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Le 07 Octobre 2010
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Réf. : Projet de loi en faveur des petites et moyennes entreprises
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N3756AIX
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par André-Paul Weber, Professeur d'économie, Ancien rapporteur au Conseil de la concurrence
Le 07 Octobre 2010
En simplifiant et en définissant de façon étroite l'assiette permettant de calculer le seuil de la revente à perte, le texte en cause visait, à l'époque, à limiter la concurrence entre les différentes formes de commerce et correspondait à une volonté de préservation des commerces de proximité. Il devait, également, mettre fin aux débats permanents qui, jusqu'alors, prévalaient quant à la détermination même de ce seuil. Mais, avec le temps, le dispositif a généré un déplacement par les entreprises de la négociation commerciale du prix de vente facturé, tel qu'il résulte des conditions générales de vente vers les réductions de prix hors facture et la coopération commerciale, usuellement dénommées "marges arrière". L'importance croissante de ces marges, qui n'apparaissent pas sur les factures des produits, a eu pour effet de réduire, de façon excessive, la concurrence entre les différentes formes de distribution, relever le prix des produits au stade du négoce et affecter le pouvoir d'achat des consommateurs.
Tel que rédigé, le titre VI du projet de loi s'inscrit donc dans le souci de clarifier, dans un sens plus concurrentiel, les relations entre fournisseurs et distributeurs, cette clarification devant entraîner une baisse du prix des biens de grande consommation. Les propositions du Gouvernement font suite à deux initiatives relativement récentes.
En 2003, par le moyen d'une circulaire relative à la négociation commerciale entre fournisseurs et distributeurs, dite circulaire "Dutreil" (Circ. min., 16 mai 2003, relative à la négociation commerciale entre fournisseurs et distributeurs N° Lexbase : L0101BIL), l'administration avait déjà défini le cadre dans lequel elle entendait intervenir, afin de résoudre le problème de ces fameuses "marges arrière" (1). Cette circulaire nouvelle était appelée à se substituer à la circulaire du 22 mai 1984, relative à la transparence tarifaire dans les relations commerciales entre entreprises (circulaire Delors). Elle préconisait un élargissement du concept de conditions générales de vente et suggérait une définition plus rigoureuse de la notion de coopération commerciale, en soutenant, en particulier, l'idée que les services rendus par le distributeur liés à l'opération d'achat des produits auprès du fournisseur relèvent des conditions de vente du fournisseur.
Ces services devaient, par conséquent, donner lieu à des réductions de prix reportées sur la facture. De son côté, le groupe d'experts, constitué courant 2004 par le ministre de l'Economie et des Finances en vue de rééquilibrer les rapports entre industrie et commerce (Commission Canivet) avait également proposé une définition légale de la coopération commerciale comme étant "un contrat de prestation de services détachables de l'opération d'achat et de vente et consistant à stimuler ou à faciliter au bénéfice du fournisseur la revente de ses produits par le distributeur" (lire N° Lexbase : N3180ABE). Au surplus, le groupe d'experts préconisait de soumettre la conclusion de tout contrat de coopération commerciale aux conditions de validité de droit commun (conditions relatives au consentement mutuel des parties, conditions relatives à la réalité des prestations, conditions relatives à l'exigence de proportionnalité entre les services rendus et rémunération obtenue).
A ce stade, il importe de relever que les propositions formulées à l'occasion de ces deux initiatives se gardaient de modifier l'article L. 442-2 du Code de commerce. Les propositions partaient de l'idée implicite voulant qu'un élargissement du concept de conditions générales de vente, ainsi qu'un examen plus strict des conditions dans lesquelles les contrats de coopération commerciale étaient conclus et appliqués, pouvaient enrayer la spirale des "marges arrière" et restaurer une situation concurrentielle satisfaisante, tout en maintenant le tissu des commerces de proximité.
S'inspirant, sans nul doute, de ces initiatives, le projet du Gouvernement comporte une première mesure phare. Ainsi propose-t-il, dans son article 27, d'enrichir les dispositions introduites dans le premier alinéa de l'article L. 441-6 du Code de commerce (N° Lexbase : L6601AIC), lequel oblige, dans sa version actuelle, tout producteur, prestataire de service, grossiste ou importateur de communiquer à tout acheteur de produit ou demandeur de prestation de services son barème de prix et ses conditions de vente.
L'article en cause serait complété par les dispositions selon lesquelles "le barème de prix et les conditions de vente peuvent être différenciées selon les catégories d'acheteurs de produits ou de demandeurs de services définies dans des conditions fixées par voie réglementaire en fonction du chiffre d'affaires, de la nature de la clientèle et du mode de distribution. Dans ce cas, l'obligation de communication prescrite au précédent alinéa ne s'applique qu'à l'égard des acheteurs de produits ou des demandeurs de prestation de services d'une même catégorie. Tout producteur, prestataire de services, grossiste ou importateur peut, par ailleurs, convenir avec un acheteur de produits ou demandeur de prestation de services de conditions particulières de vente justifiées par la spécificité de services rendus qui ne sont pas soumises à cette obligation de communication".
Au regard de l'objectif poursuivi visant à réduire le montant des "marges arrière", ce nouvel alinéa paraît essentiel. En effet, il rompt avec la thèse qui, jusqu'alors, prévalait et voulant que les conditions générales de vente ne puissent être différenciées. La rédaction proposée suggère que des conditions générales de vente détaillées puissent être élaborées pour tenir compte, par exemple, des conditions de livraison, de stockage, de délais de règlement, des engagements fermes et irrévocables d'achats de marchandises et autres services envisagés. Non détachables de l'opération d'achat vente, les remises associées à ces conditions et services appelées à figurer sur la facture sont autant d'éléments devant permettre une réappréciation à la baisse du seuil de la revente à perte.
La coopération commerciale étant le véhicule des "marges arrière", le projet de loi propose, par ailleurs, dans son article 28, de remédier à l'imprécision que le cinquième alinéa de l'article L. 441-6 du Code de commerce comporte ("Les conditions dans lesquelles un distributeur ou un prestataire de services se fait rémunérer par ses fournisseurs, en contrepartie de services spécifiques, doivent faire l'objet d'un contrat écrit en double exemplaire détenu par chacune des parties"). Il propose l'abrogation de cet alinéa et envisage un nouvel article L. 441-6-1, selon lequel :
"I.- Le contrat de coopération commerciale est une convention par laquelle un distributeur ou un prestataire de services s'oblige envers un fournisseur à lui rendre à l'occasion de la revente de ses produits ou services aux consommateurs, des services propres à favoriser leur commercialisation qui ne relèvent des obligations d'achat et de vente.
Un contrat de coopération commerciale indiquant le contenu des services et les modalités de leur rémunération est établi, avant leur fourniture, soit dans un document unique, soit dans un ensemble formé par un contrat cadre annuel et des contrats d'application.
[...]
Le contrat unique ou, le cas échéant, le contrat cadre annuel est rédigé avant le 15 février ou, si la relation commerciale est établie en cours d'année, un mois après le référencement.
Le contrat unique ou les contrats d'application précisent la date à laquelle les services sont rendus, leur durée, les produits auxquels ils se rapportent ainsi que leur rémunération.
Dans tous les cas, la rémunération du service rendu est exprimée en pourcentage du prix unitaire net du produit auquel il se rapporte".
Dans son dernier alinéa, cet article L. 441-6-1, I, dispose, enfin, que "les conditions dans lesquelles un distributeur ou un prestataire de services se fait rémunérer par ses fournisseurs en contrepartie de services distincts de ceux figurant dans le contrat de coopération commerciale font l'objet d'un contrat écrit en double exemplaire détenu par chacune des parties qui précise la nature de ces services".
En bref, par le jeu de ces dispositions nouvelles, le projet de modernisation introduit trois voies, par l'intermédiaire desquelles des prestations de services sont susceptibles de se conclure entre fournisseur et distributeur : celles qui sont inscrites dans les conditions générales de vente, celles qui correspondent à la coopération commerciale proprement dite et qui sont définies à l'article 28 du projet de loi, celles qui, enfin, relèvent du dernier alinéa de l'article L. 441-6-1-I précité.
Estimant, sans doute, que ce premier lot de mesures est insuffisant pour remédier au problème des "marges arrière", et se démarquant des préconisations minimales, notamment, formulées par le groupe d'experts, le Gouvernement entend, par ailleurs, selon l'article 31 du projet de loi, aménager l'article L. 442-2 du Code de commerce qui devrait être remplacé par les dispositions suivantes :
"I. - Le second alinéa de l'article L. 442-2 du Code de commerce est remplacé par les dispositions suivantes :
Le prix d'achat effectif est le prix unitaire net figurant sur la facture d'achat majoré des taxes sur le chiffre d'affaires, des taxes spécifiques afférentes à cette revente et du prix du transport et minoré de l'ensemble des autres avantages financiers consentis par le vendeur exprimé en pourcentage du prix unitaire net du produit et excédant 20 %.
