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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la rédaction
Le 07 Octobre 2010
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Réf. : Cass. com., 30 novembre 2004, n° 03-15.278 , Société civile immobilière (SCI) Notre Dame c/ Mme Margueritte Auran, FS-P+B+I+R (N° Lexbase : A1324DER) et n° 03-13.756, Société Ternetix c/ Société Néopost France, FS-P+B+I+R (N° Lexbase : A1303DEY)
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N3942ABM
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par Marine Parmentier, Avocat à la cour d'appel de Paris
Le 07 Octobre 2010
Dans la première espèce, il était prévu, par les statuts d'une société civile, qu'au décès de l'un des associés, la société continuerait avec les autres associés et serait redevable aux héritiers de la valeur des droits sociaux évaluée conformément à l'article 1868 ancien du Code civil (désormais article 1870-1 du Code civil N° Lexbase : L2068AB9). Sans qu'une contestation n'ait été élevée sur la question de la valeur des droits sociaux, plusieurs héritiers ont assigné la société en référé pour obtenir la désignation d'un expert conformément à l'article 1843-4 du Code civil. Le président du TGI a, alors, rejeté cette demande sur le fondement de l'article 1843-4 du Code civil, constatant l'absence de contestation. Un appel a ensuite été interjeté et l'un des héritiers, avant que la cour d'appel ne statue, a adressé à la société une demande de rachat des droits sociaux, laquelle est demeurée sans réponse pendant un mois. Il a donc fait naître la contestation, condition d'application de l'article 1843-4 précité. La cour d'appel a fait droit à la demande de désignation d'expert présentée par les héritiers. La Cour de cassation casse l'arrêt de la cour d'appel, au visa de l'article 1843-4 du Code civil, et précise, dans un attendu de principe, que : "en statuant ainsi, alors que le pouvoir de désigner un expert chargé de l'évaluation des droits sociaux appartient au seul président du tribunal, la cour d'appel a violé le texte susvisé".
Les faits de la deuxième espèce sont plus originaux. Trois sociétés avaient conclu un accord de distribution exclusive d'un procédé de saisie et de télétransmission. Cet accord comportait une promesse de cession de droits incorporels de toute nature afférents aux composantes matricielles et logicielles du procédé. Il était prévu qu'à défaut d'accord des parties, le prix de la cession serait fixé à dire d'expert dans les conditions de l'article 1843-4 du Code civil. L'une des sociétés a alors levé l'option et sollicité la détermination du prix par un expert.
Le premier moyen du pourvoi en cassation faisait valoir que les conditions de la cession n'étaient pas remplies aux motifs, d'une part, que le prix de vente n'était pas déterminé, puisqu'il appartenait à un expert de fixer cette valeur, et, d'autre part, que la chose n'était pas déterminée. Ce premier moyen est logiquement rejeté par la Cour de cassation : elle rappelle que si les parties s'en remettent à un expert pour déterminer la valeur de la cession, il n'est pas nécessaire qu'elles réitèrent leur accord sur le prix de la cession après évaluation par ledit expert.
C'est le dernier moyen qui retiendra surtout notre attention : la cour d'appel avait, à juste titre, retenu que les parties pouvaient valablement décider, d'un commun accord, de soumettre la détermination de la valeur de droits incorporels à l'article 1843-4 du Code civil. Toutefois, ne poussant pas le raisonnement jusqu'à son terme, la cour d'appel avait désigné, elle-même, l'expert de l'article 1843-4.
La Cour de cassation, au visa des articles 1843-4 et 1134 (N° Lexbase : L1234ABC) du Code civil souligne, notamment, "qu'il résulte du premier texte que le pouvoir de désigner un expert chargé de l'évaluation des droits cédés appartient au seul président du tribunal statuant en la forme des référés et sans recours possible".
Ces deux arrêts, dont la motivation ne souffre pas de discussion, font une lecture stricte de l'article 1843-4 du Code civil. Cette disposition, essentielle au droit des sociétés civiles et commerciales, prévoit que, dans les hypothèses de cession de droits sociaux d'un associé ou dans celle du rachat de ceux-ci par la société, la valeur des droits, en cas de contestation, est déterminée par un expert. Cet expert sera désigné soit d'un commun accord par les parties, soit, à défaut d'accord, par ordonnance du président du tribunal statuant en la forme des référés, et sans recours possible.
1. Certains auteurs ont dégagé cinq conditions d'application de ce texte : un désaccord entre les parties ; une obligation d'achat des droits sociaux à la charge de la société ou des personnes choisies par elle ; un désaccord concernant des associés ; un désaccord portant sur le prix et un désaccord ne portant pas une opération sur un marché réglementé (1).
L'une de ces conditions retiendra plus particulièrement notre attention puisqu'elle est illustrée par le premier arrêt commenté : il s'agit de l'existence d'une contestation portant sur la valeur des droits sociaux.
Cette exigence implique la nécessité de constater un réel désaccord entre les parties, et non pas seulement, une impossibilité d'entreprendre une évaluation amiable portant sur le prix de cession de leurs parts sociales (voir en ce sens, Cass. com., 10 mars 1998, n° 95-21.329, M. Bousser et autre c/ Société du 74, avenue Paul-Doumer, à Paris (16e) et autres N° Lexbase : A2473ACL).
Il est nécessaire de constater qu'une négociation est née, mais qu'elle s'est soldée par un échec. Ainsi, dès lors que cette contestation sur la valeur des droits dont la cession est envisagée existe, le recours à l'article 1843-4 du Code civil s'impose.
Et il ne saurait être tiré argument de la faible valeur de la cession projetée pour s'exempter de l'application de l'article 1843-4 précité (voir en ce sens, CA Paris, 18 septembre 1998, JCP éd. 1999, I, 134, n° 1).
2. Donc, dès lors que les conditions d'application de l'article 1843-4 du Code civil sont remplies, l'une des parties à la cession peut choisir de solliciter la désignation judiciaire d'un expert.
Le texte de cet article ne laisse pas de choix procédural : l'expert sera soit désigné par les parties, soit à défaut d'accord entre elles, par ordonnance du président statuant en la forme des référés et sans recours possible. Ainsi, la seule voie procédurale offerte au demandeur est l'assignation en référé de la société. Cette disposition ne souffrant pas de difficulté d'interprétation, il paraît donc naturel que les magistrats ne s'éloignent pas de ses termes.
Ainsi en a donc jugé la Chambre commerciale qui s'est prononcée, pour la première fois, sur cette question dans les deux arrêts rapportés, suivant en cela la position de la première chambre civile.
La troisième chambre civile avait retenu une solution différente dans un arrêt, certes inédit, du 6 novembre 2002. Elle avait jugé : "Attendu que l'arrêt retient exactement que si, selon l'article 1843-1 du Code civil (N° Lexbase : L2015ABA), la valeur des droits sociaux d'un associé est, en cas de cession, déterminée par un expert désigné par les parties ou, à défaut d'accord, par ordonnance du président du tribunal statuant en la forme des référés, le Tribunal, en sa forme collégiale, ne saurait avoir une compétence inférieure à celle de son président, statuant en la forme des référés, cette disposition ayant pour seul objet de permettre une désignation dans les meilleurs délais" (Cass. civ. 3, 6 novembre 2002, n° 01-12.821, Société civile immobilière (SCI) du Lavoir c/ M. Daniel Baumgartner, FS-D N° Lexbase : A6806A3H).
Elle avait ainsi conféré une compétence au tribunal dans sa forme collégiale pour désigner l'expert de l'article 1843-4 du Code civil.
Cette position va directement à l'encontre de celle de la Chambre commerciale et de la première chambre civile de la Cour de cassation, ces dernières accordant une compétence exclusive au président du tribunal.
