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par Anne-Laure Blouet Patin, Rédactrice en chef de Lexbase Hebdo - édition affaires
Le 07 Octobre 2010
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Réf. : Ordonnance n° 2004-604 du 24 juin 2004, portant réforme du régime des valeurs mobilières émises par les sociétés commerciales et extension à l'Outre-mer de dispositions ayant modifié la législation commerciale (N° Lexbase : L5052DZ7)
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N3589ABK
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par Yann Paclot, Professeur à l'Université de Paris XI
Le 07 Octobre 2010
Toutefois, si les actions de préférence peuvent conférer à leurs titulaires des avantages dont ne jouissent pas les titulaires d'actions ordinaires, elles pourront aussi leur conférer moins de prérogatives que les autres actions. A cet égard, la dénomination d'"actions de préférence" retenue par les rédacteurs de l'ordonnance ne doit pas faire illusion : paresse ou effet de mode, elle n'est que la traduction de l'expression "preferred stocks", alors que la dénomination d'"actions spécifiques" aurait été certainement mieux adaptée (sur cette question, cf. A. Viandier, art. préc. n° 8 à 10).
Or, qu'il s'agisse de reconnaître aux titulaires d'actions de préférence plus ou moins de droits qu'aux actionnaires ordinaires, les financiers ne pourront pas donner totalement libre cours à leur imagination, car les actions de préférence devront respecter les dispositions d'ordre public applicables à toute action, concernant certains droits patrimoniaux et extra-patrimoniaux, communément qualifiés par la doctrine de "droits propres" de l'actionnaire.
I- Du point de vue patrimonial, parmi les "droits particuliers de toute nature" mentionnés à l'article L. 228-11, figure la vocation aux bénéfices, aux économies et la contribution aux pertes (C. civ., art. 1832 N° Lexbase : L2001ABQ). La répartition de ces droits et obligations se fait, en principe, proportionnellement aux apports (C. civ., art. 1844-1 N° Lexbase : L2021ABH), mais les actions de préférence pourront évidemment déroger à cette clé de répartition, comme les actions de priorité ou de préférence émises avant la réforme.
A cet égard, puisque c'est désormais la liberté qui prévaut, on comprend mal pourquoi les rédacteurs de l'ordonnance n'ont pas jugé utile d'abroger l'article L. 232-14 du Code de commerce (N° Lexbase : L6294AIX), qui régit, dans le détail, le dividende majoré attribué par les statuts aux actionnaires fidèles. Toujours est-il que la liberté des rédacteurs de statuts restera bornée par la prohibition des clauses léonines, définies à l'article 1844-1 du Code civil comme "attribuant à un associé la totalité du profit procuré ou l'exonérant de la totalité des pertes, l'excluant totalement du profit ou mettant à sa charge la totalité des pertes". Dans le même ordre d'idée, la clause d'intérêt fixe ou intercalaire reste interdite (C. com., art. L. 232-15 N° Lexbase : L6295AIY).
Une autre limite tient au droit préférentiel de souscription aux augmentations de capital reconnu à tout actionnaire. La loi permet aux actionnaires d'y renoncer (individuellement) ou de le supprimer (collectivement, par une résolution de l'assemblée générale extraordinaire), mais, en dehors de ces deux cas, elle répute non écrite toute clause qui les priverait de ce droit (C. com., art. L. 225-132 N° Lexbase : L8388GQQ). Les actions de préférence seront donc assorties d'un droit préférentiel de souscription, puisque l'ordonnance n'a pas dérogé à ce principe protecteur.
Enfin, l'ordonnance a maintenu l'interdiction d'émettre des titres de capital susceptibles d'être convertis ou transformés en titres de créance (C. com., art. L. 228-91 N° Lexbase : L8336GQS). Cette interdiction figure dans la section consacrée aux "autres valeurs mobilières donnant droit à l'attribution de titres représentant une quotité du capital", mais il ne fait aucun doute qu'elle s'applique aussi aux actions de préférence ; les droits particuliers conférés par ces actions ne permettront donc pas à leurs titulaires de devenir créanciers de la société émettrice.
II- Du point de vue des droits extrapatrimoniaux, la liberté des rédacteurs de statuts trouvera certaines limites en ce qui concerne le droit de vote.
Certes, la loi emploie une formule extrêmement large lorsqu'elle mentionne que les actions de préférence peuvent être "avec ou sans droit de vote", avant de spécifier que "le droit de vote peut être aménagé pour un délai déterminé ou déterminable. Il peut être suspendu pour une durée déterminée ou déterminable ou supprimé" (C. com., art. L. 228-11). Le régime des actions de préférence apparaît, ici, beaucoup plus souple que celui des actions à dividende prioritaire sans droit de vote, dont on sait qu'elles recouvraient le droit de vote à défaut de versement durant trois exercices du dividende prioritaire. Il est probable aussi que les dispositions nouvelles provoqueront une inflexion de la jurisprudence sur les conventions de vote, puisque, si le droit de vote peut être supprimé, il paraît difficile de continuer à le ranger parmi les droits fondamentaux de l'actionnaire.
