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N4723AIR
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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la rédaction
Le 07 Octobre 2010
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N4500AII
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par Renée Kaddouch, Docteur en droit, Centre de droit financier de l'Université Paris I, Panthéon Sorbonne, Avocat à la Cour, Jeantet Associés
Le 07 Octobre 2010
L'Autorité des marchés financiers (AMF), en rendant son premier rapport sur les agences de notation, a replacé celles-ci sous les feux de l'actualité. Les agences de notation ne sont pas ignorées de notre droit. Par exemple, selon l'article L. 214-44 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L2576DKM), un fonds de commun de créances doit, lors du placement ou de la cotation de ses parts, pouvoir produire une notation établie par une agence. Cette obligation se comprend aisément. L'opération de titrisation consiste à transférer le risque de crédit d'un portefeuille d'actifs au marché, via un fonds commun de créances (1). Il convient, donc, d'évaluer le niveau de risque des parts émises par le fonds, et d'apprécier si sa structure permet le respect des engagements de paiement en fonction d'un calendrier contractuel.
Néanmoins, les agences elles-mêmes ne sont l'objet d'aucun encadrement législatif ou réglementaire, tant au regard de leur statut, que de leur activité. La loi de sécurité financière du 1er août 2003 (n° 2003-706 N° Lexbase : L3556BLB) a, certes, mis en place un embryon de réglementation en leur imposant de conserver, pendant trois ans, -et de la tenir à la disposition de l'AMF- l'ensemble de la documentation utilisée pour l'élaboration des notes (C. mon. fin., art. L. 544-3 N° Lexbase : L2543DKE). Le législateur a, également, chargé le régulateur de publier annuellement "un rapport sur le rôle des agences de notation, leurs règles déontologiques, la transparence de leurs méthodes et l'impact de leur activité sur les émetteurs et les marchés financiers" (C. mon. fin., art. L. 544-4 N° Lexbase : L2544DKG) (2).
C'est sur le fondement de ce texte qu'a été rendu, le 26 janvier 2005, le premier rapport de l'AMF sur les agences, limité aux agences de notation financière ou de crédit.
Ce texte s'articule autour de plusieurs axes distincts.
En premier lieu, l'autorité de régulation donne, pour la première fois, une définition de l'activité de notation de crédit. Il s'agit de "l'activité de publication d'une évaluation du risque de défaut d'un émetteur sur ses dettes financières". La notation peut porter, soit sur un émetteur (mesurant la capacité dudit émetteur à faire face au remboursement de la totalité de sa dette), soit sur une émission particulière (visant à connaître la capacité de remboursement d'une dette précise).
La notation peut être sollicitée par l'émetteur, avec son concours, ou être donnée à l'initiative de l'agence, sans que la société émettrice ne l'ait demandé (notation dite "sauvage") (3). L'AMF remarque, toutefois, que cette dernière pratique s'est marginalisée ces dernières années.
Ensuite, l'AMF analyse le rôle de la notation dans le système financier. Ainsi, il apparaît que les notes sont de plus en plus utilisées dans les contrats bancaires. A vrai dire, ce constat n'est pas nouveau. Claude Bébéar (4) révélait qu'en 2002, le nouveau président de Vivendi Universal avait convaincu Moody's de reculer l'annonce de la dégradation de la note, lui évitant, ainsi, la cessation des paiements. Le fondateur d'AXA regrettait, à cet égard, la frilosité des banquiers, lesquels suivraient systématiquement la position des agences.
Par ailleurs, le régulateur aborde la question des règles déontologiques applicables aux agences, au premier rang desquelles figure la prévention des conflits d'intérêts. L'AMF identifie comme principale source de conflits la rémunération de l'agence par l'émetteur. Ce risque serait maîtrisé par les agences dans la mesure où aucun client ne représenterait plus de 1 % de leur chiffre d'affaires mondial.
L'autorité de régulation française est, ainsi, plus timide que l'OICV (Organisation internationale des commissions de valeurs) et le CESR (The Committee of European Securities Regulators) (5) qui ajoutent la fourniture de services accessoires de conseil à la prestation de notation. Celle-ci pourrait, en effet, conduire l'agence à être plus "indulgente" lors de l'attribution de la note. Selon l'OICV, pour prévenir ce type de conflit, il conviendrait de mettre en oeuvre une séparation stricte au sein des agences entre les activités de notation et les autres activités, potentiellement sources de conflits d'intérêts. A notre avis, cette séparation, calquée sur le principe de la muraille de Chine utilisée par les banques d'affaires, ne permet pas d'éluder tout risque, si l'on en juge par la persistance des conflits au sein de ces dernières, sanctionnés par la jurisprudence (6).
Le respect du secret des affaires constitue la seconde source d'inquiétude. Les agences affirment respecter la confidentialité des informations transmises, même en l'absence d'accord en ce sens, sauf disposition législative contraire. Selon l'OICV, les agences auraient, d'ores et déjà, spontanément adopté des règles strictes de gestion de l'information, applicables à l'ensemble de leur personnel.
Enfin, l'AMF insiste sur la transparence des méthodes des agences. Il apparaît que le processus de notation est sensiblement le même pour chaque agence (collecte de l'information auprès de l'émetteur, présentation du dossier à un comité interne, appel par l'émetteur de la décision dudit comité, publication d'un communiqué de presse).
La méthodologie est diffusée sur les sites Internet des agences. Cependant, aucun élément objectif n'y figure. La procédure suivie est, donc, essentiellement subjective (7). Les émetteurs réclament, ainsi, plus de transparence dans la justification de la note. L'AMF souhaite, par conséquent, que les changements de méthodologie et l'explication des notes individuelles soient communiquées aux émetteurs. Le régulateur français se fait, à cette occasion, l'écho des inquiétudes manifestées par l'OICV.
En définitive, l'AMF appelle de ses voeux une régulation internationale et européenne de l'activité de rating, à l'instar des institutions communautaires. Faut-il pour autant légiférer sur la question ? Nous ne le pensons pas. Le Code de bonne conduite, élaboré par l'OICV, même s'il est perfectible, notamment au regard de l'encadrement de la méthodologie suivie par les agences, nous paraît à même d'assurer la régulation de l'activité. Il pourrait être annexé à tous les contrats conclus entre émetteurs et agences. Il aurait, ainsi, force obligatoire et pourrait être sanctionné par le juge de droit commun. La pratique de la notation sauvage est devenue trop marginale pour justifier, à elle seule, une réglementation de l'activité des agences.
Le CESR a, d'ailleurs, conclu en ce sens dans son avis rendu le 30 mars 2005 (8). Le régulateur européen a, à cette occasion, estimé que le Code de bonne conduite élaboré par l'OICV constituait une réponse suffisante, au moins dans un premier temps. Si cette auto-régulation échouait, il conviendrait, alors, d'édicter une réglementation contraignante.
(1) Sur l'ensemble de la question, lire Th. Granier et C. Jaffeux, La titrisation. Aspects juridiques et financiers, 2° éd., Economica, 2004 ;
(2) Sur cet aspect de la loi sécurité financière, v. not. A. Couret, Les agences de notation. Observations sur un angle mort de la réglementation, Rev. Sociétés 2003 p. 766 ; Ph. Portier, Dispositions de la loi de sécurité financière applicables aux agences de notation et aux analystes financiers, RD bancaire et financier 2003 p. 307 ;
(3) V. not. B. Dondero, M. Haschke-Dournaux et S. Sylvestre, Les agences de notation, Actes Pratiques, nov.-déc. 2004, p. 5, spéc. n° 78 et s. ;
(4) Claude Bébéar, Ils vont tuer le capitalisme, Plon, 2003 ;
(5 ) Code of conduct fundamental for credit rating agencies, OICV, octobre 2004, et Call to CESR for technical advice on possible measures concerning credit rating agencies, 28 juillet 2004, RD bancaire et financier, 2004 p. 432, obs. Ph. Portier ;
(6) Trib. Com. Paris 12 janvier 2004, Morgan Stanley/LVMH N° Lexbase : A7001DAK -sur cette décision, V. not. A. Couret, Banques d'affaires, Analystes financiers et conflits d'intérêts, D. 2004 p. 335 ; adde, G. Terrier, L'affaire LVMH Morgan Stanley passée au crible, Capital Finance 2 févr. 2004 ;
(7) V. F. Basdevant, Agences de notation : éviter une dégradation de la situation, RD bancaire et financier 2004 p. 385 ;
(8) In http://www.cesr-eu.org adde, M. Lafourcade, Les agences de notation n'auront pas de label spécifique, La Tribune 30 mars 2005.
