La lettre juridique n°215 du 18 mai 2006

La lettre juridique - Édition n°215

Éditorial

"Ma cabane au Canada est blottie au fond des bois*" : oui, mais après procédure d'évaluation environnementale !

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Ma cabane au Canada est blottie au fond des bois*" : oui, mais après procédure d'évaluation environnementale ! - par Fabien Girard de Barros, Directeur de la rédaction">

par Fabien Girard de Barros, Directeur de la rédaction

Le 27 Mars 2014


Maudites soient les plaines d'Abraham et la défaite de Montcalm. Le 13 septembre 1759, ce n'est pas le Québec qui tombait sous le joug des armées de Wolfe pour le compte de la couronne britannique, c'est "la Nouvelle-France" qui disparaissait ; et à travers elle, tout l'esprit visionnaire et prophétique du continent nord-américain au plus grand service de la France du vieux continent. Petite explication de texte : le ministère du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs (on notera, ici, la terminologie proprement avant-gardiste du ministère en question) du Québec gère les procédures d'évaluation environnementale en milieu nordique depuis 1975, et au Québec méridional depuis 1980. Le but principal de ces procédures d'évaluation environnementale est d'éclairer les décideurs quant à l'à propos d'autoriser certains projets susceptibles de perturber l'environnement de façon significative et de susciter des interrogations chez le public. C'est le cas, entre autres, des centrales hydroélectriques, des autoroutes, des lieux d'élimination de matières résiduelles et des grands complexes industriels. Sur l'éclairant succès de cette procédure, l'OCDE publiait, le 8 mai 1979, une recommandation sur l'évaluation des projets ayant des incidences sensibles sur l'environnement. Le 20 juin 1985, les gouvernements des pays membres de l'OCDE et de l'(ex-)Yougoslavie adoptaient, en outre, une déclaration sur "L'environnement : Ressource pour l'avenir", par laquelle ils entendaient développer l'utilisation des études d'impact sur l'environnement et des instruments économiques appropriés, d'une part, et intensifier leurs efforts en vue de contribuer à un développement ménageant l'environnement dans les pays en développement, d'autre part. Mais, ce n'est que le 21 juillet 2001, que le Journal officiel des Communautés européennes (JOCE) publiait le texte de la Directive 2001/42 imposant aux pays membres de légiférer pour que, avant leur adoption, certains plans et programmes susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement, soient soumis à une évaluation environnementale. Cette évaluation étant justement élaborée selon le principe de l'étude d'impact. C'est en respectant ces objectifs que la France a transposé la Directive par l'ordonnance n° 2004-489 du 3 juin 2004 et défini les conditions et la procédure de l'évaluation environnementale pour les documents d'urbanisme. Le décret d'application n° 2005-608 du 27 mai 2005 est venu modifier, en ce sens, le Code de l'urbanisme, la circulaire n° 2006-16 du 6 mars 2006 venant préciser les conséquences de la soumission des PLU (plans locaux d'urbanisme) et SCOT (schémas de cohérence territoriale) à la nouvelle procédure d'évaluation départementale. Si la procédure d'évaluation départementale est un moyen d'enrichir et d'améliorer les projets constitutifs des SCOT et des PLU, de nouvelles obligations s'imposent donc désormais aux collectivités territoriales. Décidément en matière d'environnement, il est difficile de faire mentir notre "Clemenceau" national : "il faut d'abord savoir ce que l'on veut, il faut ensuite avoir le courage de le dire, il faut ensuite l'énergie de le faire" ; faisant du développement durable à la française, un processus "en rade". Aussi, les éditions juridiques Lexbase vous proposent cette semaine de revenir sur l'application de la nouvelle procédure d'évaluation environnementale aux SCOT et aux PLU, grâce au commentaire de Christophe De Bernardinis, Maître de conférences à l'Université de Metz. Par ailleurs, le Cabinet d'avocats-conseils Savin Martinet Associés revient, cette semaine, sur la "Charte de l'environnement", au travers la publication de son quatrième Bulletin d'actualités.
* cf. Line Renaud, Ma cabane au Canada

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Rel. individuelles de travail

[Jurisprudence] Un stagiaire a droit à la propriété de ses inventions !

Réf. : Cass. com., 25 avril 2006, n° 04-19.482, M. Michel Puech c/ Mme Amena Saïed, FS-P+B+I+R (N° Lexbase : A1902DP7)

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par Gilles Auzero, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV

Le 07 Octobre 2010

Nonobstant quelques avancées législatives récentes, issues de la loi pour l'égalité des chances (loi n° 2006-396 du 31 mars 2006, pour l'égalité des chances N° Lexbase : L9534HHL), le statut juridique du stagiaire reste encore largement à déterminer. L'arrêt rendu le 25 avril dernier par la Chambre commerciale de la Cour de cassation démontre, cependant, que le silence des textes peut s'avérer, de manière certes très ponctuelle, favorable au stagiaire. En effet, en admettant que ce dernier a droit à la propriété de ses inventions, la Cour de cassation lui assure une protection dont ne bénéficient pas les salariés. Cette décision, qui doit être pleinement approuvée, démontre que le régime légal des inventions des salariés (1) a un champ d'application bien circonscrit (2).


Résumé

Le droit au titre de propriété industrielle appartient à l'inventeur et les exceptions à ce principe ne résultent que de la loi. Par suite, un stagiaire qui n'est ni salarié, ni agent public, a droit à la propriété de son invention.

Décision

Cass. com., 25 avril 2006, n° 04-19.482, M. Michel Puech c/ Mme Amena Saïed, FS-P+B+I+R (N° Lexbase : A1902DP7)

Cassation partielle (CA Paris, 4ème ch., sect. B, 10 septembre 2004, n° 2002/12276, CNRS N° Lexbase : A5395DEK)

Textes visés : C. prop. intell., art. L. 611-6 (N° Lexbase : L3555ADZ) et L. 611-7 (N° Lexbase : L3556AD3).

Mots-clés : invention ; propriété ; salarié ; stagiaire ; régime légal ; champ d'application.

Lien bases :

Faits

Durant un stage dans un laboratoire dépendant du CNRS, M. Puech a inventé une technique d'examen ophtalmologique. Le CNRS ayant revendiqué la propriété du brevet ensuite déposé par M. Puech ainsi que celle de sa demande formulée au titre du Traité de coopération en matière de brevet conclu à Washington le 19 juin 1970, ce dernier a sollicité le rejet de ces demandes et réclamé paiement de dommages-intérêts.

Pour accueillir l'action en revendication, l'arrêt attaqué a retenu que M. Puech a concouru à la réalisation de l'invention alors qu'il était stagiaire en formation au sein d'un laboratoire du CNRS, établissement public national à caractère scientifique et technologique chargé d'assurer une mission de service public. Usager de ce service public, M. Puech était, comme tel, soumis au règlement intérieur édicté par le chef de service et disposant que "dans le cas où les travaux poursuivis permettraient la mise au point de procédés de fabrication ou techniques susceptibles d'être brevetés, les brevets, connaissances ou développements informatiques seront la propriété du CNRS". En outre, les juges du fond ont considéré qu'il est légitime que les étudiants, qui ont participé à une invention, ne participent pas à ses fruits pécuniaires. Or, M. Puech bénéficie d'un enseignement à l'Université ainsi qu'au laboratoire, des installations de ce laboratoire et du travail de l'ensemble des personnels techniques ; il bénéficie, en outre, d'un titre universitaire et de l'inscription de son nom sur le brevet auquel il a participé et, quand bien même il n'aurait signé ce règlement que postérieurement à la réalisation de son invention, il s'agit d'un règlement de service qui s'impose à lui comme usager du laboratoire.

Solution

1. Cassation pour violation des articles L. 611-6 et L. 611-7 du Code de la propriété intellectuelle.

2. "Le droit au titre de propriété industrielle appartient à l'inventeur et [...] les exceptions à ce principe ne résultent que de la loi".

3. "Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait que M. Puech n'était ni salarié du CNRS, ni agent public, ce dont il résultait que la propriété de son invention ne relevait d'aucune des exceptions limitativement prévues par la loi, la cour d'appel a violé les textes susvisés".

Observations

1. Le régime légal des inventions de salariés

  • Présentation

De nombreuses inventions sont réalisées par des salariés. Or, on le devine, toute la question est alors de savoir à qui revient l'invention faite par un salarié : au salarié ou à l'employeur ? Ainsi que l'affirme l'alinéa 1er de l'article L. 611-6 du Code de la propriété intellectuelle, "le droit au titre de propriété industrielle mentionné à l'article L. 611-1 (N° Lexbase : L3542ADK) appartient à l'inventeur ou à son ayant cause".

Cette règle de principe est, cependant, tempérée par l'article L. 611-7 dudit code qui concerne, précisément, le salarié inventeur et qui oblige à distinguer les inventions de mission et les inventions hors mission. Notons que les dispositions de cet article sont, également, applicables "aux agents de l'Etat, des collectivités publiques et de toutes autres personnes morales de droit public [...]" (C. prop. intell., art. L. 611-7, 5°).

  • Les inventions de mission

Sont qualifiées d'inventions de mission, les inventions faites par le salarié dans l'exécution :
- soit d'un contrat de travail comportant une mission inventive qui correspond à ses fonctions effectives ;
- soit d'études et de recherches qui lui sont explicitement confiées.

Ces inventions appartiennent à l'employeur (C. prop. intell., art. L. 611-7, 1°, al. 1er). Elles supposent que soit fournie la preuve de la mission qui a été confiée au salarié, ce qui peut être fait par tout moyen. Il est, toutefois, préférable de pouvoir faire état d'une clause ad hoc du contrat de travail.

Ainsi que l'affirment, à juste titre, certains auteurs, "si les inventions de mission 'appartiennent' à l'employeur, c'est parce que l'on estime que le salaire perçu par le salarié a pour objet la rémunération de son activité de recherche et la réalisation éventuelle d'inventions qui sont le résultat normal de l'activité du salarié" (A. Chavanne, J.-J. Burst, Droit de la propriété industrielle, Précis Dalloz, 5ème éd., 1998, § 148).

Cela étant, le contrat de travail du salarié ou les conventions ou accords collectifs applicables peuvent prévoir que l'employeur sera tenu de verser une rémunération complémentaire au salarié auteur d'une invention. A défaut de stipulations contractuelles ou conventionnelles en ce sens, le salarié ne pourra donc prétendre à aucune rémunération à raison de son invention (v., sur cette question, L. Flament, La rémunération des inventions de salariés : JCP éd. S 2006, 1290). Si l'employeur n'est pas soumis à une convention collective de branche, tout litige relatif à la rémunération supplémentaire est soumis à la commission de conciliation instituée par l'article L. 615-21 du Code de la propriété intellectuelle (N° Lexbase : L3666AD7) ou au tribunal de grande instance (C. prop. intell., art. L. 611-7, 1°, al. 2).

  • Les inventions hors mission

Les inventions hors mission, définies par opposition aux précédentes, appartiennent, en principe, au salarié (C. prop. intell., art. L. 611-7, 2° : "Toutes les autres inventions appartiennent au salarié"). Cependant, dans un souci de protection de l'employeur, cette même disposition précise que "toutefois, lorsqu'une invention est faite par un salarié soit dans le cours de l'exécution de ses fonctions, soit dans le domaine des activités de l'entreprise, soit par la connaissance ou l'utilisation des techniques ou de moyens spécifiques à l'entreprise, ou de données procurées par elle, l'employeur a le droit [...] de se faire attribuer la propriété ou la jouissance de tout ou partie des droits attachés au brevet protégeant l'invention de son salarié".

