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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la rédaction
Le 07 Octobre 2010
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par Compte-rendu réalisé par Charlotte Figerou, Rédactrice en chef de Lexbase Hebdo - édition sociale
Le 07 Octobre 2010
Le contrat de travail est devenu un outil d'individualisation de la relation de travail, dont la rédaction doit impérativement être soignée. La relation de travail ne doit pas être figée par l'effet d'un contrat mal rédigé ; au contraire, tout l'enjeu -certes difficile- de cette rédaction est de sécuriser et de pérenniser les évolutions du contrat de travail, face à un contexte juridique instable. Il faut être d'autant plus vigilant, insiste le Professeur Christophe Radé, que le contrat de travail peut avoir un effet "boomerang" : ces quelques pages, qui contractualisent une relation de travail, ont parfois des conséquences désastreuses pour l'employeur ou le salarié, à moyen et long terme. Certes, pour minimiser cet effet "boomerang", il est toujours possible de modifier le contrat de travail, pour l'adapter aux impératifs du moment. Mais il est parfois trop tard pour agir...
Le lieu d'exécution du travail est très significatif des enjeux de la rédaction du contrat, que celui-ci comporte ou non une clause de mobilité. Nous retracerons donc, dans les propos qui vont suivre, les interventions du Professeur Christophe Radé (1) et du Professeur Jean-Emmanuel Ray (2), portant plus spécifiquement sur les problématiques liées à la mobilité des salariés.
1. Le changement de lieu de travail en l'absence de clause de mobilité
Comme l'a rappelé Christophe Radé, il convient de distinguer deux hypothèses, celle où le lieu de travail est indiqué dans le contrat de travail et celle où le contrat ne précise rien.
1.1. Le lieu de travail est indiqué dans le contrat de travail
A la suite de deux arrêts rendus le 3 juin 2003, la mention du lieu de travail dans le contrat de travail n'a que valeur d'information, à moins qu'il ne soit stipulé par une clause claire et précise que le salarié exécutera son travail exclusivement dans ce lieu (Cass. soc., 3 juin 2003, n° 01-40.376, FP-P+B+R+I N° Lexbase : A6993CK9 ; Cass. soc., 3 juin 2003, n° 01-43.573, FP-P+B+R+I N° Lexbase : A6994CKA, lire La simple indication du lieu de travail dans le contrat n'a qu'une valeur d'information, Lexbase Hebdo n° 76 du 19 juin 2003 - édition sociale N° Lexbase : N7795AAX).
Dès lors, sauf lorsque une clause stipule que le salarié exécutera son travail exclusivement dans ce lieu, le lieu de travail n'est pas figé et l'employeur a toute liberté pour le faire varier au sein d'un même secteur géographique. Il est toutefois préférable, selon Christophe Radé, d'inscrire dans ce contrat que le lieu de travail peut varier dans un même secteur géographique et, autant que faire se peut, de définir ce secteur.
Depuis ces arrêts du 3 juin 2003, la Cour de cassation a confirmé cette solution dans un arrêt en date du 21 janvier 2004 (Cass. soc., 21 janvier 2004, n° 02-12.712, FP-P+B N° Lexbase : A8593DAI, lire Confirmation de la simple valeur informative de la mention du lieu de travail dans le contrat de travail, Lexbase Hebdo n° 106 du 5 février 2004 - édition sociale N° Lexbase : N0337AB4). Dans cette espèce, étaient concernés des salariés recrutés pour travailler sur des sites précis. Or, à l'occasion de la réorganisation des activités de la société, cette dernière a envisagé le transfert de plusieurs salariés dans des établissements différents, à l'intérieur de la région parisienne. La Cour de cassation a décidé que le déplacement de leur lieu de travail au sein d'un même secteur géographique n'entraînait pas de modification de leur contrat de travail.
1.2. L'absence de clause indiquant le lieu de travail
Dans une telle hypothèse, l'employeur est libre de déplacer le lieu de travail du salarié au sein d'un même secteur géographique. La mutation dans un même secteur géographique n'entraîne pas de modification du contrat de travail. A l'inverse, si le salarié est affecté dans un secteur géographique différent, la modification du contrat de travail est établie. Toute la difficulté réside ici dans la notion de secteur géographique. Que faut-il entendre par là ?
Les juges du fond restant souverainement compétents pour déterminer les contours du secteur géographique, il n'est pas possible de dégager des solutions uniformes. Toutefois, on peut relever quelques lignes directrices. Il résulte de la jurisprudence que la notion de secteur géographique ne correspond pas nécessairement à un découpage administratif (département ou région) ; elle peut être rapprochée des concepts de "bassin d'emploi" ou de "zone urbaine".
Ainsi, il a été jugé que s'effectuaient dans un même secteur géographique les mutations décidées à l'intérieur de la région parisienne (Cass. soc., 20 octobre 1998, n° 96-40.757, Mlle Boghossian c/ Société Jelt CM, publié N° Lexbase : A3412ABY), ou entre deux agglomérations distantes de moins de 20 kilomètres (Cass. soc., 21 mars 2000, n° 98-44.005, M. Bergeron c/ M. Vert, publié N° Lexbase : A4971AG9). A l'inverse, il a été décidé qu'une mutation dans un site distant de 58 kilomètres au sein d'un même département s'opérait dans un secteur géographique différent et nécessitait, par conséquent, l'accord du salarié (Cass. soc., 4 janvier 2000, n° 97-45.647, Société Volailles coeur de France, société anonyme c/ Mme Marie Dominique Gautier, inédit N° Lexbase : A3150AGR).
Les juges se livraient à une appréciation objective du secteur géographique, sans y intégrer la moindre donnée subjective (Cass. soc., 20 octobre 1998, n° 96-40.757, Mlle Boghossian c/ Société Jelt CM, publié N° Lexbase : A3412ABY). Dans cette espèce, en plus d'affirmer que la région parisienne constitue un seul et même secteur géographique, la Cour de cassation retient une appréciation totalement objective de la notion de secteur géographique. Par conséquent, ne sont pas pris en compte les allongements importants de trajet entraînés par le changement de lieu de travail et leurs répercussions sur la vie familiale de la salariée. Ce changement de lieu de travail constitue un simple changement dans les conditions de travail que la salariée ne pouvait refuser, sauf à commettre une faute justifiant un licenciement.
Une telle jurisprudence a été maintes fois confirmée (voir, par exemple, Cass. soc., 4 mai 1999, n° 97-40.576, M. Hczyszyn c/ Société Paul Jacottet, publié N° Lexbase : A4696AGZ). Ainsi, les conséquences de la modification du lieu de travail sur la vie personnelle du salarié ne devaient pas être prises en compte dans la recherche de la qualification de la modification intervenue.
Mais, désormais, les juges du fond intègrent une dimension subjective pour apprécier si la modification du lieu de travail emporte ou non modification du contrat. C'est ainsi que seront prises en compte des données telles que, par exemple, l'existence d'un accès autoroutier, la situation en zone montagneuse, l'existence de crèches à proximité du lieu de travail pour les salariés ayant des enfants...
Si le point de départ de l'analyse reste objectif, les juges du fond, face aux situations injustes de certains salariés victimes du syndrome du "tout objectif", ont intégré, peu à peu, la prise en compte d'éléments subjectifs, propres au salarié. Une situation qui pourra conduire, au sein d'une même entreprise, à des qualifications juridiques différentes entre salariés ! La mutation pourra, pour Monsieur X, constituer une modification de son contrat de travail qu'il aura le droit de refuser et, pour Monsieur Y, un changement de ses conditions de travail s'imposant à lui.
