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N3148AIG
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par D. M.
Le 07 Octobre 2010
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Réf. : Ass. plén., 4 mars 2005, n° 03-11.725, M. Hubert Van Haare Heijmeijer c/ Société AXA Bank (N° Lexbase : A2016DH7)
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N3082AIY
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par Jean-Pierre Arrighi, Professeur à l'Université de Nice-Sophia Antipolis
Le 07 Octobre 2010
C'est dans ce contexte que l'Assemblée plénière de la Cour de cassation est venue apporter sa réponse par un important arrêt en date du 4 mars 2005 qui décide que "la seule méconnaissance par un établissement de crédit de l'exigence d'agrément [...] n'est pas de nature à entraîner la nullité des contrats qu'il a conclus" (5). Certes, la décision affirme nettement que les actes juridiques accomplis hors agrément ne peuvent encourir l'annulation ; cependant le contenu de la solution n'est pas aussi évident que ne le laisse paraître sa formulation. La nullité ne se trouve refoulée qu'en raison de "la seule méconnaissance [....] de l'exigence d'agrément", ce qui laisse entendre qu'elle peut se maintenir dans les autres cas.
I - Le refoulement de la nullité
A la question de savoir, si le fait d'exercer une activité bancaire en dehors de tout agrément pouvait entraîner l'annulation des actes accomplis, la réponse de la Cour de cassation s'est faite de manière divergente tant sur la solution que sur le fondement sur lequel elle repose.
A - La première chambre civile s'est positionnée sur le refus d'annulation des actes accomplis de manière illicite par rapport à la réglementation bancaire (6) en considérant que l'exercice illégal de la profession de banquier ne porte "atteinte qu'à l'intérêt général et à celui de la profession de banquier que la loi a voulu protéger". La première chambre civile refusa encore l'annulation, quelques années plus tard, en réaffirmant que la finalité de la réglementation bancaire se trouve dans la protection du seul intérêt général (7).
Dans le même sens, la Chambre criminelle s'est prononcée pour l'irrecevabilité d'une constitution de partie civile visant l'exercice illégal de la profession de banquier au motif "qu'un tel fait ne porte atteinte, qu'à l'intérêt général et à celui de la profession de banquier que la loi a voulu protéger ; qu'il n'est pas susceptible, en lui-même, de constituer la cause génératrice du préjudice" (8). Mais par la suite, la Chambre criminelle a fait évoluer le fondement de l'irrecevabilité vers le seul défaut du lien de causalité ou, du moins, le caractère trop indirect du préjudice (9).
Quant à la Chambre commerciale, elle prenait une position inverse en annulant des conventions de crédit-bail conclues avec une société qui n'avait pas la qualité d'établissement de crédit, en considérant que "l'interdiction pesant sur toute personne autre qu'un établissement de crédit d'effectuer à titre habituel des opérations de crédit-bail protège, non seulement l'intérêt général et celui des établissements de crédit, mais aussi celui des crédit-preneurs" (10).
B - Les positions respectives des différentes chambres se démarquaient par rapport à l'analyse qu'elles faisaient de la finalité d'une sanction civile.
Pour la première chambre civile, ainsi que pour la Chambre criminelle au moins dans un premier temps, le refus d'une sanction civile de l'exercice illégal de l'activité bancaire se fonde sur la protection de l'intérêt général, en ce sens que tous les intérêts sont censés être pris en compte pour donner une résultante qui dispense les particuliers d'une protection spécifique et les prive, ainsi, d'un intérêt à agir. Le refus trouve, également, son fondement dans la protection de la profession bancaire telle que voulue par le législateur, notamment par le monopole bancaire. Mais cette conception de la finalité ignore manifestement un pan important de la réglementation bancaire en général et de l'exigence d'un agrément en particulier, celui qui concourt à la protection de la clientèle. En effet, la réglementation bancaire, en plus de l'organisation de la profession, a pour objet d'établir une double stabilité financière : celle de l'établissement concerné et, plus généralement, celle du système bancaire. Toute la réglementation prudentielle se développe pour satisfaire ces objectifs et prévenir la défaillance des établissements et, au-delà, le risque systémique. Sa fonction est perçue par la première chambre de manière monovalente. Aussi, directement et indirectement, cette stabilité profite à la clientèle. Mais il est vrai aussi que, dans cet ensemble, la protection de la clientèle se trouve modestement assurée par l'intervention d'un fonds de garantie des dépôts (C. mon. fin., art. L. 312-4 N° Lexbase : L6409DI9) et d'un fonds de garantie des titres (C. mon. fin., art. L. 322-1 N° Lexbase : L4974DZA), qui assure, en cas d'indisponibilité des dépôts ou des titres, une indemnisation à concurrence d'un plafond de 70 000 euros (11). Cette faible prise en compte de l'intérêt de la clientèle pourrait, s'il le fallait, justifier amplement que l'action en nullité lui soit ouverte.
En contrechamp, la Chambre commerciale développe une analyse plus large dans laquelle la réglementation bancaire a, certes, pour fonction d'assurer la protection de l'intérêt général et la stabilité de chaque établissement de crédit, mais également, de procurer à la clientèle la protection de ses intérêts particuliers. Cette finalité bivalente qui lui est attribuée donne ainsi aux clients la possibilité de demander la nullité des actes qu'ils ont conclus avec leur banque sur la base d'un manquement à la réglementation et, en l'espèce, d'un défaut d'agrément. La nullité doit, alors, être perçue comme une nullité de protection, en conséquence de quoi le droit de critique se trouve attribué à ceux qui méritent d'être protégés et son régime correspond à celui de la nullité relative, ce qui interdit à l'établissement d'invoquer son non-respect de la réglementation (12). Au demeurant, il n'est pas sûr que l'on soit en présence d'un droit de critique homogène. Il semblerait même, au contraire, que la protection de l'intérêt général produise sa propre sanction, indépendamment de celle mise en oeuvre pour la protection des particuliers. En d'autres termes, la nullité pourrait se révéler distributive selon la finalité de la réglementation à laquelle elle se rattache : relative pour garantir la protection de la clientèle, et absolue pour assurer la sécurité du système bancaire.
En présence de ces deux conceptions opposées, l'Assemblée plénière s'est prononcée dans le sens d'un refus de la nullité comme sanction des contrats conclus lorsque l'exigence d'agrément n'a pas été respectée. Ce faisant, elle semble considérer implicitement que la finalité de la réglementation en ce domaine concerne la seule protection de la profession bancaire et qu'elle n'est pas de protéger le public. Toutefois, la solution adoptée se trouve assortie d'une réserve qui atténue singulièrement cette impression et laisse un champ d'intervention ouvert à la nullité.
