Lecture: 1 min
N3428AIS
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Charlotte Figerou, Rédactrice en chef de Lexbase Hebdo - édition sociale
Le 07 Octobre 2010
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:73428
Réf. : CJCE, 3 mars 2005, aff. C-32/03, I/S Fini H c/ Skatteministeriet (N° Lexbase : A1773DH7)
Lecture: 9 min
N3244AIY
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Yolande Sérandour, Professeur à la Faculté de droit de Rennes, Directrice du Master de Droit Fiscal des Affaires de Rennes et du département Droit fiscal du CDA
Le 07 Octobre 2010
La cessation d'entreprise fait-elle perdre à son exploitant le droit de déduire la TVA ayant grevé les frais supportés après la survenance de cet événement ? Telle était la question que devait trancher la CJCE le 3 mars 2005.
La société Fini H, créée en 1989 et dont l'objet social était l'activité de restauration avait, pour l'exercice de celle-ci, loué des locaux pour une durée de dix ans, sans droit de résiliation. Fini H a cessé son activité de restauration à la fin de l'année 1993 et les locaux sont, ensuite, restés inutilisés. Malgré ses diligences, Fini H n'a pu trouver un repreneur du contrat de bail, ni y mettre fin. Elle a continué à récupérer la TVA afférente aux locaux inoccupés. Faute d'activité effective génératrice de TVA, cette récupération se traduisait par des remboursements de TVA effectués par le trésor public danois. L'administration fiscale danoise a contesté ces remboursements, au motif que Fini H n'exerçait plus aucune activité soumise à la TVA depuis le troisième trimestre de l'année 1993. La première juridiction saisie a suivi cette argumentation en ajoutant que Fini H avait perdu sa qualité d'assujetti.
Fini H a interjeté appel. La cour d'appel a décidé de surseoir à statuer et de poser à la CJCE les questions préjudicielles suivantes :
"1) Une personne peut-elle être réputée exercer une activité économique indépendante au sens de l'article 4, paragraphes 1 à 3, de la sixième directive-TVA (N° Lexbase : L9279AU9) dans une situation où l'intéressée avait à l'origine conclu un bail dans le cadre d'une activité économique indépendante, aujourd'hui disparue, alors que le contrat de location s'est perpétué durant une certaine période du fait de la clause de non-résiliation et sans que des opérations imposables, fondées sur le bail, soient intervenues après la cessation effective de l'activité, en vue d'en retirer des recettes ayant un caractère de permanence ?
2) La réponse à la première question serait-elle différente si l'intéressée a cherché activement, pendant le reste de la période à courir où elle ne pouvait pas dénoncer le bail, à se servir du bail commercial pour effectuer des opérations imposables en vue d'en retirer des recettes ayant un caractère de permanence, ou à céder le bail. La durée de la période de non-dénonciation ou la part restante de cette période revêtent-elles une importance à cet égard?"
La CJCE répond que "L'article 4, paragraphes 1 à 3, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée : assiette uniforme, telle que modifiée par la directive 95/7/CE du Conseil, du 10 avril 1995, doit être interprété en ce sens qu'une personne qui a cessé une activité commerciale, mais qui continue de payer le loyer et les charges afférents au local ayant servi pour cette activité, en raison du fait que le contrat de location contient une clause de non-résiliation, est considérée comme un assujetti au sens de cet article et peut déduire la TVA sur les montants, ainsi, acquittés, pour autant qu'il existe un lien direct et immédiat entre les paiements effectués et l'activité commerciale et que l'absence d'intention frauduleuse ou abusive est établie".
La cessation d'activité ne fait pas perdre la qualité d'assujetti ni le droit de déduire la TVA sur les dépenses effectuées en tant que tel.
1. La qualité d'assujetti malgré la cessation d'activité
L'article 4 de la sixième directive-TVA dispose : "1. Est considéré comme assujetti quiconque accomplit, d'une façon indépendante et quel qu'en soit le lieu, une des activités économiques mentionnées au paragraphe 2, quels que soient les buts ou les résultats de cette activité. 2. Les activités économiques visées au paragraphe 1 sont toutes les activités de producteur, de commerçant ou de prestataire de services, y compris les activités extractives, agricoles et celles des professions libérales ou assimilées. Est, notamment, considérée comme activité économique une opération comportant l'exploitation d'un bien corporel ou incorporel en vue d'en retirer des recettes ayant un caractère de permanence". Ce texte lie la qualité d'assujetti à l'exercice d'une activité professionnelle indépendante sans expressément distinguer dans le temps. Seule importe la recherche de revenus par l'exploitation de moyens affectés à une entreprise. A priori, il n'y a pas lieu de découper l'activité indépendante selon que l'exploitant agit en vue de créer une entreprise, de l'exploiter effectivement ou de la fermer. Il suffit de déployer une activité de producteur, de commerçant ou de prestataire de services "quels que soient les buts ou les résultats de cette activité". Personne ne peut contester que cette activité puisse nécessiter l'engagement de frais d'ouverture et de clôture.
Depuis 1985, la CJCE considère que la personne ayant l'intention, confirmée par des éléments objectifs, de commencer une activité économique et qui acquiert, dans ce but, des biens et des services taxés doit être considérée comme un assujetti agissant en tant que tel. Cette qualité l'autorise à déduire immédiatement la TVA relative aux dépenses effectuées pour les besoins de ses futures opérations taxées sans devoir attendre le début de l'exploitation de l'entreprise, quand bien même celle-ci ne commencerait jamais (CJCE, 14 février 1985, aff. C-268/83, D.A. Rompelman et E.A. Rompelman-Van Deelen c/ Minister van Financiën N° Lexbase : A8121AUC ; CJCE, 29 février 1996, aff. C-110/94, Intercommunale voor zeewaterontzilting (INZO) c/ Belgische Staat N° Lexbase : A9700AUS ; CJCE, 15 janvier 1998, aff. C-37/95, Belgische Staat c/ Ghent Coal Terminal NV N° Lexbase : A9657AU9 ; CJCE, 21 mars 2000, aff. C-110/98,à C-147/98 Gabalfrisa SL e.a. c/ Agencia Estatal de Administración Tributaria (AEAT) N° Lexbase : A1997AIS ; CJCE, 8 juin 2000, aff. C-396/98, Grundstückgemeinschaft Schlossstrasse GbR c/ Finanzamt Paderborn [LXB=A180AWM] ; CJCE, 8 juin 2000, aff. C-400/98, Finanzamt Goslar c/ Brigitte Breitsohl N° Lexbase : A1912AWQ ; lire Yolande Sérandour, Le droit à déduction de la TVA en jurisprudence communautaire, JCP, éd. E., 1999, p. 1954).
Avant le 3 mars 2005, la CJCE n'avait pas spécifiquement statué sur la situation inverse dans laquelle un assujetti a cessé une activité économique, mais continue, cependant, de supporter des dépenses en exécution des obligations contractées pour l'exercice de cette activité. Néanmoins, le juge communautaire a, déjà, jugé que le transfert, avec continuité d'exploitation, d'une entreprise relevant de la TVA justifie le droit à déduction sur les services acquis par le cédant, afin de réaliser la cession. Ces derniers font partie des frais généraux de l'entreprise antérieurs à la cession (CJCE, 22 février 2001, aff. C-408/98, Abbey National plc c/ Commissioners of Customs & Excise, § 35 et s. N° Lexbase : A1648AWX ; CJCE, 29 avril 2004, aff. C-137/02, Finanzamt Offenbach am Main-Lan c/ Faxworld Vorgründungsgesellschaft Peter Hünninghausen und Wolfgang Klein GbR, § 39 N° Lexbase : A9946DBY : lire Yolande Sérandour, Frais préparatoires et TVA, la création d'entreprise encouragée par la CJCE, Lexbase Hebdo, n° 119, du 5 mai 2004 - édition fiscale N° Lexbase : N1501AB9). Rappelant ces arrêts au point 23 de la décision commentée, la CJCE souligne que "Toute autre interprétation reviendrait à procéder à une distinction arbitraire entre, d'une part, les dépenses effectuées pour les besoins d'une entreprise avant l'exploitation effective de celle-ci et celles réalisées au cours de ladite exploitation et, d'autre part, les dépenses effectuées pour mettre fin à cette exploitation".