Mais, selon Christophe Radé, ce recul du "tout objectif " et la prise en compte de variables concrètes, visant à protéger les intérêts des salariés, sont logiques et justes du point de vue de l'équité. Par ailleurs, cette tendance permet d'aligner la jurisprudence rendue sur la "mobilité sans clause" sur celle afférente aux clauses de mobilité... En effet, les juges sont très vigilants, lorsqu'une clause de mobilité est mise en oeuvre, aux éventuels abus que l'employeur pourrait commettre. Or, pour caractériser ces abus, les juges ont généralement recours à des éléments relevant de la vie privée du salarié et donc à des éléments subjectifs (pour un exemple récent, voir Cass. soc., 24 novembre 2004, n° 02-46.988, F-D N° Lexbase : A0319DEK : en imposant brutalement et sans raison à la journaliste âgée de 62 ans et employée depuis 18 ans à la rédaction de Toulouse, une affectation qui impliquait un changement de lieu de travail et de résidence sans lui donner d'informations précises sur ses futures fonctions, l'employeur a mis en oeuvre la clause de mobilité de façon discrétionnaire et abusive).
Il pouvait donc apparaître critiquable de retenir une appréciation objective de la modification intervenue dans la relation de travail en l'absence de clause de mobilité. On pouvait d'ailleurs, de manière légitime, se demander si la Haute juridiction ne protégeait pas davantage les salariés ayant contractualisé la mobilité que ceux dont le contrat de travail ne prévoyait rien en la matière !!!
2. La mutation du salarié en application d'une clause de mobilité
La clause de mobilité, qui est la clause intégrée dans le contrat de travail par laquelle le salarié s'engage par avance à accepter tout changement de son lieu de travail demandé par l'employeur, est source de contentieux important.
Comme l'a fait remarqué Jean Emmanuel Ray, les intérêts du jeune salarié, fraîchement diplômé, et ceux du même salarié devenu père de famille ne sont plus les mêmes... Le jeune salarié, désireux de s'expatrier dans des contrées lointaines, signera sa clause de mobilité sans contester, d'autant plus que sa situation ne le met pas en position de force pour négocier son contrat. Cependant, une fois marié avec des enfants, ce même salarié n'a plus forcément les mêmes aspirations et peut se trouver pris au piège : l'employeur est toujours en droit de lui imposer un départ à l'autre bout du monde, cette mutation n'étant que la simple exécution de son contrat de travail. Or, le refus du salarié pourra entraîner son licenciement pour faute grave ou sérieuse, selon les cas.
En outre, face à des juges restreignant continuellement la notion de secteur géographique (cf CA Versailles, 6e, Sociale, 6 avril 2004, n° 2003-03080, S.A.R.L. Climex N° Lexbase : A2470DCH, jugeant que l'Ile-de-France ne constitue pas un secteur géographique), les employeurs sont de plus en plus enclins à insérer des clauses de mobilité dans les contrats de travail des salariés. La vigilance s'impose...
2.1. Licéité des clauses de mobilité
L'existence d'une clause de mobilité ne se présume pas : elle nécessite une stipulation exprès, claire et limitée. Toutefois, selon Jean Emmanuel Ray, ces clauses sont susceptibles d'être attaquées à plusieurs niveaux.
Les clauses de variabilité permettent à l'employeur d'apporter à certains éléments de la relation contractuelle des modifications en cours d'exécution. Ces clauses ne sont pas toutes valables. Sont, en effet, interdites les clauses qui ont pour objet de permettre à l'employeur de modifier unilatéralement le contrat de travail, le droit de refuser les modifications du contrat de travail étant considéré par la jurisprudence comme d'ordre public, ce qui interdit au salarié d'y renoncer par anticipation en signant une clause du contrat de travail allant dans ce sens (Cass. soc., 27 février 2001, n° 99-40.219, Groupe des assurances nationales (Gan Vie) c/ M. Rouillot, publié N° Lexbase : A0505ATU).
En revanche, une clause du contrat de travail peut avoir pour effet de faire varier certains éléments de la relation contractuelle (pour un exemple concernant la rémunération, Cass. soc., 2 juillet 2002, n° 00-13.111, M. Robert Saucier c/ Société Fiduciaire juridique et fiscale de France (Fidal), publié N° Lexbase : A0669AZS : "une clause du contrat de travail peut prévoir une variation de la rémunération du salarié dès lors qu'elle est fondée sur des éléments objectifs indépendants de la volonté de l'employeur, ne fait pas porter le risque d'entreprise sur le salarié et n'a pas pour effet de réduire la rémunération en dessous des minima légaux et conventionnels")
La Cour de cassation a d'ailleurs eu l'occasion d'énoncer, dans un arrêt du 19 mai 2004, qu'en l'absence de limite géographique, la clause de mobilité est nulle (Cass. soc., 19 mai 2004, n° 02-43.252, F-D N° Lexbase : A2013DCK, lire La fin des clauses de mobilité "indéterminées", Lexbase Hebdo n° 123 du 2 juin 2004 - édition sociale N° Lexbase : N1787ABS). Cette précision est importante, même si, jusque-là, la Cour n'avait pas eu l'occasion de se prononcer sur la question. Cependant, on relèvera que dans un arrêt rendu quelques mois après, le 7 juillet 2004, la Cour de cassation n'évoque plus cette variabilité (Cass. soc., 7 juillet 2004, n° 02-43.979, F-D N° Lexbase : A0420DDW).
La convention collective peut prévoir des conditions de mise en oeuvre d'une clause de mobilité ; à défaut de respecter ces conditions d'origine conventionnelle, l'employeur ne peut pas valablement actionner la clause.
La Cour de cassation a rappelé ce principe le 13 octobre 2004, dans une hypothèse où le statut conventionnel prévoyait un entretien avant toute mise en oeuvre d'une clause de mobilité (Cass. soc., 13 octobre 2004, n° 02-42.271, FS-P+B N° Lexbase : A6058DDQ, lire Christophe Radé, Clauses de mobilité : l'obligation conventionnelle de concertation avec le salarié n'est pas une simple formalité, Lexbase Hebdo n° 139 du 21 octobre 2004 - édition sociale N° Lexbase : N3236ABH). A défaut de respecter cet entretien, le licenciement du salarié refusant la mutation est dépourvu de cause réelle et sérieuse, énonce la Cour.
La montée en puissance de cette disposition du Code du travail est, selon Jean-Emmanuel Ray, une menace sérieuse pour la validité des clauses de mobilité, les droits et libertés menacés étant les droits à la "vie familiale normale" et la notion de "raison familiales impérieuses".
2.2. La mise en oeuvre d'une clause de mobilité
Le postulat de départ remonte à septembre 2002. Il s'agit de l'arrêt "Go Sport", aux termes duquel il est impossible de mettre en oeuvre une clause de mobilité de manière discrétionnaire (Cass. soc., 18 septembre 2002, n° 99-46.136, FP-P N° Lexbase : A4510AZ3, lire La mise en oeuvre d'une clause de mobilité ne doit pas être abusive, Lexbase Hebdo n° 41 du 3 octobre 2002 - édition sociale N° Lexbase : N4088AAN).
Or, depuis deux arrêts en date du 23 février dernier et ayant fait l'objet d'une publicité maximale, la Cour de cassation a décidé que la bonne foi contractuelle étant présumée, il incombe au salarié de démontrer que la décision a, en réalité, été prise pour des raisons étrangères à l'intérêt de l'entreprise ou bien qu'elle a été mise en oeuvre dans des conditions exclusives de la bonne foi contractuelle (Cass. soc., 23 février 2005, n° 03-42.018, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A8789DGM ; Cass. soc., 23 février 2005, n° 04-45.463, F-P+B+R+I N° Lexbase : A8816DGM, lire Christophe Radé, La bonne foi de l'employeur et la mise en oeuvre de la clause de mobilité, Lexbase Hebdo n° 158 du 10 mars 2005 - édition sociale N° Lexbase : N4888ABN).
Par ailleurs, lorsque l'employeur met en oeuvre la clause de mobilité, il lui est déconseillé de proposer cette mise en oeuvre au salarié ainsi que de lui rédiger un avenant à son contrat de travail : en agissant ainsi, l'employeur se placerait d'office sur le terrain de la modification du contrat de travail et ne pourrait plus "imposer" la mutation !
