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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la rédaction
Le 27 Mars 2014
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Réf. : Cass. soc., 11 janvier 2006, n° 04-46.201, M. Joël Ains c/ Société Les Pages Jaunes, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A3500DML) ; Cass. soc., 11 janvier 2006, n° 05-40.977, Société Pages Jaunes c/ M. Philippe Delporte, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A3522DME)
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N3341AKX
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par Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale
Le 07 Octobre 2010
Décisions
Cass. soc., 11 janvier 2006, n° 04-46.201, M. Joël Ains c/ Société Les Pages Jaunes, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A3500DML) ; Cass. soc., 11 janvier 2006, n° 05-40.977, Société Pages Jaunes c/ M. Philippe Delporte, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A3522DME) Rejet (cour d'appel de Dijon, Chambre sociale, 29 juin 2004) et cassation partiellement sans renvoi (cour d'appel de Montpellier, Chambre sociale, 15 décembre 2004) Textes concernés et visés : C. trav., art. L. 122-14-3 (N° Lexbase : L5568AC9) ; C. trav., art. L. 321-1 (N° Lexbase : L8921G7K) Mots-clefs : licenciement pour motif économique ; modification du contrat de travail ; nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise. Lien bases : |
Résumé
La réorganisation de l'entreprise constitue un motif économique de licenciement si elle est effectuée pour en sauvegarder la compétitivité ou celle du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient ; répond à ce critère la réorganisation mise en oeuvre pour prévenir des difficultés économiques liées à des évolutions technologiques et leurs conséquences sur l'emploi, sans être subordonnée à l'existence de difficultés économiques à la date du licenciement. |
Faits et procédures
1. La société Les Pages Jaunes, appartenant au groupe France Télécom, a mis en place, en novembre 2001, un projet de réorganisation, afin d'assurer la transition entre les produits traditionnels (annuaire papier et minitel) et ceux liés aux nouvelles technologies de l'information (internet, mobile, site), qu'elle jugeait indispensable à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise, compte tenu des conséquences prévisibles de l'évolution technologique et de son environnement concurrentiel. Le projet, soumis au comité d'entreprise, prévoyait la modification du contrat de travail des 930 conseillers commerciaux, portant sur leurs conditions de rémunération et l'intégration de nouveaux produits dans leur portefeuille. Plusieurs salariés, après avoir refusé cette modification, ont saisi la juridiction prud'homale de demandes tendant, notamment, au paiement d'une indemnité pour absence de proposition d'une convention de conversion et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. 2. Premier arrêt : La cour d'appel de Dijon a rejeté les demandes de 35 salariés. Second arrêt : La cour d'appel a infirmé le jugement du conseil de prud'hommes et fait droit aux demandes du salarié, après avoir retenu que l'employeur ne peut prétendre que sa compétitivité était menacée au point de risquer la survie de l'entreprise alors qu'il est présenté, non pas une baisse du chiffre d'affaires, mais une modification de sa structure, qu'en 2003 sa situation était largement bénéficiaire, et qu'il résulte du plan de réorganisation commerciale qu'il avait pour objet d'améliorer l'activité de sites déficitaires, de développer la valeur moyenne de chacun des clients et de développer des offres publicitaires nouvelles à un rythme plus élevé, ce dont il résulte que cette réorganisation avait pour objet unique d'améliorer la compétitivité de l'entreprise et de faire des bénéfices plus élevés, dans un contexte concurrentiel nullement menaçant. |
Solution
1er arrêt : rejet 1. "La cour d'appel, qui a retenu à bon droit que l'accord interprofessionnel du 20 octobre 1986 ne s'appliquait pas aux licenciements économiques prononcés après le 30 juin 2001 et qui a constaté que les intéressés avaient été licenciés après cette date, a légalement justifié sa décision". 2. "La cour d'appel, après avoir constaté que les dispositions du plan social comportaient un ensemble de mesures de reclassement interne et externe, a pu en déduire qu'elles répondaient aux exigences légales et étaient proportionnées aux moyens de l'entreprise". 3. "La réorganisation de l'entreprise constitue un motif économique de licenciement si elle est effectuée pour en sauvegarder la compétitivité ou celle du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient ; répond à ce critère la réorganisation mise en oeuvre pour prévenir des difficultés économiques liées à des évolutions technologiques et leurs conséquences sur l'emploi, sans être subordonnée à l'existence de difficultés économiques à la date du licenciement ; il s'ensuit que la modification des contrats de travail résultant d'une telle réorganisation a, elle-même, une cause économique". 2ème arrêt : cassation partiellement sans renvoi 1. "La réorganisation de l'entreprise constitue un motif économique de licenciement si elle est effectuée pour en sauvegarder la compétitivité ou celle du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient, et répond à ce critère la réorganisation mise en oeuvre pour prévenir des difficultés économiques à venir liées à des évolutions technologiques et leurs conséquences sur l'emploi, sans être subordonnée à l'existence de difficultés économiques à la date du licenciement ; la modification des contrats de travail résultant de cette réorganisation ont, eux-mêmes, une cause économique". 2. "En statuant comme elle l'a fait, alors que le licenciement de M. Delporte avait une cause économique réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; en application de l'article L. 627, alinéa 2, du Nouveau Code de procédure civile (N° Lexbase : L2884AD8), la Cour de cassation est en mesure, en cassant sans renvoi, de mettre fin au litige par application de la règle de droit appropriée". 3. Cassation sans renvoi |
Commentaire
1. La fin de l'interprétation stricte de la notion de sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise
L'article L. 321-1 du Code du travail (N° Lexbase : L8921G7K) définit le licenciement pour motif économique comme "le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques". Le texte ayant indiqué, par la présence de l'adverbe "notamment", que la liste des événements à l'origine de la suppression d'un emploi, de sa transformation ou de la modification du contrat de travail, n'était pas limitée aux seules hypothèses de difficultés économiques ou de mutations technologiques, la jurisprudence a admis comme cause supplémentaire la cessation de l'activité résultant du non-renouvellement du bail commercial (Cass. soc., 16 janvier 2001, n° 98-44.647, M. Daniel Morvant, publié N° Lexbase : A2160AIT, Dr. Soc. 2001, p. 413, chron. J. Savatier ; D. 2001, somm. p. 2170, obs. C. Boissel) ou de la maladie de l'employeur (CA Nancy, 16 janvier 1991, RJS 1991, n° 830). La Cour de cassation a aussi, et surtout, admis, en 1995, que "lorsqu'elle n'est pas liée à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques, une réorganisation ne peut constituer un motif économique que si elle est effectuée pour sauvegarder la compétitivité du secteur d'activité" (Cass. soc., 5 avril 1995, n° 93-42.690, Société Thomson Tubes et Displays c/ Mme Steenhoute et autres, publié N° Lexbase : A4018AA3, RJS 1995, n° 496 et p. 321 et s., concl. Y. Chauvy ; SSL n° 740 du 18 avril 1995, rapp. B. Boubli ; D. 1995, jurispr. p. 503, note M. Keller ; JCP G 1995, II, 22443, note G. Picca ; Dr. ouvrier 1995, p. 281, note A. Lyon-Caen ; Dr. soc. 1995, p. 489, chron. G. Lyon-Caen).
La formulation de cette nouvelle cause a, par la suite, été assouplie, puisque la Cour de cassation a abandonné la formulation négative ("ne peut constituer que si") pour une expression plus simple et directe, moins restrictive ("si une restructuration entraînant la suppression de poste d'un salarié peut constituer une cause économique de licenciement, c'est à la condition que cette mesure soit nécessaire pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise" : Cass. soc., 11 juin 1997, n° 94-45.175, Mme Kryger c/ M. Raguin, publié N° Lexbase : A2165AAG), même si, dans de nombreux arrêts où la Cour de cassation entendait manifester une certaine sévérité à l'égard des entreprises, la formule initiée en 1995 réapparaissait (Cass. soc., 15 janvier 2003, n° 00-44.793, F-D N° Lexbase : A6866A43). La jurisprudence postérieure a fourni plusieurs précisions intéressantes.
La première concerne l'autonomie de cette cause économique qui a été, très logiquement, affirmée : la réorganisation de l'entreprise justifiée par la nécessité de sauvegarder sa compétitivité suffit, sans qu'il soit utile de prouver l'existence de mutations technologiques ou de difficultés économiques (Cass. soc., 24 septembre 2002, n° 00-44.007, FS-P sur le premier moyen N° Lexbase : A4873AZI). C'est ce que confirment, de manière plus claire encore, ces deux arrêts rendus le 11 janvier 2006, puisque la Cour de cassation affirme que "la réorganisation de l'entreprise constitue un motif économique de licenciement si elle est effectuée pour en sauvegarder la compétitivité ou celle du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient, et que répond à ce critère la réorganisation mise en oeuvre pour prévenir des difficultés économiques à venir liées à des évolutions technologiques et leurs conséquences sur l'emploi, sans être subordonnée à l'existence de difficultés économiques à la date du licenciement".
La seconde précision concerne les limites imposées aux juges du fond. Une fois vérifié que la réorganisation est nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise, les juges du fond n'ont pas à effectuer de contrôle de proportionnalité en jugeant "le choix effectué par l'employeur entre les solutions possibles" (Ass. plén., 8 décembre 2000, n° 97-44.219, Société anonyme de télécommunications (SAT) c/ M. Coudière et autres, publié N° Lexbase : A0328AUP). L'examen de la jurisprudence ne permettait toutefois pas, jusqu'ici, de dégager de ligne de conduite bien claire ni des critères fiables permettant de déterminer dans quelles hypothèses l'entreprise pouvait justifier une mesure de réorganisation au nom de la nécessité de sauvegarder sa compétitivité. La Cour de cassation s'était simplement montrée d'une extrême sévérité, comme en témoigne le nombre important de cassations, soit pour violation de la loi lorsque les juges du fond confondaient sauvegarde de la compétitivité et amélioration des relations avec les clients (Cass. soc., 20 novembre 2002, n° 00-45.343, F-D N° Lexbase : A0606A49), soit pour manque de base légale, la Cour rejetant, également, de nombreux pourvois contre des décisions ayant refusé d'admettre ce motif (Cass. soc., 17 décembre 2002, n° 00-45.621, FS-P N° Lexbase : A4954A4A ; Cass. soc., 21 septembre 2005, n° 03-47.065, F-D N° Lexbase : A5127DK4), parfois même en se référant au pouvoir souverain d'appréciation des juges du fond, concernant les menaces pesant sur la compétitivité de l'entreprise (Cass. soc., 15 janvier 2003, n° 00-44.793, F-D N° Lexbase : A6866A43 ; Cass. soc., 10 décembre 2003, n° 02-40.293, F-D N° Lexbase : A4397DA4).
C'est dans ce contexte, marqué à la fois par l'absence de véritable directive pour apprécier la notion de sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise et une certaine hostilité latente de la Cour de cassation à l'égard de cette possibilité, qu'interviennent ces deux arrêts rendus le 11 janvier 2006, qui ont pour double intérêt, à la fois d'admettre cette justification, et de fournir un critère explicatif. 2. L'extension du recours au critère de la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise
Dans ces deux arrêts, qui concernent la même affaire, la société Les Pages Jaunes, appartenant au groupe France Télécom, avait mis en place, en novembre 2001, un projet de réorganisation afin d'assurer la transition entre les produits traditionnels (annuaire papier et minitel) et ceux liés aux nouvelles technologies de l'information (internet, mobile, site), qu'elle jugeait indispensable à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise, compte tenu des conséquences prévisibles de l'évolution technologique et de son environnement concurrentiel. Le projet, soumis au comité d'entreprise, prévoyait la modification du contrat de travail des 930 conseillers commerciaux portant sur leurs conditions de rémunération et l'intégration de nouveaux produits dans leur portefeuille. Plusieurs salariés, après avoir refusé cette modification, avaient saisi la juridiction prud'homale de demandes tendant, notamment, au paiement d'une indemnité pour absence de proposition d'une convention de conversion et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Dans la première affaire, la cour d'appel de Dijon avait donné raison à l'entreprise alors que, dans la seconde, la cour d'appel de Montpellier avait refusé de considérer la réorganisation comme justifiée, après avoir relevé que la situation financière de l'entreprise était largement bénéficiaire et qu'il s'agissait non pas de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise mais, simplement, de l'améliorer et de faire des bénéfices plus élevés, dans un contexte concurrentiel nullement menaçant. La référence à la recherche d'un accroissement des profits semblait de nature à emporter la conviction de la Cour de cassation qui s'était, jusqu'à présent, montrée très sévère à l'égard des entreprises placées dans une situation comparable. Pourtant et, serait-on tenté de dire, contre toute attente, l'arrêt est cassé, la Cour de cassation affirmant que "répond à ce critère la réorganisation mise en oeuvre pour prévenir des difficultés économiques à venir liées à des évolutions technologiques et leurs conséquences sur l'emploi". L'affirmation prend une signification particulière dans la mesure où l'arrêt est cassé pour violation de la loi, et donc pas pour une insuffisance dans sa motivation, et n'est pas renvoyé devant une nouvelle juridiction du fond. Cette affirmation suggère deux commentaires.
La Cour de cassation impose, ici, aux juges du fond une forme incontestable de réalisme économique. Le basculement du "tout papier" vers le "tout numérique" entraîne, incontestablement, des bouleversements dans l'organisation des entreprises et sur l'emploi qui se trouve, bien entendu, menacé, l'introduction des technologies de la communication et de l'information ayant déjà eu, à de très nombreuses reprises, un impact négatif sur les métiers traditionnels. Refuser aux entreprises concernées le droit de se réorganiser, à un moment où tout va bien, sous prétexte précisément que tout va bien, serait un non sens et relèverait d'une forme de suicide économique. Ce type de réorganisation doit, au contraire, être mise en oeuvre lorsque la situation économique de l'entreprise le lui permet, dans la mesure où elle mobilise des moyens financiers considérables. Dans une économie libérale aussi concurrentielle, l'entreprise qui ne s'adapte pas est vouée à disparaître.
La Cour de cassation livre, également, une clef d'analyse qui pourrait ressembler plus à une justification socio-économique qu'à un véritable critère : la mesure de réorganisation doit être destinée à "prévenir des difficultés économiques à venir liées à des évolutions technologiques et leurs conséquences sur l'emploi". La Cour n'entend donc pas donner un blanc-seing aux entreprises concernées, comme pourrait pourtant le suggérer la généralité de la formule employée. C'est parce que les menaces sur l'emploi sont avérées que le motif est admis, et non pas seulement parce que l'employeur le prétend. Pour que cet argument soit retenu, il sera donc vraisemblablement nécessaire de démontrer que d'autres entreprises, relevant du même secteur d'activité, et qui ne sont pas réorganisées, ont été contraintes de réduire le nombre de leurs emplois.
