La lettre juridique n°145 du 2 décembre 2004

La lettre juridique - Édition n°145

Table des matières

TVA "sociale" : des vessies et des lanternes...

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N3739AB4

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la rédaction

Le 07 Octobre 2010


Et voici que ressurgit une recette magique de résorption du chômage, la TVA "sociale". A priori, cette augmentation de la TVA en contrepartie d'une diminution sensible des charges sociales aurait tout pour plaire, tant les multiples rapports, de ces derniers mois, crient haro sur le poids des prélèvements obligatoires et, notamment, sur le coût social du travail. Et chacun sait qu'une baisse des charges sociales ne peut qu'inciter à l'embauche et participer, du même coup, à la réduction de notre fort taux de chômage. Seulement, c'est oublier le "b. a. ba" de l'économie. D'une part, TVA et cotisations sociales ont, pour ainsi dire, la même assiette (le coût du travail, en France, demeure la part prépondérante du prix de revient d'un bien et qui plus est d'un service...). Aussi, de deux choses l'une : soit les Français acceptent une hausse importante des prix et, par là-même, une baisse de leur pouvoir d'achat (car bien entendu, la baisse des charges sociales n'a pas comme corollaire une augmentation des salaires, puisque c'est l'embauche qui doit être favorisée) ; or, une baisse de la consommation n'aurait pas pour premier effet d'augmenter la croissance et l'emploi ; soit, les prix restent stables, et c'est donc en amont que seront réalisées les économies d'échelle nécessaires. C'est-à-dire que les entreprises chercheront "à tout prix" à diminuer leurs coûts de production (gel des salaires, diminution de l'embauche, délocalisation...). On arriverait donc au résultat inverse de celui souhaité. D'autre part, quant à l'argument selon lequel, la TVA à l'exportation étant déductible, cette TVA "sociale" stimulerait notre balance commerciale, et donc l'emploi, c'est oublier que le principal ressort de l'embauche demeure dans ses conditions générales (mesures incitatives ou réglementation du cadre de travail...). Alors, à qui profite le "crime" ? De là, à ce que la TVA "sociale" ne soit qu'une "illusion" (cf. Pascal Salin, professeur d'économie à l'université de Paris Dauphine, Le Figaro du 23 novembre 2004).

newsid:13739

Fiscalité des entreprises

[Textes] La déduction de la TVA ayant grevé un immeuble nu donné en location

Réf. : Instruction du 15 octobre 2004, BOI n° 3 A-6-04 (N° Lexbase : X4169ACE)

Lecture: 8 min

N3697ABK

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par Yolande Sérandour, Professeur à la Faculté de droit de Rennes, Directrice du Master de Droit Fiscal des Affaires de Rennes et du département Droit fiscal du CDA

Le 07 Octobre 2010


Aux termes de l'article 13-B-b de la 6ème directive TVA (N° Lexbase : L9279AU9) transposé sous l'article 261 D du CGI , les locations d'immeubles nus sont exonérées de TVA. Toutefois, l'article 13-C-a de la 6ème directive TVA autorise chaque Etat membre à offrir l'option pour la TVA en en fixant les modalités. En France, l'article 260-2° du CGI prévoit que les personnes qui donnent en location des locaux nus pour les besoins de l'activité d'un preneur assujetti à la TVA ou, si le bail est conclu à compter du 1er janvier 1991, pour les besoins de l'activité d'un preneur non assujetti peuvent opter pour la TVA. Cependant, si le locataire n'a pas la qualité d'assujetti, le bail doit faire mention de l'option par le bailleur. L'option présupposant l'exercice d'une activité par le locataire, la location à usage d'habitation s'en trouve exclue. Seules les locations d'immeubles nus destinés à l'exercice d'une activité professionnelle en bénéficient. Une instruction fiscale, en date du 15 octobre 2004, vient préciser aux redevables de la TVA et à leurs conseils les conditions du droit à déduction de la TVA afférente aux immeubles nus loués sous le régime de la TVA optionnelle (CGI, art. 260-2°) ainsi que son éventuelle régularisation.

1. Le droit à déduction de la TVA afférente aux immeubles donnés en location

Dans la mesure où la qualité de redevable de la TVA permet de récupérer la TVA d'amont , un propriétaire d'immeuble nu pourrait être tenté d'exciper de l'existence d'un bail pour déduire la TVA ayant grevé la construction ou l'acquisition d'un immeuble voire les travaux et réparations ultérieurs. Afin de prévenir les fraudes et abus éventuels (6ème directive, art. 13-b, al.1er), le propriétaire doit établir sa qualité de bailleur (instr. commentée, § 3), "notamment par la production d'un bail portant sur tout ou partie de l'immeuble concerné ou par tout document écrit qui, sans prendre la forme d'un bail, permet au bailleur de justifier la réalité des liens juridiques noués avec un preneur à partir d'une date déterminée (Doc. adm. 3 A-513, n° 2)".

Le bailleur d'immeuble(s) nu(s) à usage professionnel peut choisir de soumettre à la TVA toutes ses locations immobilières ou certaines seulement. Toutefois, dans la mesure où l'option s'exerce par immeuble ou ensemble d'immeubles, des locaux situés dans un immeuble objet d'une option ne peuvent y échapper (instr. commentée, § 4). La seule limite à la généralité du champ d'application de l'option réside dans l'affectation d'une fraction d'immeuble ou de l'ensemble d'immeubles à l'habitation ou à une activité agricole (CGI, art. 260-2°.a), voire à l'activité de preneurs non assujettis à la TVA dont le bail ne fait pas mention expresse de l'option par le bailleur.

L'option pour la TVA sur la mise à disposition de locaux présente deux avantages importants : la possibilité de récupérer la TVA d'amont et l'exonération de la taxe sur les salaires. Cependant, très logiquement, l'administration fiscale entend limiter cette déduction en proportion des surfaces des locaux effectivement couverts par l'option (instr. commentée, § 5). L'éventualité de locaux professionnels vacants n'étant pas à écarter, l'administration fiscale admet néanmoins que "dès lors qu'une option a été formulée en bonne et due forme par le bailleur, cette dernière produit ses effets sur les locaux nus à usage professionnel non effectivement donnés en location par le bailleur mais dont il peut être établi, par des éléments objectifs, qu'il les offre à la location" (instr. commentée, §6).

Cette solution de bon sens ne saurait s'analyser en une tolérance. Elle s'impose à l'administration fiscale. Selon une jurisprudence communautaire constante, l'intention d'affecter les dépenses pour lesquelles l'assujetti réclame l'exercice du droit à déduction à une activité imposable suffit (Y. Sérandour, Le droit à déduction de la TVA en jurisprudence communautaire, JCP éd. E 1999, p. 1954 ; CJCE, 14 février 1985, aff. C-268/83, D.A. Rompelman et E.A. Rompelman-Van Deelen c/ Minister van Financiën N° Lexbase : A8121AUC, Rec. CJCE, p. 655, spéc. § 22 et 23 ; CJCE, 11 juillet 1991, aff. C-97/90, Hansgeorg Lennartz c/ Finanzamt München III N° Lexbase : A7275AHW ; CJCE, 29 février 1996, aff. C-110/94, Intercommunale voor zeewaterontzilting (INZO) c/ Belgische Staat N° Lexbase : A9700AUS ; CJCE, 15 janvier 1998, aff. C-37/95, Belgische Staat c/ Ghent Coal Terminal NV N° Lexbase : A9657AU9, JCP éd. E 1998, n° 11, p. 403, note F. Taquet ; CJCE, 21 mars 2000, aff. C-110/98, Gabalfrisa SL e.a. c/ Agencia Estatal de Administración Tributaria (AEAT) N° Lexbase : A1997AIS ; CJCE, 8 juin 2000, aff. C-400/98, Finanzamt Goslar c/ Brigitte Breitsohl N° Lexbase : A1912AWQ ; CJCE, 8 juin 2000, aff. C-396/98, Grundstückgemeinschaft SchloBstraBe GbR c/ Finanzamt Paderborn N° Lexbase : A1801AWM).

Les frais préparatoires à l'exercice d'une activité imposable ouvrent droit à déduction immédiate, notamment, par remboursement. Il suffit d'avoir déclaré son intention de réaliser des opérations imposables et d'en avoir rapporté la preuve. Il importe peu que l'auteur des dépenses exerce personnellement l'activité pour laquelle les dépenses préparatoires ont été engagées. Ainsi, en cas de création d'une société civile chargée de réaliser tous les investissements nécessaires à l'exercice de l'activité envisagée à exercer par une société de capitaux à créer, la société préparatoire peut déduire la TVA (CJCE, 29 avril 2004, aff. C-137/02, Finanzamt Offenbach am Main -Lan c/ Faxworld Vorgründungsgesellschaft Peter Hünninghausen und Wolfgang Klein GbR N° Lexbase : A9946DBY ; lire Y. Sérandour, Frais préparatoires et TVA, la création d'entreprise encouragée par la CJCE, Lexbase Hebdo n° 119 du 5 mai 2004 - édition fiscale N° Lexbase : N1501AB9). Confrontons cette jurisprudence à l'instruction commentée.

Selon l'administration fiscale, la déduction de la TVA grevant des dépenses affectées à une location immobilière taxable présuppose remplies les conditions suivantes :

"- des mandats conclus par le bailleur ou toute autre démarche initiée par ce dernier attestent des efforts déployés par celui-ci dans la recherche active de locataires pour les locaux nus à usage professionnel restés vacants ;

- les locaux nus à usage professionnel qui ne font pas encore l'objet d'un bail ou d'une promesse de bail au moment de la formulation de l'option représentent une faible superficie du total des locaux nus à usage professionnel de l'immeuble concerné.

En tout état de cause, cette dernière condition doit être réputée satisfaite si la vacance de ces locaux est justifiée par des circonstances économiques indépendantes de la volonté du bailleur (début d'activité, conjoncture du marché immobilier, sinistre..." (§ 7).

A priori, l'intention manifeste de donner en location imposable suffit. Cependant, la condition de faible superficie des locaux non effectivement loués ou à louer heurte la jurisprudence communautaire. La CJCE rappelle, régulièrement, que le régime des déductions vise à soulager entièrement l'entrepreneur du poids de la TVA d'amont, indépendamment des buts ou résultats des activités économiques exercées (CJCE, 14 février 1985, aff. C-268/83, D.A. Rompelman et E.A. Rompelman-Van Deelen c/ Minister van Financiën, §19 ; CJCE, 21 septembre 1988, aff. C-50/87, Commission des Communautés européennes c/ République française, §15 N° Lexbase : A7265AHK ; CJCE, 22 février 2001, aff. C-408/98, Abbey National plc c/ Commissioners of Customs & Excise, § 24 N° Lexbase : A1648AWX). Le principe de neutralité interdit de distinguer "entre les dépenses d'investissement effectuées avant l'exploitation effective d'une entreprise et celles réalisées au cours de ladite exploitation" (CJCE, 14 février 1985, aff. C-268/83, D.A. Rompelman et E.A. Rompelman-Van Deelen c/ Minister van Financiën, § 23 ; CJCE, 29 février 1996, aff. C-110/94, Intercommunale voor zeewaterontzilting (INZO) c/ Belgische Staat, § 16 ; CJCE, 21 mars 2000, aff. C-110/98, Gabalfrisa SL e.a. c/ Agencia Estatal de Administración Tributaria (AEAT), § 45 ; CJCE, 8 juin 2000, aff. C-400/98, Finanzamt Goslar c/ Brigitte Breitsohl, § 37). Cette approche approximative du droit communautaire caractérise, également, la régularisation de la TVA ayant grevé des dépenses affectées à l'exercice d'une activité de location immobilière.

