étrangères que l'application de la loi étrangère. L'arrêt rendu par la Chambre sociale de la Cour de cassation le 10 mai 2006 illustre, d'ailleurs, parfaitement cette possibilité. Cet arrêt est d'un intérêt tout particulier dans la mesure où les décisions qui reconnaissent qu'une loi étrangère contrevient à notre conception de l'ordre public international sont suffisamment rares pour être soulignées. Dans cet arrêt, la Chambre sociale se prononce sur un litige opposant M. Moukarim à Mlle Isopehi. En l'espèce, les principaux éléments constitutifs de la convention sont situés à l'étranger. La cour d'appel d'Aix-en-Provence ayant rejeté l'exception d'incompétence et fait application de la loi française, la question du bien-fondé de ce rejet était posée. En opérant une substitution de motifs, la Cour de cassation a justifié les compétences juridictionnelles et législatives nationales par le jeu de l'exception d'ordre public international (1). La question s'est également posée de savoir si un travail dissimulé peut être caractérisé lorsque la salariée, déclarée par son employeur auprès des autorités étrangères, ne l'a pas été en France. Il a été jugé que l'employeur ayant manqué à l'accomplissement des formalités requises, le travail dissimulé est établi et doit, par conséquent, être sanctionné (2). 1. Le jeu de l'exception d'ordre public international Les principaux éléments de la relation contractuelle liant M. Moukarim à Mlle Isopehi se caractérisent, incontestablement, par leur extranéité. Les parties à la convention sont, en effet, de nationalité étrangère. La convention a été conclue à l'étranger et rédigée en langue anglaise. En outre, le lieu d'exécution habituel de la prestation de travail se situe au Nigéria. Le caractère international du contrat de travail ne fait, alors, aucun doute. Partant, le demandeur au pourvoi pensait légitimement pouvoir revendiquer l'application des règles du droit commun de la compétence judiciaire internationale. La jurisprudence ayant, depuis longtemps, posé le principe de la transposition dans l'ordre international des règles de compétence territoriale interne (Cass. civ. 1, 19 octobre 1959, n° 58-10.628, Sieur Giorgio Pelassa c/ Sieur Marcel Charrière N° Lexbase : A6656DP9, D. 1960, p. 37, note Holleaux), il convient de se référer aux rattachements prévus par les dispositions de l'article R. 517-1 du Code du travail. De ces dernières, il ressort différents rattachements permettant de fixer la compétence des juridictions du travail. Ainsi, à côté du lieu de situation de l'établissement, faut-il faire une place au domicile du salarié, au lieu où l'engagement a été contracté ou, encore, au lieu où l'employeur est établi ? En l'espèce, le demandeur au pourvoi prend soin de rappeler que "le lieu d'exécution habituel du contrat se situait au Nigéria" et que ce lieu d'exécution avait été "expressément prévu par les parties". Les juridictions françaises ne pouvaient donc pas se reconnaître compétentes sans opérer une violation des dispositions de l'article R. 517-1 du Code du travail. Par ailleurs, s'agissant de la détermination de la loi applicable au contrat, M. Moukarim s'est appuyé sur les dispositions de la Convention de Rome du 19 juin 1980 pour conclure à l'inapplicabilité de la loi française. Plus précisément, il a invoqué le paragraphe 2 de son article 6, aux termes duquel il est prévu que : "Nonobstant les dispositions de l'article 4 et à défaut de choix exercé conformément à l'article 3, le contrat de travail est régi : a) par la loi du pays où le travailleur, en exécution du contrat, accomplit habituellement son travail, même s'il est détaché à titre temporaire dans un autre pays [...]". Or, en l'espèce, le lieu d'exécution habituel était situé à l'étranger et "les séjours temporaires effectués à Nice avec ses employeurs [ne] constituaient qu'une simple possibilité d'exécution du contrat sans incidence sur le lieu habituel". La loi française ne pouvait donc pas recevoir application. Aussi rigoureuse soit-elle, cette argumentation n'a pas, pour autant, séduit les magistrats de la Cour suprême. Il est vrai que la stricte application des règles de conflits de juridictions et de lois aurait pu emporter la conviction, mais c'était compter sans le jeu de l'exception d'ordre public international. Pour justifier le rejet, opéré par la cour d'appel, de l'exception d'incompétence des juridictions françaises, la Chambre sociale de la Cour de cassation affirme, avec force, que "l'exception d'ordre public international s'oppose à ce qu'un employeur puisse se prévaloir des règles de conflit de juridictions et de lois pour décliner la compétence des juridictions nationales et évincer l'application de la loi française". Pour la Cour, le jeu de cette exception se justifie d'autant plus que l'on se situe dans le cadre d'un "différend qui présente un rattachement avec la France et qui a été élevé par un salarié placé à son service sans manifestation personnelle de sa volonté et employé dans des conditions ayant méconnu sa liberté individuelle". Avant de se pencher sur cette motivation, il importe de souligner que, si les magistrats de la Cour de cassation sont parvenus au même résultat que ceux de la juridiction d'appel, la motivation retenue est différente. Les juges suprêmes ont, en effet, opéré par voie de substitution de motifs. Pour ce faire, ils ont pris soin d'en avertir les parties au litige et ce, conformément aux dispositions de l'article 1015 du Nouveau Code de procédure civile.
En matière de relations internationales de travail, le recours à l'exception d'ordre public international est assez exceptionnel. Il n'est donc pas inutile de définir ou, du moins, de tenter de cerner les contours de cette notion. A lire les écrits doctrinaux et la jurisprudence, la notion d'ordre public se définit comme étant "un correctif exceptionnel permettant d'écarter la loi étrangère normalement compétente, lorsque cette dernière contient des dispositions dont l'application est jugée inadmissible par le tribunal saisi" (Y. Loussouarn, P. Bourel et P. de Vareilles-Sommières, Droit international privé, 8ème éd., Paris, Dalloz, 2004, n° 252, p. 338 ; sur l'ordre public international v., notamment, P. Mayer et V. Heuzé, Droit international privé, 8ème éd., Paris, Montchrestien, 2004, n° 199 et s., p. 145 et s.). En d'autres termes, en application de l'exception d'ordre public, la loi étrangère normalement compétente peut être évincée lorsque ses dispositions consacrent une solution qui heurte la notion française d'ordre public international (la jurisprudence a, très tôt, posé cette règle : Cass. civ., 12 juin 1894, D. 1895, jp. p. 41). Cette exception remplit diverses fonctions et, parmi elles, "la défense des principes de justice universelle considérés dans l'opinion française comme doués de valeur internationale absolue" (Cass. civ., 25 mai 1948, Lautour, S. 1949, I, 21, Niboyet) mais, également, des principes qui constituent les fondements politiques, sociaux de la civilisation française. Il ressort donc de la motivation adoptée par les juges que la juridiction normalement compétente n'était pas la juridiction française et que la loi normalement applicable n'était pas la loi française. Toutefois, la mise en oeuvre des règles de conflit pertinentes aboutit à un résultat jugé inadmissible selon la Cour de cassation. Plus exactement, cela contrevient à notre conception de l'ordre public international. La compétence des juridictions françaises et l'application de la loi française s'analysent, par conséquent, en une solution nécessairement plus favorable à la salariée, généralement considérée comme la partie faible, qui plus est, lorsque le contrat s'inscrit dans le contexte international.