Enfin, la jurisprudence considère que la mise en oeuvre de la clause ne doit pas avoir d'impact sur la rémunération (Cass. soc., 15 décembre 2004, n° 02-44.714, FS-P+B N° Lexbase : A4690DEG). Or, comme le souligne le Jean-Emmanuel Ray, la mutation d'un salarié d'une société du groupe vers une autre emporte systématiquement, en pratique, des variations de rémunération, si faibles soient-elles. Cette jurisprudence ne vient-elle pas frapper d'inefficacité la plupart des clauses de mobilité ?
Enfin, il apparaît que, nullement réglementées par le Code du travail, ces clauses de mobilité se trouvent soumises aux dispositions de l'article L. 120-2 du Code du travail (N° Lexbase : L5441ACI), lorsqu'elles portent atteinte aux libertés du salarié. Dès lors que le salarié invoque l'article L. 120-2 du Code du travail, il appartient à l'employeur de se justifier (Cass. soc., 3 novembre 2004, n° 03-40.158, F-D N° Lexbase : A7773DDA ; Cass. soc., 3 novembre 2004, n° 02-45.749, F-D N° Lexbase : A7627DDT, lire Gilles Auzero, Mise en oeuvre des clauses de mobilité : illustrations du contrôle très strict opéré par les juges, Lexbase Hebdo n° 143 du 18 novembre 2004 - édition sociale N° Lexbase : N3513ABQ).
Enfin, s'agissant de la mise en oeuvre d'une clause de mobilité à titre de sanction disciplinaire, si la pratique n'est pas prohibée (Cass. soc., 11 juillet 2001, n° 99-41.574, Société Franfinance c/ M. Thierry Barrande, publié N° Lexbase : A5096AGT), elle ne constitue pas pour autant, selon Jean Emmanuel Ray, une solution adéquate. L'employeur qui agit de la sorte devra passer entre les mailles du filet... La sanction est-elle prévue par le règlement intérieur ? L'employeur a-t-il respecté la procédure disciplinaire ? (à défaut de respecter cette procédure, la sanction est nulle !) L'employeur est-il en mesure de prouver la faute ? La sanction n'est-elle pas manifestement disproportionnée par rapport à la faute commise ? Bref, autant de raisons qui incitent l'employeur à n'user de cette méthode qu'avec parcimonie !!!
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Réf. : Cass. com., 1er mars 2005, n° 03-12.425, Mme Nunzia Maranta, gérante de la société à responsabilité limitée Metalme France c/ M. Pascal Guigon, FS-P+B+I+R (N° Lexbase : A9497DGT)
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par Pierre-Michel Le Corre, Professeur des Universités, Directeur du Master Droit de la Banque de la Faculté de Toulon et du Var
Le 07 Octobre 2010
En l'espèce, un créancier assigne son débiteur aux fins d'ouverture d'une procédure collective. En cours de procédure, le débiteur soulève l'irrecevabilité de l'assignation pour défaut d'indication des procédures ou voies d'exécution engagées pour le recouvrement de sa créance. Le tribunal et, à sa suite, la cour d'appel, rejettent la prétention du débiteur et font droit à la demande du créancier. Le débiteur a formé un pourvoi. La question qui se posait était de déterminer la sanction à attacher à l'omission, par le créancier, dans son assignation en redressement judiciaire des procédures ou voies d'exécution entreprises pour obtenir le recouvrement de sa créance. S'agissait-il d'une irrégularité de forme, laquelle nécessitait la démonstration d'un grief ? Fallait-il plutôt y voir une nullité de fond, indépendante de tout grief ? A cette question, la Cour de cassation va clairement, dans cet arrêt de principe appelé à une publication au Bulletin, opter pour la seconde branche de l'alternative, en cassant l'arrêt d'appel : "l'assignation d'un créancier contient, à peine d'irrecevabilité de la demande qui doit être soulevée d'office, l'indication des procédures ou voies d'exécution engagées pour le recouvrement de la créance" (Cass. com., 1er mars 2005, n° 03-12.425, précité ; D. 2005, AJ p. 712 , note A. Lienhard ; Act. proc. coll. 2005/6, n° 63, note crit. C. Régnaut-Moutier).
Ainsi, le principe prescrit à l'article 7, alinéa 1er, du décret n° 85-1388 du 27 décembre 1985, qui oblige le créancier à préciser, dans une assignation tendant à l'ouverture d'une procédure collective, les procédures ou voies d'exécution entreprises pour obtenir le recouvrement de sa créance, doit être respecté à peine de nullité de l'assignation. La Cour de cassation a, donc, ici, opté pour le régime des nullités de fond.
La solution ne peut, certes, se recommander de l'article 117 du Nouveau Code de procédure civile (N° Lexbase : L2008ADQ), qui énonce limitativement les trois cas de nullité de fond des actes de procédure : défaut de capacité d'ester en justice, défaut de pouvoir d'une partie ou d'une personne figurant au procès comme représentant, soit d'une personne morale, soit d'une personne atteinte d'une incapacité d'exercice, et défaut de capacité ou de pouvoir d'une personne assurant la représentation d'une partie en justice. Mais comme le relève la doctrine, il subsiste un espace pour d'autres causes de nullités. "L'article 117 du NCPC n'exclut pas que d'autres textes puissent prévoir des contraintes particulières et propres à certaines procédures, et en sanctionner la méconnaissance par la nullité" (Droit et pratique de la procédure civile, Dalloz Action 2002/2003, n° 1635).
Cette cause de nullité entache l'assignation d'irrecevabilité. Il s'agit, techniquement, d'une fin de non-recevoir. Intervenant dans la matière des procédures collectives, qui résulte d'une réglementation d'ordre public, la fin de non-recevoir doit, comme l'énonce, ici, la Cour de cassation, être relevée d'office par le tribunal.
La décision doit être pleinement approuvée. Le législateur a entendu éviter les assignations-pressions. C'est pourquoi, ainsi qu'il a été indiqué, le créancier qui assigne en redressement ou en liquidation judiciaire doit le faire, à l'exclusion de toute autre demande, spécialement d'une demande subsidiaire en paiement. C'est pour cette même raison qu'il est exigé du créancier qu'il procède préalablement à des tentatives de recouvrement de sa créance. Ce n'est donc pas par "coquetterie" que l'assignation doit mentionner les procédures ou voies d'exécution préalablement engagées. Il s'agit, par là, d'obliger le créancier à procéder ainsi, avant d'engager une assignation en procédure collective. C'est donc bien une question de fond, non une simple règle de preuve.
Cette exigence se comprend, d'ailleurs, d'autant mieux, lorsque l'on fait l'exégèse de l'article 7, alinéa 1er, du décret du 27 décembre 1985. Sous l'empire du décret du 27 décembre 1985, dans sa rédaction initiale, le texte prévoyait que la demande contenait "éventuellement" l'indication des procédures ou voies d'exécution engagées. Il en résultait que l'assignation en redressement judiciaire pouvait intervenir, nonobstant l'absence de procédures ou voies d'exécution engagées pour le recouvrement de la créance (Cass. com., 13 mars 1990, n° 88-17.458, Société Le Réveil du Bugey et du Dauphiné c/ M. Bermond, ès qualités de syndic du règlement judiciaire N° Lexbase : A4151AGT, Bull. civ. IV, n° 79 ; JCP éd. E 1991, I, 44, n° 2, obs. P. Pétel ; RD bancaire et bourse 1990, 172, obs. M. J. Campana et Calendini ; Rev. proc. coll. 1990, 126, obs. L. Cadiet) et que l'assignation n'était pas entachée d'irrecevabilité, au prétexte que l'indication de ces procédures ou voies d'exécution n'avait pas été portée dans l'assignation (CA Paris, 22 janvier 1987, D. 1987, IR p. 42). L'adverbe "éventuellement" a été supprimé par le décret du 21 octobre 1994. Il fallait en déduire, même si la solution n'était pas suivie majoritairement par les juridictions du fond (CA Toulouse, 29 mai 1997, Rev. proc. coll. 1998, 226, n° 4, obs. M. Cadiou ; Rev. proc. coll. 1999, 97, obs. P. Canet ; Rev. proc. coll. 2002, p. 52, n° 2, obs. J. M. Deleneuville ; CA Montpellier, 2e ch., 2e sect., 24 novembre 1998, Rev. proc. coll. 2002, p. 52, n° 2, obs. J. M. Deleneuville ; CA Rennes, 2e ch., 1er mars 2000, Rev. proc. coll . 2002, p. 52, n° 2, obs. J. M. Deleneuville ; CA Nancy, 2ème ch., 26 novembre 2003, RD banc. et fin. 2004/4, p. 252, n° 169, obs. approb. F.-X. Lucas. Adde, Y. Chaput, Droit des entreprises en difficulté et faillite personnelle, PUF, "Droit fondamental", 1996, n° 266), que l'assignation en redressement ou en liquidation judiciaire présuppose le préalable de l'exercice d'une procédure ou d'une voie d'exécution (CA Amiens, ch. com., 16 novembre 2000, Rev. proc. coll. 2002, p. 52, n° 2, obs. J. M. Deleneuville ; CA Paris, 3ème ch., sect. B, 28 janv. 2005, RG n° 04/01781 N° Lexbase : A5884DGZ ; F. Pérochon et R. Bonhomme, Entreprises en difficulté - Instruments de crédit et de paiement, LGDJ, 6e éd., 2003, n° 127 ; P.-M. Le Corre, Droit et pratique des procédures collectives, Dalloz Action 2003/2004, n° 23.24).
