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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la rédaction
Le 27 Mars 2014
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Réf. : Loi n° 2005-1579 du 19 décembre 2005, de financement de la Sécurité sociale pour 2006 (N° Lexbase : L9963HDD)
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par Christophe Willmann, Professeur à l'Université de Haute Alsace
Le 07 Octobre 2010
1.1. Exonération au titre de l'abattement temps partiel
La loi de financement de la Sécurité sociale pour 2006 (art. 11) supprime, à partir du 1er janvier 2006, l'abattement de cotisations patronales applicable aux contrats de travail à temps partiel.
La loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000, dite "loi Aubry II" (N° Lexbase : L0988AH3), avait prévu que l'abattement de cotisations patronales applicable en cas de travail à temps partiel (C. trav., art. L. 322-12 N° Lexbase : L5320ACZ) cessait d'être applicable 1 an après l'abaissement de la durée légale du travail, soit à compter du 1er janvier 2001 pour les entreprises de plus de 20 salariés, et à compter du 1er janvier 2003 pour les entreprises de 20 salariés au plus. La loi n° 2000-37 précisait que le bénéfice de l'abattement restait acquis aux contrats qui y ouvraient droit à la date d'entrée en vigueur de la réduction du temps de travail.
L'article 11 de la LFSS pour 2006 précise que l'abattement reste acquis jusqu'au 31 décembre 2005 pour les contrats ouverts à l'entrée en vigueur de la réduction du temps de travail. Mais, il est mis fin, à compter du 1er janvier 2006, à l'abattement de 30 % applicable aux contrats en cours, qui étaient au nombre de 75 000 en juin 2005.
Les employeurs peuvent appliquer le dispositif d'allègement général des cotisations sociales (réduction "Fillon") pour les salariés dont la rémunération est inférieure à 1,33 fois le Smic, cette réduction est plus avantageuse que l'abattement supprimé. Puisque une large majorité des salariés à temps partiel concernés par l'abattement sont rémunérés en-deçà de ce seuil, la mesure retenue par la LFSS devrait avoir un impact financier favorable pour beaucoup d'entreprises. Enfin, il faut préciser que le coût du dispositif supprimé pour les régimes de la Sécurité sociale n'était pas compensé par l'Etat.
Selon les travaux parlementaires, cette reforme illustre les changements d'attitudes qui se sont produits sur la question du travail à temps partiel, apprécié, au début des années 1990, comme une modalité de réduction de la durée du travail, susceptible de favoriser l'emploi. Mais, la montée du temps partiel "subi" a conduit à remettre en cause les mesures incitatives à l'embauche à temps partiel qui perdaient, en outre, une part de leur justification dans le contexte d'une politique de réduction généralisée de la durée du travail.
La réforme introduite par la LFSS simplifie le dispositif d'allégement de charges sociales en supprimant, par anticipation, une disposition appelée à s'éteindre. Son coût qui, en 2004, a été de 190 milliards d'euros, ne fait pas l'objet d'une compensation à la Sécurité sociale, à la différence de l'allégement "Fillon". Sa suppression devrait donc être positive pour les finances sociales.
1.2. Régime de la réduction générale de cotisations sociales ("Fillon")
La LFSS entend clarifier la définition de l'assiette des cotisations sociales. La définition de la notion d'heures rémunérées a été à l'origine d'un important contentieux. Les Urssaf considéraient que les heures devant être prises en compte sont les heures de travail effectif, au sens de l'article L. 212-4 du Code du travail (N° Lexbase : L8959G7X) (temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et doit se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles). Certains employeurs demandaient, à l'inverse, que soit retenue une définition plus large des heures rémunérées, qui inclut tous les temps de pause, d'astreinte, d'habillage ou de déshabillage (...), qui peuvent faire l'objet d'une rémunération, sans être des temps de travail effectif. Cette définition extensive leur permet de bénéficier d'allégements de cotisations plus importants, par l'effet de la formule de calcul.
L'article 13 § 1 de la LFSS pour 2006 opte pour la définition la plus restrictive : par un nouvel article L. 241-15 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L9683HED), il est désormais prévu que, pour l'ensemble des mesures d'exonération ou de réduction de cotisations de sécurité sociale prévues par le même code ou par toute autre disposition législative ou règlementaire, les heures rémunérées s'entendent des heures de travail effectif. La clarification proposée a donc un champ d'application très large : elle concerne l'allégement "Fillon" mais, également, tous les autres dispositifs d'allégements de charges en vigueur.
L'article 13 § 2 de la LFSS pour 2006 vise à lever d'autres difficultés d'interprétation posées par certaines dispositions relatives à l'assiette des cotisations sociales. Le 1° du II précise que la compensation salariale d'une perte de rémunération résultant d'une mesure de réduction de la durée du travail est toujours considérée comme une rémunération, qu'elle prenne la forme d'un complément différentiel de salaire ou d'une hausse du taux de salaire horaire, notamment.
Cet ajout vise à lever les incertitudes découlant de certaines modalités d'application de la loi n° 96-502 du 11 juin 1996, tendant à favoriser l'emploi par l'aménagement et la réduction conventionnels du temps de travail, dite loi "de Robien" (N° Lexbase : L7981AIG). La compensation salariale de la réduction du temps de travail est un élément de rémunération, quelle que soit sa forme, et est donc assujettie à cotisations.
Le Sénat a relevé que la modification aura un impact budgétaire significatif, probablement de l'ordre de plusieurs centaines de millions d'euros, qui sera supporté in fine par le budget de l'Etat, puisque les allégements font l'objet d'une compensation.
1.3. Assiette de cotisations retraite complémentaire
La LFSS pour 2006 modifie l'article L. 242-1, alinéa 5, du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L9684HEE), dont la rédaction est issue de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites (N° Lexbase : L9595CAM) et qui exclut de l'assiette des cotisations les contributions des employeurs au financement de certains régimes de retraite complémentaire.
Seules donnent lieu à l'exonération les contributions finançant des régimes de retraite complémentaire et correspondant à la part patronale due en application d'une disposition législative ou réglementaire, d'un accord national interprofessionnel ou d'engagements de retraite complémentaire souscrits antérieurement à l'adhésion des employeurs aux institutions mettant en oeuvre les régimes institués en application de l'article L. 921-4 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L5848ADX).
La loi du 21 août 2003, portant réforme des retraites, a modifié le régime social des contributions patronales destinées au financement des régimes de retraite et de prévoyance complémentaire. Elle a distingué, d'une part, les contributions aux régimes de retraite complémentaire légalement obligatoires, qui sont exemptes de tout prélèvement social (Arrco, Agirc, AGFF, Ircantec et Caisse de retraite du personnel naviguant de l'aviation civile) ; le même régime social s'applique aux contributions patronales versées en couverture d'engagements souscrits avant l'adhésion à l'un de ces régimes légalement obligatoires, ce qui vise les dispositifs de maintien de droits mis en place lors de l'intégration d'un secteur professionnel dans les régimes interprofessionnels de l'Arrco et Agirc ; et, d'autre part, les contributions destinées aux autres régimes de retraite et de prévoyance complémentaire, qui sont bien exclues de l'assiette des cotisations, mais sous conditions et dans certaines limites.