Cet esprit protecteur se comprend sans peine au regard de la teneur de la loi française, comparativement à celle de la loi étrangère. Il ne s'agit pas, ici, de porter un jugement de valeur sur le contenu de la loi étrangère, en l'occurrence la loi nigériane. L'esprit plus protecteur du droit du travail français se déduit, tout simplement, de l'attitude de l'employeur, qui cherche absolument à ce que le litige ne soit pas tranché par une juridiction française selon la loi du for. Par conséquent, il y a lieu d'écarter les dispositions du droit étranger applicables au contrat de travail, qui conféreraient une protection moindre que celle du droit national. Egalement, le recours à l'exception d'ordre public international s'explique aisément lorsque l'on porte attention aux circonstances de l'espèce. Les juges insistent sur le fait que le litige présente un rattachement avec la France. Cette précision est indispensable parce que le mécanisme de l'ordre public international permet à la loi française et a fortiori à la juridiction française, d'intervenir sur la base d'un rattachement avec la France. En l'occurrence, lors des séjours effectués à Nice par M. Moukarim et sa salariée, le lieu d'exécution se situait incontestablement en France. En ce sens, les juges du fond ont pu relever que l'employeur résidait à Nice lorsque sa salariée s'est enfuie. Eu égard aux circonstances de l'espèce, la consistance du rattachement peut paraître discutable. Pourtant, il n'en demeure pas moins que les séjours n'étaient pas exceptionnels et que, lors de la naissance du litige, l'employeur résidait effectivement sur le sol français. Par ailleurs, la Cour insiste tant sur les conditions dans lesquelles la convention a été conclue que sur les conditions de travail. Ainsi est-il permis de douter de l'existence du consentement de Mlle Isopehi lors de la conclusion du contrat. Il est, en effet, précisé qu'elle a été placée au service de M. Moukarim "sans manifestation personnelle de sa volonté". D'autres éléments de fait permettent de douter de la réalité de son consentement. La défenderesse au pourvoi a, en effet, "été placée par des membres de sa famille". S'agissant des conditions de travail, l'employeur a porté une atteinte sérieuse à la liberté individuelle de la salariée et, plus particulièrement, à sa liberté de déplacement. Les juges du fond ont, en effet, constaté qu'elle avait "obligation" de suivre son employeur à l'étranger et qu'il lui était interdit de revenir au Nigéria avant un certain temps, dans la mesure où son passeport était "retenu par l'épouse de l'employeur". Enfin, l'accent est mis sur la rémunération qui, en l'espèce, est qualifiée de "dérisoire". Des conditions de travail aussi déplorables contreviennent incontestablement à notre conception de l'ordre public international. Partant, l'application de la loi française s'en trouve légitimée. L'action en paiement d'un rappel de salaires ne peut donc qu'aboutir.
Le recours, par la Chambre sociale, à l'exception d'ordre public international doit être d'autant plus souligné que les décisions évinçant l'application de la loi étrangère sont rares (le recours à cette exception se retrouve davantage en matière de statut personnel). Ce caractère exceptionnel s'explique, d'ailleurs, sans peine lorsque l'on sait que la Chambre sociale n'a pas jugé contraire à l'ordre public une loi sud-africaine prohibant l'exercice de la grève (Cass. soc., 16 juin 1983, n° 81-40.092 et n° 81-40.551, SA Spie Batignolles c/ Mattiesen, publié N° Lexbase : A6747C8E). Il convient, tout de même, de signaler qu'en matière d'immunité de juridiction des organisations internationales, la Chambre sociale a eu l'occasion de juger que l'impossibilité d'exercer le droit d'accès à un juge relève de l'ordre public international et constitue, de ce fait, un déni de justice fondant la compétence des juridictions françaises lorsqu'il existe un rattachement avec la France (Cass. soc., 25 janvier 2005, n° 04-41.012, FS-P+B N° Lexbase : A3089DGI, Dr. soc. 2005, p. 914, F. Jault). Après avoir justifié de la compétence des juridictions nationales et de l'application de la loi française à la relation internationale de travail, les magistrats de la Chambre sociale se sont penchés sur l'éventuelle existence d'un travail dissimulé. 2. L'existence d'un travail dissimulé La question qui était posée dans le quatrième moyen soulevé par M. Moukarim a trait à l'exécution des formalités requises lors de l'embauche d'un salarié. Il s'ensuit, logiquement, une interrogation relative à l'existence ou non d'un travail dissimulé. Selon l'employeur, dans la mesure où les contrats conclus avec Mlle Isopehi ont été régulièrement exécutés au Nigéria en respectant les formalités requises, il n'était pas tenu de satisfaire aux formalités imposées par les dispositions de l'article L. 324-10 du Code du travail (N° Lexbase : L6210ACY).