Le législateur invite, ainsi, à distinguer, au sein de la catégorie des inventions hors mission, les inventions hors mission attribuables et les inventions hors mission non attribuables (A. Chavanne, J.-J. Burst, ouvrage préc., §§ 149 à 154). Toutes deux appartiennent au salarié. Mais, pour ce qui est des premières, la loi reconnaît à l'employeur le droit de se faire attribuer la propriété ou la jouissance de tout ou partie des droits attachés au brevet. Le salarié doit alors en obtenir, nous dit la loi, "un juste prix". Quant aux inventions hors mission non attribuables, elles sont à la libre disposition du salarié qui doit, cependant, les déclarer. Il peut donc les conserver secrètes, les publier ou les protéger par brevet. Ainsi que le précisent les auteurs précités (§ 154), c'est alors à l'employeur "qu'il appartient de prouver, s'il veut revendiquer un droit sur ces inventions, qu'elles appartiennent à une autre catégorie que celle des inventions hors mission non attribuables".

En l'espèce, il n'est guère contestable que l'on était en présence d'une invention hors mission attribuable, car réalisée à l'aide de moyens spécifiques à l'entreprise. C'est ce que tend à indiquer la motivation retenue par les juges du fond, selon laquelle M. Puech avait bénéficié d'un enseignement à l'Université ainsi qu'au laboratoire et, surtout, des installations de ce laboratoire et du travail de l'ensemble des personnels techniques. On comprend, dès lors, pourquoi le CNRS avait revendiqué la propriété du brevet déposé par M. Puech, action accueillie par la cour d'appel. Mais, c'était sans compter le champ d'application du régime légal des inventions de salariés. Limites que la Cour de cassation vient rappeler en censurant la décision attaquée.

2. Le champ d'application du régime légal des inventions des salariés

  • Champ d'application quant aux personnes

Le texte de l'article L. 611-7 du Code de la propriété intellectuelle ne s'applique qu'aux inventions réalisées par des salariés ou, rappelons-le, aux agents de l'Etat, des collectivités publiques ou de toutes autres personnes morales de droit public. Par suite, et sauf à cumuler leurs fonctions avec un contrat de travail, les mandataires sociaux échappent à l'application de cette disposition. Leurs inventions restent leur propriété.

S'agissant des salariés, on doit considérer que la nature de leur contrat de travail importe peu : contrat à durée indéterminée, contrat à durée déterminée, à temps complet, à temps partiel, contrats aidés. Seule importe la qualité de salarié, que celui-ci soit en période d'essai ou pas. Notons que certaines situations sont de nature à générer des difficultés. Ainsi, si l'invention est l'oeuvre d'un salarié temporaire, et que celle-ci peut être qualifiée d'invention de mission ou, plus probablement, d'invention hors mission attribuable, l'application de l'article L. 611-7 suscitera des difficultés. L'entreprise utilisatrice n'est, en effet, pas juridiquement l'employeur, pourtant seul visé par le texte.

En résumé, l'article L. 611-7 du Code de la propriété intellectuelle n'est applicable qu'aux seuls salariés et agents publics. Or, et cela relève de l'évidence, le stagiaire n'est assimilable ni à l'un, ni à l'autre. Par suite, on ne peut qu'approuver la Cour de cassation lorsqu'elle affirme que la propriété de son invention ne relève d'aucune des exceptions limitativement prévues par la loi. Cette solution est justifiée au regard de la maxime selon laquelle les exceptions doivent être interprétées restrictivement. Maxime qui exige que les exceptions soient contenues dans les limites du texte et qui interdit catégoriquement toute création d'exceptions en dehors d'une disposition légale précise (v. en ce sens, H. Roland et L. Boyer, Adages du droit français, Litec, ss. Exceptio est strictissimae interpretationis). Par suite, doit être seule appliquée la règle de principe qui, en la matière, prévoit que le droit au titre de propriété industrielle appartient à l'inventeur, c'est-à-dire, ici, le stagiaire et lui seul (C. prop. intell., art. L. 611-6, préc.).

En outre, il nous semble que le fait que le stagiaire perçoive une gratification ne change rien à la solution retenue par la Cour de cassation. Cette gratification, quel que soit son montant, ne transforme pas le stagiaire en salarié.

On peut penser, au vu de cette décision, que certains employeurs seront désormais incités à proposer un contrat de travail à certaines personnes bardées de diplômes, en lieu et place d'un stage.

  • Le caractère supplétif du régime légal

Le régime légal des inventions des salariés, tel qu'il a été décrit précédemment, ne s'applique qu'"à défaut de stipulations contractuelles plus favorables au salarié" (C. prop. intell., art. L. 611-7, al. 1er). Si le texte ne vise que les stipulations contractuelles, on peut raisonnablement avancer que rien ne s'oppose, et certainement pas le principe de faveur, à ce que des dispositions conventionnelles plus favorables viennent également écarter les règles légales dès lors que celles-ci sont applicables, ce qui, nous l'avons vu, n'était pas le cas ici.

Notons, cependant, qu'en l'espèce, les juges du fond avaient fait application du règlement intérieur du CNRS, en prenant soin de relever que ce dernier se distinguait du règlement intérieur visé aux articles L. 122-33 et suivants du Code du travail (N° Lexbase : L5546ACE). Selon ces mêmes juges, ce règlement était applicable à M. Puech en tant qu'usager du CNRS. Toutefois, et à supposer que ce dernier puisse être qualifié d'usager, ce règlement intérieur était impuissant à écarter les dispositions de l'article L. 611-7 du Code de la propriété intellectuelle et a fortiori celle de l'article L. 611-6.

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Rel. individuelles de travail

[Jurisprudence] Le droit du licenciement face à la liberté d'opinion du salarié

Réf. : Cass. soc., 28 avril 2006, n° 03-44.527, M. Jean Rouger c/ Mme Sylvie Mathiot, FS-P+B (N° Lexbase : A2045DPG)

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Le 07 Octobre 2010

Alors que la doctrine (1) s'est, récemment, attachée à synthétiser toutes les questions posées par le phénomène d'individualisation du droit du travail, la jurisprudence permet de prendre la mesure exacte de ce phénomène. Il est, désormais, admis que le salarié est reconnu, en droit du travail, comme un sujet de droit, appréhendé par les droits fondamentaux des droits de l'Homme : le point est constamment réaffirmé par la Cour de cassation, comme en atteste, une fois de plus, l'arrêt rapporté. Le droit du travail donne de nombreuses illustrations d'une reconnaissance pleine et entière du travailleur en tant que sujet de droits et le droit du licenciement constitue un bon terrain d'observation. L'enjeu est bien la "fondamentalisation" du droit du travail, expression d'un mouvement général de "droit de l'hommisation" (2). En l'espèce, la secrétaire parlementaire d'un député avait donné son accord pour figurer sur la liste de candidats que le parlementaire constituait en vue des élections municipales de la commune de Saintes du mois de mars 2001. Elle s'est retirée de cette liste, puis a été licenciée pour perte de confiance. L'employeur lui faisait grief de comportements objectifs au cours desquels elle avait ouvertement exprimé des désaccords politiques et politiciens à son encontre, s'étant traduits par l'annonce publique de son départ de la liste qu'il avait constituée. L'arrêt pose deux questions distinctes : un employeur-parlementaire peut-il se considérer comme une entreprise de tendance et contractualiser ses convictions politiques ? Dans quelle mesure une liberté fondamentale (liberté d'opinion) peut-elle entrer en conflit avec le droit du licenciement ?
Résumé

Si le secrétaire parlementaire peut être tenu de s'abstenir de toute position personnelle pouvant gêner l'engagement politique de son employeur, aucune autre restriction ne peut être apportée à sa liberté d'opinion.

Décision

Cass. soc., 28 avril 2006, n° 03-44.527, M. Jean Rouger c/ Mme Sylvie Mathiot, FS-P+B (N° Lexbase : A2045DPG)

Rejet (CA Poitiers, ch. soc., 13 mai 2003)

Textes concernés : DDHC, art. 10 (N° Lexbase : L1357A97) ; C. trav., art. L. 120-2 (N° Lexbase : L5441ACI).

Mots-clefs : licenciement ; liberté d'opinion.

Liens bases : ; .

Faits

Mme Mathiot est engagée le 24 juin 1997 en qualité de secrétaire parlementaire par M. Rouger, député. Elle donne son accord pour figurer sur la liste de candidats que le parlementaire constitue en vue des élections municipales de la commune de Saintes du mois de mars 2001 et se retire de cette liste au mois de janvier 2001. Elle est licenciée pour perte de confiance le 14 février 2001. L'employeur lui fait grief de comportements objectifs au cours desquels elle a ouvertement exprimé des désaccords politiques et politiciens à son encontre.

Arrêt rendu le 13 mai 2003 par la cour d'appel de Poitiers, selon lequel le licenciement de Mme Mathiot est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Rejet du pourvoi.

Solution

Si le secrétaire parlementaire peut être tenu de s'abstenir de toute position personnelle pouvant gêner l'engagement politique de son employeur, aucune autre restriction ne peut être apportée à sa liberté d'opinion : en se retirant de la liste en préparation, la salariée n'a fait qu'user de sa liberté d'opinion. Le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Observations

1. Un employeur-parlementaire est-il une entreprise de tendance ?

1.1. Entreprise de tendance

L'entreprise de tendance est celle qui se distingue du droit commun des entreprises en ce qu'elle contractualise, avec son personnel, les convictions politiques, religieuses, syndicales ou philosophiques qu'elle défend ou soutient à travers son activité. Les entreprises de tendance les plus connues sont celles qui opèrent dans le champ religieux.

La Cour de cassation admet que cette dimension religieuse des rapports employeurs-salariés soit contractualisée. Il ne résulte pas de l'article L. 122-45 du Code du travail (N° Lexbase : L3114HI8) qu'une activité relevant, par nature, de convictions religieuses soit exclusive de tout rapport de subordination. En effet, ce texte, en ce qu'il dispose qu'aucun salarié ne peut être sanctionné ou licencié en raison de ses convictions religieuses, n'est pas applicable lorsque le salarié, qui a été engagé pour accomplir une tâche impliquant qu'il soit en communion de pensée et de foi avec son employeur, méconnaît les obligations résultant de cet engagement (Cass. soc., 20 novembre 1986, n° 84-43.243, Union nationale des associations cultuelles de l'Eglise réformée c/ Mlle Fischer, publié N° Lexbase : A2194AAI) (3).

En 1978 déjà, l'Assemblée plénière de la Cour de cassation relevait qu'il ne pouvait être porté atteinte, sans abus, à la liberté du mariage par un employeur que dans des cas très exceptionnels où les nécessités des fonctions l'exigent impérieusement (Ass. plén., 19 mai 1978, n° 76-41.211, Association pour l'éducation populaire, publié N° Lexbase : A9566AAK) (4). Relèvent l'existence de telles circonstances les juges du fond qui, ayant à statuer sur l'action en dommages-intérêts par un professeur d'un établissement privé à la suite de son licenciement motivé par son remariage après divorce, retiennent que, lors de la conclusion du contrat par lequel cet établissement s'était lié à ce professeur, les convictions religieuses de ce dernier avaient été prises en considération et que cet élément de l'accord des volontés, qui reste habituellement en dehors des rapports de travail, avait été incorporé dans le contrat dont il était devenu partie essentielle et déterminante.