Une difficulté d'interprétation reste à signaler. La notion de "procédures" engagées est ambiguë. Faut-il comprendre qu'il s'agit d'une "procédure d'exécution", telle la procédure de paiement direct, ou suffit-il d'une poursuite en paiement ? La logique du texte, qui interdit les assignations-pressions, nous semble autoriser la deuxième solution. Il n'est, dès lors, pas nécessaire que le créancier ait obtenu un titre exécutoire (E. Scholastique, Titre exécutoire et procédures collectives, Dr. et procédures 2005/1, p. 7 s., sp. p. 8, n° 4). Ainsi apparaît-il nécessaire, mais aussi, suffisant, d'avoir engagé des poursuites. Dès lors, si la créance ne résulte pas d'un titre exécutoire, tel un acte notarié, le créancier devra, d'abord, assigner en paiement ou avoir pratiqué des mesures conservatoires. Il faut, donc, admettre que l'assignation en redressement judiciaire par le créancier, faisant suite à une assignation en paiement, est parfaitement recevable.
Précisons, pour terminer, que l'alinéa 2 de l'article 7 du décret du 27 décembre 1985 prévoit, en outre, que, si la demande tend à l'ouverture d'une liquidation judiciaire, le créancier devra l'accompagner des pièces établissant la cessation d'activité de l'entreprise ou l'impossibilité manifeste de son redressement.
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Réf. : CE, 9° et 10° s-s., 1er avril 2005, n° 252713, Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie c/ SNC Clemme-Delplanque (N° Lexbase : A4335DHZ)
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N4342AIN
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par Yolande Sérandour, Professeur à la Faculté de droit de Rennes, Directrice du Master de Droit Fiscal des Affaires de Rennes et du département Droit fiscal du CDA
Le 07 Octobre 2010
Telle est la question à laquelle devait répondre le Conseil d'Etat le 1er avril 2005. La SNC Clemme-Delplanque a pour objet social, notamment, l'exploitation d'étangs, de buvettes et de parcs d'attractions. Concernant l'exploitation des étangs, son activité comporte, d'une part, la vente de forfaits de pêche à la journée ou à la demi-journée dans son étang principal, et d'autre part, la vente de truites au poids ou à la pièce. Dans ce dernier cas, la société laisse à ses clients la possibilité de pêcher eux-mêmes, dans ses petits étangs, les truites achetées, sans modification du prix de vente. L'administration fiscale, se focalisant sur la possibilité de pêcher les truites après l'achat assimilait les ventes de truites à des prestations de services passibles du taux normal. Le vendeur entendait se voir reconnaître le bénéfice de l'article 278 bis du CGI dans sa rédaction applicable en l'espèce (1985-1987) : "La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux super réduit de 5,50 % en ce qui concerne les opérations d'achat, d'importation, de vente, de livraison, de commission, de courtage ou de façon portant sur les produits suivants : / [...] 12° Produits d'origine agricole, de la pêche, de la pisciculture et de l'aviculture n'ayant subi aucune transformation".
Respectant la chronologie des situations, la Haute cour considère, à propos de "la vente au poids ou à la pièce des truites déversées dans les petits étangs pour être pêchées par les clients ; que, dès lors que les clients ont acquis ces truites à des tarifs identiques à ceux pratiqués pour la vente directe, cette activité doit être regardée non comme une prestation de services, mais comme la vente de produits de la pisciculture au sens des dispositions de l'article 278 bis précité du code général des impôts".
Ainsi, le prix apparaît-il comme un critère de distinction entre les livraisons de biens et les prestations de services. Au regard de la jurisprudence communautaire, cet arrêt révèle que le prix peut constituer un critère d'application des principes de neutralité et d'égalité.
1. Le prix, critère de distinction entre les livraisons de biens et les prestations de services
En l'espèce, la difficulté provenait de la diversité des activités du vendeur, également prestataire de services. Les amateurs de pêche à la truite se voyaient offrir la possibilité d'exercer ce loisir soit par l'acquisition de forfaits de pêche à la journée ou à la demi-journée, soit par l'acquisition préalable de truites, ensuite déversées dans un petit étang. Dans les deux cas, le pêcheur devait lancer sa ligne et espérer que la truite morde à l'hameçon avant d'obtenir satisfaction. Le résultat dépendait de la mise à disposition d'une étendue d'eau comprenant des truites et de la participation du client. Or, la mise à disposition d'un bien moyennant un prix appartient assurément à la catégorie des prestations de services non visée par l'article 278 bis du CGI. Ce dernier réserve, en effet, le taux réduit aux "Produits d'origine agricole, de la pêche, de la pisciculture et de l'aviculture n'ayant subi aucune transformation".
S'agissant des ventes de truites avant de les déverser dans un étang, l'administration fiscale pouvait légitimement craindre un montage destiné à éluder partiellement l'impôt. Il était, effectivement, tentant de prétendre vendre des truites et non des prestations de loisir, afin de bénéficier du taux réduit. Cependant, l'application sans discernement du taux normal au vendeur de truites au prétexte qu'il commercialise des prestations de pêche serait faire fi de la réalité lorsque les faits diffèrent.
Traditionnellement, la vente se distingue du louage par le transfert de propriété immédiat. La SNC Clemme-Delplanque vend des truites que ses clients peuvent emporter ou faire déverser dans un étang, afin de les pêcher. L'effectivité du transfert de propriété et du pouvoir de disposer paraît difficilement contestable . Soutenir que la vente de truites devient une prestation de services si l'acquéreur demande au vendeur de les déverser dans un étang afin de les pêcher serait contrevenir à la liberté d'entreprendre et à la liberté contractuelle sur lesquelles repose le marché unique. Ce serait, surtout, sanctionner a priori un supposé abus de droit.
En réalité, l'administration fiscale craint la vente de biens soumise au taux de 5,50 % déguisant la commercialisation de prestations de services relevant du taux normal. Le même problème se pose à propos des éleveurs de gibier qui vendent leur production tout en offrant à leurs clients la possibilité de chasser le gibier acquis dans un espace offert à la location, par eux-mêmes ou un tiers. L'administration fiscale semble considérer que la location et l'organisation de la chasse incluent la fourniture du gibier (QE n° 31278 de M. Ducout Pierre, JOANQ, 14 juin 1999, p. 3552, réponse publ. 27 septembre 1999 p. 5606, 11ème législature N° Lexbase : L2014BCL). En l'espèce, sans évoquer l'abus de droit ou la fraude, le Conseil d'Etat écarte le prétendu déguisement en constatant que le prix de vente demeure identique, quel que soit le choix des clients, emporter les truites ou les pêcher sur place. Si le prix des truites avait été plus élevé, le juge administratif en aurait apparemment déduit l'existence de véritables prestations de services. Or, si l'article 22-8 de la 6ème directive-TVA (N° Lexbase : L9279AU9) permet aux Etats membres de prévoir d'autres obligations qu'ils jugeraient nécessaires pour assurer l'exacte perception de la taxe et pour éviter la fraude, encore faut-il que des mesures spécifiques aient été prises. Or, en France, l'abus de droit présuppose le respect de la procédure décrite par l'article L. 64 du LPF(N° Lexbase : L5565G4U), à peine de nullité du redressement opéré au mépris de ce texte.