II - La persistance de la nullité
Pour contrer les demandes d'annulation des opérations consenties sur le territoire français par des établissements de crédit étrangers, l'un des moyens a été de porter le débat sur la contradiction entre l'obligation d'agrément national et l'article 59 du Traité CEE (devenu l'article 49 du Traité CE N° Lexbase : L5359BCH) dont l'objet vise à éliminer les restrictions à la libre prestation de services émanant de personnes non établies dans l'Etat où la prestation est assurée. Cette argumentation ayant eu l'écoute de certaines juridictions du fond (13), la Cour de cassation (14) a saisi, par voie préjudicielle, la Cour de justice des Communautés européennes afin de savoir dans quelle mesure l'exigence d'un agrément, à l'égard d'un prestataire de services bancaires étranger, pouvait ne pas être conforme au droit communautaire pour la période précédant la deuxième directive bancaire. En apportant les éléments d'analyse nécessaires, la Cour de justice allait, non seulement, permettre de résoudre l'opposition entre les deux chambres de la Cour de cassation, mais également de développer une solution nuancée.
A - La Cour de justice, dans son arrêt du 9 juillet 1997 (15), a rappelé que "si l'exigence d'un agrément constitue une restriction à la libre prestation de services, l'exigence d'un établissement stable est en fait la négation même de cette liberté" et "pour qu'une telle exigence soit admise, il faut établir qu'elle constitue une condition indispensable pour atteindre l'objectif recherché" (16). Dans son dispositif, la Cour énonce que "l'article 59 du Traité CEE doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à ce qu'un Etat membre impose à un établissement de crédit, déjà agréé dans un autre Etat membre, d'obtenir un agrément [...], à moins que cet agrément
- s'impose à toute personne ou à toute société exerçant une telle activité,
- soit justifié par des raisons liées à l'intérêt général telles que la protection des consommateurs, et
- soit objectivement nécessaire pour assurer le respect des règles applicables dans le secteur considéré et pour protéger les intérêts que ces règles ont pour but de sauvegarder, étant entendu que le même résultat ne pourrait pas être obtenu par des règles moins contraignantes".
Il revenait aux juges français d'appliquer cette grille d'analyse.
De nouveau saisie, la Chambre commerciale de la Cour de cassation considéra, dans un arrêt du 20 octobre 1998 (17), qu'à l'époque du litige, l'agrément prévu par loi bancaire était conforme aux trois conditions exigées par l'arrêt de la Cour de justice ; elle cassa, en conséquence, l'arrêt déféré. Mais la cour de renvoi résista, en considérant que la législation française était allée au-delà de ce qui était objectivement nécessaire pour protéger les intérêts qu'elle avait pour but de sauvegarder et qu'elle était, dès lors, incompatible avec le droit communautaire (18). De son côté, la Chambre commerciale réitérait la position qu'elle avait adoptée dans sa décision du 20 octobre 1998 (19).
Par son arrêt du 4 mars 2005, l'Assemblée plénière de la Cour de cassation brise l'obstination de la Chambre commerciale. Sur la base des analyses de la Cour de justice qu'elle fait sienne, elle approuve les juges du fond d'avoir jugé que l'établissement étranger "répondait à des règles prudentielles en tout point comparable aux exigences", qu'il se trouvait soumis dans son pays "à la surveillance d'une autorité de contrôle bancaire, elle-même tenue, [...], à une obligation de collaboration avec les autorités compétentes des autres Etats membres ; que l'implantation d'une succursale de cet organisme sur le territoire français n'aurait pas été de nature à assurer une meilleure protection aux emprunteurs".
Il résulte de ces motifs que, pour la période antérieure à l'entrée en vigueur de la deuxième directive bancaire, l'absence d'agrément n'interdisait pas à un établissement bancaire étranger d'exercer son activité en France, dès lors que la réglementation de l'Etat membre dont il relevait, répondrait à des règles et une surveillance prudentielles ayant un niveau d'exigences comparable au droit français. A fortiori, le principe de l'agrément unique, instauré par la seconde directive, autorise l'établissement d'un Etat membre à exercer librement son activité sous le régime de la liberté d'établissement (20).
L'agrément détermine l'accès à la profession bancaire. A ce stade, le Comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissement, ou son homologue d'un autre Etat membre, vérifie que la personne voulant exercer cette activité possède bien les conditions requises pour exercer une activité bancaire : conformité de l'activité envisagée avec l'objet d'un agrément, adéquation de la forme juridique à l'activité, possession des moyens techniques et financiers, qualité de l'actionnariat et des dirigeants (21). Autant de conditions qui sont exigées afin d'assurer la stabilité de l'établissement et plus généralement celle du système bancaire (22). Mais cette finalité se trouve également accomplie sur le plan national lorsque l'accès à la profession a été contrôlé et accepté par l'autorité bancaire d'un autre Etat membre de la Communauté européenne (23). En d'autres termes, l'agrément national donne, également, accès au marché communautaire. L'essentiel est d'exiger qu'un établissement remplisse substantiellement les conditions requises pour accéder à la profession, car elles permettent son exercice conformément aux finalités du contrôle. L'obtention formelle d'un agrément national ne présente plus la même nécessité, par rapport à celles-ci, dès lors que le contrôle a été effectué ailleurs dans l'espace communautaire avec des conditions équivalentes et reconnues.
B - A partir de ces éléments, la lecture du rejet de la nullité comme sanction du défaut d'agrément prend une dimension relative. En effet, l'Assemblée plénière a bien précisé que la seule méconnaissance de l'exigence d'agrément ne permettait pas d'annuler les contrats conclus. La formulation utilisée doit pouvoir, au regard des développements qui précèdent, s'interpréter de la façon suivante. Si, malgré le défaut formel d'agrément, l'établissement concerné répond substantiellement aux conditions d'accès à la profession bancaire, la nullité ne peut alors constituer la sanction adéquate de l'exigence d'agrément du fait de son absence de cause. La protection du public et la stabilité du système bancaire se trouvent, en effet, assurées par la réalité des conditions d'accès à la profession, en dehors même d'un constat formel de ses éléments. Ou alors, l'établissement ne remplit pas les conditions exigées et, dans ce cas, l'annulation peut, alors, constituer la sanction civile de ces manquements à la réglementation bancaire.
En effet, passé le contrôle des conditions d'accès à la profession bancaire par le moyen de l'agrément, l'exercice de la profession s'effectue dans le cadre précis du monopole bancaire qui se subdivise en monopole des opérations de banque et en monopole de la réception des fonds du public (C. mon. fin., art. L. 511-5) (24). Dans sa globalité, le monopole repose sur le double fondement, d'une part, du contrôle du crédit et donc du système financier dans son ensemble, et, d'autre part, de la protection des déposants (25). Dès lors que les conditions requises pour l'agrément (26), ne sont pas remplies ou maintenues, le monopole se trouve enfreint. En conséquence, tout manquement au monopole bancaire constitue une atteinte à l'ordre public économique et spécialement à l'ordre public de direction (27). La sanction des actes constitutifs de cette atteinte intervient par le moyen de la nullité absolue (28), ce qui rend le droit de critique ouvert à toutes personnes ayant un intérêt à agir sans avoir à rechercher si l'action intervient pour défendre un intérêt particulier ou un intérêt général. La nullité absolue vient alors sanctionner de manière radicale les conséquences civiles d'une atteinte substantielle au monopole bancaire, notamment, lorsqu'elle émane d'un défaut d'agrément.