1.2. Contractualisation des convictions politiques

En l'espèce, l'employeur invoquait, à son profit, l'application de cette notion d'entreprise de tendance, en relevant que l'article 6 du contrat de travail de Mme Mathiot stipulait clairement que "le salarié s'engage à s'abstenir de toute activité ou prise de position personnelle pouvant gêner l'action de l'employeur. Il s'abstiendra, en particulier, de toute candidature à une fonction élective dans le département d'élection du député-employeur et, plus généralement, de toute responsabilité politique, sans l'accord écrit préalable de l'employeur".

Aussi, selon l'employeur, la circonstance qu'il ait autorisé son assistante parlementaire à se porter candidate aux élections municipales sur la liste qu'il constituait ne pouvait avoir pour effet de délier la salariée de ses obligations contractuelles essentielles et, notamment, de celle de s'abstenir de toute prise de position personnelle pouvant gêner l'action politique de son employeur.

En toute hypothèse, selon l'employeur, la fonction d'attaché parlementaire implique qu'il existe une parfaite harmonie de conceptions entre les intéressés et l'assurance, de la part de l'employeur, d'une totale loyauté de la part de son collaborateur. L'article 6 du contrat de travail stipulait, au demeurant, que "l'employeur [...] n'engage le salarié précité qu'en raison de la confiance qu'il lui porte [...]. La bonne exécution du contrat suppose un rapport de confiance entre les parties et une adhésion du salarié à l'action politique menée par l'employeur. La perte de confiance ou la divergence d'opinions peut donc constituer un motif réel et sérieux de résiliation de la part de l'une ou l'autre partie".

Cette approche contractuelle des relations employeur-salarié, dans le cadre d'une entreprise de tendance, admise par la jurisprudence en d'autres temps et pour d'autres circonstances, n'a plus, aujourd'hui, la même capacité de conviction. La Cour de cassation s'est éloignée d'une lecture trop étroitement contractuelle des relations employeur-salarié, pour ne retenir que la dimension "droits fondamentaux de la personne", attachés au salarié.

2. Invalidité du licenciement violant la liberté d'opinion

2.1. Nature du licenciement : perte de confiance

Il est, désormais, bien établi que la Cour de cassation exclue, comme motif de rupture du contrat de travail, la perte de confiance (Cass. soc., 29 novembre 1990, n° 87-40.184, Mme Fertray c/ Etablissements R. Wagner et compagnie, publié N° Lexbase : A9039AAZ) : la perte de confiance ne peut constituer, en soi, un motif de licenciement, la cause de licenciement devant reposer sur des éléments objectifs. La Cour de cassation, si elle refusait qu'un licenciement soit exclusivement fondé sur le motif de la perte de confiance, admettait, cependant, que ce motif soit invoqué, à la condition d'être étayé par des faits objectifs et précis (Cass. soc., 26 janvier 2000, n° 97-43.047, Mme Verrier c/ Société Casino France, publié N° Lexbase : A4791AGK).

Puis, la Cour a, purement et simplement, condamné la perte de confiance en énonçant qu'elle ne peut jamais constituer en tant que telle un motif de licenciement, quand bien même elle reposerait sur des éléments objectifs (Cass. soc., 29 mai 2001, n° 98-46.341, Société Dubois couvertures c/ M. Cardon, publié N° Lexbase : A4701ATB). Une lettre de licenciement ne doit plus mentionner le motif de perte de confiance, sans quoi le licenciement sera automatiquement dépourvu de cause réelle et sérieuse, et ce même si la lettre fait référence à des éléments précis et objectifs. L'employeur devra fonder son licenciement seulement sur les éléments objectifs, et s'abstenir de faire référence à la notion de perte de confiance (v., aussi, Cass. soc., 21 octobre 2003, n° 01-44.172, F-D N° Lexbase : A9406C9A).

2.2. Justification du licenciement : priorité aux droits de la personne

La qualification d'entreprise de tendance, qui conduit à contractualiser des éléments qui relèvent, normalement, de la vie privée et des libertés fondamentales du salarié, à supposer qu'elle s'applique dans le cas d'un parlementaire, en sa qualité d'employeur, peut entrer en conflit avec une autre analyse juridique des droits de la personne, laquelle consiste à hiérarchiser des droits rentrant éventuellement en conflit : liberté contractuelle versus droits de la personne.

En l'espèce, la Cour de cassation tranche clairement ce conflit entre droits, pour faire prévaloir une approche subjective de la situation du salarié, titulaire, à ce titre, de droits fondamentaux, dont celui de la liberté d'opinion. Par l'arrêt rapporté, la Cour de cassation retient cette solution, en s'appuyant sur l'article 10 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen du 26 août 1789 (5) et sur l'article L. 120-2 du Code du travail (6).

Il en résulte que, si le secrétaire parlementaire peut être tenu de s'abstenir de toute position personnelle pouvant gêner l'engagement politique de son employeur, aucune autre restriction ne peut être apportée à sa liberté d'opinion. En se retirant de la liste en préparation, la salariée n'a fait qu'user de sa liberté d'opinion.

Cet arrêt doit être mis en perspective avec une jurisprudence plutôt clairsemée, se prononçant sur le principe de la liberté d'opinion. Ayant estimé que le vrai motif du licenciement d'un employé était le désaccord existant entre ce dernier et l'employeur sur des questions d'opinion et de politique générale sortant du cadre de l'activité professionnelle de l'entreprise, les juges du fond ont pu décider, dans une espèce, que l'employeur, en portant atteinte à la liberté d'opinion d'un salarié, avait commis un abus dans l'exercice de son droit de rompre un contrat de travail à durée indéterminée (Cass. soc., 14 octobre 1970, n° 69-40.355, Union Hospitalière d'Assistance à l'Enfance c/ Bondu, publié N° Lexbase : A8351AYX, Bulletin des arrêts Cour de cassation, Chambre sociale, n° 517, p. 422, note X., D. 1971 p. 53) (7).

Cette liberté d'opinion ne doit pas être confondue avec la liberté d'expression, dont l'objet et le régime sont fixés, précisément, par l'article L. 461-1 du Code du travail (N° Lexbase : L6536AC3), selon lequel les salariés bénéficient d'un droit à l'expression directe et collective sur le contenu, les conditions d'exercice et l'organisation de leur travail (8). Cette expression a pour objet de définir les actions à mettre en oeuvre pour améliorer leurs conditions de travail, l'organisation de l'activité et la qualité de la production dans l'unité de travail à laquelle ils appartiennent et dans l'entreprise. Les opinions que les salariés, quelle que soit leur place dans la hiérarchie professionnelle, émettent dans l'exercice du droit d'expression, ne peuvent motiver une sanction ou un licenciement.

Certaines décisions montrent, cependant, toute la difficulté à marquer juridiquement la différence entre les deux notions. Ainsi, dans une décision récente, la Cour de cassation a décidé que le fait pour un employeur d'obliger un salarié à émettre une opinion ou prendre une position publiquement porte atteinte à la liberté d'expression de l'intéressé ; dès lors, le refus d'obtempérer n'est pas fautif (Cass. soc., 26 octobre 2005, n° 03-41.796, F-D N° Lexbase : A1488DLP) (9). La Cour de cassation retenait, dans son visa, l'article L. 120-2 du Code du travail.

La liberté d'opinion doit, enfin, être distinguée de l'article L. 133-5 du Code du travail (N° Lexbase : L3149HIH), selon lequel la convention de branche conclue au niveau national contient obligatoirement, pour pouvoir être étendue, outre les clauses prévues aux articles L. 132-5 (N° Lexbase : L1370G9M), L. 132-7 (N° Lexbase : L4696DZX) et L. 132-17 (N° Lexbase : L5671ACZ), des dispositions concernant l'exercice du droit syndical et la liberté d'opinion des salariés, le déroulement de carrière des salariés exerçant des responsabilités syndicales et l'exercice de leurs fonctions.

Christophe Willmann
Professeur à l'Université de Haute Alsace


(1) Ch. Willmann, Le salarié-individu et l'individualisation des rapports de travail, Lexbase Hebdo n° 183 du 29 septembre 2005 - édition sociale (N° Lexbase : N8977AIC) ; P. Adam, L'individualisation du droit du travail, Essai sur la réhabilitation juridique du salarié-individu, LGDJ 2005, avant-propos A. Jeammaud, préface C. Marraud ; en droit comparé, José Joào Abrantes, Contrats de travail et droits fondamentaux, éd. Peter Lang, 2000, Recht der Arbeit und der sozialen Sicherheit, Band 14.
(2) P. Adam, L'individualisation du droit du travail, Essai sur la réhabilitation juridique du salarié-individu, préc., n° 534.
(3) JCP, éd. G, 1987 n° 20798, note T. Revet ; JCP, éd. E, 1987 II n° 15043, note T. Revet ; P. Waquet, Loyauté du salarié dans les entreprises de tendance, Gaz. Pal. 1996, 2ème sem., pp. 1427-1432.
(4) Bulletin des arrêts Cour de cassation, Assemblée plénière n° 1, p. 1, note J. Pélissier ; D 1978 IR p. 391, notes Sauvageot et Lindon.
(5) "Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi".
(6) "Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché".
(7) En l'espèce, l'employeur, union hospitalière d'assistance à l'enfance, avait licencié les époux Bondu, éducateurs au service du centre institut médico-pédagogique de Theillat, au motif que ces derniers exprimaient leurs opinions politiques à leurs collègues sur le lieu de travail. La cour d'appel a considéré que l'employeur avait commis un abus dans l'exercice de son droit de rompre le contrat de travail en portant atteinte à la liberté d'opinion des salariés. Le pourvoi a été rejeté.
(8) J. Duplat, Droit d'expression et liberté d'expression des salariés dans l'entreprise, Dr. soc. 2000, p. 163 ; P. Adam, L'individualisation du droit du travail, Essai sur la réhabilitation juridique du salarié-individu, préc., n° 89, n° 101.
(9) Dans la perspective de la réorganisation et du projet de reprise de la SAOS Stade Malherbe de Caen, M. Jean Dupeux, exerçant la fonction de "manager général" de ce club de football depuis 1977, a émis, par voie de presse, diverses critiques de ce projet avant sa réalisation. Le nouveau président du club, désigné après renouvellement du conseil d'administration en juin 2000, a mis en demeure M. Jean Dupeux d'établir un projet de communiqué de presse commun susceptible d'être diffusé. Le salarié a été licencié pour faute grave par lettre du 1er août 2000, motif pris, notamment, du refus de remettre ce projet.