Selon l'article 2 de la première directive-TVA, "Le principe du système commun de taxe sur la valeur ajoutée est d'appliquer aux biens et aux services un impôt général sur la consommation exactement proportionnel au prix des biens et des services, quel que soit le nombre des transactions intervenues dans le processus de production et de distribution antérieur au stade d'imposition. À chaque transaction, la taxe sur la valeur ajoutée, calculée sur le prix du bien ou du service au taux applicable à ce bien ou à ce service, est exigible déduction faite du montant de la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé directement le coût des divers éléments constitutifs du prix" (première directive 67/227/CEE du Conseil, du 11 avril 1967, en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires N° Lexbase : L7913AUM). Il en résulte que le droit à déduction vise à soulager entièrement l'entrepreneur du poids de la TVA supportée dans le cadre de toutes ses activités économiques. Ce principe de neutralité de la TVA doit jouer "quels que soient les buts ou les résultats de ces activités, à condition que celles-ci soient, en principe, elles-mêmes soumises à la TVA" (§ 25 ; CJCE, 14 février 1985, aff. C-268/83, D.A. Rompelman et E.A. Rompelman-Van Deelen c/ Minister van Financiën, § 19, précité ; CJCE, 15 janvier 1998, aff. C-37/95, Belgische Staat c/ Ghent Coal Terminal NV, § 15, précité ; CJCE, 21 mars 2000, aff. C-110/98 à C-147/98 Gabalfrisa SL e.a. c/ Agencia Estatal de Administración Tributaria (AEAT), § 44, précité ; CJCE, 8 juin 2000, aff. C-98/98, Commissioners of Customs and Excise c/ Midland Bank plc., §19 N° Lexbase : A2016AII ; CJCE, 22 février 2001, aff. C-408/98, Abbey National plc c/ Commissioners of Customs & Excise, § 24, précité). Encore faut-il que les dépenses en cause se rattachent aux opérations imposables.
2. Les dépenses effectuées en qualité d'assujetti malgré la cessation d'activité
L'article 17-2 de la sixième directive-TVA subordonne la déduction de la TVA ayant grevé les dépenses d'un assujetti à leur affectation aux besoins des opérations taxées. Selon la CJCE, ce texte signifie qu'il doit exister un lien direct et immédiat entre les frais d'exercice d'une activité et les livraisons ou prestations de services effectuées par l'exploitant (CJCE, 6 avril 1995, aff. C-4/94, BLP Group plc c/ Commissioners of Customs & Excise, § 19 N° Lexbase : A9796AUD ; CJCE, 8 juin 2000, aff. C-98/98, Commissioners of Customs and Excise c/ Midland Bank plc., § 20 et s. N° Lexbase : A2016AII ; CJCE, 27 septembre 2001, aff. C-16/00, Cibo Participations SA c/ Directeur régional des impôts du Nord-Pas-de-Calais, § 35 N° Lexbase : A5734AWB). Il n'est, toutefois, pas indispensable de relier précisément, sinon physiquement, les dépenses aux opérations imposables. Seule importe l'intention d'affecter les biens et services reçus aux biens et services produits ou à produire. Le juge communautaire admet la déduction et le remboursement de la TVA ayant grevé les dépenses engagées avant l'exercice effectif d'une activité économique (CJCE, 14 février 1985, aff. C-268/83, D.A. Rompelman et E.A. Rompelman-Van Deelen c/ Minister van Financiën, § 22 et 23, précité et arrêts préc. § 1.). Selon l'arrêt "Lennartz", "c'est l'acquisition des biens par un assujetti agissant en tant que tel qui détermine l'application du système de la TVA et, partant, du mécanisme de déduction [...] l'utilisation ne détermine que l'étendue de la déduction initiale et l'étendue des éventuelles régularisations" (CJCE, 11 juillet 1991, aff. C-97/90, Hansgeorg Lennartz c/ Finanzamt München III, § 15 N° Lexbase : A7275AHW). L'affectation initiale à l'activité économique marque la naissance du droit à déduction. La nature de l'utilisation effective importe peu car l'utilisation non-professionnelle rend la TVA exigible au titre des livraisons et prestations à soi-même .
Le raisonnement suivi en matière de création d'entreprise vaut, également, en cas de fermeture d'entreprise. Si l'exercice d'une activité indépendante nécessite l'engagement de frais préparatoires, il comporte inévitablement un risque d'échec exposant à devoir supporter des frais de cessation d'activité. Dans la mesure où les frais d'entrée en activité ouvrent droit à déduction de la TVA les ayant grevé au motif qu'ils sont directement et immédiatement liés à l'exercice d'une activité économique, il doit en aller de même des frais de cessation. La TVA ne frappant que la valeur ajoutée produite par une exploitation, il apparaît évident que les dépenses de fermeture diminuent ladite valeur. Ce rattachement direct et immédiat aux opérations antérieurement imposées commande de permettre la récupération de la TVA acquittée sur les frais de cessation d'activité. Tel est le sens de la jurisprudence communautaire. Selon l'arrêt "Abbey National", le droit à déduction de la TVA sur les dépenses effectuées en vue de la cessation de l'activité reste acquis, alors même qu'aucune opération taxée en aval n'a été effectuée par la suite. De telles dépenses font partie des frais généraux afférents à l'exploitation de l'activité de restauration dans son ensemble depuis sa création jusqu'à sa cessation (préc. § 28 et 29).
En l'espèce, la CJCE considère que "dans la mesure où le contrat de location a été conclu par Fini H en vue de pouvoir disposer d'un local nécessaire à l'exercice de son activité de restauration et compte tenu du fait que le local a été effectivement affecté à cette activité, il convient d'admettre que l'obligation qu'avait la société de continuer à payer le loyer et les autres charges après que cette activité eut cessé découle directement de l'exercice de celle-ci" (§ 28).
Néanmoins, ce principe du droit à déduction de la TVA ayant grevé les frais de cessation d'activité ne vaut que dans la limite de la fraude ou de l'abus, notamment, en cas d'utilisation des dépenses en cause à des fins privées (§ 32 et s.).
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:73244
Réf. : Cass. com., 8 mars 2005, n° 03-17.879, Société civile immobilière (SCI) Holdimmo c/ M. François Fortin, F-D (N° Lexbase : A2594DHK)
Lecture: 17 min
N3245AIZ
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Jean-Baptiste Lenhof, Maître de conférences à l'ENS - Cachan Antenne de Bretagne, Membre du centre de droit financier de l'Université de Paris I (Panthéon-Sorbonne)
Le 07 Octobre 2010
Alors que la notion d'appel public à l'épargne n'est, selon la doctrine, "pas loin de constituer l'une des summa divisio les plus importantes du droit des sociétés" (F.-G. Trébulle, L'émission de valeurs mobilières, Economica, 2002, n°41, p. 64), elle fait pourtant, rarement, l'objet de décisions de la Cour de cassation. L'arrêt rendu le 8 mars dernier par la Chambre commerciale, qui confirme un arrêt de la cour d'appel de Caen (du même auteur, note sous arrêt, Droit des sociétés, août-septembre 2003, p. 12 et 13), apparaît ainsi constituer un micro évènement dans la construction jurisprudentielle relative à l'offre de titres au public.