2. La régularisation de la TVA afférente aux immeubles donnés en location

Selon l'administration fiscale, "aucune régularisation n'est exigible sur le fondement de l'article 210 de l'annexe II au CGI dans les situations où pendant la durée de l'option, il est constaté une vacance temporaire des locaux nus à usage professionnel précisément justifiée par des circonstances économiques étrangères à la volonté du bailleur telles que décrites plus haut. Il en est ainsi, par exemple, en cas de changement de locataire, pendant la période au cours de laquelle le bailleur effectue les diligences nécessaires à la recherche d'un nouveau locataire" (§ 7). Dès lors que le bailleur maintient son intention d'affecter son immeuble à une location imposable, son droit à déduction perdure. En revanche, "si le bailleur se trouve dans une situation où la vacance de ces locaux perdure et aboutit, en définitive, à une cessation de son activité imposable de location d'immeuble nu à usage professionnel (refus de reconduction tacite, cessation des effets de l'option, cessation d'activité...), il est alors tenu :

- d'une part, de déclarer, le cas échéant, la perte de la qualité d'assujetti réalisant des opérations ouvrant droit à déduction, conformément aux règles décrites dans l'instruction administrative BOI n° 3 D-4-99 du 28 septembre 1999 (N° Lexbase : X1124AAU) ;

- d'autre part, de procéder, sur la déclaration de taxes sur le chiffre d'affaires déposée au titre de cette cessation, en application de l'article 210-I de l'annexe II au CGI, à la régularisation de la taxe antérieurement déduite lorsque la cessation des opérations imposables intervient avant le commencement de la dix-neuvième année [Neuvième année jusqu'au 31 décembre 1995] qui suit celle de la date d'ouverture des droits à déduction" (§ 9).

L'administration se soumet à la jurisprudence en matière de frais préparatoires (instruction du 28 septembre 1999, BOI n° 3 D-4-99). La qualité d'assujetti ne peut être rétroactivement retirée, lorsqu'elle a été reconnue par l'administration (CJCE, 29 février 1996, aff. C-110/94, Intercommunale voor zeewaterontzilting (INZO) c/ Belgische Staat, § 20 ; CJCE, 15 janvier 1998, aff. C-37/95, Belgische Staat c/ Ghent Coal Terminal NV ; CJCE, 8 juin 2000, aff. C-400/98, Finanzamt Goslar c/ Brigitte Breitsohl, § 41 ; CJCE, 8 juin 2000, aff. C-396/98, Grundstückgemeinschaft SchloBstraBe GbR c/ Finanzamt Paderborn ; CE Contentieux, 28 novembre 1997, n° 140163, Société d'exploitation des établissements Bernarg Goux c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A4987ASI, Dr. fisc. 1998, comm. 319 et conclusions sous CAA Nantes, 1ère ch., 28 juin 2002, n° 98NT02286, Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie c/ SA Société d'aménagement du Mortier N° Lexbase : A0669A4K, BF 11/02, n° 996). Toute solution contraire enfreint les principes de confiance légitime et sécurité juridique (CJCE, 29 février 1996, aff. C-110/94, Intercommunale voor zeewaterontzilting (INZO) c/ Belgische Staat, § 21 et CJCE, 8 juin 2000, aff. C-400 /98, Finanzamt Goslar c/ Brigitte Breitsohl, § 38). Peu importe que le créateur d'entreprise abandonne ultérieurement son projet. Il ne s'expose pas au reversement de la totalité de la TVA remboursée par le fisc à raisons de ses frais préparatoires. Seules les règles de régularisation partielle s'appliquent (CJCE, 15 janvier 1998, aff. C-37/95, Belgische Staat c/ Ghent Coal Terminal NV, § 23 ; CJCE, 8 juin 2000, aff. C-400/98, Finanzamt Goslar c/ Brigitte Breitsohl, § 41), sauf abus ou fraude prouvé (CJCE, 29 février 1996, aff. C-110/94, Intercommunale voor zeewaterontzilting (INZO) c/ Belgische Staat, § 24 ; CJCE, 8 juin 2000, aff. C-400/98, Finanzamt Goslar c/ Brigitte Breitsohl, § 29).

Cette jurisprudence communautaire amène à se demander si l'administration fiscale la respecte, en déduisant de la vacance persistante des locaux la cessation de l'activité imposable de location d'immeuble nu à usage professionnel. Certes, le refus de reconduction tacite ou l'absence de démarches en vue de conclure de nouveaux contrats de location s'apparente à une cessation d'activité entraînant régularisation des déductions effectuées. Cependant, l'offre réelle de location interdit de remettre en cause le droit à déduction. Seule la fraude ou l'abus établi par l'administration permettra à cette dernière de réclamer régularisation.

newsid:13697

Documentation juridique

[Evénement] La conservation d'un produit juridique éditorial n'existant que sur support électronique : un engagement contractuel réaliste

Lecture: 6 min

N3581ABA

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par Fabien Waechter, Directeur du centre Information, Documentation, Formation

Le 07 Octobre 2010

Les 3, 4 et 5 novembre 2004, a eu lieu, à la Maison du Barreau de Paris, la 6ème édition des journées "Internet pour le droit". La thématique de ces trois journées de colloque portait sur les convergences qui peuvent exister entre des représentants des pouvoirs publics, des instituts de recherche, des enseignants, des chercheurs, des magistrats, des praticiens et des spécialistes du traitement de l'information. De l'accès aux données juridiques sous format électronique à l'évolution du commerce en ligne, en passant par les règles de protection des données personnelles, nombreux ont été les thèmes abordés à l'occasion des conférences et des tables rondes. Lexbase vous propose, cette semaine, de découvrir l'intervention du directeur de son centre Information, Documentation, Formation, consacrée à la conservation d'un produit juridique éditorial n'existant que sur support électronique.
La société Lexbase exploite des données afin de créer des produits juridiques éditoriaux sur supports essentiellement numériques. Longtemps, la diffusion de Lexbase ne fut que numérique, et la question de la conservation de son contenu existant s'est posée très tôt : en effet, cette possibilité de conservation fut même nécessaire pour rassurer ses clients. Il fallait, à l'époque, prévoir d'un côté le développement de Lexbase, mais aussi, de l'autre, savoir préparer une sortie "prématurée". En cas de disparition de l'éditeur, les personnes abonnées voulaient pouvoir, en quelque sorte, aller "au terme" de leur abonnement. Trois ans plus tard, la question de la conservation de nos données reste, au-delà de l'intérêt théorique, un enjeu technique et stratégique. Cela est dû à une double spécificité. En effet, notre diffusion n'est en réalité qu'un service, qui porte, d'une part, sur des produits numériques, et d'autre part, sur des produits juridiques. Et le sujet de cette intervention nous amène, tout naturellement, à la place que nous occupons sur le nouveau marché concurrentiel des données juridiques. L'éditeur se situe entre les producteurs de la donnée brute, publique, et les utilisateurs d'un produit fini, commercial. Au regard de l'hypothèse de la conservation, il faut donc entendre la question comme étant celle de savoir ce qui peut être conservé, dans une relation exclusivement contractuelle et commerciale, au regard de ce qui pourrait l'être, dans le cadre, encore flou, de "licences de réutilisation".

Ainsi, le produit éditorial juridique sur support numérique est dans un premier temps un produit dématérialisé. Autant a-t-il été, un temps, reproché au support "papier" de prendre trop de place, autant, est-il devenu suspect, aujourd'hui, de vendre un produit qui ne peut même pas se dissoudre en poussière ! La dernière fois que la question de la conservation m'a été posée, elle était formulée sur le thème du vent, et ses rapports avec la vente de produits sur Internet. Maintenant que les produits dématérialisés sont perçus comme pouvant être des produits de contenu, l'abonné veut pouvoir continuer à accéder, non seulement, à ce à quoi il a déjà accédé, mais à tout ce à quoi il a pu avoir accès.

Notre modèle est dorénavant viable, et cherche même à perdurer ! Mais, il reste économiquement et techniquement imaginable de penser céder à chaque abonné, au terme de son contrat d'abonnement, la partie de Lexbase à laquelle il avait accès. En terme de réalité économique, cette possibilité ne peut que constituer une option contractuelle supplémentaire à l'abonnement, qui trouve sa contrepartie dans un prix supplémentaire versé pour ce qui est donc un nouveau produit. De même, il est techniquement possible de fournir un contenu "solide" : il peut, de façon réaliste, exister un produit Lexbase, figé sur support papier ou cd-rom (des produits statiques), à un instant "T". Nous avons, pour ce faire, de multiples options déjà existantes :

- l'"e-book" permet d'enregistrer une version image de Lexbase, indexée d'une date de génération, avec exploitation par un sommaire ;

- l'outil "Classeur" permet à l'utilisateur de se constituer des dossiers d'archives, qu'il est envisageable de pouvoir céder, afin de les installer sur un disque dur, ou de les exploiter via cd-rom.

Il est une chose que ce produit, ainsi défini, ne sera, pourtant, jamais, tout réalisable qu'il soit : un véritable produit éditorial numérique. En effet, ce produit reste un produit d'une réalité austère, en ce qu'une des vertus de la donnée numérique, est justement la volatilité, qui en permet toutes les facilités d'utilisation, dont celles de la mise à jour. Le produit de conservation ainsi réalisé est un produit, qui ne correspondra qu'à une démarche véritablement "réaliste" : il ne conviendra qu'en cas d'impossibilité absolue d'exploiter la donnée dématérialisée.

Les équipes Lexbase, si elles ont souvent pensé à ce genre de développement, n'y ont, pour autant, pas encore donné suite : que serait Lexbase sans sa réactivité ? Nous considérons que la valeur ajoutée, tirée de cet état de dématérialisation, est, pour une part, la réactivité. Par conséquent, le seul intérêt que Lexbase peut trouver dans la mis en place d'un tel produit de conservation est la compilation, qui sera vendue comme telle. Cela manque, en définitive, à nos yeux, de créativité, laquelle justifie pourtant une grande part de notre fameuse valeur ajoutée !

Outre son support numérique, la donnée Lexbase a une autre caractéristique : elle est juridique. Cela signifie que, quelle que soit sa valeur ajoutée, elle ne peut avoir comme origine qu'un fait juridique, un fait officiel, et donc, un fait public. Les rapports que nous entretenons avec les émetteurs publics pourraient être organisés. La conservation est même une excellente monnaie d'échange.

Ainsi, si la donnée publique acquiert une valeur ajoutée, dès lors qu'elle est intégrée dans Lexbase, voire, encore souvent, numérisée, il n'en reste pas moins que la donnée dite "brute", est fournie par la personne morale de droit public émettrice, et ce, globalement, gracieusement. Concrètement, c'est souvent grâce à cette absence de coût, que l'éditeur peut engager des frais pour fabriquer des produits à valeur ajoutée supérieure à celle procurée au départ. A l'inverse, les émetteurs travaillent à mettre à notre disposition une donnée : ce travail est ce que l'on peut appeler le service essentiel. Mais, il correspond, en réalité, bien souvent, notamment en ce qui concerne les juridictions et leur jurisprudence, à ce qui est indispensable pour être mis à disposition du citoyen. C'est du reste, aussi, par certains côtés, l'expression stricte du respect du marché de la concurrence, qui permet à chaque éditeur d'exister ! Alors, sans pour autant se sentir redevables, il semble raisonnable, de savoir simplement coexister. Il pourrait en découler des obligations pour les uns et les autres. Si, effectivement, le service public doit rester essentiel, l'éditeur pourrait s'engager à conserver le produit du travail issu de l'exploitation des données concédées. En effet, nous sommes, à l'aide de ces émetteurs, dépositaire d'une sorte de "service public +", qui pourrait leur être retourné, sans pour autant l'être à tout citoyen. Si les émetteurs restent titulaires de leur mission de service public auprès du citoyen, j'aime à penser que nous sommes investis d'une mission de service public auprès des professionnels du droit. La différence tient dans le service qui est offert. S'il nous appartient de savoir garder le service à un niveau supérieur de celui qui est offert au citoyen, il est tout à fait envisageable qu'une partie de ce service revienne à l'émetteur. Ainsi donc, pourrait-on concrètement réaliser un syllogisme, en l'exposant ainsi : on peut conserver le produit Lexbase, on peut conserver les données publiques, donc on pourrait, de façon réaliste, exiger de nous la conservation du produit des données publiques !