Cette modification du régime social ne visait, initialement, que la part patronale de la cotisation due à ces régimes. Elle a eu des conséquences directes sur le régime social applicable à la prise en charge par l'employeur de tout ou partie de la part salariale de la cotisation due à ces régimes. Mais, selon la Cour de cassation, la prise en charge par l'employeur de la cotisation salariale à un régime de retraite complémentaire s'analyse en une contribution patronale (au sens de l'article L. 242-1 du Code de la Sécurité sociale). Cette assimilation entraîne l'application du même régime social, en l'espèce l'exonération totale et sans limite de cotisations et contributions sociales.
En outre, les régimes Arrco et Agirc ont admis, en septembre 2004, que les employeurs puissent modifier (exclusivement dans un sens plus favorable pour les salariés) la clé de répartition des cotisations de retraite à la charge des employeurs et des salariés, telle qu'elle est fixée par les accords fondateurs. L'usage de cette faculté permet de modifier à la hausse le niveau de la contribution patronale. Or, en tant que contribution de l'employeur au sens de l'article L. 242-1, alinéa 5, du Code de la Sécurité sociale, elle se trouve exclue en totalité de l'assiette des cotisations et contributions sociales. L'effet combiné de ces deux mécanismes a produit un effet d'aubaine pour les entreprises qui distribuent un élément de rémunération sans versement de charges sociales.
La LFSS pour 2006 neutralise cet effet d'aubaine en recentrant l'exonération totale des cotisations de sécurité sociale sur la seule part patronale des cotisations dues à ces régimes, telle qu'elle résulte d'une disposition législative ou d'un accord interprofessionnel visé à l'article L. 921-4 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L5848ADX). Cette rédaction permet de figer l'exonération au niveau de la part patronale fixée par les accords fondateurs et de qualifier d'élément de rémunération la part de l'employeur qui excède ce niveau.
2. Régime social de certaines indemnités
Le droit actuel en matière d'indemnité de rupture du contrat de travail est généralement présenté comme un dispositif complexe, permettant de larges exonérations fiscales et sociales : c'est pourquoi la LFSS en modifie sensiblement le régime. De même, la LFSS pour 2006 statue sur le régime social d'une nouvelle prime (d'un montant de 1 000 euros), innovation de cette LFSS.
2.1. Nouveau régime social des indemnités de rupture du contrat de travail
La LFSS pour 2006 (art. 12) modifie les conditions d'assujettissement à l'impôt sur le revenu et aux cotisations sociales des indemnités versées aux salariés en cas de rupture du contrat de travail et aux dirigeants de société en cas de départ forcé. Le régime social des indemnités liées à la rupture du contrat de travail ou à la cessation forcée des fonctions des mandataires sociaux est aligné sur leur régime fiscal.
La LFSS modifie le Code général des impôts afin d'unifier le régime fiscal et social applicable aux indemnités de licenciement ou de primes de départ à la retraite, qu'elles soient versées ou non dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi. Elle diminue, également, la limite dans laquelle ces indemnités sont exonérées. Ces modifications s'appliquent aussi aux indemnités versées aux dirigeants de société en cas de départ forcé.
L'article 12-I modifie l'article 80 duodecies du Code général des impôts , lequel définit, dans son premier alinéa, la notion de rémunération imposable. Il pose un principe général d'imposition fiscale et sociale de toute indemnité versée à l'occasion de la rupture du contrat de travail. Les indemnités de licenciement, les indemnités de départ volontaire versées dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi et les autres indemnités de licenciement ne sont plus totalement exonérées ; seules restent totalement exonérées les indemnités versées en cas de licenciement irrégulier.
L'article 12-II de la LFSS modifie l'article L. 242-1 du Code de la Sécurité sociale, qui définit les conditions d'assujettissement aux cotisations sociales des indemnités versées aux salariés en cas de rupture du contrat de travail et des indemnités versées aux mandataires sociaux à l'occasion de la cessation forcée de leurs fonctions. La rédaction en vigueur de l'article L. 242-1 du Code de la Sécurité sociale dispose que "les indemnités versées à l'occasion de la rupture du contrat de travail à l'initiative de l'employeur" et les sommes versées aux mandataires sociaux à l'occasion de la cessation forcée de leurs fonctions sont assujetties aux cotisations sociales à la hauteur de la fraction de ces indemnités imposable à l'impôt sur le revenu en application de l'article 80 duodecies du CGI.
En définitive, selon les travaux parlementaires, l'article 12 de la LFSS ne procède plus à la distinction entre les indemnités de licenciement versées dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi et celles qui sont versées en dehors de celui-ci. Les plafonds d'exonération, en matière fiscale et sociale, sont fixés à 6 fois le plafond de la Sécurité sociale (181 152 euros sur la base de sa valeur du 31 juillet 2005). Cela revient à diviser par deux le plafond d'exonération appliqué jusqu'à présent (360 000 euros sur la base de la moitié de la première tranche de l'impôt de solidarité sur la fortune) aux indemnités versées en dehors d'un plan de sauvegarde de l'emploi. Et cela implique aussi d'assujettir les indemnités de licenciement versées lors d'un plan de sauvegarde de l'emploi, jusqu'ici totalement exonérées.
Au final, ne constituent pas une rémunération imposable :
- les indemnités versées en cas de licenciement irrégulier (C. trav., art. L. 122-14-4 N° Lexbase : L8990G74) ;
- les indemnités de licenciement ou de départ volontaire versées dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi (au sens des articles L. 321-4 N° Lexbase : L9633GQT et L. 321-4-1 N° Lexbase : L8926G7Q du Code du travail) ;
- la fraction des indemnités de licenciement versées en dehors du cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi, qui n'excède pas : soit 2 fois le montant de la rémunération annuelle brute perçue par le salarié au cours de l'année civile précédant la rupture de son contrat de travail, ou 50 % du montant de l'indemnité si ce seuil est supérieur, dans la limite de 6 fois le plafond de la Sécurité sociale en vigueur à la date du versement des indemnités (186 408 euros pour un plafond de la Sécurité sociale à 31 068 euros au 1er janvier 2006) ; soit le montant de l'indemnité de licenciement prévue par la convention collective de branche, par l'accord professionnel ou interprofessionnel ou, à défaut, par la loi ;
- la fraction des indemnités de mise à la retraite qui n'excède pas : soit 2 fois le montant de la rémunération annuelle brute perçue par le salarié au cours de l'année civile précédant la rupture de son contrat de travail, ou 50 % du montant de l'indemnité si ce seuil est supérieur, dans la limite de 5 fois le plafond de la Sécurité sociale en vigueur à la date du versement des indemnités (155 340 euros pour un plafond de la Sécurité sociale à 31 068 euros au 1er janvier 2006) ; soit le montant de l'indemnité de mise à la retraite prévue par la convention collective de branche, par l'accord professionnel ou interprofessionnel ou, à défaut, par la loi.
2.1. Nouveau régime de charges sociales pour une nouvelle indemnité : le bonus de 1 000 euros
La LFSS (art. 13) ouvre la possibilité pour les entreprises de verser à leurs salariés, à titre exceptionnel en 2006, un bonus individuel maximum de 1 000 euros. Cette mesure est destinée à soutenir la croissance et la consommation des ménages, tout en favorisant le partage des résultats de l'activité des entreprises. Cette possibilité de versement exceptionnel est conditionnée à la conclusion préalable d'un accord salarial.
Les entreprises qui, soit sont couvertes par un accord salarial de branche conclu entre le 1er janvier 2005 et le 15 juin 2006, soit auront elles-mêmes conclu un accord salarial au cours de cette même période, pourront verser cette prime. Celle-ci ne pourra se substituer aux augmentations et primes conventionnelles prévues par les accords salariaux.