En somme, si la nullité ne peut constituer la sanction civile du défaut formel d'agrément, comme l'indique l'arrêt de l'Assemblée plénière de la Cour de cassation du 4 mars 2005, elle doit en revanche subsister pour sanctionner les manquements aux conditions essentielles de l'accès à la profession bancaire, car ces conditions correspondent étroitement aux finalités de l'agrément, et, par là même, à l'exercice de l'activité de banque protégée par un monopole.
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Réf. : CE 9° et 10° s-s., 30 mars 2005, n° 230053, Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie c/ M. Vilatte (N° Lexbase : A4313DH9)
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N3084AI3
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par F. G. D. B.
Le 07 Octobre 2010
1. Une nouvelle illustration jurisprudentielle de la notion conventionnelle de "base fixe"
La "base fixe" est le critère d'imposition des activités non-commerciales le plus répandu au sein du corpus des conventions fiscales bilatérales auxquelles la France est partie. Pour cause, c'est le modèle OCDE qui, en 1959, introduit ce concept afin de le distinguer de celui, plus connu, "d'établissement stable", aujourd'hui, associé aux revenus industriels et commerciaux. Toutefois, une fois cette distinction opérée, il restait à déterminer ce qui caractérisait intrinsèquement une "base fixe". Le commentaire n° 4 du Comité des affaires fiscales de l'OCDE précise, ainsi, qu'il s'agit d'un "centre d'activités présentant certains caractères de fixité et de permanence". Dans le même sens, l'administration fiscale française tend à rapprocher cette notion de celle "d'installation professionnelle permanente" mentionnée à l'article 182 B du CGI afférent à la retenue à la source : ainsi, sous réserve des dispositions des conventions internationales, les bénéfices non commerciaux versés pour une activité déployée en France sont imposables en France lorsqu'ils sont rattachables à une installation professionnelle permanente en France ou lorsque le débiteur de ces produits y exerce une activité (Doc. adm. 4 H 1413, du 1er mars 1995, n° 53). Mais, la documentation administrative demeure, parfois, ambiguë sur ce concept en précisant, par ailleurs, que, pour les personnes exerçant une activité non salariée, il convient de rechercher si elles ont en France un point d'attache fixe, un établissement stable ou une exploitation et si la majeure partie de leurs profits s'y rattache (Doc. adm. 5 B 1121, du 1er septembre 1999, n° 13). En conséquence, la définition de la "base fixe" demeure assez "floue" et s'apprécie volontiers à l'orée de la jurisprudence (Guy Gest et Gilbert Tixier, Droit fiscal international, PUF, 2ème éd., p. 235).
Dans l'espèce ici rapportée, un contribuable exerçait sa profession d'avocat en Angleterre et en France. Toutefois, ayant le siège de son activité professionnelle en Grande-Bretagne, il était considéré comme résident fiscal de ce pays, même s'il disposait, par ailleurs, pendant les exercices concernés et pour les besoins de ses relations professionnelles avec des clients français, d'un bureau situé dans le ressort du centre des impôts de Paris Ouest. Enfin, il détenait un compte bancaire domicilié à cette adresse, sur lequel était versée une partie de ses honoraires provenant de son activité exercée en France. Aussi, à la lumière de la définition esquissée précédemment et de la jurisprudence déjà publiée sur cette notion, le Haut conseil a jugé que ce local parisien était effectivement utilisé pour recevoir les clients et constituait, ainsi, une base fixe d'imposition en France des revenus français de l'activité d'avocat.
On notera que le juge administratif avait, déjà, reconnu la qualification de "base fixe" à un domicile professionnel dans les locaux de la Chambre française de commerce et d'industrie en Algérie, incluant la mise à disposition d'un bureau avec secrétariat et usage de la ligne téléphonique pour un agent commercial (CAA Marseille, 3ème ch., 16 mars 2003, n° 99MA00858, M. ou Mme Nicolas Kloranis c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A8268DAH) ; à un local parisien, où étaient entreposés le matériel et l'équipement nécessaires à l'activité de styliste-conseil (CE Contentieux, 1er octobre 2001, n° 214463, Mme de Solages c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A4413AWD) ; ou plus généralement, à un local jouant un rôle déterminant pour la réalisation des opérations génératrices des revenus imposables (CAA Lyon, 4ème ch., 6 avril 1993, n° 92LY00029, Giudice c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, Mentionné dans les tables du Recueil Lebon N° Lexbase : A9318BET). C'est sur la base de cette définition large de la "base fixe" que les juges de Paris ont conclu à l'existence d'une telle base située en France, en constatant que la plupart des factures et des correspondances professionnelles d'un contribuable étaient établies à Paris, à destination d'entreprises situées en majorité en France, et qu'en outre, le règlement de la quasi-totalité de ses honoraires avait été effectué sur ses comptes bancaires français (CAA Paris, 2ème ch., 1er mars 2001, n° 96PA02923, Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie c/ M. Bernard Lacroix N° Lexbase : A7268BHN). Entre centre des intérêts professionnels, des intérêts économiques, établissements stables, point fixe et installation professionnelle permanente, le juge apprécie au cas par cas la notion de "base fixe".
Reconnaissant l'existence d'une base fixe en France, le Conseil d'Etat, au travers de l'arrêt du 30 mars dernier, poursuit son raisonnement et applique au non-résident les dispositions de l'article 40 A de l'annexe III au CGI et non celle de l'article 01 de l'annexe IV du même code . Ainsi, tout non-résident qu'il soit, un contribuable qui dispose d'une base fixe en France pour exercer une activité non commerciale, indépendante ou libérale doit, sur la base de l'article 170 du CGI (N° Lexbase : L9310G7X), comme les résidents français, déclarer les revenus ainsi perçus au centre des impôts, dont dépend le lieu d'exercice de cette activité et non "rue d'Uzès", où se situe le centre des impôts des non-résidents.
Aussi, dès lors que les obligations déclaratives associées à l'exercice d'une activité d'avocat, d'architecte, d'agent commercial, de styliste ou de géomètre... bref, d'une activité indépendante ou libérale (à l'exclusion des professionnels du spectacle et des sportifs - CAA Paris, 5ème ch., 19 avril 2004, n° 00PA02248, M. Charles Aznavour c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A1026DEQ), par le truchement d'une base fixe en France, sont identiques à celles exercées par un résident français, on comprend que le juge administratif entende appliquer aux contribuables non-résidents, mais imposables en France à raison de certains revenus non-commerciaux, l'ensemble des dispositions relatives au contrôle fiscal, au nombre desquelles figure la procédure d'évaluation d'office.