Il s'agirait alors d'établir une véritable collaboration, puisque finalement, le pendant de l'accès à l'information pourrait être la restitution de la source exploitée, ou tout au moins, la restitution d'une partie de l'exploitation de cette source. Dans quel cadre juridique pourrait se développer ce genre de "conservation minimum" ?

Si on reformule le précédent syllogisme, la question suivante se dessine : dans quelle mesure une donnée publique constitue-t-elle un produit ? En effet, on pourrait, en premier lieu, considérer que tant que la donnée reste "brute", elle doit être restituée. C'est un premier niveau tout à fait acceptable, souhaitable, même. Ainsi, par exemple, les cours d'appel qui nous fournissent leurs arrêts sous format "papier", devraient pouvoir exiger la version brute numérisée, en respectant l'équation "donnée brute papier" égale "donnée brute numérisée". La valeur ajoutée de la dématérialisation ne jouerait ici qu'envers les utilisateurs, mais l'émetteur public pourrait profiter d'un moyen de production. La notion de "donnée brute" resterait cependant à préciser ! Mais, il est certain qu'une certaine compilation des données peut être échangée. J'ai assisté ce matin aux discussions développées dans le cadre des Legal information institute, et nous serions prêts à participer à cet échange d'informations avec ces "travaux d'intérêts généraux". Ils ne peuvent, à mon sens, au bout de la chaîne de production, payante ou gratuite, qu'être profitable à l'utilisateur, citoyen ou professionnel. Quoi qu'il en soit, toute conservation, dans cet esprit, ne sera que contractuelle. Ce contrat, différent d'une licence de réutilisation, serait une sorte de contrat d'accès à l'information, qui participerait d'une sorte de dynamique de durabilité de l'intégrité des données, et qui pourrait être passé avec chaque émetteur. Il pourrait prendre les principales lignes des conventions de dépôt qui existent avec la Bibliothèque nationale de France, laquelle réfléchit du reste, depuis 1998, aux conditions d'archivage du web. Là encore, la réflexion pourrait être lancée, soit avec les émetteurs eux-mêmes, soit avec des grands "sanctuaires de produits" que pourraient être les grandes bibliothèques publiques, en référence aux "web sites cimetery" des grandes universités américaines. La discussion est ouverte.

newsid:13581

Social général

[Jurisprudence] A propos de la garantie de l'AGS : une extension de la liste des créances garanties en trompe-l'oeil

Réf. : Cass. soc., 23 novembre 2004, n° 02-41.836, M. Jean Fauvet c/ Société Stradelec, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A9590DDK)

Lecture: 9 min

N3730ABR

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par Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale

Le 07 Octobre 2010


La santé financière de l'AGS est directement tributaire de l'état de l'économie et du nombre de procédures collectives ouvertes. Elle est, également, subordonnée à des considérations plus juridiques qui tiennent aux plafonds garantis, qui ont été baissés en 2003 (décret n° 2003-684 du 24 juillet 2003, modifiant l'article D. 143-2 du Code du travail N° Lexbase : L1124BIH, lire A propos de la réforme de l'AGS : attention à vos créances, plafonds surbaissés !, Lexbase Hebdo n° 84 du septembre 2003 - édition sociale N° Lexbase : L1124BIH), et à l'interprétation que la Cour de cassation fait des conditions mêmes de la garantie. Or, un arrêt rendu par la Chambre sociale de la Cour de cassation le 23 novembre 2004, promis à la plus large publicité (P+B+R+I), semble procéder à un nouvel élargissement de la liste des créances garanties, en retenant de la notion de "sommes dues aux salariés à la date du jugement d'ouverture de toute procédure de redressement ou de liquidation judiciaire" une conception large (1). L'apparence est certainement trompeuse, car il nous semble que cette interprétation extensive s'explique par la nature particulière de la créance dans cette affaire (2).
Décision

Cass. soc., 23 novembre 2004, n° 02-41.836, M. Jean Fauvet c/ Société Stradelec, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A9590DDK)

Cassation partielle sans renvoi (cour d'appel de Paris, 18e chambre, section E, 18 janvier 2002)

Mots clef : AGS ; créances garanties ; accord de rupture amiable antérieur à la date du jugement d'ouverture ; sort des sommes dues postérieurement à la date du jugement d'ouverture.

Lien base :

Faits

1. M. Fauvet, salarié depuis 1956 de la société Stradelec, a conclu le 30 novembre 1994, avec son employeur, une convention de rupture amiable de son contrat de travail prenant effet au 30 avril 1995, qui lui attribuait une indemnité de 645 000 francs, payable mensuellement, à concurrence de 15 000 francs, à compter du 1er juin 1995.

Une procédure de redressement judiciaire ayant été ouverte le 2 mars 1998, à l'égard de cette société, M. Fauvet a saisi le juge prud'homal pour faire fixer sa créance et obtenir de l'AGS la garantie des sommes dues après le mois de mars 1998.

2. Pour débouter M. Fauvet de sa demande tendant à faire juger que sa créance relevait de la garantie de l'AGS, la cour d'appel a retenu qu'il ressort des termes mêmes de la convention de départ négocié que l'indemnité de rupture prévue constitue des dommages-intérêts dont le paiement a fait l'objet de délais, que cette convention ne contient aucune clause prévoyant que la déchéance du terme est acquise de plein droit en cas de non-respect d'une échéance ou de redressement judiciaire, que M. Fauvet ne justifie pas que la déchéance du terme ait été demandée et constatée en justice avant l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, que l'Unédic, qui a garanti le paiement de la mensualité échue antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, est bien fondée à refuser de garantir les mensualités impayées échues postérieurement à ce jugement.

Problème juridique

La créance du salarié, dont le principe a été arrêté contractuellement antérieurement à la date du jugement d'ouverture de la procédure collective, mais dont le paiement s'échelonne postérieurement à cette date, doit-elle être garantie par l'AGS pour la période postérieure à la date d'ouverture de la procédure collective ?

Solution

1. Vu l'article L. 143-11-1, alinéa 2, 1° du Code du travail (N° Lexbase : L9556GQY)
En vertu de ce texte, l'assurance contre le risque de non-paiement, en cas de redressement ou de liquidation judiciaire de l'employeur, couvre les sommes dues aux salariés en exécution du contrat de travail à la date du jugement d'ouverture de la procédure collective.

2. "En statuant comme elle l'a fait, alors que la créance du salarié résultait d'un accord conclu avant le jugement d'ouverture et que la somme convenue était due à la date de ce jugement, la cour d'appel a violé le texte susvisé".

Commentaire

1. Une extension apparente de la liste des créances garanties

  • La détermination légale des créances garanties

L'article L. 143-11-1 du Code du travail (N° Lexbase : L9556GQY) dispose que "tout employeur ayant la qualité de commerçant, d'artisan, d'agriculteur ou de personne morale de droit privé et occupant un ou plusieurs salariés doit assurer ses salariés, y compris les travailleurs salariés détachés à l'étranger ainsi que les travailleurs salariés expatriés visés à l'article L. 351-4 (N° Lexbase : L6231ACR), contre le risque de non-paiement, en cas de procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, des sommes qui leur sont dues et contre le risque de rupture du contrat de travail pour cause de force majeure consécutive à un sinistre en exécution du contrat de travail".

Le 1° de ce texte précise que ces créances concernent, en premier chef, "les sommes dues aux salariés à la date du jugement d'ouverture de toute procédure de redressement ou de liquidation judiciaire".

Le texte ne vise pas les créances dans leur principe, mais bien les "sommes" dues au salarié, et impose un critère chronologique très simple, puisque seules celles qui étaient dues à la date du jugement d'ouverture seront couvertes.

  • L'exclusion des sommes dues postérieurement au jugement d'ouverture mais convenues antérieurement

C'est pour cette raison que sont exclues de la garantie les commissions acquises par un VRP après cette date et au cours de la période d'observation, même si le principe du droit à commission résultait directement du contrat de travail, conclu antérieurement au jugement d'ouverture (CA Versailles, 11e ch., 30 janvier 1989, n° 915/88, Assédic Languedoc-Roussillon-Cevennes c/ Monsieur Claude Iung N° Lexbase : A4421A7U).

La Cour de cassation a eu, par ailleurs, l'occasion d'indiquer, à plusieurs reprises, qu'il ne suffisait pas que la créance soit née antérieurement à la date du jugement d'ouverture pour que l'intégralité des sommes soit garantie, notamment lorsque ces sommes devaient être payées postérieurement. Cette solution a été répétée concernant le paiement au salarié de l'indemnité compensatrice de non-concurrence (Cass. soc., 6 mai 1997, n° 94-42.699, M. Bourdin, publié N° Lexbase : A2151AAW : "la contrepartie pécuniaire de la clause de non-concurrence est une créance due mois par mois pendant la durée de l'interdiction de concurrence à compter du jour du licenciement" ; Cass. soc., 2 octobre 1997, n° 95-42.403, Groupement régional des assedics de la région parisienne (GARP) et autres c/ M. Dany Hauguet et autres, inédit N° Lexbase : A4483CLM ; Cass. soc., 27 octobre 1999, n° 96-43.941, Mlle Soret c/ Société Chambon SICM et autres, publié N° Lexbase : A4620AG9, Dr. soc. 2000, p. 123, obs. Ch. Radé).

Dans ces conditions, il semblait logique de considérer que toutes les sommes dues postérieurement au jugement d'ouverture devraient être exclues du domaine de la garantie et, qu'en l'espèce, l'AGS ne devrait pas garantir.

  • L'élargissement apparent de la liste des créances garanties

Or, c'est à une solution contraire que conduit cette décision.

Dans cette affaire, un salarié et son employeur avaient conclu un accord de rupture amiable aux termes duquel l'employeur s'engageait à lui verser la somme de 645 000 francs à titre d'indemnités, payable mensuellement à concurrence de 15 000 francs, à compter du 1er juin 1995, soit pendant près de quatre ans (45 mois). Malheureusement pour le salarié, l'entreprise avait été placée en redressement judiciaire moins de trois ans plus tard et le salarié avait cherché, en vain, à obtenir la garantie de l'AGS. Or, il avait été débouté, la cour d'appel constatant que l'accord ne contenait aucune clause de déchéance du terme en cas de non-paiement et que, dans ces conditions, l'AGS ne devait pas garantir les échéances postérieures au jugement d'ouverture.

L'explication semblait parfaitement juste, et pourtant elle est censurée, qui plus est sans renvoi, par la Chambre sociale de la Cour de cassation qui affirme, au contraire, que "la créance du salarié résultait d'un accord conclu avant le jugement d'ouverture et que la somme convenue était due à la date de ce jugement".

Il suffit donc, selon la Haute juridiction, que la créance existe dans son principe avant la date du jugement d'ouverture et que la somme stipulée soit due pour que l'AGS doive en garantir le paiement, même pour des échéances arrivées à terme postérieurement.