Toutefois, l'ordonnance n'a pas supprimé le principe de proportionnalité du droit de vote énoncé à l'article L. 225-122 (N° Lexbase : L5993AIS), selon lequel chaque action donne droit à une voix au moins, exceptée la faculté de conférer un droit de vote double (C. com., art. L. 225-123 N° Lexbase : L5994AIT). L'émission d'actions à droits de votes multiples restera donc l'apanage de la société par actions simplifiée (C. com., art. L. 227-1 N° Lexbase : L6156AIT).
Par ailleurs, l'article L. 225-125 (N° Lexbase : L5996AIW) continue à affirmer que "les statuts peuvent limiter le nombre de voix dont chaque actionnaire dispose dans les assemblées sous la condition que cette limitation soit imposée à toutes les actions sans distinction de catégorie, autre que les actions à dividende prioritaire sans droit de vote". Mais, dans la mesure où l'article L. 228-11 autorise l'émission d'actions de préférence sans droit de vote (dans la limite de 50 % du capital, ce seuil étant ramené à 25 % dans les sociétés cotées), on a pu soutenir qu'il permet "de pratiquer un plafonnement qui ne s'appliquerait qu'aux actions de préférence, puisque cela revient à supprimer le droit de vote pour les actions excédant le plafond" (A. Viandier, art. préc. n° 21). Ce raisonnement repose sur une certaine logique, mais il contrevient à la lettre, parfaitement claire, de l'article L. 228-1 (N° Lexbase : L8356GQK), que les rédacteurs de l'ordonnance, à tort ou à raison, n'ont pas modifié ; dans le mesure où les actions de préférence s'analysent comme une "catégorie d'actions", il semble donc contestable de prévoir le plafonnement du nombre de voix de leurs titulaires.
Enfin, l'article L. 228-13 disposant que "les droits particuliers mentionnés à l'article L. 228-11 peuvent être exercés dans la société qui possède directement ou indirectement plus de la moitié du capital de l'émettrice ou de la société dont l'émettrice possède directement ou indirectement plus de la moitié du capital", on est amené à se demander si le droit de vote conféré par une action de préférence pourrait être exercé aux assemblées d'une société autre que l'émettrice.
Plusieurs arguments conduisent à répondre par la négative. D'une part, dans la mesure où l'article L. 228-11 distingue droits particuliers et droit de vote, il n'y a pas lieu de considérer que, lorsque l'article L. 228-13 fait référence aux "droits particuliers mentionnés à l'article L. 228-11", il vise aussi le droit de vote. D'autre part et surtout, la thèse "hérétique" selon laquelle des actions pourraient conférer le droit de voter à d'autres assemblées que celles de la société émettrice reviendrait à bouleverser le droit des sociétés en supprimant le lien entre capital et droit de vote. Or, dans la société anonyme, ce lien a été maintenu par l'ordonnance, puisque l'article L. 228-11 renvoie expressément à l'article L. 225-122, qui pose le principe de proportionnalité. Dans un groupe constitué de sociétés par actions simplifiées, il ne sera pas non plus possible d'émettre ce type d'actions de préférence, car pour voter, il faut être associé (C. civ., art. 1844 al. 1er N° Lexbase : L2020ABG).
Toutes ces limites s'imposeront aux rédacteurs de statuts ; mais, dans leur respect et tout en exerçant pleinement les libertés nouvelles reconnues par l'ordonnance, ils pourront faire preuve de créativité et répondre aux attentes particulières des diverses catégories d'actionnaires (majoritaires et minoritaires, fondateurs et financiers, dirigeants, salariés, etc..) ayant, chacune, des intérêts propres, mais concourant ensemble à l'intérêt social.