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Le 07 Octobre 2010
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Christophe Caron, Professeur à l'Université de Paris XII
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Herbert Maisl, Conseiller d'Etat
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Anne Debet, Professeur de droit, membre de la Commission Nationale de l'Informatique et Libertés (CNIL)
Eric Caprioli, Avocat à la Cour
Jérôme Huet, Professeur à l'Université Panthéon-Assas (Paris II), Directeur du CEJEM
Pierre Leclercq, Conseiller honoraire à la Cour de cassation, ancien membre de la CNIL
Jeudi 2 juin 2005
9h00 - 18h00
Institut de Droit Comparé,
28, rue Saint Guillaume,
75007 Paris
CEJEM, Université de Paris II,
12 place du Panthéon,
75005 Paris
Télécopie : 01 44 41 56 55
Téléphone : 01 44 41 56 91
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Réf. : CAA Paris, 2ème ch., 10 décembre 2004, n° 00PA00036, Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie c/ Société SEEEE (N° Lexbase : A8261DEP)
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N4688AIH
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par Sophie Duval, Juriste-fiscaliste
Le 07 Octobre 2010
Cet arrêt original, très favorable aux contribuables, devra toutefois être confirmé !
1. Une jurisprudence bien établie
Le principe de non-immixtion de l'administration fiscale dans la gestion des entreprises n'a pas une portée absolue. En effet, la jurisprudence a, toujours, reconnu à l'administration fiscale la possibilité de redresser les entreprises, lorsqu'elle constate des "actes anormaux de gestion", c'est-à-dire des actes qui mettent à la charge de l'entreprise des dépenses ou des pertes ou qui la prive d'une recette sans être justifiés par l'intérêt de l'exploitation commerciale. L'administration doit, alors, apporter la preuve que l'acte litigieux n'a pas été accompli dans l'intérêt de l'entreprise.
Bien que la reconnaissance d'un acte anormal de gestion reste, le plus souvent, une question de fait, au fil des arrêts, les contours de cette notion ont pu être dégagés.
Ainsi, notamment, il est de jurisprudence constante que, concernant les actes d'entraide (en particulier, les abandons de créances) passés entre sociétés d'un même groupe, l'intérêt de ceux-ci doit être apprécié au niveau de la société et non du groupe. En se fondant sur l'autonomie juridique des personnes morales, la jurisprudence considère, en effet, que le caractère normal d'une aide ne peut être apprécié qu'en fonction de l'intérêt propre de la société qui consent l'avantage.
Pour les sociétés soeurs, c'est-à-dire les sociétés appartenant à un même groupe, mais sans avoir de lien direct de participations, la position des juges est radicale. Ils estiment que ces sociétés sont des sociétés "juridiquement étrangères" et, qu'en conséquence, les modalités de détermination du caractère normal d'actes consentis entre ces sociétés sont en tout point identiques à celles retenues à l'égard des actes effectués entre sociétés entièrement indépendantes (CE, 9°s-s., 5 mai 1967, n° 69059, Ministre des Finances c/ Société X. N° Lexbase : A3602B7K ; CE, contentieux, 12 juillet 1978, n° 2138, Société X. c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A5131AIU). Ainsi, comme pour des sociétés n'ayant aucun lien juridique entre elles, seule la preuve de l'existence d'un intérêt commercial peut justifier le caractère normal d'une aide entre sociétés soeurs. Si les avantages consentis ne sont pas conformes aux usages commerciaux, l'administration fiscale est, alors, en droit d'invoquer l'acte anormal de gestion, peu importe que les sociétés concernées fassent parties d'un même groupe.
Seul l'intérêt propre de la société qui consent l'abandon importe donc. La jurisprudence a, à de nombreuses reprises, consacrer l'inutilité de la notion d'intérêt du groupe de sociétés pour apprécier le caractère normal d'un abandon de créance. Ainsi, il a été jugé que l'aide financière accordée à une filiale, à une sous-filiale ou à une société soeur ne saurait se justifier par l'unique intérêt du groupe (CE, contentieux, 21 juin 1995, n° 132531, SA Sofige c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A4488ANK).
Et, ce principe, selon lequel l'intérêt du groupe ne peut justifier l'octroi d'un avantage, s'applique, également, aux situations où les aides sont accordées à l'occasion d'une opération de restructuration d'un groupe.
Cette jurisprudence dominante connaît, néanmoins, quelques exceptions.
Ainsi, le Conseil d'Etat a admis la déductibilité d'un abandon de créance à une société soeur, en raison de l'imbrication des activités commerciales entre elles (CE, contentieux, 26 juin 1992, n° 68646, Société anonyme "Bisch Marley" c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A0823AIC). Toutefois, cette décision ne remettait nullement en cause les principes basés sur l'autonomie juridique des sociétés et se justifiait par les circonstances particulières de l'espèce.
De façon plus significative, la jurisprudence a accepté que, dans certains cas, la notion d'intérêt propre d'une société ait des limites, lorsqu'il en allait de la pérennité du groupe. Pour elle, en effet, une entreprise appartenant à un groupe peut justifier du caractère normal de l'aide apportée à l'un de ses autres membres, si son appartenance au groupe est une condition de la poursuite de sa propre activité, de telle sorte que l'opération n'est, en définitive, pas dénuée de contrepartie (CE, contentieux, 4 mars 1985, n° 35066, SA "Omnium Technique de l''Est"c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A2825AML ; CE, contentieux, 19 juin 1989, n° 58246, SA "O.T.H. Loire-Bretagne" c/ Ministre du Budget N° Lexbase : A0753AQX).
Cette analyse repose, toutefois, toujours sur une adaptation de la notion d'intérêt propre de l'entreprise aux circonstances de fait, et non, sur la prise en compte de l'intérêt du groupe comme élément de justification, en tant que tel, de l'octroi d'un avantage.
Enfin, la jurisprudence est plus souple lorsque les aides sont consenties par une mère à sa filiale directe. Elle estime, en effet, ces aides comme plus justifiables en raison des liens étroits, qui, généralement, unissent ces sociétés au plan commercial, notamment, lorsque la fille est en charge de commercialiser les produits de la mère. Dans ces hypothèses, l'aide consentie, ou la provision pour créance douteuse y afférente, est intégralement déductible chez la mère. De même, en l'absence de lien commercial entre la société mère et sa filiale, le Conseil d'Etat admet que l'une puisse consentir des aides à caractère financier au profit de l'autre pour lui éviter le dépôt de bilan, lequel aurait risqué de porter atteinte au renom de la mère (CE, contentieux, 11 mars 1988, n° 46846, Ministre du Budget c/ Société "Ascinter-Otis" N° Lexbase : A6674APU). La jurisprudence accepte, ainsi, de considérer comme normal des avantages procurés par une société à une autre, lorsque leurs liens juridiques sont directs. Mais, seuls ces liens directs sont susceptibles d'être pris en considération pour apprécier le caractère normal d'un avantage. Et même dans ce cas, l'octroi d'abandons de créances ou de subventions par une société mère au profit d'une filiale n'est admis, sur le plan fiscal, que pour autant qu'ils soient consentis dans l'intérêt propre de la mère, de telle sorte que le principe d'autonomie juridique de chacune des parties soit respecté.
2. Une jurisprudence à contre courant
Dans l'affaire ici commentée, la société Serip appartenant à un groupe fiscalement intégré avait souscrit à l'augmentation de capital de la société Dopresse, qui venait d'être rachetée par une autre société du groupe, la société Sedep.
Dans la logique de la doctrine et de la jurisprudence traditionnelle, l'administration fiscale a considéré que cette souscription au capital d'une société extérieure en difficulté constituait un acte anormal de gestion, car elle n'avait pas été réalisée dans l'intérêt propre de la société Serip.
En revanche, le tribunal de Paris a jugé que le groupe avait tout intérêt à acquérir et à renflouer la société Dopresse, en raison du fait que cette société spécialisée dans la presse professionnelle du secteur de la construction et du bâtiment offrait des débouchés publicitaires pour l'ensemble du groupe. Il a, ainsi, estimé que la souscription de la société Serip avait bien une contrepartie.
D'une façon très surprenante, la cour administrative d'appel de Paris a confirmé ce jugement. Elle considère, en effet, que, les sociétés en litige appartenant à un groupe intégré, c'est au regard de l'intérêt du groupe que doit être apprécié le caractère normal de l'opération.
Il est à noter que cette décision est d'autant plus inattendue que la cour administrative de Paris s'était tenue, dans ses décisions antérieures, à la ligne traditionnelle de la jurisprudence. Ainsi, dans une affaire aux circonstances quelques peu similaires, jugée en 1995, elle avait estimé que l'intérêt du groupe et la politique menée par la société mère ne suffisaient pas à conférer un caractère normal à une prise de participation minoritaire effectuée par une filiale A du groupe dans une société soeur B déficitaire, cette opération ne présentant aucun intérêt propre pour la société A, mais visant, en réalité, à lui faire supporter une partie des charges financières générées par les déficits de B (CAA Paris, 2ème ch., 20 juin 1995, n° 93PA01140, Société Hachette Filipacchi Presse c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'industrie N° Lexbase : A6909A3B). Dans cet arrêt, les juges du fond avaient, ainsi, affirmé que "la circonstance que l'intérêt du groupe Hachette ait été poursuivi et satisfait grâce à la prise de participation litigieuse, n'est pas de nature à lui conférer, fût-ce pour partie, un caractère de normalité".