Cela implique que, dès lors que le tribunal en sa forme collégiale ou la cour d'appel est saisi d'une telle demande, cette juridiction est contrainte de renvoyer les parties à une nouvelle expertise.
3. A fortiori, le juge saisi d'une demande de désignation d'un expert judiciaire ne peut procéder lui-même à l'évaluation des droits sociaux dont la cession est envisagée. En effet, la lecture de l'article 1843-4 impose au magistrat de désigner un expert pour procéder à ladite évaluation.
Toutefois, certains ont pu constater, qu'une fois ce mandataire désigné, le texte était totalement muet dans l'hypothèse d'une exécution défectueuse de sa mission (J. J. Caussain, F. Deboissy, G. Wicker : JCP éd. E 2004, n° 17 p. 661 et s.).
C'est à cette situation que la première chambre civile avait, notamment, été confrontée dans l'arrêt précité du 25 novembre 2003 (N° Lexbase : A3015DAW). Dans cette espèce, l'expert avait commis une erreur grossière permettant aux parties de ne pas être liées par son évaluation. La cour d'appel avait alors désigné un nouvel expert dont la mission était de porter à sa connaissance tous les éléments qui lui permettrait de procéder à l'estimation de la valeur des droits sociaux. Ce faisant, les juges d'appel s'étaient donc arrogés le pouvoir de désigner l'expert de l'article 1843-4 du Code civil et entendaient substituer leur propre évaluation à celle de l'expert.
La Cour de cassation a alors, par un attendu dénué d'ambiguïté, jugé "qu'il appartient au seul expert désigné en application de cet article de déterminer la valeur des droits sociaux".
Dès lors, dans le cadre de l'article 1843-4 du Code civil, le juge ne saurait jouer le rôle de l'expert et fixer le prix des droits sociaux judiciairement.
Ainsi, au même titre que la compétence du président du tribunal est exclusive pour désigner l'expert de l'article 1843-4 du Code civil, celle de l'expert l'est tout autant en matière de détermination de la valeur des droits sociaux (3).
Toutefois, selon certains auteurs (2), il serait parfois opportun d'admettre le pouvoir du juge d'effectuer cette évaluation. En effet, "le plus souvent, le juge, pour écarter l'appréciation du mandataire, spécialement en cas d'erreur, sera obligé de recourir à une expertise judiciaire, laquelle fera apparaître non seulement l'erreur mais également la juste évaluation. Et c'est finalement parce qu'elle ne correspondra pas à cette juste évaluation que l'évaluation du mandataire sera écartée, ce qui revient à lui substituer l'évaluation judiciaire. Dès lors, imposer un retour à l'application de l'article 1843-4 conduira à allonger inutilement la procédure, d'autant que l'on imagine que le mandataire désigné éprouvera quelques scrupules à s'écarter de l'évaluation judiciaire".
4. Pour conclure, il sera revenu sur le caractère impératif de l'application de l'article 1843-4 du Code civil dès lors que ses conditions d'applications sont réunies.
Il ne saurait être fait échec à son application par des dispositions conventionnelles contraires.
De même a-t-il été jugé que la désignation d'un juge arbitral ne permet pas d'évincer l'expert de l'article 1843-4 du Code civil (voir notamment l'arrêt du 25 novembre 2003 précité ; cour d'appel Paris, 21 mai 1996, JCP éd. E, 1996, pan. 696).
Dans l'arrêt de la cour d'appel de 1996 précité, le litige concernait une SCP d'avocats. L'un des associés désirant se retirer, une contestation était née sur la détermination de la valeur de ses parts sociales. Le Bâtonnier était alors saisi : constatant, dans un premier temps, la volonté de retrait de l'associé, il a fixé, dans un second temps, la valeur de ses parts.
La cour d'appel saisie de la question a précisé que l'article 1843-4 ne saurait être éludé en matière d'arbitrage, l'arbitre étant entièrement assimilé à une juridiction dans son assujettissement aux règles de fond, soient-elles impératives ou supplétives.
Ainsi, "dès lors que le prix de cession doit être fixé, l'arbitre doit nécessairement laisser cette évaluation à l'appréciation de l'expert de l'article 1843-4, seul compétent au regard de la détermination de ces droits" (3).
Il peut être, toutefois, prévu par les parties une extension conventionnelle du domaine de l'article 1843-4 du Code civil.
C'est l'hypothèse rencontrée dans le second arrêt commenté : en effet, l'intervention de l'expert de l'article 1843-4 était prévue par la convention portant sur la cession de droits incorporels.
Cette solution n'est pas nouvelle : l'extension conventionnelle du domaine d'application de l'article 1843-4 a déjà été admise en jurisprudence (Cass. com., 26 novembre 1996, n° 94-15.403, Société Europ'auto service et autre c/ M. Roy N° Lexbase : A1429ABK). Toutefois, il appartient aux juges du fond de constater expressément que les parties, qui ne se trouvaient pas dans un cas où est prévu la cession des droits sociaux d'un associé ou le rachat de ceux-ci par la société, étaient convenues de recourir à l'expert de l'article 1843-4 du Code civil.
La Chambre commerciale, par les deux arrêts commentés, s'est donc ralliée à la position de la première chambre civile, isolant ainsi la solution retenue par la troisième chambre civile et par certaines juridictions du fond.
Si cette position s'impose par les termes clairs de l'article 1843-4 du Code civil, certaines questions pratiques demeurent. Ainsi en est-il du pouvoir d'un magistrat saisi de la contestation d'une première évaluation faite par un expert de procéder lui-même à l'estimation plutôt que d'inviter les parties à recourir à nouveau à l'article 1843-4. En l'état actuel de la jurisprudence, ce pouvoir n'est pas reconnu aux juges.
L'alourdissement de la procédure engendré par une telle solution ne conduira-t-il pas à modifier cette solution ?
(1) A. Couret, L. Cesbron, B. Provost, Ph. Rosenpick et J.-C. Sauzey, Les contestations portant sur la valeur des droits sociaux, Bull. Joly, 2001 § 242.
(2) J.-J. Caussain, F. Deboissy, G. Wicker : JCP éd.E 2004, n° 17 p. 661 et s.