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Droit financier

[Jurisprudence] Interprétation stricte des textes versus protection de l'investisseur, la Cour de cassation penche en faveur du marché

Réf. : Cass. com., 28 mars 2006, n° 03-20.219, Société Cibox Interactive SA et autre c/ M. Jean-François X.. (N° Lexbase : A8280DNY)

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Le 07 Octobre 2010

La célèbre loi de modernisation des activités financière du 2 juillet 1996 (la loi MAF) (1) aura bientôt dix ans, mais cette décennie n'aura pas suffi à lever tous les problèmes nés de son application. L'arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation, le 28 mars 2006, en constitue une nouvelle démonstration. Dans cette espèce, les contradictions textuelles ouvraient la voie à l'interprétation, par les auteurs du pourvoi, des dispositions des articles 294 (N° Lexbase : L2660AHY) et suivants du décret du 23 mars 1967 dont le rapprochement avec l'article 96-III de la loi de modernisation faisait apparaître certaines incohérences.
Toutefois, l'interprétation, en droit des marchés financiers prend toujours un relief particulier, tant les intérêts en jeu dépassent les protagonistes de l'affrontement judiciaire. Le marché y apparaît, en effet, comme une structure d'encadrement des opérations dont le fonctionnement est susceptible d'altérer la logique juridique traditionnelle (I). La Cour de cassation, sur ce point, lève toute ambiguïté dans cet arrêt (II) en affirmant que, "depuis la loi du 2 juillet 1996, l'expression 'cote officielle', qui faisait autrefois référence au premier marché de la Bourse de Paris, fait désormais référence aux sociétés dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé" et, partant aux sociétés cotées au second marché. Le juge, de la sorte, n'en réfère pas à la rédaction littérale du texte pour déterminer son champ d'application mais à sa vocation à s'appliquer à tous les marchés réglementés. I - L'interprétation dans le cadre de la sécurité des marchés

Dans l'affaire qui opposait la société Cibox interactive et M. Gorsd à l'autorité de marché, il était reproché à la cour d'appel d'avoir fait droit aux prétentions de cette dernière, alors que les textes ne permettaient pas, du fait de certaines lacunes, l'application des articles 294 et suivants du décret de 1967 aux sociétés anciennement cotées sur le second marché (A). Le juge du droit confirme, cependant, l'interprétation extensive de la cour d'appel, solution dans laquelle il faut sans doute voir l'illustration de la nécessité de mettre en oeuvre la protection des marchés et des investisseurs (B).

A - Un problème né d'une incompatibilité textuelle

Un fois n'est pas coutume, les faits de l'espèce étaient particulièrement simples, du moins pour une affaire relevant du droit des marchés financiers, puisque le pourvoi examiné par la Cour de cassation était formé par la société Cibox interactive (la société), cotée sur le second marché, et M. Yaacov Gorsd contre un arrêt rendu par la cour d'appel de Paris le 3 octobre 2003 (2). Le juge d'appel avait eu à connaître, à cette occasion, de deux ordonnances rendues par le président du tribunal de grande instance de Paris.

La première, en date du 16 octobre 2002, avait été prise en application de l'article L. 621-17 du Code monétaire et financier, dans sa rédaction antérieure à la loi de sécurité financière du 1er août 2003 (N° Lexbase : L9219DY4) (3), et des articles 294 et suivants du décret du 23 mars 1967. Aux termes de ces textes, le président du tribunal avait ordonné à la société, et à son représentant, de publier, sous astreinte, au Bulletin des annonces légales obligatoires (le BALO) certains documents comptables sous un délai de huit jours.

Le 30 janvier 2003, le même juge avait, au surplus, condamné la société à payer 4 000 euros au Trésor public au titre de la liquidation de l'astreinte et ordonné à la société et à M. Gorsd de publier au BALO le tableau d'activité et de résultats du premier semestre 2002, ainsi que le rapport prévu par l'article L. 232-7, alinéa 3, du Code de commerce (N° Lexbase : L6287AIP), sous astreinte et dans les huit jours. La cour d'appel de Paris confirmera, le 3 octobre 2003, les deux décisions du premier juge.

Banal quant au fond, l'intérêt de l'arrêt réside, outre la forme de la réponse du juge du droit, dans les arguments invoqués par le requérant, dans son second moyen, qui lui permettent de contester, en premier lieu, l'application des articles 294 et suivants du décret du 23 mars 1967. En effet, cet article dans sa rédaction initiale n'était applicable, à l'époque, qu'à la "cote officielle". En l'espèce, le requérant faisait valoir que la société était cotée sur le second marché, à l'origine, et que le texte ne lui était, de ce fait, pas applicable. La modification de l'organisation des marchés par la loi du 2 juillet 1996 avait, selon lui, abouti à la suppression de la notion de cote officielle mais il en concluait que, dans le silence de la loi, cette suppression ne permettait pas d'étendre l'application de l'article 294 précité aux sociétés cotées sur le second marché.

S'appuyant, toujours, sur la lettre des textes, l'auteur du pourvoi, dans la seconde branche du moyen, invoquait, en second lieu, une interprétation littérale de l'article 96-III de la loi MAF. Celle-ci dispose, en effet, afin de mettre l'ancienne réglementation en conformité avec la nouvelle terminologie légale que, dans l'ensemble des textes qui n'ont pas fait l'objet de rectification formelle expresse, "les dispositions applicables de manière identique à la cote officielle ou au second marché d'une bourse de valeur s'appliquent aux marchés réglementés". Or, en l'espèce, le second marché rentrait bien dans la nouvelle catégorie des "marchés réglementés" mais, comme le soulignait le requérant, la loi de modernisation ne visait que les dispositions applicables "de manière identique" à la cote officielle et au second marché. L'article 294 ne pouvait donc être mis en oeuvre sur les marchés réglementés puisqu'il ne régissait, lors de sa rédaction, que la cote officielle, et qu'il n'avait pas été modifié depuis lors.

Ainsi présentée, la lecture conjointe des dispositions de l'article 294 du décret de 1967 et de l'article 96-III de la loi MAF entraînait ipso facto, à supposer qu'on en retienne une lecture stricte, l'impossibilité d'appliquer l'article 294 (4). Pourtant, la Cour de cassation rejette le moyen au motif que l'expression "cote officielle", faisait autrefois référence au premier marché de la Bourse de Paris, mais qu'il fait, désormais, référence aux sociétés dont les actions sont admises sur les marchés réglementés.

Sur ce point, le juge du droit refuse d'adopter l'analyse littérale de l'article 96-III de la loi de MAF; qui lui était demandée par l'auteur du pourvoi. Il y substitue une interprétation des textes qui peut paraître extensive, de prime abord, mais qui doit être approuvée même s'il paraît nécessaire qu'elle soit explicitée. Elle se place, en effet, dans une perspective plus vaste que celle qui caractérise traditionnellement l'interprétation : l'impératif de protection de l'investisseur à travers le marché.

B - Un impératif communautaire : protéger l'investisseur

Cette décision renvoie, en effet, au contexte qui a précédé la mise en oeuvre de la loi MAF, elle-même issue de la transposition de la Directive sectorielle du 10 mai 1993 sur les services d'investissement (la Directive) qui avait, dès l'origine, été imaginée par ses rédacteurs pour encadrer la construction d'un marché unifié des instruments financiers en Europe. Cette dernière a été, en effet, résolument placée sous l'égide de l'article 52 du Traité de Rome (6) et a imposé aux Etats membres le respect des principes de libre prestation (7) de service et de liberté d'établissement (8). La décision rendue par la Cour de cassation ne peut, ainsi, être appréhendée sans la placer dans ce champ de référence et à la logique qui, à l'époque, a présidé à la négociation du texte communautaire.

Son élaboration a, en effet, été marquée par l'affrontement entre deux conceptions opposées quant à la structure et au fonctionnement des marchés. D'une part celle, anglo-saxonne, qui était fondée sur des mécanismes de marché gouvernés par les prix, et, d'autre part, celle du reste de l'Europe basée sur le principe de cotation latine reposant sur des marchés gouvernés par les ordres. A cette différence de conception technique s'opposait, également, une différence de conception juridique. Dès l'origine, la délégation anglaise avait opté pour la rédaction d'un texte excluant l'encadrement juridique des marchés et cette organisation allait à l'inverse de celle qui présidait, alors, dans le reste de l'Europe, dominée par le principe de l'encadrement boursier des opérations. Dans le cas de la France, l'aspect administratif était plus particulièrement marqué en raison de l'existence de nombreuses structures mises en place par la puissance publique -le plus souvent, il est vrai sous couvert de délégation à des personnes privées- et gouvernée par la notion de service public.

La construction des marchés européens a, ainsi, été frappée du sceau de cette dualité de conception, dualité introduite, d'abord, dans la Directive (9), puis dans la loi de modernisation, les négociations ayant débouché sur une organisation duale. La Directive posait le principe de l'existence de marchés réglementés, illustrant en cela la conception française du fonctionnement boursier ; elle admettait par ailleurs, mais implicitement cette fois, le caractère contractuel et non encadré d'autres marchés dits de gré à gré (10).

C'est, à notre sens, cette dualité d'organisation qui est à l'origine du problème juridique posé à la Cour de cassation : dans cette structure, une partie des marchés est régie par les dispositions légales ou réglementaires impératives, en référence à l'ancien fonctionnement de la Bourse, amendé, certes, dépouillé -de surcroît- des ses aspects de service publics, mais, néanmoins, placé sous le contrôle indirect de l'Etat qui se pose, comme a pu le souligner récemment un auteur, comme un "garant" (11) des marchés.

Cette tutelle est évidente lorsqu'on analyse les dispositions des articles L. 421-1 et suivants du Code monétaire et financier (12) et qui constituent le fondement (13) légal de qualification de marché (14), qualification qui est subordonnée à la reconnaissance d'un statut accordé par voie administrative (15), et à l'édiction et à la publication d'un arrêté du ministre (16). C'est ainsi que la qualification de marché réglementé est réservée aux structures qui répondent à deux séries de conditions. La première requiert un fonctionnement régulier des transactions et des cotations régulières dont la périodicité est établie par des règles (17). La seconde série de conditions renvoie à l'instauration de règles de marché obligatoires, les dispositions relatives à l'accès aux opérations, au fonctionnement, ainsi qu'à l'information sur les opérations étant établies par une entreprise de marché (18). A l'inverse, rien ne permettait, initialement, de définir les autres marchés (19).

II - La Cour de cassation lève les ambiguïtés

Cette organisation, étant le fruit d'un compromis dégagé autour de la liberté des opérations, mais, également, de la protection des investisseurs (20), il suffit à la Cour de cassation d'en revenir à cette genèse pour donner une interprétation des textes conformes à la volonté du législateur (A). Sa décision peut, ainsi, être regardée comme une application raisonnée du compromis obtenu au sein de l'Union lorsque les notions de marché ont été dégagées. Elle pose, quand même, le problème de la prééminence de facto des marchés réglementés sur les marchés de gré à gré (B).

A - Une interprétation conforme aux travaux préparatoires

La représentation binaire des marchés, ainsi, proposée répond à un souci du législateur, inquiet des conséquences possibles d'une libéralisation des marchés financiers sans contrôle. La France défendait, ainsi, le maintien d'un contrôle étroit de l'Etat pour différentes raisons : en considération, d'une part, du caractère de service public de l'activité boursière et en raison, d'autre part, de la volonté de sécuriser les opérations pour les petits investisseurs.

Si sur le premier point, l'évolution des marchés à rendu les analyses fondées sur le service public obsolètes, en raison, notamment, de la nécessité de conférer une dimension internationale pour l'encadrement des opérations. Sur le second point, en revanche, les parlementaires n'ont pas manqué de souligner -et, ce, à maintes reprises- que l'établissement de marchés réglementés n'était, dans la nouvelle logique qui gouvernait la finance européenne, justifié que par la protection de l'investisseur. Ainsi les marchés réglementés avaient pour fonction de créer une structure d'accueil pour l'épargne publique. En dehors de ce cadre, c'est-à-dire lorsque la protection ne se justifiait pas, la liberté contractuelle devait être respectée (21). Ainsi en concluait-on à l'époque, bien qu'il semble que l'idée se soit émoussée au fil du temps, que les marchés de gré à gré constituaient, dans l'esprit des textes, les marchés de droit commun destinés aux professionnels ou aux investisseurs avisés.