II.- Au cours des six mois suivant la publication de la présente loi, pour l'application de l'article L. 442-2 du Code de commerce, le montant minorant le prix unitaire figurant sur la facture d'achat n'excède pas 50 % du montant total de l'ensemble des autres avantages financiers consentis par le vendeur exprimé en pourcentage du prix unitaire net du produit".
Ainsi, par le moyen de ces nouvelles dispositions, de manière modulée dans le temps, ainsi qu'en témoigne le point II ci-dessus cité, le Gouvernement propose-t-il au Parlement d'abaisser le seuil de la revente à perte en invitant, dans le même temps, les professionnels à limiter le montant des remises hors facture.
Parallèlement, avec l'introduction des accords de gamme, le projet de loi propose, dans son article 26, l'élargissement des conditions d'application de l'article du premier alinéa de l'article L. 420-2 du Code de commerce (N° Lexbase : L6584AIP). La notion d'exploitation abusive d'une position dominante par une entreprise ou un groupe d'entreprises sur le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci y est définie comme tout abus pouvant "[...] notamment consister en refus de vente, en ventes liées, en pratiques discriminatoires visées au 1° du I de l'article L. 442-6 (N° Lexbase : L6607AIK) ou en accords de gamme". De ce dernier point de vue, l'article 32 du projet entend, en particulier, enrichir le b du 2° du I de l'article L. 442-6 du Code de commerce par la disposition selon laquelle "le fait de subordonner, au titre des accords de gammes, l'exposition à la vente de plus d'un produit à l'octroi d'un avantage quelconque peut constituer un abus de puissance de vente".
A tout le moins, l'examen combiné des dispositions introduites dans les articles 26, 28, 31 et 32 du projet de loi ne manque pas de surprendre, surtout lorsque l'on se rappelle les critiques que la circulaire "Dutreil" avait suscitées. Courant 2003, les milieux professionnels avaient, en effet, dénoncé le caractère "trop encadré", "trop administré" des orientations alors esquissées par l'action administrative. Cette fois, le dispositif envisagé par le pouvoir exécutif rend effectivement compte d'un degré d'encadrement qui peut être source d'une réelle préoccupation. La préoccupation est d'autant plus de mise que le dispositif s'accompagne, en son article 29, du grand retour de la procédure de transaction. Selon son article 29, le projet de loi propose un article L. 470-4-1 ainsi rédigé :
"Pour les délits prévus au titre quatrième du présent livre [lequel a pour intitulé "De la transparence, des pratiques restrictives de concurrence et d'autres pratiques prohibées"] pour lesquels une peine d'emprisonnement n'est pas encourue, le chef du service d'enquête compétent a droit de transiger, après accord du procureur de la République, selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat".
Cette dernière disposition constitue un retour en arrière tout à fait étonnant. Faut-il le rappeler, l'adoption de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à liberté des prix et de la concurrence (N° Lexbase : L8307AGR) (ordonnance dont les dispositions sont désormais codifiées dans le Code de commerce) a été, en particulier, fondée sur la contestation des procédures que les ordonnances antérieures n° 45-1483 et n° 45-1484 du 30 juin 1945, respectivement relatives aux prix et à la constatation, la poursuite et la répression des infractions à la législation économique, avaient suscitée, tant en matière de formation des prix, qu'en matière de répression des infractions. A l'époque, l'arbitraire de l'action administrative avait été dénoncé, son retour annoncé est, à l'évidence, problématique.
Face au fragile équilibre qui prévaut toujours dans les relations entre fournisseur et distributeur, l'on peut se demander en quoi le nouveau cadre législatif envisagé est susceptible de remédier à la fois au phénomène de la dérive des "marges arrière" et autoriser la baisse substantielle des prix des biens de grande consommation au stade de la distribution. Dans sa forme actuelle, rien n'est moins sur. L'expérience l'a toujours montré, ce n'est pas en accroissant les pouvoirs d'intervention de la direction de la concurrence et de la consommation que l'on parvient à juguler les phénomènes de hausse de prix. Il reste à espérer que le législateur procédera à un réexamen complet d'un texte qui, dans sa structure, est sans doute de nature à satisfaire des ambitions bureaucratiques, mais il reste qu'il demeure fondamentalement inadapté à la résolution des conflits d'intérêt qui opposent fournisseurs et distributeurs. En juin 2004, le ministre de l'Economie et des Finances avait, à grand renfort de publicité, nommé une commission d'experts en vue d'éclairer sa pensée sur la question des relations entre fournisseur et distributeur. Il serait bon que le Parlement s'inspire des conclusions alors formulées.
(1) A.-P. Weber, La circulaire Dutreil ou les nouvelles règles de négociation commerciale, Lexbase Hebdo n° 101 du 1er janvier 2004 - édition affaires (N° Lexbase : N9927AAW).
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Réf. : CJCE, 21 avril 2005, aff. C-25/03, Finanzamt Bergisch Gladbach c/ HE (N° Lexbase : A9457DHQ)
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N3791AIA
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par Yolande Sérandour, Professeur à la Faculté de droit de Rennes, Directrice du Master de Droit Fiscal des Affaires de Rennes et du département Droit fiscal du CDA
Le 07 Octobre 2010
Les dépenses à caractère mixte, à la fois professionnelles et personnelles, engagées par des époux en qualité d'indivisaires, sans indication de la répartition sur les factures, ni de la quote-part de chacun, ni du pourcentage d'affectation professionnelle ouvrent-elles droit à déduction de la TVA et pour quel montant ? Telle est la question tranchée par la CJCE le 21 avril 2005.
Fin 1990, les époux HE ont acquis un terrain en indivision, un quart pour monsieur HE et trois-quarts pour son épouse. Les époux HE ont retenu la même répartition des parts pour la construction d'une maison d'habitation édifiée sur ce terrain. Toutes les factures émises par les entreprises de construction ont été établies au nom des "époux HE". Outre son activité principale de travailleur salarié, monsieur HE exerçait, accessoirement, la profession autonome d'auteur spécialisé. Pour l'exercice de cette dernière profession, il utilisait une pièce de la maison familiale, laquelle représentait 12 % de la superficie totale de la maison. HE a, dans ses déclarations TVA relatives aux années 1991 à 1993, porté en déduction de la TVA due un montant égal à 12 % de la TVA acquittée pour la construction de cette même maison. Le fisc allemand a, cependant, refusé ces déductions, au motif que le maître d'ouvrage et bénéficiaire de la prestation de construction était, non HE, mais la communauté formée par les deux époux, au nom desquels avaient été libellées les factures. Cette communauté n'exerçant pas, par elle-même, d'activité d'entreprise, elle ne bénéficiait, selon l'administration fiscale allemande, d'aucun droit à déduction.
La première juridiction saisie a admis une déduction partielle de 12 % du quart de la TVA supportée. La seconde juridiction a préféré poser à la CJCE les questions préjudicielles suivantes :
"1. Une personne qui acquiert ou construit une maison à usage d'habitation aux fins de l'habiter agit-elle en qualité d'assujetti lors de l'acquisition ou de la construction de ladite maison, si elle entend utiliser l'une des pièces de cet immeuble comme bureau pour une activité indépendante accessoire ?
En cas de réponse affirmative à la première question :
2. Si une communauté par indivision ou par mariage, qui n'agit pas elle-même à des fins professionnelles, passe commande d'un bien d'investissement, faut-il considérer qu'il y a acquisition par un non assujetti, qui n'est pas en droit de déduire la TVA en amont ayant grevé l'acquisition, ou bien faut-il considérer que tous les copropriétaires sont bénéficiaires de l'opération ?
En cas de réponse affirmative à la deuxième question :
3. Si des époux acquièrent un bien d'investissement en indivision et que ce bien n'est utilisé à des fins professionnelles que par l'un des copropriétaires pour son entreprise, le droit à déduction peut-il être exercé :
a) par ce copropriétaire à concurrence uniquement de la fraction de taxe en amont correspondant à sa quote-part d'acquéreur,
ou
b) ce copropriétaire peut-il, conformément à l'article 17, paragraphe 2, sous a), de la sixième directive-TVA (N° Lexbase : L9279AU9), déduire le montant de taxe en amont correspondant à la part de son utilisation professionnelle du bien dans son ensemble (sous réserve des conditions de facturation envisagées à la quatrième question) ?
4. Pour exercer le droit à déduction conformément à l'article 18 de la sixième directive-TVA, une facture, au sens de l'article 22, paragraphe 3, de cette directive, doit-elle être établie au nom de ce seul copropriétaire/époux [et mentionner les fractions du prix et de la taxe correspondant à sa quote-part] ou celle qui a été délivrée aux copropriétaires / époux sans faire apparaître une telle ventilation suffit elle?"
En réponse, la CJCE dit pour droit : "[...]