(3) L. Nurit, Gaz. Pal. 2004. p. 1088
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Réf. : Cass. soc., 17 décembre 2004, n° 03-40.008, Société SAMSE c/ M. Christian Breschi , FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A4376DES)
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N4064AB7
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par Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale
Le 07 Octobre 2010
Décision
Cass. soc., 17 décembre 2004, n° 03-40.008, Société SAMSE c/ M. Christian Breschi, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A4376DES) Rejet (cour d'appel de Chambéry, Chambre sociale, 5 novembre 2002) Mots clef : clause de non-concurrence ; contrepartie pécuniaire ; application dans le temps des arrêts du 10 juillet 2002 ; application immédiate ; compatibilité avec l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme (CESDH) Textes visés : article 1134 du Code civil (N° Lexbase : L1234ABC) ; article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme (CESDH)CESDH (N° Lexbase : L7558AIR) Lien base : |
Faits
1. La cour d'appel de Chambéry a, le 5 novembre 2002, annulé, en raison de l'absence de contrepartie financière, la clause de non-concurrence convenue le 4 mars 1996 entre la société SAMSE et M. Breschi, dans le cadre d'une relation de travail liant les parties depuis le 1er août 1990. 2. La société SAMSE reproche à la cour d'appel d'avoir ainsi statué alors, selon le moyen, qu'en application des dispositions de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (N° Lexbase : L7558AIR) selon lesquelles toute personne a droit à un procès équitable, il est interdit au juge d'appliquer rétroactivement un revirement de jurisprudence. En l'espèce, la société SAMSE qui avait conclu le 4 mars 1996 avec M. Breschi une clause de non-concurrence dépourvue de contrepartie financière, s'était alors conformée à la jurisprudence en vigueur de la Cour de Cassation ne soumettant nullement la validité des clauses de non-concurrence à l'exigence d'une contrepartie financière. Ce n'est que le 10 juillet 2002 que la Cour de Cassation a modifié sa jurisprudence en exigeant, à peine de nullité de la clause de non-concurrence, une contrepartie financière. En faisant rétroactivement application de cette jurisprudence inaugurée en juillet 2002 à un acte conclu en 1996, la cour d'appel a sanctionné les parties pour avoir ignoré une règle dont elles ne pouvaient avoir connaissance, violant ainsi les articles 1 (N° Lexbase : L3088DYZ), 2 (N° Lexbase : L2227AB4) et 1134 du Code civil (N° Lexbase : L1234ABC), ainsi que l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme (N° Lexbase : L7558AIR) ; |
Problème de droit
L'exigence d'une contrepartie financière à la clause de non-concurrence, imposée par la Cour de cassation depuis le 10 juillet 2002, s'applique-t-elle à des clauses conclues antérieurement ? |
Solution
1. "L'exigence d'une contrepartie financière à la clause de non-concurrence répond à l'impérieuse nécessité d'assurer la sauvegarde et l'effectivité de la liberté fondamentale d'exercer une activité professionnelle ; [...] loin de violer les textes visés par le moyen et notamment l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la cour d'appel en a, au contraire, fait une exacte application en décidant que cette exigence était d'application immédiate ; que le moyen n'est pas fondé". 2. Rejet |
Commentaire
1. Une solution mieux motivée
Le 10 juillet 2002, la Chambre sociale de la Cour de cassation décidait de modifier son analyse des conditions de validité des clauses de non-concurrence en exigeant, notamment, une contrepartie financière, sous peine de nullité (Cass. soc., 10 juillet 2002, n° 00-45.135, FP-P+B+R+I N° Lexbase : A1225AZE ; Cass. soc., 10 juillet 2002, n° 00-45.387, FP-P+B+R+I N° Lexbase : A1227AZH ; Cass. soc., 10 juillet 2002, n° 99-43.334, FP-P+B+R+I N° Lexbase : A0769AZI, La Cour de cassation prise en flagrant délit de violation du principe de la prohibition des arrêts de règlement, Lexbase Hebdo n° 33 du 25 juillet 2002 - édition sociale N° Lexbase : N3574AAM). Aussitôt, la question de la portée de ce revirement sur les clauses conclues antérieurement, sans contrepartie financière, allait se poser. Dans une décision que la Cour aurait sans doute voulu discrète, puisqu'elle n'a pas été publiée au Bulletin, la Haute juridiction allait refuser de limiter l'application de sa nouvelle jurisprudence, au motif que "la sécurité juridique, invoquée sur le fondement du droit à un procès équitable prévu par l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, ne saurait consacrer un droit acquis à une jurisprudence immuable, l'évolution de la jurisprudence relevant de l'office du juge dans l'application du droit" (Cass. soc., 7 janvier 2003, n° 00-46.476, F-D N° Lexbase : A6000A4Y, voir Pour en finir avec la rétroactivité des revirements de jurisprudence, Lexbase Hebdo n° 55 du 23 janvier 2003 - édition sociale N° Lexbase : N5616AAA).
C'est à une solution comparable que conduit ce nouvel arrêt, cette fois-ci destiné à la plus large publicité (P+B+R+I), certainement pour faire taire les critiques essuyées après l'arrêt rendu, en catimini, le 7 janvier 2003. Dans cette affaire, l'entreprise, qui avait subi l'application immédiate de la jurisprudence nouvelle dégagée en 2002, avait également opposé à la Chambre sociale la nécessité de respecter le principe de sécurité juridique, issu de l'article 6-1 de la CESDH, mais en vain, puisque l'argument avait été écarté par les juges du fond. L'argument n'a pas plus de succès devant la Haute juridiction, qui rejette le pourvoi au motif que "l'exigence d'une contrepartie financière à la clause de non-concurrence répond à l'impérieuse nécessité d'assurer la sauvegarde et l'effectivité de la liberté fondamentale d'exercer une activité professionnelle ; [...] loin de violer les textes visés par le moyen et notamment l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la cour d'appel en a au contraire fait une exacte application en décidant que cette exigence était d'application immédiate".
Si le résultat est, pour l'entreprise, rigoureusement identique puisque la clause a été annulée, l'argumentation retenue retient l'attention puisqu'elle n'est pas comparable à celle qui avait été précédemment retenue. Dans l'arrêt rendu le 7 janvier 2003 (Cass. soc., 7 janvier 2003, n° 00-46.476, F-D N° Lexbase : A6000A4Y), la Chambre sociale avait, en effet, justifié sa position par la seule référence à l'office du juge. Parce qu'il est censé interpréter la loi, et que l'interprétation est, par nature, rétroactive, les justiciables ne peuvent que se plier à la solution. Cette fois, la solution est plus fortement motivée, et la position de la Chambre beaucoup plus nuancée. En premier lieu, la Cour accepte de se justifier sur les motifs du revirement intervenu en 2002 et ne se réfugie plus derrière une pétition de principe, très artificielle, tirée de la notion très hypocrite de l'interprétation de la loi. Selon les termes de l'arrêt du 17 décembre 2004, "l'exigence d'une contrepartie financière à la clause de non-concurrence répond à l'impérieuse nécessité d'assurer la sauvegarde et l'effectivité de la liberté fondamentale d'exercer une activité professionnelle". Le choix des termes n'est pas anodin. Au regard des principes qui gouvernent le droit français, il n'est pas sans rappeler l'article L. 120-2 du Code du travail (N° Lexbase : L5441ACI), qui subordonne la validité des atteintes réalisées aux droits et libertés des salariés à une double exigence de nécessité et de proportionnalité. Mais c'est, cette fois-ci, le juge qui soumet sa propre jurisprudence à l'exigence de nécessité. Au regard des principes européens qui gouvernent l'interprétation de l'article 6-1 de la CESDH, la Chambre sociale cherche à motiver sa position en se référant aux exigences de la Cour de Strasbourg. En second lieu, la justification de l'application immédiate ainsi formulée aligne le statut de la jurisprudence sur celui du législateur soumis à une même exigence par le Conseil constitutionnel en matière civile (décision n° 98-404 DC du 18 décembre 1998, Loi de financement de la Sécurité sociale pour 1999 N° Lexbase : A8750AC3). Certes, la jurisprudence n'est pas, au sens formel du terme, une source de droit, mais il était pour le moins paradoxal que la Cour de cassation ne se soumette pas, au moins, aux mêmes règles que celles qui conditionnent l'action du législateur. Du point de vue de la motivation, la solution est donc à saluer. 2. Une motivation qui élude la véritable difficulté
Telle qu'elle est formulée, la solution constitue un progrès important pour les justiciables. La jurisprudence n'est plus, en effet, par principe et sans appel, rétroactive. Le revirement doit, désormais, répondre à une exigence de nécessité caractérisée pour s'appliquer de manière immédiate. Autrement dit, un revirement de jurisprudence ne s'appliquera à des actes juridiques conclus antérieurement que s'il répond à l'impérieuse nécessité d'assurer la sauvegarde et l'effectivité d'une liberté fondamentale. A contrario, tout revirement ne reposant pas sur une telle nécessité ne devrait pas produire d'effet rétroactif. Théoriquement, donc, la Cour de cassation admet implicitement, et pour la première fois, qu'un revirement pourrait ne produire effet que pour l'avenir.