En l'espèce, l'affaire soumise à la Cour de cassation était résolument placée dans le cadre de la protection de l'investisseur. En effet, les règles contestées concernaient des contraintes d'information du marché, dispositions dont la nature sécurise les marchés en leur conférant une transparence accrue. Dès lors, dans le cadre de la réforme communautaire, la position consistant à conclure à l'application de règles destinées -à l'origine- à la cote officielle, à l'ensemble des opérations réalisées sur les marchés réglementés, n'était que la transcription fidèle de la volonté du législateur. Le juge s'appuie ainsi, implicitement, sur l'emploi d'une méthode d'interprétation exégétique, d'autant plus aisément mise en oeuvre dans cette affaire que les débats parlementaires précédant la loi MAF ont été fort explicites, et animés d'un souci didactique particulièrement louable en cette période d'inflation législative.

Replacé dans le contexte d'évolution des marchés, cette solution se justifie donc, d'autant mieux, que, jusqu'à la loi MAF, les marchés ont fait l'objet d'une évolution sui generis, leur création se trouvant justifiée par l'opportunité, celle-ci s'embarrassant rarement de logique juridique. Ainsi, le fonctionnement du marché hors cote a été l'occasion de poser des problèmes du même ordre au juge. Ce marché dit parfois, marché "singulier" (22), selon les termes même de la doctrine, a, en effet, été décrit par la plupart des auteurs comme un marché organisé ne disposant pas d'une réglementation boursière au sens strict, mais dont les opérations, par leur ampleur, pouvaient donner lieu à la mise en oeuvre de réglementation protectrices spécifiques C'est ainsi que la question s'est posée, un temps (23), à l'époque de l'essor concomitant des offres publiques d'achat, de l'application des règles sur les offres publiques au hors-cote avant que le législateur ne tranche la question, sachant que, sur ce point, les sociétés figurant anciennement sur le relevé du hors-cote continuent à faire l'objet d'un traitement particulier (24).

B - Le question rémanente de l'ordre public boursier

Est-ce à dire que le second marché aurait été assimilable à un marché non officiel ou, en tous cas, par référence à la terminologie utilisée avant 1996, que les valeurs qui y étaient admises devaient être considérées comme étant non cotées ? Sur ce point, la loi MAF a été explicite et la disposition figure dans son article 96 : le second marché crée en 1983 est devenu un marché réglementé (25) cette transformation justifie alors l'application du texte litigieux.

Toutefois, le laconisme de la Cour de cassation, qui procède davantage par affirmation que par démonstration, conduit à se poser la question du fondement juridique permettant de répondre aux arguments textuels mis en avant par l'auteur du pourvoi. En effet, même si le sens de l'interprétation n'apparaît pas critiquable, il s'avère que, dans des espèces comparables, des solutions voisines ont fait l'objet de plus amples motivations.

C'est ainsi que la Chambre financière de la cour d'appel de Paris a adopté une motivation plus élaborée dans une autre affaire, affaire dans laquelle l'application des textes était contestée, également, sur le second marché. En effet, le juge du fait n'avait pas hésité à invoquer le caractère d'ordre public des dispositions pour en justifier l'application dans un contentieux où, il est vrai, des aspects internationaux étaient en jeu, invoquant, à ce titre, "les dispositions d'ordre public économique de la loi du 2 juillet 1996 et le règlement général du Conseil des marchés financiers [qui] s'imposent à tout opérateur qui intervient sur un marché réglementé français" (26).

Le recours a de tels arguments était-il nécessaire en l'espèce ? On sait que la Cour de cassation, en dépit de l'opinion de la doctrine, n'a jamais consacré la notion d'ordre public boursier dont, pourtant, de nombreux auteurs avaient cru pouvoir déceler certaines manifestations, notamment, à l'occasion de l'affaire "OCP" jugée par la cour d'appel de Paris le 27 avril 1993 (27).

On peut penser qu'une motivation aussi explicite eut pu paraître un peu exagérée, et en tout cas disproportionnée, à ce qu'il convient, sans doute, de considérer comme n'étant que la correction par le juge d'une erreur de plume du législateur. Toutefois, la concision, confinant à l'absence de motifs, ne permet pas de conclure à l'application systématique de cette solution à tous les textes susceptibles de présenter des contradictions ou des lacunes importantes. En ce sens, la décision commentée apparaît conserver sa valeur d'exemple pour les seuls articles 294 et suivants du décret de 1967.

Jean-Baptiste Lehnof
Maître de conférences à l'ENS - Cachan Antenne de Bretagne
Membre du centre de droit financier de l'Université de Paris I (Panthéon-Sorbonne)


(1) Loi n° 96-597, 2 juillet 1996, de modernisation des activités financières (N° Lexbase : L2263G8C).
(2) CA Paris, 14ème ch., sect. B, 3 octobre 2003, Société Cibox Interactive c/ Monsieur Jean-François Lepetit (N° Lexbase : A8989C9S), l'arrêt ayant été rendu en faveur de M. Lepetit, président de la Commission des opérations de bourse (COB).
(3) L'ancienne rédaction faisait référence à la COB au lieu de l'Autorité des marchés financiers. Les textes actuels sont les suivants : article L. 621-17 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L3134G9X) issu de la loi nº 2003-706, du 1 août 2003, art. 1, art. 14 I, et art. 56 (N° Lexbase : L3556BLB), modifiée par l'ordonnance nº 2005-429 du 6 mai 2005 (ordonnance n° 2005-429, modifiant le code monétaire et financier (partie législative) N° Lexbase : L3999G8M).
(4) Il semble que, sur ce point, la rédaction de l'arrêt prête à confusion. En effet le juge évoque l'article 297-I du décret du 23 mars 1967. Or celui-ci dans sa rédaction applicable à l'époque du litige ne semblait pas applicable en l'espèce. En effet, cet article dispose que "toute société dont les actions sont inscrites à la cote officielle d'une bourse de valeurs et dont le bilan n'excède pas dix millions de francs doit adresser, dans un délai de quinze jours, à tout actionnaire qui lui en fait la demande, tels qu'ils ont été approuvés par la dernière assemblée générale: 1° Le bilan présenté conformément au modèle prévu par l'article 1er du décret précité du 28 octobre 1965 ; 2° Le compte de pertes et profits faisant apparaître, notamment, le montant de l'impôt sur les sociétés [...]".
(5) Directive (CE) 93/22, du 10 mai 1993, concernant les services d'investissement dans le domaine des valeurs mobilières (N° Lexbase : L7726AUP), lire H. Synvet, La directive "services d'investissement", première lecture, Bull. Joly bourse et produits financiers 1993, p. 547 ; H. de Vauplane, J.-P. Bornet,"Marchés financiers : le défi de la transposition de la DSI, Bull. Joly Bourse et produits financiers, mars-avril 1996, p. 95.
(6) 28ème considérant de l'exposé des motifs de la Directive sur les services d'investissement.
(7) 1er considérant de l'exposé des motifs de la Directive sur les services d'investissement.
(8) A. Winckler, Public et privé : l'absence de préjugé, in : Le privé et le public, Archives de philosophie du droit, Sirey 1997, t. 41, p. 315, "Le traité de Maastricht introduit dans le traité de Rome un article 3 A qui prévoit que 'l'action des Etats membres et de la communauté comporte [...] l'instauration d'une politique économique [...] conduite conformément au respect du principe de l'économie de marché".
(9) L'article 13-1 de la Directive sur les services d'investissement définit le marché réglementé comme étant celui qui est "caractérisé par le fait que des dispositions établies ou approuvées par les autorités compétentes définissent les conditions de fonctionnement du marché".
(10) H. de Vauplane, S. Amadou, Marchés boursiers réglementés et marchés de gré à gré, dictionnaire Joly Bourse et produits financiers, n° 18, "tous les marchés qui ne sont pas réglementés sont de gré à gré ; et seuls sont considérés comme réglementés, ceux des marchés qui auront auparavant été reconnus comme tels".
(11) D. Truchet, Etat et marché, in, Droit et esthétique, Archives de philosophie du droit, t. 40, Sirey 1996, p. 316, "le marché s'impose à l'état" qui "n'est plus le gérant des marché mais leur garant".
(12) J.-G. d'Hérouville, Les marchés réglementés et de gré à gré, in, La modernisation des activités financières, dir. Th. Bonneau, éd. Joly 1996, n° 80, "il n'y aura plus d'un point de vue juridique et pratique que deux catégories de marchés : les marchés réglementés et les marchés de gré à gré". L'auteur nuance, cependant, ce constat : "par ailleurs diverses initiatives privées de réglementation sont apparues, et se multiplieront probablement sur les marchés de gré à gré, tendant à transformer certains compartiments de ces marchés en marchés organisés, susceptibles de concurrencer les marchés réglementés nationaux".
(13) H. de Vauplane, J.-P. Bornet, Droit des marchés financiers, Litec 3ème éd. 2001, n° 353. Les auteurs proposent de retenir une approche par critère dit du "label [...] critère simple de sélection (et non de définition) d'un marché réglementé".
(14) Article L. 421-1 du Code monétaire et financier.
(15) Ibid.
(16) L'arrêté du ministre de l'Economie et des Finances est pris sur proposition du Conseil des marchés financiers et après avis de l'Autorité des marchés financiers ainsi que de la Banque de France.
(17) Sa mise en oeuvre n'exclut pas, au demeurant, qu'un marché organisé puisse fonctionner avec régularité.
(18) H. de Vauplane, S. Amadou, Marchés boursiers réglementés et marchés de gré à gré, op. cit., n° 23. Selon ces auteurs, la liste fixée par l'article 42-1 qui contient six conditions, "est plutôt assimilable à une sorte de 'cahier de charges' sur lequel le postulant à la reconnaissance administrative doit s'engager avant de se la voir octroyer ".
(19) H. de Vauplane, J.-P. Bornet, Droit des marchés financiers, Litec 3ème éd. 2001, n° 354.
(20) S. Amadou, Bourses d'hier et de demain : brèves réflexions sur l'évolution des incertitudes sémantiques et juridiques relatives à la notion de marché, in, Mélanges AEDBF-France, dir. J.-P. Mattout et H. de Vauplane, Banque éditeur 1997, p. 13.
(21) J.-G. d'Herouville, Les marchés réglementés et de gré à gré, in, La modernisation des activités financières, dir. Th. Bonneau, éd. Joly 1996, n° 80, "Il n'y aura plus d'un point de vue juridique et pratique que deux catégories de marchés : les marchés réglementés et les marchés de gré à gré". L'auteur nuance toutefois cette présentation, (n° 89) : "diverses initiatives privées de réglementation sont apparues, et se multiplieront probablement sur les marchés de gré à gré, tendant à transformer certains compartiments de ces marchés en marchés organisés, susceptibles de concurrencer les marchés réglementés nationaux".
(22) H. de Vauplane, J.-P. Bornet, op. cit., n° 720.
(23) A. Viandier, OPA-OPE, garantie de cours, retrait, Litec, 2ème éd. 1993, n° 29. : "Ce n'est pas dire qu'une offre d'achat ou d'échange ne puisse pas concerner des sociétés fermées, c'est-à-dire non cotées (pour un exemple v. Paris, 18 nov. 1977)" ; v., également, sur l'arrêt précité M. Fleuriet, Les OPA en France, Dalloz, 1991, p. 16. ; dans un sens proche : D. Martin et J.- P. Valuet, Les offres publiques d'acquisition, éditons GLN Joly, ANSA, 1992, T. 1, n° 68.
(24) Article 34 de la loi n° 96-597, du 2 juillet 1996, de modernisation des activités financières et article 2 du décret 97-1050 du 14 novembre 1997 portant suppression du relevé quotidien du hors-cote (N° Lexbase : L0282A3T) : les sociétés dont les titres figuraient au relevé quotidien du hors-cote et dont les opérations sont maintenant réalisées sur le Marché libre peuvent se voir appliquer, sous certaines conditions, les procédures d'offre publique de rachat (OPR) et d'offre publique de rachat avec retrait obligatoire (OPR-RO).
(25) Article 96-I de la loi n° 96-597, du 2 juillet 1996 : "La loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 précitée est ainsi modifiée :
a) à l'article 72, les mots : 'inscrits à la cote officielle ou à celle du second marché d'une bourse de valeurs' sont remplacés par les mots : 'admis aux négociations sur un marché réglementé'.