2. L'application aux non-résidents de la procédure de rectification d'office
Le deuxième enseignement de l'arrêt ici rapporté ne fait que confirmer une position, somme toute logique, et déjà implicitement admise par les juges du fonds (CAA Paris, 3e ch., 27 février 1996, n° 92PA00540, Uhlrich c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, Mentionné dans les tables du Recueil Lebon N° Lexbase : A0056AXD ; CAA Marseille, 3ème ch., 28 février 2002, n° 98MA01045, M. Alain Corellou c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A4638AZS), à savoir que la procédure prévue à l'article L. 73 du LPF (N° Lexbase : L1388DP4) s'applique indistinctement à l'ensemble des contribuables qui doivent, en vertu des textes en vigueur, acquitter une imposition en France, qu'ils soient résidents ou non-résidents. Par conséquent, les dispositions du 2° de l'article L. 73 ne méconnaissent pas le principe général de non-discrimination entre résidents des divers Etats membres de l'Union européenne figurant à l'article 12 du Traité CE .
Rappelons qu'au cas particulier, malgré plusieurs mises en demeure, le contribuable n'avait déposé, dans le délai légal, aucune des déclarations relatives aux revenus tirés de l'activité qu'il avait exercée à partir de la base fixe, dont il disposait en France. Dès lors, l'administration était fondée à mettre en oeuvre à son encontre la procédure d'imposition d'office.
C'est sur la constatation de ce défaut déclaratif que le contribuable a fait l'objet d'une procédure d'office et non sur l'hypothèse d'une opposition au contrôle fiscale ou sur celle d'un défaut de désignation d'un représentant en France, comme le laisse supposer les moyens avancés par le contribuable.
Sur ce dernier point, l'arrêt précise que "la circonstance que les mises en demeure de l'administration fiscale lui auraient été adressées en France et non pas en Angleterre n'est pas de nature à remettre en cause leur régularité, dès lors qu'il résulte [que le contribuable non-résident] doit être regardé comme ayant disposé d'une base fixe en France". En outre, il résulte des termes mêmes de l'article 164 D du CGI que l'administration n'était pas tenue de demander au contribuable non-résident la désignation d'un représentant en France, celle-ci ne demeurant qu'une possibilité offerte à l'administration. Toutefois, en raison de l'intérêt pratique de cette mesure, la doctrine administrative recommande à ces agents, d'inviter, dans tous les cas, les intéressés à procéder à la désignation d'un représentant en France (Doc. adm. 5 B 7125, du 1er juillet 1997). Mais, cette recommandation ne peut dépasser le terme même de la loi qui ne rend pas obligatoire cette désignation. On comprend, dès lors, la frustration du contribuable non-résident qui voyait bien la procédure de rectification orchestrée à son encontre annulée pour défaut de respect des modalités d'envoi des mises en demeures à l'adresse d'un représentant, qui aurait dû être désigné sur demande de l'administration, comme ce fut le cas dans une des affaires précédemment citées (CAA Marseille, 3ème ch., 28 février 2002, n° 98MA01045, M. Alain Corellou c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie).
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Réf. : Avis Conseil de la concurrence n° 05-A-08, 31 mars 2005, relatif à une demande d'avis de la CLCV portant sur les conditions dans lesquelles pourrait être envisagée la mise en place d'un service bancaire de base (N° Lexbase : X0194ADK)
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N3014AIH
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par Jean-Pierre Lehman, Ancien rapporteur au Conseil de la concurrence
Le 07 Octobre 2010
Ainsi, et c'est là ou réside, entre autre, l'intérêt de cet avis du Conseil, celui-ci nous fournit la condition selon laquelle, selon lui, un SU de ce type pourrait être institué en France [point 7] chaque fois que "la non-satisfaction de la demande, au niveau, au prix et selon les modalités requis par les pouvoirs publics, par les seuls mécanismes de marché" ne serait pas assurée. Bien évidemment, il est nécessaire au préalable que les pouvoirs publics aient considéré [point 10] "que le secteur bancaire, lorsqu'il fonctionne selon un mode purement concurrentiel, ne réussit pas [à] assurer une fourniture satisfaisante des besoins en termes de couverture géographique, de qualité et de prix abordable".
Si tel était le choix en France des autorités compétentes une nouvelle question se poserait alors : dans quelles conditions, la mise en place d'un SU bancaire, pourrait-elle être considérée comme licite au regard du droit de la concurrence ?
Première condition pour le Conseil, la transparence doit être respectée. Celle-ci porte, notamment, sur la définition précise des besoins des usagers pour lesquels les SIEG sont envisagés, l'identification juridique de l'entité qui a en charge la livraison de ces services. Enfin ces derniers ayant comme contrepartie d'une obligation de service public pour celui qui les fournit, la mise en place, d'un régulateur en charge de surveiller comment sont remplies lesdites obligations n'est pas à exclure.
Il est à noter qu'à deux reprises le Conseil a déjà eu l'occasion d'aborder par le passé le thème de la mise en oeuvre du SU. Tout d'abord dans son avis du 19 juin 2001 (avis du 19 juin 2001 relatif à une demande d'avis de l'Union fédérale des consommateurs sur les conditions d'une concentration entre les associations de consommateurs et la profession bancaire N° Lexbase : X0276ADL), le Conseil, s'intéressant au niveau de prix, considérait que "le service universel non concurrentiel correspond à un service qui ne peut être rendu par le marché à un prix abordable pour l'ensemble de la population et répondant à certains critères qualitatifs. Cette carence justifie le recours à un financement public, normalement prohibé pour les entreprises opérant sur les marchés concurrentiels. Les questions essentielles relatives au service universel non concurrentiel sont donc d'abord la délimitation de son champ, puis la mesure de son coût et le choix de son mode de financement". Revenant cette fois sur le coût du SU, dans un avis en date cette fois du 21 mai 2003 (avis Conseil de la concurrence n° 03-A-07, 21 mai 2003, relatif à une demande d'avis du ministre de la Culture et de la Communication et de la ministre déléguée à l'industrie concernant un projet de loi relatif aux communications électroniques N° Lexbase : X4779ACY) il précisait alors que "la mise en oeuvre d'obligations de service universel peut soulever des problèmes de concurrence, d'une part, lorsque le coût net de ces obligations est trop élevé ou son mécanisme de financement distorsif et, d'autre part, lorsque des prestations relevant du service universel peuvent être fournies dans des conditions identiques, voire à un tarif moindre, par d'autres opérateurs que ceux désignés pour les fournir".
Pour le Conseil, ici, trois types de mode d'attribution de la fourniture de ce type de services sont alors possibles. Bien évidemment, le choix du prestataire unique ne doit être envisagé que lorsqu'il n'existe pas d'autre solution. Par ailleurs, comme il l'avait déjà suggéré dans son avis du 21 mai 2003, "la mise en oeuvre de procédures d'enchères négatives est susceptible de promouvoir l'efficacité économique dans des secteurs où l'offre est, par définition, limitée". Enfin un mécanisme original dit "pay or play" n'est pas à exclure, elle permet alors à tout opérateur le droit de choisir d'assurer ou non le service universel. En cas de choix négatif de la part d'un opérateur, il n'a plus qu'à participer au financement du SU en versant une quote-part pécuniaire aux opérateurs ayant accepté de fournir le service.