En outre, pour ne pas pénaliser les salariés des très petites entreprises non couvertes par des accords de branches ou dans lesquelles il n'est pas possible de conclure un accord salarial en l'absence de délégués syndicaux, il est prévu d'autoriser, à titre exceptionnel, la conclusion d'un accord salarial dans les mêmes conditions qu'un accord d'intéressement.
Le versement du bonus doit respecter un calendrier impératif : la décision de l'employeur sur le montant et les modalités de versement du bonus exceptionnel doit être prise avant le 30 juin 2006 ; le versement des sommes ainsi déterminées doit intervenir le 31 juillet 2006 au plus tard ; la décision de l'employeur mentionnant les sommes versées aux salariés fait l'objet d'une notification à l'Urssaf avant le 31 décembre 2006.
Enfin, la LFSS 2006 prévoit explicitement la non-compensation par l'Etat de ces exonérations, par dérogation à l'article L. 131-7 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L1575GUU). Certains travaux parlementaires ont relevé que ce régime de charges sociales d'un bonus de 1 000 euros n'est, à proprement parler, pas une perte mais plutôt d'un manque à gagner pour la Sécurité sociale : si ce bonus avait pour effet de retarder des augmentations salariales à la fin de 2006 et au début de 2007, on assisterait alors à une véritable perte pour la Sécurité sociale. D'autres travaux rappellent que la LOLFSS a institué un monopole des lois de financement de la Sécurité sociale sur les mesures dérogeant au principe de compensation par le budget de l'Etat des mesures de réduction, d'exonération ou d'abattement d'assiette de cotisations ou de contributions sociales.
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Réf. : CJCE 21/10/05 C-475/03 Cremona
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par Yolande Sérandour, Professeur à la Faculté de droit de Rennes, Directrice du Master de Droit Fiscal des Affaires de Rennes et du département Droit fiscal du CDA
Le 07 Octobre 2010
L'article 93 (ex-art.99) du Traité instituant la Communauté européenne dispose : "Le Conseil, statuant à l'unanimité sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen et du Comité économique et social, arrête les dispositions touchant à l'harmonisation des législations relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires, aux droits d'accises et autres impôts indirects dans la mesure où cette harmonisation est nécessaire pour assurer l'établissement et le fonctionnement du marché intérieur [...]". Sur le fondement de ce texte, plusieurs directives ont permis d'harmoniser la taxation de la valeur ajoutée dans les Etats membres de l'Union européenne. Le système actuel d'imposition du chiffre d'affaires procède de trois directives importantes : deux en date du 11 avril 1967 et une autre du 17 mai 1977 dite sixième Directive-TVA. Les deux directives de 1967 ont fixé les grands principes de la TVA. La première, à l'exception d'un article et d'un alinéa a été intégralement maintenue en vigueur par la sixième Directive. La CJCE s'y réfère fréquemment pour interpréter la sixième Directive-TVA, notamment son article 33, relatif au cumul de taxes sur la consommation. La deuxième Directive du 11 avril 1967 a cessé d'avoir effet dès l'entrée en vigueur de la sixième Directive (en France, le 1er janvier 1979). Elle conserve un certain intérêt car la jurisprudence communautaire s'inspire de son interprétation pour éclairer l'application de la sixième Directive-TVA.
La Directive du 17 mai 1977 s'intitule "sixième Directive en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur la valeur ajoutée : assiette uniforme". Cet objectif d'harmonisation de la TVA, conjugué avec l'interdiction du cumul de taxes sur le chiffre d'affaires doit permettre d'éviter que le fonctionnement du système commun de TVA soit compromis par des mesures fiscales d'un Etat membre grevant la circulation des biens et des services et frappant les transactions commerciales d'une façon comparable à la TVA (CJCE, 9 mars 2000, aff. C-437/97, Evangelischer Krankenhausverein Wien c/ Abgabenberufungskommission Wien et Wein & Co. HandelsgesmbH contre Oberösterreichische Landesregierung, spéc. § 20 N° Lexbase : A1940AWR ; RJF 7-8/2000, n° 1038).
L'interdiction faite aux Etats membres de lever un impôt sur le chiffre d'affaires autre que la TVA ne peut concerner que les prélèvements conçus comme la TVA. Tel serait le cas d'un impôt général sur la consommation de tous les biens et services frappant exactement la valeur ajoutée par chaque intervenant dans le cycle de production et de distribution, grâce à un mécanisme d'imputation de la TVA d'amont sur la TVA d'aval. Si un inventeur met au point, sans frais extérieurs, un procédé qu'il vend à un utilisateur 100 000 euros assorti d'une TVA de 19 600 euros et que ce dernier revend cette invention 200 000 euros augmentée d'une TVA de 392 000 euros, l'inventeur aura reversé 19 600 euros au Trésor et son client autant, en sorte que la TVA ne dépassera pas un montant égal à l'application du taux normal à la valeur ajoutée globale de 200 000 euros. Schématiquement, la valeur ajoutée représente le chiffre d'affaires moins les achats de biens et services supportés pour le réaliser (les consommations intermédiaires). La valeur ajoutée équivaut alors aux salaires augmentés de la marge de l'opérateur. Confrontons cette définition à l'IRAP italien.
Par décret législatif, en date du 15 décembre 1997, la République italienne a introduit une taxe, l'IRAP, à charge de toute personne, physique ou morale, privée ou publique, exerçant une activité économique indépendante. Toutefois, certains fonds communs d'investissement, certains fonds de pension et certains groupements d'intérêt économique européens en sont exonérés. L'assiette de l'IRAP due par les entreprises commerciales résulte de la différence entre les produits d'un exercice comptable, à l'exclusion des produits financiers exceptionnels et les charges, frais de personnel et financiers exclus. Illustrons par un cas simple : soit une entreprise ayant vendu pour 100 000 euros en N pour un prix de revient de 60 000 euros dont 10 000 euros de frais de personnel et 50 000 euros de dépenses grevées de TVA au taux normal, 20 % en Italie. L'assiette de l'IRAP serait de 100 000 - 50 000 = 50 000 euros. S'agissant de la TVA, elle serait de 20 000 euros sur les ventes mais, après imputation de la TVA sur les dépenses, 10 000 euros, il ne resterait que 10 000 euros à reverser au Trésor public. Ce montant correspond à l'application du taux de TVA italien de 20 % à une base de 50 000 euros, soit exactement l'assiette de l'IRAP.
Ce simple constat explique l'action de la Banca popolare, laquelle a, en 1999, demandé le remboursement de sommes versées au titre de l'IRAP durant cette année et les années précédentes, en soutenant que la taxe était illégale, notamment parce qu'elle était incompatible avec l'article 33 de la sixième Directive. N'obtenant pas satisfaction auprès de l'administration fiscale italienne, elle a saisi le juge qui a préféré se tourner vers la CJCE.