La solution retenue, parce qu'elle semble bien équilibrée, nous semble bienvenue. Les juges ne sont pas là pour substituer à la réalité du monde économique une vision utopiste où il suffirait de refuser l'idée de difficultés économiques à venir pour que ces dernières ne se produisent pas. Mieux vaut prévenir que guérir ! Il n'est, d'ailleurs, pas indifférent que ce plan de restructuration ne s'était pas traduit, dans l'entreprise Pages Jaunes, par des suppressions d'emplois mais par des modifications du contrat de travail d'un certain nombre de salariés, chargés de mettre en oeuvre la politique de l'entreprise. Le message pourrait donc bien, également, s'adresser aux salariés qui ne doivent pas camper sur leurs acquis mais aussi, parfois, accepter les contraintes de la modernisation de l'activité économique ; à bon entendeur, salut ! |
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Réf. : Accord national interprofessionnel du 22 décembre 2005, relatif à l'aide au retour à l'emploi et à l'indemnisation du chômage (N° Lexbase : L0293HGX)
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par Christophe Willmann, Professeur à l'Université de Haute Alsace
Le 07 Octobre 2010
Les partenaires sociaux n'ont pas remis en cause la référence qui a inspiré en profondeur la réforme du régime d'assurance chômage en 2001, l'activation des dépenses passives de chômage. Ce modèle a été reproduit par les partenaires sociaux en 2004 et, à nouveau, en 2006 (Ani du 22 décembre 2005). L'objectif est de mobiliser les ressources du régime d'assurance chômage dans des dispositifs de retour à l'emploi, d'aide à l'embauche ou à la création d'entreprises.
1.1. Aides au retour à l'emploi destinées aux chômeurs
La création, par la convention d'assurance chômage du 1er janvier 2001, de dispositifs d'accompagnement personnalisé des chômeurs sous la forme d'une contractualisation des relations Assedic/chômeurs (Pare, Pap) avait marqué les esprits. Aujourd'hui, le débat ne porte plus sur le fond, qui réalise un large consensus, mais sur son support technique, le contrat Pare (réf. bibliographiques abondantes ; v., en dernier lieu, P. Morvan, art. prec., JCP Ed. S 22 novembre 2005, p. 3 ; J. Delors (pres.), Aides au retour à l'emploi, Rapport Cerc n° 6, déc. 2005).
L'Ani du 22 décembre 2005 (art. 1) innove en mettant en place un diagnostic initial sur la situation du demandeur d'emploi et sa distance à l'emploi, permettant une différenciation des parcours et une adaptation des prestations proposées, conformément au projet personnalisé d'accès à l'emploi (C. trav., art. R. 311-3-11 N° Lexbase : L7879HBG et R. 311-3-12 N° Lexbase : L7880HBH). Le demandeur d'emploi bénéficie d'une première évaluation personnalisée et d'une information sur les perspectives d'évolution des métiers, en vue d'actions de reclassement immédiat, de la réalisation éventuelle d'un bilan de compétence, d'une action de validation des acquis de l'expérience, de la prescription d'une formation complémentaire dont l'intérêt pour son reclassement a été identifié directement, ou de la conclusion d'un contrat de professionnalisation.
Inspirés par cette même dynamique d'activation des dépenses passives, les partenaires sociaux ont voulu faciliter l'entrée des allocataires dans une démarche de validation des acquis de l'expérience (VAE) et renforcer les efforts de formation des chômeurs indemnisés (accord 22 décembre 2005, art. 2 et 3). L'Ani du 22 décembre 2005 prévoit à cet effet que l'Unédic prenne en charge les dépenses liées à la VAE dès lors qu'elles ne sont pas couvertes par d'autres financeurs et que les diplômes ou les certificats préparés favorisent l'accès à des emplois identifiés au niveau territorial ou professionnel.
Ces actions ont vocation à être réservées, en priorité, aux allocataires justifiant de plus de 20 ans d'activité professionnelle ou âgés de plus de 45 ans, ou susceptibles d'obtenir une certification leur permettant d'accéder à des métiers reconnus prioritaires.
De même, les partenaires sociaux ont voulu intégrer dans le champ du régime d'assurance chômage, l'esprit et la logique qui sous-tendent l'Ani du 5 décembre 2003 relatif à l'accès des salariés à la formation tout au long de la vie professionnelle. L'accord du 22 décembre 2005 prévoit que les aides à la formation financées par l'Unédic sont réservées à des actions de formation répondant à des besoins identifiés, dont la satisfaction est un préalable à une embauche (AFPE), ou à des actions de formation renforçant les capacités professionnelles des allocataires concernés pour répondre à des besoins de qualification identifiés au niveau territorial ou professionnel (formations conventionnées) ou à des tensions sur certains métiers.
Se substituant, depuis 2004, aux contrats de formation en alternance (contrat de qualification, contrat d'adaptation, contrat d'orientation), les contrats de professionnalisation sont considérés par les partenaires sociaux comme un instrument privilégié de formation et d'insertion des demandeurs d'emploi. L'accord du 22 décembre 2005 (art. 4) marque la volonté des partenaires sociaux de réactiver le dispositif.
Depuis le 1er janvier 2006, l'Unédic complète le salaire versé par l'entreprise par une fraction de l'allocation de retour à l'emploi (Are), dans la limite de ses durées de versement, afin que le salaire offert à l'allocataire en contrat de professionnalisation soit incitatif, c'est-à-dire au moins égal à 120 % de l'Are. Le régime d'assurance chômage attribue une aide forfaitaire à l'employeur dont la durée maximale ne pourra dépasser la durée de la période de formation, afin que les entreprises soient incitées à proposer aux allocataires ces contrats de professionnalisation. L'objectif est de parvenir à 80 000 contrats de professionnalisation par an.
Pour faciliter l'accès à l'emploi durable des titulaires de CDD, les partenaires sociaux ont mis en place un certain nombre de dispositifs spécifiques adaptés à leur situation (art. 5). Parmi ceux-ci, il faut mentionner, pour les allocataires qui ne remplissent pas les conditions d'accès au Cif-CDD (art. 2-40, al. 1, Ani 5 décembre 2003), l'ouverture d'un droit au Cif-CDD dès lors qu'ils ont été salariés en CDD pendant 6 mois, consécutifs ou non, au cours des 22 derniers mois précédant la fin de leur dernier contrat de travail.
L'allocataire bénéficie, pendant la durée de son indemnisation, du versement de l'Are et du versement d'une indemnité financée par l'Opacif et calculée sur la base du différentiel, entre 80 % de la moyenne des salaires perçus au cours des 6 derniers mois sous contrat à durée déterminée et le montant de l'Are qui lui est versée.
Les partenaires sociaux ont voulu, également, sécuriser le parcours professionnel des saisonniers afin de leur permettre un accès à d'autres emplois par une mobilisation renforcée de l'ensemble des mesures d'aide au retour à l'emploi (supra). L'objectif est de limiter à trois le nombre de périodes successives de versement des allocations au titre du chômage saisonnier, après que les allocataires aient été reconnus chômeurs saisonniers au sens de l'accord d'application n° 4 du 27 décembre 2002.
Mais, ces dispositions ne sont applicables qu'aux allocataires reconnus comme saisonniers à compter du 1er janvier 2006.
Les partenaires sociaux ont modifié le régime juridique du cumul du salaire avec un revenu de remplacement, tel que fixé par la convention d'assurance chômage du 1er janvier 2004. Le salarié privé d'emploi, qui exerce une activité occasionnelle ou réduite de 136 heures au plus perçoit l'Are, sous réserve qu'il conserve, après avoir perdu une partie de ses activités, une ou plusieurs autres activités salariées lui procurant une rémunération n'excédant pas 70 % des rémunérations brutes mensuelles perçues avant la perte d'une partie de ses activités. Il faut rappeler que cette règle continue à s'appliquer pour les allocataires, même après le 1er janvier 2006, au titre de la convention du 1er janvier 2004.
L'Accord du 22 décember 2005 (art. 7) prévoit, pour les nouveaux entrants dans le régime d'assurance chômage, que l'activité occasionnelle ou réduite du salarié privé d'emploi ne doit pas excéder 110 heures (contre 136 heures auparavant) pour ouvrir droit au cumul de l'Are avec la rémunération afférente à cette activité. Ce cumul est assuré dans la limite de 15 mois pour les salariés âgés de moins de 50 ans. Ces dispositions sont applicables seulement aux salariés involontairement privés d'emploi dont la date de fin de contrat de travail est postérieure au 31 décembre 2005.
Dans la continuité de l'Ani ouvert à la signature le 13 octobre 2005 sur l'emploi des seniors (lire nos obs., La place de l'accord national interprofessionnel du 13 octobre 2005 dans les politiques de vieillissement actif, Lexbase Hebdo n° 191 du 24 novembre 2005 - édition sociale N° Lexbase : N1192AKD), les partenaires sociaux ont voulu mettre en place un dispositif de soutien à l'activité des seniors (accord 22 décembre 2005, art. 8).
Dès lors qu'un allocataire de 50 ans et plus, ou indemnisé depuis plus de 12 mois, reprend un emploi dans une autre entreprise que celle dans laquelle il exerçait son activité précédente, qui n'entre pas dans le champ des règles applicables aux activités réduites, et dont la rémunération est, pour une même durée du travail, inférieure d'au moins 15 % à la rémunération de son emploi précédent, il peut percevoir une allocation de retour à l'emploi différentielle de reclassement.
Cette allocation, dont l'objet est de compenser sa baisse de rémunération, lui est versée mensuellement pour une durée qui ne peut excéder la durée maximum de versement de ses allocations, et dans la limite d'un montant total plafonné à 50 % de ses droits résiduels à l'Are.
1.2. Aides au retour à l'emploi destinées aux chômeurs créateurs d'entreprise et aux employeurs
La convention du 1er janvier 2004 avait déjà mis en place un dispositif d'aide dégressive, versée par l'Assédic à l'employeur qui embauche un demandeur d'emploi rencontrant des difficultés particulières de réinsertion. Les partenaires sociaux ont entendu infléchir cette logique, pour modifier les publics cibles (accord du 22 décembre 2005, art. 9). Seule l'embauche d'un allocataire âgé de 50 ans et plus par une autre entreprise que celle dans laquelle il exerçait son activité précédente ou l'embauche d'un allocataire indemnisé depuis plus de 12 mois ouvre droit au versement de l'aide dégressive à l'employeur, dans la limite de la durée de versement de l'Are différentielle (Ani du 22 décembre 2005, art. 8).
Afin de développer de nouveaux parcours de reclassement en faveur des allocataires en leur facilitant la reprise ou la création d'entreprise, les partenaires sociaux ont voulu mettre en place une aide spécifique (accord du 22 décembre 2005, art. 10). L'allocataire qui, lorsqu'il crée ou reprend une entreprise, ne remplit pas les conditions pour bénéficier du régime des activités réduites, peut obtenir le versement, sous forme de capital, d'une somme égale à la moitié du montant du reliquat de ses droits à l'allocation chômage (Are).
Ce capital lui est versé en deux fractions, la première au moment de la création ou de la reprise de l'entreprise, et la seconde 6 mois après le premier versement. Mais, le bénéfice de ce dispositif est subordonné à l'obtention de l'Accre ou à la validation d'un projet de reprise d'entreprise.
2. Réforme, en pointillé, de l'indemnisation du chômage
2.1. Ressources
Pour contribuer à un retour vers l'équilibre financier, les partenaires sociaux ont majoré de 0,04 point, au 1er janvier 2006, les taux de contribution des employeurs et des salariés au financement du régime d'assurance chômage (accord 22 décembre 2005, art. 13). Ainsi, au 1er janvier 2006, le taux est de 6,48 %, dont 4,04 % pour les employeurs et 2,44 % pour les salariés.
Cette augmentation très modeste des cotisations (chiffrée à 160 milliards pour chacune des contributions) exprime l'absence de consensus des partenaires sociaux sur cette question.
Enfin, les partenaires sociaux ont prévu que ces majorations cesseront de s'appliquer à compter du 1er janvier 2007 si le résultat financier de l'année 2006 du régime d'assurance chômage est équilibré. A défaut, elles cesseront à compter du 1er janvier 2008 si le résultat financier de l'année 2007 du régime d'assurance chômage enregistre un excédent d'au moins 2 milliards d'euros.
2.2. Calcul et montant des allocations
Les économies contribuant à espérer un équilibre financier du régime ont été surtout réalisées par une refonte des calculs d'indemnisation, c'est-à-dire leur montant (durée) et mode de calcul (période de référence, ancienneté dans le salariat) (accord du 22 décembre 2005, art. 14). Selon les organisations syndicales, la réorganisation des filières permettrait une économie de 474 millions d'euros par an.
La "filière A" reste inchangée. Le chômeur doit justifier de 6 mois d'affiliation dans une période de référence de 22 mois (donnée inchangée : il était exigé 6 mois d'affiliation au cours des 22 mois qui précèdent la fin du contrat de travail dans la convention d'assurance chômage du 1er janvier 2004), lui ouvrant droit à une durée d'indemnisation de 7 mois (donnée inchangée : 7 mois dans la convention d'assurance chômage du 1er janvier 2004). Selon les organisations syndicales, du fait de la création de la filière A +, la filière A, qui concerne 17 % des chômeurs, devrait voir ses effectifs diminuer de 18 200 chômeurs en 3 ans.
Une "filière A+" fait son apparition : le chômeur doit justifier de 12 mois d'affiliation dans une période de référence de 20 mois ouvrant droit à une durée d'indemnisation de 12 mois. Selon les syndicats, 81 700 travailleurs privés d'emploi seraient concernés par cette filière d'indemnisation en l'espace de 3 ans.
La troisième "filière B" exige 16 mois d'affiliation dans une période de référence de 26 mois (contre 14 mois d'affiliation au cours des 24 mois qui précèdent la fin du contrat de travail dans la convention d'assurance chômage du 1er janvier 2004) pour que le chômeur bénéficie d'un droit à une durée d'indemnisation de 23 mois (donnée inchangée : 23 mois au titre de la convention d'assurance chômage du 1er janvier 2004). La filière B représente 67,5 % des chômeurs indemnisés. Les conditions d'accès à cette filière étant durcies par l'accord du 22 décembre 2005, 99 900 chômeurs basculeraient de cette filière vers la filière A +, soit un manque à gagner pour ceux-ci de 11 mois d'indemnisation.