Dans son arrêt du 10 décembre 2004, la cour retient une solution opposée et s'affranchit totalement du principe d'autonomie juridique des sociétés. Elle est, donc, en rupture avec la jurisprudence traditionnelle qui, même lorsqu'elle a pu prendre en considération l'existence de liens juridiques particuliers entre les sociétés, n'a jamais abandonné la référence première à l'intérêt propre de la société concédant l'aide.
Il semble, toutefois, que la cour ne réserve cette appréciation globale de l'intérêt de l'acte litigieux qu'aux groupes de sociétés intégrés. Le rappel des articles 223 A et 223 B du CGI, qui définissent le régime de l'intégration fiscale, font penser, en effet, que la décision de la cour est limitée à ce cadre, dans lequel les liens entre les sociétés sont solides compte tenu des conditions de détention du capital nécessaire à l'application de ce régime.
La référence expresse à l'intérêt du groupe intégré reste, cependant, une innovation. En effet, jusqu'à présent, aucun cas particulier n'avait été fait pour ce type de groupe de sociétés, la jurisprudence consacrant l'autonomie juridique des sociétés s'appliquant, également, lorsque les sociétés concernées font parties d'un groupe intégré fiscalement.
S'il devait se confirmer, cet arrêt serait une très bonne nouvelle pour les groupes de sociétés, notamment, lors des opérations de restructurations. Certains actes qui sont, actuellement, considérés comme anormaux, car appréhendés au niveau de la société, pourraient, en effet, être acceptés si leur intérêt était déterminé au niveau du groupe.
Ainsi, par exemple, la décision de la cour administrative d'appel de Paris pourrait remettre en cause la position adoptée par l'administration fiscale en matière de "fusion rapide", opération consistant en l'achat d'une société suivie de la fusion de celle-ci avec la société qui l'acquiert. L'administration est, en effet, très vigilante sur les conditions de réalisation de ces opérations et les remet fréquemment en cause au titre de l'acte anormal de gestion, lorsqu'elle considère que l'opération est déséquilibrée pour la société acquise, puis fusionnée, et qu'elle se révèle sans contrepartie pour cette société. L'administration a, ainsi, eu l'occasion de réaffirmer, dans son instruction du 3 août 2000 (BOI n° 4 I-2-00 N° Lexbase : X6075AAA), que la circonstance que les deux entités forment un groupe intégré était sans incidence pour l'appréciation du caractère normal de l'opération, le régime de l'intégration fiscale n'étant pas, selon elle, susceptible de modifier les intérêts patrimoniaux respectifs des sociétés concernées.
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Réf. : Cass. soc., 17 mai 2005, n° 03-40.017, M. Philippe Klajer c/ Société Cathnet-Science, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A2997DIT)
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N4601AIA
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par Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale
Le 07 Octobre 2010
Décision
Cass. soc., 17 mai 2005, n° 03-40.017, M. Philippe Klajer c/ Société Cathnet-Science, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A2997DIT) Cassation (CA Paris, 6 novembre 2002) Textes visés : CESDH, art. 8 (N° Lexbase : L4798AQR) ; C. civ., art 9 (N° Lexbase : L3304ABY) ; NCPC, art. 9 (N° Lexbase : L3201ADW) ; C. trav., art. L. 120-2 (N° Lexbase : L5441ACI). Mots clef : licenciement ; preuve ; fichiers informatiques personnels du salarié ; condition de la consultation par l'employeur. Liens bases : ; |
Faits
1. M. Klager, engagé comme dessinateur le 23 octobre 1995 par la société Nycomed Amersham Medical Systems dénommée désormais "Cathnet-Science", a été licencié pour faute grave le 3 août 1999, au motif qu'à la suite de la découverte de photos érotiques dans un tiroir de son bureau, il avait été procédé à une recherche sur le disque dur de son ordinateur qui avait permis de trouver un ensemble de dossiers totalement étrangers à ses fonctions figurant, notamment, sous un fichier intitulé "perso". 2. Pour dire que le licenciement reposait sur une faute grave, la cour d'appel énonce qu'il apparaît, en l'espèce, que l'employeur, lorsqu'il a ouvert les fichiers de l'ordinateur du salarié, ne l'a pas fait dans le cadre d'un contrôle systématique qui aurait été effectué en son absence et alors qu'un tel contrôle n'était permis ni par le contrat de travail, ni par le règlement intérieur, mais bien à l'occasion de la découverte des photos érotiques n'ayant aucun lien avec l'activité de M. X., ce qui constituait des circonstances exceptionnelles l'autorisant à contrôler le contenu du disque dur de l'ordinateur, étant rappelé que l'accès à ce disque dur était libre, aucun code personnel n'ayant été attribué au salarié pour empêcher toute autre personne que son utilisateur d'ouvrir les fichiers. |
Problème juridique
L'employeur peut-il consulter des fichiers informatiques marqués comme personnels par le salarié et, si oui, à quelles conditions ? |
Solution
1. "Vu les articles 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 9 du Code civil, 9 du nouveau Code de procédure civile et L. 120-2 du Code du travail". "Sauf risque ou événement particulier, l'employeur ne peut ouvrir les fichiers identifiés par le salarié comme personnels contenus sur le disque dur de l'ordinateur mis à sa disposition qu'en présence de ce dernier ou celui-ci dûment appelé". "en statuant comme elle l'a fait, alors que l'ouverture des fichiers personnels, effectuée hors la présence de l'intéressé, n'était justifiée par aucun risque ou événement particulier, la cour d'appel a violé les textes susvisés". 2. Casse et annule, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 novembre 2002, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles. |
Commentaire
1. La nécessité d'assouplir la jurisprudence "Nikon"
L'employeur peut-il consulter les fichiers informatiques présents sur l'ordinateur professionnel du salarié et utiliser les éléments récoltés pour justifier le licenciement de l'intéressé ?
C'est à cette question délicate que la Chambre sociale de la Cour de cassation avait eu l'occasion de répondre en 2001 dans l'affaire "Nikon" (Cass. soc., 2 octobre 2001, n° 99-42.942, Société Nikon France c/ M. Frédéric Onof, publié N° Lexbase : A1200AWD, lire Questions à... Jean-Emmanuel Ray, à propos de l'arrêt "Nikon", Le quotidien Lexbase/Legalnews du 9 octobre 2001 N° Lexbase : N1201AAQ ; D. 2001, Jur. p. 3148, note P.Y. Gautier ; RJS 2001, p. 940, chron. F. Favennec-Héry). La Cour avait alors affirmé, au visa de "l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 9 du Code civil, l'article 9 du nouveau Code de procédure civile et l'article L. 120-2 du Code du travail", que "le salarié a droit, même au temps et au lieu de travail, au respect de l'intimité de sa vie privée ; que celle-ci implique en particulier le secret des correspondances ; que l'employeur ne peut dès lors sans violation de cette liberté fondamentale prendre connaissance des messages personnels émis par le salarié et reçus par lui grâce à un outil informatique mis à sa disposition pour son travail et ceci même au cas où l'employeur aurait interdit une utilisation non professionnelle de l'ordinateur" (dans le même sens : Cass. soc., 12 octobre 2004, n° 02-40.392, F-D N° Lexbase : A6042DD7 ; CA Bordeaux, Chambre sociale, section A, 1er juillet 2003, Cegelec Sud-Ouest c/ Maud L. N° Lexbase : A3827DD4).
De cette décision ressortaient trois éléments. Le premier concerne l'obligation qui est faite à l'employeur de respecter la vie privée du salarié même sur son lieu de travail, ce qui n'était pas une réelle nouveauté. Le deuxième assimilait le courrier électronique aux correspondances privées, ce qui était également prévisible et ce qu'avaient déjà jugé les juridictions répressives (T. corr. Paris, 2 novembre 2000 N° Lexbase : A7548AHZ ; CA Paris, 11e ch., A, 17 décembre 2001, n° 00-077565, X c/ Y N° Lexbase : A7651AXN). Le troisième élément concernait l'impossibilité pour l'employeur de se prévaloir de l'interdiction d'usage privé du matériel de l'entreprise pour justifier le "forçage" de l'ordinateur du salarié et, partant, de l'irrecevabilité des preuves ainsi récoltées.