2. Une solution justifiée signe d'une évolution de la jurisprudence ?

  • Une solution équitable

Sur le plan de la stricte équité, la solution nous semble parfaitement juste. Lors de la conclusion de l'accord de rupture amiable, le salarié avait probablement accepté de quitter l'entreprise de manière non contentieuse, en contrepartie des fortes indemnités consenties par l'employeur. Ne pouvant, sans doute, lui payer la somme d'une seule traite, l'employeur avait demandé à bénéficier d'un délai de quatre ans pour la lui payer. Le salarié avait accepté de lui consentir, en quelque sorte, un prêt à taux zéro sur quatre ans.

L'analogie avec le prêt avait d'ailleurs été relevée par la cour d'appel de Paris, qui avait justifié le refus de garantie par l'absence de toute clause de déchéance, explicite ou implicite, dans l'accord conclu par les parties.

Ce n'est pas sur ce terrain que s'est située la Cour de cassation qui a préféré relever, d'une part, que la créance était due avant le jugement d'ouverture et, d'autre part, que la somme l'avait également été.

La solution pourrait surprendre, si on compare cette décision avec celles qui avaient été rendues en matière de contrepartie de la clause de non-concurrence puisque, dans cette hypothèse, rappelons-le, la garantie avait été écartée. Faut-il alors déduire de cette décision une évolution sensible de la Cour de cassation visant à élargir la liste des créances garanties ?

Rien n'est moins sûr, car il existe une différence importante entre l'indemnité compensatrice de non-concurrence et les indemnités dont il est question dans cette affaire.

  • Un élargissement strictement limité

L'indemnité compensatrice de non-concurrence apparaît, en effet, comme la rémunération, désormais obligatoire, de la clause de non-concurrence (voir, par exemple, Cass. soc., 10 juillet 2002, n° 00-45.135, FP-P+B+R+I N° Lexbase : A1225AZE, La Cour de cassation prise en flagrant délit de violation du principe de la prohibition des arrêts de règlement, Lexbase Hebdo n° 33 du 24 juillet 2002 - édition sociale N° Lexbase : N3574AAM). Or, cette obligation est à exécution successive et son respect conditionne l'octroi au salarié de l'indemnité compensatrice. Le jour où il ne respecte plus son engagement, la contrepartie cesse d'être due (Cass. soc., 25 février 2003, n° 00-46.263, M. Guy Renoud c/ Société Molyslip, publié N° Lexbase : A2629A7I, JCP G 2003, II, 10014, note D. Corrignan-Carsin).

Or, en l'espèce, les indemnités dues par l'employeur compensaient la rupture du contrat de travail, et aucunement une obligation qui pèserait sur le salarié postérieurement à la rupture. En d'autres termes, la somme était bien due au salarié dès la conclusion de l'accord de rupture amiable, quelles que soient les circonstances postérieures. Pour faire une comparaison avec le divorce, il s'agissait ici de la même différence entre le paiement d'une prestation compensatoire sous la forme d'un capital, fixé lors du divorce, et remboursé sur une période plus ou moins longue (pas plus de huit ans lorsqu'elle est fixée par le juge), et le paiement d'une rente compensatoire viagère, aujourd'hui exceptionnelle. Dans la première hypothèse, rien ne peut venir affecter le remboursement du capital, même pas le décès du bénéficiaire, dans la seconde, le décès du bénéficiaire éteint l'obligation.

C'est bien ce qui justifie ici la différence de traitement entre la contrepartie de la clause de non-concurrence, qui n'est due que pour autant que le salarié respecte, mois après mois, son obligation de non-concurrence, et le remboursement des dommages et intérêts qui est dû sur la période stipulée, et que rien ne peut venir remettre en cause.

La solution dégagée dans cet arrêt du 23 novembre 2004 devrait donc, logiquement, être cantonnée aux seules hypothèses d'un remboursement d'une indemnité dont le principe et le montant sont définitivement établis antérieurement au jugement d'ouverture, comme c'était le cas ici, mais ne devrait pas modifier l'analyse que la jurisprudence fait de la garantie de l'AGS lorsque le paiement des sommes demeure subordonné au respect de conditions, vérifié postérieurement au jugement d'ouverture de la procédure collective.

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Bancaire

[Jurisprudence] La notion de porteur négligent d'une lettre de change

Réf. : Cass. com., 5 octobre 2004, n° 01-16.456, Banque populaire des Alpes du Sud (BPDAS) c/ Société Entreprise Lambert, F-D (N° Lexbase : A5569DDM)

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par Jean-Pierre Arrighi, Professeur à l'Université de Nice-Sophia Antipolis

Le 07 Octobre 2010


L'exigence du droit cambiaire concerne le paiement de l'effet de commerce. La rigueur des règles qu'il développe à cet effet procure un degré de certitude du paiement supérieur à celui du droit commun. Le porteur de l'effet bénéficie en conséquence de droits supérieurs à ceux d'un créancier ordinaire. En contrepartie, le droit cambiaire se montre à son égard particulièrement exigeant en qualifiant son comportement. Ainsi, le porteur peut être légitime ou non, de bonne foi ou de mauvaise foi, diligent ou négligent. A chaque qualification correspond une situation juridique particulière qui, selon, protège ou sanctionne le porteur. Plus précisément, les textes du Code de commerce relatifs à la lettre de change mentionnent la légitimité (C. com., art. L. 511-11 N° Lexbase : L6664AIN, L. 511-74 N° Lexbase : L6727AIY, L. 511-76 N° Lexbase : L6729AI3), la mauvaise foi, à travers le fait d'agir sciemment au détriment du débiteur (C.com., art. L. 511-12 N° Lexbase : L6665AIP), mais aucun ne se réfère expressément à la négligence, si ce n'est l'article L. 511-49 (N° Lexbase : L6702AI3) qui énonce certaines hypothèses pouvant s'y rapporter pour sanctionner leur auteur. C'est le mérite de l'arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 5 octobre 2004 que de préciser la notion de porteur négligent au regard du droit cambiaire.

Les faits étaient relativement simples si l'on s'en tient aux éléments rapportés dans la décision. Une banque avait tenté vainement de recouvrer auprès du tiré accepteur, depuis en liquidation judiciaire, des lettres de change qu'elle tenait à l'escompte. Elle assigna alors sa cliente en sa qualité de tireur des effets. Saisie, la cour d'appel de Grenoble rejeta la demande au motif que "la banque, qui avait entendu faire son affaire personnelle du recouvrement des effets, avait fait preuve dans cette entreprise d'une inertie qui était directement à l'origine de l'impossibilité d'un quelconque paiement".

Sur pourvoi, la Chambre commerciale de la Cour de cassation casse l'arrêt déféré en considérant "que le porteur diligent d'un effet impayé à son échéance peut, sans avoir à tenir compte de leur qualité respective ou de l'ordre dans lequel ils se sont obligés, en réclamer paiement à l'un quelconque de ses signataires, lesquels sont tenus solidairement envers lui et qu'en dehors des trois cas limitativement énumérés par l'article L. 511-49 du Code de commerce où il peut être déchu de ses recours, ce tiers porteur n'est tenu de réparer, par des dommages-intérêts, ses négligences éventuelles que s'il est démontré qu'elles ont fait perdre au demandeur une chance sérieuse et réelle de recouvrer sa créance auprès du tiré ou d'un autre garant".

Cette motivation, particulièrement synthétique, vient rappeler clairement que le porteur diligent est celui qui n'est pas négligent et qu'il peut donc exercer ses recours cambiaires à l'encontre des signataires du titre. Inversement, seul le porteur négligent se trouve privé de ses recours par la sanction de la déchéance (1). Autrement dit, le porteur sera considéré comme tel si la négligence se trouve sanctionnée par la déchéance de ses recours cambiaires, dans les autres cas il sera un porteur diligent. Par conséquent, la qualité de porteur négligent se trouve directement déterminée par l'existence de la déchéance. A cet effet, l'article L. 511-49 du Code de commerce énonce les cas dans lesquels la négligence entraîne une perte des recours cambiaires et précise l'effectivité de la sanction.

I - Les causes de la déchéance

L'article L. 511-49 du Code de commerce énumère trois cas pour lesquels le porteur se trouve déchu de ses droits contre les signataires de la lettre de change (2).

1 - La déchéance intervient du fait de l'expiration des délais fixés pour la présentation d'une lettre de change à vue ou à certain délai de vue. Comme la lettre payable à vue n'est pas soumise à acceptation, il ne peut s'agir que du délai de présentation au paiement qui est d'un an à partir de la date d'émission (C. com., art. L. 511-23, al. 1 N° Lexbase : L6676AI4) (3). Par conséquent, le porteur qui n'a pas présenté la lettre au paiement dans le délai légal ou conventionnel se trouve frappé de la déchéance de ses recours cambiaires. Inversement, le porteur qui présente la lettre au paiement dans le délai n'encourt aucune responsabilité, quant bien même la présentation interviendrait à une époque où le tiré serait devenu insolvable (4). S'agissant de la lettre de change à un certain délai de vue, le délai de présentation diffère selon qu'il s'agit de l'acceptation ou du paiement. En effet, la présentation à l'acceptation, nécessaire pour déterminer la date d'échéance, doit intervenir dans le délai d'un an à partir de l'émission (C. com., art. L. 511-15, al. 6) (5), alors que la présentation au paiement doit s'effectuer dans les deux jours ouvrables de l'échéance de l'effet (C. com., art. L. 511-26, al. 1 N° Lexbase : L6679AI9). La déchéance prive le porteur de ses recours tant pour défaut d'acceptation que pour défaut de paiement (C. com., art. L. 511-49, III). Il n'y a en effet pas de raison de maintenir les recours pour faute de paiement alors que le porteur n'a pas présenté l'effet à l'acceptation dans le délai imparti, comme il en avait l'obligation, pour permettre ensuite le paiement : il a manqué à ses obligations de porteur, il perd ses droits de créancier cambiaire.

2 - La déchéance sanctionne encore l'expiration des délais fixés pour l'établissement du protêt faute d'acceptation ou faute de paiement (C. com., art. L. 511-49, I, 2°). A des fins probatoires et solennelles, la loi fait constater par un acte authentique la présentation à l'acceptation ou au paiement et la réponse donnée par le tiré (C. com., art. L. 511-39, al. 1 N° Lexbase : L6692AIP).

Pour ce qui concerne le paiement, le porteur a l'obligation de faire dresser protêt, à moins qu'il n'en soit dispensé par la loi (6) ou par une clause de "retour sans frais" (7). L'article L. 511-39, alinéa 3, établit à cet égard une distinction. Pour les lettres payables à jour fixe ou à un certain délai de date ou de vue, le protêt doit être dressé dans les dix jours ouvrables qui suivent l'échéance. Pour les lettres payables à vue, le protêt doit être établi dans le délai d'un an, ce qui permet au porteur impayé qui n'a pas rempli cette obligation d'effectuer une nouvelle présentation dans le délai imparti (8). Le porteur est également déclaré négligent et déchu de ses recours, lorsqu'en cas de domiciliation du paiement, le protêt n'est pas dressé au lieu indiqué sur l'effet (9).