Le 14 novembre 1994 des époux se portent acquéreurs de trois titres de la société civile Holdimmo (la SCI) qui vient de faire l'objet d'une augmentation de capital le 15 avril précédent. Ces titres leurs sont cédés par la société Seater investissement, associée de la SCI. Une convention de compte courant est par ailleurs conclue, à la même époque, entre cette dernière et les acquéreurs. Les époux manifestent par la suite, en 1996 et 1997, leur intention de se retirer de la SCI. Celle-ci les assigne par acte du 16 octobre 1998 en paiement d'une somme de 90 000 francs (13 720 euros) correspondant à des appels de fonds non acquittés et les époux invoquent, alors, la nullité de la cession pour violation des dispositions interdisant aux sociétés civiles de faire appel public à l'épargne (APE).
Ils obtiennent gain de cause en première instance, solution que confirme la cour d'appel de Caen le 13 mai 2003 (CA Caen, ch. civ., 13 mai 2003, n° 00/03418, SCI Holdimmo c/ Monsieur François Fortin et Madame Françoise Certain N° Lexbase : A5084DHR). La SCI forme, alors, un pourvoi en invoquant, essentiellement, l'absence de démarchage et, partant, d'appel public à l'épargne.
La question posée à la Cour de cassation portait ainsi sur le point de savoir si les circonstances entourant la cession des parts (et surtout les modalités de l'offre de cession) pouvaient être constitutives d'un APE, non pas sous le régime actuel, qui relève maintenant de l'article L. 411-1 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L9395DYM), mais sous l'empire de l'article 72 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 (N° Lexbase : L2256G83). Il convient donc de mesurer l'importance de cette jurisprudence dans le contexte réglementaire et jurisprudentiel de l'époque, puisque les agissements à l'origine de l'affaire avaient été constitués avant que le législateur ne définisse l'appel à l'épargne de façon précise par la loi du 2 juillet 1998 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier (loi DDOEF, n° 98-546 N° Lexbase : L2261G8A).
Pour autant, la décision rendue par la Cour de cassation est importante, dans le sens où ces nouvelles règles, si elles avaient eu à être appliquées, auraient été sans influence sur le raisonnement retenu. L'arrêt, en effet, tout en permettant de retracer l'évolution de la définition de l'appel public à l'épargne (I) à travers les différents arguments invoqués par l'auteur du pourvoi, contribue à mieux cerner la notion de démarchage qui en est l'un des éléments constitutif (II).
I - L'arrêt du 8 mars 2005 face à l'évolution de la notion d'appel public à l'épargne
La soumission de la SCI au régime de l'APE (A) constituait une question préalable à l'analyse des activités de commercialisation entreprises, analyse destinée à établir la qualification de démarchage (B).
A - La question de la soumission de la SCI au régime légale applicable à l'APE
Conçue et imaginée à l'origine pour les marchés financiers, la notion d'appel public à l'épargne, emporte un régime spécifique qui ne concerne, en principe, que les seules sociétés commerciales. En effet, la disposition est apparue suffisamment importante pour qu'elle figure dans le Code civil à l'article 1841 (N° Lexbase : L2012AB7). Il en résulte que les sociétés dont la forme ne permet pas l'APE encourent la nullité des contrats conclus ou des titres émis en violation de cette disposition. C'est ainsi que les seules sociétés anonymes et en commandite par actions ont été autorisées par la loi de 1966 à faire appel à l'épargne. Toutefois, le législateur a étendu progressivement les catégories de personnes habilitées à recourir à ce mode de financement. En vertu de textes spécifiques, cette faculté a été élargie à diverses formes de sociétés, et, notamment, aux sociétés civiles de placement immobilier (SCPI et sociétés d'attribution) dont l'objet est d'acquérir un patrimoine immobilier dans un but lucratif.
En l'espèce, la SCI requérante était bien une société civile mais son objet social ne pouvait être comparé à celui des sociétés précitées, car il apparaissait trop large "pour bénéficier du régime dérogatoire" (F.-G. Trébulle, Droit des sociétés, août-septembre 2003, p.12, à propos de l'arrêt d'appel). Ainsi, au regard du droit positif, la sanction des agissements de la SCI, s'il était démontré que l'appel public à l'épargne était constitué, aurait dû aboutir au prononcé de la nullité des actes de cession. L'argumentation principale de l'auteur du pourvoi portait donc, fort opportunément, sur la contestation de la qualification des actes matériels ayant entouré les offres de cession de titres.
La question était ainsi posée au juge de cassation, dans la première branche du moyen, de l'existence même du démarchage, puisque ce dernier conditionnait la soumission des cessions au régime de l'appel public à l'épargne. Le principe posé par l'article 72 de la loi du 24 juillet 1966, dans sa rédaction reprise à l'article 96 de la loi de modernisation des activités financières du 2 juillet 1996 (loi n° 96-537 N° Lexbase : L2263G8C) est en effet que : "sont réputées faire publiquement appel à l'épargne les sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé, à dater de cette inscription ou qui, pour le placement des titres, quels qu'ils soient, ont recours soit à des établissements de crédit, soit à des établissements mentionnés à l'article 99 de la loi n° 84-16 relative à l'activité et au contrôle des établissements de crédit (anciennes maisons de titres) ou sociétés de bourse (entreprises d'investissement), soit à des procédés de publicité quelconque, soit au démarchage".
Ainsi, la loi ne posait, à l'époque des faits, qu'un ensemble de présomptions légales résultant, dans l'espèce examinée, du recours par cette société à des techniques de placement consistant dans la publicité, le démarchage ou le concours de certains intermédiaires financiers. Appliquée à l'affaire, la mise en oeuvre de l'ensemble des textes susvisés aboutissait donc à la solution suivante : si de tels actes pouvaient être établis, la SCI pouvait être soumise au régime de l'APE mais, l'appel public étant interdit aux sociétés ayant sa forme sociale, la cession des titres encourait la nullité. Le problème de fond reposait donc sur la démonstration de l'existence d'actes de démarchage.
B - La question du démarchage dans la notion d'appel public à l'épargne
La SCI soutenait, dans la première branche de son moyen, que la cession de parts sociales effectuée par un associé, par le biais de l'un de ces procédés, n'est pas constitutive d'un appel public à l'épargne. En effet, elle était en mesure d'établir que ce n'était pas elle qui avait cédé les parts aux époux X, mais un de ses associés, ce qui -selon la société- excluait l'application du régime de l'APE. En d'autres termes, elle plaidait l'appel dissident, c'est à dire la situation dans laquelle l'offre faite au public soumet la société au régime de l'APE, alors même que cette offre émane d'un actionnaire sur lequel elle n'exerce, en principe, aucun contrôle.
Elle soutenait par ailleurs, dans la deuxième branche de son moyen -et ces arguments constituent le pendant pratique de ce qui précède- que le démarchage, s'il pouvait être caractérisé, n'était pas de son fait. Ayant été réalisé par un associé, la SCI ne pouvait être impliquée dans un éventuel appel public à l'épargne. Enfin, dans la troisième branche du moyen, elle reprochait à la cour d'appel de ne pas avoir caractérisé en quoi la décision d'augmenter le capital était de nature a établir que la société Agern, démarcheur, avait agi pour le compte de la société Holdimmo.
La Cour de cassation fait, toutefois, rapidement justice de ces différents arguments en relevant que, bien que les époux X aient acquis les parts de la société Seater investissement, le juge d'appel avait retenu que la cession avait pour acteur et bénéficiaire la seule SCI, que les opérations de cession avait coïncidé avec l'augmentation du capital, que cette augmentation avait été réalisée par un associé fondateur de la SCI ; l'ensemble des documents contractuels étant établi au nom de cette dernière. Le constat opéré au fond semblait donc, en l'espèce, suffisamment explicite : en dépit d'une indépendance juridique de façade, les dirigeants de la SCI pilotaient de facto les opérations de commercialisation des titres, la société participant à l'opération et en étant la principale bénéficiaire.