Quatre modes de financement sont finalement envisagés par le Conseil. Le coût du service universel peut tout d'abord être assumé par l'Etat lui-même par des subventions ou des avantages financiers (y compris les réductions d'impôt). Cette solution a la préférence du Conseil qui retient également comme alternative l'octroi d'une concession au prestataire du service universel. Ce dernier peut aussi être financé par prélèvement sur les opérateurs du secteur. Dans ce cas, un fonds de financement du SU est mis en place. Ce fonds, qui est alimenté au moyen de contributions de tous les opérateurs, est utilisé pour effectuer des transferts à destination du ou des prestataires des obligations de service universel. Enfin un système de subventions croisées n'est pas à exclure lorsque l'opérateur ayant en charge le SU ne bénéficie d'aucune compensation. Dans ce cas de figure le coût du SU est financé par un système de subventions croisées, c'est-à-dire, in fine, par la sur-tarification de services non compris dans le service universel.
En conclusion [point 77], le Conseil insiste sur le fait, "que si le sujet du service universel a été largement étudié par la théorie économique et que les principaux défauts des diverses solutions sont bien connus, il n'existe pas, pour autant, de modèle unique de service universel. Il est donc non seulement possible mais également souhaitable d'un point de vue de l'efficacité économique, d'adapter le dispositif aux conditions objectives du marché national et de faire preuve d'originalité, chaque fois que cela apparaît nécessaire, dans le choix des solutions retenues".
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N3078AIT
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Le 07 Octobre 2010
8 h 15 - Accueil
8 h 30 - Introduction, de M. Patrick Dibout, avocat professeur agrégé à l'Université de Paris II
- Point de vue d'un chef d'entreprise, de Georges Nectoux, membre de la CCI de Paris
- Les prix de transfert : un terrain pour de nouvelles relations entre les contribuables et l'administration, de Jean-Louis Gauthier, directeur général des impôts, sous-directeur du contrôle fiscal
- Vers une documentation unifiée : restitution des travaux du Forum Européen sur les prix de transfert, de Guy Kersch, vice-président du Forum Européen sur les prix de transfert, tax counsel - Europe, Pfizer
- Témoignage, de Thibaud de la Chaussée, directeur fiscal, Société Bic
- La résolution des doubles impositions, de Pascal Saint-Amans, Direction de la Législation Fiscale, chef du bureau des affaires internationales
- Les nouvelles dispositions en matière d'accords préalables : l'APP nouveau est-il arrivé ?, de Sabine Wahl-Moriarty, avocat-directeur, département prix de transfert
- Contraintes opérationnelles et fiscales des transactions intra-groupe : un mariage de raison ?, d'Antoine Glaize, avocat-associé, responsable du département prix de transfert
10 h 25 - Conclusions, questions-réponses
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Réf. : Cass. crim., 9 mars 2005, n° 04-81.460, Koralewski Jean-Rémy c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, F-P+F (N° Lexbase : A4601DHU)
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N3147AIE
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par S. D.
Le 07 Octobre 2010
1. La caractérisation des éléments matériel et intentionnel de l'infraction de fraude fiscale
Le premier moyen soulevé par le requérant reprochait à la cour d'appel de Bordeaux d'avoir omis de distinguer les différents chefs de poursuites, et, partant de n'avoir pas caractérisé les éléments matériel et intentionnel de chaque infraction.
Aux termes des dispositions de l'article 1741 du CGI , le délit de fraude fiscale consiste dans le fait de se soustraire frauduleusement ou de tenter de se soustraire frauduleusement à l'établissement ou au paiement total ou partiel des impôts régis par le CGI. La preuve du caractère intentionnel de cette infraction est expressément exigée par l'article L. 227 du LPF (N° Lexbase : L8326AE4). Toutefois, et conformément au principe général de droit pénal selon lequel tout accusé est présumé innocent, il appartient aux parties poursuivantes, à savoir au ministère public et à l'administration fiscale, de rapporter la preuve de la participation personnelle du prévenu et du caractère intentionnel de ses agissements. A cette fin, ils disposent de tous les modes de preuve susceptibles de former l'intime conviction du juge, le principal étant d'établir que l'auteur a agi volontairement ou sciemment (Cass. crim., 10 janvier 1994, n° 93-80.599, Morel Jean-Pierre c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A3641AZU).
Les personnes punissables de ce délit sont, bien évidemment, les auteurs principaux de la fraude qui, pour les personnes physiques, sont les contribuables eux-mêmes et, dans le cas des personnes morales, les dirigeants de droit (Cass. crim., 13 mars 1997, n° 96-81.081, Thirion Edgard N° Lexbase : A1132ACW) ou de fait ayant commis l'infraction, mais aussi leurs complices, c'est-à-dire les personnes qui se sont sciemment associés à l'infraction par provocation, instruction, fourniture de moyens, aide ou assistance .
Il est à noter que la Cour de cassation s'est souvent prononcée pour une responsabilité "quasi-automatique" des dirigeants de sociétés (Cass. crim., 14 novembre 1994, n° 93-81.294, Reumaux Emmanuel c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A2581AZM). Pourtant, dans une décision en date de 1982, elle avait jugé que la responsabilité du chef d'entreprise ne pouvait être déduite de la seule qualité de dirigeant légal, alors que le prévenu alléguait qu'il n'avait jamais exercé effectivement les fonctions de gérant (Cass. crim., 21 juin 1982, n° 81-93586, Santini c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, publié au bulletin, Cassation partielle N° Lexbase : A4313CIL). En l'espèce, le requérant reprochait aux juges d'appel d'avoir considéré que la qualité d'actionnaire majoritaire ou de "fondé de pouvoir" suffisait à caractériser une quelconque gestion de fait.
Quant au délit d'omission d'écritures ou de passation d'écritures inexactes ou fictives prévu à l'article 1743-1° du CGI , il constitue une infraction distincte du délit de fraude fiscale, lorsqu'il est poursuivi principalement. En conséquence, ce délit est caractérisé, dès lors que se trouvent réunis ses éléments constitutifs propres, sans qu'il soit nécessaire que son auteur ait poursuivi la réalisation d'une fraude fiscale. Autrement dit, seule doit être établie l'intention du prévenu d'omettre de passer des écritures ou passé ou fait passer, des écritures inexactes ou fictives (Cass. crim., 28 novembre 1994, n° 93-85865, Ivars Jean-Michel c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, publié au bulletin, Rejet N° Lexbase : A3890CKB).