De plus, la sanction de la fraude ou de l'abus en présuppose la démonstration. Tel est le sens de la jurisprudence communautaire (CJCE, 3 juillet 1997, aff. C-330/95, Goldsmiths (Jewellers) Ltd c/ Commissioners of Customs & Excise N° Lexbase : A0301AW3 ; CJCE, 29 mai 1997, aff. C-63/96, Finanzamt Bergisch Gladbach c/ Werner Skripalle N° Lexbase : A0356AW4 ; CJCE, 19 septembre 2000, aff. C-177/99, Ampafrance SA c/ Directeur des services fiscaux de Maine-et-Loire (C-177/99) et Sanofi Synthelabo c/ Directeur des services fiscaux du Val-de-Marne (C-181/99) N° Lexbase : A7225AH3). Il y va des principes de neutralité et d'égalité de la TVA.
2. Le prix, critère d'application des principes communautaires de neutralité et d'égalité
Selon la CJCE, "les Etats membres ont la faculté de prévoir d'autres obligations qu'ils jugeraient nécessaires pour assurer l'exacte perception de la taxe et pour éviter la fraude, sous réserve du respect de l'égalité de traitement des opérations intérieures et des opérations effectuées entre Etats membres par des assujettis" (CJCE, 21 avril 2005, aff. C-25/03, Finanzamt Bergisch Gladbach c/ HE, § 10 N° Lexbase : A9457DHQ ; Yolande Sérandour, Epoux indivisaires et déduction de la TVA, Lexbase Hebdo n° 166 du 5 mai 2005 - Edition fiscale N° Lexbase : N3791AIA). Ce principe d'égalité de traitement constitue le corollaire du principe de neutralité (arrêt "HE", préc. § 72).
Le principe de neutralité de la TVA impose d'appliquer le même taux de TVA aux activités identiques. Ce principe régulièrement rappelé et appliqué par la CJCE serait violé si l'application du taux de 5,50 % à la vente de truites devait dépendre du fait que le vendeur permet ou non à ses clients de les faire déverser dans son étang pour les pêcher. Afin d'éviter toute suspicion, le vendeur devrait s'interdire de vendre à des pêcheurs ! Si le principe de neutralité "s'oppose à ce que des opérateurs effectuant les mêmes opérations soient soumis à des traitements différents du point de vue de la TVA" (CJCE, 7 septembre 1999, aff. C-216/97, Jennifer Gregg et Mervyn Gregg c/ Commissioners of Customs and Excise, § 20 N° Lexbase : A0499AWE), il semble difficile de distinguer selon que les acquéreurs de truites emporte immédiatement leur achat ou préfèrent le pêcher. Sur le fondement du principe de neutralité, la France a obtenu l'application du taux réduit à la partie abonnement des prestations de fourniture d'électricité bien que l'abonnement soit très étroitement lié au service concerné et fourni par la même personne. Cela atteste de la possibilité de dissocier les éléments d'une prestation complexe si des taux différents s'y appliquent. A fortiori, le même taux doit s'appliquer aux opérations identiques, notamment, par le prix ! Citons le § 25 de l'arrêt rendu par la CJCE le 8 mai 2003 dans l'affaire C-384/01: "La Cour a déjà affirmé que l'introduction et le maintien de taux réduits de TVA inférieurs au taux normal fixé à l'article 12, paragraphe 3, sous a), de la sixième directive-TVA ne sont admissibles que s'ils ne méconnaissent pas le principe de la neutralité fiscale inhérent au système commun de la TVA, lequel s'oppose à ce que des marchandises semblables, qui se trouvent, donc, en concurrence les unes avec les autres, soient traitées de manière différente du point de vue de la TVA (CJCE, 3 mai 2001, aff. C-481/98, Commission des Communautés européennes c/ République française, points 21 et 22 N° Lexbase : A3562AT4). Il en résulte que si la mise à disposition d'un étang, postérieurement à la vente des truites, était facturée, le taux réduit devrait pouvoir s'appliquer. Rien n'interdit de dissocier les éléments d'une prestation complexe et d'y appliquer les règles de TVA propres à chaque prestation. Le 25 février 1999 (CJCE, 25 février 1999, aff. C-349/96, Card Protection Plan Ltd (CPP) c/ Commissioners of Customs & Excise N° Lexbase : A7318AHI), à propos d'une affaire soulevant un problème de définition et de distinction des prestations, la CJCE a affirmé, au point 30, que "Il convient de souligner qu'il s'agit d'une prestation unique notamment dans l'occurrence où un ou plusieurs éléments doivent être considérés comme constituant la prestation principale alors que, à l'inverse, un ou des éléments doivent être regardés comme une ou des prestations accessoires partageant le sort fiscal de la prestation principale. Une prestation doit être considérée comme accessoire à une prestation principale lorsqu'elle ne constitue pas pour la clientèle une fin en soi, mais le moyen de bénéficier dans les meilleures conditions du service principal du prestataire".
En résumé, constitue une prestation autonome soumise au régime prévu par la 6ème directive-TVA toute prestation indépendante dont l'existence et la consommation ne nécessite pas un autre élément constitutif. Comme en matière d'assiette de la TVA, seule importe la volonté contractuelle. Si les clients ressentent le désir d'acquérir des prestations différentes, qu'ils jugent indispensables pour obtenir satisfaction en les utilisant ensemble, le taux propre à chaque prestation doit s'appliquer. En l'espèce, l'absence de facturation de la mise à disposition d'un étang interdisait d'assimiler à une prestation de service la vente de truites pour un prix identique à celui des ventes à emporter.
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Réf. : Cass. com., 19 avril 2005, n° 03-12.458, M. André Bogdan c/ Directeur général des impôts, FS-P+B (N° Lexbase : A9571DHX)
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N4319AIS
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par Daniel Faucher, Consultant au CRIDON de Paris
Le 07 Octobre 2010
1.1. Principe
Cette condition de date certaine s'oppose à la déduction des dettes qui prennent naissance après le fait générateur de l'impôt, soit le 1er janvier de l'année d'imposition. Cependant, il n'est pas nécessaire que les dettes soient liquides pour être déductibles. Il suffit qu'elles existent dans leur principe encore que leur montant ne soit pas arrêté, mais la déduction ne peut être opérée que lorsque le montant est connu (Doc. adm. 7 S 361, du 1er octobre 1999, n° 2). De même, les dettes dont l'existence est incertaine ne sont pas déductibles. Il en est, ainsi, des dettes sous conditions suspensives ou litigieuses.
2.2. Applications
Il est admis que les dettes de cette nature, dont le fait générateur se situe au plus tard au 1er janvier de l'année d'imposition, soient déduites même si, pour celles qui donnent lieu à émission d'un rôle d'imposition, l'avis parvient au redevable après la date limite de dépôt de la déclaration d'ISF. En pratique, le redevable déduit un montant équivalent, sous réserve de régularisation, à celui acquitté l'année précédente pour le même impôt. Cette règle est écartée lorsque le redevable est susceptible de calculer lui même le montant réellement dû, ce qui est le cas de l'impôt sur le revenu. Lorsque le fait générateur est constitué, comme, par exemple, pour la taxe additionnelle au droit de bail perçue sur les loyers (précisons que celle-ci a été remplacée à compter de 1998 par la contribution sur les revenus locatifs, elle même supprimée à partir de 2001), par la mutation de jouissance, la dette déductible ne peut être limitée aux seuls loyers courus avant le 1er janvier (Cass. com., 19 avril 2005, n° 03-12.458, M. André Bogdan c/ Directeur général des impôts, ici commenté).