La quatrième "filière C" reste inchangée : 27 mois d'affiliation au cours des 36 mois qui précèdent la fin du contrat de travail sont exigés pour bénéficier d'une indemnisation chômage versée 36 mois pour le salarié privé d'emploi âgé de 50 ans et plus. Les allocataires qui entrent dans la filière C à partir de l'âge de 57 ans et demi peuvent bénéficier des dispositions de l'article 12 § 3 du règlement annexé à la convention du 1er janvier 2004 (N° Lexbase : L1601DPY) (qui sera adapté en conséquence). Du fait de la suppression de la filière D, cette filière enregistrera 47 900 chômeurs supplémentaires, selon les organisations syndicales.
Enfin, la "filière D" (27 mois d'affiliation au cours des 36 mois qui précèdent la fin du contrat de travail étaient exigés pour bénéficier d'une indemnisation chômage, versée 42 mois pour le salarié privé d'emploi âgé de 57 ans et plus, et justifiant de 100 trimestres validés par l'assurance vieillesse) est supprimée, car sans objet en raison de l'application de l'article 12 § 3 du règlement annexé à la convention du 1er janvier 2004.
Cette refonte des différentes filières d'indemnisation est destinée à être provisoire : elles seront revues en cas de retour durable à l'équilibre financier du régime permettant la constitution de réserves de fonctionnement à hauteur de 6 milliards d'euros dans le fonds de régulation.
Ces dispositions sont applicables aux salariés involontairement privés d'emploi, compris dans une procédure de licenciement engagée postérieurement à la date du 31 décembre 2005. La question se pose immédiatement de l'applicabilité, depuis le 1er janvier 2006, de cette nouvelle organisation des filières d'indemnisation aux autres allocataires que ceux dont l'état de chômage résulte d'une procédure de licenciement engagée depuis le 1er janvier 2006.
En effet, l'Ani du 22 décembre 2005 a pris soin de définir la situation des chômeurs licenciés depuis 1er janvier 2006, mais n'apporte aucune précision sur le sort des chômeurs dont l'état de chômage résulte d'un autre mode de rupture de leur contrat : résiliation conventionnelle, fin de CDD (...). Il appartiendra aux partenaires sociaux, par voie d'accord ou de circulaire, d'apporter des éléments de réponse.
Durées d'indemnisation pour les procédures de licenciement engagées après le 31 décembre 2005 (convention d'assurance chômage du 1er janvier 2006)
Filière | A | A+ | B | C |
Durée d'affiliation | 182 jours ou 910 h (6 mois) au cours des 22 derniers mois | 365 jours ou 1820 h (12 mois) au cours des 20 derniers mois | 487 jours ou 2426 h (16 mois) au cours des 26 derniers mois | 821 jours ou 4095 h (27 mois) au cours des 36 derniers mois |
Durée d'indemnisation | 213 jours (7 mois) | 365 jours (12 mois) | 700 jours (23 mois) | 1095 jours (36 mois) |
Durées d'indemnisation pour les procédures de licenciement engagées avant le 1er janvier 2006 (convention d'assurance chômage du 1er janvier 2004, appliquable après le 1er janvier 2006)
Filière | A | B | C (pour les 50 ans et +) | D (pour les 57 ans et +) |
Durée d'affiliation | 182 jours ou 910 h (6 mois) au cours des 22 derniers mois | 426 jours ou 2133 h (14 mois) au cours des 24 derniers mois | 821 jours ou 4095 h (27 mois) au cours des 36 derniers mois | 821 jours ou 4095 h (27 mois) au cours des 36 derniers mois et 100 trimestres d'assurance vieillesse |
Durée d'indemnisation | 213 jours (7 mois) | 700 jours (23 mois) | 1095 jours (36 mois) | 1277 jours (42 mois) |
2.3. Entrée en vigueur et avenir de la réforme de l'Ani du 22 décembre 2005
L'Ani du 22 décembre 2005 est conclu pour une durée déterminée de 3 ans, allant du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2008 (accord du 22 décembre 2005, art. 19). Les dispositions en vigueur au 31 décembre 2005 (convention d`assurance chômage du 1er janvier 2004) ainsi que les textes d'application non affectés par les dispositions de l'Ani du 22 décembre 2005 régissant le régime d'assurance chômage, demeurent applicables.
Cette mesure est destinée à écarter le danger de procédures contentieuses contre ce nouveau régime d'assurance chômage, à l'image de l'affaire dite des "recalculés", en 2004 et 2005 (TGI Marseille, 15 avril 2004, n° RG 04/02019, M. Eric Lazari et 36 autres c/ l'Assedic Alpes Provence - l'Unédic N° Lexbase : A8578DBC, lire nos obs., Le Pare est-il vraiment un contrat ?, Lexbase Hebdo n° 118 du 29 avril 2004 - édition sociale N° Lexbase : N1385ABW ; TPS 2004, comm. 199 ; P. Langlois, Les étranges tribulations des recalculés et autres demandeurs d'emploi dans le droit français, Dr. soc. 2004, p. 762 ; X. Prétot, Le contentieux de l'assurance chômage entre le juge civil et le juge administratif. Erreur de calcul ou erreur de droit ?, Dr. soc. 2004, p. 766 et L'intangibilité des droits aux prestations de l'assurance chômage, ou les recalculés en appel..., Dr. soc. 2004, p. 958 ; A. Supiot, La valeur de la parole donnée (à propos des chômeurs recalculés), Dr. soc. 2004, p. 541 ; C. Willmann, Le non-respect des engagements au titre du Pare, RDSS 2004, p. 701).
Conscients de la nécessité d'une refonte en profondeur du régime d'assurance chômage, diagnostiquée par les organisations syndicales ou les institutions (not., Cerc, rapport dec. 2005 prec.), les partenaires sociaux ont décidé d'examiner, au cours de l'année 2006, les voies et moyens d'une nouvelle organisation du système d'assurance chômage, qui tienne compte de la situation des personnes privées d'emploi, de l'offre d'emploi des entreprises, de l'impact de l'évolution démographique et qui soit économiquement équilibrée et stable à moyen terme (accord du 22 décembre 2005, art. 20).
Cette réforme doit conduire à redéfinir les conditions de mise en oeuvre du dispositif, de façon à en permettre un pilotage plus réactif aux variations conjoncturelles et à garantir une cohérence d'action avec l'ensemble des autres intervenants sur le marché du travail.
Ainsi, le Cerc relevait que le système des revenus de remplacement ne semble plus adapté à la nature actuelle du chômage. Le Cerc propose, à cet effet, que la prise en charge du risque chômage ne fasse pas appel à la seule solidarité interprofessionnelle, mais à des sources d'origine fiscale traduisant la solidarité nationale ; qu'un droit à allocation d'assurance soit ouvert dès le premier mois de cotisation pour une durée qui serait fonction de la durée de cotisations, cette montée progressive s'arrêtant à la durée de la filière principale ; qu'une allocation de solidarité sous conditions de ressources soit ouverte à tout demandeur inscrit à l'ANPE et recherchant activement un emploi (salariés ayant perdu leur emploi et ayant épuisé les droits à l'assurance, jeunes entrant sur le marché du travail ou personnes y revenant après une longue période d'inactivité).
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Réf. : Loi de finances pour 2006, n° 2005-1719, 30 décembre 2005, art. 74 (N° Lexbase : L6429HET)
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par Jean-Marc Priol, Avocat au Barreau des Hauts-de-Seine, Landwell & Associés
Le 07 Octobre 2010
Les impositions à prendre en compte pour la détermination du droit à restitution, aux termes du 2 de l'article 1649-0 A du CGI, sont :
a) l'impôt sur le revenu ;
b) l'impôt de solidarité sur la fortune ;
c) la taxe foncière sur les propriétés bâties et la taxe foncière sur les propriétés non bâties afférentes à l'habitation principale du contribuable et perçues au profit des collectivités territoriales et des établissements publics de coopération intercommunale, ainsi que les taxes additionnelles à ces taxes perçues au profit de la région d'Ile-de-France et d'autres établissements et organismes habilités à percevoir ces taxes additionnelles à l'exception de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères ;
d) la taxe d'habitation perçue au profit des collectivités territoriales et des établissements publics de coopération intercommunale afférente à l'habitation principale du contribuable, ainsi que les taxes additionnelles à cette taxe perçues au profit d'autres établissements et organismes habilités à percevoir ces taxes.
Ces impositions ne sont prises en considération, au sens du texte, que sous réserve qu'elles ne soient pas déductibles d'un revenu catégoriel de l'impôt sur le revenu et qu'elles aient été payées en France et, s'agissant des impositions sur le revenu et de solidarité sur la fortune (ISF), qu'elles aient été régulièrement déclarées.
Le 3 de l'article 1649-0 A du CGI précise que ces impositions sont, toutefois, diminuées des restitutions de l'impôt sur le revenu perçues ou des dégrèvements obtenus au cours de l'année du paiement de ces impositions.
Il est, en outre, précisé que, s'agissant des impositions foncières (CGI, art. 1649-0 A, 2, c) qui sont établies au nom des sociétés et groupements non soumis à l'impôt sur les sociétés dont le contribuable est membre, il est tenu compte de la fraction de ces impositions à proportion des droits du contribuable dans les bénéfices comptables de ces sociétés et groupements. En cas d'indivision, il est tenu compte de la fraction de ces impositions à proportion des droits du contribuable dans l'indivision.
De même, il est encore précisé que, s'agissant des impositions afférentes à la taxe d'habitation (CGI, art. 1649-0 A, 2, d) qui sont établies au nom de plusieurs contribuables, le montant des impositions à retenir pour la détermination du droit à restitution est égal, pour ces impositions, au montant de ces impositions divisé par le nombre de contribuables redevables et, pour les impositions à l'impôt sur le revenu et à l'ISF (CGI, art. 1649-0 A, 2, a et b), au montant des impositions correspondant à la fraction de la base d'imposition du contribuable qui demande la restitution.
2. Les revenus pris en compte pour la détermination du droit à restitution
Le revenu à prendre en compte pour la détermination du droit à restitution, aux termes du 4 de l'article 1649-0 A du CGI, s'entend de celui réalisé par le contribuable au titre de l'année qui précède celle du paiement des impositions ; c'est-à-dire :
a) des revenus soumis à l'impôt sur le revenu, nets de frais professionnels. Les plus-values immobilières mentionnées aux articles 150 U à 150 UB du CGI sont retenues dans les conditions prévues aux articles 150 V à 150 VE (après application de l'abattement pour durée de détention) ;
b) des produits soumis à un prélèvement libératoire ;
c) des revenus exonérés d'impôt sur le revenu réalisés au cours de la même année en France ou hors de France, à l'exception des plus-values mentionnées aux II et III de l'article 150 U du CGI (cession de la résidence principale, expropriation, remembrement, etc.) et des prestations mentionnées aux 2° et 2° bis de l'article 81 du même code (prestations familiales, allocation salaire unique, mère au foyer, etc.). Par revenus exonérés, il convient de comprendre, également, les produits et plus-values que procurent certains placements effectués dans le cadre d'un plan épargne-retraite, du gain constaté lors de la clôture d'un plan épargne en actions (PEA), des intérêts inscrits en compte sur les livrets des caisses d'épargne, les livrets d'épargne populaire ou encore les livrets jeunes.
Il est précisé au 6 de l'article 1649-0 A du CGI que les revenus des comptes d'épargne-logement mentionnés aux articles L. 315-1 (N° Lexbase : L1876DKP) à L. 315-6 (N° Lexbase : L7421ABH) du Code de la construction et de l'habitation, des plans d'épargne populaire mentionnés au 22° de l'article 157 du CGI , ainsi que des bons ou contrats de capitalisation et des placements de même nature, autres que ceux en unités de compte, sont réalisés, pour leur prise en compte dans l'assiette desdits revenus, à la date de leur inscription en compte.
Au 7 du même article, il est encore précisé que les gains retirés de cessions à titre onéreux de valeurs mobilières, droits sociaux et titres assimilés qui n'excèdent pas le seuil fixé par le 1 du I de l'article 150-0 A (soit 15 000 euros) ne sont pas pris en compte pour la détermination du droit à restitution.
Ce revenu (CGI, art. 1649-0 A, 5) est diminué :
a) des déficits catégoriels dont l'imputation est autorisée par le I de l'article 156 du CGI ;
b) du montant des pensions alimentaires déduit en application du 2° du II de l'article 156 du CGI ;
c) des cotisations ou primes déduites en application de l'article 163 quatervicies du CGI (versées aux plans d'épargne retraite populaire ou dans le cadre de certains régimes de retraite supplémentaire obligatoires ou complémentaire facultatifs).
On notera que les déficits reportables sur les revenus de même nature, ainsi que les autres charges imputables sur le revenu global ne sont pas pris en compte pour la détermination du droit à restitution.
3. La demande de restitution
Le 8 de l'article 1649-0 A du CGI prévoit que les demandes de restitution doivent être déposées avant le 31 décembre de l'année suivant celle du paiement des impositions susvisées (CGI, art. 1649-0 A, 2).
Aucune restitution ne sera effectuée pour un montant inférieur à 8 euros .
Par ailleurs, le reversement des sommes indûment restituées est demandé selon les mêmes règles de procédure et sous les mêmes sanctions qu'en matière d'impôt sur le revenu, même lorsque les revenus rectifiés ayant servi de base à ces impositions sont issus d'une période prescrite.
Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles de procédure applicables en matière d'impôt sur le revenu. Un décret fixera les conditions d'application des conditions d'application de l'article 1649-0 A du CGI et précisera, notamment, les obligations déclaratives du contribuable et les modalités d'instruction de la demande de restitution.
3. La vertu non confiscatoire du plafonnement dans son principe
Si cette vertu est largement reconnue par la jurisprudence des Communautés européennes, restait à en avoir la confirmation par une décision même du Conseil constitutionnel et, plus particulièrement, sur le point de savoir si la limitation de la participation de certains contribuables et la définition des capacités contributives par rapport aux seuls revenus, méconnaissaient ou non le principe d'égalité devant les charges publiques.
Le Conseil constitutionnel dans sa décision du 29 décembre 2005 (Cons. const., décision n° 2005-530 DC, du 29 décembre 2005, loi de finances pour 2006 N° Lexbase : A1204DMK) a rappelé, à cet effet, que si l'article 13 de la Déclaration de 1789 (N° Lexbase : L1360A9A) dispose que pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable, celle-ci elle doit être, également, répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés et que cette exigence ne serait pas respectée si l'impôt revêtait un caractère confiscatoire ou faisait peser sur une catégorie de contribuables une charge excessive au regard de leurs facultés contributives.
Il en a déduit que le plafonnement ne revêtait pas un caractère confiscatoire, dès lors que "dans son principe, l'article contesté, loin de méconnaître l'égalité devant l'impôt, tend à éviter une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques".