Il en va différemment pour l'acceptation car le protêt est en principe facultatif et il peut être dressé jusqu'à l'échéance (C. com., art. L. 511-15, al. 1 N° Lexbase : L6668AIS). Son absence prive certes le porteur d'exercer un recours anticipé, mais ne l'empêche pas de dresser protêt faute de paiement à l'échéance. Par conséquent, la déchéance ne peut se concevoir que dans les cas où la présentation à l'acceptation est obligatoire (10). Il en est ainsi pour la lettre à un certain délai de vue qui doit être présentée dans le délai d'un an (C. com., art. L. 511-15, al. 6) (11). Il en est de même pour toutes lettres de change dont l'acceptation est stipulée par le tireur ou un endosseur, avec ou sans fixation de délai (C. com., art. L. 511-15, al. 2 et 5) (12). En revanche, la lettre à vue échappe à cette possibilité puisque, par définition, l'acceptation n'a pas lieu d'être. Cela précisé, le protêt faute d'acceptation doit être construit dans les délais fixés pour la présentation (C. com., art. L. 511-39, al. 2). Toutefois, pour prendre en compte la possibilité laissée au porteur d'effectuer une seconde présentation (C. com., art. L. 511-16, al. 1 N° Lexbase : L6669AIT), alors que la première est intervenue le dernier jour du délai, le protêt pourra encore être utilement dressé le lendemain de la première, c'est-à-dire le jour de la seconde (C. com., art. L. 511-39, al. 2).

3 - La déchéance sanctionne enfin le non-respect des délais de présentation de l'effet au paiement lorsqu'une clause de "retour sans frais" dispense de protêt (C. com., art. L. 511-49, I, 3°) (13). En effet, la possibilité laissée au porteur de ne pas dresser protêt ne le dispense pas pour autant de présenter la lettre au paiement dans les délais prescrits (C. com., art. L. 511-43, al. 1 et 2 N° Lexbase : L6696AIT). La difficulté consiste ici dans la preuve de l'inobservation des délais de présentation et il incombe à celui qui se prévaut de la déchéance de l'établir par tous moyens (C. com., art. L. 511-43, al. 3) (14).

Mais déterminer la déchéance des recours cambiaires par ses seules causes ne suffit pas, encore faut-il tenir compte de son effectivité.

II - L'effectivité de la déchéance

L'article L. 511-49, I, indique de manière apparemment simple et logique que "le porteur est déchu de ses droits contre les endosseurs, contre le tireur et contre les autres obligés, à l'exception du tireur". En réalité, l'existence de la déchéance nécessite une analyse plus fine, tant au regard de son régime que de son étendue.

1 - Le régime de la déchéance se trouve précisée par plusieurs éléments. D'abord, il ne faut pas perdre de vue que cette sanction ne vise que les recours cambiaires et laisse subsister les recours existants au titre des rapports fondamentaux (15). Ensuite, la déchéance frappe le porteur de la lettre de change ; il s'agit certes du porteur final, mais elle peut également viser un endosseur précédent qui, ayant payé le porteur, exerce son action récursoire (16). Enfin, la nature de la déchéance doit s'analyser en une forclusion attachée de plein droit à la négligence du porteur, de sorte qu'elle peut être invoquée en dehors de tout préjudice (17).

Par ailleurs, la déchéance peut se trouver altérée de deux façons. D'une part, comme la sanction ne présente pas un caractère d'ordre public, il est possible d'y renoncer (18). D'autre part, la force majeure est prise en compte pour prolonger les délais de présentation et de confection des protêts ou même dispenser le porteur des formalités qui lui incombent et écarter ainsi la déchéance comme sanction de sa négligence (19).

2 - L'étendue de la déchéance varie selon les rapports du porteur négligent avec les différents obligés cambiaires. Le tiré ne se trouve engagé cambiairement que s'il a accepté la lettre de change. Il devient à ce titre le débiteur direct et personnel du porteur et ne peut, de ce fait, lui reprocher sa négligence (C. com., art. L. 511-49, I, in fine) (20). Le défaut de protêt ne libère pas le tiré (21), d'autant qu'il possède la faculté de se libérer en consignant le montant de la lettre pour éviter les inconvénients d'une présentation tardive (C. com., art. L. 511-30 N° Lexbase : L6683AID). Au contraire, n'ayant pas accepté l'effet, le tiré n'est tenu d'aucune obligation cambiaire ; il ne peut donc se prévaloir de la déchéance. Par contre, si le tiré a reçu provision, il reste en toute hypothèse débiteur cédé et le porteur pourra faire valoir ses droits de créancier cessionnaire sans que lui soit opposé sa négligence (22).

Le tireur voit sa situation varier selon qu'il a ou non fourni provision (C. com., art. L. 511-49, I). Le tireur qui a fait provision garantit le paiement car il se trouve à l'origine de la créance cédée, il en est le débiteur principal au regard du droit commun ; pour cette raison il peut opposer la déchéance au porteur négligent car, d'une part, ce dernier a commis une faute et, d'autre part, le premier ne s'enrichit pas à ses dépens (23). Lorsque le tireur n'a pas fourni provision, il n'est pas en situation d'invoquer la négligence du porteur, car autrement il s'enrichirait sans cause. Il est donc logique et même équitable de considérer qu'il reste tenu à l'égard du porteur négligent (24). Cette solution peut s'expliquer par le fait, qu'ayant émis le titre sans provision à l'échéance, il reste le débiteur principal de la créance cambiaire à défaut de tiré accepteur.

L'endosseur peut se prévaloir de la déchéance du porteur négligent en toutes circonstances, sans considération d'acceptation ou de provision fournie (25). La justification avancée tient à sa situation, l'endosseur ne s'enrichit pas injustement par le jeu de la déchéance car il a transmis en paiement à son endossataire une créance qu'il a reçu de son propre endosseur (26). Cependant, les endosseurs ne se trouvent pas tous dans la même position, de sorte que la déchéance du porteur se produit de manière différenciée. Il en est ainsi en cas de dispense de protêt stipulé par un endosseur, laquelle ne vaut qu'à l'égard de cet endosseur et laisse la possibilité aux autres endosseurs d'opposer l'absence de protêt au porteur. De même, lorsqu'un endossement stipule un délai pour la présentation à l'acceptation, l'endosseur peut seul s'en prévaloir et invoquer la déchéance du porteur pour défaut de présentation (C. com., art. L. 511-49, IV).

Les "autres obligés", visés par le texte, désignent l'avaliseur et l'accepteur par intervention qui sont tenus de la même manière que celui pour lequel ils interviennent (C. com., art. L. 511-21, al. 7 N° Lexbase : L6674AIZ et L. 511-66, al. 6 N° Lexbase : L6719AIP). Ils peuvent donc se prévaloir de la déchéance à l'égard du porteur négligent dans les mêmes termes (28).

L'examen des rapports entre le porteur négligent et les obligés cambiaires, qui vient d'être fait, montre que l'effectivité de la déchéance ne correspond pas nécessairement à la qualité de débiteur cambiaire. En effet, le tireur qui n'a pas fourni provision et le tiré accepteur ne peuvent invoquer la déchéance, alors que le tireur ayant constitué provision et l'endosseur le peuvent. Cette différence de solutions est généralement fondée sur l'enrichissement indu (29). Mais l'utilisation de cette notion introduit, dans l'analyse, une subjectivité qui ne devrait pas avoir sa place dans le rigorisme formel du droit cambiaire. Aussi, peut-on lui substituer avantageusement une justification issue de la technique cambiaire. Si l'on observe, dans la chaîne d'une lettre de change, la position du débiteur actionné par le porteur, on peut constater que le tireur ayant fourni provision et l'endosseur ne sont pas les débiteurs cambiaires principaux du porteur. Inversement, le tiré accepteur, parce qu'il a accepté l'effet, et le tireur n'ayant pas fait provision, parce qu'il n'a pas constitué de tiré, le sont. Ce constat conduit à proposer l'obligation cambiaire principale au paiement de la lettre de change comme critère d'opposabilité de la déchéance. Dès lors, seuls le tireur ayant fourni provision et l'endosseur, qui sont obligés comme garants, peuvent invoquer la déchéance. Le tiré accepteur et le tireur n'ayant pas fourni la provision, qui sont des débiteurs principaux, ne le peuvent pas.

Ainsi se trouve délimitée la notion de porteur négligent qui correspond strictement à l'effectivité de la déchéance (30), mais il reste que le porteur peut faire preuve de négligences en dehors du domaine de l'article L. 511-49 du Code de commerce. Il engage à ce titre sa responsabilité dans les termes du droit commun et la négligence commise (31) se trouve alors sanctionnée par l'allocation de dommages et intérêts (32), comme le rappelle justement la Cour de cassation dans sa décision du 5 octobre 2004. Cela signifie que la distinction faite par le droit cambiaire entre porteur diligent et porteur négligent ne passe pas, comme on pourrait logiquement le penser, par la négligence, mais par la déchéance des recours cambiaires. Le porteur négligent est celui qui, dans le rapport cambiaire, n'a pas assumé ses obligations à l'égard du débiteur principal. N'ayant pas reçu paiement de la lettre alors qu'il n'a pas respecté les délais imposés, le porteur ne peut réclamer le paiement aux signataires garants. S'il conserve ses recours cambiaires, malgré l'expiration des délais, contre le tiré accepteur ou contre le tireur n'ayant pas constitué la provision, c'est en raison de leur qualité de débiteur cambiaire principal.

Il en résulte que le porteur diligent peut commettre des négligences sans perdre ce qualificatif et les droits qui y sont attachés. Ce paradoxe, entre autres, illustre la singularité du droit cambiaire par rapport au droit commun.