Il convient, toutefois, de souligner que cette solution n'était pas évidente à justifier pour le juge comme en atteste l'aboutissement d'une autre affaire qu'avait également eu à connaître la cour d'appel de Caen, le 4 décembre 2001. Circonstance qui est loin d'être anodine, elle concernait cette même société civile (qui décidément n'en était pas à son coup d'essai) dont les titres, dans le cadre d'une opération similaire, avaient été cédés à des tiers. L'APE n'avait pourtant pas pu être retenu à cette occasion, les allégations du requérant relatives à la façon dont il avait été démarché étant invérifiables, n'étant pas établi, par ailleurs, en quoi les actes de commercialisation présentaient un caractère habituel.
Tel n'était pas le cas dans l'espèce commentée puisque les opérations de commercialisation avaient été organisées après l'augmentation de capital, les demandeurs ayant pu établir avec précision le mode opératoire des vendeurs. On mesure, ainsi, l'importance des éléments de fait dans la qualification des actes susceptibles d'être soumis au régime de l'appel public à l'épargne : des éléments de preuve, d'abord ; du critère de répétition, ensuite, sans compter d'autres considérations puisque la cour d'appel avait pu relever le caractère équivoque des pratiques de la SCI, coutumière -comme nous l'avons vu- de divers embarras judiciaires. Cet arrêt donne ainsi l'occasion de souligner, si besoin était, que l'approche du démarchage laisse indiscutablement un pouvoir important au juge du fond, seul habilité à en relever les éléments substantiels.
II - Le démarchage, critère majeur de l'appel public à l'épargne
C'est, d'ailleurs, en partie en raison de l'insécurité juridique susceptible de découler des divergences d'appréciation des juges du fait sur la qualification du démarchage que les autorités boursières et judiciaires ont rapidement fait évoluer cette notion (A). Elle apparaît, notamment, grâce à cet arrêt, constituer un outil permettant de sanctionner des comportements qui se situent à la frange de l'appel public à l'épargne (B).
A - L'évolution de la notion de démarchage en tant que critère de l'APE
Le rôle de la jurisprudence a été primordial pour apprécier la notion d'appel public à l'épargne, dans un contexte législatif et réglementaire basé, jusqu'à une période récente, sur un régime de présomptions. Dans l'ensemble, la jurisprudence (voir à ce titre, le rapport au Sénat n° 413 présenté par M. le Sénateur Marini le 29 avril 1998 en préparation au vote de la loi DDOEF de 1998) a donné une interprétation extensive de la liste limitative énumérée par l'article 72 de la loi de 1966. Les juges ont, en effet, peu à peu considéré que le recours à des "démarcheurs spécialisés" ou à des "conseillers financiers", notions qui, à l'époque, ne pouvaient pas rentrer dans une catégorie définie par la loi, permettait de soumettre une société au régime de l'APE. Par la suite, il a même été admis que le recours à des intermédiaires professionnels au sens large était, en soi, une "mesure de publicité", c'est à dire une présomption d'APE aux termes de la loi susvisée.
Quant à cette notion de publicité, elle a été progressivement entendue de façon de plus en plus extensive puisque la Commission des opérations de bourse (COB) devait élargir le champ d'application du régime de l'appel public à l'épargne en décidant, qu'au-delà des techniques traditionnelles, il y avait publicité chaque fois que l'opération envisagée s'adressait à un "cercle de personnes n'ayant pas de liens personnels entre elles ou avec l'émetteur". Ces évolutions dont, au demeurant, l'utilité s'est trouvée justifiée par la protection de l'investisseur, n'ont pas pour autant permis de clarifier véritablement la définition de l'appel à l'épargne.
La teneur de la 4ème branche du moyen du pourvoi atteste, en effet, de la possibilité, pour un requérant avisé, d'utiliser certains de ces critères pour tenter de s'affranchir du régime de l'APE. Dans son pourvoi, la SCI prétendait, à ce titre, que la proposition de souscription de parts sociales faite par une société à ses clients ou plus précisément, comme en l'espèce, par une association de gestion à ses membres, ne pouvait entraîner son application. En effet, il y aurait eu, selon elle, des relations "professionnelles" antérieures qui auraient uni la société (ou l'association de gestion) et les personnes contactées. Elle affirmait ainsi, qu'à supposer que la société Agern ait agi pour le compte de la société Holdimmo, la cour d'appel avait pu constater que la SCI entretenait auparavant des "liens professionnels" avec les époux X, acquéreurs des titres litigieux. Dès lors, toujours selon le moyen, même si ces personnes ne connaissaient pas personnellement le dirigeant mis en cause dans l'opération, ils avaient, du moins, été en relation avec la société. En tout état de cause, ils "connaissaient" personnellement Mme Y., présente lors de l'entretien qui devait déboucher sur la cession litigieuse de titres. En conséquence, Holdimmo rejetait la qualification de démarchage. On voit, ainsi, assez paradoxalement d'ailleurs, que le critère qui avait été utilisé pour élargir le régime de l'appel public à l'épargne pouvait être détourné pour restreindre le champ d'application de la présomption légale.
La Cour de cassation ne tranchera pas dans ce débat, ce qui au surplus l'aurait sans doute contraint à examiner les faits. Elle se contente, pour écarter les arguments précédents, de renvoyer à l'arrêt d'appel. Ce dernier mentionnait, d'abord, que les époux ne connaissaient pas Monsieur Z. avant sa visite commerciale du 26 septembre 1994 et, ensuite, qu'ils ne connaissaient pas les dirigeants et les associés de la SCI. C'est ainsi que la Cour en conclut que les juges du fond avaient légalement justifié leur décision et qu'elle considère que l'opération avait été réalisée pour le compte de la SCI par l'intermédiaire des sociétés Agern et Seater investissement.
L'aménagement des présomptions légales ne se limite, toutefois, pas aux seuls éléments avancés précédemment, et va fournir un nouvel argument aux requérants : l'impossibilité d'appliquer la notion d'appel public à l'épargne lorsque la commercialisation a été limitée à un "cercle restreint de personnes". Cette limitation, bien que d'apparition récente, repose sur un principe assez ancien, puisque c'est dès 1968 (bulletin mensuel de la COB, novembre 1969) que la COB considérera que la notion d'APE devait être apprécié au regard de "l'étendue de la diffusion effective des titres dans le public". La soumission au régime de l'APE, dès lors que la diffusion des titres s'étend "au-delà d'un cercle restreint de personnes", est, toutefois, longtemps resté imprécise, le juge estimant qu'il s'agissait là d'une question de fait, insusceptible de faire l'objet d'une unification par la Cour de cassation, limitée qu'est cette dernière par ses compétences strictes de juge du droit. Face à l'insécurité juridique qui risquait d'en résulter et poussée par la nécessité d'adapter le droit des sociétés cotées aux standards internationaux, la COB délimitera précisément le champ d'application de l'APE en édictant le règlement n° 88-04 (du 6 juillet 1998 N° Lexbase : L4736A48) qui fixera le seuil de l'APE à 300 personnes, chiffre inspiré des critères du Securities and Exchange Committee, organe de régulation des marchés financiers américains.
Les requérant se faisaient ainsi fort, dans la cinquième branche de leur pourvoi, de prétendre que, la diffusion des offres ayant été réalisée dans un cercle inférieur à 300 personnes, elle : "excluait l'existence d'une opération d'appel public à l'épargne". La cour de Caen avait, en effet, décidé en appel que la société Holdimmo avait publiquement fait appel à l'épargne au motif qu'elle comptait 130 associés. La Cour de cassation, sur ce point, estimera cependant que les motifs de la cour d'appel étaient surabondants et se contentera de ce seul constat pour écarter l'argument. Pourtant, une interprétation stricte des textes précités aurait pu conduire à la solution inverse. Pourquoi écarter, alors, la cinquième branche du moyen comme l'a fait le juge du droit ? On peut en trouver la première justification dans certaines maladresses de l'arrêt qui lui était déféré, maladresses justement relevées à l'époque par la doctrine.