Qu'en est-il exactement de ces formalités ? L'article L. 320 du Code du travail (N° Lexbase : L8917G7E) dispose, en son alinéa 1er, que "l'embauche d'un salarié ne peut intervenir qu'après déclaration nominative effectuée par l'employeur auprès des organismes de protection sociale à cet effet dans les conditions fixées par un décret en Conseil d'Etat". Ces conditions sont, notamment, prévues à l'article R. 320-1 du Code du travail (N° Lexbase : L0054ADD), qui précise que la déclaration nominative préalable à l'embauche doit être adressée par l'employeur à l'organisme de recouvrement des cotisations du régime général de Sécurité sociale. En cas de manquement à l'accomplissement de ces formalités, la qualification de travail dissimulé peut être retenue. En effet, il ressort des dispositions de l'article L. 324-10 du Code du travail (N° Lexbase : L6210ACY), que deux types de comportements peuvent être considérés comme étant du travail dissimulé : "la dissimulation d'activité salariée, qui réside dans le fait d'exercer une activité professionnelle à but lucratif sans se déclarer aux organismes sociaux, et la dissimulation d'emploi salarié qui consiste à ne pas déclarer l'existence de travailleurs employés dans l'entreprise" (en ce sens, v. Cass. soc., 10 mai 2006, n° 04-42.608, FS-P+B N° Lexbase : A3549DP7, lire les obs. de Ch. Radé, Application de la prescription trentenaire à l'action en paiement de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, Lexbase Hebdo n° 215 du 18 mai 2006 - édition sociale N° Lexbase : N8468AKT). Lorsqu'un salarié n'a pas été déclaré, il a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à 6 mois de salaire.
En l'espèce, la Cour de cassation relève que la cour d'appel a constaté que "la salariée avait travaillé en France sans avoir été déclarée aux organismes de protection sociale ou à l'administration fiscale en vertu des dispositions législatives et réglementaires en vigueur". L'employeur n'ayant pas accompli les formalités requises, l'existence d'un travail dissimulé est incontestablement établie. Pour asseoir cette qualification, il importe, tout de même, de mettre en évidence un caractère intentionnel. En effet, il a été jugé que constitue le délit de dissimulation d'emploi salarié le fait, pour un employeur, de se soustraire intentionnellement à la déclaration préalable d'embauche ou à la remise du bulletin de salaire ou, encore, de mentionner un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué (Cass. soc., 8 juillet 2003, n° 01-44.445, F-D N° Lexbase : A1130C9Q). Afin d'échapper à la qualification de travail dissimulé et, partant, au paiement de l'indemnité forfaitaire, l'employeur soutenait que ses prétendus manquements ne révélaient aucun caractère intentionnel. Dans la mesure où il avait déjà accompli les formalités au Nigéria, il n'était pas possible de caractériser "sa volonté délibérée de dissimuler l'existence de la salariée". Cette argumentation n'a pas convaincu les juges, qui ont décidé de l'application des dispositions de l'article L. 324-11-1 du Code du travail, "peu important que l'employeur ait accompli ou non des formalités équivalentes dans un autre Etat". L'accomplissement à l'étranger des formalités requises est complètement indifférent à la caractérisation d'un travail dissimulé. En outre, la Cour de cassation prend soin de préciser que la considération suivant laquelle les formalités accomplies à l'étranger seraient "équivalentes" à celles exigées par la législation nationale est également totalement inopérante. L'exigence est donc clairement posée : comme la salariée avait effectivement travaillé en France, son employeur aurait du satisfaire aux formalités exigées par la législation française. A défaut, il doit être condamné au paiement d'une indemnité forfaitaire.
Il n'est pas possible de déroger aux dispositions de l'article L. 324-11-1 du Code du travail relatives à la sanction du travail dissimulé dans la mesure où il s'agit de dispositions d'ordre public. Elles s'imposent donc à l'employeur négligent qui devra verser à sa salariée une indemnité égale à 6 mois de salaire. S'agissant du bénéfice de cette indemnité, la Chambre sociale a eu, récemment, l'occasion de poser en principe que "les dispositions de l'article L. 324-11-1 du Code du travail ne font pas obstacle au cumul de l'indemnité forfaitaire qu'elles prévoient avec les indemnités de toute nature auxquelles le salarié a droit en cas de rupture de la relation de travail, à la seule exception de l'indemnité légale ou conventionnelle de licenciement" (Cass. soc., 12 janvier 2006, n° 03-44.777 N° Lexbase : A3378DM3 ; n° 04-42.190 N° Lexbase : A3488DM7 ; n° 04-43.105 N° Lexbase : A3492DMB ; n° 04-40.991 N° Lexbase : A3477DMQ ; n° 03-46.800 N° Lexbase : A3383DMA ; n° 04-41.769 N° Lexbase : A3486DM3, lire les obs. de Stéphanie Martin-Cuenot, Cumul de l'indemnité forfaitaire de l'article L. 324-11-1 du Code du travail avec les indemnités de rupture : généralisation et clarification, Lexbase Hebdo n° 199 du 26 janvier 2006 - édition sociale N° Lexbase : N3592AKA). Par ailleurs, dans un arrêt rendu également le 10 mai 2006, la Cour de cassation a affirmé que l'action en paiement de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé se prescrit par 30 ans à compter de la rupture du contrat de travail (v., Cass. soc., 10 mai 2006, n° 04-42.608, FS-P+B N° Lexbase : A3549DP7, lire les obs. de Ch. Radé, précité). Finalement, si cette décision ne fait que confirmer la volonté des juges de lutter contre le travail dissimulé, le principal apport est, sans conteste, le recours au jeu de l'exception d'ordre public international. Par ce moyen, la Cour rejette l'incompétence des juridictions françaises et évince la loi étrangère au profit de la loi nationale. Eu égard aux circonstances de l'espèce, l'utilisation d'un tel mécanisme doit absolument être saluée. |
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Réf. : CEDH, 23 février 2006, req. 25632/02, Stere et autres c/ Roumanie (N° Lexbase : A1448DNX)
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Le 07 Octobre 2010
Si l'arrêt "Bendenoun" avait été porteur d'espoirs à son époque, certains pensant, dès lors, que la Cour de Strasbourg allait étendre, par la suite, au contentieux fiscal le volet civil de l'article relatif au procès équitable, la déception fut d'autant plus grande, lorsque fut rendu l'arrêt "Ferrazzini". Celui-ci fut ressentit comme un véritable coup d'arrêt à l'évolution lente, mais progressive des droits du contribuable. Les principaux perdants furent les contribuables des Etats européens, qui ne contenaient pas, dans leur droit positif, des garanties équivalentes à celles contenues dans l'article 6-1 de la CESDH.
Néanmoins, l'espoir subsistait que la Cour européenne opère une volte-face ultérieure en percevant que son analyse du droit des procédures fiscales était désuète et devait évoluer, afin de s'adapter au contexte contemporain.