Selon la Haute cour, les modalités adoptées pour la mise en oeuvre de ce principe sont appropriées à la réalisation de l'objectif que s'est fixé le législateur qu'il s'agisse :
- de la fixation de la part des revenus au-delà de laquelle le paiement d'impôts directs ouvre droit à restitution ;
- de la définition des revenus entrant dans le champ de calcul ;
- de la détermination des impôts directs pris en compte ;
- des mesures retenues pour opérer la restitution.
Il a cru bon, par ailleurs, d'ajouter que la Constitution ne confère pas au Conseil constitutionnel un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement et qu'il ne lui revient donc pas de rechercher si l'objectif que s'est assigné le législateur aurait pu être atteint par d'autres voies.
C'est en se fondant sur ce même article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 que le Conseil constitutionnel a, dans sa décision du 30 décembre 1981 (Cons. const., décision n ° 81-133 DC, 30 décembre 1981, loi de finances pour 1982 N° Lexbase : A8033ACI), instituant l'impôt sur les grandes fortunes, considéré que "le législateur a entendu frapper la capacité contributive que confère la détention d'un ensemble de biens et qui résulte des revenus en espèce ou en nature procurés périodiquement par ces biens, qu'ils soient ou non soumis, par ailleurs, à l'impôt sur le revenu ; qu'en effet, en raison de son taux et de son caractère annuel, l'impôt sur les grandes fortune est appelé normalement à être acquitté sur les revenus des biens imposables".
On observera, qu'avec son article 58, la loi de finances pour 2006 place au coeur du débat fiscal la question récente du plafonnement de l'impôt, dont aucun texte jusqu'en 1998 n'avait introduit l'existence visant à "définir le maximum d'imposition auquel la collectivité nationale entendait soumettre les redevables".
En effet, il est rappelé que c'est avec l'apparition d'un impôt annuel sur le capital instauré par l'article 2 de la loi de finances pour 1982 n° 81-1160 du 30 décembre 1981, et restauré, après sa suppression, par l'article 26 de la loi de finances pour 1989, n° 88-1149 du 23 décembre 1988, que s'est posée, pour la première fois, la question du plafonnement de l'impôt ayant donné lieu à la codification d'une disposition spécifique .
Si cette question, à l'origine, s'est posée en termes de justice fiscale, ses développements ont suivi l'évolution liée à l'abolition du contrôle des changes et l'ouverture des frontières, puis à l'optimisation économique face à l'expatriation des contribuables et des capitaux et, enfin, à l'attractivité du territoire national pour les investissements étrangers.
Elle a rebondi ces dernières années au niveau du juge de l'impôt à la suite des actions de deux contribuables assujettis à l'ISF (Cass. com., 13 novembre 2003, n° 01-15.611, F-D N° Lexbase : A1255DAQ ; Cass. com., 25 janvier 2005, n° 03-10.068, FS-P+B+I N° Lexbase : A1245DG9), qui soutenaient que l'impôt était confiscatoire au sens de l'article 17 de la Déclaration de 1789 (N° Lexbase : L1364A9E) et à l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales relatives à la protection de la propriété.
Sont contraires, en effet, à ladite Convention "toutes les obligations financières résultant de la levée d'impôt et de cotisations qui font peser un fardeau excessif sur la personne concernée ou portent atteinte substantiellement à sa situation financière".
Ces mêmes contribuables s'attachaient, par ailleurs, à citer, à l'appui de leur argumentaire, l'exemple allemand sur "le principe du partage des revenus entre l'état et le contribuable" consacré par la Cour constitutionnelle de Karslruhe du 22 juin 1995 (2 BVL 37/91) et selon lequel au nom "de la liberté générale d'action", les contribuables doivent disposer de façon illimitée de 50 % minimum de leur revenus.
La Cour de cassation, dans les deux affaires précitées, si elle n'a pas donné raison aux contribuables, elle a, néanmoins, accepté de contrôler le caractère éventuellement confiscatoire de l'ISF à la fois sous l'angle de "l'aliénation forcée du patrimoine et celui de l'absorption intégrale des revenus".
C'est, donc, dans ce contexte qu'intervient le nouveau texte français sur le plafonnement de l'impôt lequel, s'il semble respecter les principes fondamentaux précités, paraît encore assez éloigné du plafonnement allemand.
En effet, on notera que sont exclus la fiscalité immobilière sur les résidences secondaires, ainsi que sur les immeubles donnés en location (taxe d'habitation et taxe foncière sur les propriétés bâties et non bâties) et les prélèvements sociaux (CSG, CRDS et prélèvement de 2 %), aux motifs tirés de ce que, pour les premiers, les revenus fictifs ne sont pas déclarés par les propriétaires se réservant la jouissance de leurs résidences et, pour les seconds, les taxes afférentes aux immeubles loués ont été déduites des revenus catégoriels et enfin, pour les troisièmes, de ce qu'elles donnent lieu à une contrepartie spécifique résidant dans le financement de la protection sociale.
Enfin, on observera que, si le mécanisme plus restreint du plafonnement de la cotisation d'ISF (CGI, art. 885 V bis, limitant le montant de l'ISF lui-même et les impôts sur les revenus à 85 % de ces derniers) ne se trouve en rien affecté par les nouvelles dispositions sur le plafonnement des impôts directs , la combinaison des deux dispositifs conduit à niveler, en premier lieu, une fraction de l'ISF par l'application d'un plafonnement spécifique et, en second lieu, une fraction des impôts directs par l'application du droit à restitution instauré par l'article 74 de la loi de finances pour 2006.
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Réf. : Loi de finances pour 2006, n° 2005-1719, du 30 décembre 2005 (N° Lexbase : L6429HET) et loi de finances rectificative pour 2005, n° 2005-1720, du 30 décembre 2005 (N° Lexbase : L6430HEU)
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par Daniel Faucher, Consultant au CRIDON de Paris
Le 07 Octobre 2010
1. Les mesures fiscales afférentes au patrimoine privé
1.1. Création d'un abattement en faveur des transmissions à titre gratuit au profit de certains collatéraux et des arrières-petits-enfants
Afin de prendre en compte la situation des frères et soeurs ne vivant pas ensemble, la loi de finances pour 2006 instaure un abattement spécifique applicable en cas de donation ou de succession. Par ailleurs, afin de maintenir une incitation en faveur des transmission anticipées de patrimoine au profit des jeunes générations, la loi accorde un abattement au profit des neveux et nièces et des arrières-petits-enfants.
- Régime actuel
Il n'existe aucun régime d'allégement des droits, à l'exception de celui de 57 000 euros réservé aux frères et soeurs, âgées de plus de 50 ans, ayant vécu avec le défunt .
- Nouveau régime
Il est instauré un abattement de 5 000 euros en cas de mutation à titre gratuit au profit d'un frère ou d'une soeur. Cet abattement est applicable en matière de succession ou de donation sur la valeur de l'actif net transmis quelle que soit la nature et la composition du patrimoine. Il n'est pas cumulable avec l'abattement spécifique de l'article 788-II du CGI. En cas de donation, la réduction de droits en fonction de l'âge du donateur et la règle du non-rappel des donations s'appliquent.
- Régime actuel
Aucun régime d'allègement n'est prévu s'agissant des transmissions entre vifs au profit des neveux et nièces.
- Nouveau régime
Un abattement de 5 000 euros, réservé aux donations, est applicable en cas de donation au profit d'un neveu ou d'une nièce. La réduction de droits en fonction de l'âge du donateur et la règle du non-rappel s'appliquent. Si on retient la définition de neveux et nièces donnée pour le régime des dons exceptionnels "Sarkozy", seuls sont concernés les enfants des frères et soeurs du donateur, à l'exclusion de ceux par alliance, c'est-à-dire les enfants des frères et soeurs du conjoint du donateur.
- Régime actuel
Il n'existe aucun régime d'allègement.
- Nouveau régime
Un abattement de 5 000 euros s'applique, désormais, aux donations consenties aux arrières-petits-enfants. Il se cumule avec l'abattement de 30 000 euros au profit des petits-enfants, lorsque un de ceux-ci vient en représentation de son auteur prédécédé. La réduction de droits en fonction de l'âge du donateur et la règle du non-rappel s'appliquent.
1.2. Relèvement des limites d'âges pour l'application des réduction de droits de donations (loi de finances pour 2006, art. 9)
Pour inciter à la transmission anticipée du patrimoine, une réduction des droits de donation inversement proportionnelle à l'âge du donateur a été mise en place. Jusqu'au 31 décembre 2005, outre les donations en pleine propriété bénéficiant d'une réduction temporaire de 50 %, sans condition d'âge, les donations en nue-propriété ou avec réserve du droit d'usage et d'habitation ouvraient droit à une réduction de droits de 35 %, si le donateur était âgé de moins de 65 ans, 10 % si le donateur était âgé de 65 à 74 ans révolus. La réduction afférente aux donation d'usufruit était de 50 %, si le donateur était âgé de moins de 65 ans, 30 % entre 65 et 74 ans révolus.
La loi relève les limites d'âge ouvrant droit aux réductions des droits de donation en fonction de l'âge du donateur. Cette modification prend, donc, en compte l'allongement de la duré de la vie. Le seuil de 65 ans est remplacé par celui de 70 ans. Celui de 75 ans est remplacé par celui de 80 ans. Le régime temporaire des donations en pleine propriété ayant pris fin, ces donations bénéficient des mêmes réductions que celles faites en usufruit.
1.3. Réduction du délai de rappel des donations antérieures (loi de finances pour 2006, art. 8)
La règle du rappel fiscal impose de prendre en compte, lors d'une donation entre deux personnes, les donations déjà intervenues entres ces personnes. Cette règle, codifiée à l'article 784 du CGI , consiste à rapporter les donations antérieures pour le calcul des droits dus lors de la nouvelle mutation à titre gratuit. La loi n° 91-1322 de finances pour 1992 a, cependant, limité son application aux seules donations passées depuis moins de 10 ans.
Afin de permettre la réalisation plus régulière de donations et, donc, la baisse du montant des impositions sur le patrimoine total transmis, le rappel des donations est, désormais, limité aux six années précédant la nouvelle mutation à titre gratuit. Ainsi, sur une période de 30 ans, deux personnes, mariés sous un régime de communauté, pourront transmettre à leurs trois enfants des biens communs pour un montant total de 1 500 000 euros en franchise de droits. Cette modification du délai s'applique aux successions ouvertes et aux donations consenties à compter du 1er janvier 2006. Ainsi, à cette date, seules les donations postérieures au 1er janvier 2000 font l'objet du rappel fiscal.
1.4. Abattement global sur les successions en ligne directe et au profit du conjoint survivant (loi de finances pour 2006, art. 27)
L'article 14 de la loi de finances pour 2005 (loi n° 2004-1484, 30 décembre 2004 N° Lexbase : L5203GUA) a institué un abattement global de 50 000 euros, codifié à l'article 775 bis du CGI , sur l'actif net successoral recueilli soit par les enfants ou les ascendants du défunt soit par le conjoint survivant. Aux termes de l'article 788-I du CGI , cet abattement se répartit entre les bénéficiaires au prorata de leurs droits dans la succession. Selon la doctrine administrative (instruction du 24 octobtre 2005, BOI n° 7 G 6-05 N° Lexbase : X4058ADN), la répartition s'effectue uniquement d'après leur vocation successorale légale. Autrement dit, l'abattement est réparti selon les droits théoriques des bénéficiaires sans tenir compte, par exemple, des donations, dont ils ont pu bénéficier antérieurement.
La loi de finances pour 2006, d'une part, légalise la doctrine administrative selon laquelle la répartition se fait en fonction des droits légaux des bénéficiaires dans la succession, d'autre part, modifie l'ordre d'imputation de façon à permettre l'imputation de l'abattement spécifique en faveur des handicapés avant celle de l'abattement global. Ainsi, cet abattement global est imputable après les abattements personnels de 50 000 euros (héritiers en ligne directe), 76 000 euros (conjoint survivant) et, éventuellement, celui de 50 000 euros en faveur des handicapés.
1.5. Pérennisation de l'exonération des actes portant changement de régime matrimonial (loi de finances pour 2006, art. 28)
L'article 1133 bis du CGI exonère de toute perception au profit du Trésor les actes portant changement de régime matrimonial passés entre le 1er janvier 2004 et le 31 décembre 2005. Cette disposition s'applique à la substitution, d'une part, à un régime séparatiste d'un régime communautaire, d'autre part, au régime de la communauté légale de l'un des autres régimes communautaires, enfin, au régime de la communauté de meubles et acquêts de la communauté universelle. Il s'applique, également, en cas d'adjonction d'une société d'acquêts à un régime de séparation de biens.
La loi supprime toute condition de délai, ce qui rend l'exonération permanente. Celle-ci concerne le droit fixe de 125 euros (75 euros avant le 1er janvier 2006) et la taxe de publicité foncière de 0,60 % due si le changement modifie la propriété d'immeubles. En revanche, le salaire du conservateur reste exigible.
2. La transmission de parts ou actions de sociétés (loi de finances rectificative, art. 21)
L'article 43 de la loi sur l'initiative économique du 1er août 2003 (N° Lexbase : L3557BLC) a supprimé l'obligation qui était faite aux héritiers de poursuivre l'exploitation de l'entreprise sous forme individuelle. Par suite, des héritiers qui se placent sous le régime de l'article 787 C du CGI peuvent transformer l'entreprise individuelle en société sans remise en cause de l'exonération dont ils ont pu bénéficier. Il n'existe pas de régime similaire pour les transmissions de titres prévus par l'article 787 B du CGI . En conséquence, un apport par les héritiers à une holding des titres reçus entraîne la remise en cause de l'exonération partielle dont ils ont pu bénéficier.
La loi permet, sous conditions, aux héritiers et donataires d'apporter à une holding constituée à cet effet les titres d'une société d'exploitation reçus par eux avec le bénéfice des dispositions de l'article 787 B du CGI. La société bénéficiaire de l'apport doit être une société holding, dont l'objet exclusif est la gestion des titres dont la transmission a bénéficié du régime de faveur, ce qui interdit la détention d'autres participations. Le capital doit être détenu en totalité par les héritiers qui doivent s'engager à conserver les titres reçus jusqu'au terme de l'engagement individuel de conservation qu'ils avaient pris. De son coté la holding doit s'engager sur la même période à conserver les titres qui lui ont été apportés.
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Réf. : Cass. com., 22 novembre 2005, n° 04-12.183, Mme Julienne Zincano, épouse Lavaud c/ Société Lavaud, F-P+B (N° Lexbase : A7511DLR)
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Le 07 Octobre 2010
I - Force de l'engagement dans un contrat de cession d'actions
Mécanisme fondamental du droit des sociétés, l'échange de promesses croisées en matière de cession d'actions n'en est pas moins soumis aux règles du droit commun (A). Cette sujétion n'existe, toutefois, que pour apprécier les aspects civilistes de la convention. S'agissant, en effet, des aspects pratiques de la question, sa mise en oeuvre relève nécessairement du droit des sociétés (B).