Selon une jurisprudence constante, l'article 33 de la sixième Directive-TVA "interdit aux Etats membres d'introduire ou de maintenir des impôts, droits et taxes qui ont le caractère de taxes sur le chiffre d'affaires [...]. Doivent en tout cas être considérés comme de telles mesures les impôts, droits et taxes qui présentent les caractéristiques essentielles de la TVA, même s'ils ne sont pas en tous points identiques à celle-ci" (CJCE, 29 avril 2004, aff. C-308/01, GIL Insurance Ltd c/ Commissioners of Customs & Excise, § 31 et 32 N° Lexbase : A9950DB7 ; RJF 7/2004, n° 826). Les caractéristiques essentielles sont au nombre de quatre : elle s'applique de manière générale aux biens ou aux services ; elle est proportionnelle au prix de ces biens et de ces services, quel que soit le nombre de transactions effectuées ; elle est perçue à chaque stade du processus de production et de distribution ; elle s'applique sur la valeur ajoutée des biens et des services en question (arrêt "GIL Insurance", précité, § 33).
L'IRAP italienne frappe comme la TVA si elle réunit les mêmes caractéristiques. Dans la mesure où son fait générateur ne dépend que de l'existence, chez tout entrepreneur, en fin d'exercice, d'une différence positive entre le chiffre d'affaires réalisé sur les ventes et prestations de services et les consommations intermédiaires, l'IRAP s'applique, d'une manière générale, à toute consommation de biens ou de services. Elle apparaît d'autant plus générale que les collectivités publiques y sont soumises bien qu'elles ne soient pas assujetties à la TVA. De plus, les exportations ne bénéficient pas d'exonération, alors qu'elles échappent à la TVA. Selon le juge communautaire, un impôt sur la consommation ne caractérise pas un cumul de taxes sur le chiffre d'affaires si son champ d'application demeure substantiellement plus étroit que celui de la TVA (CJCE, 31 mars 1992, aff. C-200/90, Dansk Denkavit ApS et P. Poulsen Trading ApS, soutenues par Monsanto-Searle A/S c/ Skatteministeriet N° Lexbase : A0104AWR ; Petites Affiches, 1992, n° 79, p. 37). En l'espèce, le champ d'application de l'IRAP englobe celui de la TVA pour aller au-delà, et non l'inverse.
Le taux de 4,25 % de l'IRAP, sauf adaptations limitées, s'applique à tout chiffre d'affaires annuel diminué des charges annuelles. Si l'IRAP frappe les opérations commerciales de tout entrepreneur, chaque fois que des biens et services sont fournis pour réaliser de nouvelles opérations, l'IRAP est perçu jusqu'à consommation finale pour atteindre toute la valeur ajoutée durant le cycle économique par chaque opérateur.
Cependant, l'assiette étant la différence positive entre le chiffre d'affaires réalisé et les consommations intermédiaires, une valeur nette, l'imposition proportionnelle ne porte pas sur le prix de chaque bien ou service commercialisé. Cette globalisation permet à un opérateur de répercuter l'IRAP dans la mesure souhaitée. Les règles de TVA sont dépourvues d'une telle souplesse. Tout vendeur ou prestataire de services doit obligatoirement facturer de la TVA en appliquant le taux prévu au prix stipulé. Pourtant, rien ne lui interdit de réduire le prix hors taxe afin de diminuer le prix TTC et limiter l'effet de la TVA. La CJCE a déjà jugé que la possibilité de répercuter ou non une taxe comparable à la TVA ne devait pas déterminer son appréciation car des Etats pourraient être tentés de jouer sur ce critère pour établir des taxes sur la valeur ajoutée autres que la TVA (CJCE, 26 juin 1997, aff. C-370/95, (Facomare) (C-372/95) c/ Administración General del Estado, § 15 N° Lexbase : A5870AY3).
Cette différence de mode de calcul écarte d'autant moins la constatation d'un cumul de taxes que la CJCE n'exige pas une identité absolue (supra). Applicable à toute entreprise sur le chiffre d'affaires moins les consommations intermédiaires, l'IRAP est perçue à chaque stade du cycle économique et frappe toute valeur ajoutée. La Corte costituzionale a d'ailleurs jugé que l'IRAP est une taxe sur la valeur ajoutée (Concl.de M. l'Avocat général F. G. Jacobs, 17 mars 2005, § 18). De plus, la Cour de Luxembourg a précédemment déclaré contraire à l'article 33 de la sixième Directive-TVA une taxe similaire à l'IRAP perçue comme un pourcentage "du montant total des ventes que chaque entreprise avait réalisées et des services qu'elle avait fournis au cours d'une période donnée, diminué du montant des achats de biens et de services effectués durant cette période par cette même entreprise sixième Directive une taxe similaire à l'IRAP perçue comme un pourcentage" (affaire "Dansk Denkavit et Poulsen Trading" précitée).
Le caractère général d'impôt sur la consommation de l'IRAP ne fait aucun doute. Seul son paiement en fin d'exercice et non lors de chaque consommation la distingue de la TVA. Or la CJCE n'exige pas les quatre caractéristiques en tous points identiques. Toutefois, rien ne lui interdit de changer d'avis pour privilégier l'apparence de différence juridique sur l'absence de différence économique. In fine, la décision apparaît éminemment politique. Il en va de même de l'éventuelle limitation de la portée pour l'avenir d'un éventuel arrêt de la CJCE déclarant l'IRAP prohibé par l'article 33, § 1, de la sixième Directive-TVA. A cet égard, la CJCE va au-delà de la demande de réouverture des débats formulée par Monsieur l'Avocat général F. G. Jacobs.
2. La réouverture de la procédure orale devant la CJCE
Les conclusions susmentionnées ne pouvaient qu'alerter les Etats membres dont la fiscalité frappe, autrement que par la TVA, la valeur ajoutée ou la différence entre les produits et les charges autres que salariales. Il convient notamment de s'interroger à propos de l'article 1647 E-I du CGI lorsqu'il prévoit un minimum de taxe professionnelle à l'encontre des entreprises dont le chiffre d'affaires dépasse 7 600 000 euros, calculé sur la différence entre les recettes et les consommations intermédiaires. Néanmoins, ce minimum ne visant que les grandes entreprises, le caractère général nécessaire à l'identification d'un cumul de taxes sur le chiffre d'affaires ferait peut être défaut. Cette objection disparaîtrait si une réforme de la taxe professionnelle devait généraliser son application à la valeur ajoutée. De même, les propositions, notamment en France, de substituer une taxation de la valeur ajoutée aux cotisations sociales dues par les entreprises devraient susciter interrogation.
Si le contexte politique tend vers une extension des impôts sur la valeur ajoutée, la réponse aux questions posées par la CJCE aux principaux intéressés par l'affaire "Banca popolare" n'en prend que plus d'importance. Le 21 octobre 2005, le juge communautaire a rendu l'ordonnance suivante :
"1) La procédure orale dans l'affaire C-475/03 est rouverte.
2) L'audience de plaidoiries est fixée au 14 décembre 2005.
3) Les parties au principal, les Etats membres, le Conseil de l'Union européenne et la Commission des Communautés européennes sont invités à prendre position par écrit, dans un délai de quatre semaines à compter de la notification de la présente ordonnance, le délai de distance inclus, sur les questions suivantes :
a) Quels sont les critères permettant de qualifier une taxe de taxe ayant le caractère de taxe sur le chiffre d'affaires au sens de l'article 33, paragraphe 1, de la sixième Directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée : assiette uniforme, telle que modifiée par la directive 91/680/CEE du Conseil, du 16 décembre 1991, compte tenu de l'objectif de cette disposition et du fonctionnement du marché ?
b) Dans quelle mesure les opérations des banques sont-elles susceptibles de faire l'objet d'une taxe ayant le caractère de taxe sur le chiffre d'affaires au sens dudit article 33, paragraphe 1 ?
c) Eu égard aux points 72 à 88 des conclusions de M. l'Avocat général Jacobs, dans quelles conditions et de quelle manière peuvent être limités dans le temps les effets d'arrêts rendus par la Cour à titre préjudiciel ?"