2. Le respect du principe de l'indépendance de la procédure pénale et de la procédure administrative
Le second moyen invoqué était afférent au principe d'indépendance des instances fiscales et pénales. Selon celui-ci, la cour d'appel avait refusé, au cas d'espèce, d'examiner les pièces et les documents fournis par le prévenu pour démontrer l'existence d'une comptabilité régulière et l'absence d'obligation de déclarer tel ou tel revenu, au motif que ces éléments n'auraient pas été produits au cours de l'instance fiscale. Or, s'il est vrai qu'il n'appartient pas au juge pénal de faire le calcul de l'impôt (il peut néanmoins, apprécier, dans certains cas, si le prévenu à la qualité d'assujetti au regard de la TVA ou bien la qualité de résident français, voir pour exemple, Cass. crim., 29 mars 1989, n° 87-81891, Rey Pierre c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, publié au bulletin, rejet N° Lexbase : A4201CKS), il doit principalement veiller à relever l'élément intentionnel constitutif du délit (Cass. crim., 29 mars 1989, n° 87-81891, Rey Pierre c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, précité). Il convient, donc, aux juridictions judiciaires, de vérifier l'existence des délits reprochés, en faisant porter leur examen sur l'intégralité des pièces et éléments recueillis au cours de la procédure, aussi bien durant sa phase fiscale que pénale.
3. Les conséquences de l'entrée en vigueur des dispositions visant la contrainte judiciaire au 1er janvier 2005
Enfin, concernant la contrainte par corps, élément notable de la procédure et point non contesté par le requérant, il convient de noter que la cour d'appel de Bordeaux a bien appliqué la législation en vigueur au moment du prononcé de sa décision. En effet, l'article L. 272 du LPF (N° Lexbase : L3930AL7) prévoyait l'application des dispositions du titre VI du livre V du Code de procédure pénale relatives à la contrainte par corps à l'encontre des personnes condamnées, à titre d'auteurs principaux ou de complices, du chef de fraude fiscale ou bien d'omission de passation d'écriture. Cette contrainte n'était pas une peine, mais une voie d'exécution, consistant, selon les termes mêmes de la doctrine fiscale, en l'incarcération d'une personne afin de l'obliger à payer une somme qu'elle devait au Trésor public en exécution d'une condamnation pénale (circulaire AP 98-03 GA3 du 19 mars 1998).
Toutefois, cette disposition ayant été jugée par la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) non conforme à l'article 7 de Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (N° Lexbase : L4797AQQ), au motif qu'une telle sanction revêtait le caractère d'une peine, laquelle ne pouvait être ordonnée que par un juge (CEDH, 8 juin 1995, req. 11/1994/458/539, Jamil c/ France N° Lexbase : A6664AWQ), la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité (N° Lexbase : L1768DP8) l'a remplacé par la contrainte judiciaire.
Contrairement à la contrainte par corps, ce n'est qu'en cas d'inexécution volontaire de condamnations à des amendes fiscales ou douanières, que le juge de l'application des peines, et non plus le procureur de la République, peut ordonner une contrainte judiciaire consistant en un emprisonnement, dont la durée est fixée par ce magistrat dans la limite d'un maximum fixé par l'article 750 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L5713DYA). Par ailleurs, il convient de souligner, qu'en application des dispositions de l'article 752 du même code (N° Lexbase : L5715DYC), la contrainte judiciaire ne peut être prononcée contre les condamnés qui, par tout moyen, justifient de leur insolvabilité (pour davantage d'informations relatives au régime de la contrainte judiciaire, lire Jean-Marc Priol, Réformation de la contrainte par corps par son remplacement par la contrainte judiciaire : histoire d'une mutation, Lexbase Hebdo n° 130, du 21 juillet 2004 - édition fiscale N° Lexbase : N2397ABE).
Enfin, la loi du 9 mars 2004 a remarquablement bien aménagé les conséquences de l'entrée en vigueur de la contrainte judiciaire fixée au 1er janvier 2005. En effet, aux termes de son article 207, les affaires pendantes à cette date devant les juridictions nationales doivent être transférées devant les chambres de l'application des peines des cours d'appel compétentes. C'est, d'ailleurs, pourquoi la Haute assemblée a censuré, en l'espèce, la décision de la cour d'appel de Bordeaux, au motif que celle-ci n'avait pas acquis force de chose jugée avant le 1er janvier 2005. En revanche, les contraintes par corps en cours à cette date doivent s'exécuter jusqu'à leur terme au grand dam des contribuables, déjà, condamnés.
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Réf. : Cass. civ. 2, 22 mars 2005, n° 03-30.551, Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Lyon c/ M. Gérald Grau, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A3893DHN)
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N3031AI4
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par Christophe Willmann, Professeur à l'Université de Haute Alsace
Le 07 Octobre 2010
Décision
Cass. civ. 2, 22 mars 2005, n° 03-30.551, Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Lyon, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A3893DHN) Rejet (CA Lyon, Chambre sociale, 10 juin 2003,) Textes applicables : CSS, art. L. 412-8 (N° Lexbase : L8022G7A) ; CSP, art. L. 3111-9 (N° Lexbase : L8298GTI) Mots-clés : accident du travail ; vaccination obligatoire. Liens base : (N° Lexbase : E5647AAE) |
Faits
1. M. G., étudiant en chirurgie dentaire, soumis à une obligation de vaccination contre l'hépatite B, a reçu en 1992 et 1993 trois injections vaccinales à la suite desquelles il a développé une maladie auto immune. 2. Il a établi le 20 mai 2001 une déclaration d'accident du travail, en produisant un certificat médical du 14 mai 2001, faisant état d'un lien de causalité entre cette pathologie et la vaccination. 3. La CPAM de Lyon ayant rejeté sa demande, la cour d'appel de Lyon a accueilli son recours (10 juin 2003). |
Problème juridique
La réparation d'un dommage imputable à une vaccination obligatoire, normalement supportée par l'Etat (article L. 3111-9 du Code de la santé publique) exclut-elle la prise en charge, au titre de la législation professionnelle, d'un dommage consécutif à une vaccination obligatoire subie par un étudiant en application de l'article L. 3111-4 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L3536DLK) ? |
Solution
1. Relève de la législation sur les accidents du travail la pathologie présentée par un étudiant, consécutive à une vaccination obligatoire pour son inscription en faculté dentaire, au sens de l'article L. 412-8, 2-b du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L8022G7A) : appréciant souverainement la valeur des éléments de preuve qui lui étaient soumis, la cour d'appel a estimé que M. G.avait dû subir cette vaccination à l'occasion des stages hospitaliers qu'il était tenu d'effectuer en sa qualité d'étudiant en chirurgie dentaire. 2. Il résulte de l'article L. 3111-9 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L8298GTI) que, sans préjudice des actions qui pourraient être exercées conformément au droit commun, la réparation d'un dommage imputable à une vaccination obligatoire est supportée par l'Etat (qui est, s'il y a lieu, subrogé dans les droits et actions de la victime contre les responsables du dommage jusqu'à concurrence de l'indemnité qu'il a payée). 3. Ce mode de réparation n'exclut pas la prise en charge, au titre de la législation professionnelle, d'un dommage consécutif à une vaccination obligatoire subie par un étudiant en application de l'article L. 3111-4 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L3536DLK) car, selon la Cour de cassation, la législation sur les vaccinations obligatoires ne fait pas obstacle à l'action afférente à un accident du travail. |
Commentaire
1. L'absence d'incompatibilité entre la législation sur les vaccinations obligatoires et l'action afférente à un accident du travail 1.1. L'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales La loi nº 2002-303 du 4 mars 2002 (art. 98 ; N° Lexbase : L1457AXA) a mis en place un Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (Oniam). Il a été créé par un décret du 29 avril 2002 (décret n° 2002-638 du 29 avril 2002 N° Lexbase : L5061AZH) en application de l'article L. 1142-22 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L8857GT9), créé par la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé (v. rapports d'activité sur le site Internet de l'Oniam).