- une personne qui acquiert ou fait construire une maison aux fins de l'habiter avec sa famille agit en qualité d'assujetti et bénéficie, donc, du droit à déduction en application de l'article 17 de la sixième directive 77/388, dans la mesure où elle utilise une pièce de cet immeuble comme bureau pour les besoins de l'exercice, fût-ce à titre accessoire, d'une activité économique au sens des articles 2 et 4 de la même directive et qu'elle affecte cette partie de l'immeuble au patrimoine de son entreprise ;
- lorsqu'une communauté résultant d'un mariage, qui n'est pas dotée de la personnalité juridique et n'exerce pas elle-même une activité économique au sens de la sixième directive 77/388, passe commande d'un bien d'investissement, les copropriétaires formant ladite communauté doivent être considérés comme bénéficiaires de l'opération pour les besoins de l'application de cette directive ;
- lorsque deux époux en communauté du fait de leur mariage acquièrent un bien d'investissement, dont une partie est utilisée à des fins professionnelles de façon exclusive par l'un des époux copropriétaires, celui-ci bénéficie du droit à déduction pour la totalité de la taxe sur la valeur ajoutée en amont ayant grevé la part du bien qu'il utilise pour les besoins de son entreprise, pour autant que le montant déduit n'excède pas les limites de la quote-part que l'assujetti détient dans la copropriété dudit bien ;
- les articles 18, paragraphe 1, sous a), et 22, paragraphe 3, de la sixième directive 77/388 n'exigent pas que, pour pouvoir exercer le droit à déduction dans des circonstances telles que celles en cause au principal, l'assujetti dispose d'une facture établie à son nom et faisant apparaître les fractions du prix et de la taxe sur la valeur ajoutée correspondant à sa quote-part dans la copropriété. Une facture délivrée indistinctement aux époux en copropriété et sans mention d'une telle ventilation est suffisante à cet effet".
La qualité d'époux-coindivisaire n'exclut pas la qualité d'assujetti, mais l'étendue du droit à déduction en dépend.
1. La qualité d'assujetti de l'époux coindivisaire
Selon l'article 17 de la sixième directive-TVA : "1. Le droit à déduction prend naissance au moment où la taxe déductible devient exigible. 2. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l'assujetti est autorisé à déduire de la taxe dont il est redevable : [...]". La naissance et l'exercice du droit à déduction dépendent de l'engagement des dépenses en qualité d'assujetti. Aux termes de l'article 4 de la sixième directive-TVA, "1. Est considéré comme assujetti quiconque accomplit, d'une façon indépendante et quel qu'en soit le lieu, une des activités économiques mentionnées au paragraphe 2, quels que soient les buts ou les résultats de cette activité. 2. Les activités économiques visées au paragraphe 1 sont toutes les activités de producteur, de commerçant ou de prestataire de services, y compris les activités extractives, agricoles et celles des professions libérales ou assimilées. Est, notamment, considérée comme activité économique une opération comportant l'exploitation d'un bien corporel ou incorporel en vue d'en retirer des recettes ayant un caractère de permanence". Ce libellé se réfère à la profession exercée à titre indépendant et non à la structure d'exercice ou à l'importance de ladite activité. La structure importe si peu que la notion d'organisme sans but lucratif, assujetti exonéré de TVA, a pu être reconnue à une personne physique (CJCE, 7 septembre 1999, aff. C-216/97, Jennifer Gregg et Mervyn Gregg c/ Commissioners of Customs and Excise N° Lexbase : A0499AWE ; CJCE, 3 avril 2003, aff. C-144/00, Matthias Hoffmann c/ Allemagne N° Lexbase : A6275A7K ; lire : M.-C.Bergerès, M. Guichard et W. Stemmer, La société en participation et la TVA, Petites affiches, 2004, n° 143, p. 5). Toute approche différenciée selon que les livraisons de biens ou les prestations de services sont commercialisées par une personne physique ou une structure collective, pourvue ou non de la personnalité morale, à titre principal ou accessoire, heurterait le principe de neutralité de la TVA.
Le droit français respecte cette nécessaire neutralité car notre article 256 A du CGI définit les assujettis "quels que soient le statut juridique de ces personnes, leur situation au regard des autres impôts et la forme ou la nature de leur intervention". La définition légale de la notion d'assujetti implique la mise en oeuvre de moyens d'exploitation, matériels ou intellectuels, en vue de produire des biens ou/et des services destinés à la consommation matérielle ou économique. Peu importe qui produit. Cette exigence se conçoit aisément si l'on se souvient de l'intitulé de l'impôt en cause : "TVA, taxe sur la valeur ajoutée". La valeur ajoutée n'apparaît qu'après déploiement d'une activité de production, qu'après exploitation d'un ensemble de moyens en vue de percevoir des recettes à caractère de permanence. L'arrêt commenté rappelle, en son point 39, que "ce concept d'exploitation se réfère, conformément aux exigences du principe de neutralité du système commun de TVA, à toutes ces opérations, quelle que soit leur forme juridique" (voir CJCE, 21 octobre 2004, aff. C-8/03, Banque Bruxelles Lambert SA (BBL) c/ Etat belge N° Lexbase : A6245DDN). De même, le principe de neutralité interdit de distinguer selon que l'exploitation constitue une activité principale ou accessoire. Aucun texte ne distinguant ainsi, le juge ne peut aller au-delà des exigences légales (§ 41).
La qualité d'assujetti de monsieur HE ne souffrant aucune contestation, son droit à déduction ne dépend que de l'affectation des dépenses aux opérations taxées. En l'espèce, l'immeuble en cause résultait d'un contrat d'acquisition d'un terrain, puis de plusieurs contrats de construction passés par les époux HE en vue d'obtenir une maison d'habitation affectée, pour 12 %, à l'activité indépendante de l'époux exploitant. De nouveau, il faut souligner que la sixième directive-TVA ne comporte aucune condition d'ordre quantitatif. L'utilisation des dépenses pour réaliser des opérations taxées suffit. La CJCE n'entend pas distinguer là où le texte ne distingue pas. L'affectation d'une dépense pour seulement 8 % à une activité professionnelle n'exclut pas l'ouverture du droit à déduction (CJCE, 11 juillet 1991, aff. C-97/90, Hansgeorg Lennartz c/ Finanzamt München III N° Lexbase : A7275AHW). L'entrepreneur individuel demeure libre d'affecter ses biens à usage professionnel à son exploitation. L'affectation peut n'être que partielle. Un bien peut figurer pour partie dans l'actif professionnel et pour l'autre dans l'actif non professionnel (CJCE, 11 juillet 1991, aff. C-97/90, Hansgeorg Lennartz c/ Finanzamt München III, précité ; CJCE, 4 octobre 1995, aff. C-291/92, Finanzamt Uelzen c/ Dieter Armbrecht N° Lexbase : A7278AHZ lire : conclusions sous l'arrêt de F. G. Jacobs, Dr. fiscal, 1996 ; CJCE, 8 mars 2001, aff. C-415/98, Laszlo Bakcsi c/ Finanzamt Fürstenfeldbruck, § 24 N° Lexbase : A2714ATP ; CJCE, 8 mai 2003, aff. C-269/00, Wolfgang Seeling c/ Finanzamt Starnberg, § 40 et 41 N° Lexbase : A9186B4Y ; lire Yolande Sérandour, Observations sous l'arrêt, l'Année fiscale 2004, p. 227). Exclure le droit à déduction au motif que la dépense concernée ne présente que partiellement un caractère professionnel serait contraire au principe de neutralité. Ce dernier autorise la récupération de toute TVA ayant grevé le prix de revient des opérations effectivement imposables, sauf dérogation accordée par le Conseil et respectueuse de la clause de gel (§ 47 à 52).
Si, en l'espèce, la jurisprudence antérieure laissait présager la qualité d'assujetti de l'époux coindivisaire et la possibilité d'engager des dépenses pour partie en tant que tel, en revanche l'étendue du droit à déduction n'apparaissait pas aussi prévisible.
2. L'étendue du droit à déduction de l'assujetti époux-coindivisaire
L'article 17, a) de la sixième directive-TVA dispose que "dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l'assujetti est autorisé à déduire de la taxe dont il est redevable : la taxe sur la valeur ajoutée due ou acquittée pour les biens qui lui sont ou lui seront livrés et pour les services qui lui sont ou lui seront rendus par un autre assujetti redevable de la taxe à l'intérieur du pays [...]". Ce libellé semble indiquer que les dépenses pour lesquelles un assujetti réclame un droit à déduction doivent avoir été engagées par lui-même en tant qu'assujetti. En l'espèce, les différents contrats en cause avaient été conclus par les époux HE sans indication de l'affectation de l'immeuble, mais avec déclaration d'indivision et répartition des parts attribuées à chacun. Se posait, alors, la question de savoir qui était le destinataire des dépenses. Il fallait choisir entre la communauté conjugale, une éventuelle société de fait, l'indivision créée par les époux ou les époux indivisaires. Le contrat d'acquisition du terrain et la construction envisagée alors ayant donné lieu à manifestation expresse de la volonté des époux de détenir l'ensemble en indivision et selon une répartition précise des parts, il apparaît clairement qu'ils entendaient s'engager ensemble, afin que le résultat de cet engagement profite pour un quart à monsieur HE et pour trois-quarts à son épouse. Soulignons que la CJCE n'écarte pas la possibilité de reconnaître la qualité d'assujetti à une communauté conjugale ou à une autre structure dépourvue de la personnalité morale. Seules les stipulations expliquent la solution retenue en l'espèce (§ 53 à 58).