Les réponses sollicitées par cette ordonnance n'ont pas encore fait l'objet de publication. Observons cependant que la question relative à la taxation des banques peut surprendre dans la mesure où la CJCE exclut tout cumul de taxes sur le chiffre d'affaires lorsque l'impôt concerné ne frappe qu'une catégorie de biens ou services (CJCE, 13 juillet 1989, aff. C-93/88, Wisselink en Co. BV et autres c/ Staatssecretaris van Financiën, § 20 N° Lexbase : A8598AUY, DF 1990, n° 6, comm. 252, concl. J. Mischo ; CJCE, 19 mars 1991, aff. C-109/90, Giant NV c/ Commune d'Overijse, § 14 N° Lexbase : A9343AUL, DF 1991, n° 43, comm. 2072 ; CJCE, 16 décembre 1992, aff. C-208/91, Raymond Beaulande c/ Directeur des services fiscaux de Nantes, § 16 [LXB= A9354AUY], DF 1994, n° 7, comm . 292 ; CJCE, 17 septembre 1997, aff. C-347/95, Fazenda Pública c/ União das Cooperativas Abastecedoras de Leite de Lisboa, UCRL (UCAL), § 36 N° Lexbase : A0308AWC ; EKW et Wein & Co, précité, § 24 ; CJCE, 19 septembre 2002, aff. C-101/00, Tulliasiamies et Siilin, § 101 N° Lexbase : A4535AZY, RJF 12/02, n° 1428 ; GIL Insurance e.a., précité, § 33) ou une catégorie de contribuables (CJCE, 7 mai 1992, aff. C-347/90, Aldo Bozzi c/ Cassa Nazionale di Previdenza ed Assistenza a favore degli Avvocati e dei Procuratori legali, § 14 N° Lexbase : A9547AU7, RJF 11/92, n° 1594). Sans doute s'agit-il de permettre à chaque Etat membre de confronter ses arguments à ceux des institutions communautaires, de sorte à rendre un arrêt après avoir entendu toutes les interprétations envisageables de l'article 33 de la sixième Directive-TVA. La même explication ne vaut pas s'agissant de la portée dans le temps des arrêts rendus par la CJCE à titre préjudiciel. En effet, si le juge communautaire s'est déjà maintes fois prononcé sur cette question, il n'a pourtant jamais admis une limitation pour l'avenir.
Sauf dispositions contraires, dans la mesure où l'interprétation du juge s'intègre au texte interprété, toute méconnaissance de la jurisprudence est une violation de la loi. La CJCE développe longuement cette position aux points 16 à 18 de l'arrêt "My Travel" (CJCE, 6 octobre 2005, aff. C-291/03, MyTravel plc c/ Commissioners of Customs & Excise N° Lexbase : A6731DKI, RJF 12/05, n° 1496, lire Y. Sérandour, La base d'imposition à la TVA des agences de voyages, Lexbase Hebdo n° 197 du 12 janvier 2006 - édition fiscale N° Lexbase : A6731DKI). En France, le contrôle des décisions de l'administration fiscale non conformes à la sixième Directive-TVA par suite d'une décision de la CJCE relève des articles L. 190, alinéa 2 et 3, (N° Lexbase : L7600HE9) et R. 196, l-c, du LPF . Cette rétroactivité naturelle de la jurisprudence signifie que si l'IRAP devait être jugée incompatible avec le droit communautaire, le droit des intéressés d'être remboursés remonterait à 48 mois. Selon le gouvernement italien, les remboursements pourraient atteindre 120 milliards d'euros (concl. précitées, § 73). Aussi sollicite-t-il une limitation des effets d'un éventuel arrêt défavorable à l'IRAP. A l'appui de sa demande, il invoque l'arrêt "EKW et Wein & Co" (précité, § 55 à 60)).
Cet arrêt, comme d'autres, sur le fondement du principe de sécurité juridique envisage la possibilité de limiter la portée rétroactive d'une décision sous deux conditions : que les intéressés aient agi de bonne foi et qu'il y ait un risque de répercussions graves (CJCE, 15 mars 2005, aff. C-209/03, The Queen c/ London Borough of Ealing, § 66 à 69 N° Lexbase : A3859DHE). En l'espèce, selon Monsieur l'Avocat général F. G. Jacobs, le projet italien d'IRAP a été mis en oeuvre après consultation de la Commission sans opposition de cette dernière (§ 77, 78 et 80). Il admet également le risque budgétaire couru par les régions italiennes en cas de condamnation de l'IRAP (79 et 80).
Reste à fixer la limitation de la portée rétroactive d'une éventuelle condamnation de l'IRAP. Au regard de la jurisprudence communautaire, aucune demande de remboursement de taxe acquittée ou exigible avant la date de l'arrêt déclarant une disposition interne incompatible avec la sixième Directive ne doit aboutir, sauf réclamation ou procédure antérieure (arrêt "EKW et Wein & Co", précité, § 60). Cependant, la publicité donnée à l'affaire IRAP par la presse italienne inspire plus d'audace à Monsieur l'Avocat général F. G. Jacobs puisqu'il propose de reporter la date d'effet d'un éventuel arrêt sanctionnant l'IRAP à une date laissant aux régions italiennes le temps de modifier leurs législations (§ 86). Cette innovation lui paraît d'autant moins surprenante que la CJCE aurait déjà su faire preuve d'adaptation (§ 87). Toutefois, s'agissant d'une limitation pour l'avenir de la portée d'un arrêt, il lui semble légitime de permettre à tout intéressé d'exprimer son analyse et ses propositions (§ 88). La CJCE l'approuve en élargissant à l'interprétation de l'article 33 de la sixième Directive la réouverture des débats.
Cette audace du juge communautaire ne peut qu'attiser la controverse française à propos de l'éventuelle reconnaissance, au profit du juge, du pouvoir de limiter dans le temps la portée de sa jurisprudence (lire J.-L. Aubert, Introduction au droit et thèmes fondamentaux du droit civil, 10ème éd., A. Colin, n° 170 et s ; Ph. Malaurie et P. Morvan, Introduction générale, 2ème éd., Defrénois, n° 352 et s ; Les revirements de jurisprudence, Rapport au premier Président de la Cour de cassation, ouvrage collectif, Litec 2005 ; T. Revet, La légisprudence, in mélanges, Ph. Malaurie, 2005).
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Réf. : Cass. civ. 1, 13 décembre 2005, n° 02-16.605, M. Bernard Bouis c/ Mme Geneviève Seton, FS-P+B (N° Lexbase : A0331DM9)
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par Marine Parmentier, Avocat à la cour d'appel de Paris
Le 07 Octobre 2010
L'un des associés, désirant se retirer de la société, s'est prévalu de la stipulation statutaire aménageant les modalités de retrait des associés. Les autres associés, pour contourner l'obligation qui était faite à la société de racheter les parts de l'associé retrayant, se sont retranchés derrière l'arrivée du terme statutaire.
Ils soutenaient que la personnalité morale de la société n'était maintenue que pour les besoins de sa liquidation. Or, le rachat des parts sociales d'un associé retrayant est étranger aux besoins de la liquidation. En conséquence, ce dernier ne pouvait prétendre qu'à l'attribution d'un boni de liquidation.