Etablissement public à caractère administratif de l'Etat, placé sous la tutelle du ministre chargé de la Santé, l'Oniam est chargé de l'indemnisation au titre de la solidarité nationale (dans les conditions définies au II de l'article L. 1142-1 (N° Lexbase : L8853GT3, à l'article L. 1142-1-1 N° Lexbase : L4435DLT et à l'article L. 1142-17 N° Lexbase : L4429DLM du Code de la santé publique) : L'offre d'indemnisation adressée à la victime ou, en cas de décès, à ses ayants droit, est présentée par le directeur de l'Oniam sur avis conforme d'une commission d'indemnisation. L'offre indique l'évaluation retenue pour chaque chef de préjudice, nonobstant l'absence de consolidation ainsi que le montant des indemnités qui reviennent à la victime ou à ses ayants droit et, plus généralement, des prestations et indemnités de toute nature reçues ou à recevoir d'autres débiteurs du chef du même préjudice. L'acceptation de l'offre de l'Oniam par la victime vaut transaction au sens de l'article 2044 du Code civil (N° Lexbase : L2289ABE). Jusqu'à concurrence de l'indemnité qu'il a payée, l'Oniam est subrogé dans les droits et actions de la victime contre les responsables du dommage (CSP, art. L. 3111-9 N° Lexbase : L8298GTI). La prise en charge des évènements accidentels pouvant donner lieu à réparation a été fixée à septembre 2001. Aux termes de l'article 101 de la loi du 4 mars 2002 (N° Lexbase : L1457AXA) (dans la rédaction que lui a donnée l'article 3 de la loi du 30 décembre 2002), les dispositions du titre IV du livre 1er de la première partie du Code de la santé publique issues de l'article 98 de la loi du 4 mars 2002 (à l'exception du chapitre 1er de l'article L. 1142-2 et de la section 5 du chapitre II), s'appliquent aux accidents médicaux, affections iatrogènes et infections nosocomiales consécutifs à des activités de prévention, de diagnostic ou de soins réalisées à compter du 5 septembre 2001, même si ces accidents médicaux, affections iatrogènes et infections nosocomiales font l'objet d'une instance en cours, à moins qu'une décision de justice irrévocable n'ait été prononcée. Ces dispositions sont intervenues pour préciser les modalités d'entrée en vigueur de l'article 98 de la loi du 4 mars 2002 (CE 4/5 SSR, 24 novembre 2004, n° 252140, Mlle Sebban, inédit N° Lexbase : A0172DE4). 1.2. Réparation d'un dommage imputable à une vaccination obligatoire Sans préjudice des actions qui pourraient être exercées conformément au droit commun, la réparation intégrale des préjudices directement imputables à une vaccination obligatoire est assurée par l'Oniam au titre de la solidarité nationale (CSP, art. L. 3111-9 N° Lexbase : L8298GTI). En l'espèce, selon la CPAM, il résulte de l'article L. 3111-9 du Code de la santé publique que la réparation d'un dommage imputable à une vaccination obligatoire est supportée par l'Etat (qui est, s'il y a lieu, subrogé dans les droits et actions de la victime contre les responsables du dommage jusqu'à concurrence de l'indemnité qu'il a payée). Ce mode de réparation exclut la prise en charge au titre de la législation professionnelle, qui présente un caractère forfaitaire, exclusif de toute action en réparation exercée dans les termes du droit commun, d'un dommage consécutif à une vaccination obligatoire subie par un étudiant en application de l'article L. 3111-4 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L3536DLK). La Cour de cassation, dans l'arrêt rapporté, rejette cet argument car selon une argumentation particulièrement implicite, la législation sur les vaccinations obligatoires ne fait pas obstacle à l'action afférente à un accident du travail. De plus, la vaccination contre l'hépatite B étant obligatoire pour toute personne travaillant en milieu médical (CSP, art. L. 3111-4), la responsabilité de l'Etat peut être engagée. L'Etat est donc entièrement responsable des dommages occasionnés par cette vaccination à savoir, ici, une sclérose en plaque (TA Marseille, 5 novembre 2002, n° 01-5367, Mme Molard ; QE n° 05325 de Le Pensec Louis, JOSEQ 23 janvier 2003 p. 237, Santé, réponse publ. 28 août 2003 p. 2699, 12e législature N° Lexbase : L4800DIM). Mais, la responsabilité de l'Etat ne peut être engagée en cas d'accident consécutif à une vaccination pratiquée par un médecin privé qu'en cas de faute dans le fonctionnement du service public des vaccinations (CE Contentieux, 13 novembre 1981, n° 23456, Epoux Chenot N° Lexbase : A6379AKH). 2. L'accident du travail de l'étudiant en médecine 2.1. Bénéficiaires de la législation sur les accidents du travail La législation sur les accidents du travail, on le sait, vise de manière privilégiée les personnes au travail, susceptibles donc d'être victimes d'un accident du même nom. Le législateur a pourtant élargi cette catégorie originelle de bénéficiaires pour l'étendre à d'autres personnes, selon des considérations sociales, économiques ou égalitaires (CSS, art. L. 412-8 N° Lexbase : L8022G7A).