Certes fondée sur la nécessité -parfaitement légitime- de protéger la vie privée du salarié sur son lieu de travail, la solution pouvait être critiquée par la généralité de ses termes et la position très favorable qu'elle conférait au salarié puisque, sauf accord donné par ce dernier, l'accès à ses fichiers pouvait sembler impossible dès lors que ce dernier avait identifié ses messages comme "personnels". La Chambre sociale de la Cour de cassation ne semblait, en effet, prévoir aucune exception au principe ainsi posé et paraissait vouloir consacrer un droit absolu au respect de la vie privée. Même si l'arrêt ne le précisait pas, deux éléments militaient toutefois en faveur de la possibilité d'admettre des exceptions à la règle posée. En premier lieu, la solution ne préjugeait pas de la possibilité pour un juge d'ordonner la saisie de l'ordinateur du salarié, soit dans le cadre du procès prud'homal (CA Besançon, 21 sept. 2004 : BSFL 2004, n° 342) soit, le cas échéant, à la demande de l'employeur qui aurait souhaité bénéficier alors de preuves opposables pour établir les fautes du salarié. En second lieu, l'arrêt visait, aux côtés des articles consacrant le droit au respect de la vie privée du salarié (CESDH, art. 8 ; C. civ., art. 9 N° Lexbase : L3304ABY) et les principes généraux applicables en matière de preuves (NCPC, art. 9 N° Lexbase : L3201ADW), l'article L. 120-2 du Code du travail (N° Lexbase : L5441ACI) qui prévoit le principe d'une conciliation entre la respect des libertés du salarié et l'intérêt de l'entreprise, de telle sorte qu'on pouvait raisonnablement s'attendre à ce que la Cour précise la portée de sa jurisprudence. 2. Le changement de cap
C'est le principal apport de cet arrêt rendu le 17 mai 2005 par la Chambre sociale de la Cour de cassation de délimiter strictement le principe posé dans l'arrêt "Nikon". Dans cette affaire, l'employeur avait procédé à la consultation des fichiers personnels du salarié, sans que ce dernier n'en ait été informé, après avoir "providentiellement" trouvé des photographies à caractère pornographique dans un tiroir de son bureau. La cour d'appel de Paris avait admis la licéité des preuves informatiques ainsi récoltées après avoir admis que dans des "circonstances exceptionnelles" l'employeur puisse avoir accès aux fichiers personnels du salarié. L'arrêt est cassé, la Cour de cassation ne refusant pas que des circonstances puissent justifier que l'employeur se passe de l'accord du salarié, mais subordonnant cette possibilité à de strictes conditions qu'elle définit et qui n'étaient pas réunies en l'espèce.
En premier lieu, la Chambre sociale de la Cour de cassation confirme la solution issue de l'arrêt "Nikon", c'est-à-dire l'interdiction de principe qui est faite à l'employeur de consulter les fichiers personnels du salarié, la Haute juridiction ne mentionnant toutefois plus l'interdiction qui aurait été édictée dans l'entreprise d'utiliser le matériel informatique à des fins personnelles.
Elle ajoute, toutefois, une double précision qui constitue un premier assouplissement de taille à la jurisprudence "Nikon", puisque l'employeur n'a pas à obtenir l'accord préalable du salarié pour accéder à ses fichiers personnels, mais simplement à requérir sa présence, ce dernier pouvant d'ailleurs ne pas être présent physiquement lors de l'ouverture des fichiers ("l'employeur ne peut ouvrir les fichiers identifiés par le salarié comme personnels contenus sur le disque dur de l'ordinateur mis à sa disposition qu'en présence de ce dernier ou celui-ci dûment appelé"). Cette précision est d'une extrême importance sur un plan pratique et théorique. Pratiquement, l'employeur doit informer le salarié de son intention de consulter ses fichiers personnels, mais nullement recueillir son consentement. Le salarié ne semble donc pas en droit de s'y opposer, alors que l'on pouvait raisonnablement penser que ce droit avait été implicitement consacré par l'arrêt "Nikon". Sur un plan théorique, la solution conduit à nier au salarié le droit d'interdire à l'employeur d'accéder aux fichiers présents sur l'ordinateur professionnel. D'un droit subjectif au respect de sa vie privée impliquant un droit au respect absolu de ses fichiers personnels présents sur l'ordinateur professionnel, la Cour de cassation préfère donc se situer sur le terrain du respect des droits de la défense. L'obligation de porter à la connaissance du salarié la consultation de ses fichiers personnels prolonge donc ici l'article L. 121-8 du Code du travail (N° Lexbase : L5450ACT), aux termes duquel "aucune information concernant personnellement le salarié ou un candidat à un emploi ne peut être collecté par un dispositif qui n'a pas été porté préalablement à la connaissance du salarié ou du candidat à l'emploi". Le droit d'assister à la consultation, qui résulte directement de l'arrêt, n'est pas sans rappeler le droit de toute personne d'assister à la perquisition de son domicile et la jurisprudence dégagée à propos de la fouille de l'armoire du salarié (Cass. soc., 11 décembre 2001, n° 99-43.030, FS-P N° Lexbase : A6554AXZ, Dr. soc. 2002, p. 352, obs. J. Savatier : "l'employeur ne peut procéder à l'ouverture de l'armoire individuelle d'un salarié que dans les cas et aux conditions prévues par le règlement intérieur et en présence de l'intéressé ou celui-ci prévenu"). C'est donc à un recul très net du respect de la vie privée sur le lieu de travail que l'on assiste puisque, en réalité, ce droit n'est plus opposable à l'employeur lorsqu'il s'agit du contenu de l'ordinateur mis à disposition du salarié pour l'exercice de sa profession.
En second lieu, l'arrêt du 17 mai 2005 introduit cette fois-ci une véritable exception au principe de protection de la vie privée tel qu'il est affirmé, puisque l'information du salarié ne sera même plus requise lorsqu'un "risque ou événement particulier" le justifie. Cette exception est ici définie de manière plus large que ne l'avait fait la cour d'appel de Paris, qui s'était référée à l'existence de "circonstances exceptionnelles", même si en l'espèce la Chambre sociale de la Cour de cassation considère que la présence de photographies à caractère pornographique trouvées dans le bureau du salarié ne justifiait pas la consultation des fichiers personnels présents sur l'ordinateur hors la présence de l'intéressé et sans que ce dernier n'en est été valablement informé.
Ce double assouplissement de la jurisprudence "Nikon" (principe de respect de la vie privée réduit au droit d'être informé de la consultation et possibilité de dérogation au principe en présence d'un risque ou d'un événement particulier) nous semble bienvenu. La solution issue de l'arrêt "Nikon" pouvait, en effet, sembler excessive notamment lorsque l'activité de l'entreprise justifie une surveillance particulière de l'activité des salariés, soit pour éviter la communication d'informations stratégiques, soit pour des raisons de sécurité classiques. Quelques interrogations demeurent toutefois à la lecture de l'arrêt et il conviendra sans doute d'attendre les prochaines décisions pour voir cette nouvelle jurisprudence précisée.
La première interrogation concerne, bien entendu, ce qu'il convient d'entendre par "risque ou événement particulier". La notion de "risque particulier" renvoie très certainement à une conception classique en terme de sécurité et englobe ainsi les activités des entreprise dans le domaine de la défense nationale. Elle fait, également, référence à la notion de "risque informatique", notamment en terme de sécurité des réseaux (présence de virus ou de programmes espion). La notion d'"événement particulier" semble plus floue et on peut craindre ici que sous cette appellation, les employeurs ne puissent être tentés de faire entrer des "événements" divers et variés. La cassation de l'arrêt montre toutefois le désir de la Haute juridiction de contrôler étroitement la qualification opérée par les juges du fond. En l'espèce, la présence de photographies à caractère pornographique n'a pas été jugée comme suffisante, ce dont il faut se réjouir dans la mesure où la consultation d'images pornographiques n'est pas en soit illicite et ne menace pas non plus l'image de l'entreprise, dès lors que le salarié n'en fait pas un usage contraire aux intérêts de son employeur. Par ailleurs, on pouvait douter de la sincérité des preuves préalables découvertes dans le bureau du salarié, l'hypothèse d'une mise en scène destinée à justifier rétrospectivement la consultation des fichiers personnels du salarié n'étant pas à exclure. La cassation a d'ailleurs été prononcée pour violation de la loi, et non pour un simple manque de base légale, ce qui montre que les juges du fond ne peuvent souverainement apprécier ce risque ou cet événement particulier.