A - Une cession placée sous la protection du droit commun des contrats
Les faits de l'espèce, qui ont donné lieu à la décision de la Cour de cassation, sont liés à la mise en oeuvre d'une technique courante en matière de cession d'action, le problème juridique tenant essentiellement à une ambiguïté d'interprétation, obscurité née du caractère laconique de certaines clauses de la convention.
Le 22 juillet 1986, les consorts L. cèdent aux consorts S. les actions qu'ils détiennent dans le capital de la société L.. La cession s'organise en deux temps : d'une part, la vente de 1 350 actions et, d'autre part, la vente différée de 150 actions restantes, le total portant sur la totalité des actions détenues par le vendeur. La seconde cession est régie par une stipulation spécifique, l'article 4 de la convention de vente ainsi rédigée : "le groupe S. s'engage d'une façon solidaire et indivisible à acquérir, au plus tard, le 31 décembre 1987, les 10 % restant soit 150 actions au prix définitif de 140 000 francs [environ 21 340 euros] de manière à porter sa participation à 100 %, les consorts L. s'engagent d'une façon solidaire et indivisible à vendre au plus tard le 31 décembre 1987, les 10 % restant, soit 150 actions, au prix définitif de 140 000 francs".
Les consorts S., n'ayant pas honoré leur engagement, les consorts L. les assignent devant le tribunal de commerce, le 30 octobre 1997, en exécution forcée de la vente. L'affaire est portée devant la cour d'appel d'Aix en Provence qui rejette la demande des consorts L., au motif que les engagements constituaient un échange de promesses unilatérales de vente et d'achat, devenues caduques à l'expiration du délai imparti à chacune des parties pour lever l'option. Ainsi, selon le juge d'appel, la promesse avait expiré le 31 décembre 1987.
La Cour de cassation casse alors l'arrêt, à l'appui d'une motivation particulièrement ferme. Le juge affirme, en effet, que, "l'échange d'une promesse unilatérale d'achat et d'une promesse unilatérale de vente réalise une promesse synallagmatique de vente valant vente définitive dès lors que les deux promesses réciproques ont le même objet et qu'elles sont stipulées dans les mêmes termes".
Solution simple pour une affaire simple ? La clarté de la motivation ne doit pas masquer l'importance pratique de la solution et ses enjeux. On remarquera, ainsi, au préalable, que la Cour de cassation rend son arrêt au double visa des articles 1134 et 1589 du Code civil.
L'utilisation de l'article 1134, qui constitue un principe fondamental du droit des obligations, mérite en premier lieu qu'on s'y attarde : en effet, on peut ne voir dans cette rédaction qu'une référence de pure forme, une sorte de renvoi automatique à l'alinéa 1er de l'article qui dispose de la force obligatoire des conventions. Il semble, pourtant, que l'ensemble du texte constitue le support de la motivation car ses deux dernières parties paraissent plus particulièrement adaptées à la situation : l'alinéa 2, d'une part, établit que les conventions ne peuvent être révoquées que par consentement mutuel et l'alinéa 3, d'autre part, renvoie au principe d'exécution de bonne foi.
Sur ce dernier point, il convient de souligner que les considérations relatives à la bonne foi sont de plus en plus présentes en jurisprudence et que l'espèce, d'ailleurs, se prêtait à sa mise en oeuvre exclusive. Les vendeurs souhaitaient manifestement vendre la totalité de leurs actions, comme le souligne la rédaction de l'arrêt, et la vente des 10 % restant n'était que différée, la mauvaise foi des cessionnaires ne pouvant ainsi que se trouver établie.
Quant aux dispositions de l'article 1589, elles portent, elles, sur la promesse de vente et son l'alinéa 1er concerne l'organisation de la cession d'actions de l'espèce considérée. Il établit, en effet, que "la promesse de vente vaut vente, lorsqu'il y a consentement réciproque des deux parties sur la chose et sur le prix". En l'espèce, l'application rigoureuse de cette disposition aboutit à conclure au caractère obligatoire de la promesse. On sait, toutefois, que l'article 1589, rédigé en termes généraux, ne constitue pas un cadre suffisant pour régir toutes les situations pratiques qui concernent la cession d'actions ou de parts sociales et que, sur ce point, la jurisprudence a dû interpréter les textes pour permettre leur adaptation aux techniques sociétaires.
B - Les aspects pratiques de ce type de cessions placé sous l'égide du droit des sociétés
S'agissant des solutions pratiques, le juge a, en effet, dû composer avec le droit des sociétés, notamment, parce que, très fréquemment, les cessions ont été conditionnées à l'obtention d'agréments de la part des autres actionnaires. Il convient également de relever la complexité des montages utilisés pour finaliser les cessions, face à la simplicité des situations imaginées par les rédacteurs du Code civil.
Le droit commun n'en donne pas moins des bases suffisantes pour apprécier la portée des clauses. La promesse unilatérale, en effet, est à l'origine d'un mécanisme spécifique que Monsieur Terré décrit ainsi : "elle se distingue de l'offre. Alors que l'offre est une manifestation unilatérale de volonté, la promesse est une convention, parfaite en soi supposant un accord de volonté. Il en résulte que la situation du bénéficiaire de la promesse est plus solide que celle du destinataire de l'offre [...] la promesse crée une véritable obligation à la charge du promettant qui est d'ores et déjà engagé" (Droit civil - Les obligations, précis Dalloz, 9ème éd., 2005, n° 184).
Telle était donc la situation des défendeurs (les acheteurs) qui s'étaient engagés à acquérir les 150 actions restantes. Elle répondait, d'ailleurs, à la promesse symétrique des vendeurs qui, eux également, s'étaient engagés à céder, la conjonction de ces deux promesses donnant ainsi un caractère synallagmatique à l'encadrement conventionnel de la cession. Ainsi que l'établit la doctrine : "il y a promesse synallagmatique de contracter lorsque deux personnes s'engagent l'une envers l'autre à passer plus tard tel ou tel contrat. Elles donnent leur consentement au contrat définitif mais prévoient qu'une formalité supplémentaire devra être accomplie dans l'avenir. Par exemple, tout en constatant immédiatement leur accord sur les éléments essentiels du contrat, elles conviennent de réitérer ultérieurement leur consentement devant notaire. La différence avec la promesse unilatérale de vente est évidente : les deux parties ont consenti au contrat définitif" (op. cit., n° 186, en appui sur L. Boyer, Les promesses synallagmatiques de ventes, RTD Civ. 1949, 1 et s.).
Telle semblait bien être la solution applicable à l'espèce examinée puisque vendeurs et acheteurs avaient échangé des promesses réciproques, formalisées dans l'acte de cession. Nous avons, toutefois, souligné que ce mécanisme n'était que la base de droit commun de la cession d'actions ou de parts sociales, le juge ayant dû adapter cette base aux exigences du droit des sociétés. Or, dans le cas des engagements symétriques, dits de "promesses croisées", l'échange est, en pratique, le plus souvent lié à une faculté d'option qui n'est pas prévue en droit commun, cette faculté étant établie au profit du vendeur mais, également, de l'acheteur. Le résultat de l'exercice de l'option est de contraindre, par sa levée, l'autre partie à s'exécuter. On comprend, alors, que le juge estime que la vente n'est jamais réalisée lorsque aucune option n'a été levée et qu'à ce titre elle ne puisse être réputée parfaite (CA Douai, 12 juin 1992, Dalloz 1993, 257, note J. Moury).
C'est, semble-t-il, le raisonnement retenu par la cour d'appel d'Aix en Provence le 19 septembre 2003, solution qui va être censurée par la Cour de cassation.
II - Economie de la convention : un caractère synallagmatique affirmé
La cassation est prononcée, dans l'espèce analysée, en considération du caractère synallagmatique de la convention (A), l'arrêt recentrant ainsi l'analyse des cessions (B) sur la mise en oeuvre du droit commun des contrats (B).
A - Le choix entre la thèse de l'unilatéralisme et du synallagmatisme
La cour d'appel d'Aix en Provence, selon les termes de l'arrêt de cassation, interprète la convention dans le sens de la caducité des promesses à compter du 31 décembre 1987 : "la cour d'appel a retenu que les engagements constituaient un échange de promesses unilatérales de vente et d'achat devenues caduques à l'expiration du délai imparti à chacune des parties pour lever l'option". Ainsi, en filigrane, voit-on apparaître le raisonnement suivant : la date fixée par l'article 4 du contrat de cession constituait une date butoir pour lever l'option, donc, les promesses étant optionnelles, la vente n'était pas parfaite, et comme aucune partie n'avait manifesté sa volonté d'acheter ou de vendre avant le 31 décembre 1987, l'existence d'un accord ne pouvait plus être invoqué.
Il convient, donc, pour mesurer la validité de cette solution, d'examiner le libellé de l'article 4 en cause. Celui-ci établit que : "le groupe S. s'engage d'une façon solidaire et indivisible à acquérir au plus tard le 31 décembre 1987 les 10 % restant soit 150 actions au prix définitif de 140 000 francs [environ 21 340 euros] de manière à porter sa participation à 100 %, les consorts L. s'engagent d'une façon solidaire et indivisible à vendre au plus tard le 31 décembre 1987 les 10 % restant soit 150 actions au prix définitif de 140 000 francs".
Comment interpréter cette stipulation ? L'existence d'une date limite doit-elle être analysée comme fixant la fin d'une période au-delà de laquelle acquéreurs ou vendeurs commettraient une faute à ne pas céder ou acheter ? Doit-elle, au contraire, comme la cour d'appel semblait le considérer, permettre aux partenaires de bénéficier d'une période pour lever une option de vente ou d'achat ? C'est à cette alternative que la Cour de cassation était confrontée.
Une remarque s'impose alors d'emblée : la cassation, prononcée pour violation de la loi, ne repose pas sur la dénaturation, motivation qui laisserait supposer que le juge d'appel n'aurait pas commis d'erreur d'interprétation de la convention, ou du moins que la cassation reposait sur un motif de droit majeur. C'est, sans doute, ce qui donne à l'arrêt son importance puisque la Cour de cassation conclut à la violation des deux articles précités et au caractère synallagmatique de la convention au motif que : "les deux promesses réciproques ont le même objet et qu'elles sont stipulées dans les mêmes termes".
L'arrêt propose, ainsi, une clarification fondée sur la logique, davantage que sur l'interprétation, souvent qualifiée de divinatoire lorsqu'elle est opérée par le juge. Ce qui est, en effet, manifeste, c'est que sur le point de la cession de l'intégralité des parts, sur la date, ainsi que sur le prix, les parties à la convention initiale se sont entendues et ont matérialisé leur accord, d'autant que ce dernier était accessoire au contrat principal qui portait sur 90 % des actions détenues par les vendeurs. Le caractère synallagmatique est donc incontestablement démontré et, même au cas ou une clause de la convention contredirait les termes de l'article 4 précité, ce dernier l'emporterait car le juge, en cas de contradiction des termes, doit toujours trancher dans le sens de la validité de la convention.
B - L'utilité du recours au droit commun
Cet arrêt, auquel on ne reconnaîtra sans doute pas une portée majeure au plan théorique, présente néanmoins un intérêt certain, au plan pratique, mais également au plan prospectif. Au plan pratique, en effet, la Cour de cassation ne saurait être que vigoureusement approuvée dans sa motivation, face à un libellé obscur alors que l'économie de la convention ne l'était pas.
On sait, d'ailleurs, que ce manque de clarté est fréquent, parfois voulu par les parties, parfois par leurs conseils, mais, qu'il est plus généralement dû à la recherche d'un compromis pour mettre fin à d'âpres négociations. Ce brouillage de la rédaction trouve, en contrepoint, la logique juridique du droit des obligations qui vient contrebalancer, avec toute son efficacité, le manque de clarté de la rédaction. L'accord devient incontestable lorsque la preuve est rapportée que les volontés se sont rencontrées or, seule la mise en oeuvre du droit commun est à même de donner force et limpidité à ce que les rédacteurs ont rendu obscur. Le praticien n'aura qu'à se réjouir de ce rappel par la Cour de cassation de l'utilité du recours à l'application des fondamentaux du droit, à leur simplicité et à la sécurité qu'ils offrent au justiciable.
Au plan de la prospective, ensuite, cet arrêt constitue une pierre de plus à l'édifice que la jurisprudence érige peu à peu au droit commun. En effet, face à ce que le doyen Carbonnier appelait la "pulvérisation" du droit, on constate qu'à mesure que la plupart de ses branches gagnent en autonomie, le recours au droit commun, et plus particulièrement celui des contrats, s'accroît, à la fois parce que l'ancrage dans les socles de la logique juridique devient de plus en plus nécessaire et, surtout, parce que la loi spéciale, aussi précise soit-elle, n'aura jamais, pour paraphraser Portalis, vocation à tout régir.
Jean-Baptiste Lehnof
Maître de conférences à l'ENS-Cachan
Membre du centre de recherche de droit financier - Paris I (Panthéon-Sorbonne)
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Le 07 Octobre 2010
Rappelons-nous.
Depuis un arrêt de la Cour de cassation du 21 décembre 1987 (Cass. com., 21 décembre 1987, n° 85-13.173, Société anonyme de droit espagnol Viuda de José Tolra c/ Société régionale de développement du Languedoc-Roussillon N° Lexbase : A3867AGC, Bull. civ. IV, n° 281), on a tenté de distinguer les lettres de confort constitutives d'une garantie de celles qui n'en sont pas -tels que les engagements d'honneur.
L'importance de cette distinction est une évidence : lorsque la lettre d'intention est constitutive d'une garantie, elle entre dans le champ d'application de l'article L. 225-35 du Code de commerce et cet engagement est donc soumis, pour les sociétés anonymes, à l'autorisation du Conseil d'administration. Est considéré ainsi comme une garantie, l'engagement de se substituer au débiteur en cas de défaillance -cautionnement- ou celui, qualifié d'obligation de résultat, contenant l'assurance que ce dernier sera en mesure de satisfaire à ses obligations. Lorsque l'auteur de l'engagement s'engage simplement à "prendre tous les moyens", ou "à faire en sorte de les prendre", son obligation est de moyens engageant la responsabilité de son auteur seulement en présence d'une faute prouvée.
Puis, la Cour de cassation, dissociant toujours les lettres de confort renfermant une obligation de moyens et celles contenant une obligation de résultat, a réduit ces dernières à la seule hypothèse où le souscripteur de la lettre avait pris l'engagement de se substituer au débiteur et de payer le créancier à la place de ce dernier.