En effet, la cour d'appel, en s'interrogeant sur l'existence de relations personnelles à caractère professionnel a été conduite à examiner la qualité des personnes démarchées. Ces dernières s'avéraient être des agriculteurs du Nord et de l'Ouest de la France, ce qui aurait pu permettre de conclure à l'absence de nature professionnelle des relations entretenues avec les sociétés mises en cause, celles-ci ne disposant que d'une dimension locale. Pourtant, la cour de Caen invoque, assez curieusement, l'absence d'intuitu personae résultant de la dispersion géographique des clients et du grand nombre d'associés, arguant qu'il s'agissait d'un élément "essentiel" à toutes les sociétés civiles. Le commentateur précité de l'arrêt d'appel relèvera ainsi que la cour développait là une conception fort curieuse de l'intuitu personae qui, en toute hypothèse, était de surcroît insusceptible de justifier une sanction. Malheureusement, c'est à l'occasion du développement -a priori inutile- de cet argument que la cour d'appel établira que les personnes concernées étaient au nombre d'une centaine, soit un nombre inférieur au seuil de 300 visé par la COB. La voie était donc ouverte, par ce biais, à un recours de la SCI.
Il était toutefois évident, que dans l'état des textes de l'époque, l'argument ne pouvait prospérer car le seuil de 300 personnes n'excluait pas l'APE et ne concernait à l'époque que la présomption résultant de la loi de 1966. Rien n'interdisait en effet, même sous la loi ancienne, que des placements dits "privés", et donc inférieurs à ce seuil, puissent se voir appliquer le régime de l'appel public à l'épargne. La COB, elle même, devait confirmer cette solution en 1996 en affirmant que : "si le placement privé semble s'opposer aux notions d'appel public à l'épargne et d'offre au public au regard de la cible de l'opération, [...] le recours aux techniques de placement (publicité, démarchage, recours à un intermédiaire financier) qui caractérise l'appel public à l'épargne ou l'offre au public est susceptible de requalifier ce type d'opération". On ne saurait être plus clair : certes, le placement dans un cercle restreint de personnes fait tomber la présomption d'APE mais, lorsque, comme en l'espèce, le démarchage est démontré, le régime s'applique dans toute sa rigueur.
B - Les apports de l'arrêt à la notion de démarchage
On mesure ainsi mieux, et l'arrêt est particulièrement explicite sur ce point, l'importance de l'acte de démarchage dans le cadre de l'appel public à l'épargne. II est, en effet, à la fois la caractéristique du contact du public aux fins du placement des titres et l'assise matérielle de l'appel à l'épargne. C'est d'ailleurs en raison des critiques qui se sont élevées contre l'imprécision de cette notion à une époque, que le législateur a posé en 1998 une définition de l'APE qui s'est substituée à l'ancien mécanisme de présomption. Indépendamment de ces critiques, d'ailleurs, un débat s'était élevé entre la COB et l'association nationale des sociétés par actions (ANSA), s'agissant de la limite des 300 personnes séparant placement privé et appel public. L'ANSA, forte d'une logique applicable aux sociétés cotées, estimait (dossier 3010 de juillet-août 1999), qu'en dessous de ce seuil, la présomption d'absence d'appel public était irréfragable, alors que la COB retenait la solution contraire. L'arrêt du 8 mars 2005 confirme que c'est uniquement la position de la COB qui prévalait en jurisprudence à cette époque puisque, même en dessous de ce seuil, le démarchage avéré constituait un appel public à l'épargne.
Reste à savoir dans quelle mesure cette solution constitue un apport jurisprudentiel face aux textes qui ont réformé la notion d'APE après cette affaire. En effet, la définition de l'appel public à l'épargne applicable aujourd'hui est celle de l'article L. 411-1 du Code monétaire et financier, introduite par l'article 30 de la loi DDOEF du 2 juillet 1998. Cet article dispose que l'APE est non plus présumé mais "constitué" par "l'une des opérations suivantes :
1. l'admission d'un instrument financier aux négociations sur un marché réglementé ;
2. l'émission ou la cession d'instruments financiers dans le public en ayant recours, soit à la publicité, soit au démarchage, soit à des établissements de crédit ou à des prestataires de services d'investissement".
Par ailleurs, l'article L. 411-2 (N° Lexbase : L9396DYN) établit des règles d'exonération pour la diffusion auprès d'investisseurs qualifiés, ainsi que dans les cercles restreints d'investisseurs. Le démarchage, dans sa nouvelle dimension, demeure ainsi un des vecteurs de l'APE .
Il y a, désormais, démarchage bancaire ou financier dès qu'une personne est contactée, par quelque moyen que ce soit, par une personne physique ou morale qui lui propose de réaliser des investissements. Ces investissements peuvent prendre des formes diverses : réalisation d'une opération sur instruments financiers (C. mon. fin., art. L. 211-1 N° Lexbase : L9871DYA), opération de banque ou connexe (C. mon. fin., art. L. 311-1 N° Lexbase : L0377DZY et L. 311-2 N° Lexbase : L0378DZZ), opération sur biens divers (C. mon. fin., art. L. 550-1 N° Lexbase : L2542DKD). Accessoirement, le démarchage peut, porter sur des prestations de services, qu'il s'agisse de la fourniture de services d'investissement ou de services connexes (C. mon. fin., art. L . 321-1 N° Lexbase : L9285DYK et L. 321-2 N° Lexbase : L6396DIQ), ou d'une prestation de conseil (C. mon. fin., art. L. 541-1, I N° Lexbase : L6308DIH).
Ceci posé, il est possible de mesurer la portée de l'arrêt. Bien que ce dernier ait été rendu sous l'empire de l'ancienne législation, il est riche d'enseignements quant à la possibilité de qualifier des actes réalisés à la marge de l'APE de démarchage, permettant ainsi de placer les investisseurs sous le régime protecteur du Code monétaire et financier.
Dans l'affaire examinée, en effet, il s'avère que, prises isolément, les circonstances qui avaient entouré la commercialisation pouvaient rendre contestable la sanction attachée au régime de l'APE. Réunies, en revanche, elles permettent à la cour d'appel de démontrer la réalité du démarchage, celle-ci entraînant l'application du régime de l'appel public. Pour mémoire, ce sont successivement (et avec quelques espoirs de succès) que les requérants prétendaient avoir réalisé l'opération : dans un cercle restreint de personnes -ce qui pouvait faire tomber la présomption-, dans un milieu professionnel d'adhérents -régime a priori exonératoire de l'APE-, entre personnes se connaissant -ce qui aurait eu le même effet que l'argument précédent- et, enfin, par un "actionnaire" -ce qui pouvait laisser supposer l'absence d'implication de la société-. D'ailleurs, à propos d'une autre affaire déjà citée, dans laquelle la même SCI avait été impliquée, l'ensemble de ces circonstances avait contraint le juge à écarter l'application du régime de l'APE, faute de preuve tangible des circonstances de la visite commerciale et, surtout, parce que les commerciaux avaient pris la précaution de se faire mandater par les futurs clients avant toute proposition de cession.
Dans l'espèce examinée, en revanche, le juge a pu, en l'absence des deux éléments précédents, retenir le démarchage et l'application du régime de l'APE. Ceci démontre l'importance de la preuve matérielle du démarchage, dans les faits, et l'importance du constat factuel des circonstances qui entourent la commercialisation d'instruments financiers. Par voie de conséquence, on ne peut que souligner le rôle central que va continuer à jouer le juge du fond dans cette approche et, indirectement, dans l'analyse de l'appel public à l'épargne. On mesure, également, que l'arrêt du 8 mars 2005 permet d'utiliser, de façon plus ou moins voilée, le régime de l'appel public à l'épargne comme une sanction du démarchage abusif. En tout état de cause, il ne s'agit pourtant pas là d'un déplacement critiquable de la notion dans le sens ou la législation sur l'APE n'est dédiée qu'à la protection de l'investisseur.