L'utilisation effective d'une partie de l'immeuble par HE en qualité d'assujetti ne soulevant aucune difficulté, il restait à se demander si la répartition des parts commandait l'étendue du droit à déduction. Une autre solution se présentait : la déduction en proportion de la surface affectée à l'activité professionnelle indépendante de HE. La première proposition permettait de récupérer 25 % de la TVA ayant grevé les frais d'obtention de l'immeuble. La deuxième, en l'espèce, ramenait ce pourcentage à 12 %. Aucune de ces solutions n'est satisfaisante. La déduction en fonction de la répartition des parts occulte l'affectation réelle à l'exploitation. Se fonder sur l'affectation réelle risque d'écarter l'intention réelle d'engager la dépense en qualité d'assujetti. En l'espèce, HE entendait détenir 25 % des parts de l'immeuble indivis et affecter seulement 12 % à son exploitation. Afin d'éviter une déduction supérieure au montant de la TVA ayant grevé la fraction de la dépense réellement supportée à titre professionnel, l'exploitant indivisaire doit pouvoir déduire toute la TVA ayant grevé la fraction de sa part dans l'indivision réellement affectée à son activité indépendante. Telle est la solution retenue par la CJCE : "lorsque deux époux en communauté du fait de leur mariage acquièrent un bien d'investissement, dont une partie est utilisée à des fins professionnelles de façon exclusive par l'un des époux copropriétaires, celui-ci bénéficie du droit à déduction pour la totalité de la TVA en amont ayant grevé la part du bien qu'il utilise pour les besoins de son entreprise, pour autant que le montant déduit n'excède pas les limites de la quote-part que l'assujetti détient dans la copropriété dudit bien" (§ 74). En l'espèce, le principe de neutralité commandait une déduction théorique de 12 % de la TVA globalement facturée, sans, en pratique, pouvoir dépasser 25 % (§ 70 à 74).
Les critères de détermination de l'étendue du droit à déduction d'un coindivisaire étant définis, il restait un dernier problème à résoudre, celui relatif à la facture. L'article 18-1, a) de la sixième directive-TVA dispose : "pour pouvoir exercer le droit à déduction, l'assujetti doit, pour la déduction visée à l'article 17 paragraphe 2 sous a), détenir une facture établie conformément à l'article 22 paragraphe 3". Ledit article 22-3 prévoit que "[...] a) Tout assujetti doit délivrer une facture, ou un document en tenant lieu, pour les livraisons de biens et les prestations de services qu'il effectue pour un autre assujetti, ou pour une personne morale non assujettie.[...] L'assujetti doit conserver un double de tous les documents émis. [...] b) La facture doit mentionner, d'une façon distincte, le prix hors taxe et la taxe correspondante pour chaque taux différent, ainsi que, le cas échéant, l'exonération. [...] c) Les Etats membres fixent les critères selon lesquels un document peut être considéré comme tenant lieu de facture". Ces textes n'exigent nullement que l'étendue de l'affectation des dépenses engagées en tant qu'assujetti soit indiquée. Ils ne s'intéressent pas plus à la désignation du bénéficiaire final des prestations fournies ni au solvens. Ils se bornent à préciser les cas de délivrance d'une facture et son contenu eu égard aux biens ou services commandés, rien de plus.
Cependant, l'article 22-3, c) de la sixième directive-TVA autorise les Etats membres à fixer les critères selon lesquels un document peut être considéré comme tenant lieu de facture et, en application du § 8 du même article, à prévoir d'autres obligations jugées nécessaires pour assurer l'exacte perception de la taxe et éviter la fraude. En l'espèce, l'Allemagne utilise les facultés, ainsi, offertes. Les factures doivent préciser le nom et l'adresse du bénéficiaire de l'opération, la quantité et la désignation commerciale usuelle des biens livrés ou la nature et l'étendue de la prestation de services, ainsi que la rémunération de l'opération. A la lettre, ces exigences ne semblent pas se traduire par une répartition exacte des dépenses entre les coacquéreurs ou copreneurs. De plus, si un Etat membre souhaite ajouter aux règles communautaires de facturation, il ne peut aller au-delà de "ce qui est nécessaire pour assurer la perception de la TVA et son contrôle par l'administration fiscale" (§ 80). Surtout, les règles strictement internes "ne doivent pas, par leur nombre ou par leur technicité, rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile l'exercice du droit à déduction" (§ 80 ; CJCE, 14 juillet 1988, aff. C-330/87, Léa Jeunehomme et Société anonyme d'étude et de gestion immobilière "EGI" c/ Etat belge, § 17 N° Lexbase : A8477AUI). La méconnaissance de ces limites serait, réaffirme la CJCE au point 80 de l'arrêt "HE", contraire au principe de neutralité de la TVA, "lequel constitue un principe fondamental du système commun de la TVA mis en place par la législation communautaire en la matière"(CJCE, 21 mars 2000, aff. C-110/98 à C-147/98, Gabalfrisa SL e.a. c/ Agencia Estatal de Administración Tributaria (AEAT), point 52 N° Lexbase : A1997AIS ; CJCE, 19 septembre 2000, aff. C-454/98, Schmeink & Cofreth AG & Co. KG c/ Finanzamt Borken et Manfred Strobel contre Finanzamt Esslingen, point 59 N° Lexbase : A1637AWK).
En l'espèce, un seul époux ayant la qualité d'assujetti, le risque d'une double utilisation de la même facture libellée au nom des deux conjoints sans indication de la part de chacun n'existe pas, d'autant moins que leur communauté n'exerce aucune activité conférant ladite qualité (§ 81). Si le droit allemand devait permettre de refuser l'exercice du droit à déduction au prétexte que les dépenses effectuées par des époux ne font pas l'objet d'une répartition formelle suffisante, ce serait enfreindre le principe de proportionnalité entre les objectifs d'exacte perception de la taxe, de lutte contre la fraude et les moyens internes mis en oeuvre (§ 82). A juste titre, le juge communautaire en conclut que "les articles 18, paragraphe 1, sous a), et 22, paragraphe 3, de la sixième directive-TVA n'exigent pas que, pour pouvoir exercer le droit à déduction dans des circonstances telles que celles en cause au principal, l'assujetti dispose d'une facture établie à son nom et faisant apparaître les fractions du prix et de la TVA correspondant à sa quote-part dans la copropriété". Une facture délivrée indistinctement aux époux en copropriété et sans mention d'une telle ventilation est suffisante à cet effet (§ 83).
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par Freshfields Bruckhaus Deringer Paris
Le 07 Octobre 2010
Pour mémoire, la Fédération allemande de football (24) avait présenté le 25 août 1998, conformément aux articles 2 et 4 du règlement n° 17/62 (25), une demande d 'attestation négative ou, à défaut, d'exemption individuelle en vertu de l'article 81§3 du Traité CE pour la vente centralisée des droits de télédiffusion et radiodiffusion et de toutes autres techniques d'exploitation des matchs de première et deuxième divisions du championnat allemand de football.
Après que l'Association de la ligue et la Fédération allemande de football lui avaient présenté une modification du système de vente centralisée initialement notifié , la Commission avait annoncé son intention d'adopter une position favorable envers le système de vente combinée mis en place par la Fédération allemande de football et avait donc invité les tiers intéressés à lui faire connaître leurs observations (26).
Les points de vue exprimés par les tiers intéressés ont amené la Commission à demander à l'Association de la ligue d'apporter de nouvelles modifications à son système de vente, ce qu'elle a fait. Les engagements pris par l'Association de la ligue ont alors fait l'objet d'une nouvelle publication par la Commission conformément à l 'article 27, paragraphe 4 du nouveau règlement pour remarque de tiers (27).
Avec l'entrée en vigueur, le 1er mai 2004, du nouveau règlement n° 1/2003 (28), la procédure en cause a été poursuivie dans un cadre juridique modifié. En effet, le système de notification et d'exemption ayant été abandonné, la notification présentée en 1998 est devenue caduque. La nouvelle procédure vise désormais à rendre juridiquement contraignants les engagements pris par l'Association de la ligue conformément à l 'article 9 du nouveau règlement.
Dans son évaluation préliminaire, la Commission avait considéré que le système de vente centralisée des droits médiatiques des matchs de première et deuxième divisions soulevait des préoccupations au regard de l'article 81§1 du Traité CE sur les marchés de l'acquisition de programmes en amont et de l'exploitation des droits médiatiques en aval de l'acquisition de programmes et sur les marchés émergents en amont et en aval dans le secteur des nouveaux médias.
La Commission avait, notamment, relevé que seule l'Association de la ligue fixait le prix ainsi que la nature et la portée de l'exploitation desdits droits et que l'accord sur la vente centralisée et la revente en commun empêchait les clubs de traiter d'une manière indépendante avec les chaînes de télévision et de radio et /ou les agences spécialisées dans les droits sportifs, ainsi que d'exploiter leurs droits d'une manière indépendante. En outre, la Commission avait estimé que la vente centralisée desdits droits pourrait avoir des effets préjudiciables sur les marchés de la télévision et du secteur des nouveaux médias en cause en aval.