La jurisprudence "Sony" (Cass. com., 26 janvier 1999, n° 97-10.003, Société Sony Music Entertainment France c/ Société France Télécom N° Lexbase : A4640AGX, D. 1999., jur. p. 577) et une autre décision postérieure (Cass. com., 18 avril 2000, n° 97-19.043, Crédit d'équipement des petites et moyennes entreprises (CEPME) c/ Compagnie française Chaufour investissement N° Lexbase : A6651AHS, Bull. civ. IV, n° 78), laissaient entendre qu'une lettre de confort, aux termes de laquelle le signataire n'avait pris aucun engagement de régler en lieu et place du débiteur, devenait une simple obligation de moyens (V. dans le même sens, Cass. com., 16 mai 2000, n° 97-11.754, Société Ton sur Ton et autres c/ Banque de Paris et Co Deutschland OHG N° Lexbase : A5067AYC, Bull Joly 2000 p. 803 ; CA Paris, 15ème ch., sect. A, 16 janvier 2001, Bull. Joly sociétés, 2001, p. 374).
Dès lors, seule l'obligation de résultat assurant directement le paiement de la créance du débiteur principal donnait naissance à une garantie. A l'inverse, la Cour de cassation décidait que si l'auteur d'une lettre d'intention n'avait pas pris cet engagement précis, son obligation n'était que de moyens et ne constituait donc pas une garantie susceptible d'autorisation. Pour exemple, les obligations de fournir au débiteur les moyens financiers, de surveiller sa gestion ou de demeurer son actionnaire étaient des obligations de moyens. Seul, l'engagement de payer devait être, de ce fait, autorisé par le conseil d'administration de la société.
Cette vision pour le moins restrictive d'une obligation de résultat fût, à juste titre, critiquable. L'engagement de payer la dette d'autrui, et donc de se substituer au débiteur défaillant, n'est pas autre chose qu'un cautionnement. Et, paradoxalement, l'émetteur de la lettre de confort n'est pas une caution : le but de son engagement est autre que le paiement de la dette du débiteur.
Ce dilemme devait être résolu.
La Cour de cassation s'en est chargée.
Et ce, au gré de plusieurs décisions successives depuis 2002 dont la dernière, en date du 19 avril 2005, semble sonner définitivement le glas de la jurisprudence "Sony", "la société qui s'oblige à faire le nécessaire pour que sa filiale respecte ses engagements envers un tiers contracte à l'égard de celui-ci une obligation de faire qui s'analyse en une obligation de résultat". La lettre de confort comportant un engagement de faire le nécessaire est, par nature, une obligation de résultat constitutive d'une garantie.
Faisons le point sur ce nouveau feuilleton jurisprudentiel.
La Haute juridiction, de changement d'humeur en revirement, s'est rapprochée, par une décision du 9 juillet 2002, de sa position de principe adoptée le 21 décembre 1987. Ainsi, une lettre de confort "peut [...] constituer à la charge de celui qui l'a souscrite un engagement contractuel de faire ou de ne pas faire pouvant aller jusqu'à l'obligation d'assurer un résultat, si même elle ne constitue pas un cautionnement". Dans cette décision, la cassation fût prononcée, les juges du fond ayant affirmé l'existence d'une obligation de moyens là où, selon la cour, il y avait une obligation de résultat.
Dans cette espèce, le créancier avait accepté de donner mainlevée d'une hypothèque garantissant le remboursement d'un prêt accordé à une filiale contre l'engagement pris par la société mère de "veiller au bon déroulement" de l'opération de restructuration et de faire envers le créancier "le nécessaire pour la mener à bonne fin".
Les faits sont éloquents : le "nécessaire" inclut aussi le remboursement de la dette de la filiale, mais -et, c'est là sans conteste une évolution par rapport à la jurisprudence "Sony"- la lettre de confort n'en devient pas pour autant un cautionnement. L'auteur de la lettre d'intention ne paye pas la dette du débiteur mais répare le dommage que cause au créancier la défaillance de celui-ci, dommage qui peut, certes, être l'équivalent du montant de sa créance.
Puis, à nouveau, le 19 avril 2005, la Cour de cassation semble perdurer en ce sens. Une obligation de faire est une obligation de résultat lorsque la société mère s'engage à ce que sa filiale respecte ses engagements et dispose d'une trésorerie suffisante à cet effet.
L'obligation de faire le nécessaire serait donc une obligation de résultat, certes soumise à autorisation, mais dont la preuve est censée être aisée à rapporter et ce, contrairement à l'obligation de moyens.
A l'analyse, l'intensité des obligations a toujours une sorte d'influence sur la nature de l'engagement souscrit.
Peut-être, le temps serait-il venu d'abandonner cette distinction, obligation de moyens/obligation de résultat, qui n'a d'influence que sur le régime de la preuve (M. Cabrillac et C. Mouly, Droit des sûretés, 6ème éd., Litec 2002, n° 481 in fine ; Revue des sociétés, Août-Septembre 2005, p. 11) et, de relever simplement, la présence ou non d'une obligation de faire ?
Faire le nécessaire, qu'est-ce ?
C'est garantir le fait d'autrui.
D'une nature autre que le cautionnement, cet engagement couvre, néanmoins, toutes sortes de défaillances. C'est, au moins, une garantie d'influence future et, au plus, une garantie de solvabilité.
L'obligation de faire le nécessaire est, comme toute obligation susceptible de degrés : la société mère, auteur de la lettre, peut s'engager à intervenir auprès de la filiale pour qu'elle réponde de ses engagements, ou pour qu'elle ait les moyens de les exécuter et, enfin, qu'au besoin, elle les lui fournisse.
Au final, bien entendu, le résultat recherché par cette garantie est de permettre au débiteur de payer sa propre dette. Mais, cela ne signifie pas, de facto, promettre le paiement de la dette d'autrui. Il s'agit pour l'auteur de la lettre, d'exécuter une obligation personnelle de facere : maintenir la structure financière du débiteur, mettre des fonds à sa disposition, contrôler sa gestion, maintenir sa participation, consentir des apports en compte courant, des avances de trésorerie, accroître son chiffre d'affaires ou souscrire à une augmentation de capital, etc.
Dans les décisions récentes, l'obligation de faire consistait dans le maintien de la situation financière de la filiale.
C'est donc un engagement, non de payer, mais de faire en sorte que le débiteur soit en mesure de payer. L'obligation de faire suppose, alors, l'exécution d'un fait positif : l'auteur de la lettre s'engage au bon déroulement d'une opération et fera le nécessaire pour la mener à bonne fin.
Une fois éprouvé, l'engagement de faire le nécessaire n'a plus besoin du recours ultime à la distinction presque ancestrale et issue du droit de la responsabilité civile entre l'obligation de moyens et l'obligation de résultat.
Il ne peut en être autrement. Il est temps de qualifier cet engagement sans pour autant confondre sa nature et son régime.
C'est cette prochaine étape qu'il reste à franchir... à suivre donc !
Marie-Elisabeth Mathieu
Maître de conférences à l'Université d'Evry - Val d'Essonne
Membre du Centre de formation professionnelle notariale de Paris
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Réf. : Cass. civ. 3, 23 novembre 2005, n° 04-18.528, Commune de Juvisy-sur-Orge, représentée par son maire en exercice c/ SCI Delta, FS-P+B (N° Lexbase : A7551DLA)
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Le 07 Octobre 2010
I. Les règles applicables en matière d'aires de stationnement
1) Les dispositions relatives à la réalisation d'aires de stationnement sont issues de l'article L. 421-3 du Code de l'urbanisme (3) (N° Lexbase : L7574ACI), lui-même issu de l'article 34 de la loi n° 2000-1208, du 13 décembre 2000, de solidarité et renouvellement urbains, (N° Lexbase : L9087ARY), et des articles R. 332-17 à R. 332-23 (N° Lexbase : L8398ACZ) du même code.
Les plans d'occupation des sols (ainsi que les plans de sauvegarde et de mise en valeur) édictent donc des règles en matière de stationnement. Ces règles figurent au douzième article du règlement de zone. Elles sont générales, uniformes, pour la zone. Or, il peut arriver que le constructeur se trouve dans l'impossibilité de les respecter pour des raisons techniques ou d'ordre urbanistique ou architectural. En pareil cas, diverses solutions de remplacement sont possibles : réalisation d'aires de stationnement dans le voisinage, acquisition de places de stationnement dans un parc privé voisin, concession dans un parc public de stationnement existant ou en cours de réalisation. A défaut de recourir à l'une de ces solutions, le constructeur peut être tenu quitte de ses obligations, en versant une participation en vue de la réalisation de parcs publics de stationnement dont la construction est prévue ou de la réalisation des travaux nécessaires à la desserte des constructions par des transports collectifs urbains. Dans cette hypothèse, aucune condition de voisinage immédiat ne doit être requise puisque la réalisation du parc de stationnement ne dépend plus du constructeur. Toutefois, la réalisation doit être prévue par la collectivité locale.
2) Il faut donc souligner que la participation de l'article L. 421-3 précité constitue une des modalités de compensation de l'obligation de réaliser des aires pour le stationnement des véhicules en nombre suffisant, à côté de la possibilité de créer de tels emplacements dans un rayon de 300 mètres du terrain d'assiette du projet ou de justifier d'une concession à long terme dans un parc public de stationnement. Aussi, le choix de recourir au système de participation n'est-il pas laissé à la liberté du constructeur. Ce dernier doit, donc, non seulement justifier de contraintes techniques (exiguïté du terrain, pente, sous-sol inondable) ou urbanistiques (quartier piétonnier) empêchant la réalisation matérielle de l'aire de stationnement exigée (4), mais, en outre, obtenir l'autorisation de l'administration compétente pour autoriser la construction, laquelle dispose d'un large pouvoir d'appréciation. Au total, la participation pour non-réalisation d'aires de stationnement ne constitue, en aucun cas, une option pour le pétitionnaire (5).
3) En l'espèce, la SCI mise en cause par la commune de Juvisy-sur-Orge, non seulement, n'avait réalisé aucune aire de stationnement mais, en outre, elle n'avait recouru à aucune des solutions alternatives prévues par les dispositions de l'article L. 421-3 du Code de l'urbanisme. Par ailleurs, elle n'avait versé aucune participation à la commune, ce qui s'explique aisément puisque cette dernière n'avait pu faire application des dispositions de l'article R. 332-20 du même code (N° Lexbase : L8401AC7), faute pour la SCI de s'être vue délivrer un permis de construire. Or, la délivrance du permis de construire constitue, en général, le fait générateur des participations financières prévues par les dispositions du Code de l'urbanisme.
II. L'exigibilité des participations financières prévues par les dispositions du Code de l'urbanisme
1) L'article L. 332-28 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L3727C8K) (issu de l'article 57 de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993, relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques N° Lexbase : L8653AGL) précise, d'une part, que les permis de construire constituent le fait générateur de toutes les participations éventuellement exigibles en application des articles L. 332-6-1, 2° (N° Lexbase : L7586DK8) et L. 332-9 (N° Lexbase : L7540ACA) du Code de l'urbanisme (participation en programme d'aménagement d'ensemble ; participation pour raccordement à l'égout ; participation pour non-réalisation d'aires de stationnement ; participation spécifique pour la réalisation d'équipements publics exceptionnels ; participation pour le financement des équipements des services publics industriels et commerciaux ; cession gratuite de terrain destiné à la voirie publique) et, d'autre part, que la nature et le montant des participations effectivement exigées doivent être mentionnés dans les arrêtés portant délivrance des permis de construire. A défaut, ces contributions ne peuvent être légalement obtenues, même en cas de notification postérieurement à la délivrance de l'autorisation qui serait sans effet légal.
Il en résulte qu'en cas de délivrance tacite d'un permis de construire, les participations ne sont pas exigibles. Il en est de même pour les déclarations de travaux (6).
De ce fait, les participations financières en matière d'urbanisme, qui ne sont pas de nature fiscale (7), doivent non seulement procéder d'une décision administrative qui en constitue le fait générateur, à l'exclusion de toute forme contractuelle (8), mais encore, doivent figurer sur la liste des articles L. 332-6 (N° Lexbase : L3668DYI), L. 332-6-1 (9) et L. 332-9 du Code de l'urbanisme qui a un caractère limitatif, sous peine d'action en répétition de l'indu du débiteur (10).
C'est l'autorisation de travaux (permis de construire, autorisation de lotir ou convention de ZAC) qui constitue le fait générateur de la participation. Bien plus, la participation représente une clause spéciale de cette autorisation, ce qui signifie que l'autorisation tacite ne rend pas exigible la participation et que, hormis le cas particulier des ZAC, aucun contrat, ni offre de concours, ni constatation d'un enrichissement sans cause, ne peut prévoir une telle participation.
Ainsi, l'obtention de l'autorisation de construire constitue le fait générateur de la participation (C. urb., art. R. 332-19 N° Lexbase : L8400AC4). Ni le permis tacite, ni le procès-verbal d'infraction en cas de construction sans autorisation ne sauraient constituer le fait générateur de la participation. En effet, le permis tacite ne peut entraîner le paiement de la participation dans la mesure où son montant doit toujours être fixé par l'arrêté préfectoral portant autorisation de construire.
2) En cas de construction en infraction, constatée par procès-verbal, deux cas peuvent se présenter :
- soit la régularisation est possible et, alors, la participation sera éventuellement fixée par l'arrêté de régularisation qui en constituera le fait générateur ;
- soit la régularisation est impossible : dans ce cas, même si le bâtiment n'est pas démoli, aucune participation ne peut être imposée, bien que l'infraction se trouve aggravée. Il appartient alors à l'administration de le signaler afin que les tribunaux puissent prendre en compte cet élément dans leur jugement.
Il faut toutefois souligner que, contrairement aux règles habituelles applicables en matière d'urbanisme, la participation pour non-réalisation d'aires de stationnement ne peut être perçue en cas de permis tacite et en cas de construction sans permis. C'est l'opinion qu'a exprimée l'administration dans une circulaire du 29 décembre 1978 (11). Il résulte, en outre, de la jurisprudence que le fait générateur de la participation pour non-réalisation d'aires de stationnement se situe au moment de la délivrance du permis de construire, ce qui signifie que cette participation ne peut pas faire l'objet d'un permis de construire modificatif qui régulariserait la situation en lui substituant l'acquisition de places supplémentaires (12).
3) Nous l'avons vu, en vertu de l'article L. 332-28 du Code de l'urbanisme (issu de l'article 57 de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993, relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques), le montant de la participation pour non-réalisation d'aires de stationnement doit être prescrit par le permis de construire ou précisé dans le montant de la participation forfaitaire à la charge des lotisseurs, aménageurs ou associations foncières urbaines de remembrement en vertu de l'article L. 332-12 du Code de l'urbanisme (13) (N° Lexbase : L7544ACE).