La seconde interrogation concerne le rôle que pourrait jouer l'interdiction faite dans l'entreprise aux salariés de l'utilisation à des fins personnelles des outils de travail mis à leur disposition. L'arrêt "Nikon" semblait, en effet, en faire une condition indifférente. Or, nous pensons que la solution qui se dégage de cet arrêt du 17 mai 2005 impose de revoir cette appréciation. L'extension considérable du droit de l'employeur de visiter l'ordinateur du salarié, et ce même lorsque ce dernier a identifié des fichiers comme présentant un caractère personnel, ne peut se justifier que par application du principe de loyauté ou de bonne foi présent depuis la loi du 17 janvier 2002 (N° Lexbase : L1304AW9) dans l'article L. 120-4 du Code du travail (N° Lexbase : L0571AZ8). En d'autres termes, c'est parce que l'employeur a interdit ou limité l'usage personnel de l'informatique professionnelle, généralement dans le règlement intérieur, que ce dernier doit être en mesure de s'assurer concrètement du respect par les salariés de cette prescription. Dans l'hypothèse contraire, le salarié peut valablement croire être autorisé à en faire un usage personnel, à condition que ce dernier soit raisonnable, de telle sorte que les droits de l'employeur s'en trouveraient réduits (en ce sens, à propos de l'usage du téléphone portable : CA Paris, 21ème, A, 2 février 2005, n° 04/37436, M. Farés Gmir c/ SA Transport Alsthom N° Lexbase : A8053DGD ; refusant de sanctionner le salarié pour faute grave : Cass. soc., 3 février 1999, n° 97-40.495, Société Locamion, société anonyme c/ M. Belgacem Ben Mariem, inédit N° Lexbase : A6125CLG). Nous pensons donc que la solution dégagée dans cet arrêt ne vaut que si l'employeur a limité ou interdit valablement l'usage personnel de l'informatique, dès lors que ces mesures sont nécessaires à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise et proportionnées au but recherché (en ce sens Conseil de Prud'hommes de Montbéliard, 19 septembre 2000, Madame R. c/ Société Sulzer Orthopédie Cedior ; pour une information insuffisante non stipulée au règlement intérieur : CA Montpellier, chambre sociale, 6 juin 2001, SCP Lefevre et Broussous c/ Monsieur P. K.). C'est d'ailleurs ce qui avait été jugé à propos de la fouille des armoires, puisque la Cour de cassation avait pris soin de préciser, en ce sens, que "l'employeur ne peut procéder à l'ouverture de l'armoire individuelle d'un salarié que dans les cas et aux conditions prévues par le règlement intérieur" (Cass. soc., 11 déc. 2001, préc.). Souhaitons que la Cour de cassation apporte rapidement des précisions ! |
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Réf. : Cass. soc., 11 mai 2005, n° 03-40.650, M. Michel Magnier c/ Société P&O Stena Line Limited, F-P+B+R+I (N° Lexbase : A2303DI7)
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Le 07 Octobre 2010
Décision
Cass. soc., 11 mai 2005, n° 03-40.650, M. Michel Magnier c/ Société P&O Stena Line Limited, F-P+B+R+I (N° Lexbase : A2303DI7) Rejet de CA Douai (Chambre sociale), 29 novembre 2002 (deux arrêts) Textes concernés : C. trav., art. L. 122-4 (N° Lexbase : L5554ACP) Mots-clefs : rupture du contrat de travail ; date ; jour de l'envoi de la lettre recommandée avec demande d'avis de réception notifiant la rupture ; période d'essai. Lien bases : |
Faits
1. Par deux lettres datées respectivement des 2 et 7 novembre 1995, la société Stena sealink, devenue P&O Stena Line Limited, a proposé à M. et Mme Magnier le poste de "senior traffic services assistant", les avisant que leur embauche s'effectuerait le 20 novembre 1995 pour le premier et le 4 décembre 1995 pour la seconde, avec une période d'essai de 3 mois. Un contrat de travail prévoyant une période d'essai renouvelable une seule fois a été respectivement conclu par la société avec M. Garnier le 20 novembre 1995 et avec Mme Garnier le 4 décembre 1995. La société Stena Sealink a avisé M. Magnier par lettre du 15 février 1996 et Mme Magnier le 1er mars 1996 du renouvellement de leur période d'essai pour 3 mois. Elle a, ensuite, mis fin à leurs contrats de travail par lettres recommandées avec accusé de réception du 17 mai 1996 à effet du 19 mai 1996. Les deux salariés ont alors saisi la juridiction prud'homale afin d'avoir paiement de diverses sommes. 2. La cour d'appel saisie du litige ayant rejeté leur demande, les époux Magnier ont formé un pourvoi en cassation. Ces derniers reprochent principalement aux juges du fond d'avoir statué ainsi alors que, d'une part, la convention collective interdisait le renouvellement de la période d'essai et que, d'autre part et surtout, la rupture du contrat de travail ne leur avait été notifiée que postérieurement à l'échéance de la période d'essai. |
Problème juridique
Au-delà de la question relative à l'interprétation de la convention collective applicable, ici secondaire, il s'agissait de savoir à quel moment se situe précisément la rupture du contrat de travail en période d'essai. |
Solution
1. "La rupture d'un contrat de travail se situe à la date où l'employeur a manifesté sa volonté d'y mettre fin, c'est-à-dire au jour de l'envoi de la lettre recommandée avec demande d'avis de réception notifiant la rupture". 2. "La cour d'appel ayant constaté, par une appréciation souveraine des faits, que la rupture de la période d'essai avait été notifiée à l'adresse communiquée à l'employeur par le salarié, au moyen d'une lettre recommandée envoyée le 17 mai 1996, soit avant la date d'expiration de la période d'essai, a légalement justifié sa décision". |
Commentaire
1. L'importance de la date de la rupture du contrat de travail en période d'essai
Conformément au principe de la prohibition des engagements perpétuels, l'article L. 122-4 du Code du travail (N° Lexbase : L5554ACP) précise, en son alinéa 1er, que "le contrat de travail conclu sans détermination de durée peut cesser à l'initiative d'une des parties contractantes sous réserve de l'application des règles ci-après définies". Il faut donc comprendre que la rupture unilatérale du contrat à durée indéterminée n'est licite que sous réserve du respect des dispositions relatives au licenciement ou à la démission. Toutefois, et ainsi que le précise l'alinéa 2 de ce même article, "ces règles ne sont pas applicables pendant la période d'essai". Il s'en déduit que pendant la période d'essai la rupture du contrat de travail est en principe libre, c'est-à-dire qu'elle n'est pas assujettie aux règles du licenciement ou de la démission. Par suite, et sous réserve de dispositions conventionnelles ou contractuelles contraires, l'employeur n'est pas tenu de respecter un préavis, une procédure quelconque ou d'alléguer un motif. Cela étant, le droit de rompre le contrat pendant la période d'essai reste susceptible d'abus. En outre, l'employeur est tenu de respecter les règles de la procédure disciplinaire dès lors qu'il rompt l'essai en raison d'une faute commise par le salarié (Cass. soc., 10 mars 2004, n° 01-44.750, Mme Brigitte Honoré c/ Association Accueil et réinsertion sociale, publié N° Lexbase : A4834DBN) En résumé, l'employeur est en droit de s'affranchir du respect des règles relatives au licenciement en rompant le contrat de travail pendant la période d'essai. On mesure ainsi toute l'importance de la date de la rupture, dès lors que toute rupture survenant postérieurement à l'échéance de la période d'essai s'analysera en un licenciement.
Il convient dans un premier temps de souligner que la rupture du contrat de travail en période d'essai n'est soumise à aucun formalisme particulier (1). En conséquence, la rupture peut être verbale (Cass. soc., 25 mai 1989, n° 85-43.903, Société Doumerc pneus c/ M. Joly, publié N° Lexbase : A3884AGX). Toutefois, en pratique, la notification de la rupture intervient fréquemment par lettre recommandée. Si une telle formalité n'a d'autre portée que celle de constituer un moyen de preuve, la jurisprudence a dû prendre position sur la date de la rupture notifiée par lettre recommandée. Or, jusqu'à la décision commentée, la Cour de cassation considérait, avec une belle constance, que la volonté de rupture de l'employeur ne pouvait produire effet qu'à partir du moment où elle avait été portée à la connaissance du salarié. Par suite, n'était pas régulière la rupture notifiée par lettre recommandée reçue par le salarié après l'expiration de la période d'essai (Cass. soc., 16 novembre 1993 , n° 88-45.383, M. Balthazard c/ Association Marie-Thérèse, publié N° Lexbase : A6236ABL ; Cass. soc., 14 mars 1995, n° 91-43.658, M. Bourhis c/ Mme Marchon, publié N° Lexbase : A1881AAW ; Cass. soc., 17 octobre 2000, n° 98-42.581, Association pour l'insertion des grands handicapés respiratoires et moteurs c/ M. Goumand, publié N° Lexbase : A7545AHW). La Cour de cassation affirmait, dans cette dernière décision, que "la rupture d'un contrat de travail, lorsqu'elle est notifiée par lettre recommandée, se situe à la date de la présentation de cette lettre à l'adresse de son destinataire". On mesure le changement apporté par l'arrêt commenté qui constitue de ce point de vue un véritable revirement de jurisprudence. Désormais en effet, "la rupture d'un contrat de travail se situe à la date où l'employeur a manifesté sa volonté d'y mettre fin, c'est-à-dire au jour de l'envoi de la lettre recommandée avec demande d'avis de réception notifiant la rupture". 2. La rupture du contrat de travail subordonnée à la seule manifestation de volonté de son auteur
La rupture du contrat de travail appartient, faut-il le rappeler, à la catégorie des actes juridiques unilatéraux. Or, certains de ces actes "n'ont d'existence juridique que sous la condition d'avoir été portés, par une notification, à la connaissance de la personne envers laquelle ils sont appelés à produire effet. De tels actes sont qualifiés réceptices, par opposition aux actes non réceptices, dont l'effet n'est subordonné qu'à la manifestation de volonté de leur auteur (et, éventuellement, à l'observation des formes requises)" (J. Flour, J.-L. Aubert, E. Savaux, Droit civil, Les obligations, 1/ L'acte juridique, 11ème éd., 2004, A. Colin, § 494). Il est, par suite, enseigné qu'est réceptice le licenciement d'un salarié et, plus généralement, tout acte par lequel l'une des parties à un contrat exerce une faculté unilatérale de rupture (J. Flour, J.-L. Aubert, E. Savaux, ibid.). Au vu de la solution retenue dans la décision commentée, on peut se demander si, désormais, la rupture du contrat de travail ne devient pas (ou plus exactement ne redevient pas) un acte non réceptice, étant entendu que la seule manifestation de volonté de l'employeur suffit à rompre le contrat de travail. Si une telle affirmation peut être admise, elle doit cependant être limitée à la rupture du contrat de travail pendant la période d'essai. Il importe en effet de souligner que la solution retenue par la Cour de cassation dans cet arrêt du 11 mai 2005 doit être cantonnée à cette hypothèse, sans pouvoir être étendue au licenciement.