Au terme de la procédure, la Commission a considéré que les engagements offerts par l'Association de la ligue permettraient de remédier aux préoccupations soulevées lors de son évaluation préliminaire.
En substance, les principaux engagements pris par l'Association de la ligue sont les suivants :
- Les droits médiatiques sur les matchs de première et deuxième divisions du championnat allemand de football seront cédés en plusieurs lots par une procédure transparente et non discriminatoire, pour une durée n'excédant pas trois saisons. Ils ne pourront être vendus d'une manière qui permette à l'exploitant de concevoir un produit présentant l'intégralité des matchs de première et/ou deuxième divisions (interdiction du groupage ). Il est à noter que ces engagements permettront à l'Association de la ligue de continuer de commercialiser les droits de radiodiffusion et de télédiffusion d'une manière centralisée sous la marque de la Ligue.
- Il est prévu que les clubs pourront vendre individuellement à des chaînes de télévision à accès libre en vue d'une diffusion unique dans l'EEE les droits de leurs matchs à domicile vingt-quatre heures après la rencontre.
- Par ailleurs, les clubs pourront exploiter sans limites, après la fin d'un match , les droits des rencontres à domicile par une diffusion radiophonique gratuite.
- De plus, les clubs pourront vendre à un opérateur de téléphonie mobile le droit de couvrir leurs matchs à domicile par téléphonie mobile dans l'EEE.
- Enfin, à compter du 1er juillet 2006, les clubs pourront rendre compte de façon totalement illimitée des matchs joués à domicile ou à l'extérieur sur leur propre site Internet ou sur le site de tiers.
Les engagements ainsi offerts par l'Association de la ligue devraient introduire une concurrence dans la commercialisation des droits du Championnat allemand de football entre la ligue et les clubs et permettre aux clubs de développer de nouveaux services , notamment dans le domaine des nouveaux médias.
La société pétrolière et gazière autrichienne, OMV et le producteur de gaz russe , Gazprom, ont conclu des contrats de fourniture de gaz qui comprenaient des clauses contraires, selon la Commission, à l'article 81 du Traité CE. Toutefois, après avoir constaté l'élimination des restrictions figurant dans ces contrats et les engagements pris par la société OMV, la Commission européenne a décidé de clore son enquête.
En effet, les entreprises Gazprom et OMV ont accepté de supprimer les restrictions territoriales et clauses de destination contenues dans leurs contrats de fourniture de gaz. OMV peut désormais revendre, en dehors de l'Autriche, le gaz acheté auprès de Gazprom. Par ailleurs, Gazprom est autorisé à vendre du gaz à d'autres clients autrichiens sans avoir l'obligation de l'offrir au préalable à OMV.
La Commission s'est également satisfaite des engagements pris par l'entreprise OMV, en tant qu'actionnaire du gazoduc TAG (29), d'une part pour promouvoir l'augmentation de la capacité du gazoduc, qui transporte le gaz russe à travers l'Autriche vers l'Italie, et d'autre part pour améliorer l'accès des tiers au gazoduc.
Il convient de souligner qu'en 2003, la société pétrolière et gazière italienne , ENI, l'autre actionnaire du gazoduc TAG, avait pris envers la Commission des engagements analogues.
Le 19 janvier dernier, la Commission a infligé à Akzo Nobel, Atofina et Hoechst des amendes pour des montants respectifs de 84, 58 et 74 millions d'euros pour avoir mis en oeuvre une entente illégale sur le marché de l'acide monochloracétique (AMCA ), un intermédiaire chimique entrant dans la fabrication de différents produits. L 'enquête de la Commission avait été ouverte à la suite des informations portées à son attention par l'une des parties à l'entente, l'entreprise suisse Clariant, en échange de l'immunité prévue par le programme de clémence. Akzo et Atofina, qui ont également participé au programme de clémence, ont obtenu des réductions de 40 % et 25 %.
De 1984 à 1999 les trois sociétés concernées, qui contrôlaient ensemble plus de 90 % du marché de l'AMCA dans l'EEE, se sont régulièrement rencontrées pour s'attribuer des quotas en volume, se répartir les clients, convenir d'augmentations de prix, échanger des informations sur les volumes de vente et les prix et convenir d'un mécanisme de compensation permettant d'assurer la mise en oeuvre des accords collusifs.
Cette décision marque la détermination de la Commission à sévir contre les sociétés qui concluent des ententes illégales : ainsi, les amendes infligées à Atofina et Hoechst ont été fortement majorées étant donné que ces deux sociétés avaient déjà été sanctionnées par le passé pour des comportements similaires. En commentant la décision, la Commissaire chargée de la concurrence, Neelie Kroes a donc souligné "la lutte contre les ententes est une de mes premières priorités, et les sociétés qui concluent des ententes se verront infliger de lourdes amendes. En cas de violation répétée des règles antitrust de l'UE, les amendes seront systématiquement majorées à titre dissuasif".
III - Décisions de la Commission européenne en matière d'aides d'Etat
La Commission européenne a approuvé, le 2 mars 2005, le volet financier du plan de restructuration global destiné à permettre le retour à la viabilité de la division Fret de la SNCF, qui depuis des années était sujet à des graves difficultés financières . Ce plan de restructuration vise à réorganiser la production, à améliorer la productivité et à réviser la politique commerciale de l'opérateur en question. A ce titre, il organise l'apport en capital ayant pour objet la restructuration de la situation financière de Fret SNCF.
La recapitalisation de la division Fret de 1,5 milliards d'euros sera financée , d'une part, par la SNCF, sous forme de cessions d'actifs à hauteur de 700 millions d'euros et, d'autre part, par l'Etat à hauteur de 800 millions d'euros.
La compatibilité de l'aide a été analysée, par la Commission, au regard des critères annoncés dans la Communication portant lignes directrices pour les aides à la restructuration (32).
En premier lieu, la Commission a constaté que le plan en question permettrait de rétablir dans un délai raisonnable (fin 2006) la viabilité à long terme de Fret SNCF et qu'il était limité aux besoins stricts de la restructuration de l'entreprise.
En deuxième lieu, dans le but de prévenir des distorsions de concurrence indues , la Commission a exigé du Gouvernement français que celui-ci s'engage de prendre des mesures de contrepartie destinées à atténuer les conséquences défavorables de l'aide pour les concurrents.
L'essentiel des contreparties aurait trait à :- la réduction du volume de trafic de Fret SNCF pendant la période de restructuration ;- l'ouverture à la concurrence anticipée du marché français du fret ferroviaire ;- la réalisation de la recapitalisation en quatre tranches, dont plusieurs sont conditionnelles : première tranche : l'Etat français et la SNCF verseraient à parts égales 500 millions d'euro ; deuxième tranche : le versement de la deuxième tranche de 500 millions d'euros dépendrait du respect de l'engagement d'ouverture anticipée des liaisons internationales de fret ferroviaire ; troisième tranche : le financement à hauteur de 400 millions d'euros serait conditionné à la libéralisation préalable du marché de transport national de marchandises par chemin de fer. En effet, les autorités françaises se sont engagées à ouvrir complètement à la concurrence le fret ferroviaire national le 31 mars 2006 (33) ; quatrième tranche : la dernière tranche, qui s'élèverait à 100 millions d'euros, serait versée par l'Etat français.
En outre, et conformément au principe de "l'aide unique" ("one time, last time ") (34) énoncé dans les lignes directrices précitées, le groupe SNCF dans son ensemble , et non pas la seule division fret, ne pourra bénéficier de nouveau soutien public financier à la restructuration pendant une période de 10 ans tant que les deux activités n'auraient pas été complètement séparées sur le plan juridique (35).
Il est intéressant de noter que la décision de la Commission a été rendue dans l'optique de la libéralisation totale du fret ferroviaire et surtout au regard de l'objectif communautaire de revitaliser le développement du transport par rail, qui n'a cessé de perdre du terrain par rapport au transport par route.
La publication de la décision de la Commission européenne est, bien sur, particulièrement attendue pour la lecture attentive de la grille d'analyse de l'aide en cause qu'elle a appliqué, notamment en ce qui concerne la possibilité d'accorder une aide à la restructuration à une branche spécifique d'une entreprise exerçant des activités plus larges.