La cour d'appel, suivie par la Cour de cassation, n'a pas fait droit à ces arguments.
Les juges ont retenu que, postérieurement à l'arrivée du terme statutaire, l'activité commune s'était maintenue et que l'affectio societatis avait persisté, aucun des associés n'ayant songé à accomplir, en temps utiles, les formalités nécessaires à sa prorogation ou à prendre ultérieurement une quelconque initiative en vue de l'ouverture d'une procédure de liquidation.
Ces constatations font ressortir l'existence d'une société de fait et, en conséquence, les statuts de la société, dissoute par la survenance de son terme statutaire, continuent de régir les rapports entre les associés. L'associé retrayant était fondé, en l'espèce, à invoquer les dispositions statutaires aménageant l'exercice de son droit de retrait.
Tout d'abord, il y a lieu de relever la rigueur de qualification de la première chambre civile : en effet, il est devenu rare que les tribunaux respectent la distinction existant entre les notions de "société de fait" et "société créée de fait".
Elles correspondent à deux situations distinctes. Alors que la société créée de fait est révélée lorsque deux ou plusieurs personnes se sont comportées, en fait, comme des associés, sans pour autant accomplir les formalités nécessaires à la constitution d'une société, la société de fait est celle qui a été voulue par les associés mais qui est entachée d'un vice impliquant sa nullité. Le recours à cette notion permettait ainsi d'éviter les inconvénients de la rétroactivité de l'annulation de la société.
La notion de "société créée de fait" a été consacrée par le législateur en 1978, ce dernier ayant, au sein de l'article 1873 du Code civil (N° Lexbase : L2074ABG), précisé que la société créée de fait répond au même régime que la société en participation.
En l'occurrence, en suivant ces définitions, une société qui a été constituée régulièrement mais qui, malgré la survenance de son terme statutaire, continue ses activités doit donc recevoir la qualification de société de fait.
Cependant, cette distinction a perdu aujourd'hui beaucoup de son importance.
Par ailleurs, l'arrêt de la première chambre civile est intéressant puisque, à notre connaissance, c'est la première fois que cette chambre de la Haute juridiction se positionne sur cette question.
La Chambre commerciale a déjà eu l'occasion de préciser qu'une société qui, malgré sa dissolution, n'est pas liquidée et continue de fonctionner, doit être requalifiée en société de fait (voir, notamment, Cass. com., 22 janvier 1969, n° 67-11.922, Société H. Fayer c/ Société Reyrenn et autres N° Lexbase : A2613AUC). La Cour de cassation indiquait que cette société de fait ne faisait que continuer la société à responsabilité limitée préexistante et que les tiers, qui ont traité avec elle, savaient que les associés, qui n'ont jamais fait croire qu'ils s'engageaient personnellement, avaient limité leurs engagements à leurs apports : en conséquence, les associés de fait ne pouvaient être recherchés personnellement au-delà de leur engagement initial.
Toutefois, comme le souligne un auteur (M. Jeantin, Bull. Joly 1993 §134), cette solution est aujourd'hui critiquable parce que à l'époque des faits, jugés en 1969, la société de fait était pourvue de la personnalité morale.
Dans un arrêt plus récent, il a été décidé qu'une société dissoute, qui n'a pas engagé d'opérations de liquidation, doit être considérée comme une société de fait dépourvue de personnalité morale (CA Paris, 4ème ch., sect. A, 29 octobre 1990, n° 89-003383, Société Auguste Dormeuil c/ SA Dormeuil frères N° Lexbase : A9573A7P).
Toutefois, cette solution pouvait être critiquée puisque, par principe, une société dissoute conserve la personnalité morale pour les besoins de sa liquidation.
Le pourvoi contre cet arrêt a été rejeté (Cass. com., 12 novembre 1992, n° 91-10.303, Société Auguste Dormeuil et compagnie c/ SA Dormeuil Frères N° Lexbase : A2247AGC).
De son côté, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a adopté une position différente : dans un arrêt du 3 février 1993, elle a précisé qu'une société, qui a pris fin par l'expiration du temps pour lequel elle a été constituée, sans que sa prorogation ait été décidée, survit pour les besoins de sa liquidation et ses statuts continuent de régir les rapports entre associés (Cass. civ. 3, 3 février 1993, n° 90-14.234, M. Fontaine c/ Résidence Concorde et autre N° Lexbase : A5423ABH).
Cependant, un auteur, commentant cet arrêt, hésite à approuver cette solution qui repose, selon lui, sur une erreur juridique qui "consiste à admettre que les statuts continuent à régir les rapports entre associés. Cette affirmation est en contradiction avec le mécanisme même de la dissolution de la société. Si la société est dissoute de plein droit, le pacte social ne peut survivre en tant que tel" (M. Jeantin, Bull. Joly 1993, §134).
Selon ce même auteur, "la seule solution admissible pourrait consister à considérer que lorsque la société est dissoute par la survenance du terme, cette société cesse d'être une société de droit, pour devenir une société créée de fait. [...] Le changement de qualification de société n'est donc ni illégitime, ni inopportun ; il est tout au contraire imposé par le passage inéluctable d'une situation de pur droit à une situation de fait".
Dans l'arrêt commenté, la première chambre civile opère bien la requalification de société de droit en société de fait, tout en affirmant que les statuts continuent de régir les rapports entre associés.
Cette solution ne nous semble pas, en l'espèce, critiquable.
En effet, l'article 1873 du Code civil soumet les sociétés créées de fait au régime des sociétés en participation. Or, il résulte de l'article 1871-1 du Code civil (N° Lexbase : L2070ABB) que "à moins qu'une organisation différente n'ait été prévue, les rapports des associés sont régis, en tant que de raison soit par les dispositions applicables aux sociétés civiles, si la société a un caractère civil, soit, si elle a un caractère commercial, par celles applicables aux sociétés en nom collectif".
Précisément, il ressort des faits de l'espèce commentée que les dispositions statutaires prévoyaient un régime spécifique en cas de retrait d'un associé.
En conséquence, et par pure application de l'article 1871-1 du Code civil, cet aménagement statutaire devait recevoir application malgré la dégénérescence d'une société de droit en société de fait.
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Le 07 Octobre 2010
Philippe Regnier : La crise des marchés boursiers a conduit les investisseurs à se détourner des produits actions et, notamment, des valeurs moyennes. Les intermédiaires en valeurs moyennes ont donc décidé de s'associer afin d'établir une réflexion commune. L'AIVM (Association des intermédiaires en valeurs moyennes) s'est créée dans le but de redynamiser le secteur et proposer des orientations pour relancer le marché des valeurs moyennes. Ainsi est né Alternext après consultation de la place et, bien entendu, en collaboration avec Euronext SA. Le but d'Alternext est d'avoir de nouveaux émetteurs afin d'appréhender de nouveaux investisseurs et, plus spécialement, les investisseurs étrangers.
Lexbase : Qu'est-ce qu'un listing sponsor et quelle est son activité ?
Philippe Regnier : Le listing sponsor est un conseiller instaurant une relation durable avec une société candidate à Alternext. Toutes les entreprises souhaitant être cotées sur Alternext doivent avoir un listing sponsor, à la fois pour leur introduction en bourse et pendant toute leur vie boursière.