La dette, qu'elle soit fiscale ou autre, n'est pas déductible tant qu'elle est litigieuse, au motif que sa réalité est contestée par voie de réclamation auprès du service des impôts ou devant un tribunal. Tel est le cas de rappels en matière d'impôt sur le revenu (Cass. com., 13 janvier 1998, n° 96-10.352, Directeur général des impôts c/ M. Picoty N° Lexbase : A3412CS8). En effet, la dette contestée n'est pas certaine, de sorte qu'elle ne peut figurer au passif de la déclaration. Cette solution n'est pas spécifique à l'impôt de solidarité sur la fortune. La non déduction des rappels contestés est, également, un principe établi s'agissant des droits de succession. Or, les règles applicables dans ce domaine le sont, aussi, en matière d'ISF. Ainsi, l'analyse ne diffère pas quand bien même le redevable aurait acquitté les rappels d'impôts, au lieu d'accompagner sa réclamation d'une demande de sursis de paiement (Cass. com., 15 janvier 2002, n° 98-21.330, F-D N° Lexbase : A7974AXM). La solution est identique en cas de garantie d'un passif fiscal, si la dette fiscale elle même est contestée par le redevable (Cass. com., 3 juillet 2001, n° 98-15.971, M. Philippe Durreche c/ Directeur des Services Fiscaux des Yvelines N° Lexbase : A1183AUD). En revanche, la dette fiscale devient déductible lorsqu'elle n'est plus contestée, soit parce que le contribuable a accepté les redressements, soit parce que la procédure a abouti à une décision juridictionnelle définitive. Dans cette hypothèse, le rappel devient rétroactivement déductible depuis l'année au cours de laquelle il aurait normalement dû être acquitté. Une déclaration complémentaire doit être déposée dans le délai imparti pour les réclamations, c'est-à-dire, en l'espèce, au plus tard le 31 décembre de la deuxième année qui suit la décision définitive (en ce sens, instruction du 9 août 1999, BOI n° 7 S-10-99 N° Lexbase : X8017ABK).
Lorsqu'un redevable s'est engagé à acquitter les droits de succession dus par lui dans le cadre du paiement fractionné, le passif déductible est fixé à hauteur du capital restant dû au 1er janvier, des intérêts échus et non payés, ainsi que des intérêts courus à la même date (CA Pau, 29 octobre 2001, n° 00PA00169, confirmant TGI Dax, 7 février 2001, n° 99-1242).
La caution d'une société n'est pas en droit de déduire le solde débiteur du compte bancaire de la société dont il s'est porté caution tant que son engagement reste éventuel, c'est-à-dire tant qu'il ne justifie pas d'une mise en jeu de son engagement. Autrement dit, la caution n'est pas fondée à déduire le montant de l'engagement tant que la dette est contestée et qu'il n'a pas acquitté l'obligation principale à la place du débiteur défaillant (Cass. com., 24 mai 1994, n° 92-14.838, M. Le Pen c/ Directeur général des impôts et autres N° Lexbase : A6982AB9).
2. Dettes à la charge du redevable
Seules les dettes qui sont à la charge personnelle du redevable de l'ISF, ou des enfants mineurs dont il a l'administration légale des biens, sont déductibles. Ainsi, la pension qu'un époux condamné a dû payer de son vivant à son conjoint divorcé lui survit, en raison de son caractère d'indemnité, et constitue, à ce titre, une dette de son patrimoine qui passe telle quelle à ses héritiers. La valeur de capitalisation de cette pension est, donc, déductible. En revanche, les droits dus par un héritier ayant reçu la nue-propriété de biens, droits pour lesquels il a sollicité le bénéfice du paiement différé, ne peuvent être déduits par l'usufruitier, quand bien même ce dernier, en vertu de la loi, serait imposable sur la totalité des biens (QE n° 40580 de M. Doligé Éric, JOANQ, 24 janvier 2000, p. 410, min. Eco., réponse publ. 3 avril 2000, p. 2186, 11ème législature N° Lexbase : L9295BBU). La situation est différente lorsque l'usufruitier, au moment où il s'est dépossédé de la nue-propriété par donation, a pris, conformément aux dispositions de l'article 1712 du CGI , à sa charge le paiement des droits de donation normalement dus par le donataire. Dans cette hypothèse, l'administration admet que l'usufruitier puisse déduire de son patrimoine imposable le montant des droits de donation dont le paiement a été différé puis fractionné concernant les transmissions d'entreprises), sous réserve, lorsque le donataire a la qualité d'héritier de l'usufruitier, que la convention par laquelle le donateur prend à sa charge les droits de mutation à titre gratuit ait acquis date certaine avant le 1er janvier de l'année d'imposition (QE n° 69111 de M. Dubernard Jean-Michel, JOANQ, 19 novembre 2001, p. 6560, min. Eco., réponse publ. 4 mars 2002, p. 1254, 11ème législature N° Lexbase : L5262BEM).
3. Justification du passif
L'existence de la dette doit être prouvée par les moyens de preuve compatibles avec la procédure écrite, c'est-à-dire par des actes ou écrits ou, encore, par des présomptions suffisamment graves, précises et concordantes (Doc. adm. 7 S 361, du 1er octobre 1999, n° 13). Ainsi, la production de relevés de compte bancaires débiteurs et d'une copie de plainte assortie de constitution de partie civile suffit à établir l'existence des dettes du redevable de l'ISF (Cass. com., 10 décembre 2003, n° 01-14.735, F-D N° Lexbase : A4244DAG). En revanche, l'engagement verbal de prendre en charge un solde débiteur ouvert dans les livres d'une société au nom d'une autre ne permet pas au dirigeant de déduire le montant correspondant (Cass. com.4 février 1997, n° 95-13.131, M. Patrick Bindschedeler c/ M. le Directeur général des impôts, inédit, rejet N° Lexbase : A2289CMQ). Il convient de signaler que, comme en matière de succession, l'administration a la faculté d'exiger du créancier une attestation certifiant de l'existence de la dette.
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Réf. : Convention intersynd., du 27 avril 2005, relative à la convention de reclassement personnalisé (N° Lexbase : L4927G8Y)
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Le 07 Octobre 2010
A l'heure actuelle, plusieurs systèmes coexistent en matière de reclassement des salariés :
- les conventions de cellule de reclassement et de congé de conversion du Fonds national de l'emploi (FNE), dont la conclusion est décidée lors de la mise en place du plan de sauvegarde pour l'emploi ;
- le congé de reclassement pour les salariés des entreprises d'au moins 1 000 salariés ;
- le plan d'aide au retour à l'emploi (Pare) anticipé, dit "pré-pare" (défini à l'article L. 321-4-2 N° Lexbase : L8927G7R et instauré par l'article 120 de la loi n° 2002-73 de modernisation sociale N° Lexbase : L1304AW9), pour les salariés des entreprises non soumises à l'obligation de mise en oeuvre d'un congé de reclassement, c'est-à-dire celles de moins de 1 000 salariés. Ce dispositif, qui a remplacé les conventions de conversion, est issu de la convention d'assurance chômage du 1er janvier 2001 relative à l'aide au retour à l'emploi et à l'indemnisation du chômage (N° Lexbase : L4594AQ9). Il permet aux salariés licenciés pour motif économique, ayant au moins 4 mois d'ancienneté, de bénéficier des prestations d'aide au retour à l'emploi pendant la durée du préavis.
Le pré-pare aurait, selon les travaux parlementaires, malgré son coût financier important, montré ses limites. Il convenait donc de revoir ce dispositif (2). La convention de reclassement personnalisé se distingue du pré-pare en particulier en ce que ce dispositif intervient après la rupture du contrat de travail et ne se situe pas pendant la période de préavis. On renoue ainsi avec la logique des conventions de conversion (3).