Effectivement, nous doutons fortement que la Cour puisse, un jour, autolimiter la portée de ses propres revirements. Il nous semble, en effet, que la Cour ne modifie sa jurisprudence que lorsqu'elle l'estime socialement nécessaire. On imagine mal, dans ces conditions, la Haute juridiction considérer comme nécessaire de revirer sa jurisprudence, tout en affirmant que les enjeux ne sont pas tels que ce revirement ne vaudrait que pour l'avenir. Il appartiendra donc à la Cour de cassation de prouver que ses bonnes intentions ne sont pas uniquement destinées à faire taire les critiques suscitées par ses décisions antérieures.
Surtout, il nous semble que la solution retenue est, à plusieurs égards, critiquable. En premier lieu, la Cour ne se préoccupe que des libertés du salarié, sans même envisager, un seul instant, les conséquences du revirement pour les entreprises et la nécessité, pourtant consacrée par le Conseil constitutionnel, de préserver les intérêts des entreprises et, singulièrement, la liberté du commerce et de l'industrie (Cons. const., décision n° 99-423 DC, du 13 janvier 2000, loi relative à la réduction négociée du temps de travail N° Lexbase : A8786ACE ; Cons. const., n° 2001-455, du 12 janvier 2002, loi de modernisation sociale N° Lexbase : A7588AXC). Or, l'article 6-1 de la CESDH (N° Lexbase : L7558AIR) n'est pas, à l'instar de l'article L. 120-2 du Code du travail, un texte destiné à protéger les seuls salariés, mais bien à protéger tous les justiciables, entreprises comprises ! En ignorant cette dimension, la Cour de cassation se trompe, nous semble-t-il, de règle. En second lieu, nous persistons à ne pas comprendre en quoi l'exigence d'une contrepartie financière permet de sauvegarder la liberté du travail du salarié. Cette protection est, incontestablement, assurée par l'exigence de nécessité et de proportionnalité de la clause, mais certainement pas par l'exigence d'une contrepartie financière. La liberté ne s'achète pas, et un salarié rémunéré en contrepartie de la clause n'en demeure pas moins un salarié privé d'une partie de sa liberté professionnelle. L'argent n'a rien à avoir ici. Enfin, et surtout, la Chambre sociale de la Cour de cassation refuse de répondre à la véritable question du respect du principe de sécurité juridique, pour ne s'intéresser qu'à l'objet particulier du litige, et sans apporter de réponse de principe. La deuxième chambre civile de la Cour de cassation a, d'ailleurs, montré la voie dans un arrêt du 8 juillet 2004, où elle a considéré que l'interprétation nouvelle d'une règle de procédure ne devait pas être appliquée de manière immédiate dès lors qu'elle priverait un justiciable du droit de voir sa cause entendue par un tribunal (Cass. civ. 2, 8 juillet 2004, n° 01-10.426, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A0975DDH). Or, en matière contractuelle également, une autre solution devrait prévaloir, comme c'est désormais le cas devant le Conseil d'Etat lorsque est en cause la validité d'un acte administratif (CE, 1° s-s, 11 mai 2004, n° 255886, Association AC ! et autres N° Lexbase : A1829DCQ : "l'annulation d'un acte administratif implique en principe que cet acte est réputé n'être jamais intervenu ; [...] toutefois, s'il apparaît que cet effet rétroactif de l'annulation est de nature à emporter des conséquences manifestement excessives en raison tant des effets que cet acte a produits et des situations qui ont pu se constituer lorsqu'il était en vigueur que de l'intérêt général pouvant s'attacher à un maintien temporaire de ses effets, il appartient au juge administratif - après avoir recueilli sur ce point les observations des parties et examiné l'ensemble des moyens, d'ordre public ou invoqués devant lui, pouvant affecter la légalité de l'acte en cause - de prendre en considération, d'une part, les conséquences de la rétroactivité de l'annulation pour les divers intérêts publics ou privés en présence et, d'autre part, les inconvénients que présenterait, au regard du principe de légalité et du droit des justiciables à un recours effectif, une limitation dans le temps des effets de l'annulation ; [...] il lui revient d'apprécier, en rapprochant ces éléments, s'ils peuvent justifier qu 'il soit dérogé à titre exceptionnel au principe de l'effet rétroactif des annulations contentieuses et, dans l'affirmative, de prévoir dans sa décision d'annulation que, sous réserve des actions contentieuses engagées à la date de celle-ci contre les actes pris sur le fondement de l'acte en cause, tout ou partie des effets de cet acte antérieurs à son annulation devront être regardés comme définitifs ou même, le cas échéant, que l'annulation ne prendra effet qu'à une date ultérieure qu'il détermine"). Le législateur, même s'il peut modifier en cours d'exécution les effets s'attachant aux contrats, ne pourrait pas adopter de disposition qui rendrait nulle, rétroactivement, un contrat valablement formé sous l'empire de la loi ancienne. Or, c'est exactement à cette situation que conduisent les arrêts du 10 juillet 2002, ce qui n'est pas admissible. Nous attendrons donc de la Chambre sociale de la Cour de cassation, comme des autres chambres d'ailleurs, une réponse plus tranchée qui garantisse l'effectivité du principe de sécurité juridique en s'appuyant, notamment, sur les propositions du Groupe Molfessis, qui revendique le pouvoir de moduler l'application dans le temps de certaines décisions (préc.). |
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Réf. : CE, 9° et 10° s-s., 10 novembre 2004, n° 260343, SA Omnium de gestion financière c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie (N° Lexbase : A8977DDT)
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par Yolande Sérandour, Professeur à la Faculté de droit de Rennes, Directrice du Master de Droit Fiscal des Affaires de Rennes et du département Droit fiscal du CDA
Le 07 Octobre 2010
En l'espèce, la SA Omnium de gestion financière a été assujettie, pour la période du 1er janvier 1991 au 31 décembre 1994, à des compléments de TVA résultant de l'application du taux de 18,6 % à la place du taux réduit de 5,5 % aux transports de corps par porteurs lors des cérémonies funéraires. Le 22 juillet 2003, la cour administrative d'appel de Douai a jugé que la société SA Omnium de gestion financière était en droit, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du LPF (N° Lexbase : L8568AE3), d'invoquer, à son profit, l'instruction n° 3 C-6-83 du 8 avril 1983 (N° Lexbase : X6744ACR) selon laquelle les transports de corps réalisés par les prestataires agréés (exploitants d'ambulances, embaumeurs, services des pompes funèbres...) relèvent de la TVA au taux réduit. En revanche, elle a jugé que cette instruction avait été rapportée par la documentation administrative de base 3 C 226 en date du 15 mai 1991. Aussi, le taux de TVA de 5,5 % ne pouvait-il plus s'appliquer pour la période litigieuse comprise entre le 16 mai 1991 et le 31 décembre 1994. Le Conseil d'Etat annule l'arrêt rendu par la cour administrative d'appel de Douai le 22 juillet 2003, "la cour [ayant] commis une erreur de droit".
Cette opposabilité à l'administration de sa propre interprétation permet d'appliquer le taux réduit de la TVA aux transports de corps, tout en maintenant le taux normal aux prestations annexes.
1. L'application du taux réduit aux transports de corps
L'article L. 80 A du LPF dispose qu'"il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque formellement admise par l'administration".