La décision "Stere et autres" du 23 février 2006 aurait pu répondre à ce voeu, mais, là encore, les juges de Strasbourg risquent de décevoir ceux qui croyaient un revirement encore possible. Ils réitèrent, en effet, la jurisprudence "Ferrazini", en rappelant que "le contentieux fiscal échappe au champ des droits et obligations de caractère civil, en dépit des effets patrimoniaux qu'il a nécessairement quant à la situation des contribuables" (considérant 28). Dans un contentieux relatif à des allocations soumises indûment à l'impôt (1), la Cour européenne a dû se prononcer sur les violations alléguées de l'article 1er du premier protocole (N° Lexbase : L1625AZ9) et de l'article 6-1 de la CESDH (2).
1. Un contentieux relatif à des allocations soumises indûment à l'impôt
Les trois requérants roumains avaient été affectés à l'armée de réserve et mis en retraite anticipée (le 31 mars 2000 pour le premier et le troisième, et le 31 mai 2000 pour le deuxième). Ils s'étaient vu accorder le droit à pension et des allocations prévues par divers textes (ordonnance du Gouvernement n° 7 du 26 janvier 1998 : allocation compensatoire et la loi n° 138 du 20 juillet 1999 : allocation de soutien) en vue d'encourager les militaires de carrière à demander leur affectation à l'armée de réserve et, par conséquent, à prendre une retraite anticipée. Or, au moment du versement de ces sommes, le ministère de la Défense en déduisit le montant de l'impôt sur le revenu, alors qu'il était prévu expressément dans les textes cités que ces allocations étaient exonérées de l'impôt litigieux.
Les requérants demandèrent, dès lors, le remboursement de ces sommes, qu'ils estimaient avoir été retenues à tort, en raison du fait que l'ordonnance n° 7/1998 et la loi n° 138/1999 exonéraient ces allocations de l'impôt. Le ministère rétorqua que l'imposition en cause était conforme à l'ordonnance n° 73/1999.
Le tribunal de première instance d'Alba Iulia, par un jugement du 11 janvier 2001, accueillit favorablement leur demande et condamna le ministère à rembourser les sommes retenues à titre d'impôt. La juridiction estima, qu'à la date de leur départ à la retraite, bien avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance d'urgence n° 136/2000, les requérants avaient acquis le droit de percevoir des allocations exonérées d'impôt et calculées sur la base de leur solde mensuelle brute. Elle constata, en outre, que l'article 5 de l'ordonnance n° 73/1999 précisait que les allocations de soutien étaient, également, exonérées d'impôt.
Le ministère de la Défense forma un recours, en soutenant que l'exonération d'impôt concernant l'allocation compensatoire prévue par l'article 7 de l'ordonnance n° 7/1998 avait été expressément abrogée par l'article 86 de l'ordonnance n° 73/1999, lequel avait, également, supprimé, de manière implicite, l'exonération concernant l'allocation de soutien prévue par l'article 31 § 1 de la loi n° 138/1999.
Le tribunal départemental d'Alba confirma, néanmoins, le 27 mars 2001, le jugement de première instance, ce qui conduisit le Procureur général de Roumanie à former devant la Cour suprême de justice un recours en annulation contre le jugement du tribunal de première instance d'Alba Iulia et la décision du tribunal départemental d'Alba.
Par un arrêt du 30 janvier 2002, la Cour suprême de justice accueillit le recours en annulation, cassa les décisions critiquées et ordonna le remboursement des sommes que le ministère de la Défense avait versées aux requérants en vertu de ces décisions.
Les trois contribuables saisirent, alors, la Cour européenne, le 21 juin 2002, en vertu de l'article 34 de la CESDH (N° Lexbase : L4769AQP).
2. Une décision contestable
Les plaignants relevèrent le manque d'indépendance et d'impartialité de la Cour suprême de justice et alléguèrent que le recours en annulation formé par le procureur général avait été accueilli en raison de la pression exercée par les ministères des Finances et de la Défense. Ils en concluaient, donc, à la violation de l'article 6-1 de la Convention. Le Gouvernement roumain, quant à lui, se basant sur la jurisprudence "Ferrazini" de la Cour, défendit la thèse de l'inapplicabilité de l'article 6 à la procédure litigieuse en ce que celle-ci revêtait un caractère fiscal.
Les juges européens observèrent que même si le litige avait bien été porté devant les juridictions civiles, il concernait l'assujettissement à l'impôt sur le revenu des allocations octroyées aux requérants. Il s'agissait, donc, de dettes fiscales contestées par les requérant.
De plus, vues les circonstances de l'espèce, la Cour estima que l'objet du litige relevait principalement du droit public, plus particulièrement du contentieux fiscal (Cf., mutatis mutandis, CEDH, 22 juillet 2003, req. 49217/99, SA Cabinet Diot rt SA Gras Savoye c/ France N° Lexbase : A2321C9T). Or, celui-ci, selon elle, "échappe au champ des droits et obligations de caractère civil, en dépit des effets patrimoniaux qu'il a nécessairement quant à la situation des contribuables".
Les contribuables avaient, également, soulevé dans leur recours la violation alléguée de l'article 1er du protocole n° 1 de la CESDH, qui dispose que "toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes".
Le Gouvernement roumain reconnaît, pour sa part, qu'en vertu de la décision définitive du tribunal départemental d'Alba du 27 mars 2001, les requérants bénéficiaient d'une créance vis-à-vis de l'Etat et que l'annulation de celle-ci par la Cour suprême de justice constitue une ingérence dans leur droit au respect de leurs biens. Il estime, cependant, que cette ingérence correspond à la réglementation de l'usage des biens pour assurer le paiement des impôts et qu'elle relève, donc, du second alinéa de l'article 1 du protocole n° 1 et qu'elle est compatible avec cet article, dès lors qu'elle est légale et proportionnée au but légitime visé. Le Gouvernement considère, aussi, que l'obligation de payer un impôt correspondant à environ 40 % du montant des allocations ne constitue pas, dans les circonstances de l'espèce, une charge excessive pour les requérants. Les requérants affirment, pourtant, que la Cour suprême de justice a donné une interprétation erronée des dispositions de l'ordonnance n° 73/1999 et que, dès lors, l'imposition de leurs allocations n'avait pas de base légale. Ils maintiennent qu'ils ont été privés de leurs droits de créance, acquis de façon légale et définitive.
La Cour considère, ici, qu'il y a bien eu violation de la Convention. L'article 1er du premier protocole n'a pas été respecté eu égard au fait que l'intervention du Procureur général, après la fin de la procédure à laquelle il n'avait pas été partie, a conduit à l'annulation intégrale de ces créances. La Cour estime qu'une atteinte aussi radicale aux droits des intéressés a rompu, en leur défaveur, le juste équilibre à ménager entre la protection de la propriété et les exigences de l'intérêt général (voir, CEDH, 16 avril 2002, req. 36677/97, SA Dangeville c/ France, § 61 N° Lexbase : A5395AYH ; CEDH, 8 juillet 2004, req. 66810/01, Kliafas et autres c/ Grèce, § 30 N° Lexbase : A9576DCN).