(1) Sur le porteur négligent, v. entre autres : Ripert et Roblot, Traité de droit commercial, LGDJ, t. 2, 16ème éd., 2000, par Ph. Delebecque et M. Germain, n° 2096-2097 ; Ch. Gavalda et J. Stoufflet, Instruments de paiement et de crédit, Litec, 5ème éd., 2003, n°139-141 ; F. Pérochon et R. Bonhomme, Entreprises en difficulté, Instruments de crédit et de paiement, LGDJ, 5ème éd. 2001, n° 731-732 ; M. Jeantin et P. Le Cannu , Instruments de paiements et de crédit, Entreprises en difficulté, Dalloz, 6ème éd. 2003, n° 378 ; S. Piédelièvre, Instruments de crédit et de paiement, 3ème éd. Dalloz 2003, n° 189 ; R. Roblot, Les effets de commerce, Sirey 1975, n° 407 et s. ; E. Putman, Droit des affaires, t. 4, Moyens de paiement et de crédit, PUF 1995, n° 99 ; Nguyen Xuan Chanh, La déchéance des droits du porteur de la lettre de change pour inexécution de ses obligations au regard de la présentation de l'effet à l'acceptation ou au paiement, D. 1979, chron. 77.
(2) La Cour de cassation a eu l'occasion de se prononcer implicitement sur le caractère limitatif de l'énonciation des cas de déchéance : v. Cass. com., 17 octobre 1995, n° 93-18.023, Crédit du nord Belge c/ Bordes (N° Lexbase : A1258AB9), Bull.civ. IV, n° 237, JCP éd.E 1995, pan. 1333, JCP éd. G, 1995, IV, 2568, RTDcom. 1996, 92 obs. M. Cabrillac.
(3) Toutefois, le délai peut être abrégé ou allongé par le tireur et seulement abrégé par les endosseurs (C. com., art. L. 511-23, al. 1). Le tireur peut également interdire la présentation au paiement avant un certain terme, le délai court alors de ce moment, ce qui laisse alors la possibilité d'une acceptation durant ce terme (v. R. Roblot, op. cit., n° 312).
(4) CA Montpellier, 17 février 1949, JCP 1949, II, 4805 note H. Cabrillac, Banque 1949, 298 obs. X. Marin, RTDcom. 1949, 345, obs. R. Houin.
(5) Ici encore, le délai peut être allongé ou raccourci par le tireur et seulement abrégé par l'endosseur (C. com., art. L. 511-15, al. 7 et 8).
(6) La loi ne subordonne pas l'ouverture des recours cambiaires à la confection d'un protêt faute de paiement : lorsqu'un protêt faute d'acceptation a déjà été dressé (C. com., art. L. 511-39, al. 4) et qu'une procédure de redressement ou liquidation judiciaire a été ouverte à l'encontre du tiré ou du tireur d'une lettre de change non acceptable, la production du jugement déclaratif suffit à l'exercice des recours par le porteur (C. com. art. L 511-39, al. 6).
(7) C. com., art. L. 511-43 : "la preuve de l'inobservation des délais incombe à celui qui s'en prévaut contre le porteur" (al. 3).
(8) V. R. Roblot, op. cit., n° 372, Ch. Gavalda et J. Stoufflet, op. cit., n° 132.
(9) V. J. Issa-Sayegh, Lettre de change, J-Cl. Com., fasc 460, n° 113 ; Cass. com., 29 juin 1965, n° 64-11.017, Crédit du Nord c/ Fournier (N° Lexbase : A3153ATX), Bull.civ. n° 412, D. 1965, 823 ; contra : Cass. com., 16 décembre 1975, n° 74-11.856, Pineau c/ Rossignol (N° Lexbase : A3592AT9), Bull. civ. n° 305.
(10) V. J. Issa-Sayegh, op. cit. fasc 460, n°114.
(11) Le tireur peut abréger ou allonger ce délai (C. com., art. L. 511-15, al. 7).
(12) Les endosseurs peuvent abréger le délai (C. com., art. L. 511-15, al. 8).
(13) Cass. com., 14 juin 1988, n° 86-11.675, Hazout c/ CCF (N° Lexbase : A1499CTP).
(14) V. Cass. com., 4 juillet 1955, RTDcom. 1955, 854 obs. J. Becqué et H. Cabrillac. De son côté, le porteur peut établir par tous moyens qu'il a présenté la lettre dans les délais, v. J. Issa-Sayegh, op. cit, fasc. 460, n° 119.
(15) V. R. Roblot, op. cit, n° 76 et 412, Rép. Dalloz, com., v° op. cit., n° 514 ; J. Issa-Sayegh, op. cit, fasc. 460, n° 148.
(16) V. J. Issa-Sayegh, op. cit, fasc. 460, n° 120.
(17) V. R. Roblot, op. cit, n° 417, Rép. Dalloz, com., op. cit., n° 524; J. Issa-Sayegh , op. cit, fasc. 460, n° 142.
(18) V. R. Roblot, op. cit, n° 418, Rép.Dalloz, com., op. cit., n° 525-526 ; J. Issa -Sayegh, op .cit, fasc. 460, n° 143-144 ; CA Paris, 22 avril 2003, n° 2001/21601, Reveillaud c/ SA Banque Hervé (N° Lexbase : A9419B4M).
(19) Article L. 511-50 : le texte distingue selon que la force majeure dure moins ou plus de trente jours (sur la notion de force majeure, v. R. Roblot, op. cit, n° 420 , Rép.Dalloz, com., op. cit., n° 528-534). Dans le cas ou elle a une durée maximale de trente jours, les délais de présentation ou de confection du protêt sont simplement reportés, ce qui a pour conséquence de retarder le moment où le porteur encourt la déchéance (v. en ce sens, R. Roblot, op. cit, n° 422, Rép. Dalloz, com., op. cit. n° 537 -540). Dans le cas où la force majeure se prolonge au delà de trente jours, le porteur est autorisé à exercer ses recours sans que la présentation ou l'établissement d'un protêt soit nécessaire, il faut alors considérer que cette dispense fait disparaître les causes de déchéance.
(20) R. Roblot, op. cit. n° 413, Rép. Dalloz, com., op. cit. n° 517, J. Issa-Sayegh, op. cit, fasc. 460, n° 132 ; Cass. com., 2 février 1965, n° 63-10.181, Aubert fréres c/ Bouyer Thury (N° Lexbase : A3156AT3), Bull. civ. n° 85, JCP 1965, II, 4207 note P. Lescot, D 1965, 391 ; CA Paris, 1er février 1989, Ouaghlani c/ Crédit du nord (N° Lexbase : A4625A3P).
(21) Cass. com., 9 décembre 1959, Fenech c/ Briqueteries des Sablettes, Bull. civ. n° 421.
(22) R. Roblot, op. cit. n° 413, Rép.Dalloz, com., op. cit. n° 516, J. Issa-Sayegh, op. cit, fasc. 460, n° 134.
(23) R. Roblot, op. cit. n° 414, Rép.Dalloz, com., op. cit. n° 518, J. Issa-Sayegh, op. cit, fasc. 460, n° 125 ; Cass. com., 9 novembre 1960, n° 57-11.679, Lefebvre c/ Sté d'études et de vente d'engrais (N° Lexbase : A8779AHM), Bull. civ. n° 357, Banque 1961, 458 obs. X. Marin, Gaz. Pal., 1961, I, 290, RTDcom. 1961, 413 obs. J. Becqué et H. Cabrillac; CA Versailles, 13 octobre 1988, Sté Comel c/ Sté européenne de banque (déchéance opposée par la caution) ; CA Nîmes 9 juin 1994, n° 93/3472, SARL France Déneigement c/ Banque Marze et SARL Mounier fréres (N° Lexbase : A0948DET).
(24) R. Roblot, op. cit. n° 413, Rép. Dalloz, com., op. cit. n° 518, J. Issa-Sayegh, op. cit, fasc. 460, n° 124 ; Cass. com., 4 mars 1957, Bull. civ. n° 81 ; Cass. com., 11 mars 2003, n° 00-19.548, Sté imprimerie Bernard Vidal c/ Crédit Lyonnais (N° Lexbase : A4033A7I), RJDA 2003, n° 874.
(25) R. Roblot, op. cit. n° 415, Rép. Dalloz, com., op. cit. n° 520, J. Issa-Sayegh , op. cit, fasc. 460, n°135.
(26) CA Orléans, 26 avril 1989, Crédit Lyonnais c/ SARL Sandy.
(27) R. Roblot, op. cit. n° 415, Rép. Dalloz, com., op. cit. n° 521, J. Issa-Sayegh , op. cit, fasc. 460, n° 136.
(28) R. Roblot, op.cit. n° 416, Rép. Dalloz, com., op. cit. n° 523, J. Issa-Sayegh , op. cit, fasc. 460, n° 138. Ainsi, par exemple, il a été jugé que le donneur d'aval du tiré ne peut opposer la déchéance si celui-ci ne le peut : Cass. com., 30 novembre 1981, n° 80-11.415, Vilo c/ Banque antillaise (N° Lexbase : A7825AX4), Bull. civ. n° 417, D. 1982, IR, 211.
(29) V. les auteurs précités ; J. Bouteron, Le droit cambiaire et l'action subsidiaire dite d'enrichissement, Gaz. Pal. 1956, II, doc. 17.
(30) Outre la déchéance de ses recours cambiaires, le porteur peut être déclaré responsable du préjudice qu'il a causé par sa négligence, v. J. Issa-Sayegh, op. cit , fasc. 450, n° 103 ; Cass. com., 30 mai 1989, n° 87-14.358, Sté Gaspan c/ Sté générale (N° Lexbase : A4071C7W) ; CA Paris 19 février 1987, Sté générale c/ Sté Gaspard, , D. 1987, IR, 57.
(31) Par exemple, l'inertie du porteur comme le retient, sans autres précisions, l'arrêt du 5 octobre 2004 ; la dispatition de sûretés, Cass. com., 4 mai 1976, Banque 1976, 909 obs. L.M. Martin, RTDcom. 1976, 757 obs. M. Cabrillac et J.L. Rives-Lange . Le défaut d'avis des endosseurs et du tireur, dans les délais prescrits par l'article L 511-42, constitue aussi une négligence fréquemment sanctionnée par des dommages et intérêts : v. J. Issa-Sayegh, op. cit, fasc. 460, n° 106 ; Cass. com., 1er octobre 1996, n° 94-15.518, Banco Bilbao c/ Sté Saint Leu Dumartin (N° Lexbase : A0771CL7) ; CA Lyon, 5 février 1982, Charosset c/ Jeandin ; CA Agen, 9 novembre 1982, Sté Midi Fermetures c/ Syé Sogeferm ; CA Paris 10 mars 1983, Unicrédit c/ Sté Trame. V. également pour le fait d'avoir égaré un effet de commerce, Cass. com. 8 juin 1993, n° 91-14.160, Crédit agricole de la Gironde c/ Dupin (N° Lexbase : A5655AB3), Bull. civ. n° 229, JCP G 1993, IV, 2006.
(32) L'allocation de dommages et intérêts nécessite, outre la négligence comme élément fautif, l'existence d'un préjudice qui consiste dans la perte d'une chance réelle et sérieuse d'obtenir le paiement de sa créance auprès d'un autre garant : v. J. Issa-Sayegh, op. cit, fasc. 460, n° 108 ; (a contrario) Cass. com., 6 février 1980, n° 78-12.564, Le Voguer c/ BNP (N° Lexbase : A8491AHX), Bull. civ. n° 64 ; Cass. com. 8 juin 1993, préc.; CA Bordeaux 5 novembre 1987, n° 440/85, Sté Bordelaise de crédit industrielle et commerciale c/ SA d'exploitation, Imprimerie Camille Lacoste.

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[Jurisprudence] La portée de la déchéance du droit aux intérêts du banquier en présence de plusieurs cautions solidaires

Réf. : Cass. civ. 1, 9 novembre 2004, n° 01-03.772, M. Lambert c/ Banque populaire du Centre, F-P+B (N° Lexbase : A8396DDC)

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Le 07 Octobre 2010

La déchéance du droit aux intérêts du banquier fautif pour manquement à son obligation d'information à l'égard de la caution est une sanction particulière qui nourrit un contentieux abondant. En l'espèce, la Banque populaire avait octroyé à mademoiselle H. un prêt d'un montant de 150 000 francs (environ 22 900 euros). Les consorts L., M. H. et la commune de Cahus se sont portés cautions solidaires envers l'établissement de crédit en remboursement des sommes dues. A la suite de la liquidation judiciaire prononcée à l'égard de mademoiselle H., la banque a assigné les cautions en exécution de leurs obligations. Constatant le manquement du banquier à son obligation d'information, prescrite par l'article L. 313-22 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L9255DYG), les juges du fond ont prononcé la perte par déchéance du droit aux intérêts contractuels de la banque au profit de l'ensemble des cautions. En effet, selon les termes de l'arrêt de la cour d'appel, la déchéance du droit aux intérêts du banquier devait être prononcée à l'égard de toutes les cautions afin de ne pas rompre l'égalité entre elles. La banque forme un pourvoi : elle conteste l'extension de la déchéance du droit aux intérêts de la banque à l'ensemble des cautions. La Cour de cassation devait décider si la déchéance du droit aux intérêts de la banque prononcée à l'égard de l'une des cautions est une exception bénéficiant aux autres codébiteurs poursuivis. La première chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt du 9 novembre 2004, a cassé partiellement, au visa de l'article 1208 du Code civil (N° Lexbase : L1310AB7), la décision rendue par les juges du fond, dans des termes qui méritent d'être reproduits. La Cour de cassation énonce que "l'exception tirée de l'inobservation par la banque de l'obligation d'information prescrite par l'article L. 313-22 du Code monétaire et financier est personnelle à la caution qui l'invoque et ne profite pas aux autres cautions, fussent-elles solidaires".