Par suite, et pour revenir à l'arrêt de la Cour de cassation, en l'absence de tout permis de construire, aucune participation ne pouvait être exigée par la commune de Juvisy-sur-Orge à l'encontre de la SCI constructeur. Or, si aucune participation ne peut être légalement exigée, il va de soi que l'action en recouvrement de cette participation, ou action en répétition de l'indu, ne peut davantage être engagée. En l'espèce, la commune de Juvisy-sur-Orge se trouvait, donc, doublement victime du comportement frauduleux du constructeur : elle était, en effet, victime du non-respect, par celui-ci, de ses obligations en matière de réalisation de places de stationnement mais elle était aussi victime, de manière plus générale, du caractère illégal des constructions qu'il avait entreprises, ces constructions tenant à la division d'un immeuble en appartements. Quant au constructeur, il pouvait, en quelque sorte, pour échapper à toute participation financière, invoquer sa propre turpitude puisque le fait d'avoir entrepris des travaux sans avoir préalablement demandé de permis de construire lui permettait, en outre, d'échapper au versement de la participation prévue par les dispositions de l'article L. 421-3 du Code de l'urbanisme.
Face à cette situation, le risque était donc que toute construction illégale puisse échapper à l'action en recouvrement de cette participation et que l'administration soit, de ce fait, doublement lésée.
III. La portée de l'arrêt rendu par la Cour de cassation
1) La solution retenue par la Cour présente, d'abord, l'intérêt de combler un vide juridique préjudiciable aux finances publiques et à l'environnement. En effet, il existait un vide juridique en cas de constructions entreprises sans permis de construire et, donc, en cas d'absence de fait générateur de la participation pour non-réalisation d'aires de stationnement. En bref, il eût été commode pour un constructeur de s'affranchir de ses obligations en matière de réalisation de places de stationnement et d'échapper au recouvrement de cette participation pour non-réalisation d'aires de stationnement en s'abstenant de solliciter la délivrance d'un permis de construire. Le dispositif prévu pour obliger les constructeurs à tenir compte des contraintes de stationnement risquait d'être totalement mis en échec : rien (14) n'était fait par le constructeur et rien ne pouvait lui être réclamé par l'administration pour compenser cette inaction.
Cette mise en échec des dispositions de l'article L. 421-3 du Code de l'urbanisme était donc préjudiciable à la fois pour l'environnement (préjudice résultant de l'absence de réalisation de places de stationnement par le constructeur) et les finances publiques (préjudice résultant de l'absence de versement par le constructeur de la participation pour non-réalisation d'aires de stationnement), étant précisé qu'in fine, les finances publiques ont pour but d'améliorer l'environnement puisque cette participation est exigée par la collectivité "en vue de la réalisation de parcs publics de stationnement".
Face à ce vide juridique, la Cour de cassation a donc admis qu'une demande en dommages et intérêts puisse être exercée en lieu et place de l'action en recouvrement prévue par les dispositions de l'article R. 332-21 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L8402AC8), lorsque cette dernière action ne pouvait être engagée par l'administration. Il s'agit donc d'une décision qui préserve l'intérêt de cette dernière, c'est-à-dire l'intérêt général, face à l'intérêt particulier du constructeur, lorsque cet intérêt particulier est précisément contraire à l'intérêt général. En l'espèce, l'intérêt de la SCI Delta était, en effet, contraire à l'intérêt général que représente l'amélioration des conditions de stationnement en zone urbaine.
2) La solution retenue par la Cour est également intéressante en ce qu'elle admet la recevabilité d'une demande en dommages et intérêts sur le fondement des règles de la responsabilité civile alors même que cette demande apparaît concurrentielle ou parallèle à une demande fondée sur les principes applicables à la responsabilité en matière d'urbanisme. La Cour de cassation a, en effet, relevé, à la suite de la cour d'appel de Paris, que la commune de Juvisy-sur-Orge avait chiffré son préjudice en se référant à l'article L. 421-3 du Code de l'urbanisme dont le cinquième alinéa prévoit que le "montant de cette participation ne peut excéder 12 195 euros par place de stationnement". Or, alors que la cour d'appel avait considéré, pour rejeter la demande en dommages et intérêts, que "sous le couvert d'une action en paiement de dommages-intérêts, l'action de la commune tend[ait] en réalité au recouvrement de la participation qu'elle reproch[ait] à la SCI d'avoir éludée", sans cependant vérifier si cette action en recouvrement pouvait en l'espèce être engagée par la commune, la Cour de cassation a apprécié in concreto si les conditions d'exercice de l'action prévue par les dispositions du Code de l'urbanisme étaient remplies avant de répondre par la négative et d'en conclure qu'à défaut de pouvoir exercer une action, la commune requérante devait pouvoir exercer l'action prévue par les dispositions du Code civil.
Ainsi, contrairement à la cour d'appel, la Cour de cassation a considéré que l'action en recouvrement prévue par l'article R. 332-21 du Code de l'urbanisme et l'action en dommages et intérêts prévue par l'article 1382 du Code civil n'étaient pas, du point de vue de leur invocabilité, exclusives ou alternatives mais complémentaires ou subsidiaires. En bref, selon la Cour de cassation, à défaut de pouvoir exercer l'action en recouvrement prévue par l'article R. 332-21 du Code de l'urbanisme, l'administration peut toujours exercer l'action en dommages et intérêts prévue par l'article 1382 du Code civil. Par ailleurs, pour exercer cette dernière action, l'administration peut s'appuyer sur les dispositions de l'article L. 421-3 du Code de l'urbanisme pour chiffrer son préjudice et récupérer, ainsi, par le biais de l'action en dommages et intérêts, la somme qu'elle n'a pu exiger du constructeur au moyen d'une action en recouvrement.
Au total, l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 23 novembre 2005 opère donc une opportune combinaison entre les dispositions de l'article L. 421-3 du Code de l'urbanisme et les dispositions de l'article 1382 du Code civil, en permettant à une collectivité de fonder une action relevant de ces dernières dispositions sur un préjudice évalué au regard des premières dispositions. Cet arrêt conduit également à étendre le champ d'action du juge judiciaire en matière d'urbanisme puisque l'administration pourra, désormais, toujours se tourner vers lui et vers les règles de la responsabilité civile lorsqu'elle sera dans l'impossibilité de réclamer à un constructeur la participation pour non-réalisation d'aires de stationnement.
Frédéric Dieu
Commissaire du Gouvernement près le Tribunal administratif de Nice
(1) Cass. civ. 3, 23 novembre 2005, n° 04-18.528, Commune de Juvisy-sur-Orge, représentée par son maire en exercice c/ SCI Delta, FS-P+B (N° Lexbase : A7551DLA).
(2) Rappelons qu'aux termes de cet article, "tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer".
(3) En particulier des troisième, quatrième et cinquième alinéas de cet article.
(4) Cf. CAA Nantes, 8 novembre 2000, n° 97NT02210, M. David, Mme Cansot (N° Lexbase : A1517BHN), Bulletin Juridique du Droit de l'Urbanisme (BJDU), 1/2001, p. 69.
(5) Cf. rép. min. n° 72462, JOANQ 17 février 1986, p. 662. Cf., aussi, TA Nice, 27 janvier 1984, n° 536/84/II, SCI La Font de l'Ange, selon lequel l'administration a la faculté et non l'obligation d'imposer la participation financière prévue par l'article L. 421-3 du Code de l'urbanisme, lorsque le pétitionnaire ne peut lui-même satisfaire aux obligations édictées par un plan d'occupation des sols.
(6) Cf. circulaire n° 93-08 du 12 janvier 1993 : BO Equip. n° 4 du 20 février 1993.
(7) Cf. CE, 7 novembre 1990, n° 112646, Fédération française de Golf (N° Lexbase : A5718AQT), Droit administratif (DA) 1991, n° 48. En ce qui concerne plus particulièrement la participation pour non-réalisation d'aires de stationnement, cf. CE, 26 mars 1999, n° 189805, M. Vincent N° Lexbase : A5425AX9), BJDU 2/1999, p. 135.
(8) Sauf en matière de zones d'aménagement concerté (ZAC).
(9) La participation destinée à la réalisation de parcs publics de stationnement figure à l'article L. 332-6-1 du Code de l'urbanisme.
(10) Cf. CE, 6 mars 1989, n° 68461, Commune de Crolles (N° Lexbase : A0710AQD), DA 1989, n° 225.
(11) Cf. circulaire n° 78-163 du 29 décembre 1978, n° 2-4-3 : BO Environnement n° 3 du 16 février 1979.
(12) Cf. CAA Lyon, 10 décembre 2002, n° 98LY00048, SNC Métier et Compagnie Le Bar Parisien (N° Lexbase : A2252A7K), BJDU 3/2003, p. 223.
(13) Le fait générateur de cette participation étant l'autorisation de construire, toute prescription en dehors de celle-ci est illégale. Le maire ne peut donc prescrire, par un arrêté qui n'a que ce seul objet, une participation ; celle-ci doit, en effet, figurer dans l'autorisation. Cf., à cet égard, CAA Douai, 13 février 2003, n° 00DA01251, Société Comptoirs Modernes Union Commerciale c./ Commune de Villers-Cotterêt (N° Lexbase : A0627B7D), BJDU 2/2003, p. 134.
(14) "Rien", c'est-à-dire ni réalisation d'aires de stationnement dans le voisinage, ni acquisition de places de stationnement dans un parc privé voisin, ni concession dans un parc public de stationnement existant ou en cours de réalisation.
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Réf. : Circulaire du 23 novembre 2005, NOR INTB0500105C, visant à améliorer l'intercommunalité (N° Lexbase : L7580HEH)
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Le 07 Octobre 2010
La coopération intercommunale a connu une multiplication d'appréciations négatives au cours de l'année 2005. Faisant suite au rapport du Conseil économique et social présenté par Pierre-Jean Rozet, au rapport de la Commission d'enquête sur la fiscalité locale et au "Livre noir" de l'intercommunalité, présenté par des parlementaires (2), le rapport de la Cour des comptes laissait craindre un surcroît de critiques. Le premier président de la Cour des comptes, Philippe Séguin, a présenté le rapport de manière rassurante aux maires et présidents d'EPCI lors du Congrès des maires en novembre dernier. Pour autant, son contenu est loin d'être vide d'observations sévères puisqu'il constate un indéniable inachèvement du processus et propose un certain nombre de recommandations. Le rapport constate que la coopération intercommunale n'a pas été réellement simplifiée depuis la loi n° 99-586 du 12 juillet 1999, relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale (N° Lexbase : L1827ASH), et que cette réforme n'a pas permis un effet suffisant de mutualisation de moyens, d'économie d'échelles ou de nouveaux services rendus. Le rapport souligne que l'intercommunalité ne peut produire ses effets bénéfiques si la logique d'intégration n'est pas conduite à son terme pour des projets cohérents de développement et d'aménagement territorial.
Lors de ce même Congrès des maires et présidents d'EPCI, le ministre délégué aux Collectivités territoriales, Brice Hortefeux, a affirmé la volonté gouvernementale de mettre en oeuvre des solutions aux principales critiques et annoncé une circulaire aux préfets pour passer à "un nouvel âge de l'intercommunalité". La circulaire n'a guère tardé puisqu'elle fut envoyée aux représentants de l'Etat dès le 23 novembre 2005. Son contenu apparaît clairement inspiré des recommandations du rapport de la Cour des comptes dont les grandes lignes étaient connues depuis des mois.
2. La volonté de consolider l'intercommunalité
La circulaire se compose d'un document succinct de deux pages complété par des annexes : une série de huit fiches pratiques. La volonté exprimée a pour objectif de consolider la démarche intercommunale par l'amélioration du mode de constitution et de fonctionnement des EPCI. La relance de la rationalisation et de la simplification de l'intercommunalité s'appuie essentiellement sur les préfets et les moyens dont ils ont été dotés par la loi précitée du 12 juillet 1999 (loi "Chevènement"), complétée par celle du 13 août 2004 (loi n° 2004-809 du 13 août 2004, relative aux libertés et responsabilités locales N° Lexbase : L0835GT4). Quatre axes prioritaires sont définis dans cet objectif : rationalisation des périmètres, définition de l'intérêt communautaire, exercice effectif des compétences transférées et clarification des relations financières entre les EPCI et les communes.
3. Le contenu de la circulaire
a. Un schéma d'orientation pour des périmètres pertinents
Les préfets ont la charge d'évaluer la pertinence de la carte intercommunale dans leur département. A cette fin, ils doivent élaborer, avant le 30 juin 2006, un schéma d'orientation de l'intercommunalité. Ce dispositif, non fondé sur une base légale, n'est pas contraignant : il est "un instrument concerté de proposition et de dialogue s'inscrivant dans une perspective d'évolution à moyen terme de la carte intercommunale". Ce schéma d'orientation est défini en association avec les élus concernés et avec l'appui de la Commission départementale de la coopération intercommunale (CDCI). Ce document dresse, d'abord, un bilan de la mise en oeuvre locale de l'intercommunalité. Ensuite, dans un but de cohérence et de lisibilité, il recense les évolutions souhaitables de la carte intercommunale : propositions de fusions et élargissements de périmètres. Si le ministre délégué avait mentionné dans ses interventions l'inadéquation de communautés de communes inférieures à 5 000 habitants, la circulaire en revanche n'indique aucun seuil.
b. Des critères objectifs de définition de l'intérêt communautaire
La circulaire insiste particulièrement sur ce point puisque cette définition est nécessaire à l'exercice effectif des compétences transférées aux EPCI à fiscalité propre. La circulaire, au travers de ses trois premières fiches, contribue à donner un mode d'emploi de la définition de l'intérêt communautaire.
- Modalités de définition. L'intérêt communautaire, dans une logique de subsidiarité, permet de départager, au sein d'une compétence transférée, les actions demeurant de la compétence des communes membres de celles qui ont vocation à être mises en oeuvre par l'EPCI. La circulaire rappelle la différence de modalités de définition selon le type d'EPCI à fiscalité propre. Dans les communautés de communes, cette définition est approuvée par délibérations concordantes des conseils municipaux des communes membres. La circulaire, par souci de transparence, recommande aux préfets de prendre un arrêté pour l'intégrer aux statuts de ces EPCI. Dans les communautés d'agglomération et les communautés urbaines, cette définition relève directement du conseil communautaire, à la majorité des deux tiers de ses membres. La circulaire rappelle que cette majorité est calculée en référence à l'effectif total du conseil communautaire.