La décision rendue par la Cour européenne est intéressante à plus d'un titre. Elle a trait aux questions les plus actuelles du droit des procédures fiscales sur les rapports entre celui-ci et deux droits fondamentaux que sont le droit de propriété et le droit à un procès équitable.
Concernant la violation alléguée de l'article 1er du protocole n° 1, la solution n'a rien de surprenant tant la disproportion entre l'atteinte portée et l'intérêt protégé était importante.
En revanche, s'agissant de la violation alléguée de l'article 6-1 de la CESDH, la position de la Cour nous paraît critiquable. La motivation de la décision n'a rien d'originale tant elle reprend les arguments développés dans l'affaire "Ferrazini". La matière fiscale reste en dehors du champ d'application du volet civil de l'article 6, alors même que la Cour admet que le contentieux fiscal produit des effets patrimoniaux sur la situation des contribuables.
On ne comprend pas, dans notre affaire, que, dès lors qu'une telle constatation est opérée, la Cour n'ose pas conclure à la violation de l'article 6-1 de la Convention. Attachée à l'analyse traditionnelle du contentieux fiscal vu comme un contentieux de droit public, elle s'obstine à ne pas consacrer une évidence qu'elle reconnaît pourtant à demi-mot sans pour autant lui faire produire tous ses effets.
Les incidences de cette jurisprudence constante de la Cour sont, pourtant, désastreuses dans des pays tels que la Roumanie qui ont accédé tardivement à la démocratie et dont les principes de l'Etat de droit, comme l'indépendance et l'impartialité des juges, ne reçoivent pas encore une application aussi forte et vigoureuse que dans les pays d'Europe de l'Ouest. Dans ces pays-là, aussi, le maintien de la jurisprudence "Ferrazini" a eu des conséquences regrettables. Ainsi, en France, l'impossibilité pour le juge de l'impôt de moduler la sanction fiscale excessive à caractère pénal contrairement au principe de la personnalisation des peines en est une illustration. Il nous reste, dès lors, qu'à espérer, une nouvelle fois, que les juges européens dans un futur proche adaptent, enfin, leur jurisprudence à un droit fiscal, dont le champ d'application s'est depuis longtemps affranchi de la trop étroite matière publique.
Karim Sid Ahmed
Docteur en Droit
Lire :
- K. Sid Ahmed, Droits fondamentaux du contribuable et procédures fiscales (étude comparative), thèse Université Paris I, 2006, spéc. n° 934 et s.
- P. Baker, The decision in Ferrazzini : time to reconsider the application of the european convention on human rights to tax matter in the United Kingdom, Intertax 30 (2002), 360.
- P. Backer, Should article 6 ECHR (civil) apply to tax proceedings ?, Intertax, juin-juillet 2001.
- T. Lambert, L'article 6-1 de la convention EDH au contentieux fiscal : le revirement de la Cour de cassation, Les Petites Affiches 2005, n° 19, pp. 9-13.
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Réf. : Cass. com., 10 mai 2006, n° 05-16.909, Groupement d'analyses médicales de l'Atlantique (GAMA) c/ Mme Hélène Susini, épouse de Luca, FS-P+B (N° Lexbase : A3792DP7)
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par Marine Parmentier, Avocat à la cour d'appel de Paris
Le 07 Octobre 2010
Madame L., au soutien de sa demande de suspension, faisait valoir que les résolutions avaient été adoptées au mépris des droits de la défense, les associés ayant refusé que son avocat puisse assister à l'assemblée générale, ce qui, en tant que tel, était constitutif d'un trouble manifestement illicite.
Les juges du fond avaient accueilli la demande de suspension et retenu que la décision d'exclusion, prise à l'issue d'une procédure irrégulièrement suivie en raison du refus de la présence d'un avocat aux côtés de l'associé exclu, était constitutive d'un trouble manifestement illicite.
La cour d'appel de Rennes retenait, plus précisément, qu'"en l'absence de toute précision dans les statuts et les textes légaux et réglementaires applicables à ce type de société sur les modalités par lesquelles un associé menacé d'exclusion pouvait faire valoir sa défense, les associés ne pouvaient arbitrairement refuser à Madame L. de mettre en oeuvre les moyens qu'elle estimait opportuns pour se défendre, ces moyens étant ceux habituellement utilisés lorsqu'une personne était mise en cause".
Ainsi, en refusant la possibilité pour Madame L. de se faire assister par un avocat, ses associés ont, selon les premiers juges, porté atteinte aux droits de cette dernière de se défendre sur les reproches formulés à son égard.
Saisie du pourvoi formé dans l'intérêt de la société et des associés, la Cour de cassation a cassé l'arrêt d'appel : elle retient que l'assemblée générale, n'étant pas un organisme juridictionnel ou disciplinaire, mais un organe de gestion dont les décisions étaient soumises au contrôle juridictionnel dans le cadre duquel Madame L. pouvait être (et avait été) assistée par son avocat, aucun trouble manifestement illicite n'était donc caractérisé.
Cette solution nous paraît fondée : elle s'inscrit, en effet, dans le courant jurisprudentiel précisant les règles applicables aux révocations et/ou exclusions des associés gérants.
Elle s'inscrit, également, dans la droite ligne des décisions antérieures précisant la notion de "trouble manifestement illicite" conditionnant la recevabilité d'une demande de mesure conservatoire ou de remise en état.
Il sera rappelé que le trouble manifestement illicite désigne "toute perturbation résultant d'un fait matériel ou juridique qui directement ou indirectement constitue une violation évidente de la rège de droit" (Solus et Perrot, Droit judiciaire privé, Sirey, n° 1289).
Ainsi, et au regard des conditions d'application de l'article 809 du Nouveau Code de procédure civile (N° Lexbase : L3104ADC) conditionnant la recevabilité de la demande de suspension à l'existence d'un trouble manifestement illicite, les juges du fond ont, déjà, eu l'occasion de préciser que constitue un trouble manifestement illicite l'hypothèse où, avec une évidence et une incontestabilité suffisantes, une atteinte est portée, par voie d'action ou d'omission, à une disposition légale ou réglementaire (TGI Paris, réf., 11 mars 1985, Gaz. Pal. 1985, 1, 269 et CA Limoges, 20 août 2002, JCP 2003, IV, n° 3032).