Il joue un rôle essentiel dans le contrôle du respect des obligations de transparence auxquelles est soumise la société. Le listing sponsor est présent tant lors de la période de préparation de l'introduction en bourse que lors de la période post-cotation.
Concernant l'introduction en bourse, le listing sponsor prend en charge le travail préparatoire. En effet, Euronext a, en quelque sorte, délégué ses pouvoirs d'instruction du dossier aux listing sponsors. Aussi, ces derniers effectuent-ils un travail de diligence. En effet, le listing sponsor engage sa responsabilité en cas de manquement à ses obligations. Euronext serait alors susceptible de lui retirer son agrément. Selon les règles d'Alternext mises à jour le 9 janvier 2006, le listing sponsor atteste par écrit à Euronext Paris "s'être assuré, pour toute candidature d'un émetteur :
- d'avoir fourni à l'émetteur toute information utile quant aux éventuelles obligations légales et réglementaires découlant de l'opération projetée ;
- de la satisfaction de l'émetteur aux conditions de candidature et de la constitution du dossier-type requis ;
- que l'émetteur remplit ou a des chances raisonnables d'atteindre les niveaux d'ouverture du capital requis pour l'admission ;
- de l'existence d'un document d'information permettant aux investisseurs potentiels d'apprécier la situation financière et les perspectives générales de l'émetteur ;
- des moyens mis en oeuvre par l'émetteur afin de respecter ses obligations périodiques comme permanentes".
Il faut, toutefois, reconnaître que la démarche et la procédure d'Alternext sont les mêmes qu'une introduction en bourse classique. Par ailleurs, les diligences à mettre en oeuvre en vue d'une introduction sur Alternext sont similaires à celles édictées par l'AFEI.
Lexbase : Comment le listing sponsor veille-t-il à ce que la société candidate respecte les principes de transparence et d'intégrité du marché ?
Philippe Regnier : Le listing sponsor met tout en oeuvre et cette question traite tout particulièrement de la post-introduction. En tout état de cause, le listing sponsor effectue un travail de diligence. Il va contrôler la publication des informations obligatoires de la société. Le listing sponsor est chargé de contrôler en permanence cette information durant un délai minimal de deux ans, à compter de l'admission sur l'Alternext de l'Emetteur. Concrètement, cette diligence passe par des rencontres régulières avec le management de l'Emetteur. Le listing sponsor doit rechercher l'information nouvelle, l'information qui est susceptible de respecter le principe de transparence. Cette information doit être publiée sur différents sites internet, notamment celui d'Alternext, d'Euronext ou encore de l'Autorité des marchés financiers. Bien entendu, ces informations devront être mentionnées sur le propre site de l'Emetteur et devront rester en ligne pendant une durée de deux ans.
Lexbase : Quelle différence y a-t-il entre Alternext, l'Eurolist d'Euronext et le Marché libre ?
Philippe Regnier : Il faut savoir qu'Alternext vient combler le vide entre le Marché libre et l'Eurolist. Alternext est un marché régulé s'apparentant à un marché réglementé. Les Emetteurs souhaitant entrer sur un marché avec un minimum de règles mais avec, également, un accès facilité au marché, choisiront Alternext. Par ailleurs, il est à noter qu'il existe une garantie de cours (protection des actionnaires minoritaires) sur Alternext alors que ce n'est pas le cas sur le Marché libre.
De même, il faut savoir que l'Eurolist présente une procédure d'admission beaucoup plus lourde qu'Alternext. Néanmoins, quelques émetteurs d'Alternext déclarent déjà vouloir passer sur l'Eurolist.
Lexbase : L'Emetteur peut-il avoir plusieurs listing sponsors ? Peut-il en changer durant sa cotation sur Alternext ?
Philippe Regnier : Un Emetteur ne peut avoir qu'un seul listing sponsor. Il est lié à ce dernier durant les deux premières années suivant son introduction sur le marché. Cette règle est édictée par Euronext. Passé ce délai, l'Emetteur peut se délier de son listing sponsor. Néanmoins, il ne peut pas rester sur Alternext sans intermédiaire financier. Il a, alors, l'obligation de reprendre un listing sponsor. Depuis la création d'Alternext, Euronext a agréé plus de quarante listing sponsors.
Lexbase : Quelles sanctions le listing sponsor peut-il encourir en cas de manquement à ses obligations ?
Philippe Regnier : Il faut rappeler que le listing sponsor n'a aucun intérêt à manquer à ses obligations. En effet, la volonté d'Euronext est de faire croître le marché d'Alternext. En cas de manquement de l'Emetteur à ses obligations de communication, le listing sponsor doit démontrer à Euronext qu'il a accompli toutes les diligences raisonnables pour remédier à la situation. A défaut, Euronext dispose d'un arsenal de sanctions destinées à réprimer le listing sponsor. L'échelle des sanctions comporte la simple lettre d'avertissement lui enjoignant des mesures correctrices ainsi que l'interdiction de procéder à de nouvelles admissions, tout en maintenant le listing sponsor dans ses obligations à l'égard des Emetteurs déjà admis. Enfin, le listing sponsor peut être purement et simplement radié de la liste des établissements agréés pour cette fonction.
Propos recueillis par Damien Mancel,
SGR - Droit boursier.
(1) Avenir Finance Corporate est le spécialiste du financement des PME-PMI. Depuis la création d'Alternext, Avenir Finance Corporate a déjà participé à plus de six introductions sur Alternext.
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par Compte-rendu réalisé par Anne-Lise Lonné, Rédactrice en chef de la Revue Lexbase de Droit Public
Le 07 Octobre 2010
I. Le diagnostic technique amiante
L'amiante, interdit en France depuis le 1er janvier 1997, reste présent dans de nombreux bâtiments. Le Code de la santé publique prévoit, ainsi, pour tous les immeubles dont le permis de construire a été délivré après cette date, l'obligation de réaliser trois types de repérages : un repérage en vue du diagnostic technique amiante, un repérage avant cession, et un repérage avant destruction, ce dernier étant le plus complet.
Le repérage de l'amiante a vu son champ d'application s'élargir progressivement, limité aux flocages et calorifugeages en 1996, avant d'être étendu aux sous-plafonds en 1997, puis à d'autres matériaux en 2001, tels qu'enduits, éléments situés à l'intérieur des immeubles.
Les collectivités ont donc l'obligation d'établir un diagnostic technique amiante (DTA) et de le mettre à jour, tous les trois ans. La date d'échéance pour réaliser le DTA était fixée au 31 décembre 2005, mais force est de constater que les délais n'ont pas été tenus. Pour autant, il ne s'agissait pas d'aller "au plus vite et au moins cher" pour respecter, à tout prix, les délais. Il a été indiqué qu'il n'était pas question de reporter l'échéance, s'agissant d'un problème de santé publique. En l'absence de sanctions prévues par le Code de santé publique, il est fort probable que des sanctions soient mises en place.