- Eléments de définition. En l'absence de définition légale, la circulaire appelle à l'utilisation de critères objectifs : critères financiers (seuils), physiques (superficie, nombre de lots...), géographiques (définition précise de localisation) ou qualitatifs (énoncé objectif et précis). Les formulations générales et évasives sont proscrites ainsi que les listes de zones, d'équipements ou d'opérations au sein des compétences concernées. Le recours à une liste reste néanmoins envisagé en cas d'impuissance des critères objectifs à déterminer avec précision la délimitation. La distinction entre investissement et fonctionnement ne saurait constituer une ligne de partage.
- La circulaire exclut tout nouveau report de la date butoir initialement prévue par la loi du 13 août 2004, relative aux libertés et responsabilités locales, et reportée au 18 août 2006. Les préfets sont invités à rappeler aux élus qu'en cas d'absence d'une telle définition, avant expiration du délai, les compétences concernées ne peuvent être exercées par l'EPCI et après expiration, les compétences seraient intégralement transférées aux EPCI et les communes ne pourraient plus intervenir. La définition de l'intérêt communautaire pouvant être modifiée tout au cours de l'existence d'un EPCI, même après la date butoir, le préfet en tire les conséquences en modifiant les statuts.
c. La clarification des relations financières entre EPCI et communes
Le volet financier de la circulaire n'apporte guère de nouveauté puisque ses annexes éclairent les finesses de la loi du 13 août 2004.
- Les modalités de révision de l'attribution de compensation. La mise en oeuvre de la taxe professionnelle unique (TPU) implique que l'EPCI qui la perçoit verse aux communes membres une attribution de compensation. Cette dernière ne peut être indexée et doit être égale pour une commune à la différence entre le produit de la taxe professionnelle qu'elle percevait l'année précédant la mise en oeuvre de la TPU et le coût net des charges transférées à l'EPCI. La circulaire prévient contre une sous-évaluation des charges transférées et prône une objectivité.
- Les modalités d'évaluation des charges transférées. Le choix de la TPU implique la création concomitante d'une Commission d'évaluation des charges transférées qui est amenée à se prononcer lors de tout nouveau transfert de charges. La circulaire rappelle les modifications apportées aux modalités d'évaluation par la loi du 13 août 2004 selon les deux types de charges distinguées : charges de fonctionnement non liées à un équipement et charges de fonctionnement liées à un équipement.
- Les conditions de versement de fonds de concours. La circulaire rappelle la possibilité pour un EPCI à fiscalité propre de verser des fonds de concours à ses communes membres pour financer la réalisation ou le fonctionnement d'un équipement (CGCT, art. L. 5214-16 N° Lexbase : L1920HBQ, L. 5215-26 N° Lexbase : L1959GU4, L. 5216-5 N° Lexbase : L1921HBR). La loi du 13 août 2004 a supprimé la notion d'utilité dépassant manifestement l'intérêt communal mais introduit une nouvelle condition qui limite le plafond des fonds de concours versés à la part autofinancée par le bénéficiaire.
d. Transferts de personnels et mises à disposition de services entre un EPCI et ses communes membres
L'article L. 5211-4-1, II, alinéa 2, du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L1923GUR) prévoit que les services d'une commune membre peuvent, en tout ou partie, être mis à disposition de l'EPCI pour l'exercice de ses compétences, lorsque cela présente un intérêt dans le cadre d'une bonne organisation des services. Cette mise à disposition ne prend pas la forme individuelle prévue par l'article 6 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale (N° Lexbase : L7448AGX), qui exclurait les agents stagiaires ou non titulaires. Cette interprétation ne semblait pas s'imposer dans deux réponses ministérielles du mois d'octobre mais était confirmée par le ministre délégué aux Collectivités territoriales lors de son intervention au Congrès des Maires et dans la circulaire relative à l'intercommunalité.
e. Bilan 2005 du financement des EPCI
La circulaire, dans sa dernière annexe, conclut à l'amélioration du financement par la loi n° 2004-1484 du 30 décembre 2004, de finances pour 2005, (N° Lexbase : L5203GUA). Elle a permis d'améliorer la dotation d'intercommunalité des communautés de communes au travers du rattrapage des dotations par habitants ou par la suppression de l'écrêtement. Elle a aussi renforcé la prévisibilité de cette dotation en simplifiant le CIF (coefficient d'intégration fiscale), en augmentant le poids de la dotation de base, moins instable que la dotation de péréquation, ainsi qu'au travers de la garantie en fonction d'un niveau absolu de CIF. Ces dispositions n'ont pas été modifiées par la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005, de finances pour 2006 (N° Lexbase : L6429HET).
Nicolas Wismer
Collaborateur juridique à des associations de collectivités territoriales
Chargé d'enseignement en droit public à l'IEP de Lyon
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par Propos recueillis par Aurélie Serrano, SGR - Droit social
Le 07 Octobre 2010
La loi "Fillon" du 21 août 2003 ouvre, notamment, la possibilité de mettre en place, à partir d'un dispositif d'épargne salariale, un dispositif complémentaire d'épargne retraite. Elle crée ainsi le plan d'épargne retraite collectif (Perco), qui met fin au plan partenarial d'épargne salariale volontaire pour la retraite (PPESVR).
Le Perco est un système collectif d'épargne qui permet à un participant de se constituer volontairement une épargne investie en valeurs mobilières, dans un cadre fiscal favorable, bloquée jusqu'au départ à la retraite. Contrairement au PEE, il ne permet pas d'offrir de formules d'actionnariat salarié. Il doit être mis en place dans les mêmes conditions que le plan partenarial d'épargne salariale volontaire (PPESV), par un accord collectif entre l'employeur et les organisations syndicales représentatives ou, dans le cas d'un plan d'épargne retraite collectif interentreprises (Perco-I), comme pour les plan d'épargne interentreprises (PEI), par un ou plusieurs employeurs pris individuellement.
Les sommes versées sont bloquées jusqu'au départ à la retraite, sauf dans 5 cas de déblocage anticipé distincts de ceux du plan d'épargne entreprise (PEE). La sortie s'effectue, en principe, sous forme de rente, mais l'accord instituant le Perco peut prévoir la possibilité pour le bénéficiaire d'opter pour une sortie en capital, ou un panachage entre les deux. En cas de déblocage anticipé, la sortie se fait sous forme de capital.
La loi du 4 mai 2004 a eu d'importantes conséquences sur l'épargne salariale.
Elle modifie, tout d'abord, les conditions de négociation des accords collectifs. Le principe majoritaire est élargi, le droit d'opposition est développé et de nouvelles formes dérogatoires de négociation, en comité d'entreprise, par des délégués du personnel ou des salariés mandatés, sont créées. En pratique, avec l'élargissement du principe majoritaire, il est désormais souhaitable d'obtenir l'accord de la majorité des partenaires sociaux, au regard de leur poids dans le résultat des élections professionnelles.
En outre, on assiste à un allongement des délais d'entrée en vigueur des plans d'épargne salariale, lié au respect de la procédure d'opposition. L'impact de ces modifications sur l'épargne salariale est toutefois à relativiser puisqu'elles ne concernent que les accords conclus selon le droit commun de la négociation collective (c'est-à-dire selon les règles du titre III du livre Ier du Code du travail). Les modalités de conclusion propres à l'épargne salariale, figurant dans le titre IV du livre IV du Code du travail sont, pour leur part, inchangées.
Les désormais célèbres amendements "Chérioux" ont également modifié l'épargne salariale, notamment en limitant au maximum les facultés d'octroi des plans. Désormais, un nouveau règlement de plan d'épargne est forcément négocié s'il existe un comité d'entreprise ou un délégué du personnel. Le régime de l'octroi permettait, par exemple, à une société mère, après information des institutions représentatives du personnel, d'octroyer son plan d'épargne à ses filiales. Ce système présentait un grand intérêt, notamment dans le cadre d'un plan d'épargne de groupe, car il dispensait d'une négociation filiale par filiale.
Or, il n'existe pas, à ce jour, d'instance de groupe permettant de négocier un plan d'épargne pour le compte de l'ensemble des filiales. La décision de proposer un accord de groupe peut ainsi devenir un véritable casse-tête selon la taille de l'entreprise. Même si les amendements "Chérioux" ont introduit la reconnaissance de l'accord de groupe européen, les règles de mise en place de l'accord de groupe n'ont pas, pour autant, été simplifiées. Heureusement, il reste possible d'octroyer des avenants pour les plans octroyés auparavant.
L'ordonnance du 24 juin 2004 incite, encore, à la mise en place d'opérations d'actionnariat salarié en obligeant le débat en assemblée générale sur une résolution portant sur une augmentation de capital réservée aux salariés, dès lors que la part du capital détenu par les salariés est inférieure à 3 % (sur ce sujet, lire Yann Paclot et Jean-Philippe Dom, Ordonnance portant réforme du régime des valeurs mobilières : le point sur les obligations de transparence et les augmentations de capital, Lexbase Hebdo n° 133 du 8 septembre 2004 - édition affaires N° Lexbase : N2685AB3).
La loi "Sarkozy" a, notamment, instauré un déblocage anticipé sans motif de l'épargne salariale dans la limite d'un plafond global de 10 000 euros au bénéfice des salariés et anciens salariés. Ce dispositif ponctuel était applicable jusqu'au 31 décembre 2004 et a entraîné des déblocages importants des capitaux investis en PEE, pour la plus grande satisfaction des bénéficiaires, et un mécontentement des sociétés de gestion : certains articles de presse ont évoqué le chiffre de 6,97 milliards d'euros débloqués par anticipation et un impact de 0,2 à 0,3 point de PIB supplémentaire en 2004.
Cette loi a notamment introduit une majoration du plafond d'abondement des investissements en fonds d'actionnariat à 80 %, contre 50 % précédemment, reflétant, une fois encore, le souci constant du législateur de développer l'actionnariat salarié.
La loi du 23 février 2005 vise à étendre le bénéfice des dispositifs d'intéressement, de participation et d'épargne salariale aux salariés des groupements d'employeurs mis à la disposition d'une entreprise lorsqu'il n'existe pas de dispositif d'épargne salariale.
Désormais, un salarié mis à la disposition d'une entreprise par ce groupement peut bénéficier, comme les autres salariés de l'entreprise, des systèmes d'intéressement et de participation en vigueur au sein de cette entreprise. Cette attribution se fait au prorata du temps de la mise à disposition du salarié et dans le respect des conditions d'ancienneté figurant dans les accords et règlements de référence (C. trav., art. L. 444-4 N° Lexbase : L8391ASL).
La loi du 31 mars 2005 instaure une passerelle entre le Perco et le compte épargne temps (CET). Ainsi, en application du dixième alinéa de l'article L. 227-1 du Code du travail dans sa nouvelle rédaction (N° Lexbase : L1400G9Q), lorsque la convention ou l'accord collectif prévoit que tout ou partie des droits affectés sur le CET sont utilisés pour effectuer des versements en Perco, ceux de ces droits qui correspondent à un abondement en temps ou en argent de l'employeur sont exonérés de cotisations de sécurité sociale et d'impôt sur le revenu, dans la limite du plafond d'abondement de droit commun au Perco de 4 600 euros (C. trav., art. L. 443-7 N° Lexbase : L1432G9W et L. 443-8 N° Lexbase : L6522ACK).
Dans un contexte de débat national sur les modalités de partage des fruits de la croissance, la loi "Breton" a mis en place deux mesures ponctuelles destinées à soutenir le pouvoir d'achat et la consommation des ménages :
- le déblocage exceptionnel de la participation 2004 (en lieu et place de la réforme structurelle de la participation envisagée par Jean-Pierre Raffarin) ;
- le versement d'une prime exceptionnelle d'intéressement pouvant représenter jusqu'à 15 % de l'intéressement versé au titre de l'exercice 2004 ou 200 euros par salarié (circ. intermin., 30 septembre 2005, relative au versement de la prime exceptionnelle d'intéressement liée aux résultats ou aux performances de 2004 et au versement direct ou au déblocage à titre exceptionnel des sommes attribuées aux salariés en 2005 au titre de la participation N° Lexbase : L6791HCI).
La circulaire du 14 septembre 2005 permet de disposer d'un document uniforme intégrant l'ensemble des évolutions réglementaires ayant touché l'épargne salariale depuis la loi "Fabius". Ce texte contribue également à préciser certains points : les différents cas de déblocage anticipé ainsi que leurs conditions d'application font, notamment, l'objet d'un dossier spécial et détaillé.
En outre, la circulaire apporte une précision s'agissant de la contrainte légale posée par l'article L. 443-2 du Code du travail (N° Lexbase : L7778HBP), relatif aux limites d'investissements en PEE. En application de cet article, les bénéficiaires ne peuvent pas effectuer des versements volontaires excédant le quart de leur rémunération ou de leur pension de retraite ou allocation de préretraite. Aux termes de cet article, les sommes qui dépassent ce montant doivent être inclues dans l'assiette des cotisations sociales et déclarées à l'impôt sur le revenu comme complément de rémunération.
La circulaire précise que le respect de cette obligation relève de la responsabilité des bénéficiaires. Toutefois, en pratique, les entreprises peuvent avoir intérêt à veiller au respect de cette obligation puisqu'elles peuvent avoir à verser un abondement correspondant à l'éventuel excédent.
Le rapport sur la participation remis le 29 septembre 2005 au Premier ministre, Dominique de Villepin, par les députés UMP François Cornut-Gentille et Jacques Godfrain préconise, dans ses premières pages, une pause législative et réglementaire en matière d'épargne salariale : "la multiplication de textes, de dérogations temporaires, d'avenants législatifs et réglementaires ne peut que décourager les chefs d'entreprise et les salariés à développer la participation. Cette dernière s'inscrit dans la durée [...]. Tant le pouvoir politique que les instances administratives doivent se responsabiliser et s'interdire toute réforme de grande ampleur ou toute remise en cause des principes fondamentaux qui régissent la participation". C'est plutôt une bonne nouvelle pour les entreprises chargées de faire évoluer les dispositifs d'épargne salariale au gré des législateurs.
Le rythme des réformes ne semble pas, pour autant, être en voie de ralentir. En témoigne l'annonce récente faite par Dominique de Villepin d'une réforme de l'intéressement, de la participation et de l'actionnariat salarié afin de rendre ces dispositifs accessibles à davantage de bénéficiaires, notamment dans les PME où ils sont très peu utilisés. Le Premier ministre a ainsi demandé à Thierry Breton, ministre de l'Economie, et à Gérard Larcher, ministre délégué à l'Emploi, de préparer un projet de loi pour le "premier semestre 2006". Dominique de Villepin souhaite, ainsi, permettre une distribution aux salariés d'actions gratuites déductibles de l'impôt sur les sociétés. Un "dividende du travail" basé sur la conversion des comptes épargne-temps pour alimenter l'actionnariat salarié pourrait également être créé. La pause réglementaire préconisée n'est probablement pas encore à l'ordre du jour !
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