(26) CA Paris, 27 avril 1993, A. Viandier, JCP éd. E 1993, II, 457, Ch. Goyet, RJcom., 1993, p. 244, P. Le Cannu, Bull. Joly Bourse et produits financiers 1993, p. 396, n ° 82 et F. Peltier, Affaire OCP, Banque et droit, mai-juin 1993, p. 18 et s.. Voir également CA Paris, 1ère ch., sect. H, 13 janvier 1998, n° 97/15877, Société Tecknecomp Holding International (N° Lexbase : A5865DHP) : "Considérant que les dispositions d'ordre public économique de la loi du 2 juillet 1996 et le règlement général du Conseil des marchés financiers s'imposent à tout opérateur qui intervient sur un marché réglementé français", et A. Tenenbaum, L'application territoriale du droit boursier, Les Petites Affiches, 18 janvier 1999, p. 10, n° 12.

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[Evénement] Réforme du droit des sûretés : le nantissement de créance

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par Compte-rendu réalisé par Florence Labasque, SGR - Droit commercial

Le 07 Octobre 2010

L'ordonnance du 23 mars dernier (ordonnance du 23 mars 2006, n° 2006-346, relative aux sûretés N° Lexbase : L8127HHH) permet de rendre plus lisible le droit des sûretés, simplifie le mode de réalisation des sûretés et contribue à une modernisation de l'hypothèque. Afin d'examiner la portée pratique des ces changements, une Rencontre-Lamy, présidée par Daniel Tricot, président de la Chambre commerciale de la Cour de cassation, et animée par Gaëlle Marraud des Grottes, a eu lieu, le 5 mai dernier, avec pour thème "La réforme du droit des sûretés. Incidences pratiques". Sont intervenus, au cours de cette journée, Laurent Aynès, Professeur à l'Université Panthéon-Sorbonne, Paris I, Annie Bac, Directeur des affaires juridiques, Fédération bancaire française, Pierre Crocq, Professeur à l'Université Panthéon-Assas, Paris II, Philippe Dupichot, Professeur à l'Université du Maine, Avocat au Barreau de Paris, Eliane Frémeaux, Notaire à Paris, et Michel Grimaldi, Professeur à l'Université Panthéon-Assas, Paris II, Président de l'Association Henri Capitant des Amis de la Culture Juridique Française. Daniel Tricot, à cette occasion, a souligné le côté apaisant du rapport au Président de la République relatif à l'ordonnance du 23 mars 2006, puisqu'il a pour objectifs de "moderniser les sûretés afin de les rendre lisibles et efficaces tant pour les acteurs économiques que pour les citoyens tout en préservant l'équilibre des intérêts en présence". Et d'ajouter que cette réforme apporte des règles innovantes qui facilitent la constitution des sûretés, en élargissent les assiettes, et se soucient de la protection de ceux qui recourent au crédit. Nous nous consacrerons, ici, à l'intervention de Pierre Crocq, portant sur le nantissement de créance (lire, également, Réforme du droit des sûretés : le gage de meubles corporels, Lexbase Hebdo n° 214 du 11 mai 2006 - édition affaires N° Lexbase : N8014AKZ)
  • Le nantissement de créance au sein des nantissements des meubles incorporels

L'objectif de la réforme, rappelle le Professeur Crocq, consiste en une clarification du droit. Il a été proposé que le terme de "gage" soit réservé aux biens meubles corporels et celui de "nantissement" aux biens mobiliers incorporels.
Trois principaux cas étaient visés :
- le nantissement de monnaie scripturale ;
- le nantissement de créance ;
- le nantissement d'instrument financier.

Or, on ne retrouve dans l'ordonnance, ni le nantissement d'instrument financier, ni le nantissement de monnaie scripturale, seul le nantissement de créance étant concerné. Pour Pierre Crocq, ceci est regrettable pour plusieurs raisons : si l'on peut concevoir que le Gouvernement ait choisi de ne pas modifier le nantissement d'instrument financier -ce choix étant politique-, il est, en revanche, plus difficile de comprendre pourquoi les rédacteurs n'ont pas consacré le nantissement de monnaie scripturale dans le Code civil, qui aurait permis l'éclaircissement souhaité des praticiens.
Egalement, l'alinéa 4 de l'article 2355 nouveau du Code civil (N° Lexbase : L1182HIM) énonce que "le nantissement conventionnel qui porte sur les créances est régi, à défaut de dispositions spéciales, par le présent chapitre". Par conséquent, s'il n'existe pas de dispositions spéciales (comme c'est le cas, par exemple, pour le nantissement de parts sociales), l'on se trouve renvoyé au gage de meubles corporels avec deux possibilités pour pouvoir opposer ce gage aux tiers (C. civ., art. 2337 nouv. N° Lexbase : L1164HIX) : soit la dépossession, soit l'inscription du gage sur un registre spécial (sur ce point, lire Réforme du droit des sûretés : le gage de meubles corporels, Lexbase Hebdo n° 214 du 11 mai 2006 - édition affaires N° Lexbase : N8014AKZ). Or, la seconde possibilité est exclue, dans la mesure où il n'existe, à l'heure actuelle, pas encore de registre. Reste, alors, le recours à la dépossession, mais encore faut-il que celle-ci soit possible. De plus, l'article 2075 du Code civil (N° Lexbase : L2312ABA), qui prévoyait que, "lorsque le gage s'établit sur des meubles incorporels, tels que les créances mobilières, l'acte authentique ou sous seing privé, dûment enregistré, est signifié au débiteur de la créance donnée en gage, ou accepté par lui dans un acte authentique", n'existe plus.
Le professeur Crocq souligne, donc, la lacune trouvée dans cette ordonnance : ses rédacteurs auraient dû prévoir des dispositions transitoires. Comment, alors, effectuer la dépossession ? Pierre Crocq propose de procéder à une signification par acte d'huissier, comme le prévoyait l'article 2075 du Code civil, n'existant plus. Il suggère, cependant, d'attendre prudemment l'adoption du décret d'application.

  • La nouvelle nature juridique de nantissement de créance

Le nantissement était défini par l'ancien article 2071 du Code civil (N° Lexbase : L2308AB4) comme "un contrat par lequel un débiteur remet une chose à son créancier pour sûreté de la dette". Il était donc, dans le droit antérieur, un nantissement avec dépossession.
L'ordonnance ayant supprimé la dépossession comme condition de validité, le nantissement, tout comme le gage, cesse d'être un contrat réel.

  • Le nouveau domaine d'application du nantissement de créance

Le domaine d'application du nantissement de créance, du fait de cette disparition de l'exigence de dépossession, a été étendu. N'importe quelle créance peut, désormais, faire l'objet d'un nantissement.
L'article 2358, alinéa 2, nouveau du Code civil (N° Lexbase : L1185HIQ) énonce même que le nantissement peut "porter sur une fraction de créance, sauf si celle-ci est indivisible". Aussi l'article 2360 nouveau du Code civil (N° Lexbase : L1187HIS) précise-t-il que, "lorsque le nantissement porte sur un compte, la créance nantie s'entend du solde créditeur, provisoire ou définitif, au jour de la réalisation de la sûreté sous réserve de la régularisation des opérations en cours, selon les modalités prévues par les procédures civiles d'exécution".

S'agissant du régime juridique, deux lignes directrices se dessinent : le nantissement de créance est, désormais, plus simple à constituer (I), mais aussi, plus efficace lors de sa réalisation (II).

I - Un nantissement de créance plus simple à constituer

La volonté de simplification de la constitution du nantissement a eu trois conséquences.

1. L'allègement de l'exigence de l'écrit

Comme évoqué plus haut, l'ancien article 2075 du Code civil exigeait que la constitution du nantissement soit constatée par un acte authentique ou un acte sous seing privé enregistré.
Le nouvel article 2356 du Code civil (N° Lexbase : L1183HIN) reprend l'écrit comme condition de validité du contrat, mais il est allégé : "à peine de nullité, le nantissement de créance doit être conclu par écrit". Par ailleurs, l'article 2361 nouveau (N° Lexbase : L1188HIT) dispose que "le nantissement d'une créance, présente ou future, prend effet entre les parties et devient opposable aux tiers à la date de l'acte". Le nantissement de créance est donc valable et opposable sans formalité.

Le Professeur Crocq note, ici, une différence entre l'ordonnance et ce qui avait été proposé par la Commission Grimaldi.
En application de l'article 1328 du Code civil (N° Lexbase : L1438ABU), les actes sous seing privé n'ont pas, de manière générale, date certaine entre les tiers. Les parties vont donc devoir faire preuve de prudence et trouver un moyen de donner date certaine à cet acte.

2. Le remplacement de l'exigence d'une signification du nantissement, condition de validité du nantissement de créance, par la nécessité d'une notification pour assurer l'opposabilité de ce dernier au débiteur de la créance nantie

Avant l'ordonnance du 23 mars 2006, la constitution du nantissement de créance supposait, à peine de nullité, que le nantissement devait être signifié ou accepté par le débiteur, ce qui mettait en possession le créancier gagiste. Cette exigence est, aujourd'hui, supprimée.
L'on se trouve, maintenant, en présence d'une notification, qui est une simple condition d'opposabilité du nantissement de créance, et qui ne concerne que le débiteur de la créance garantie, et non pas tous les tiers. Il est, en effet, opposable aux tiers sans formalité. Toutefois, si on continue à signifier le nantissement de créance, il va acquérir date certaine au sens de l'article 1328 du Code civil ; Pierre Crocq souligne donc l'utilité de continuer à le signifier.

Ce remplacement de la signification par la notification va nécessairement remettre en cause un certain nombre de solutions jurisprudentielles. Ainsi, par exemple, un nantissement non notifié est, aujourd'hui, un "vrai" nantissement, et non pas une promesse de nantissement. Ce changement devrait également remettre en cause les solutions connues en matière de nullités de la période suspecte.

3. La suppression de l'exigence d'une remise du titre

L'ordonnance a parachevé une évolution jurisprudentielle antérieure (voir Cass. civ. 1, 10 mai 1983, n° 81-11.705, Consorts Fielding, publié N° Lexbase : A8510A4X). Ainsi, conformément aux souhaits de la doctrine, l'exigence d'une remise du titre est supprimée.

Si le nantissement de créance est, donc, plus facile à constituer depuis l'ordonnance du 23 mars dernier, il est également plus facile à réaliser.

II - Un nantissement de créance plus efficace lors de sa réalisation

Antérieurement, dans le Code civil, les effets du nantissement de créance n'étaient guère réglementés. Or, le régime du gage de meubles corporels était inadapté. L'ordonnance du 23 mars 2006 apporte des améliorations.