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:73245
Réf. : Cass. civ. 1, 15 mars 2005, n° 03-20.016, Société coopérative de La Brie c/ M. Jean-Pierre Decressat, F-P+B (N° Lexbase : A3077DHG)
Lecture: 5 min
N3381AI3
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Marie-Elisabeth Mathieu, Jeantet Associés, Maître de conférences à l'Université d'Evry-Val d'Essonne
Le 07 Octobre 2010
Le compte courant a donc un mécanisme qui lui est propre. La créance entrée en compte produit un effet extinctif. Et, cette extinction vaut paiement. Mais cette créance primitive devient un article du compte et participe, alors, à la formation du solde. Celui-ci deviendra disponible à la clôture du compte : à cette date, il devient une unique créance exigible.
Néanmoins, la qualification de la convention de compte dépend, d'abord, de la volonté des parties. En principe, si elles ont entendu conclure un compte courant, l'effet recherché est, alors, la réunion de créances réciproques soumises à un régime juridique uniforme. Elles donneront donc lieu, à la clôture du compte, à un règlement global (v. en ce sens, Ch. Gavalda, J. Stoufflet, Droit bancaire, 5ème éd. Litec, n° 291).
Le critère de l'intention exprimée, ou tacite, des parties est d'importance (Cass. com., 5 décembre 1995, n° 94-10.990, M. Géniteau, ès qualités d'administrateur de la société Le Vourc'h c/ Société Rallye Super et autre N° Lexbase : A1369ABC, Bull. IV, n° 284) : soit les parties ont manifesté leur intention "de soumettre leurs relations financières aux règles du compte courant", soit cette volonté est absente.
En revanche, si la volonté est exprimée et qu'elle ressort de l'intitulé de la convention de compte, elle doit être conforme à ses modalités de fonctionnement.
Dès lors, l'appréciation souveraine des juges du fond portera sur les conditions de fonctionnement du compte courant. Peu importe, alors, l'intitulé de la convention de compte. Parfois, et c'est le cas de la présente espèce, les juges vont rétablir la qualification exacte du compte, qualification conforme à ses modalités de fonctionnement.
Ce pouvoir judiciaire trouve sa source à l'article 12 du Nouveau Code de procédure civile : le juge "doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties auraient proposée" (N° Lexbase : L2043ADZ). C'est ce principe qui a permis au juge d'interpréter les écritures des parties et, plus spécifiquement, d'analyser le fonctionnement du compte courant.
La Haute juridiction note, ici, qu'un compte courant n'existe que si chaque créance remise perd son individualité pour se fondre dans une série homogène d'articles du compte. Quel est, alors, l'état de la créance depuis l'entrée et jusqu'à la clôture du compte ?
En principe, les créances perdent leur individualité. La théorie classique (v. en ce sens, Th. Bonneau, Droit bancaire, 5ème éd., Monchrestien) explique la transformation de la créance par la novation : la créance entrée en compte s'est éteinte et une nouvelle obligation lui est substituée, dépourvue des accessoires de l'ancienne créance.
La novation est, en effet, un mécanisme d'extinction des obligations (C. civ., art. 1271 N° Lexbase : L1381ABR). Elle est une opération juridique par laquelle une obligation nouvelle est substituée à une obligation ancienne. Ses éléments caractéristiques sont, donc, la création de l'obligation nouvelle et l'extinction de l'obligation ancienne. Il s'agit, alors, de qualifier les actes qui relèvent ou non de la novation.
Le remplacement d'une créance par un article de compte projette en droit bancaire le mécanisme de la novation. La question a, d'ailleurs, été souvent discutée (V. en ce sens Vasseur et Marin, Les comptes en banque, Sirey 1966, n° 247 s. ; Th. Bonneau, Droit bancaire, 5ème éd, Montchrestien, n° 337 et s. ; Ch. Gavalda, J. Stoufflet, Droit bancaire, Litec, 5ème éd, n° 293 et s. ; V. aussi Esmein, Essai sur la théorie juridique du compte courant, RTD civ. 1920, 79). Certains auteurs considèrent, néanmoins, que le "mécanisme du compte courant est un mécanisme financier autonome au regard des règles du Code civil qui emporte une extinction des créances passées en compte différente de celle provoquée par la novation" (v. en ce sens, Ripert et Roblot, par Ph. Delebecque et Germain, Traité de droit commercial, t. 2, 16ème éd. 2000, LGDJ, n° 2330).
Dès lors, le mécanisme de la novation, tel qu'issu du droit civil, s'applique-t-il ou non aux créances inscrites à un compte courant, l'inscription entraînant la perte de l'individualité des créances et le débiteur n'étant tenu qu'au paiement du solde du compte ?
A cette question, il est parfois répondu que la créance initiale n'est pas immédiatement remplacée par une créance nouvelle -mécanisme de la novation- : la substitution se réalise lorsque le solde du compte est exigible. Elle est donc reportée à la clôture de ce dernier.
Au surplus, l'article de crédit, qui naît en substitution de la créance, n'ouvre au créancier aucune action immédiate contre le débiteur ; ce qui devrait être le cas en présence d'une novation.
Mais, la jurisprudence de la Cour de cassation n'a pas de position nette sur ce point. Lorsque la Haute juridiction rejette la novation, c'est avant tout parce qu'il n'existe pas de véritable compte courant entre les parties (V. en ce sens, Cass. soc., 6 juillet 1976, n° 75-40209, Société Selva-Tella c/ Caratella N° Lexbase : A3405CG9, Bull. V, n° 419 ; Cass. soc., 9 avril 1987, n° 84-16.674, Association pour la gestion du régime d''assurances des créances c/ M. Deloof et autre N° Lexbase : A7366AA3, Bull. V, n° 214) ou, ce qui est le cas dans l'arrêt du 15 mars 2005 en raison de la nature même des créances, celles-ci ayant conservé un caractère autonome.
Dans l'arrêt rapporté, les créances en cause étaient assorties de taux d'intérêt variés et ne pouvaient se fondre dans une série homogène d'articles du compte. Chaque créance était donc dotée d'un taux d'intérêt propre. Les parties n'avaient, ainsi, pas entendu réduire toutes les créances à une seule et encore moins les faire entrer directement dans le solde du compte.
Ainsi, le mécanisme du compte courant faisait défaut, puisque les parties n'ont pas relégué au néant ce qui distingue les créances entre elles (v. en ce sens, I. Trouche-Doerflinger, La distinction entre compte de dépôt et compte courant, PA, 1998, n° 70, p. 4 ; J. Belot, Compte de dépôt et compte courant en matière bancaire, RJC 1985, p. 41). Les créances en cause ne sont pas devenues des articles du compte : les actions, les sûretés et leurs accessoires ont perduré, ainsi que l'action en paiement du créancier.
Dès lors et en toute logique, l'individualité de ces créances devait être relevée par la Haute juridiction.
En revanche, en présence d'une convention de compte courant, la parfaite fongibilité des articles du compte les aurait empêchés de coexister de manière autonome (v. en ce sens, Fr. Grua, Les contrats de base de la pratique bancaire, éd. Litec, 2000, n° 118).
Les créances auraient, néanmoins, conservé leur contenu. Le droit à une certaine quantité d'argent survit dans le solde définitif (v. en ce sens, Fr. Grua, op.cit). D'ailleurs, et à la lecture de l'article 1234 du Code civil (N° Lexbase : L0970ABK), le critère de la perte d'individualité d'une créance n'est pas une cause d'extinction des créances.
Pour conclure, le critère de l'individualité des créances retenu par la Haute juridiction correspond au mécanisme du compte courant : l'entrée d'une créance en compte participe à la formation du solde et la perte de son individualité entraîne sa fongibilité. Par conséquent, l'on assiste à une véritable fusion des créances : elles se transforment en des articles de compte et, ainsi réduites, sont mélangées les unes aux autres.