L'accord national interprofessionnel du 5 avril 2005 permet aux salariés comptant moins d'un an d'ancienneté dans l'entreprise d'être éligibles à ce dispositif dans le cadre de l'aide au retour à l'emploi. Seuls les salariés comptant 2 ans d'ancienneté étaient auparavant éligibles aux conventions de conversion dans les entreprises de plus de 1 000 salariés. Les conditions du bénéfice de la convention de reclassement personnalisé ont été précisées par la convention du 27 avril 2005. Le salarié doit :
- justifier de 2 années d'ancienneté dans l'entreprise (Conv. 27 avril 2005, art. 2) ;
- justifier de périodes d'affiliation correspondant à des périodes d'emploi accomplies dans une ou plusieurs entreprises entrant dans le champ d'application du régime d'assurance chômage. Les périodes d'affiliation sont les suivantes : a) 182 jours d'affiliation ou 910 heures de travail au cours des 22 mois qui précèdent la fin du contrat de travail (terme du préavis) ; b) 426 jours d'affiliation ou 2 123 heures de travail au cours des 24 mois qui précèdent la fin du contrat de travail (terme du préavis) ; c) 821 jours d'affiliation ou 4 095 heures de travail au cours des 36 mois qui précèdent la fin du contrat de travail (terme du préavis) (Conv. 27 avril 2005, art. 2, renvoyant à l'article 3 du règlement d'assurance chômage annexé à la convention d'assurance chômage du 1er janvier 2004 N° Lexbase : L1601DPY) ;
- résider sur le territoire relevant du champ d'application du régime d'assurance chômage visé à l'article 3 de la convention d'assurance chômage du 1er janvier 2004 (N° Lexbase : L1532DPG) (Conv. 27 avril 2005, art. 2, renvoyant à l'art. 4-f du règlement d'assurance chômage, annexé à la convention d'assurance chômage du 1er janvier 2004 N° Lexbase : L1601DPY) ;
- être apte physiquement à l'exercice d'un emploi ;
- ne pas être susceptible de bénéficier de l'aide au retour à l'emploi, versée par le régime d'assurance chômage, pour la durée de 1 277 jours pour le salarié privé d'emploi âgé de 57 ans et plus (Conv. 27 avril 2005, art. 2, renvoyant à l'art. 12 § 1er-d du règlement d'assurance chômage, annexé à la convention d'assurance chômage du 1er janv. 2004 N° Lexbase : L1601DPY). L'employeur devait proposer une convention de conversion aux salariés ayant moins de 57 ans et ayant au moins 2 ans d'ancienneté, à moins que la convention collective applicable abaisse cette condition d'ancienneté.
Le champ des salariés concernés est celui des salariés visés par une mesure de licenciement pour motif économique.
Les travaux parlementaires suggèrent, conformément à la ligne directrice de la jurisprudence élaborée par la Cour de cassation, que doivent être incluses dans ce champ toutes les ruptures à caractère économique visées à l'article L. 321-1 du code du travail (N° Lexbase : L8921G7K) y compris, par exemple, les départs négociés ou les départs volontaires (4).
L'employeur informe individuellement et par écrit le salarié du contenu de la convention de reclassement personnalisé et de la possibilité d'en bénéficier. La remise de ce document fait courir le délai de 14 jours à l'issue duquel le salarié doit donner sa réponse. Pendant cette période de deux semaines, le salarié bénéficie d'un entretien d'information réalisé par l'Assédic, destiné à éclairer son choix (Conv. 27 avril 2005, art. 4 § 1).
La convention de reclassement personnalisé permet au salarié de bénéficier, après la rupture de son contrat de travail, d'actions de soutien psychologique, d'orientation, d'accompagnement, d'évaluation des compétences professionnelles et de formation destinées à favoriser son reclassement (C. trav., art. L. 321-4-2 I N° Lexbase : L8927G7R).
Par dérogation aux dispositions de l'article L. 933-6 du Code du travail (N° Lexbase : L4735DZE), les actions comprises dans la convention de reclassement peuvent être mises en oeuvre et financées par l'utilisation du reliquat des droits que le salarié a acquis à la date de la rupture de son contrat, au titre du droit individuel à la formation (DIF) prévu à l'article L. 933-1 (N° Lexbase : L4730DZ9).
La durée des droits correspondant à ce reliquat, plafonné à 20 heures par année d'ancienneté et 120 heures sur six années, est doublée. Toutefois, l'allocation de formation prévue à l'article L. 933-4 (N° Lexbase : L4733DZC) n'est pas due (C. trav., art. L. 321-4-2 I N° Lexbase : L8927G7R).
La loi n° 2004-391 du 4 mai 2004, relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social (N° Lexbase : L1877DY8), pose le principe que le DIF est transférable pendant le préavis, donc avant la rupture du contrat de travail, dans des conditions définies à l'article L. 933-6 du Code du travail (N° Lexbase : L4735DZE). A titre dérogatoire, le salarié licencié bénéficiaire d'une convention de reclassement peut utiliser le reliquat des droits qu'il a acquis au titre du DIF après la date de la rupture de son contrat (5). Ce doublement des droits correspondant à ce reliquat pourrait conduire au paiement de 240 heures en cas de non-utilisation des droits du DIF pendant six années : il n'était pas prévu par l'accord national interprofessionnel du 20 septembre 2003 (N° Lexbase : L5508DLL) consacré par la loi du 4 mai 2004. Le but de cette disposition n'est pas tant de mobiliser des moyens supplémentaires au profit de la convention de reclassement personnalisé que de sanctionner le non-usage du DIF par l'entreprise. Celui-ci apparaît, en effet, comme un manquement de l'entreprise à son obligation d'adaptation et de formation des salariés (6).
Le salarié est placé sous le statut de stagiaire de la formation professionnelle pendant l'exécution de la convention de reclassement personnalisé (C. trav., art. L. 321-4-2 I N° Lexbase : L8927G7R). Ainsi, le salarié licencié, en étant placé sous le statut de stagiaire de la formation professionnelle, pourra mobiliser les droits qui lui restent au titre du DIF. Il bénéficiera d'une affiliation obligatoire à un régime de Sécurité sociale, celui dont il relevait avant son entrée en stage. Enfin, il se verra également appliquer les dispositions du Code de la Sécurité sociale relatives aux accidents du travail et de trajet (7).
En cas d'accord du salarié, le contrat de travail est réputé rompu du commun accord des parties. Cette rupture du contrat de travail, qui ne comporte ni délai-congé ni indemnité de préavis, ouvre droit à l'indemnité prévue à l'article L. 122-9 (N° Lexbase : L5559ACU) (C. trav., art. L. 321-4-2 I). Le salarié n'est pas tenu d'effectuer de préavis et ne peut, parallèlement, bénéficier de l'indemnité de préavis, en principe due dans ce cas.
Selon les travaux parlementaires, l'adhésion à la convention de reclassement personnalisé ne prive pas le salarié de son droit de contester la lettre de licenciement et sa motivation, le motif économique du licenciement, les critères relatifs à l'ordre des licenciements et leur mise en oeuvre, le non-respect de la procédure de réembauchage ou, encore, l'absence de reclassement. Ces solutions avaient été retenues par la Cour de cassation s'agissant de l'adhésion du salarié à une convention de conversion (8).
Dans un premier temps, le salarié bénéficie d'un entretien individuel de pré-bilan pour l'examen de ses capacités professionnelles, dans les 8 jours qui suivent l'acceptation de la convention de reclassement personnalisé. Cet entretien de pré-bilan est destiné à identifier le profil et le projet de reclassement du bénéficiaire, ses atouts potentiels, ses difficultés et ses "freins" (sic) éventuels (Conv. 27 avril 2005, art. 6).
Dans un second temps, le salarié se voit proposer un "plan d'action de reclassement personnalisé", c'est-à-dire le coeur même du dispositif, son essence. Ce plan d'action comprend un bilan de compétences ; un suivi individuel du bénéficiaire par l'intermédiaire d'un "correspondant" ; des mesures d'appui social et psychologique permettant au bénéficiaire de prendre la mesure des engagements réciproques liés à la convention de reclassement personnalisé ; des mesures d'orientation ; des mesures d'accompagnement ; des actions de validation des acquis de l'expérience ; des mesures de formation incluant l'évaluation "préformative" (sic) prenant en compte l'expérience professionnelle de l'intéressé (Conv. 27 avril 2005, art. 7).