1. L'amélioration des effets du nantissement antérieurs à l'échéance de la créance garantie : le droit pour le créancier de se faire payer la créance nantie alors que la créance garantie n'est pas encore échue

L'ordonnance vient résoudre une question sur laquelle la doctrine était divisée : le sort de la créance nantie quand la créance nantie vient à échéance avant la créance garantie.

L'article 2363 nouveau du Code civil (N° Lexbase : L1190HIW) affirme, en effet, que, "après notification, seul le créancier nanti reçoit valablement paiement de la créance donnée en nantissement tant en capital qu'en intérêts". L'article 2364 nouveau du Code civil (N° Lexbase : L1191HIX) dispose, ensuite, que "les sommes payées au titre de la créance nantie s'imputent sur la créance garantie lorsqu'elle est échue.
Dans le cas contraire, le créancier nanti les conserve à titre de garantie sur un compte ouvert auprès d'un établissement habilité à les recevoir à charge pour lui de les restituer si l'obligation garantie est exécutée. En cas de défaillance du débiteur de la créance nantie et huit jours après une mise en demeure restée sans effet, le créancier affecte les fonds au remboursement de sa créance dans la limite des sommes impayées".
Selon le Professeur Crocq, le sens du texte est le suivant : à l'échéance de la créance nantie, le créancier peut en exiger le paiement et, si la créance nantie n'est pas encore arrivée à échéance, le nantissement de créance se transforme en gage-espèces avec obligation de placer les fonds sur un compte bancaire. Il est, toutefois, étrange de ne pas avoir prévu un compte spécial ou que le compte soit bloqué ; mieux vaut prendre cette précaution dans le contrat constitutif du nantissement.

2. L'amélioration des effets du nantissement postérieurs à l'échéance de la créance garantie : l'attribution judiciaire et le pacte commissoire

En cas de défaut de paiement, la défaillance du débiteur ouvre au créancier la faculté de réaliser le nantissement. Il s'agit donc là d'une possibilité et non pas d'une obligation. Ce caractère facultatif de principe est consacré par l'ordonnance : l'article 2363, alinéa 2, nouveau du Code civil énonce, en effet, que "chacun des créanciers, les autres dûment appelés, peut en poursuivre l'exécution" et l'article 2367 nouveau du Code civil (N° Lexbase : L1194HI3) affirme, quant à lui, que "la propriété d'un bien peut être retenue en garantie par l'effet d'une clause de réserve de propriété qui suspend l'effet translatif d'un contrat jusqu'au complet paiement de l'obligation qui en constitue la contrepartie".

Comment la réalisation du nantissement peut-elle s'effectuer ?
L'article 2365 nouveau du Code civil (N° Lexbase : L1192HIY) prévoit que, "en cas de défaillance de son débiteur, le créancier nanti peut se faire attribuer, par le juge ou dans les conditions prévues par la convention, la créance donnée en nantissement ainsi que tous les droits qui s'y rattachent.
Il peut également attendre l'échéance de la créance nantie".
L'attribution judiciaire reste donc une solution de réalisation de nantissement. Par ailleurs, les termes "dans les conditions prévues par la convention" visent ici le pacte commissoire, dont la prohibition a, aujourd'hui, été levée. L'efficacité du pacte commissoire est, toutefois, limitée en cas d'ouverture d'une procédure collective, puisqu'il ressort de l'article L. 622-7 du Code de commerce (N° Lexbase : L3866HBS) que l'ouverture d'une procédure collective fait obstacle à la réalisation du pacte commissoire. En revanche, le créancier peut toujours demander l'attribution judiciaire en cas de procédure collective.

Le Professeur Crocq conclut que l'on est en présence d'un nantissement de créance à la fois plus facile à constituer et plus sûr dans sa réalisation. L'ordonnance du 23 mars 2006 est donc venue améliorer assez nettement le régime juridique du nantissement de créance.

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Urbanisme

[Textes] L'application de la nouvelle procédure d'évaluation environnementale aux SCOT et aux PLU

Réf. : Circulaire UHC/PA2 n° 2006-16 du 6 mars 2006, relative à l'évaluation des incidences de certains documents d'urbanisme sur l'environnement (N° Lexbase : L5648HIZ)

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Le 23 Octobre 2014

Initialement oublié des champs de réflexion du développement économique des territoires, l'environnement a, ensuite, longtemps été perçu uniquement comme une contrainte pour l'aménagement. Cette perception est encore, pour beaucoup, bien réelle. Pourtant, la prise en compte des préoccupations d'environnement par le droit français de l'urbanisme est relativement ancienne. Le texte fondateur est la loi du 10 juillet 1976, relative à la protection de la nature (1) dont l'article 2 dispose que "les travaux et projets d'aménagements qui sont entrepris par une collectivité publique ou qui nécessitent une autorisation ou une décision d'approbation ainsi que les documents d'urbanisme doivent respecter les préoccupations d'environnement". Afin de mettre concrètement en oeuvre l'obligation de respect de l'environnement, le législateur, s'inspirant de la législation américaine, a entendu soumettre un certain nombre d'aménagements, d'ouvrages et de travaux à une évaluation préalable de leurs effets sur l'environnement par le biais d'une procédure nouvelle : l'étude d'impact. C'était le temps où le droit français était assez innovant, avant que les instances communautaires ne se saisissent de la question de l'évaluation environnementale. Le 21 juillet 2001, le Journal officiel des Communautés européennes (JOCE) publiait le texte de la Directive 2001/42 (2) attendue depuis plusieurs années. Cette Directive impose aux pays membres de légiférer pour que, avant leur adoption, certains plans et programmes susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement, soient soumis à une évaluation environnementale. Cette évaluation étant justement élaborée selon le principe de l'étude d'impact. La Directive devient ainsi un outil de simplification et de rationalisation des décisions en rendant homogène l'évaluation des incidences environnementales des plans et programmes, à un stade où des inflexions sont encore possibles, c'est-à-dire dès la planification. C'est en respectant ces objectifs que la France a transposé la Directive par l'ordonnance n° 2004-489 du 3 juin 2004 (3) et défini les conditions et la procédure de l'évaluation environnementale pour les documents d'urbanisme. Le décret d'application n° 2005-608 du 27 mai 2005 (4) est venu modifier, en ce sens, le Code de l'urbanisme, la circulaire n° 2006-16 du 6 mars 2006 (5) venant préciser les conséquences de la soumission des PLU (plans locaux d'urbanisme) et SCOT (schémas de cohérence territoriale) à la nouvelle procédure d'évaluation départementale. Si la procédure d'évaluation départementale est un moyen d'enrichir et d'améliorer les projets constitutifs des SCOT et des PLU, de nouvelles obligations s'imposent aux collectivités territoriales.

Si la loi SRU du 13 décembre 2000 (6) a renforcé le poids des contraintes environnementales et étendu les obligations de consultation du public en ce qui concerne les principaux documents de planification urbaine, l'ampleur des changements à venir dans les pratiques des collectivités publiques et des aménageurs est considérable car le champ d'application de la procédure apparaît comme particulièrement large (I). De même, la procédure modifie profondément le contenu du rapport de présentation des documents concernés (II).

I. La largesse du champ d'application de la nouvelle procédure d'évaluation environnementale

Le champ d'application de la procédure d'évaluation se matérialise, avant tout, à travers les documents d'urbanisme devant faire l'objet de l'évaluation (A) ; certains se trouvent, cependant, dispensés de cette obligation (B).

A. Les documents devant faire l'objet d'une évaluation départementale

La nouvelle procédure d'évaluation environnementale issue de la Directive n'a pas nécessairement d'incidence sur les études environnementales déjà exigées par la loi SRU et n'entraîne donc pas, systématiquement, la réalisation d'études complémentaires pour l'établissement des documents d'urbanisme concernés.

Le degré d'analyse est fonction de la complexité et de la sensibilité environnementale du territoire concerné et de l'importance des projets que le document permet. Cette analyse peut reprendre les études environnementales déjà réalisées à l'occasion de l'établissement d'autres documents (7), comme celles réalisées à l'occasion de projets plus ponctuels (8).

La procédure d'évaluation environnementale s'applique, en premier lieu, aux SCOT dont l'échelle territoriale est la plus adaptée pour analyser les choix et les orientations d'aménagement au regard des exigences environnementales. Il permet de mutualiser les études et de prendre en compte des phénomènes et des thèmes (tels que les milieux naturels, l'eau, les risques naturels ou technologiques, le traitement des déchets...), qui dépassent souvent le territoire communal.

Elle s'applique, en second lieu, à certains PLU susceptibles d'avoir une incidence notable sur l'environnement (9). Il s'agit, d'abord, des PLU qui permettent la réalisation de travaux, ouvrages ou aménagements qui doivent faire l'objet d'une évaluation de leurs incidences sur un site Natura 2000 (10). Sont concernés les projets situés soit à l'intérieur du site, soit à l'extérieur du site, mais susceptibles d'avoir des incidences sur celui-ci. Ensuite, sont concernés les PLU de territoires non couverts par un SCOT ayant fait l'objet d'une évaluation environnementale. Doivent faire l'objet d'une évaluation environnementale, les PLU dans les cas d'une commune d'une superficie supérieure ou égale à 5 000 hectares et comprenant une population supérieure ou égale à 10 000 habitants ; de la création, dans des secteurs agricoles ou naturels, de zones U ou AU d'une superficie totale supérieure à 200 hectares ou à 50 hectares pour les communes littorales.

B. Les procédures dispensées de l'évaluation départementale

L'obligation de réaliser une évaluation environnementale dans les conditions prévues par le décret ne s'impose pas aux documents d'urbanisme dont l'élaboration ou la révision a été prescrite avant le 21 juillet 2004, à condition que l'enquête publique ait été ouverte avant le 1er février 2006 ou que leur approbation soit intervenue avant le 21 juillet 2006.

S'agissant des PLU, la date à prendre en compte est celle de la délibération qui prescrit l'élaboration ou la révision du plan (11). En ce qui concerne l'élaboration des SCOT, la date à prendre en compte est celle de la délibération qui précise les modalités de la concertation (12) dans la mesure où il n'existe pas de délibération prescrivant l'élaboration du SCOT.

Certaines procédures sont dispensées de l'évaluation environnementale en vertu de l'article R. 121-16 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L9609G8E) à condition qu'elles n'aient pas pour objet d'autoriser la réalisation de travaux, ouvrages ou aménagements dont la réalisation est de nature à affecter de façon notable un site Natura 2000 (13).

Concernant les SCOT, ce sont les procédures de modification (C. urb., art. L. 122-13, al. 2 N° Lexbase : L7600DKP), les mises en compatibilité résultant de déclaration d'utilité publique ou de déclarations de projet (C. urb., art. L. 122-15 N° Lexbase : L2411ATH).

Concernant les PLU, ce sont aussi les modifications (sauf celles des PLU des communes situées en zone de montagne qui prévoient la réalisation d'unités touristiques nouvelles soumises à l'autorisation du préfet coordonnateur de massif) et les révisions simplifiées prévues à l'article L. 123-13, alinéa 8, du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L1945DKA) (sauf celles des PLU des communes situées en zone de montagne qui prévoient la réalisation d'unités touristiques nouvelles soumises à l'autorisation du préfet coordonnateur de massif et sauf celles qui créent, dans des secteurs agricoles ou naturels, des zones U ou AU d'une superficie supérieure à 200 hectares et, pour les communes littorales, d'une superficie supérieure à 50 hectares).