En matière de transport de voyageurs, l'administration a réécrit son interprétation de l'article 279, b quater, du CGI. L'instruction n° 3 C-6-83 en date du 8 avril 1983 entendait largement la notion de transports de voyageurs en admettant l'application du taux réduit au profit des transports de corps réalisés par les prestataires agréés (exploitants d'ambulances, embaumeurs, services des pompes funèbres...). La documentation administrative de base 3 C 226, en date du 15 mai 1991, entendait ne pas distinguer selon le mode de transport utilisé par les voyageurs. Elle ne semblait pas en exclure le voyageur mort, car elle ajoutait : "de même, les transports de corps réalisés par les prestataires agréés : exploitants d'ambulances, embaumeurs, service des pompes funèbres relèvent du taux réduit".
En l'espèce, se posait la question de savoir si cette interprétation extensive de la notion de transports de voyageurs incluait le transport de corps par porteurs lors des cérémonies funéraires. L'interprétation administrative invoquée par le requérant visait le transport de corps par des prestataires agréés sans distinguer selon le moyen de transport utilisé. Aussi, la lettre de l'instruction et de la documentation opposées à l'administration fiscale par la SA Omnium de gestion financière permettait-elle au Conseil d'Etat de ne pas distinguer là où le texte en cause ne distinguait pas ?
Cette application d'un principe traditionnel d'interprétation ne trouvera plus à s'appliquer aux transports de corps, car l'administration fiscale a modifié son interprétation de l'article 279, b quater, du CGI. La dernière instruction, en date du 15 janvier 1998, n° 25 (BOI n° 3 A-2-98 N° Lexbase : X0796AAQ) lui permet, maintenant, de s'opposer à l'application du taux réduit aux transports de corps par porteur. En effet, cette instruction prévoit que "les transports de corps proprement dits, avant et après mise en bière, effectués par les prestataires agréés (exploitants d'ambulances, embaumeurs, régies municipales des pompes funèbres) dans des véhicules aménagés à cet effet ainsi que les transports de personnes avec des cars de suite et les voitures du clergé sont passibles du taux réduit de la TVA (CGI, art. 279-b quater)".
Cette modification est heureuse pour l'administration car, en son absence, le juge refuse d'interpréter l'interprétation administrative (C. David, O. Fouquet, B. Plagnet, P-F. Racine, Les grands arrêts de la jurisprudence fiscale, 4e éd., Dalloz, p. 177 et s). La lettre prévaut en la matière, si le contribuable peut se prévaloir d'une interprétation formelle du texte fiscal. Admettre le contraire serait accorder à l'interprétation administrative valeur de loi fiscale, ce que condamne le droit constitutionnel. Par ailleurs, la précision administrative destinée à rectifier une interprétation administrative susceptible de favoriser le contribuable, notamment en matière de transports de corps ne saurait revenir en arrière.
Tout changement d'interprétation de la règle de TVA ne vaut qu'à l'encontre des opérations postérieures à sa publication. En effet, s'agissant des impôts indirects, sont applicables, la loi et, si le contribuable le souhaite, son interprétation la plus favorable existantes lors du fait générateur, c'est-à-dire à la date de la livraison de biens ou de l'exécution de la prestation de services. En revanche, en matière d'imposition des bénéfices, le changement d'interprétation peut concerner une période précédant la mise à disposition des bénéfices. En effet, s'agissant des impôts directs, la loi et son interprétation applicables, à la demande du contribuable sont celles en vigueur à la date du fait générateur, c'est-à-dire la mise à disposition des revenus. Le résultat est réputé mis à disposition de l'entrepreneur à la date de clôture de l'exercice. L'entrepreneur individuel doit déclarer ses bénéfices dans le respect de la loi de finances votée fin décembre. Les sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés acquittent l'impôt en fonction de la dernière loi de finances selon que la clôture est intervenue ou non à partir du 31 décembre.
Dans cette affaire, le changement d'interprétation étant intervenu au-delà de la période litigieuse, le taux réduit pouvait s'appliquer aux transports de corps par porteurs. Tel n'est plus le cas depuis le 16 janvier 1998, lendemain de la publication de l'instruction modifiant l'interprétation du champ d'application de l'article 279, b quater, du CGI. Cette modification se veut également plus précise à l'égard des prestations annexes soumises au taux normal.
2. L'application du taux normal aux prestations annexes
L'instruction de 1983 et la documentation administrative de 1991 précitées excluaient du taux réduit les "constitutions de dossier, présence, soins somatiques...". La dernière instruction, en date du 15 janvier 1998 prévoit que "en revanche, les services annexes rendus par ces prestataires lors de ces transports de corps (constitution de dossiers, 'présence', soins somatiques...) demeurent passibles du taux normal. Pour l'application du taux réduit, il appartient aux redevables de comptabiliser distinctement la fraction du prix correspondant à la prestation de transport de corps. À défaut, l'ensemble des opérations relève du taux normal.
Enfin, les livraisons de biens ou les prestations de services annexes (fleurs, garnitures de cercueils, accessoires de cérémonie, faire-part, cartes de remerciements, etc.) sont soumises au taux qui leur est propre. Ainsi, les travaux divers d'imprimerie, la construction, l'entretien et la vente de caveaux, l'entretien et le nettoyage des sépultures et monuments funéraires relèvent du taux normal de la TVA. La fourniture de fleurs est soumise au taux de 19,6 % s'il s'agit de fleurs artificielles ou de compositions florales (couronnes, coussins, etc.). En revanche, bénéficie du taux réduit la fourniture de produits de la floriculture non transformés (fleurs coupées notamment), dans les conditions définies ci-avant DB 3 C 2121, n° 6 à 8.
Les opérations de gestion d'un crématorium par une entreprise privée délégataire sont soumises au taux normal de 19,6 %".
Il est intéressant de souligner que la comptabilisation distincte des opérations relevant de taux différents suffit pour en bénéficier. Il est vrai que la jurisprudence communautaire ne permet pas de refuser l'application de taux différents aux prestations différentes, même si elles sont nécessairement liées (CJCE, 8 mai 2003, aff. C-384 /01, Commission des Communautés européennes c/ République française N° Lexbase : A9191B48 ; Y. Sérandour, L'Année fiscale 2004, p. 238) ou doivent se compléter pour satisfaire le client (CJCE, 25 février 1999, aff. C-349/96, Card Protection Plan Ltd (CPP) c/ Commissioners of Customs & Excise N° Lexbase : A7318AHI). Au point 30 du dernier arrêt cité, la CJCE y affirme, à propos d'une affaire soulevant un problème de définition et de distinction des prestations, qu'"il convient de souligner qu'il s'agit d'une prestation unique notamment dans l'occurrence où un ou plusieurs éléments doivent être considérés comme constituant la prestation principale alors que, à l'inverse, un ou des éléments doivent être regardés comme une ou des prestations accessoires partageant le sort fiscal de la prestation principale. Une prestation doit être considérée comme accessoire à une prestation principale lorsqu'elle ne constitue pas pour la clientèle une fin en soi, mais le moyen de bénéficier dans les meilleures conditions du service principal du prestataire".
En résumé, constitue une prestation autonome soumise au régime prévu par la 6ème directive-TVA (N° Lexbase : L9279AU9) toute prestation indépendante dont l'existence et la consommation ne nécessitent pas un autre élément constitutif. Comme en matière d'assiette de la TVA, seule importe la volonté contractuelle (CJCE 24 octobre 1996, aff. C-288/94, Argos Distributors Ltd c/ Commissioners of Customs & Excise, § 16 N° Lexbase : A7279AH3 ; CJCE, 15 mai 2001, aff. C-34/99, Commissioners of Customs & Excise c/ Primback Ltd, § 24 N° Lexbase : A3959ATS, Dr. fisc. 2001, n° 37, comm. n° 797 ; CJCE, 15 octobre 2002, aff. C-427/98, Commission des Communautés européennes c/ République fédérale d'Allemagne N° Lexbase : A2779A3C). Si les clients ressentent le désir d'acquérir des prestations différentes qu'ils jugent indispensables pour obtenir satisfaction en les utilisant ensemble, le taux propre à chaque prestation doit s'appliquer. La confection d'une recette nécessitant des flocons de chocolat noir de luxe et du chocolat au lait de ménage en tablettes n'entraîne pas application du taux normal à la vente de l'ensemble au prétexte que l'un des ingrédients relève du taux normal.