Le bénéficiaire de la convention de reclassement peut, dans une perspective incitative de reprise du travail, conclure un contrat de travail alors qu'il suit un module de formation prévu à la convention de reclassement. Si la rémunération procurée par le nouvel emploi est de 15 % inférieure à celle découlant du précédent emploi, il perçoit une indemnité différentielle de reclassement.
Son montant est égal à la différence entre 30 fois le salaire journalier de référence servant au calcul de l'allocation spécifique de reclassement et le salaire brut mensuel du nouvel emploi. L'indemnité différentielle est versée pour une période maximale de 8 mois. Elle est plafonnée à 50 % des droits résiduels de l'allocation spécifique de reclassement (Conv. 27 avril 2005, art. 9).
Le bénéficiaire perçoit une allocation spécifique de reclassement égale à 70 % du salaire de référence et au minimum à l'allocation de chômage servie par le régime d'assurance chômage, si l'intéressé avait refusé le bénéfice de la convention de reclassement (Conv. 27 avril 2005, art. 10).
Au cours des trois premiers mois (91 jours), le bénéficiaire voit son allocation majorée, puisque son montant est porté à 80 % du salaire de référence. Sur le montant de l'allocation, est précomptée une participation de 3 %, destinée au financement des retraites complémentaires (Conv. 27 avril 2005, art. 10 et 11).
2. Les obligations à la charge de l'employeur
Dans les entreprises de moins de 1 000 salariés non soumises aux dispositions de l'article L. 321-4-3 (N° Lexbase : L0549AZD), l'employeur est tenu de proposer à chaque salarié dont il envisage de prononcer le licenciement pour motif économique le bénéfice d'une convention de reclassement personnalisé.
En sont donc, en principe, exclues les entreprises employant 1 000 salariés et plus, les entreprises de dimension communautaire au sens de l'article L. 439-6 du Code du travail (N° Lexbase : L5330ACE), les groupes au sens de l'article L. 439-1 du Code du travail (N° Lexbase : L6465ACG) astreints à l'obligation de constitution d'un comité de groupe (9).
L'obligation de proposer une convention de conversion était générale. Les salariés en congé parental d'éducation qui faisaient l'objet d'un licenciement économique devaient se voir proposer une convention de conversion (Cass. soc., 6 juillet 1999, n° 97-41.328, Mme Hoyer c/ Société Ordiplast industries et autres, publié N° Lexbase : A6342AGY). L'employeur qui proposait une convention de conversion à un salarié dont le licenciement économique était décidé restait tenu de rechercher les possibilités de reclassement de ce salarié (Cass. soc., 31 mars 1998, n° 96-44.100, Société Bristol Meci c/ M. Devilliers et autre N° Lexbase : A9665AA9).
Ces solutions doivent être transposées au régime juridique de la convention de reclassement personnalisé, étant donné les affinités entre ce dispositif et la convention de conversion.
L'employeur doit informer individuellement et par écrit du contenu de la convention de reclassement personnalisé et de la possibilité d'en bénéficier (Conv. 27 avril 2005, art. 4). La remise de ce document fait courir le délai de 14 jours à l'issue duquel le salarié doit donner sa réponse.
La convention du 27 avril 2005 distingue selon le caractère individuel ou collectif du licenciement économique.
Si le licenciement est individuel, l'employeur remet au salarié le document d'information de la convention de reclassement personnalisé au cours de l'entretien préalable de licenciement.
Si le licenciement est collectif, porte sur plus de 10 personnes sur une même période de 30 jours (donc accompagné de la mise en place d'un plan de sauvegarde de l'emploi, C. trav., art. L. 321-2, 2° N° Lexbase : L6109ACA), le document d'information de la convention de reclassement personnalisé est remis à chaque salarié concerné à l'issue de la dernière réunion de consultation des représentants du personnel, prévue au titre de la procédure de licenciement économique collectif (Conv. 27 avril 2005, art. 4 § 2).
La Cour de cassation a retenu le principe selon lequel la proposition d'une convention de conversion n'était pas en soi suffisante et ne satisfaisait pas à l'obligation de reclassement : le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse (Cass. soc., 3 mars 1998, n° 95-45.201, Société Imprimerie Durandet autre c/ M. Bouilly et autres N° Lexbase : A2575ACD, Dr. soc. 1998 p.508, obs. R. Vatinet).
La solution reposait sur le principe de l'adaptation du salarié à l'évolution de son emploi et la recherche de son reclassement (Cass. soc., 30 mars 1999, n° 97-40.814, Mme Marie-Noëlle Melet c/ Société Jouef industries, société anonyme et autres, inédit N° Lexbase : A8222AHY, CSBP n° 112, arrêt S 382, obs. MH). La Cour de cassation considérait que le bénéfice d'une convention de conversion n'excluait pas le bénéfice des mesures contenues dans le plan social (Cass. soc., 23 mai 2000, n° 97-42.880, M. Quin c/ Société Sucrerie de Berneuil-sur-Aisne, publié N° Lexbase : A9255ATX, Dr. soc. 2000. 792, obs. G. Couturier), parce que les salariés acceptant une convention de conversion n'en bénéficiaient pas moins des dispositions du plan social, à l'exception des mesures ayant le même objet.
Ces solutions, retenues par la Cour de cassation s'agissant des conventions de conversion, doivent raisonnablement trouver à s'appliquer aux conventions de reclassement.
Tout employeur qui procède au licenciement pour motif économique d'un salarié sans lui proposer le bénéfice d'une convention de reclassement personnalisé doit verser à l'Assédic une contribution égale à 2 mois de salaire brut moyen des 12 derniers mois travaillés (C. trav., art. L. 321-4-2 II N° Lexbase : L8927G7R). A titre comparatif, il faut rappeler que l'employeur qui procédait au licenciement pour motif économique d'un salarié sans lui proposer le bénéfice d'une convention de conversion devait verser aux Assédics une contribution égale à 1 mois de salaire brut moyen des 12 derniers mois travaillés (C. trav., art. L. 321-13-1, abrogé N° Lexbase : L6128ACX).
La jurisprudence a complété ce régime légal et conventionnel de sanctions par des dispositions propres aux conventions de conversion, qui devraient être transposées aux conventions de reclassement. Outre la sanction administrative, la jurisprudence a admis que la méconnaissance par l'employeur de son obligation de proposer une convention de conversion entraîne nécessairement pour le salarié un préjudice qu'il appartenait au juge de réparer par l'allocation de dommages-intérêts (Cass. soc., 8 juillet 1997, n° 95-40.062, Mme Entringer c/ Agence Steinmetz, publié N° Lexbase : A4126AA3).
L'indemnité pour défaut de proposition de la convention de conversion pouvait se cumuler avec l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc., 6 juillet 1999, n° 97-41.743, Mme Rochedieu c/ Société Etilam Gravigny, publié N° Lexbase : A8106AYU). L'indemnité pour défaut de proposition d'une convention de conversion s'ajoutait à celle qui indemnise le préjudice subi à la fois du fait des irrégularités de procédure et de l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement (Cass. soc., 8 juillet 2003, n° 01-42.170, F-P+B N° Lexbase : A1082C9X, lire Les conséquences du maintien des obligations de l'employeur en matière de convention de conversion, Lexbase Hebdo n° 82 du 31 juillet 2003 - édition sociale N° Lexbase : X5885ABL).
Christophe Willmann
Professeur à l'université de Haute Alsace
(2) A. Gournac, Rapport Sénat n° 39, 2004/2005.
(3) F. de Panafieu et D. Dord, Rapport n° 1930, Assemblée Nationale, 18 nov. 2004
(4) F. de Panafieu et D. Dord, Rapport n° 1930, prec..
(5) A. Gournac, Rapport Sénat n° 39, prec..
(6) F. de Panafieu et D. Dord, Rapport n° 1930, prec..
(7) A. Gournac, Rapport Sénat n° 39, prec..
(8) F. de Panafieu et D. Dord, Rapport n° 1930, prec..
(9) F. de Panafieu et D. Dord, Rapport n° 1930, prec..
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