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:73381
Lecture: 6 min
N3394AIK
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Freshfields Bruckhaus Deringer Paris
Le 07 Octobre 2010
Les lignes louées, qui offrent des capacités de transmission réservées de haute qualité, sont utilisées par des entreprises pour relier leurs bureaux, pour se raccorder à Internet ou pour développer des activités dans le domaine du commerce électronique.
Ce service de location est fourni par l'opérateur de télécommunication historique ou par des opérateurs nouveaux, ces derniers utilisant eux-mêmes, en général, de telles lignes louées pour constituer leur propre réseau.
La Commission constate en préambule de sa recommandation que "les informations communiquées par les Etats membres révèlent des problèmes liés à la durée et à la variation des délais de fourniture des lignes louées". En effet, ces délais peuvent varier significativement d'un Etat membre à l'autre.
Dès lors, elle formule, à l'adresse des autorités de régulation nationale qui imposent ou confirment une obligation de non-discrimination en vertu de l'article 10 de la directive "accès" (1) ou de l'article 18 de la directive "service universel" (2), les recommandations suivantes :
- faire en sorte que les contrats de location couvrent tous les aspects pertinents de la fourniture de services de lignes louées en gros (3) ;
- faire en sorte que les délais de fourniture contractuels prévus pour les lignes louées en gros dans ces accords soient aussi courts que possible (4) ;
- veiller à ce que les sanctions financières prévues dans les contrats soient appliquées en cas de retard à la fourniture des lignes sous la forme d'un montant déterminé par jour de retard pour chaque ligne commandée.
Selon Viviane Reding, membre de la Commission responsable de la Société de l'information et des Médias, "cette recommandation va renforcer la concurrence dans le domaine de la fourniture de lignes louées aux détaillants, et améliorer la qualité des services des lignes louées en gros. Ce renforcement de la concurrence se traduira par un surcroît d'innovation et un choix élargi pour les clients. Les petites entreprises pourront ainsi accéder plus facilement à des marchés à l'échelle de l'Union européenne".
La Commission prévoit de réexaminer cette recommandation au plus tard le 31 décembre 2005 afin de prendre en compte l'évolution des technologies et des marchés.
La Commission avait lancé une première consultation en mai 2004 sur l'opportunité d'abroger le règlement (CE) n° 823/2000 (N° Lexbase : L6981AU4) (celui-ci devant expirer le 25 avril 2005), de le maintenir ou de le modifier.
A la suite de cette consultation, la Commission a finalement envisagé de proroger l'exemption par catégorie, accordée en 1995 aux consortiums, pour une nouvelle période de cinq ans, jusqu'au 25 avril 2010, et de modifier légèrement les dispositions du règlement n° 823/2000. Toutefois, avant l'adoption définitive du règlement modifiant le règlement (CE) n° 823/2000, la Commission a souhaité consulter les parties intéressées au début de 2005.
Il convient de rappeler que cette révision intervient parallèlement à celle du règlement (CEE) n° 4056/86 déterminant les modalités d'application des règles européennes de concurrence aux transports maritimes (N° Lexbase : L8818AU7) (et notamment l'application de l'exemption par catégorie en faveur des conférences maritimes) (6). Ces deux règlements sont liés du fait que de nombreux consortiums évoluent au sein de conférences maritimes.
Le règlement n° 1617/93 de la Commission, du 25 juin 1993, prévoyant une exemption par catégorie pour les transports aériens de passagers (conférences tarifaires de l'IATA) arrive à expiration le 30 juin 2005 (N° Lexbase : L2260G89). Ce règlement a déjà été modifié deux fois, en 1996 et en 1999.
Il prévoit l'application de l'article 81, paragraphe 3, (ancien article 85 paragraphe 3) du Traité à certaines catégories d'accords et de pratiques concertées qui concernent la planification conjointe et la coordination des horaires, l'exploitation de services en commun, les consultations tarifaires pour le transport de passagers et de fret sur les services aériens réguliers et la répartition des horaires dans les aéroports.
La Commission avait déjà lancé, le 30 juin 2004, une consultation publique en vue d'une éventuelle révision de ce règlement (7).
Avec le lancement d'une nouvelle consultation, le 3 mars 2005, la Commission souhaite revenir sur les points qui ont suscité des réponses divergentes lors de la consultation précédente, et particulièrement sur l'exemption accordée aux conférences tarifaires de IATA. La Commission cherche notamment à savoir si ces conférences continuent de remplir les quatre conditions cumulatives posées au paragraphe 3 de l'article 81 du Traité.
Ce projet de lignes directrices fait suite à la décision de la Commission concernant l'aéroport de Charleroi, rendue en février 2004 (9), laquelle a autorisé les aides d'Etat au démarrage pour Ryanair, mais qui, en contrepartie, a fixé des conditions précises pour encadrer de telles autorisations.
L'objectif de ces lignes directrices est d'assurer des conditions de concurrence équitables pour les aéroports régionaux.
Le projet de lignes directrices propose des règles encadrant l'octroi d'aides d'Etat au démarrage pour les compagnies aériennes, et notamment pour les compagnies à "bas coût", au départ d'aéroports régionaux. Ce projet permet d'apporter davantage de transparence et de concilier le développement régional avec le respect des règles de concurrence.
La Commission doit, en effet, veiller à ce que les avantages octroyés au démarrage aux compagnies aériennes (au départ d'aéroports régionaux) ne soient pas source de discrimination entre opérateurs aéroportuaires et entre compagnies aériennes.
Le projet prévoit que seuls les aéroports régionaux dont le trafic annuel est inférieur à 5 millions de passagers par an pourraient bénéficier des aides au démarrage. Selon la Commission, ces aides ne seraient pas justifiées pour les grands aéroports (plus de 10 millions de passagers annuels) et pourraient être accordées, de manière exceptionnelle, aux aéroports de taille moyenne (entre 5 et 10 millions de passagers).
En outre, les aides seraient octroyées uniquement pour l'ouverture de nouvelles lignes ou de nouvelles fréquences. Elles ne couvriraient pas tous les coûts de lancement d'une nouvelle ligne, seuls seraient concernés les coûts additionnels tels que les dépenses de marketing et de publicité ou les frais d'installation de la compagnie aérienne. Le projet prévoit une restriction de ces aides à 50 % des coûts additionnels sur une période de 5 ans pour les plus petits aéroports, dans des régions particulièrement défavorisées. Dans la plupart des cas, les aides couvriraient 30 à 50 % des coûts additionnels de démarrage sur une période de trois ans maximum.
Les lignes directrices proposées s'attachent également à préciser les modalités de financement des infrastructures aéroportuaires.
La communication sur les aides d'Etat et le capital-investissement a été adoptée le 21 août 2001 pour une durée de cinq ans (11).
La question de la révision de la communication AECI a été évoquée, en avril 2004, à l'occasion de la communication sur une politique de concurrence proactive pour une Europe compétitive (12). Elle s'inscrit dans le cadre plus général d'une révision de certains documents relatifs aux aides d'Etat.
Selon la Commission, la communication AECI a permis aux Etats membres de favoriser l'apport de capitaux aux PME en partenariat avec des investisseurs privés. La Commission souhaite, à l'occasion de la révision de cette communication, introduire davantage de souplesse dans l'octroi de ce type de financement.