La généralité des termes du motif de principe de la décision commentée pourrait laisser à penser que la solution retenue par la Cour de cassation vaut pour toutes les ruptures du contrat de travail à l'initiative de l'employeur et doit dès lors être admise pour le licenciement. Une telle déduction nous paraît cependant devoir être rejetée. En effet, outre le fait qu'il s'agit d'un arrêt de rejet que l'on ne saurait par suite trop solliciter, le licenciement a ceci de fondamentalement différent avec la rupture en période d'essai qu'il est soumis à un formalisme rigoureux en application de la loi. Il n'est à ce titre guère besoin de rappeler toute l'importance que revêt la notification de la rupture. En d'autres termes, le licenciement reste un acte réceptice et la notification conserve en la matière toute sa valeur et son importance. En conséquence, en matière de licenciement c'est la présentation de la lettre de notification à l'adresse de son destinataire qui continue de constituer la date de la rupture.
Gilles Auzero (1) Sous réserve là encore de dispositions conventionnelles ou contractuelles contraires. |
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Réf. : CE, 3° et 8° s-s., 18 mai 2005, n° 259275, SARL Sophie B c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie (N° Lexbase : A3450DIM)
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par S. D.
Le 07 Octobre 2010
Décision : CE, 3° et 8° s-s., 18 mai 2005, n° 259275, SARL Sophie B c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie (N° Lexbase : A3450DIM)
Rejet : CAA Douai, 3ème ch., 4 juin 2003, n° 02DA00781, SARL Sophie B c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie (N° Lexbase : A4754C9X) Mots-clés : Changement d'activité ou d'objet social ; report en avant des déficits ; activité de vente de vêtements sous différentes enseignes ; changement de localité Textes concernés : CGI, art. 209 (N° Lexbase : L9330G7P) et 221 (N° Lexbase : L9582G7Z) Lien base : |
Faits
1. La société requérante, qui exploitait un commerce d'habillement de prêt-à-porter sous l'enseigne "Benetton", avait interrompu son activité en 1987, puis repris, en 1990, une activité de commerce de détail d'habillement et d'articles de sport sous l'enseigne "Sport 2000" ; 2. A l'issue d'une vérification de comptabilité portant, en matière d'impôt sur les sociétés, sur les exercices clos en 1991 et 1992, le vérificateur avait remis en cause l'imputation sur les bénéfices de ces deux exercices des déficits et amortissements réputés différés des exercices clos en 1987 et 1988, au motif que la société avait changé d'activité. |
Solution
1. Ne constitue pas un changement d'activité réelle l'interruption de l'activité de la vente de vêtements sous une certaine enseigne pendant 31 mois, puis reprise même partiellement, dans une autre localité, sous une autre enseigne ; 2. Annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai. |
Observations
Aux termes des dispositions de l'article 209 du CGI, en cas de déficit subi pendant un exercice, ce déficit est considéré comme une charge de l'exercice suivant et déduit du bénéfice réalisé pendant ledit exercice. Si ce bénéfice n'est pas suffisant pour que la déduction puisse être intégralement opérée, l'excédent du déficit est reporté successivement sur les exercices suivants jusqu'au cinquième exercice qui suit l'exercice déficitaire. La déduction des déficits fiscaux d'exercices antérieurs est, toutefois, subordonnée à la condition dite "de l'identité d'entreprise", selon laquelle le report déficitaire ne peut, en principe, être pratiqué que sur le bénéfice de l'entreprise qui a subi le déficit (instruction du 10 mars 1986, BOI n° 4 A-5-86 N° Lexbase : X0683AAK ; doc. adm. 4 A 6123, du 9 mars 2001). Le respect de cette condition suppose, donc, que la société n'ait ni changé d'objet social ni d'activité réelle. En effet, de tels changements entraînent cessation d'entreprise au plan fiscal (CGI, art. 221-5). Ainsi, l'exercice par une société du droit au report déficitaire est subordonné, notamment, à la condition qu'elle n'ait pas subi, dans son activité réelle, de transformations telles qu'elle ne serait plus, en réalité, la même. La doctrine fiscale, suivie par la jurisprudence des cours administratives, s'est attachée à définir les notions de changements d'objet social ou d'activité réelle. La constatation de changement d'objet social est des plus simples, étant donné que les statuts de toutes sociétés doivent déterminer le contenu de celui-ci. Le changement d'activité d'une société doit, donc, en principe, s'accompagner de la modification de ses statuts. Cette dernière doit être déclarée par la société, dans un délai d'un mois, au service des impôts dont elle relève pour l'assiette de l'IS. Toutefois, pour les sociétés assujetties à l'IS, le changement d'objet social n'emporte de conséquences au regard de cet impôt que s'il s'accompagne d'un changement effectif de l'activité exercée. Le changement d'activité réelle se caractérise par une modification de la nature des opérations réalisées, des biens produits ou des services rendus. Surtout, seul un changement profond d'activité est susceptible d'avoir des conséquences en matière d'impôt sur les sociétés (Doc. adm. 4 A 6123, du 9 mars 2001, n° 30). L'appréciation de la réalité du changement d'activité relève, alors, de l'analyse d'une situation de fait. A cet égard, le changement d'activité réelle d'une entreprise est avéré lorsqu'à l'intérieur d'un même secteur d'activité, une entreprise passe d'un type de métier à un autre. Tel est le cas lorsque l'entreprise, sans changer de secteur d'activité, rend des prestations de nature différente s'adressant à une clientèle distincte et impliquant la mise en oeuvre de moyens d'exploitation nouveaux en personnel et en matériel (CAA Douai, 27 janvier 2004, n° 00DA00808, SA Sidoux c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A5081DBS ; lire Nicolas Bourgeois, La perte du droit au report en avant de déficit en cas de changement profond d'activité, Lexbase Hebdo n° 116, du 15 Avril 2004 - édition fiscale N° Lexbase : N1263ABE). Il y a, également, changement d'activité réelle lorsqu'une société qui cesse ses activités de gestion de ses participations dans diverses sociétés et de prestations administratives au profit de ses filiales, modifie son objet social, absorbe l'une de ses filiales exerçant une activité industrielle et assure alors elle-même l'activité de fabrication et de commercialisation (CAA Nantes, 1ère ch., 30 juin 2000, n° 96NT01323, Ministre de l'Economie et des Finances c/ SA La Fourmi N° Lexbase : A6409BHT). En revanche, ne constitue pas un changement d'activité la prise en location-gérance du fonds de commerce d'un hypermarché par une société holding, dans la mesure où cette dernière avait été créée ad hoc pour reprendre l'activité du fonds de commerce appartenant à la filiale. En outre, la holding avait étendu son objet social à l'exploitation de ce supermarché aussitôt cette opération effectuée (CAA Nantes, 1ère ch., 5 février 2003, n° 99NT01086, Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie c/ SA Risldis N° Lexbase : A0148C9D). En l'espèce, la société requérante, qui exploitait à Vernon un commerce de vêtements de prêt-à-porter sous l'enseigne "Benetton", avait cédé en 1987 son droit au bail, sa clientèle, ses immobilisations et son stock. Par ailleurs, après une période d'inactivité de trente et un mois, au cours de laquelle le gérant et la totalité du collège des associés avaient été renouvelés, la société avait repris à Rouen une activité de vente de vêtements, de chaussures et d'articles de sport sous l'enseigne "Sport 2000". Enfin, la société soutenait que l'activité de commerce de détail d'habillement, qu'elle exerçait jusqu'en 1987 à Vernon, représentait une part prépondérante du chiffre d'affaires réalisé, à compter de 1990, dans le cadre de son fonds de commerce situé à Rouen. Pour les juges de la Haute assemblée, l'activité de la société requérante, s'exerçant toujours partiellement dans le domaine du commerce de vêtements, doit être regardé, au regard des faits de l'espèce, comme n'ayant pas subi un changement d'une importance telle qu'il devait être regardé comme emportant cessation de l'entreprise au sens du 5 précité de l'article 221 du CGI. En ce sens, la cour administrative d'appel de Paris avait estimé que l'interruption, en raison de difficultés d'exploitation d'une activité de vente au détail de vêtements durant une période de trois ans pendant laquelle l'entreprise avait exercé l'activité de réalisation d'étalages dans le magasin de vêtements, l'activité initiale ayant été reprise ultérieurement dans une autre localité, ne constitue pas un changement d'activité (CAA Paris, 2ème ch., 7 décembre 1995, n° 95PA00580, Ministre du Budget c/ SARL Mac 2 N° Lexbase : A8711BH4). |
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Réf. : Cass. com., 30 mars 2005, n° 00-20.733, Mme Marie-Claude Losio-Valée, épouse Santini c/ M. François Ghelfi, FS-P+B (N° Lexbase : A4433DHN)
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par Marie-Elisabeth Mathieu, Jeantet Associés, Maître de conférences à l'Université d'Evry-Val d'Essonne
Le 07 Octobre 2010
La sous-caution est une garantie particulière. Elle s'engage vis-à-vis de la caution qu'elle garantit (V. Ch. Mouly, Les recours anticipés de la caution contre la sous-caution, JCP éd. G. 1980, 1, 2985) et la jurisprudence en admet, parfois, l'existence implicite (Cass. com., 12 juin 2001, n° 99-12.681, M. Arthur Spinelli c/ Société Banca commerciale italiana (BCI) (France) N° Lexbase : A5914AT9 ; Bull. civ., IV, n°114).