La question de l'extension des effets de la déchéance du droit aux intérêts du banquier prononcée à l'égard de l'une des cautions solidaires à l'ensemble des cofidéjusseurs n'avait jamais été tranchée par la Cour de cassation. Elle précise que le manquement du banquier à son obligation d'information à l'égard de l'une des cautions et sa sanction ne peuvent être invoqués par les autres cautions solidaires. La faute du banquier est une exception purement personnelle à la caution qui en a souffert. Les autres cautions ne sont pas admises à s'en prévaloir. Le manquement du banquier ou sa sanction est une exception purement personnelle à celle des cautions qui l'invoque et demeure inopposable s'agissant des autres cautions solidaires (I). La solution se justifie au regard de la nature juridique de la déchéance qui est une peine privée. Cette sanction bénéficie exclusivement à la caution victime de la faute du banquier (II).

I - La déchéance du droit aux intérêts : une exception purement personnelle inopposable

L'opposabilité des exceptions par le codébiteur solidaire poursuivi est prévue par l'article 1208 du Code civil. Cette disposition conduit à distinguer trois catégories d'exceptions : communes, simplement personnelles, et purement personnelles.

Les exceptions communes sont celles qui peuvent être invoquées par tous les débiteurs. L'action du créancier est vouée à se heurter à l'exception considérée (1). Telles sont les causes de nullité qui vicient l'engagement de tous les codébiteurs (2) : par exemple le vice de forme emportant la nullité de l'obligation (3).

Les exceptions simplement personnelles forment une catégorie intermédiaire. Il s'agit d'exceptions qui libèrent entièrement un débiteur, mais qui profitent pour partie aux autres car elles réduisent le montant de la dette. Tel est le cas de la remise de dette : elle peut être invoquée, pour le tout, par le débiteur qui en a profité directement ; mais la remise de dette ne profite aux autres codébiteurs que partiellement. Ils ne peuvent opposer la remise de dette au créancier que pour la part du débiteur en ayant bénéficié : les codébiteurs restent tenus pour le surplus (4).

A l'opposé se situent les exceptions purement personnelles. Ce sont celles qu'un seul débiteur est admis à opposer et dont il est le seul à profiter. Ont, traditionnellement, ce caractère, les exceptions tenant à une cause de nullité qui n'entache qu'un seul engagement : l'incapacité du débiteur ou le vice de consentement subi par lui, à l'exception des autres (5).

Or, pour la première fois, la Cour de cassation traite de la déchéance du droit aux intérêts du banquier sous l'angle de l'article 1208 du Code civil. Elle pose clairement que le manquement à l'obligation d'information du banquier ou sa sanction est une exception purement personnelle qui ne profite qu'à la caution ayant souffert de la faute de l'établissement de crédit.

Les autres cautions ne sont pas en mesure de se prévaloir d'une faute du créancier qui n'a pas été réalisée à leur encontre. La solution se justifie pleinement car la déchéance du droit aux intérêts est une peine privée profitant uniquement à la caution victime.

II - La déchéance du droit aux intérêts : une peine privée bénéficiant exclusivement à la caution victime

La déchéance du droit aux intérêts du banquier à l'égard de la caution est une peine qui réprime le manquement de celui-ci à son obligation d'information. Le contenu de l'obligation d'information incombant au banquier à peine de déchéance à l'égard de la caution est le suivant. L'article L. 313-22 du Code monétaire et financier impose aux établissements de crédit l'obligation de porter annuellement à la connaissance des cautions ayant garanti des crédits à des entreprises, le montant des encours au 31 décembre de l'année précédente. La communication doit être faite avant le 31 mars de chaque année et donner l'état de la dette garantie au 31 décembre précédent (6).

Le second alinéa de l'article L. 313-22 du Code monétaire et financier fixe la sanction du défaut d'information : la perte des intérêts échus entre la précédente information et la nouvelle. Il s'agit d'une sanction qui ne procède pas de la responsabilité civile, parce qu'elle n'a pas de vocation réparatrice. Elle est prononcée (7) même en l'absence de préjudice et ne couvre pas nécessairement tout le préjudice lorsqu'il existe (8).

La déchéance du droit aux intérêts crée un déséquilibre substantiel au stade de l'exécution d'un contrat unilatéral en diminuant les droits de la partie qui bénéficie de l'engagement de son cocontractant. Ainsi, dans le cautionnement, la déchéance du droit aux intérêts de l'établissement de crédit vis-à-vis de la caution modifie l'équilibre des droits entre les parties. La sanction de la faute du banquier entraîne la perte du droit aux intérêts contractuels à l'exclusion des intérêts légaux (9). Cette déchéance consiste en la perte des intérêts conventionnels, "les cautions étant seulement tenues à titre personnel à payer les intérêts au taux légal à compter de la première mise en demeure qu'elles reçoivent" (10). La solution se justifie car la déchéance du droit aux intérêts est une peine privée qui doit être interprétée de manière restrictive. Selon l'esprit de la loi, la déchéance du droit aux intérêts est conçue pour sanctionner les manquements à une obligation d'origine contractuelle. La déchéance anéantit le droit aux intérêts (11) prévus par le contrat et ne peut affecter de manière extensive les intérêts légaux.

En définitive, la déchéance du droit aux intérêts est une peine privée qui peut conduire à la refonte des relations contractuelles ou légales entre la caution et son créancier le banquier à la défaveur de ce dernier. Cette peine privée contractuelle supprime les droits de la partie fautive et maintient les effets de la convention au profit de la victime. Par essence répressive, la déchéance concerne uniquement les rapports entre la personne fautive et sa victime. En l'espèce, l'arrêt rappelle implicitement que la déchéance ne peut s'appliquer lorsque aucune faute ne peut être imputée à la banque à l'égard des autres cautions. Le fait générateur de cette peine est la faute de la personne qui est susceptible de l'encourir. En l'absence de faute préjudiciable constatée, les autres coobligés non lésés ne peuvent se prévaloir du bénéfice de la déchéance. Seules les victimes de la personne passible de déchéance sont à même d'en profiter.

Alexandre Le Gars
Docteur en droit
Chargé d'enseignement à l'université des sciences sociales de Toulouse I


(1) J. Flour et J.-L. Aubert, Les obligations, le rapport d'obligation, T 3, 3ème éd., Armand Colin 2004, n° 318.
(2) Ph. Le Tourneau et J. Julien, Solidarité, Dalloz 2004, n° 104.
(3) Cass. com., 25 mars 1991, n° 88-20.162, M. Le Pêcheur c/ Receveur principal des Impôts de Paris 1er (N° Lexbase : A4070AH9), Bull civ. IV, n° 118.
(4) Cass. civ. 1, 26 mai 1994, n° 92-13.435, M. Sanchez c/ Caisse régionale de Crédit agricole mutuel des Alpes-Maritimes (N° Lexbase : A3875ACI), Bull. civ. I, n° 187.
(5) Ph. Le Tourneau et J. Julien, précité, n° 107 et suivants.
(6) Le texte définit de manière précise la teneur de l'information due, qui intéresse le montant et la durée de l'engagement de la caution. L'information doit porter exclusivement sur le passif garanti par la caution : la disposition indique que l'information porte sur le "montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant dus au 31 décembre de l'année précédente". La formule de l'article L. 313-22 du Code monétaire et financier impose, en outre, que les éléments de la créance soient distingués, pour le moins en ce qui concerne le principal et les intérêts. Cette nécessité de classement des éléments de la créance, afférents à une période déterminée, est corroborée par la Cour de cassation : Cass. com., 22 juin 1993, n° 91-14.741, M. Moussaud c/ Crédit du Nord (N° Lexbase : A5696ABL), Bull. civ. IV, n° 257 ; Cass. com., 30 novembre 1993, n° 91-14.856, Société française de factoring c/ M. Najar (N° Lexbase : A5818AHX), Bull. civ. IV, n° 434.
(7) Le texte de l'article L. 313-22 du Code monétaire et financier est dépourvu d'équivoque : il impose au juge le prononcé de la déchéance du droit aux intérêts lorsque le défaut d'information de la caution est avéré. Ce dernier dispose seulement du pouvoir d'apprécier les conditions d'application de la peine : Cass. com., 22 juin 1993, précité.
(8) V.-F. Pollaud-Dulian, De quelques avatars de l'action en responsabilité civile dans le droit des affaires, RTD Com., 1997, p. 349.
(9) La déchéance ne vise pas les intérêts moratoires dus en application de l'article 1153, alinéa 3, du Code civil (N° Lexbase : L1254AB3). Selon la Cour de cassation, "les dispositions de l'article 48 de la loi du 1er mars 1984 concernent les intérêts dus par la caution en cette dernière qualité et non ceux dus par la caution par application de l'article 1153, alinéa 3, du Code civil, après qu'elle eut été mise en demeure d'exécuter son engagement" : Cass. com., 25 juin 1991, n° 89-20.071, Epoux Benhamou c/ Crédit industriel et commercial de Paris (N° Lexbase : A4760AHR), Bull. IV., n° 233.
(10) Voir, Cass. civ. 1, 9 décembre 1997, n° 95-19.940, Crédit industriel et commercial de Paris c/ Epoux Ribillard (N° Lexbase : A0723ACR), D. 1998, IR p. 27.; Cass. civ. 1, 12 mars 2002, n° 99-17.209, M. Michel Benard c/ Caisse d'épargne et de prévoyance Poitou-Charentes, FS-P+B+R (N° Lexbase : A2241AYN), D., 2002, AJ. p. 1199, obs. A. Lienhard.
(11) En outre, l'article L. 313-22 du Code monétaire et financier déroge au droit commun de l'imputation des paiements. Car selon la disposition susmentionnée : "les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés, dans les rapports entre la caution et l'établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette". En d'autres termes, si le capital reste dû, les intérêts sont considérés à l'égard de la caution comme demeurés impayés, afin que la déchéance puisse s'appliquer, même si, dans les rapports entre le débiteur principal et son créancier, les intérêts ont été, en tout ou partie, acquittés.

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Fiscalité des entreprises

[Le point sur...] Intégration fiscale : rappel des mesures applicables à compter de 2005

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Le 07 Octobre 2010

"Décider d'opter pour l'intégration fiscale n'est pas tout. Il faut également produire à l'administration les documents nécessaires, dans les délais légaux et les faire signer par les personnes habilitées". Ceux rompus à cet exercice savent qu'il ne s'agit pas là d'une partie de plaisir et que "le fonctionnement de l'intégration fiscale nécessite la mise en place d'une organisation adéquate et la connaissance du processus déclaratif" (Morgenstern P., L'intégration fiscale, Groupe Revue Fiduciaire, Guide de gestion RF, 2000). Le formalisme y est très lourd et très contraignant. Le respect des délais doit être des plus minutieux, aucune tolérance n'étant admise.
Le problème qui se posait en pratique jusqu'ici est que la société mère devait déposer sa déclaration avant même de connaître les résultats de l'exercice clos. L'article 97 de la loi de finances pour 2004 (loi n° 2003-1311 N° Lexbase : L6348DM3) aménage, sur deux points, les conditions d'accès au régime de groupe :
  • l'option pour le régime de groupe peut, désormais, être notifiée par la société mère jusqu'à la date de dépôt de la déclaration de résultats de l'exercice précédant celui au titre duquel le régime s'applique ;
  • par exception au principe général, la durée d'un exercice des sociétés du groupe peut être inférieure ou supérieure à douze mois. Toutefois, cette exception ne peut s'appliquer qu'une seule fois au cours de la période couverte par une même option.

Ces nouvelles dispositions s'appliquent aux résultats des exercices clos à compter du 31 décembre 2003.

Grâce à ces nouvelles dispositions, les entreprises peuvent opter en meilleure connaissance de cause, dans la mesure où elles auront connaissance du dernier exercice clos des entités susceptibles d'entrer dans le groupe, ainsi que du début de l'exercice en cours.