Il ressort des faits de l'espèce commentée qu'aucune disposition légale ou réglementaire, ni même statuaire, n'a été violée : au contraire, les juges du fond ont souligné l'absence de toute précision dans les statuts et les textes légaux et réglementaires applicables à ce type de société sur les modalités par lesquelles un associé menacé d'exclusion pouvait faire valoir sa défense !
Dès lors, et en vertu des contours de la notion de "trouble manifestement illicite" dessinés par les juridictions, la solution posée par la Cour de cassation se justifie.
Cette solution se justifie, également, au regard des principes régissant le droit d'accès aux assemblées générales.
En effet, le rapprochement est permis avec l'hypothèse dans laquelle un associé demande à être assisté par un huissier de justice à une assemblée générale.
La Cour de cassation a pu préciser, dans le cadre d'une société anonyme, que l'article 149 du décret de 1967 (décret n° 67-236, du 23 mars 1967, sur les sociétés commerciales, art. 149 N° Lexbase : L2395AH8) n'excluait pas la possibilité pour un actionnaire, qui souhaite obtenir un compte-rendu complet des débats ou se ménager une preuve, de se faire accompagner par un huissier de justice (Cass. com., 15 février 1977, n° 75-14.672, Gauthier, Mairesse-Lebrun c/ SA Manurhin, Spengler, Bull. civ. IV, n° 48 N° Lexbase : A3192AGC). Toutefois, les motifs d'une telle demande doivent être graves et intéresser directement le fonctionnement de la société. Dans une telle hypothèse, l'associé peut être recevable à solliciter en justice l'autorisation de faire assister un huissier de justice à l'assemblée.
Il ne ressort pas des faits de l'espèce que les questions inscrites à l'ordre du jour de l'assemblée générale extraordinaire mettaient en péril les intérêts de la société. Il semble que seuls les intérêts personnels de Madame L. étaient menacés. En conséquence, et en admettant l'application des solutions posées en matière d'assistance d'un huissier de justice aux assemblées, l'arrêt rendu par les juges du fond paraissait contestable.
La solution posée par la Cour de cassation dans l'arrêt rapporté nous semble, également, justifiée au regard des règles encadrant la révocation du gérant de société civile.
Sur un plan général, rappelons qu'il est admis tant dans les hypothèses où les mandataires sociaux sont révocables ad nutum (dans les sociétés anonymes, notamment : voir N° Lexbase : E3169AUW et plus particulièrement N° Lexbase : E3175AU7), c'est-à-dire sur un simple signe de tête, que dans celles où le gérant est révocable pour de justes motifs (notamment au sein des SARL : C. com., art. L. 223-25 N° Lexbase : L3180DYG) que le respect des droits de la défense doit être assuré.
Ainsi, la Cour de cassation a admis, dans le cadre d'une société anonyme que la révocation du directeur général qui peut être décidée à tout moment, sans préavis ni précision de motifs, par le conseil d'administration sur proposition de son président, engage la responsabilité de la société si elle revêt un caractère abusif, eu égard aux circonstances dans lesquelles elle intervient (Cass. com., 26 avril 1994, n° 92-15.884, M. Pesnelle c/ Société Autoliv Klippan, Bull. civ. IV, n° 158 N° Lexbase : A7047ABM).
Dans le cadre d'une SARL, il a, également, été admis que, si des fautes sont reprochées au gérant, la loyauté commerciale veut que celui-ci soit informé du projet de révocation et invité à se justifier avant que sa révocation ne soit votée (voir, notamment, CA Paris, 3ème ch., sect. A, 4 novembre 1992, n° 90/018905, Société Conseil Organisation BTE c/ Monsieur Martel N° Lexbase : A9477A77).
Dans les sociétés civiles, si la révocation est décidée sans juste motif, elle peut donner lieu à dommages-intérêts (C. civ., art. 1851 N° Lexbase : L2048ABH).
Les solutions applicables aux sociétés à responsabilité limitée nous paraissent donc transposables (voir dans le même sens Mémento Francis Lefebvre, Sociétés civiles 2005, n° 7213) et le respect des droits de la défense et, notamment, le respect du principe du contradictoire doivent être assurés.
Or, en l'espèce, il apparaît que Madame L. avait été, préalablement, informée de la volonté des associés de révoquer son mandat de gérant, et il est permis de supposer qu'elle connaissait la nature des griefs formulés à son encontre.
Il semble, donc, que le principe du contradictoire n'ait pas été violé et qu'elle ait été mise en mesure d'assurer sa défense lors de l'assemblée générale extraordinaire.
Au regard des principes encadrant la possibilité dans les sociétés civiles d'exclure un associé, cette décision nous paraît également fondée en admettant que les statuts de la SELARL GAMA aient prévu la possibilité, pour les associés, d'exclure l'un d'entre eux.
En effet, si aucune clause statutaire ne prévoit la possibilité d'exclure un associé aux conditions qu'elle détermine, il ne peut être imposé à un associé la cession forcée de ses titres (Cass. com., 13 décembre 1994, n° 93-11.569, Consorts Bujon et autres c/ Société Etarci et autres N° Lexbase : A4935ACR).
L'efficacité des clauses de rachat forcé est subordonnée à leur rédaction. Ainsi, les statuts devront prévoir avec précision les motifs d'exclusion, l'organe social habilité à statuer sur cette exclusion, la procédure à suivre, ainsi que les conditions de remboursement des parts sociales de l'associé exclu (voir Mémento Francis Lefebvre, Sociétés civiles 2005, n° 20211).
Or, en l'espèce, les juges du fond avaient manifestement étudié les statuts puisqu'ils relevaient l'absence de toute précision dans ces derniers et les textes légaux et réglementaires applicables à ce type de société sur les modalités par lesquelles un associé menacé d'exclusion pouvait faire valoir sa défense.
Dès lors, le juge du référé étant bien souvent assimilé au juge de l'évidence, la solution rendue par la Cour de cassation, dans l'arrêt rapporté, nous paraît pleinement justifiée.
Si les juges du fond sont souverains pour apprécier l'existence d'un trouble manifestement illicite, la Cour de cassation réaffirme, ici, son droit de contrôler le caractère manifestement illicite du trouble invoqué pour voir prononcer les mesures conservatoires ou de remise en état.