Le bénéficiaire de cette garantie particulière est, donc, la caution de premier rang. Le créancier principal demeure tiers au contrat de sous-cautionnement : la caution, garantie par la sous-caution, devient créancier de celle-ci. C'est une sorte de "variété de cautionnement au second degré" (Ph. Simler, Cautionnement et garanties autonomes, 3ème éd. Litec, n° 118). Contre la sous-caution, le créancier principal ne dispose d'aucune action directe.
La caution principale doit, avant de poursuivre la sous-caution en paiement, payer la dette du débiteur principal (Cass. com., 24 mars 1980, n° 78-12.504, Banque Nationale de Paris BNP c/ Dame Vachier, publié N° Lexbase : A8072CIS ; Bull. civ., IV, n° 141). La sous-caution peut, toutefois, invoquer les exceptions appartenant au débiteur principal pour se soustraire à son obligation de remboursement. Par exemple, l'extinction de la dette principale bénéficie à la sous-caution (Cass. civ. 1, 7 mai 2002, n° 99-21.088, FS-P N° Lexbase : A6221AY3 ; Bull. civ., I, n° 123), qui peut, d'ailleurs, contester l'existence et l'étendue du recours personnel de la caution (Cass. com., 17 septembre 2002, n° 00-14.190, FS-P N° Lexbase : A4494AZH ; Bull. civ., IV, n°123).
Elle ne peut, cependant, se prévaloir de la "décharge" instituée par l'article 2031 du Code civil (N° Lexbase : L2266ABK), ce texte ne profitant qu'au débiteur (Cass. civ. 1, 26 février 2002, n° 99-12.299, Mme Henriette Regnier c/ Crédit d'équipement des petites et moyennes entreprises (Cepme), FS-P N° Lexbase : A0738AYY ; D. 2002, p. 2863). Mais elle peut agir avant paiement, en exerçant l'action préventive des articles 2032 (N° Lexbase : L2267ABL) et 2039 (N° Lexbase : L2284AB9) du Code civil. Cette action "se fonde sur une créance personnelle d'indemnité distincte de celle qui appartient au créancier contre le débiteur principal" (Cass. com., 2 mars 1993, n° 90-21.025, Epoux Laurent c/ M. Di Martino, ès qualités de liquidateur de la liquidation N° Lexbase : A6342ABI ; Bull civ., IV, n° 80). Ce recours est particulier, car il est offert à la caution avant qu'elle ne soit appelée en garantie.
Par conséquent, la sous-caution est, en réalité, caution de second rang de la caution de premier rang. Elle sera débitrice envers la caution, dans la mesure où celle-ci a payé la dette du débiteur principal et lui en demande le remboursement. Inversement, la caution devient, alors, créancière de la sous-caution.
Ainsi, et conformément au visa de la Chambre commerciale, dans sa décision du 30 mars 2005, la sous-caution est tenue pour d'autres au payement de la dette (V. C. civ., art. 1251, al. 3 N° Lexbase : L1368ABB).
II - Les rapports entre la caution et la sous-caution
En principe, et en présence d'une défaillance du débiteur principal, la caution paye le créancier, puis exerce un recours en paiement contre la sous-caution qui, à son tour, agira contre le débiteur.
La caution devient effectivement, et par le jeu de cette configuration, créancière de la sous-caution (V. en ce sens, Ph. Malaurie et L. Aynes, Les sûretés, La publicité foncière, Defrenois, 2003, n° 152 ; Ph. Simler, Cautionnement et garanties autonomes, 3ème éd. Litec, n° 119). Elle exercera, alors, une action en remboursement contre la sous-caution, tendant au paiement intégral de la dette -dans la limite de l'engagement de cette dernière- et non une action en contribution ou l'action prévue par l'article 2033 du Code civil (N° Lexbase : L1037ABZ) -action d'une caution contre un cofidéjusseur-. Finalement, la sous-caution se retrouvera, une fois sa dette acquittée, caution du débiteur principal.
Au vu de ce mécanisme, la sous-caution garantit la créance de la caution à l'égard du débiteur. Elle n'a, donc, aucun lien avec le créancier : elle ne garantit pas la créance de celui-ci envers son débiteur. La sous-caution n'a de liens qu'avec la caution puis, par voie de conséquence, le débiteur. Le créancier n'a, d'ailleurs, aucun droit sur elle, à moins d'être recevable à agir par la voie de l'action oblique de l'article 1166 du Code civil (N° Lexbase : L1268ABL) (voir, sur les conditions de recevabilité d'une telle action : Cass. civ. 1, 5 avril 2005, n° 02-21.011, F-P+B N° Lexbase : A7496DH4). Dans ce cas, il faudrait que la caution ait payé la dette du débiteur principal et qu'elle soit devenue créancière de la sous-caution.
Mais, puisque la sous-caution garantit la dette du débiteur principal envers la caution, son propre engagement est indissolublement lié à celui de la caution. Ainsi, et c'est le cas de la présente décision, l'obligation de la sous-caution à l'égard de la caution est caduque, si le cautionnement de premier rang s'éteint pour des causes qui lui sont propres. Parmi ces causes, figurent, comme en l'espèce, le défaut de déclaration de créance de la caution à la procédure collective du débiteur ou, dans le cas d'une caution personne morale, la dissolution de la société caution par fusion avec une autre société (CA Bourges, 1ère ch., 13 octobre 1998, n° 9601953, Société de caution mutuelle artisanale du Loir et Cher (SOCAMA) c/ M. Castelain Joseph N° Lexbase : A3945DIX).
Toutefois, si le projet de loi sur la sauvegarde des entreprises, actuellement en discussion, entre en vigueur, le défaut de déclaration de créance de la caution n'entraînera plus l'extinction de l'engagement de la sous-caution, cette absence de déclaration n'étant plus dans le projet de loi, sanctionnée par l'extinction des créances.
Pour conclure, il faut, également, évoquer, dans la gamme des garanties données sous forme de "cautions de second rang", la pratique des certificateurs de cautions (voir C. civ., art. art. 2014, al. 2 N° Lexbase : L2249ABW). Le dispositif est le suivant : un certificateur s'engage envers le créancier à le payer, si la caution est défaillante (B. Saintourens, Certificateurs de caution et sous-cautions, les oubliés des réformes du droit du cautionnement, Mélanges Michel Cabrillac, Dalloz / Litec 1999, p. 397). L'obligation, ainsi garantie par le certificateur, est celle de la caution (Ph. Simler, Cautionnement et garanties autonomes, Litec, 3ème éd., n° 115). Dès lors, l'engagement du certificateur est accessoire à celui de la caution certifiée (Cass. com., 19 janvier 1981, n° 79-11430, Maire de Bonhomme c/ Banque Populaire de Lorraine, publié N° Lexbase : A0874CI9 ; Bull. civ. IV, n° 30). Le cautionnement certifié est, lui-même, accessoire à la dette principale. Par conséquent, entre cette dette et l'engagement de certification s'établit un lien d'accessoire de second degré (voir, sur ce point, J. François, Les sûretés personnelles, Economica, 2003, n° 65).