II. Le déroulement de la procédure d'évaluation environnementale

La procédure d'évaluation amène d'abord à modifier profondément le contenu des rapports de présentation des documents d'urbanisme concernés par cette procédure (A), l'Etat veillant à transmettre aux collectivités territoriales les nouvelles obligations qui s'imposent à elles (B).

A. La modification profonde du contenu des rapports de présentation des documents d'urbanisme

L'évaluation environnementale figure dans le rapport de présentation du document d'urbanisme. L'article R. 122-2 pour les SCOT (N° Lexbase : L9611G8H) et l'article R. 123-2-1 (N° Lexbase : L9586G8K) pour les PLU, soumis à la procédure d'évaluation environnementale, énumèrent les rubriques que doivent comporter les rapports de présentation de ces documents. Ils devront, en particulier, comporter les éléments suivants : une analyse de l'état initial de l'environnement et des perspectives de son évolution examinant, notamment, les perspectives d'évolution des zones susceptibles d'être touchées de manière notable par la mise en oeuvre du SCOT ou du PLU ; une analyse des incidences notables et prévisibles de la mise en oeuvre du SCOT ou du PLU sur l'environnement et leurs conséquences sur la protection des zones revêtant une importance particulière pour l'environnement sont à traiter de façon très attentive ; ou encore, une description de l'articulation du document (SCOT ou PLU) avec les autres documents d'urbanisme et les plans ou programmes soumis à évaluation environnementale en application du code de l'environnement, avec lesquels il doit être compatible ou qu'il doit prendre en considération.

Dans l'hypothèse où plusieurs variantes ont été envisagées pour établir le projet d'aménagement et de développement durable, les documents devront comporter une explication et une justification des choix retenus et des raisons pour lesquelles des projets alternatifs ont été écartés (14). Le rapport doit expliquer en quoi les choix retenus prennent en compte les objectifs de protection de l'environnement établis au niveau international, communautaire ou national.

De même et encore, les documents comporteront aussi une présentation des mesures envisagées pour éviter, réduire et, si possible, compenser, s'il y a lieu, les conséquences dommageables de la mise en oeuvre du document d'urbanisme sur l'environnement et le rappel que ce document fera l'objet d'une analyse des résultats de son application, notamment, en ce qui concerne l'environnement, au plus tard à l'expiration d'un délai de dix ans à compter de son approbation. Il convient d'abord de prévoir les mesures permettant d'éviter ou de réduire les conséquences dommageables sur l'environnement de la mise en oeuvre du document, le recours aux mesures compensatoires ne devant être que supplétif et non systématique. Les mesures compensatoires éventuelles peuvent résulter du projet lui-même. Elles ne peuvent être envisagées que dans les domaines que réglemente le document d'urbanisme, et non dans d'autres domaines, tels que la production agricole ou forestière.

Enfin, il faudra aussi un résumé non technique des éléments de l'évaluation environnementale et une description de la manière dont cette évaluation a été effectuée. Lors de l'enquête publique, le public pourra ainsi appréhender plus aisément la démarche d'évaluation environnementale.

B. L'intervention de l'Etat dans la procédure d'évaluation

L'Etat intervient d'abord au titre du porter à connaissance (PAC). Le préfet fournit obligatoirement aux communes ou à leurs groupements compétents les informations nécessaires à l'exercice de leurs compétences en matière d'urbanisme, et notamment les études techniques dont dispose l'Etat en matière de prévention des risques et de protection de l'environnement (15). Il importe particulièrement que ce PAC soit complet et alimenté en continu. Concernant les PLU, le PAC devra lister clairement les cas qui relèvent de la procédure d'évaluation environnementale et préciser quelles conséquences concrètes en résultent pour les collectivités.

Au cours de l'élaboration du projet, la collectivité territoriale compétente pour élaborer le SCOT ou le PLU peut consulter le préfet sur le degré de précision des informations que doit contenir l'étude environnementale du rapport de présentation (16). Cette possibilité est offerte aux collectivités compétentes afin de les aider dans la réalisation de l'évaluation environnementale et d'améliorer le contenu de celle-ci. Elle est facultative.

De manière obligatoire, avant l'enquête publique sur le projet de SCOT ou de PLU, le préfet est saisi pour avis sur la qualité de l'évaluation environnementale contenue dans le rapport de présentation et sur la prise en compte de l'environnement par le projet de document d'urbanisme (17). Il s'agit d'un avis simple. Il est formulé de manière séparée de l'avis de l'Etat prévu aux articles L. 122-8 (N° Lexbase : L9621G8T) et L. 123-9 (N° Lexbase : L2921DZ9), qui n'est pas limité aux seules préoccupations d'environnement.

La consultation obligatoire du préfet est effectuée trois mois au plus tard avant l'ouverture de l'enquête publique. Dans la pratique, lors de l'élaboration ou de la révision d'un SCOT ou d'un PLU soumis à cette procédure, le préfet sera saisi sur le document arrêté. Dans les cas particuliers où cette procédure est exigée à l'occasion d'une modification, d'une mise en compatibilité ou d'une révision simplifiée où ne se rencontre pas la phase d'arrêt du projet, l'avis de l'autorité environnementale requis à ce titre fera l'objet d'une demande d'avis particulière.

L'avis est réputé favorable dans un délai de trois mois. Il est joint au dossier d'enquête publique. Il est préparé, sous l'autorité du préfet, par la direction régionale de l'environnement, en liaison avec les autres services de l'Etat compétents.

Christophe De Bernardinis
Maître de conférences à l'Université de Metz


(1) Loi n° 76-629 du 10 juillet 1976, relative à la protection de la nature (N° Lexbase : L4214HKB).
(2) Directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001, relative à l'évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l'environnement (N° Lexbase : L7717AUD).
(3) L'ordonnance n° 2004-489 du 3 juin 2004, portant transposition de la Directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001 relative à l'évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l'environnement (N° Lexbase : L2412DYY).
(4) Décret d'application n° 2005-608 du 27 mai 2005, relatif à l'évaluation des incidences des documents d'urbanisme sur l'environnement et modifiant le Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L7661G8A).
(5) Circulaire UHC/PA2 n° 2006-16 du 6 mars 2006 relative à l'évaluation des incidences de certains documents d'urbanisme sur l'environnement (N° Lexbase : L5648HIZ).
(6) Loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000, relative à la solidarité et au renouvellement urbains (N° Lexbase : L9087ARY).
(7) Par exemple, un projet de PLU peut s'appuyer sur les études et les travaux réalisés à l'occasion d'un SCOT, d'un plan de prévention des risques naturels prévisibles, etc.
(8) Etude d'incidences sur un site Natura 2000 ou étude d'impact.
(9) L'article R. 121-14 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L9607G8C) précise quels sont les PLU concernés.
(10) C. env., art. L. 414-4 (N° Lexbase : L4329HBX).
(11) C. urb., art. L. 123-6 (N° Lexbase : L1948DKD) ou L. 123-13 (N° Lexbase : L1945DKA).
(12) C. urb., art. L. 122-4 (N° Lexbase : L7599DKN).
(13) C. env., art. L. 414-4 précité.
(14) Il n'est cependant pas nécessaire de développer tous les partis d'aménagement différents. Seuls les projets effectivement envisagés doivent être expliqués.
(15) C. urb., art. L. 121-2 (N° Lexbase : L8128GT9).
(16) C. urb., art. L. 121-12, alinéa 2 (N° Lexbase : L2937DZS).
(17) C. urb., art. L. 121-12 précité, alinéa 1er, et art. R. 121-15 (N° Lexbase : L9608G8D).

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[Manifestations à venir] Actualité juridique des technologies de l'information

Lecture: 1 min

N8364AKY

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Le 07 Octobre 2010

L'Association pour le développement de l'informatique juridique (ADIJ), dans le cadre du Salon I-EXPO organisé par le GFII et SPAT, tiendra une conférence sur le "Bilan 2005-2006 des actualités juridiques en matière d'information numérique ou comment agir en connaissance de cause et sans risques dans la société d'information" le mercredi 31 mai 2006 à 17h00 au CNIT Paris La Défense - Salle Donatello 1.
  • Programme

Droit d'auteur (dispositifs anti-copie et Peer to Peer)
Signature et archivage électronique (implications pour les entreprises)
Données personnelles (instauration du CIL - Correspondant Informatique et Libertés), pouvoirs renforcés de la CNIL, recommandations de la CNIL

  • Intervenants

Christiane Féral-Schuhl, Présidente de l'ADIJ, Avocat associé au cabinet Salans
Marie-Anne Gallot-Le-Lorier, Avocat associé, responsable du département Droit des créations au Cabinet Flecheux & Associés

  • Date

Mercredi 31 mai 2006
17h00 - 18h30

  • Lieu

CNIT Paris La Défense
Salle Donatello 1

  • Tarif

L'accès à cette conférence est gratuit.

  • Renseignements

Mme Christiane Féral-Schuhl
Présidente de l'ADIJ
Fax : 01 42 68 15 45
e-mail : coordination.adij@salans.com
Site : www.adij.fr

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Urbanisme

[Manifestations à venir] Intercommunalité et compétences d'urbanisme : quels choix pour la gestion efficace d'un territoire ?

Lecture: 1 min

N8272AKL

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Le 07 Octobre 2010

Une journée d'études intitulée "Intercommunalité et compétences d'urbanisme : quels choix pour la gestion efficace d'un territoire ?", organisée par "Ponts Formation Edition", filiale de l'Ecole Nationale des Ponts et Chaussées, se déroulera à Paris le lundi 29 mai 2006, et sera consacrée à la question du niveau pertinent de gestion de l'urbanisme. Le transfert à l'EPCI permet-il une gestion plus efficace ? Quelles compétences transférer, et sous quelle forme ? Comment articuler la relation communes/communauté ? L'objectif de cette journée d'études sera de répondre à toutes ces questions, en s'appuyant, en particulier, sur des expériences en cours au sein d'une communauté d'agglomération et d'une communauté de communes.
  • Programme de la journée

9h00 : Présentation de la session et tour de table

9h30 : M.Strebler, Directeur du syndicat mixte du SCOT de l'Alsace du Nord :
Présentation du cadre réglementaire :
- les compétences des collectivités au terme du CGCT (compétences obligatoires /optionnelles/facultatives) et du Code de l'urbanisme ;
- les formes possibles du transfert : délégation de compétence, prestation de service...

12h00 : M.Schmit, Chargé de l'aménagement et de l'urbanisme ADCF :
Panorama des pratiques au niveau national

14h30 : M. Brousse, Responsable adjoint du pôle Urbanisme - Gestion du droit des sols - CA2M et M. Faedo, Responsable de l'Urbanisme et de l'environnement - Communauté de communes de Verdun :
L'exemple de la CA2M et de la Communauté de commune de Verdun :
- Quelles compétences d'urbanisme sont gérées par ces communautés ?
- Comment sont-elles mises en oeuvre ?
- Quelles difficultés?
- Quelles conséquences en terme d'organisation ?
- Comment les communes sont-elles associées aux décisions ?

16h00 : M. Brousse, M.Faedo, M. Schmit, M. Strebler :
Débat : quelles compétences pour quelle intercommunalité ?

Fin de la journée à 17h30

  • Renseignements / Inscriptions

Renseignements sur le site Ponts Formation Edition

Inscriptions :
Tél : 01 44 58 27 27
Fax : 01 44 58 28 34

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