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Le 07 Octobre 2010
Analysez les nouveaux pouvoirs de la DGCCRF et de la Commission européenne
Distributeurs/Producteurs : maîtrisez les nouvelles obligations à votre charge
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Comment communiquer sur le retrait d'un produit ?
Vers un renforcement de la responsabilité du fait des produits défectueux en France et en Europe ?
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Défaut de sécurité : comment éviter le contentieux ?
Patrice Dauchet, chef du bureau C2, DGCCRF
Béatrice Honorat, avocat associé, Paul Hastings
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Mardi 30 mai 2006
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Le 07 Octobre 2010
1. Comment évaluer les fonctionnaires ?
Les articles 2 et 3 du décret n° 2002-682 du 29 avril 2002, relatif aux conditions générales d'évaluation, de notation et d'avancement des fonctionnaires de l'Etat (N° Lexbase : L0969G8E), disposent que les fonctionnaires font l'objet d'une évaluation, qui comporte un entretien et qui donne lieu à un compte rendu. Cet entretien est conduit par le supérieur hiérarchique direct du fonctionnaire et porte, principalement, sur les résultats professionnels obtenus par le fonctionnaire au regard des objectifs qui lui ont été assignés et des conditions d'organisation et de fonctionnement du service dont il relève, sur ses besoins de formation compte tenu, notamment, des missions qui lui sont imparties et sur ses perspectives d'évolution professionnelle en termes de carrière et de mobilité, et peut, également, porter sur la notation.
- Rappel historique
Les objectifs d'évaluation sont, selon Jean-Luc Placet, président-directeur général d'IDRH, variés : manager la performance, donner du feed back au collaborateur, gérer l'emploi et les compétences, les carrières, la mobilité, identifier et gérer les potentiels, gérer l'évolution des rémunérations fixes et attribuer des rémunérations variables. Autant d'objectifs auxquels répondent des modalités d'évaluation multiples : évaluation du potentiel, évaluation à 180° et à 360°, entretien de carrière et entretien annuel managerial. Progressivement, donc, ont été mis en place des entretiens d'évaluation qui, selon les cas, remplacent ou se superposent à la notation.
Si l'on compare avec le secteur privé, à l'heure actuelle, comme le remarque le même intervenant, les différences portent essentiellement sur la sophistication des dispositifs mis en oeuvre. Le secteur privé recourt, par exemple, davantage à d'autres modalités que l'évaluation hiérarchique, la différence la plus marquante concernant les "people review" et l'évaluation par le chef de projet. En revanche, cette différence est moins évidente concernant l'évaluation collective. Au final, les difficultés ressenties dans la mise en oeuvre du dispositif sont partagées, qu'il s'agisse du manque de retombées pratiques dans la gestion des ressources humaines ou du sentiment d'essoufflement du système et de lassitude des acteurs.
- Que va-t'il changer avec la LOLF ?
Dans un souci de culture d'objectifs et de performance, avec l'entrée en vigueur de la LOLF, l'évaluation devient obligatoire avec un entretien pour définir les objectifs individuels (voir décret n° 2002-682 susmentionné). Si la nouvelle loi organique relative aux lois de finances peut, de prime abord, apparaître comme établissant un système bureaucratique, elle a, cependant, le mérite, comme le souligne Jean-Luc Placet, de mettre en place certains challenges, telle la prise de conscience par l'encadrement de ses responsabilités manageriales ou, encore, la professionnalisation des managers sur ce nouveau rôle.
Quatre modèles, selon le même intervenant, peuvent être suivis pour construire l'évaluation des personnels :
- une gestion de l'emploi et de la mobilité ;
- une gestion des carrières et des potentiels ;
- une mise sous tension manageriale ;
- une orientation résultats prépondérante, le collaborateur étant acteur de sa carrière.
Dans tous les cas, les conditions de la réussite sont les mêmes : il s'agit, notamment, d'appliquer les principes de la conduite du changement, c'est-à-dire favoriser le partage par tous du bien-fondé du principe et des modalités de l'évaluation ; former le management, les acteurs RH et les collaborateurs ; soigner la communication d'accompagnement ; veiller à l'exemplarité ; être clair sur les incidences de l'évaluation sur les processus ressources humaines (rémunération, promotion, formation...) et sur les marges de manoeuvre des managers.
2. Rémunération, primes individuelles et collectives : quelles marges de manoeuvre ? Quelle contribution à la performance ?
La rémunération des fonctionnaires est définie par l'article 20 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, portant droits et obligations des fonctionnaires (N° Lexbase : L5215AHM), qui dispose que les fonctionnaires ont droit après service fait à une rémunération, comprenant :
- le traitement de base (appelé aussi "traitement indiciaire"), fixé en fonction du grade de l'agent et de l'échelon auquel il est parvenu ou de l'emploi auquel il a été nommé ;
- l'indemnité de résidence, dont le montant est calculé en appliquant au traitement brut un taux variable selon la zone territoriale dans laquelle est classée la commune où l'agent exerce ses fonctions ;
- le supplément familial de traitement (SFT), attribué aux agents publics ayant au moins un enfant à charge au sens des prestations familiales. Le SFT comprend un élément fixe et un élément proportionnel au traitement brut, qui varie en fonction du nombre d'enfants à charge ;
- les primes et indemnités diverses (régime indemnitaire). Le ministère de la Fonction publique souligne, à cet égard, que "la complexité des régimes indemnitaires constituent en effet un obstacle à la transparence des rémunérations, à la mobilité, à l'égalité de traitement et à la qualité du dialogue social. La reconnaissance de la performance individuelle et collective est également un axe de cette refondation".
Plusieurs questions, concernant la mise en oeuvre d'une rémunération à la performance, peuvent se poser : la nécessité d'introduire une part variable dans la rémunération des fonctionnaires est-elle un pur effet de mode ? Quelle place accorder à cette part variable ? Comment l'attribuer ? Selon quels critères (intéressement, comme dans le secteur privé) ? Selon quelle procédure ?