1. Assouplissement des règles relatives à l'option

En prévoyant que la société mère pourra notifier l'option jusqu'à la date de dépôt des déclarations de résultats de l'exercice, le législateur permet aux sociétés d'opter bien avant si elles le désirent. L'option peut simplement, désormais, être exercée dans les trois mois de l'ouverture de l'exercice à compter duquel elle est censée prendre effet. Ce nouveau délai concerne la notification de l'option, ainsi que les mises à jour de périmètre.

Modulation du périmètre

Le périmètre peut lui aussi être modulé de manière rétroactive et anticipée par rapport à la date butoir. On peut se demander si les sociétés (mère et filiales) pourront se raviser de leur décision jusqu'à cette date butoir ou bien s'il s'agit d'une option ferme et définitive. Il est nécessaire de rappeler que la rétroactivité d'une option ou d'une mise à jour de périmètre ne signifie pas que les conditions d'application du régime n'aient pas à être respectées dès la date d'effet de l'option ou de la mise à jour.

Conditions relatives à l'option de la société mère

Pour bénéficier du régime de groupe, la société mère devra notifier l'option à l'administration dans les conditions prévues par la loi. Elle pourra, ainsi, notifier à l'administration fiscale, jusqu'à la date de dépôt de la déclaration de résultat de l'année au titre de laquelle doit débuter l'option, la liste des sociétés filiales qui composent le groupe. Désormais, pour chacun des exercices arrêtés au cours de la période de validité de l'option, la société mère devra notifier les renseignements relatifs au périmètre du groupe (liste des sociétés membres du groupe et identité des sociétés qui en sortent) dans les trois mois de la clôture cet exercice.

Conditions relatives à l'option des filiales

Seules les filiales ayant donné leur accord peuvent être membres du groupe . Elles doivent adresser, au centre des impôts, une attestation formulée sur papier libre, conformément au modèle fixé par l'administration, avant la date d'ouverture de l'exercice au titre duquel le régime de l'intégration s'applique pour la première fois. Cette disposition se justifie par le fait que les sociétés intégrées deviennent solidaires pour le paiement des impositions (CGI, art. 223 A, alinéa 7 : IS, IFA et précompte, aujourd'hui supprimé) dues par la société mère sur les résultats d'ensemble du groupe. Aucune précision n'a été apportée par la loi de finances pour 2004 concernant le fait de savoir si les filiales disposeront du même délai que la société mère pour notifier leur accord à l'administration. En toute logique, cela devrait être le cas.

Avantages de ce nouveau régime en matière d'acquisitions

Comme le souligne Marie-Hélène Raffin (Intégration fiscale : la nouvelle donne après la loi de finances pour 2004, Les Nouvelles Fiscales, n° 920, 15 septembre 2004, p. 29), cette possibilité d'option rétroactive est propre à faciliter les opérations d'acquisition en France, car bien souvent, les investisseurs, faisant l'acquisition d'un groupe à la clôture d'un exercice, ne disposaient pas du temps matériel pour préparer "options et accords" après l'acquisition définitive, et les notifier à l'administration fiscale, avant l'ouverture de l'exercice suivant. Ces investisseurs ne seront plus désormais contraints d'avoir recours à l'exercice acrobatique consistant à notifier "option et accords" "sous condition suspensive d'acquisition définitive" et pourront sans difficulté mettre en place l'intégration fiscale, post-acquisition, dans les trois mois de l'ouverture de l'exercice.

Inconvénients pratiques de cette réforme

Nous pouvons soulever la question, au regard de cette nouvelle règle de rétroactivité, du calcul des acomptes d'impôts sur les sociétés ou des versements anticipés de contribution sociale sur l'impôt sur les sociétés . La réponse sera fournie, nous l'espérons, par l'instruction à paraître, concernant ces modifications. Dans l'incertitude, il sera préférable, dans un premier temps, de renoncer à utiliser ce délai supplémentaire accordé.

2. Assouplissement des règles relatives à la durée des exercices

Si, en principe, la durée des exercices des sociétés du groupe est de douze mois, l'article 97 de la loi des finances pour 2004 prévoit que, par exception, la durée des exercices des sociétés du groupe -il s'agira de toutes les sociétés du groupe - peut être inférieure ou supérieure à cette durée, dans la limite d'une seule fois au cours d'une période couverte par la même option.

Toutefois, nous remarquerons que les sociétés devront continuer à ouvrir et à clore leur exercice aux mêmes dates. La conséquence logique de cette nouvelle disposition est que l'exception prévue, en cas de renouvellement d'option, d'une possibilité de prévoir un premier exercice inférieur à douze, a été supprimée, étant englobée dans le nouveau dispositif.

Les exercices suivants celui ayant une durée supérieure ou inférieure à douze mois seront fixes et de douze mois. Enfin, la nouvelle rédaction de l'article 223 A, alinéa 5, du CGI, prévoit que l'exception prévue, concernant la durée de l'exercice, est sans préjudice des dispositions de l'article 37, alinéa 2, du CGI , qui prévoit que, si aucun bilan n'est dressé au cours d'une année quelconque, l'impôt dû au titre de la même année est établi sur les bénéfices de la période écoulée depuis la fin de la dernière période imposée jusqu'au 31 décembre de l'année considérée. Ces mêmes bénéfices viennent ensuite en déduction des résultats du bilan dans lesquels ils sont compris. Si une des sociétés du groupe n'arrête pas de bilan au cours d'une année civile, toutes les sociétés du groupe suivent le même régime.

Statu quo

L'option est toujours valable pour une période de cinq exercices et renouvelable par tacite reconduction. Il est, toutefois, possible de dénoncer l'option au plus tard à l'expiration du délai prévu pour le dépôt de la déclaration de résultats du dernier exercice de chaque période, dans les trois mois de la clôture du dernier exercice.

Restructuration de sociétés intégrées et modification d'exercice social : des règles concurrentes ou alternatives ?

Les dispositions dérogatoires autorisant l'ajustement de la durée des exercices, dans le cadre des opérations de restructuration mentionnées à l'article 223 L, 6, du CGI , sont maintenues et deviennent un cas particulier d'application du nouveau dispositif. Nous pouvons nous demander si ces facultés de modulation d'exercice social sont d'application concurrente ou bien si elles sont alternatives. Cela revient à se demander si nous sommes en présence d'une lex specialis ou bien si, étant donné que la règle issue de l'article 223 L c, d, e du CGI permet d'adapter l'exercice social de la société à de nouvelles contraintes économiques, elle peut s'appliquer concurremment à la règle posée à l'article 223 A du CGI. Cette solution devra, toutefois, être précisée par voie d'instruction. Aucune réponse n'est pour l'instant fournie.

Avantages en matière d'opérations d'acquisition

Certaines opérations d'acquisition sont, désormais, facilitées. D'une part, les nouvelles dispositions peuvent conduire à accélérer l'imputation des déficits générés par les intérêts liés à l'acquisition sur les bénéfices des sociétés d'un groupe acquis ; l'imputation des déficits étant l'un des éléments attractifs du régime d'intégration fiscale. D'autre part, le nouveau dispositif pourra autoriser une réduction des coûts de trésorerie liés à l'acquittement des acomptes d'impôt sur les sociétés et de contribution sociale, dans le cadre de l'acquisition d'un groupe.

3. Conséquences de la réforme du régime des distributions sur l'intégration fiscale

En matière de distributions, le régime d'intégration est destiné à favoriser la remontée des résultats des filiales vers la société tête de groupe, en écartant en principe, le précompte mobilier.

L'année 2004 constitue, en matière de distribution, une année charnière, dans la mesure où l'avoir fiscal est supprimé, mais le précompte est, quant à lui, maintenu. Le régime de l'intégration fiscale permet de gommer ces frottements.

De plus, il est à noter que les règles applicables jusqu'en 2004, pour l'acquittement du précompte dû sur les distributions réalisées par les sociétés membres, devraient (sous réserve de précision par une instruction) être transposées au prélèvement exceptionnel de 25 %. Ce prélèvement étant exceptionnel, il ne constitue, en pratique, qu'un simple coût de trésorerie, ce qui a pour conséquence, qu'après paiement à la société mère, la filiale disposera d'une créance sur cette dernière. Il faudra alors prévoir, dans les conventions d'intégration, les modalités de remboursement de cette créance en cas de sortie.

La loi de finances prévoit, également, la possibilité pour la filiale entrante, de céder à la société mère sa créance de prélèvement exceptionnel pour sa valeur nominale. La société mère pourra, alors, l'imputer sur l'impôt sur les sociétés qui aurait été dû par la filiale hors intégration, ou à en obtenir le remboursement par tiers. Les conséquences de cette cession de créance devront être prévues par la convention.

4. Conséquences de la réforme des règles en matière de report des déficits sur l'intégration fiscale

L'article 89 de la loi de finances pour 2004 a supprimé la limitation quinquennale en matière de reports déficitaires. Ces nouvelles règles auront des conséquences concernant l'indemnisation des filiales en cas de sortie du groupe intégré. En effet, des filiales sortantes (cession ou sortie du groupe), ayant définitivement transféré leurs déficits (bien entendu dans l'hypothèse où elles en ont) à la société mère seront pénalisées. Il faudra donc veiller scrupuleusement, dans les conventions conclues, à ce que les filiales soient indemnisées en conséquence.

L'une des autres conséquences induites par ces nouvelles règles est que, à défaut de prévoir contractuellement des règles de prescription de droit commun pour le calcul de la dette d'impôt de la filiale, dans les relations entre les sociétés mère et fille, la filiale pourra faire l'objet d'une vérification de ses dettes, même si elle est sortie du groupe. N'oublions pas, en effet, qu'en présence d'un groupe intégré, la société mère et les filiales sont solidaires du paiement de l'impôt.

Dispositif antérieur à la LF pour 2004

Dispositif en vigueur pour les exercices clos à compter du 31 décembre 2003

Conditions relatives à l'option de la mère

La société mère devait produire, avant le début de l'intégration, à son centre des impôts, sur papier libre, une option pour l'intégration fiscale.

L'option pour le régime de groupe peut désormais être notifiée par la société mère jusqu'à la date de dépôt de la déclaration de résultats de l'exercice précédent celui au titre duquel le régime s'applique.

Ex. : si l'intégration avait lieu à compter du 1er janvier de l'année N, l'option devait être formulée avant le 31 décembre de l'année N-1.

Ex. : si l'intégration prend effet à compter du 1er janvier de l'année N, l'option devra être formulée à compter, l'option pourra être formulée jusqu'au 31 mars de l'année N, et aura un effet rétroactif au 1er janvier de l'année N. Toutefois, une décision ministérielle prévoit tous les ans le report de ce délai au moins jusqu'au 30 avril.

Durée des exercices des sociétés membres du groupe

Les sociétés devaient ouvrir et clore leurs exercices (obligatoirement de 12 mois) à aux mêmes dates

La durée des exercices des sociétés du groupe peut, par exception, être inférieure à 12 mois une fois au cours de la période couverte par la même option.

Eva Médioni
Rédactrice en droit fiscal
DEA Droit fiscal, Université Paris 1 - Panthéon-Sorbonne


Lire également :

- Aménagement du régime fiscal des groupes. Loi de finances pour 2004, art. 97, Revue Droit Fiscal, 2004, n° 1-2, p. 112 ;

- Le nouveau régime fiscal des groupes de sociétés, Revue Droit fiscal 1988, n° 1-2, p. 11 ;

- Intégration fiscale, la nouvelle donne après la loi de finances pour 2004, Les nouvelles fiscales, n° 920, 15 septembre 2004, p. 29.

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