L'exigence d'une comptabilisation distincte des prestations relevant de taux différents pourrait prêter à discussion. La 6ème directive-TVA, en son article 28 nonies, 2 a, mentionne "une comptabilité suffisamment détaillée pour permettre l'application de la TVA et son contrôle par l'administration fiscale". Il ne faudrait pas que l'enregistrement distinct et la facturation distincte des prestations soumises à des taux différents puissent exclure l'application de taux distincts au prétexte d'absence de comptabilité distincte.
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- Patrick Suet, secrétaire général adjoint de la Société Générale, président de la Commission fiscale de la Fédération Bancaire Française ;
- Claude Lopater, associé de PricewaterhouseCoopers; vice-président du Groupe IAS et fiscalité du Conseil national de la comptabilité.
- Olivier Fouquet, président de la Section des finances du Conseil d'Etat
- Philippe Martin, président-adjoint de la Section du contentieux du Conseil d'Etat ;
- Jean-Pierre Lieb, sous-directeur à la Direction de la législation fiscal
- Marie-Amélie Deysine, avocate
- Nicole Goulard, avocat, associée
- Renaud Jouffroy, avocat, associé
- Jean-Luc Pierre, avocat, associé
- Jean-Marc Priol, avocat
- Alain Recoules, avocat, associé
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- Michel Taly, avocat, associé
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Le 07 Octobre 2010
I. La source des aménagements
L'une des grandes caractéristiques du droit du travail est, on le sait, de faire coexister une pluralité de sources. Outre, évidemment, la loi et le règlement, la matière est régie par des normes conventionnelles, les conventions et accords collectifs de travail, et des actes unilatéraux, qu'il s'agisse des engagements unilatéraux de l'employeur stricto sensu ou des actes qui en ont, selon la jurisprudence, la valeur : usage ou encore accords dits "atypiques". Si le contrat de travail ne saurait, évidemment, être omis, il doit cependant être laissé de côté, dans la mesure où il a pour objet d'organiser la relation individuelle de travail et non, en principe, les rapports collectifs. En revanche, il faut encore évoquer les accords dits préélectoraux qui, pour ressembler très fortement à des accords collectifs, s'en distinguent, néanmoins, sur un certain nombre de points.
Il n'est guère besoin de s'étendre ici sur le fait que les différentes sources recensées ci-dessus ne suivent pas le même régime juridique. Par exemple, les règles de dénonciation d'un accord ou d'une convention collective n'ont pas vocation à s'appliquer à la dénonciation d'un acte unilatéral. Par ailleurs, et pour en venir à un problème évoqué dans l'un des arrêts commentés, les règles de conclusion d'un accord collectif diffèrent, sur un point essentiel, de celles qui s'appliquent aux accords préélectoraux. En effet, ces derniers ne sont valables que s'ils sont signés par l'ensemble des syndicats représentatifs. Pour être tout à fait précis, la loi n'exige une telle unanimité que pour les clauses modifiant le nombre et la composition des collèges (C. trav., art. L. 423-3 N° Lexbase : L6363ACN et L. 433-2 N° Lexbase : L6419ACQ).
Pourtant, la jurisprudence incline à l'exiger pour l'ensemble des dispositions du protocole, c'est-à-dire également pour celles fixant le déroulement des opérations électorales (v., par ex., Cass. soc., 7 novembre 1990, n° 89-61.333, Société Schlumberger c/ Syndicat des métaux CGT, publié N° Lexbase : A4719ACR) (2). Pour autant, cette exigence d'unanimité, dont la jurisprudence tend d'ailleurs à réduire aujourd'hui le champ d'application (3), ne saurait être étendue à l'excès et, notamment, au-delà de l'accord préélectoral.
C'est ce que précise la Cour de cassation dans l'un des arrêts commentés, en décidant que "l'alinéa 3 de l'article L. 433-1 du Code du travail n'exige pas l'unanimité pour la conclusion de la convention ou de l'accord collectif augmentant le nombre des membres du comité d'entreprise" (Cass. soc., 8 décembre 2004, n° 03-60.508, F-P+B N° Lexbase : A3756DET). La solution est parfaitement fondée. En effet, l'article L. 433-1, alinéa 3 ([lXB=L9604GQR]) indique simplement que "le nombre de membres [du comité d'entreprise] peut être augmenté par voie de convention collective ou d'accord entre le chef d'entreprise et les organisations syndicales reconnues représentatives". En aucune façon, il n'exige donc une quelconque unanimité. Ubi lex non distinguit nec nos distinguere debenus (4).
Dans un arrêt en date du 6 octobre 2004, la Cour de cassation a affirmé que "les dispositions concernant le fonctionnement ou les pouvoirs des comités d'entreprise ne peuvent résulter que d'accords collectifs ou d'usages" (Cass. soc., 6 octobre 2004, n° 03-60.333, F-D N° Lexbase : A5803DDB).
Il résulte de cette décision, dont il faut relever qu'elle n'a pas fait l'objet d'une publication, qu'un accord atypique ne saurait avoir pour objet le fonctionnement ou les pouvoirs du comité d'entreprise. Une telle faculté est, en revanche, ouverte à l'accord collectif et aux usages. Ainsi que nous avions pu le relever (v. notre chron. préc.), l'arrêt suscite, de ce point de vue, l'étonnement dans la mesure où, dans une décision antérieure, la Chambre sociale avait clairement affirmé que "si le nombre des délégués ou des représentants syndicaux tel qu'il est fixé par la loi peut être augmenté à la suite d'une négociation avec les syndicats représentatifs par accord collectif, ni un usage de l'entreprise, ni un engagement unilatéral de l'employeur ne peuvent modifier les dispositions légales correspondantes" (Cass. soc., 30 mai 2001, n° 00-60.150, Société nationale de télévision France 3 c/ M. Michel Barre, publié N° Lexbase : A5667AT3) (5).
Si aucune des décisions commentées ne vient répondre à la question de savoir comment les deux solutions qui viennent d'être évoquées peuvent se concilier (6), l'une d'entre elles intéresse, en revanche, l'articulation, dans la matière qui nous intéresse, entre la norme conventionnelle et l'usage. Selon la Chambre sociale de la Cour de cassation, en effet, "lorsque l'accord collectif fixe des conditions permettant la désignation d'un représentant syndical au comité de groupe, il ne peut y être dérogé par voie d'usage" (Cass. soc., 8 décembre 2004, n° 03-60.484, F-P+B N° Lexbase : A3754DER) (7). Cette solution, d'abord fondée sur la force obligatoire des conventions, ainsi que l'indique le visa de l'article 1134 du Code civil (N° Lexbase : L1234ABC), s'explique aussi par la hiérarchie des sources en droit du travail, qui conduit à faire primer la convention collective sur l'usage, simplement supplétif de la volonté des parties à l'acte juridique.