Quelques recommandations pratiques pour réaliser un diagnostic technique peuvent être formulées :
- la collectivité doit commencer par identifier les immeubles bâtis concernés : tous sauf quelques exceptions très mineures ;
- ensuite, elle doit choisir son opérateur de repérage. Il est fortement recommandé d'exiger une attestation de compétence délivrée par un organisme certifié. A cet égard, deux normes sont actuellement en vigueur : la norme NF X 46-020 (qui date de novembre 2002 : repérage des matériaux et produits contenant de l'amiante dans les immeubles bâtis - mission et méthodologie) et la norme NF X 46-023 (qui date d'octobre 2005 : éléments de cartographie du repérage des matériaux et produits contenant de l'amiante dans les immeubles bâtis). Aussi, il convient d'exiger la mise en oeuvre de ces deux normes dans les appels d'offres ;
- par ailleurs, la collectivité doit organiser le repérage en favorisant l'accès aux locaux, mais aussi en fournissant les rapports des flocages, calorifugeages et faux plafonds, ce qui permettra d'améliorer le travail du diagnostiqueur ;
- enfin, le prélèvement et l'analyse d'échantillon constituent une nécessité, s'agissant du seul moyen de repérage pour les nouveaux matériaux. Il a pu être constaté que certains appels d'offres veulent limiter l'analyse par prélèvements, car ils représentent un coût élevé. Cette démarche, fort pernicieuse, doit être bannie.
Ainsi, le coût d'un bon diagnostic est nécessairement élevé, mais si la collectivité veut qu'il joue son rôle, il doit être réalisé avec sérieux, dans la mesure où il constitue un enjeu important. En tout état de cause, en sélectionnant automatiquement les moins-disants, le maître d'ouvrage engage sa responsabilité, à la fois en tant qu'élu local et en tant qu'employeur.
Le dossier technique amiante (DTA) constitue un processus d'information et de suivi, impliquant un certain nombre d'obligations pour les collectivités. Ainsi, les collectivités doivent remettre aux occupants des locaux, la fiche récapitulative. Si les locaux sont à usage de travail, le DTA doit être tenu à disposition des représentants du personnel, de la CRAM (caisse régionale d'assurance maladie) ou de l'inspection du travail. Enfin, le DTA doit être remis à toute personne intervenant pour des travaux sur l'immeuble. A cet égard, il est fortement conseillé de tracer la remise des documents. Inversement, l'entreprise qui réalise des travaux doit demander le DTA : les obligations sont réciproques.
II. Le diagnostic performance énergétique
La loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005, de programme fixant les orientations de la politique énergétique (N° Lexbase : L8406G99), comprend, notamment, des dispositions portant transposition de la Directive européenne, n° 2002/91 du 16 décembre 2002, sur la performance énergétique des bâtiments (N° Lexbase : L9979A84).
Ces dispositions ont pour objet de demander aux maîtres d'ouvrage des constructions nouvelles, conformément aux dispositions de la Directive européenne, de réaliser des études préalables d'approvisionnement en énergie leur permettant d'apprécier les avantages que peut leur procurer l'emploi d'énergies renouvelables. Des décrets doivent définir les catégories de bâtiments concernés, notamment en fonction de leur nature et de leur importance. Elles visent également à demander aux propriétaires de bâtiments qui réalisent des travaux de rénovation importants de respecter des exigences de performance énergétique et de mener des études préalables aux travaux sur l'approvisionnement en énergie renouvelable. Par ailleurs, il s'agit de demander aux propriétaires de bâtiments qui mettent en place de nouvelles installations comme la chaudière, le mode de chauffage ou de production d'eau chaude, ou qui changent les fenêtres ou modifient la ventilation des murs en contact avec l'extérieur, de respecter les exigences portant sur leurs distinctifs thermiques.
Un diagnostic doit donc être réalisé au préalable. A cet égard, l'article 41 de la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004, de simplification du droit de 2004 (N° Lexbase : L4734GUU) a inséré un chapitre 4 au titre III du livre Ier du Code de la construction et de l'habitation, relatif au diagnostic de performance énergétique. Des décrets et arrêtés seront pris au 1er semestre 2006.
Le diagnostic performance énergétique constitue une réelle opportunité pour les collectivités locales. En effet, il s'agit d'un outil peu coûteux et rapide à mettre en oeuvre, permettant de démultiplier les opérations programmées d'amélioration thermique des bâtiments (OPATB) et les opérations d'amélioration de l'habitat (OPAH). En outre, il constitue un véritable levier pour les politiques responsables et écologiques menées par les collectivités locales.
III. L'accessibilité aux personnes handicapées
La loi n° 2005-102 du 11 février 2005, pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées (N° Lexbase : L5228G7R), a introduit diverses dispositions dans le Code de la construction et de l'habitation visant à améliorer l'accessibilité des bâtiments aux personnes. Un certain nombre de décrets, attendus en début d'année 2006, doivent déterminer l'ensemble des contraintes qui devront être respectées dans les bâtiments existants recevant du public.
Rappelons, que ces contraintes devront prendre en compte tous les types de handicaps, notamment physique, sensoriel, cognitif, mental ou psychique. Les exigences seront fixées par type et par catégorie d'établissement. A cet égard, il a été annoncé que pour les établissements de 1° à 4° catégorie (plus de 300 personnes), ces exigences seront similaires à celles du neuf, avec quelques adaptations. Pour ceux de 5° catégorie, les exigences devront être respectées dans une partie seulement de l'établissement. Des dérogations exceptionnelles pourront être accordées après avis conforme de la commission départementale consultative de la protection civile, de la sécurité et de l'accessibilité. L'octroi de subventions sera subordonné à la production d'une attestation justifiant la prise en compte des règles concernant l'accessibilité. Le délai de mise en conformité devra s'effectuer au plus tard avant 2015.
Signalons, à titre d'exemple, les réalisations de la ville de Cannes, qui a anticipé la future réglementation en matière d'accessibilité aux handicapés. A ce titre, Serge Massis, directeur de l'Ecologie et du Développement durable à la ville de Cannes, est venu donner quelques conseils aux collectivités qui vont devoir, très prochainement, se mettre en conformité avec la nouvelle réglementation à venir.
Avant tout, le rôle de la collectivité consiste à faire preuve d'exemplarité, en respectant les délais fixés, à sensibiliser les professionnels, en réalisant des enquêtes auprès d'eux, et à inciter tous les partenaires privés (cinémas, supermarchés...).
Les types de handicaps auxquels la ville de Cannes a décidé de s'attacher sont relativement variés puisqu'il s'agit des handicaps moteur, mental, auditif, visuel, mais aussi des personnes ayant des incapacités respiratoires, des personnes âgées, des personnes allergiques...
Les objectifs que la collectivité s'est fixés concernant les équipements ont consisté à respecter les normes, présenter un confort d'usage, permettre performances et fiabilités, offrir une maintenance réduite et aboutir à une adequation budgétaire.
Exemple de cahier des charges :
- le comportement : sensibiliser le personnel, favoriser l'accueil du public, informer les utilisateurs ;
- l'extérieur : le stationnement, les accès, les acheminements, les obstacles... ;
- l'intérieur : la signalétique, les portes, les marches, l'ascenseur, l'éclairage, les sanitaires... ;
- la sécurité : le téléphone, les alarmes, les barrières...
Exemples d'aménagements :
Un principe essentiel doit guider l'ensemble du projet : les aménagements doivent être naturels et servir à tous, et ainsi être intégrés dans tous les travaux neufs, de réhabilitation et d'entretien.
Concrètement, les aménagements réalisés sont : la signalétique en braille, des sols podotactiles, des couleurs et/ou lumières adaptées, des plateaux modulales, des sanitaires pour personnes handicapées, touches d'appels sonores dans les ascenseurs, dimensionnement des portes ...
Au niveau des coûts, signalons que sur 618 bâtiments, les aménagements ont généré 7 à 8 millions d'euros de travaux.
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