La fonction du sous-cautionnement est, donc, très différente de celle de la certification : la première garantie profite à la caution, la seconde au créancier. Il importe, donc, de les identifier clairement car leurs régimes respectifs ne sont pas unitaires.
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par Propos recueillis par Aurélie Garat, SGR - Droit social
Le 07 Octobre 2010
La première difficulté est l'identification des risques liés aux NTIC. Il n'existe, en effet, pas de traduction concrète spécifique aux NTIC dans le Code du travail. Les NTIC sont traitées, peu ou prou, comme les autres risques. Certes, il existe bien quelques dispositions éparses qui vont traiter, par exemple, des écrans de visualisations (directive (CE) 90/270 du Conseil du 29 mai 1990 N° Lexbase : L7692AUG ; décret n° 91-451, 14 mai 1991, relatif à la prévention des risques liés au travail sur des équipements comportant des écrans de visualisation N° Lexbase : L8424AIT) mais la spécificité des NTIC n'a pas été prise en compte par le législateur.
Pourtant, il est évident, aujourd'hui, que les nouvelles technologies sont facteurs de risques particuliers. Le Conseil d'Etat, dans son rapport rendu en 2005, a admis que le risque, défini comme un "danger éventuel, plus ou moins prévisible, inhérent à une situation ou à une activité" (trésor de la langue française, CNRS) était en pleine évolution en raison, notamment, du progrès technique. Ainsi que le précise la Haute juridiction administrative, "le risque lui-même évolue, sa perception se modifie et la demande d'extension de sa couverture se fait plus forte".
On aboutit, finalement, à une situation paradoxale : alors que les NTIC sont censées faciliter le travail humain, elles sont également, en pratique, un facteur d'accroissement des risques pour la santé au travail.
La première obligation de l'employeur, en matière de santé au travail, est l'évaluation des risques. L'employeur doit, notamment, mettre en place un document unique (C. trav., art. R. 230-1 N° Lexbase : L1159AWT), un plan annuel de prévention et d'action (C. trav., art. L. 236-2 N° Lexbase : L6011ACM et C. trav., art. L. 236-4 N° Lexbase : L6012ACN) et un règlement intérieur. Pourtant, dans le cadre de cette démarche préventive imposée à l'employeur, aucune obligation spécifique n'est imposée en matière de NTIC.
La prise en compte des risques engendrés par ces NTIC relève donc d'une démarche purement volontaire de l'employeur. Or, il semble important, aujourd'hui, de prendre en compte les risques des NTIC sur la santé dans le management par une analyse appropriée du milieu et de l'ambiance de travail et par une mise en oeuvre d'une démarche préventive, dans ce domaine.
Outre l'obligation d'évaluation des risques, le Code du travail prévoit un certain nombre d'actions préventives. Ainsi, aux termes de l'article L. 230-2 (N° Lexbase : L5946AC9), l'employeur doit "éviter les risques ; évaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ; combattre les risques à la source ; adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ; tenir compte de l'état d'évolution de la technique ; remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ; planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment en ce qui concerne les risques liés au harcèlement moral, tel qu'il est défini à l'article L. 122-49 (N° Lexbase : L0579AZH) ; prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ; donner les instructions appropriées aux travailleurs".
Même si elles ne sont pas explicitement citées par le législateur, les NTIC sont directement visées par ces prescriptions. L'employeur, pour se conformer à ces obligations, pourra mettre en place deux principaux outils. Le CHSCT, d'une part, devra être envisagé comme un relais de l'employeur dans la participation à la gestion du risque. Aux côtés du CHSCT, il est possible de créer un groupe de confiance chargé d'écouter les salariés sur le lieu de travail et de faire remonter les informations utiles au CHSCT. D'autre part, la délégation de pouvoir donnée par le chef d'entreprise aura également un rôle important à jouer dans ce domaine. Celle-ci est trop souvent entendue comme un moyen de se défausser pénalement. Or, ce n'est pas, loin sans faut, sa principale utilité. La délégation donnée à une personne proche du "terrain", ayant une connaissance précise de la réalité du travail et des caractéristiques des salariés permettra de spécialiser la gestion du risque et de la rendre, en conséquence, plus efficace.
L'employeur devra également veiller à la mise en oeuvre d'une "démarche qualitative santé". Celle-ci passe par une information des acteurs sur la législation en vigueur et sur l'utilisation des équipements (C. trav., art. R. 233-2 N° Lexbase : L9595ACD) ainsi que par une formation à la sécurité, prenant en compte notamment, les spécificités des NTIC (C. trav., art. R. 233-3 N° Lexbase : L9596ACE). Enfin, il ne faut pas négliger l'importance du choix de l'équipement en termes de santé. Ainsi, dans une entreprise telle que La Poste, les équipements achetés doivent répondre à des exigences très strictes en termes d'ergonomie.
La nécessité d'une telle démarche d'évaluation et de prévention des risques, notamment liés aux NTIC, apparaît aujourd'hui comme une évidence, surtout si l'on prend en compte l'expérience très positive en la matière de nombreuses grandes entreprises. La Poste, par exemple, a ainsi su se placer dans une perspective de long et moyen terme et a vu le coût de la prévention être contrebalancé par une nette diminution de l'absentéisme et par un meilleur rendement au travail. En outre, le développement d'une responsabilité sans faute des employeurs devrait pousser à une telle démarche. Il est, en tous cas, dommage que certaines entreprises attendent le déclenchement d'une situation de crise pour mettre en oeuvre une véritable politique de prévention.
Le chef d'entreprise a intérêt, non seulement à respecter les obligations légales, mais aussi à optimiser les ressources, quitte à devancer le législateur en instaurant une véritable politique d'évaluation et de prévention des risques émergents liés aux NTIC.
Sous l'appellation de "risques émergents de santé au travail" ou risques psycho-sociaux, on regroupe beaucoup de choses telles que le suicide ou le harcèlement. Malgré le caractère un peu flou de cette notion, il faut s'entendre sur le fait qu'un état de stress chronique peut entraîner de nombreuses pathologies telles que le cancer, les troubles endocriniens, respiratoires... A contrario, il est prouvé que ces divers troubles sont nettement atténués en situation de bien-être.
Aujourd'hui, le stress est partout : 10 à 12 000 articles sont publiés, chaque année, sur le stress dans le monde. Or, pour éviter de regrouper sous la même appellation des situations qui n'ont rien à voir entre elles, il faut distinguer les causes, les conséquences et le processus du stress. Aujourd'hui, le lien entre le stress et le travail est connu et validé scientifiquement. Il peut être défini comme un déséquilibre entre les ressources dont on dispose et les exigences auxquelles on est soumis.
Ces risques émergents, liés notamment aux NTIC, s'opposent aux risques traditionnels qui sont facilement identifiables et réglementés et pour lesquels on dispose d'un corpus de connaissances considérable et d'un système adapté. L'augmentation des maladies professionnelles et des accidents du travail correspond à une réaction de notre espèce à ce que nous avons construit et que nous devons reconstruire.
En effet, la santé n'est pas un état statique mais une construction dynamique permanente. Or, pour les risques émergents liés aux NTIC, une formulation traditionnelle est impossible. La formulation d'une représentation de ce qui se joue n'est possible que lorsque le vécu des salariés fait l'objet d'une discussion, d'un débat. Dans ce contexte, les questionnaires de stress et de bien-être au travail doivent se situer au coeur de la prévention.
En définitive, le travail contient une composante objective, mais aussi une composante subjective et sociale. Il est impossible de réduire le travail à sa dimension purement objective, même si celle-ci est la plus facilement identifiable. En effet, le travail ne doit pas être séparé de l'humain qui le fait. Or, la gestion du risque en entreprise n'intègre pas ou peu, aujourd'hui, ce caractère irréductiblement humain du travail. Dès lors, on aboutit à des politiques de management en la matière tout à fait insuffisantes. Il faudrait repenser le mode de gestion de ces risques émergents en intégrant cette dimension humaine et subjective du travail.
Enfin, s'agissant de la composante sociale, le travail doit faire l'objet d'une régulation sur le plan collectif. En effet, à trop vouloir individualiser la gestion du risque, on risque d'aboutir à un système discriminatoire. S'il est nécessaire, pour établir des règles et identifier les problématiques liées à la santé, d'instaurer un dialogue avec les individus, la gestion du risque doit, quant à elle, se faire à un niveau collectif. C'est la garantie d'un maintien de l'égalité entre les salariés.
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