II. L'opposabilité des aménagements
Ainsi que nous l'avons brièvement évoqué précédemment, la Cour de cassation tend, aujourd'hui, à donner à la règle de l'unanimité un champ d'application plus restreint, ainsi que le démontre très clairement un arrêt rendu le 12 juin 2002. Dans cette décision, la Chambre sociale a, en effet, décidé qu'une stipulation électorale qui ne concerne pas le nombre et la composition des collèges électoraux, mais la répartition des sièges entre les catégories, doit s'appliquer, même sans avoir recueilli l'accord de tous les syndicats représentatifs (Cass. soc., 12 juin 2002, n° 01-60.617, F-P N° Lexbase : A8847AYC, Dr. soc. 2002, p. 1162, obs. M. Cohen).
Si le principe et la portée de cette solution peuvent prêter à discussion (v. notamment les critiques de G. Borenfreund, art. préc., p. 119), cela n'enlève toutefois rien aux effets d'un accord unanime qui viendrait à être conclu sur les modalités des élections. Si celui-ci revêt, évidemment, une force contraignante pour les parties signataires, il est également opposable aux salariés qui lui sont soumis.
C'est ce que confirme la Cour de cassation, dans l'un des arrêts rendus le 8 décembre 2004, en affirmant que "l'employeur et les organisations syndicales peuvent décider à l'unanimité de reporter la date des élections" (8) (Cass. soc., 8 décembre 2004, n° 03-60.509, M. Pascal Perrier c/ Banque Neuflize Schlumberger Mallet Demachy (NSMD), F-P+B N° Lexbase : A3757DEU). Un salarié ne saurait, par suite, solliciter l'annulation des élections en raison d'un tel report.
Cela étant, cette même décision confirme, si besoin était, que l'unanimité n'enlève pas au juge le pouvoir de contrôler la validité des stipulations adoptées par les parties à l'acte, notamment au regard des principes généraux du droit électoral. Selon la Cour de cassation, "en constatant que les dispositions du protocole préélectoral permettaient d'assurer l'identité des électeurs ainsi que la sincérité et le secret du vote électronique, comme la publicité du scrutin, conformément aux principes généraux du droit électoral, le tribunal a légalement justifié sa décision".
Au-delà de la question de la validité de l'accord préélectoral, il convient de souligner que la Cour de cassation vient admettre, par la présente décision et pour la première fois à notre connaissance, la possibilité de mettre en place un vote électronique (9). Si cette solution doit être approuvée, elle n'allait pas de soi, dans le silence des textes. La mise en place du vote électronique reste, cependant, soumise à de strictes conditions, garantissant la confidentialité et le contrôle des opérations électorales.
Les dispositions d'une convention ou d'un accord collectif de travail qui tendent à améliorer l'exercice du droit syndical dans les entreprises ou les institutions représentatives du personnel, sont applicables de plein droit à tous et, en particulier, aux syndicats représentatifs, sans qu'il y ait lieu de distinguer entre ceux qui ont signé ou adhéré à la convention ou à l'accord collectif et ceux qui n'y ont pas adhéré ou qui ne l'ont pas signé (Cass. soc., 29 mai 2001, n° 98-23.078, Union nationale des syndicats CGT-Cegelec c/ Société Cegelec et autres, publié N° Lexbase : A4696AT4).
Si le bénéfice des droits conventionnels est ainsi largement ouvert, il peut être soumis à un certain nombre de conditions prévues par le texte en cause, qui auront vocation à s'appliquer aux syndicats concernés. C'est ce que rappelle la Cour de cassation, dans l'un des arrêts commentés, en reconnaissant la validité de la stipulation d'un accord de groupe, permettant aux organisations syndicales de désigner des représentants syndicaux au comité de groupe, à la condition d'avoir un siège au comité de groupe (Cass. soc., 8 décembre 2004, n° 03-60.484, F-P+B N° Lexbase : A3754DER). Ces dispositions restrictives ne sauraient être contestées, dès lors qu'elles concernent un droit d'origine purement conventionnelle (10) et, surtout, qu'elles ne présentent aucun caractère discriminatoire.
De façon plus générale, cette solution conduit à s'interroger sur le fait de savoir si une telle condition est applicable au syndicat non signataire de l'accord collectif. Sa qualité de tiers à l'acte juridique pourrait en faire légitimement douter, comme elle pouvait, d'ailleurs, conduire à affirmer que ce même syndicat n'a pas vocation à bénéficier des droits reconnus par l'accord. La Cour de cassation a, toutefois, décidé le contraire dans l'arrêt précité du 29 mai 2001. Il paraissait, par suite, difficile à la Chambre sociale d'affirmer qu'un syndicat non signataire peut bénéficier des droits reconnus par un accord, sans pour autant être tenu des obligations qu'ils comportent.
On ne saurait, dès lors, être surpris que cette dernière ait affirmé qu'un accord de groupe est "opposable aux organisations syndicales non signataires en sorte que si elles entendent participer aux négociations de groupe qu'il prévoit, elles sont tenues de désigner leurs représentants conformément à ses dispositions" (Cass. soc., 30 avril 2003, n° 01-10.027, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A7524BSH, adde notre chron., Consécration jurisprudentielle des accords collectifs de groupe, Lexbase Hebdo n° 71 du 15 mai 2003 - édition sociale N° Lexbase : N9953AAU).
Une telle solution, pour être logique, ne s'explique juridiquement que parce que le syndicat devient un sujet de l'accord collectif, au même titre qu'un salarié. Il est, par suite, tenu des obligations qu'il comporte en vertu de son effet réglementaire. On reste, cependant, dubitatif sur la référence expresse à la notion d'inopposabilité qui n'a, normalement, pas pour effet de soumettre un tiers aux obligations nées d'un acte juridique.
Gilles Auzero
Maître de conférences à l'Université Montesquieu Bordeaux IV
(2) Dans cette hypothèse, l'absence d'unanimité ne rend pas le protocole irrégulier, mais permet seulement la saisine du juge d'instance pour la fixation des modalités sur lesquelles l'accord n'a pu intervenir (Cass. soc., 28 octobre 1997, n° 96-60.272, M. Quenouiller et autres c/ Société Dercam technologie N° Lexbase : A6390AGR).
(3) V., sur la question, G. Borenfreund, Négociation préélectorale et droit commun de la négociation collective, Etudes offertes à Jean Pélissier, Dalloz, p. 93, spéc. pp. 115 et s.
(4) Exiger l'unanimité reviendrait, en outre, à ajouter, dans le silence de la loi, une condition supplémentaire à la validité d'un accord collectif.
(5) V. aussi, dans le même sens, Cass. soc., 20 mars 2001, n° 99-60.496, Union départementaledes syndicats confédérés CGT des Hautes-Pyrénées c/ Société Actalimet autres, publié (N° Lexbase : A1250ATH), Dr. soc. 2001, p. 568, obs. J. Savatier : "Si le nombre de délégués syndicaux, tel qu'il est fixé par la loi, peut être augmenté par accord collectif à la suite d'une négociation avec les syndicats représentatifs, ni un usage, ni un engagement unilatéral de l'employeur ne peuvent modifier les dispositions légales correspondantes". Il est vrai qu'à la différence de l'article L. 434-12 (N° Lexbase : L6444ACN), l'article L. 412-21 (N° Lexbase : L6341ACT) ne vise que les "conventions ou accords" et non les usages.
(6) Pour une tentative d'explication, v. notre chronique précitée Restrictions et interrogations quant aux sources d'amélioration des dispositions légales relatives au droit syndical et à la représentation du personnel, Lexbase Hebdo n° 139 du 20 octobre 2004 - édition sociale (N° Lexbase : N3178ABC).
(7) Il est à noter que cet arrêt a été rendu au visa des articles 1134 du Code civil (N° Lexbase : L1234ABC), L. 439-3 du Code du travail (N° Lexbase : L6468ACK) et 3-4 d'un protocole d'accord applicable en l'espèce. Cette dernière disposition permet aux organisations syndicales de désigner des représentants syndicaux au comité de groupe, à la condition d'avoir un siège au comité de groupe.