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Réf. : Cass. soc., 19 avril 2005, n° 02-46.295, M. Patrick Lembert c/ Société Immodef, F-P+B (N° Lexbase : A9552DHA)
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par Stéphanie Martin-Cuenot, Ater à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV
Le 07 Octobre 2010
Décision
Cass. soc., 19 avril 2005, n° 02-46.295, M. Patrick Lembert c/ Société Immodef, F-P+B (N° Lexbase : A9552DHA) Rejet de CA Versailles (15e chambre sociale), 18 juin 2002 Mots-clefs : licenciement pour faute grave ; preuve de la cause réelle et sérieuse du licenciement ; mode de preuve ; production par l'employeur de vidéos ; licéité des vidéos prises dans un lieux autre que le lieu d'exécution de la prestation de travail Textes concernés : C. trav., art. L. 121-8 (N° Lexbase : L5450ACT) Liens bases : ; |
Faits
Plusieurs salariés avaient été embauchés en qualité d'agents de surveillance. Ils avaient été licenciés pour faute grave. Pour justifier leur licenciement, l'employeur avait produit une cassette vidéo émanant d'une caméra située dans un local dans lequel les salariés n'avaient à exercer aucune prestation de travail. Les salariés contestaient la licéité de cet enregistrement. La cour d'appel avait retenu la licéité des bandes vidéo comme moyen de preuve établissant l'existence d'une faute grave. |
Problème juridique
A quelles conditions les vidéos prises dans l'enceinte de l'entreprise pourront-elles être admises comme mode de preuve de la cause réelle et sérieuse du licenciement ? |
Solution
1° Rejet 2° "Si l'employeur ne peut mettre en oeuvre un dispositif de contrôle de l'activité professionnelle qui n'a pas été porté préalablement à la connaissance des salariés, il peut leur opposer les preuves recueillies par les systèmes de surveillance des locaux auxquels ils n'ont pas accès, et n'est pas tenu de divulguer l'existence des procédés installés par les clients de l'entreprise ; qu'ayant constaté que la mise en place de la caméra avait été décidée par un client et n'avait pas pour but de contrôler le travail des salariés mais uniquement de surveiller la porte d'accès d'un local dans lequel ils ne devaient avoir aucune activité, la cour d'appel a pu décider, sans encourir les griefs du moyen, que les enregistrements vidéo litigieux constituaient un moyen de preuve licite" |
Commentaire
1. Relativité de la vidéo comme mode de preuve de la faute professionnelle
De plus en plus de magasins sont dotés de systèmes de surveillances destinés, à titre principal, à surveiller les agissements de leurs clients ou, tout simplement, à se prémunir contre le vol. Les salariés, parce qu'ils sont les premiers exposés à ces caméras, peuvent figurer sur ces bandes. Cet enregistrement peut-il servir à l'employeur pour établir le caractère réel et sérieux du licenciement qu'il a prononcé ? Singulièrement, l'employeur peut-il les utiliser comme mode de preuve de la faute de son salarié ? Rien n'est moins sûr. Le principe est, en effet, depuis plusieurs années, l'illicéité des bandes vidéo issues de systèmes de surveillances qui n'ont pas été portés à la connaissance des salariés (Cass. soc., 20 novembre 1991, n° 88-43.120, Mme Neocel c/ M. Spaeter, publié N° Lexbase : A9301AAQ, D. 1992, juris. p. 73 concl. Y. Chauvy ; Cass. soc., 15 mai 2002, n° 00-42.885, F-D N° Lexbase : A6648AYU ; Cass. soc., 22 mai 1995, n° 93-44.078, Société Manulev service c/ M. Salingue, publié N° Lexbase : A4033AAM). Ce régime prétorien a, d'ailleurs, été repris pas le législateur qui prévoit qu'"aucune infirmation concernant personnellement un salarié ou un candidat à un emploi ne peut être collectée par un dispositif qui n'a pas été porté préalablement à la connaissance du salarié ou du candidat à l'emploi" (C. trav., art. L. 121-8 N° Lexbase : L5450ACT).
Un tempérament au principe de l'illicéité du procédé qui n'a pas été porté à la connaissance du salarié a été dégagé par la jurisprudence. Cette dernière décide, de manière constante, que la vidéo peut constituer un moyen de preuve licite de l'enregistrement d'un comportement fautif du salarié, lorsqu'elle est issue d'un dispositif de surveillance des locaux et non des salariés. N'importe quel employeur semble donc pouvoir obtenir la prise en compte de sa vidéo dans la mesure où il affirme que cette dernière avait uniquement pour objet la surveillance du local. La jurisprudence limite cette règle aux procédés de surveillance des entrepôts, ou autres locaux de rangements, dans lesquels les salariés ne travaillent pas (Cass. soc., 31 janvier 2001, n° 98-44.290, M Alaimo c/ Société Italexpress, publié N° Lexbase : A2317AIN). C'est cette limite portée au principe de l'illicéité de la vidéo comme mode de preuve de la cause réelle et sérieuse du licenciement que vient confirmer la Haute juridiction judiciaire, dans la décision commentée. Comme le soulignent les juges, la vidéo produite par l'employeur "n'avait pas pour but de contrôler le travail des salariés mais uniquement de surveiller la porte d'accès d'un local dans lequel ils ne devaient avoir aucune activité" et avait été mise en place à la demande d'un des clients de l'entreprise. C'est le fait que les salariés ne soient amenés à exercer aucune activité dans le local dans lequel les agissements fautifs ont été enregistrés, qui est déterminant de l'admission de la vidéo comme mode de preuve de la légitimité de la rupture. Cette solution n'a rien de surprenant tant dans son principe que dans sa justification. On peut cependant s'interroger sur la portée de l'intervention d'un tiers dans la mise en place du dispositif. 2. Relativité de la protection de la vie professionnelle du salarié
Comme nous l'avons vu, le législateur a été obligé de mettre en place une protection du salarié dans sa vie professionnelle contre les atteintes que l'employeur est susceptible de porter à l'intimité de sa personne (C. trav., art. L. 121-8 N° Lexbase : L5450ACT). La protection dont bénéficie le salarié dans sa vie professionnelle semble toutefois devoir être limitée à la phase d'exécution de la prestation de travail. Ce que le législateur entend, en effet, interdire par cette disposition, c'est que l'employeur ait recourt à des procédés cachés pour surveiller l'exécution de l'activité professionnelle de ses salariés. La protection de la vie professionnelle du salarié s'arrête donc aux locaux dans lesquels il exécute sa prestation de travail. L'obligation de loyauté, qui fonde cette protection de la vie professionnelle du salarié, concerne uniquement l'exécution de la prestation de travail. L'article L. 120-4 du Code du travail (N° Lexbase : L0571AZ8) dispose, en effet, que "le contrat de travail est exécuté de bonne foi". Cette affirmation trouve une illustration dans la jurisprudence qui vient écarter les vidéos produites par l'employeur au soutien du licenciement pour faute grave qu'il avait prononcé contre sa salariée, issues de caméras qui, selon lui, n'étaient pas destinées à surveiller la salariée, mais qui avait uniquement pour objet d'enregistrer les incidents susceptibles de se produire à la caisse du magasin au cours du travail (Cass. soc., 20 novembre 1991, n° 88-43.120, Mme Neocel c/ M Spaeter, publié N° Lexbase : A9301AAQ). Le problème est, ici, que la caméra avait été posée sur le lieu de travail de la salariée ce qui empêchait d'établir, avec certitude, la bonne foi de l'employeur et, singulièrement, le défaut d'intention de ce dernier de surveiller ses salariés. On peut, corrélativement, considérer qu'il s'agit d'une simple application du principe selon lequel le doute profite au salarié (sur l'application de ce principe au caractère réel et sérieux du licenciement, voir C. trav., art. L. 122-14-3 alinéa 2 N° Lexbase : L5568AC9). Le doute sur l'intention de l'employeur de surveiller ses salariés devant leur profiter... puisqu'il y a atteinte à leur intimité. Le doute n'existe plus, en revanche, lorsque la surveillance se fait en dehors du lieu d'exécution du travail et, de surcroît, a été instiguée par un client.
On peut, de ce point de vue, se demander, si cette décision ne vient pas encore limiter le recours à la caméra de surveillance comme mode de preuve de la cause réelle et sérieuse du licenciement. Dans l'espèce commentée, il semble, en effet, que la pose d'une caméra avait été effectuée à l'initiative d'un client de l'entreprise. Cet élément semble avoir orienté la solution rendue par la Cour de cassation puisqu'il figure dans le dispositif de sa décision. Bien qu'il s'agisse d'un arrêt de rejet, la formule retenue par la Cour de cassation ressemble à l'affirmation d'un principe plus général dont la validité est subordonnée à la présence de deux éléments : le fait que la vidéo provenait d'une caméra posée dans des locaux dans lesquels les salariés n'effectuaient aucune prestation de travail ; le fait qu'elle ait été posée à l'initiative, non de l'employeur, mais d'un client désireux de protéger ses intérêts. La Haute juridiction ne vient-elle donc pas, en plus de l'extériorité de la caméra des locaux ou les salariés effectuent leur travail, exiger que la pose de la caméra soit extérieure à la volonté de l'employeur ? Dans une telle hypothèse, en effet, il ne peut plus y avoir de doute sur la bonne foi de ce dernier et, partant, sur sa loyauté vis-à-vis de ses salariés. N'étant pas à l'origine de la pose de la caméra, on ne peut, en effet, induire de la présence de cette dernière, sa volonté de surveiller ses salariés.