Jacques-Philippe Gunther, Jérôme Philippe, Associés
Pascal Belmin, Charlotte Breuvart, Olivier Cavézian, Charlotte-Mai Dorémus, Yaël Ginzburg, Adrien Giraud, Mathilde Mason, Chloé Mathonnière, Marie Potel, Dan Roskis, David Tayar, Faustine Viala, Avocats à la Cour
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:73394
Réf. : CE 9° et 10° s-s., 1er avril 2005, n° 267946, Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie c/ Société anonyme Surca (N° Lexbase : A4411DHT) et n° 262687, SA Ecosita c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie (N° Lexbase : A4377DHL)
Lecture: 6 min
N3395AIL
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Sophie Duval, Juriste-fiscaliste
Le 07 Octobre 2010
1. Les mécanismes généraux du dégrèvement
Tous les redevables de la taxe professionnelle qui en font la demande, à l'exception de ceux assujettis à la seule cotisation minimum, peuvent bénéficier d'un plafonnement de leurs cotisations par rapport à la valeur ajoutée qu'ils produisent.
Leur cotisation de taxe professionnelle est, alors, plafonnée à un pourcentage de la valeur ajoutée produite par l'entreprise au cours de l'année au titre de laquelle l'imposition est établie, ou au cours du dernier exercice de douze mois clos au cours de cette même année, lorsque cet exercice ne coïncide pas avec l'année civile.
Le taux de plafonnement est fixé à 3,5 % de la valeur ajoutée pour les entreprises, dont le chiffre d'affaires de l'année au titre de laquelle le plafonnement est demandé est inférieur à 21 350 000 euros. Il est fixé à 3,8 % de la valeur ajoutée pour celles, dont le chiffre d'affaires est compris entre 21 350 000 euros et 76 225 000 euros et, enfin, pour celles dont le chiffre d'affaires excède cette dernière limite, à 4 %.
La valeur ajoutée servant de base au calcul de ce dégrèvement est indépendante de l'assiette de la TVA. Aux termes des dispositions de l'article 1647 B sexies du CGI (N° Lexbase : L9433G7I), elle se définit comme l'excédent, hors taxe, de la production sur les consommations de biens et de services en provenance de tiers.
Pour les redevables soumis à un régime réel d'imposition, la production de l'exercice est égale à la différence entre :
Quant aux consommations de biens et services en provenance des tiers, celles-ci comprennent les travaux, fournitures et services extérieurs, les frais de transport et de déplacement et les frais de gestion.
Enfin, la valeur ajoutée est déterminée "hors taxe", c'est-à-dire déduction faite des taxes sur le chiffre d'affaires, des contributions indirectes et de la taxe intérieures sur les produits pétroliers.
Cette notion de "hors taxe" a soulevé, dans la pratique, certaines difficultés d'interprétation. Ainsi, la déduction ou non de certaines taxes de la valeur ajoutée a généré des conflits entre les contribuables et l'administration fiscale, qui ont été portés devant les tribunaux.
Les magistrats ont eu, notamment, à se prononcer sur le cas particulier de la taxe sur le stockage des déchets instituée par la loi du 15 juillet 1975 et modifiée par la loi n° 92-646, du 13 juillet 1992 relative à l'élimination des déchets ainsi qu'aux installations classées pour la protection de l'environnement (N° Lexbase : L6247A3R), puis par la loi n° 95-101 du 2 février 1995, relative au renforcement de la protection de l'environnement (N° Lexbase : L8686AGS).
L'article 22-1 de cette loi prévoyait dans sa rédaction applicable aux litiges en cause que "jusqu'au 30 juin 2002, tout exploitant d'une installation de stockage de déchets ménagers et assimilés et tout exploitant d'une installation d'élimination de déchets industriels spéciaux par incinération, coincinération, stockage, traitement physico-chimique ou biologique non exclusivement utilisées pour les déchets que l'entreprise produit, verse à l'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie une taxe de 25 francs (3,9 euros) au 1er janvier 1995, 30 francs (4,6 euros) au 1er janvier 1996, 35 francs (5,3 euros) au 1er janvier 1997, 40 francs (11,2 euros) au 1er janvier 1998 par tonne de déchets réceptionnés.
Le montant de cette taxe est, nonobstant toute clause contraire, répercuté dans le prix fixé dans les contrats conclus par l'exploitant avec les personnes physiques ou morales dont il réceptionne les déchets".
2. Applications jurisprudentielles
2.1. Position de la cour administrative de Douai
Dans cette affaire, la contribuable, dont l'activité est la collecte et le traitement des déchets industriels et ménagers, contestait la position de l'administration fiscale, qui avait estimé, pour le calcul de la valeur ajoutée, qu'il n'y avait pas lieu d'exclure le montant de la taxe sur le stockage des déchets acquittée par la société requérante. Cette dernière demandait, en conséquence, la décharge des suppléments de taxe professionnelle qu'entraînait pour elle la non déduction de cette taxe.
Pour rejeter cette demande de décharge, la cour administrative de Douai avait considéré que l'excédent "hors taxe" de la production sur les consommations de biens et de services en provenance de tiers devait s'entendre après déduction, pour les produits, des impôts et taxes qui frappent directement le prix des biens et des services. Par ailleurs, elle estimait que la taxe sur le stockage des déchets, nonobstant la circonstance qu'elle était calculée sur le tonnage de déchets réceptionnés, ne frappait pas directement le prix des biens et des services.
Il est à noter que les magistrats de la cour administrative d'appel de Douai ont réaffirmé, une quinzaine de jours plus tard, leur interprétation stricte de l'article 1647 B sexies du CGI, en jugeant dans une seconde espèce, que les taxes et impôts n'étant pas assimilables à des consommations de biens et services en provenance de tiers, ils ne devaient être déduits de la valeur ajoutée produite par l'entreprise et prise en compte pour le plafonnement de la taxe (CAA Douai, 2ème ch. 28 octobre 2003, n° 00DA00802, SA Transport Mallet N° Lexbase : A3304DAM).
2.2. Position de la cour administrative d'appel de Bordeaux
La cour administrative d'appel de Bordeaux s'est positionnée différemment dans une affaire similaire. En effet, elle a estimé que la taxe sur le stockage des déchets étant perçue à l'occasion de la réception des déchets dans l'installation de stockage ou d'élimination des déchets et ayant pour assiette le tonnage de déchets réceptionnés, le montant de cette taxe était, donc, obligatoirement supporté par le bénéficiaire de la prestation assurée par l'exploitant d'une telle installation, lequel se bornait, dès lors, à collecter ladite taxe.
Dans ces conditions, la cour a jugé que cette taxe devait être regardée, quand bien même elle ne figurait pas dans la liste des droits indirects donnée par le titre III du CGI, comme présentant le caractère d'une contribution indirecte devant être exclue de la valeur ajoutée à prendre en compte pour calculer le plafonnement de taxe professionnelle, auquel a droit l'exploitant de l'installation sur le fondement des dispositions précitées de l'article 1647 B sexies du CGI.
2.3. Décision du Conseil d'Etat
Pour le Conseil d'Etat, il résulte des termes de l'article 1647 B sexies du CGI que l'excédent de la production sur les consommations en provenance de tiers, qu'il convient de retenir pour calculer la valeur ajoutée en fonction de laquelle les cotisations de taxe professionnelle sont plafonnées, est déterminé après déduction, non seulement, de la taxe sur la valeur ajoutée, mais, également, des taxes grevant le prix de biens et des services vendus par l'entreprise.
En outre, le montant de la taxe sur le stockage des déchets est obligatoirement supporté par le bénéficiaire de la prestation assurée par l'exploitant de l'installation de stockage.
Confirmant la position de la cour administrative de Bordeaux, la Haute cour considère, ainsi, que cette taxe, du fait de sa nature et de son régime, est au nombre de celles qui doivent être exclues de la valeur ajoutée, même si elle ne figurait pas dans la liste des droits indirects mentionnée au titre III du CGI.
Au-delà du cas spécifique de cette taxe, qui a déjà des conséquences pratiques importantes pour les entreprises du secteur du traitement des déchets, le Conseil d'Etat, à l'occasion de ces arrêts, opte définitivement pour une définition large des contributions indirectes à déduire de la valeur ajoutée pour le plafonnement de la taxe professionnelle.
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:73395