(8) Cette décision laisse, en outre, à penser que le report des élections ne peut être décidé que par voie d'accord unanime. Si cette solution nous paraît devoir être approuvée, elle conduit à se demander, dès lors qu'on la rapproche de l'arrêt précité du 12 juin 2002, quel est désormais le domaine exact de la règle de l'unanimité.
(9) V. aussi la position du ministre des Affaires sociales sur la question : Rép. min, n° 8428, JO Sénat, 2 octobre 2003, p. 2956, Bref social n° 13992, 17 oct. 2003 (N° Lexbase : L5035GUZ).
(10) On peut, en effet, s'interroger sur la validité d'une telle condition lorsqu'elle vient restreindre le bénéfice d'une clause conventionnelle qui, sans véritablement créer un droit, se contente simplement d'améliorer une disposition légale. Ainsi, par exemple, une stipulation conventionnelle réservant la possibilité de désigner un délégué syndical supplémentaire aux syndicats ayant obtenu un certain pourcentage de voix aux dernières élections dans l'entreprise est-elle valable ? V., sur cette délicate question, notre thèse, Les accords d'entreprise relatifs au droit syndical et à la représentation du personnel, Bordeaux IV, 1997.
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Réf. : CAA Paris, 5ème ch., 20 septembre 2004, n° 01PA00023 (N° Lexbase : A3203DED) ; n° 01PA00024 (N° Lexbase : A3204DEE) ; n° 01PA00025 (N° Lexbase : A3205DEG) ; n° 01PA00026 (N° Lexbase : A3206DEH) ; et n° 01PA00028 (N° Lexbase : A3207DEI)
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par Valérie Le Quintrec, Université de Bourgogne
Le 07 Octobre 2010
En l'espèce, des sociétés exploitant des magasins de l'enseigne Carrefour, s'étaient vues confier, par un établissement de crédit dépositaire du fonds commun de placement, le mandat de diffuser ce produit financier auprès de la clientèle des magasins Carrefour. L'administration fiscale avait considéré que les commissions perçues par les mandataires ne s'inscrivaient pas dans le cadre d'une activité de gestion de FCP au sens de l'article 261 C, 1° § f, du CGI. A ce titre, elle avait refusé de leur accorder l'exonération de TVA. En revanche, le tribunal administratif, dans chaque affaire, a accordé à chaque société vérifiée la décharge du supplément de taxe sur la valeur ajoutée que les services fiscaux leur avaient imposé.
Le ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, ne l'entendant pas de la sorte, a fait appel des jugements susvisés. La cour administrative d'appel de Paris, au regard des activités effectuées, a raisonné en deux temps. Elle est d'abord venue confirmer la position de l'administration fiscale selon laquelle l'article 261 C, 1° § f, du CGI n'est susceptible de s'appliquer que dans le cadre d'une délégation de gestion des actifs du FCP, ce qui n'était pas le cas en l'espèce (1). Puis, elle a tout de même admis l'exonération de TVA que les sociétés mandataires revendiquaient au titre de l'article L. 80 A du LPF (N° Lexbase : L8568AE3). En effet, ces dernières pouvaient parfaitement opposer aux services fiscaux l'instruction administrative n° 3 L-1-79 du 31 janvier 1979, selon laquelle les frais et commissions perçus, lors de l'émission, du placement ou de la gestion des parts de FCP doivent être exonérés de TVA (2).
1. La détermination du champ d'application de l'article 261 C, 1°-f, du CGI
Les frais et commissions liés à l'émission, au placement et à la gestion de fonds communs de placements et de créances constituent des opérations bancaires et financières exonérées de TVA au titre de l'article 261 C, 1°-f, du CGI.
Aux cas particuliers, l'administration fiscale a estimé que les rétrocessions de commissions encaissées par les sociétés mandataires en contrepartie de la diffusion du fonds commun de placement "Epargne Libre Carrefour" n'entraient pas dans le champ d'application des dispositions de l'article 261 C du CGI. Selon elle, les prestations réalisées constituaient de simples prestations de services à caractère commercial, distinctes de celles se rapportant à la gestion du fonds commun de placement.
La juridiction d'appel souligne que les sociétés mandataires étaient chargées, de démarcher la clientèle, de diffuser l'information légale concernant le fonds commun de placement et de recueillir la signature des souscripteurs ainsi que le premier versement. Par conséquent, elle considère très justement que ces diverses opérations, qui ne constituent pas une délégation de gestion des actifs du fonds, portant notamment sur les opérations d'achat et de revente des valeurs constituant ledit fonds, ne pouvaient être regardées comme se rattachant à la gestion de ce fonds, au sens du f précité du 1° de l'article 261-C du CGI.
Ainsi, la cour administrative d'appel de Paris revient très clairement sur les termes de l'article 261 C du CGI. Si aucune activité de gestion de FCP n'est réalisée au titre de cette disposition, alors aucune exonération de TVA ne saurait être accordée.
Cependant, pour pouvoir bénéficier de cette dernière faveur fiscale, les sociétés pouvaient opposer à l'administration une instruction admettant l'exonération de frais et commissions perçus en contrepartie de la diffusion du FCP auprès de la clientèle desdits magasins de grande enseigne.
2. L'application de la doctrine administrative pour bénéficier de l'exonération de TVA
Se fondant sur la doctrine administrative, les sociétés mandataires ont pu faire admettre par la cour administrative d'appel de Paris que les prestations servies par un mandataire, à la fois de démarchage financier, et d'intermédiaire de banque, étaient exonérées de TVA au titre des fonds communs de placements auxquelles elles se rapportent.
Aux termes de l'instruction administrative n° 3 L-1-79 du 31 janvier 1979, "doivent être considérés comme exonérés à ce titre les frais et commissions perçus, lors de l'émission, du placement ou de la gestion des parts des fonds communs de placement". Cette doctrine exonère donc les frais et commissions perçus en rémunération des prestations contribuant à la souscription par le public de part de fonds communs de placement.
Cependant, le ministre de l'Economie, tout en admettant que ladite doctrine exonère de taxe sur la valeur ajoutée les sommes versées en contrepartie des prestations consistant à démarcher les investisseurs en vue de leur conseiller la souscription de parts de fonds communs de placement, soutient que la prestation fournie par les sociétés mandataires n'entrerait pas dans les cas d'exonération prévus par la doctrine mais constituerait une prestation de mise à disposition de personnels, de locaux et de matériels sans lien direct avec le démarchage des investisseurs.
Toutefois, en dépit de l'avis du ministre de l'Economie, la cour administrative rappelle que l'établissement de crédit a confié aux sociétés susvisées un mandat de démarchage financier et un mandat d'intermédiaire en opération de banque et que, notamment, les personnels de ces dernières sociétés se sont vu délivrer par l'établissement bancaire une carte de démarcheur. Dès lors, les sociétés mandataires ne se sont pas bornées à assurer de simples prestations techniques ou matérielles au profit de l'organisme de crédit mais ont effectué pour le compte de ce dernier des prestations de prospection, d'information et de conseil auprès d'investisseurs potentiels et d'entremise auprès des souscripteurs du fonds.
Aussi, les prestations réalisées par lesdites sociétés entraient dans la catégorie des prestations exonérées de TVA au titre de l'instruction fiscale n° 3 L-1-79 du 31 janvier 1979.
La cour administrative d'appel vient ainsi confirmer la décision des premiers juges du fond en admettant également l'exonération des opérations effectuées au profit de l'établissement de crédit.
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