Dans le doute, la question se pose mais restera sans réponse tant que la Cour de cassation ne viendra pas confirmer ou infirmer la présence de ce nouvel élément. Double faute, donc, des salariés qui ont pénétré dans le local interdit pour pratiquer des activités répréhensibles, se plaçant ainsi dans une sphère de la vie professionnelle non protégée... à qui la faute ? |
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Réf. : Cass. civ. 1, 5 avril 2005, n° 02-11.947, Société Glaxosmithkline, venant aux droits de la société Laboratoire Glaxo Wellcome c/ M. Roland Carro, FS-P+B (N° Lexbase : A7474DHB)
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par Anne-Sophie Dispans, Avocat à la Cour, SCP Michel Ledoux & Associés
Le 07 Octobre 2010
Dans les 21 jours qui ont suivi le traitement, Monsieur C. a développé un grave effet indésirable, dit "syndrome de Lyell" (maladie se caractérisant par une nécrose épidermique toxique sur tout le corps et se traduisant cliniquement par un érythème et un décollement de la peau), décrit dans la notice du premier médicament.
Cet arrêt apporte un nouvel éclairage sur les mécanismes de la responsabilité du fait des produits défectueux, appliqués aux produits de santé.
La responsabilité d'un laboratoire pharmaceutique est soumise aux règles de responsabilité de droit commun, imposant aux victimes de rapporter la preuve d'un dommage, d'un défaut du produit en cause, ainsi que d'un lien de causalité entre les deux (article 4 de la directive européenne de 1985 transposé à l'article 1386-9 du Code civil N° Lexbase : L1502ABA)
L'application de la législation relative à la responsabilité du fait des produits défectueux aux produits de santé impose, donc, aux victimes d'établir un lien de causalité entre le dommage et le produit, ainsi que de démontrer la défectuosité du produit.
I - Sur le lien de causalité
Il est intéressant d'observer que la Cour de cassation vérifie, avant d'étudier le cas d'espèce, que les experts aient retenu l'existence d'un lien de causalité entre la pathologie de la victime et le produit de santé.
Lorsque ce lien de causalité est scientifiquement établi, les juges recherchent si les éléments de preuve rapportés par la victime font apparaître l'existence d'un lien de causalité "juridique".
En l'espèce, la Cour de cassation a considéré qu'au regard des cinq critères retenus par les juges du fond appréciés in concreto, le lien de causalité pouvait effectivement être considéré comme établi.
Ces critères étaient les suivants :
- le délai bref d'apparition entre l'absorption des produits et l'apparition des effets secondaires,
- la concordance entre l'arrêt des troubles et l'arrêt du traitement,
- l'absence d'erreur de prescription,
- l'absence de prédisposition du patient à ce syndrome,
- l'absence d'une association avec d'autres médicaments.
Il est difficile de ne pas faire le parallèle avec l'arrêt rendu par la même chambre en matière de vaccin contre le virus de l'hépatite B.
Dans cette décision du 23 septembre 2003, la Cour de cassation a considéré que la preuve du lien de causalité entre le vaccin et la sclérose en plaques n'était pas rapportée par la victime (Cass. civ. 1, 23 septembre 2003, n° 01-13.063, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A5811C94).
Les juges du fond avaient pris en considération, d'une part, l'impossibilité scientifique d'exclure un lien de causalité entre le vaccin et la maladie et, d'autre part, l'existence des mêmes cinq critères retenus dans l'arrêt commenté pour affirmer l'existence d'un lien de causalité.
La Cour de cassation a considéré que la cour d'appel n'avait pas tiré les conséquences légales de l'élément le plus important, à savoir, l'impossibilité, par la communauté scientifique, d'établir un lien de causalité certain entre le vaccin et la maladie.
La différence majeure entre ces deux affaires est la reconnaissance scientifique du lien de causalité.
Cette observation ne fait que renforcer l'idée qu'en matière de produits de santé, l'existence d'un lien de causalité "juridique" est totalement dépendant du lien de causalité "scientifique".
Cette situation place certaines victimes en marge de l'évolution jurisprudentielle, puis législative, du régime d'indemnisation en matière de santé.
A cet égard, l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 (loi n°2002-303, 4 mars 2002, relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, art. 102 N° Lexbase : L5021A8H), facilite l'indemnisation des personnes contaminées par le virus de l'hépatite C lors d'une transfusion, en leur permettant d'établir par présomptions le lien de causalité entre la maladie et la transfusion.
Il est paradoxal de constater que, dans le même temps, le législateur a assoupli les règles de la responsabilité, afin de permettre l'indemnisation des victimes, et que les magistrats considèrent que d'autres victimes doivent apporter la preuve d'un lien de causalité scientifique certain.
II - Sur la définition de la défectuosité du produit
Il appartient à la victime de rapporter la preuve de la "défectuosité du produit" en cause.
L'article 6 de la directive européenne de 1985 transposé à l'article 1386-4 du Code civil (N° Lexbase : L1497AB3) en donne la définition suivante :
"1. Un produit est défectueux lorsqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre compte tenu de toutes les circonstances et notamment :
a) la présentation du produit ;
b) de l'usage du produit qui peut être raisonnablement attendu ;
c) du moment de la mise en circulation du produit".
La cour d'appel a considéré que, pour démontrer le caractère défectueux d'un produit, il suffit de rapporter la preuve que certains produits actifs du médicament en cause sont dangereux, même si la manifestation du danger est rare.
La Cour de cassation n'a pas validé cette définition et a rappelé scrupuleusement la définition de l'article 6 de la directive de 1985.
Le premier élément de la définition, visant la présentation du produit, porte sur les notices de médicaments mentionnant une longue liste d'effets indésirables.
A partir du moment où ces notices énumèrent une interminable liste d'effets secondaires, la victime serait considérée comme étant suffisamment informée et en mesure d'évaluer très précisément la sécurité "à laquelle elle peut légitimement s'attendre".
En pratique, cette position est extrêmement sévère pour les victimes qui, en règle générale, ne lisent pas ces notices englobant, aussi bien, des effets bénins, que d'autres beaucoup plus graves sans rapport avec la pathologie présentée au moment de la prescription du médicament.
Il est souhaitable que le fait de mentionner, dans ces notices, un effet indésirable réalisé, ne puisse en aucun cas exonérer systématiquement la responsabilité du laboratoire.
Il est important de souligner que la Cour de cassation a, du fait de l'adverbe "notamment" de l'article 6 de la directive, envisagé un autre élément de définition intéressant pour les victimes : "la gravité des effets nocifs constatés".
L'ampleur des séquelles physiques des victimes va donc être prise en compte pour rechercher la défectuosité du produit.
Cet aspect peut se rattacher à la théorie du bénéfice/risque, qui implique que soit prise en considération la différence entre les bénéfices recherchés, lors de la prise du médicament, et la réalisation des risques pris.
Une évaluation de l'état de santé avant et après la prise du médicament va s'effectuer.
Tous ces éléments seront pris en considération pour permettre aux juges de déterminer la défectuosité du médicament.
La mise en oeuvre des règles de la responsabilité du fait des produits défectueux est donc possible, à une double condition : d'une part, de la reconnaissance scientifique certaine du lien de causalité entre le produit et l'effet secondaire et, d'autre part, de démontrer la défectuosité du produit, notamment, l'importance des effets nocifs.
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par Freshfields Bruckhaus Deringer Paris
Le 07 Octobre 2010
IV - Arrêts de la cour d'appel de Paris
Saisi par la société Neuf Télécom, le Conseil de la concurrence avait, par une décision n° 00-MC-01 du 18 février 2000 (N° Lexbase : X6610ACS), enjoint à France Télécom de proposer aux opérateurs tiers, dans un délai maximum de six semaines, une offre technique et commerciale d'accès au "circuit permanent virtuel" (21) pour la fourniture d'accès à Internet à haut débit par la technologie ADSL.
Estimant que France Télécom ne s'était pas conformée à l'injonction, Neuf Télécom avait de nouveau saisi le Conseil de la concurrence.
Par décision n° 04-D-18 en date du 13 mai 2004 (N° Lexbase : X5323AC7), celui-ci accueillait la demande du plaignant en constatant que l'offre proposée par France Télécom à ses concurrents ne permettait pas à ces derniers d'offrir une concurrence effective aux services de l'opérateur historique, car elle ne leur permettait de dégager qu'une marge quasi-nulle. Cette pratique, dite de "ciseau tarifaire", était alors condamnée par le Conseil qui infligeait à France Télécom une sanction pécuniaire de 20 millions d'euros pour non respect de son injonction.
Saisie de l'appel de la décision du Conseil, la cour d'appel de Paris, constatant la "gravité de la pratique poursuivie, caractérisée par le non respect délibéré d'une injonction claire, précise et dépourvue d'ambiguïté et par la persistance du comportement anticoncurrentiel de France Télécom", réforme ladite décision en portant l'amende à 40 millions d'euros.
Cet arrêt revêt une importance particulière. En effet, outre l'importance de la sanction prononcée, c'est la première fois que la cour d'appel de Paris aggrave une condamnation prononcée par le Conseil de la concurrence.
En effet, à plusieurs reprises par le passé, la cour avait au contraire réduit les amendes infligées par le Conseil, et ce, parfois, dans des proportions extrêmement importantes (22).
Il était dès lors généralement considéré que l'appel d'une décision du Conseil ne comportait que très peu de risque.
Désormais, une entreprise condamnée par le Conseil de la concurrence devra mesurer soigneusement ses chances de succès avant d'interjeter appel, sous peine de voir sa sanction aggravée par la cour (23).