Tous les intervenants s'accordent à reconnaître, tout d'abord, que la rémunération à la performance n'est pas un simple effet de mode. Ainsi, Jean-Jacques François, trésorier-payeur général à l'Agence centrale du Trésor, souligne le fait que la modulation des primes est ancienne et nécessaire. Il précise, en revanche, qu'elle ne doit pas être entendue comme une solution miracle mais davantage être considérée comme un outil parmi d'autres. Joël Fily, directeur de la Direction de l'administration de la police nationale, note, concernant la police, que le système est en place depuis 1926 ; et, depuis la loi n° 2002-1094 du 29 août 2002, d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, la culture du résultat est effective, notamment, au travers de la prime au mérite (N° Lexbase : L6285A4K). Enfin, Jean-Jacques Reynaud, directeur des ressources humaines de la ville d'Aix-en-Provence, s'aligne, également, sur ces positions : si les collectivités territoriales ne s'inscrivent pas dans le cadre de la LOLF, pour autant, la rémunération au mérite y est assez ancienne (notamment, avec les lois de décentralisation), même si la fonction publique territoriale a connu une longue période égalitariste marquée par des rémunérations liées au grade. Progressivement, donc, se mettent en place des dispositifs de gestion venant compléter le cadre statutaire existant, la nouveauté résidant essentiellement dans cette capacité à formaliser les choses.
La culture égalitariste est, ainsi, en pleine évolution et la fonction publique est, globalement, plutôt favorable à cette évolution tendant à valoriser la performance, qu'elle soit individuelle ou collective. La solution résiderait peut-être, comme le souligne Jean-Jacques Reynaud, à associer primes liées au grade et primes liées au niveau de responsabilité : des agents ayant le même grade mais pas les mêmes responsabilités n'auraient, ainsi, pas les mêmes primes. Cette nécessité de différencier le niveau de responsabilité des grades est essentielle.
Il faut, cependant, éviter de tomber dans un écueil, celui de croire que la prime au mérite est le seul moyen de reconnaître la performance des agents. Il existe d'autres outils, comme le bilan d'objectifs ou, encore, celui de compétence. La fonction publique n'est, en effet, pas prête, selon Jean-Jacques François à adopter un système de stimulation financière.
Enfin, il faut noter que la mise en place d'un tel système ne pourra se faire, d'une part, sans qu'il y ait de véritable transparence et une certaine objectivité, même s'il y a une dimension humaine à prendre en compte et, d'autre part, sans cultiver la logique de carrière propre à la fonction publique française.
3. Mobilité dans les fonctions publiques : comment la mettre en place ? comment l'intégrer dans les carrières ?
L'article 14 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, portant droits et obligations des fonctionnaires (N° Lexbase : L6938AG3), dispose que l'accès des fonctionnaires de l'Etat, territoriaux et hospitaliers aux deux autres fonctions publiques, ainsi que leur mobilité au sein de chacune de ces trois fonctions publiques, constituent des garanties fondamentales de leur carrière. Il précise qu'à cet effet, l'accès des fonctionnaires de l'Etat, territoriaux et hospitaliers aux deux autres fonctions publiques s'effectue par voie de détachement, suivi ou non d'intégration.
La mobilité, comme la rémunération, est un thème débattu de longue date. La LOLF a, cependant, permis, comme le remarque Yves Chevalier, chef de service à la Direction générale de l'administration et de la fonction publique, une certaine évolution du contexte.
Sur le plan statutaire, l'article 14 de la loi du 13 juillet 1983 dispose que la mobilité constitue une garantie fondamentale de la carrière de tout fonctionnaire (N° Lexbase : L5207AHC). Et la loi n° 2005-843 du 26 juillet 2005, portant diverses mesures de transposition du droit communautaire à la fonction publique (N° Lexbase : L7061HEA), pose comme principe général l'ouverture de tous les corps et cadres d'emplois. Mais, au-delà de ces principes, il existe plusieurs obstacles :
- une multiplicité de corps d'état dans la fonction publique engendrant des difficultés pour y procéder. Selon le même intervenant, pour y remédier, l'effort volontariste de fusion de corps doit être poursuivi.
- un décalage indemnitaire important. Il faudrait, dans ce cas, selon Yves Chevalier, réexaminer au cas par cas les régimes indemnitaires, afin que le fixe ne diverge pas trop d'une administration à l'autre.
Surtout, cette mobilité doit être accompagnée et reconnue. Deux dispositifs doivent, à ce titre, être mis en place ou renforcés : l'institution d'un droit individuel à la formation dans les trois fonctions publiques (avec comme modèle le secteur privé) et la reconnaissance des acquis de l'expérience professionnelle (RAEP).
Enfin, comme le souligne Philippe Lottiaux, directeur général des services de la ville de Levallois-Perret, la mobilité est nécessaire dans la mesure où elle rend la fonction publique attractive et permet un redéploiement des agents. Pourtant, force est de constater qu'elle est, aujourd'hui, peu convoitée. Et de distinguer la mobilité interne, la mobilité externe et la mobilité public/privé :
- la mobilité interne : c'est-à-dire la mobilité au sein d'une même collectivité, d'un même corps ou d'une même filière, mais sur un autre poste, n'est pas si simple qu'elle peut paraître. Le même intervenant souligne, en effet, la lourdeur des procédures pour passer, dans la fonction publique territoriale, d'une filière à l'autre et l'inadéquation quantitative (la fonction publique manque de certaines compétences et regorgent d'autres) et qualitative (de plus en plus de bac + 5 pour des concours de catégorie C) des concours. Par ailleurs, outre des difficultés proprement organisationnelles, il existe un réel problème de mobilité verticale induit par un système de promotion et d'avancement de grade "archaïque", selon les propres termes de Philippe Lottiaux, rendant quasi impossible pour l'employeur de reconnaître ses agents les plus méritants. La "solution" consisterait à poursuivre la simplification dans les corps.
- la mobilité externe : c'est-à-dire la mobilité d'une fonction publique à l'autre ou entre collectivités. L'intervenant souligne, une nouvelle fois, plusieurs difficultés : si l'aspect psychologique ne doit pas être écarté, pas plus que les disparités financières et l'absence d'anticipation, il existe surtout un problème afférent aux mutations dont les employeurs se méfient, dans la mesure où elles sont définitives. Philippe Lottiaux se propose, afin d'y pallier, d'instaurer, concernant les mutations, une période d'essai, telle qu'elle existe dans le privé.
- la mobilité secteurs public/privé : cette mobilité induit plusieurs difficultés liées, essentiellement, à la règle du concours, à la limitation de la durée des contrats des non titulaires et à la méfiance persistance entre les secteurs public/privé. Elargir les possibilités de recourir aux contractuels et inciter les entreprises à accueillir des fonctionnaires pour permettre, ainsi, aux agents publics d'aller dans le privé, permettraient d'y remédier.
Compte-rendu réalisé par Fany Lalanne
SGR-Droit public
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