C'est le cas : En l'espèce, la qualité d'étudiant en faculté dentaire n'était donc pas de nature à exclure l'intéressé du bénéfice de la législation sur les accidents du travail. 2.2. Vaccination et législation sur les accidents du travail
La législation sur le travail en milieu hospitalier impose que toute personne qui, dans un établissement ou organisme public ou privé de prévention ou de soins, exerce une activité professionnelle l'exposant à des risques de contamination, soit immunisée contre l'hépatite B, la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite (CSP, art. L. 3111-4 N° Lexbase : L3536DLK). En particulier, les élèves ou étudiants d'un établissement préparant à l'exercice des professions médicales et des autres professions de santé, qui sont soumis à l'obligation d'effectuer une part de ses études dans un établissement ou organisme public ou privé de prévention ou de soins, doivent être immunisés contre ces maladies. Les établissements ou organismes employeurs ou, pour les élèves et étudiants, les établissements ayant reçu leur inscription, prennent à leur charge les dépenses entraînées par ces vaccinations. Plus largement, selon la jurisprudence, dès lors que l'employeur impose une vaccination quelconque à son salarié, dans la mesure où elle a joué un rôle causal dans la réalisation de l'accident, la législation sur les accidents du travail a vocation à s'appliquer. Il en va ainsi d'une comptable à l'Hôpital Saint-Joseph, maison de retraite sise à Sarralbe (Moselle), qui s'est fait prescrire le 13 juin 1994 le vaccin contre l'hépatite B, lequel lui a été administré par son médecin personnel, à la suite d'une prescription du médecin attaché à l'hôpital. Atteinte d'une sclérose en plaques, elle a fait une déclaration d'accident du travail le 16 août 1997. La cour d'appel a fait droit à son recours. La Cour de cassation a ainsi rejeté le pourvoi contre l'arrêt, la vaccination subie par la victime étant un acte médical imposé par l'emploi. Dès lors que celle-ci rapportait la preuve qui lui incombait de ce qu'elle avait été victime d'un accident du travail, la cour d'appel a ainsi légalement justifié sa décision (Cass. civ. 2, 25 mai 2004, n° 02-30.981, Hôpital Saint-Joseph c/ Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Sarreguemines, FS-P+B N° Lexbase : A2759DC8, voir Chrystelle Alour, L'accident provoqué par un acte "imposé par l'emploi", Lexbase Hebdo n° 124 du 9 juin 2004 - édition sociale N° Lexbase : N1894ABR). Dans un autre arrêt, la Cour de cassation s'est également attachée au critère du caractère obligatoire de la vaccination (Cass. soc., 2 avril 2003, n° 00-21.768, M. Albert X c/ Caisse primaire d'assurance maladie CPAM du Gard et autres, publié N° Lexbase : A6375A7A, lire Charlotte d'Artigue, La nouvelle définition de l'accident du travail, Lexbase Hebdo n° 101 du 31 décembre 2003 - édition sociale N° Lexbase : N9954AAW). Un veilleur de nuit travaillant dans un établissement accueillant des adultes handicapés a subi en 1993 et 1994, pour les besoins de cette activité professionnelle, la vaccination contre l'hépatite B imposée par l'article L. 3111-4 du Code de la santé publique. Souffrant d'une sclérose en plaques, dont il allègue que les premiers symptômes se sont manifestés peu après les injections vaccinales, il a sollicité la prise en charge de cette affection au titre de la législation professionnelle. Pour débouter la victime de son action tendant à voir constater l'existence d'un accident du travail consécutif à la vaccination dont il avait fait l'objet, la cour d'appel énonçait, d'une part, qu'il n'établissait pas "qu'un événement soudain susceptible d'être qualifié d'accidentel se serait produit au cours de cette vaccination et serait à l'origine de la lésion invoquée", d'autre part, que "la seule exécution de la vaccination obligatoire ne peut être considérée comme un événement accidentel en l'absence de circonstances particulières". La cassation était encourue car les juges du fond avaient constaté que la vaccination avait été imposée au salarié par son employeur en raison de son activité professionnelle. A contrario, le bénéfice de la législation sur les accidents du travail est exclu si la vaccination à l'origine du préjudice n'avait pas ce caractère obligatoire imposé par les relations de travail (Cass. soc., 11 mai 2000, n° 98-15.632, M. Robert Janiak c/ Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Saint-Etienne et autres, inédit N° Lexbase : A4616CRE). En l'espèce, M. Janiak a reçu de son employeur l'ordre de se rendre en Inde en février 1994 pour une mission. Avant son départ, il a reçu les vaccins imposés par son employeur. Courant mai, au cours de congés en France, il s'est fait vacciner contre l'hépatite B, conformément à une recommandation du médecin du Travail formulée le 2 février 1994. Ayant invoqué des troubles osseux postérieurement à cette vaccination, il a vainement demandé à la CPAM de les prendre en charge au titre des accidents du travail. M. Janiak fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué (Lyon, 31 mars 1998) d'avoir ainsi statué, alors que la vaccination contre le virus de l'hépatite B, faite en raison d'une mission professionnelle en Inde et sur la recommandation écrite du médecin du Travail, à l'origine des lésions invoquées, n'était pas dépourvue de lien avec le travail même si elle n'était pas obligatoire, si elle n'avait pas été imposée par l'employeur et si elle avait été pratiquée seulement en cours de mission pendant des vacances en France. La Cour de cassation a retenu que M. Janiak avait reçu de sa propre initiative, alors qu'il ne se trouvait pas sous la dépendance de son employeur, une vaccination facultative : les troubles invoqués ne pouvaient pas être pris en charge au titre des accidents du travail.
Conformément au droit commun, il appartient à la victime d'apporter la preuve de la causalité entre l'évènement soudain (ou, plus largement, la vaccination) et la lésion, même si elle bénéficie d'une présomption d'imputabilité. La Cour de cassation s'est déjà prononcé sur cette question délicate, s'agissant des vaccins (Cass. civ. 2, 2 novembre 2004, n° 03-30.352, M. Stéphane de Buretel de Chassey c/ Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Nancy, F-D N° Lexbase : A7767DDZ). En l'espèce, un éducateur à l'association d'Action éducative de Meurthe-et-Moselle a été vacciné en 1995 contre l'hépatite B, avec un rappel le 17 décembre 1996, par le médecin du travail, dans le cadre de ses obligations vaccinales. Ayant présenté des lésions dermatologiques constatées le 2 juin 1997, il a demandé la prise en charge de cette affection au titre de la législation professionnelle. La cour d'appel a rejeté cette demande. Selon la Cour de cassation, les juges du fond apprécient souverainement si un accident est survenu par le fait ou à l'occasion du travail : appréciant les éléments de preuve soumis à son examen, la cour d'appel a retenu, d'une part, que la date exacte des premières manifestations de la maladie était indéterminée et, d'autre part, que l'expert avait conclu sans ambiguïté qu'il était impossible de dire si l'affection devait être rattachée à la vaccination contre l'hépatite B reçue par la victime. La cour d'appel a pu, dès lors, décider que la preuve du lien de causalité entre la lésion et la vaccination n'étant pas rapportée, la victime ne pouvait se prévaloir de la législation professionnelle. Sur le plan médical, les effets secondaires du vaccin, notamment les épisodes de scléroses en plaques (et, en conséquence, d'éventuelles contre-indications ou précautions d'emploi) ne sont pas nécessairement issus d'une vaccination. Le ministère de la Santé soutient, en effet, que le lien de causalité entre vaccin et apparition d'une sclérose n'est scientifiquement pas posé. De nombreuses études, réalisées tant en France qu'à l'étranger, n'ont pas permis de démontrer l'existence d'un risque de survenue d'affection démyélinisante (dont la sclérose en plaques) associé à la vaccination contre l'hépatite B. Cependant, un risque faible n'a pu être exclu. Par ailleurs, aucune étude n'a pu mettre en évidence un risque accru pour les personnes ayant eu un épisode ou un antécédent familial de sclérose en plaques. Toutefois, une précaution d'emploi relative aux antécédents personnels de sclérose en plaques a été introduite en 1995 dans l'autorisation de mise sur le marché des vaccins contre l'hépatite B, indiquant que le bénéfice individuel de la vaccination par rapport au risque de contamination par le virus de l'hépatite B doit être évalué par le médecin avant toute vaccination ou revaccination (QE n° 05325 de Le Pensec Louis, JOSEQ 23 janvier 2003 p. 237, Santé, réponse publ. 28 août 2003 p. 2699, 12e législature N° Lexbase : L4800DIM). |
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