V - Arrêts de la Cour de cassation
Dans cette affaire, la Cour de Cassation a été amenée à préciser les conditions d'application des articles 81 et 82 du Traité CE par les autorités nationales de concurrence.
Il s'agissait de déterminer si les conditions de fond d'octroi de mesures conservatoires à prendre en compte par les autorités nationales, lorsqu'elles font application des articles 81 et 82 du Traité CE, sont celles définies par le droit communautaire ou celles posées par le droit national.
Pour rappel, le Conseil, qui avait examiné l'affaire sur le seul fondement du droit interne (C. com., art. L. 464-1 N° Lexbase : L6639AIQ), avait rejeté la demande de mesures conservatoires présentées par la société Pharma-Lab, grossiste-répartiteur en produits pharmaceutiques.
La cour d'appel avait confirmé cette décision, mais s'était appuyée sur les critères posés par la jurisprudence communautaire. En effet, elle avait jugé, au nom de l'exigence d'efficacité et d'uniformité d'application du droit communautaire sur l'ensemble du territoire de l'union, que les critères d'appréciation du bien-fondé des mesures conservatoires devaient être ceux définis par le droit communautaire, les dispositions de l'article L. 464-1 devant être interprétées à la lumière du droit communautaire.
En cassant l'arrêt d'appel, la Cour de cassation, se fondant sur l'article 10 du Traité CE et l'article L. 470-6 du Code de commerce (N° Lexbase : L6652AI9), est venue rappeler le principe de l'autonomie procédurale selon lequel les autorités nationales de concurrence demeurent tenues, lorsqu'elles appliquent les articles 81 et 82 du Traité CE, de mettre en oeuvre les règles de procédures nationales et non les règles procédurales communautaires. Elles ne peuvent s'en écarter que dans le cas où ce principe conduirait à rendre impossible ou excessivement difficile l'application du droit communautaire de la concurrence.
Il est important de souligner que cet arrêt vise l'article L. 470-6 du Code de commerce "dans sa rédaction en vigueur à l'époque des faits". Or, depuis les faits, de nouvelles dispositions du Code de commerce touchant aux règles de procédure interne en droit de la concurrence ont été introduites. Toutefois, il n'est pas certain que la modification introduite par l'ordonnance du 4 novembre 2004 (24) conduise à modifier en substance cette solution.
VI - Décisions du Conseil d'Etat
Le Conseil d'Etat a annulé, dans son arrêt du 25 février 2005 (25), et sur recours pour excès de pouvoir introduit par France Télécom, la décision de l'Autorité de régulation des télécommunications (ART) du 16 avril 2002 demandant à France Télécom d'apporter des modifications à son offre de référence pour l'accès à la boucle locale (CE Contentieux, 25 février 2005, n° 247866, France Télécom N° Lexbase : A8439DGN).
Avant de procéder à l'analyse des enjeux de la solution donnée par le Conseil, il convient, en premier lieu, de rappeler le contexte réglementaire applicable en l'espèce. Le règlement communautaire n° 2887/2000 relatif au dégroupage de l'accès à la boucle locale (26) impose à la charge des opérateurs historiques de télécommunications l'obligation de proposer aux autres opérateurs de télécommunications une "offre de référence" établissant les conditions et les modalités de l'accès à la boucle locale de son réseau. Cet accès, qui peut être total ("dégroupé") ou partiel ("partagé") doit être offert à des tarifs orientés vers les coûts. L'offre de référence est soumise au "droit de regard" de l'ART. En effet, celle-ci a le pouvoir, reconnu par le règlement précité, d'imposer des modifications de l'offre, notamment en ce qui concerne ses dispositions relatives aux prix, à condition que ces modifications soient justifiées. Cependant, l'exercice de ce droit de modification doit, non seulement être justifiée, mais, également, doit être effectué en toute transparence. A ce titre, l'article D. 99-24 du Code des postes et télécommunications (N° Lexbase : L9019AST), qui porte des mesures d'application du règlement n° 2887/2000, édicte une obligation de publication ex ante à la charge de l'ART, aux termes de laquelle cette dernière est tenue de rendre publique, préalablement à l'adoption de la décision portant modification des tarifs, la méthode de calcul des coûts incrémentaux de long terme qu'elle retient et qui justifient sa demande de modification.
Sur le fondement de ce dispositif, l'ART a rendu une décision, le 16 avril 2002, portant injonction à France Télécom de modifier les tarifs d'accès à la boucle locale et fixant les tarifs maxima de l'abonnement mensuel pour la fourniture de l'accès total et de l'accès partagé à la boucle locale.
Le Conseil d'Etat a censuré la décision de l'ART, en date du 16 avril 2002, au motif que celle-ci avait commis une erreur de droit en ce qu'elle n'avait pas respecté l'obligation de transparence relativement à la méthode de calcul mise en oeuvre, puisqu'elle s'était fondée, afin de justifier les modifications des tarifs proposés par France Télécom pour l'accès totalement dégroupé à la boucle locale, sur une méthode de calcul différente de celle qu'elle avait rendue publique en octobre 2000. En effet, dans le cas d'espèce, l'ART avait "aménagé la méthode de calcul du coût des lignes afin de respecter le principe d'orientation des tarifs vers les coûts" et avait immédiatement appliqué les règles de calcul "changées", sans avoir procédé, comme elle y était tenue légalement, à leur publication préalable.
Alors même que la décision de l'ART était fondée et visait à mettre en oeuvre l'objectif communautaire légitime, consacré par le règlement n° 2887/2000, de l'orientation des tarifs vers les coûts, il ne demeurait pas moins, qu'elle avait passé outre un autre objectif tout aussi légitime et de niveau communautaire, à savoir le principe de la transparence. En conséquence, le Conseil d'Etat a sanctionné la violation de l'obligation de publication préalable à titre de vice de forme ad validitatem et a prononcé, donc, non seulement, la nullité de la demande de modification des tarifs de l'accès totalement dégroupé à la boucle locale, mais, également, de ceux applicables à l'accès partagé à la boucle locale, dès lors que ceux-ci étaient déterminés sur la base des tarifs de l'accès total.
Cependant, eu égard à l'importance des conséquences pratiques, à la légitimité de l'objectif communautaire poursuivi par la décision de l'ART et à la nature du vice censuré, le Conseil d'Etat a dérogé, dans l'affaire de l'espèce, au principe général de l'effet rétroactif des annulations contentieuses. Par conséquent, l'annulation ne produirait des effets que pour l'avenir et à partir d'une date fixée par le Conseil (à savoir 2 mois à compter de la notification de l'arrêt à l'ART (27)). Les motifs ayant invoqués à titre de justification de la dérogation étaient les suivants :
- l'intérêt communautaire : l'annulation aurait eu comme conséquence logique et fâcheuse l'application rétroactive des tarifs non orientés vers les coûts, ce qui serait contraire prima facie au dispositif du règlement communautaire ;
- le développement de la concurrence sur les nouveaux marchés de télécommunications (en l'occurrence, le haut débit) : l'application des tarifs non orientés vers les coûts aurait pour effet de conférer à France Télécom un avantage économique et, en particulier, financier indu au détriment de ses concurrents, ce qui aurait pour conséquence indésirable d'empêcher l'ouverture de la boucle locale ;
- la nature du vice : la nullité a été prononcée sur le fondement d'un vice de pure forme ayant trait à la transparence.
VI - Avis du Conseil d'Etat
Dans cette affaire, la cour administrative d'appel de Marseille a soumis au Conseil d'Etat, en application de l'article L. 113-1 du Code de justice administrative (28) (N° Lexbase : L2626ALT), une question portant sur la nature fiscale des amendes prononcées par le Conseil de la Concurrence.
La question était celle de savoir si une sanction pécuniaire infligée par le Conseil de la Concurrence sur le fondement de l'ordonnance du 1er décembre 1986 (aujourd'hui codifiée dans le livre IV du Code de commerce) figure au nombre des amendes listées à l'article 39, paragraphe 2, du CGI qui ne sont pas susceptibles d'être déduites des bénéfices soumis à l'impôt sur les sociétés.
Le Conseil d'Etat a rappelé que, si les sanctions infligées par le Conseil de la Concurrence sur le fondement de l'ordonnance de 1986 ont été considérées pendant longtemps comme ne figurant pas sur la liste établie à l'article 39 paragraphe 2, du CGI et, en conséquence, déductibles de la base d'imposition, tel n'est plus le cas aujourd'hui.
Il relève que cette déductibilité est désormais prohibée, depuis l'article 85 de la loi du 15 mai 2001 (N° Lexbase : L0383AW4) qui a substitué au sein de l'article 39 paragraphe 2 du CGI la mention des dispositions légales régissant "la liberté des prix et de la concurrence" à celle des dispositions légales régissant "les prix ".
Jacques-Philippe Gunther, Jérôme Philippe, Associés
Pascal Belmin, Charlotte Breuvart, Olivier Cavézian, Charlotte-Mai Dorémus, Yaël Ginzburg, Adrien Giraud, Mathilde Mason, Chloé Mathonnière, Marie Potel, Dan Roskis, David Tayar, Faustine Viala, Avocats à la Cour
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