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Réf. : Cass. civ. 1, 9 novembre 2004, n° 01-17.908, Société Le Sou médical c/ Caisse régionale d'assurance maladie des professions libérales d'Ile-de-France, FS-P+B (N° Lexbase : A8403DDL)
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N3625ABU
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par Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale
Le 07 Octobre 2010
Décision
Cass. civ. 1, 9 novembre 2004, n° 01-17.908, Société Le Sou médical c/ Caisse régionale d'assurance maladie des professions libérales d'Ile-de-France, FS-P+B (N° Lexbase : A8403DDL) Cassation partielle (CA Paris, 1re ch. B, 15 novembre 2001) Mots clef : responsabilité civile du salarié ; médecin ; absence de responsabilité personnelle dans le cadre des fonctions. |
Faits
1. A l'issue d'une intervention chirurgicale sur la carotide, M. A a été placé sous la surveillance de M. X, médecin de garde salarié de la clinique internationale du Parc Monceau. Il a alors été victime d'une hémorragie et, en dépit d'une nouvelle intervention, d'une hémiplégie. 2. Il a recherché la responsabilité de la clinique internationale du Parc Monceau, de la société Llyod continental, son assureur, de M. X. et de la société Le Sou médical, son assureur. La cour d'appel de Paris a condamné in solidum M. X et la société Le Sou médical à indemniser, au titre de la perte de chance, 90 % du préjudice subi par M. A, après avoir relevé que ce praticien n'avait pas correctement surveillé les suites de l'intervention chirurgicale, que sa qualité de salarié n'aliénait nullement l'indépendance dont il disposait dans l'exercice de son art et, enfin, que sa responsabilité devait être retenue sur le fondement de l'article 1382 du Code civil (N° Lexbase : L1488ABQ). |
Problème de droit
Le médecin salarié qui commet une faute dans le cadre de sa mission engage-t-il sa responsabilité à l'égard de la victime ? |
Solution
1. "Vu les articles 1382 et 1384, alinéa 5, du Code civil ; Attendu que le médecin salarié, qui agit sans excéder les limites de la mission qui lui est impartie par l'établissement de santé privé, n'engage pas sa responsabilité à l'égard du patient". 2. Cassation |
Commentaire
1. Le bénéfice de l'immunité de responsabilité étendu aux médecins salariés
Jusqu'à l'arrêt "Costedoat" rendu par l'Assemblée plénière de la Cour de cassation (Ass. plén., 25 février 2000, n° 97-17.378, M. Costedoat c/ M. Girard et autres N° Lexbase : A8154AG4), les salariés, considérés civilement comme des préposés (C. civ., art. 1384, alinéa 5 N° Lexbase : L1490ABS), ne bénéficiaient d'aucun privilège lorsque la victime d'un dommage qu'ils avaient causé, même dans l'exercice de leurs fonctions, leur réclamait réparation du préjudice subi. Ils devaient payer, même s'ils n'étaient pas assurés, sans pouvoir contraindre la victime à agir contre l'employeur ni, d'ailleurs, exercer de recours contre ce dernier, à moins qu'il n'ait lui-même commis une faute en relation avec le dommage. Jugée conforme au principe de responsabilité personnelle, cette jurisprudence était critiquée par tous ceux qui considéraient que le salarié, parce qu'il aliène une partie de sa liberté au bénéfice de l'entreprise et qu'il contribue, par son activité, à son enrichissement, ne devait pas répondre directement des dommages causés à un tiers dans l'exercice de ses fonctions. Faisant valoir l'analogie de situation avec les travailleurs du secteur public, protégé depuis l'arrêt "Pelletier" du Tribunal des conflits rendu en 1873 (T. confl., 30 juillet 1873, Pelletier, n° 00035 N° Lexbase : A8538BDL), une partie de la doctrine réclamait l'affirmation d'un principe général d'immunité.
La première, la Chambre commerciale de la Cour de cassation, allait affirmer, s'agissant de VRP, que ne commettent pas de faute personnelle susceptible d'engager leur responsabilité civile à l'égard de la victime, les préposés qui ont "agi dans le cadre de la mission qui leur était impartie par leur employeur", dès lors "qu'il n'était pas établi qu'ils en avaient outrepassé les limites" (Cass. com., 12 octobre 1993, n° 91-10.864, Parfums Rochas c/ Mme Duchesne et autre, publié N° Lexbase : A5526ABB, D. 1994, jurispr. p. 125, note G. Viney ; RTD civ. 1994, p. 110, n° 2, obs. P. Jourdain ; JCP G 1995, II, 22493, note F. Chabas ; Defrénois 1994, p. 812, obs. J.-L. Aubert). Il fallut attendre un arrêt rendu par l'Assemblée plénière de la Cour de cassation, le 25 février 2000, pour que le principe soit consacré : "n'engage pas sa responsabilité à l'égard des tiers le préposé qui agit sans excéder les limites de la mission qui lui a été impartie par son commettant" (Ass. plén., 25 évrier 2000, n° 97-17.378, M. Costedoat c/ M. Girard et autres N° Lexbase : A8154AG4, JCP G 2000, II, 10295, concl. R. Kessous, note M. Billiau ; Resp. civ. et assur. 2000, chron. 11, H. Groutel, 22, chron. Ch. Radé ; RTD civ. 2000, p. 582, n° 5, obs. P. Jourdain ; dans le même sens, Cass. crim., 23 janvier 2001, n° 00-82.826, Union nationale du commerce de gros en fruits et légumes, publié N° Lexbase : A2835AYN, Resp. civ. et assur. 2001, comm. 212, obs. H. Groutel).
Quelques jours plus tôt, et prenant sans doute les devants, le Tribunal des conflits allait refuser de consacrer cette immunité lorsque est en cause la responsabilité civile d'un médecin, considérant que la liberté dont il jouit dans l'exercice de son art imposait qu'il réponde personnellement de ses faits et gestes (T. confl., 14 février 2000, n° 2929 N° Lexbase : A9661AGW). Cette affirmation allait ultérieurement être reprise dans deux décisions, par la première chambre civile de la Cour de cassation (Cass. civ. 1, 9 avril 2002, n° 00-21.014, M. X c/ Mme Y et autres, publié N° Lexbase : A7558CGZ, Resp. civ. et assur. 2002, chron. 13, Ch. Radé ; RTD civ. 2002, p. 516, n° 2, obs. P. Jourdain ; Cass. civ. 1, 13 novembre 2002, n° 00-22.432, FS-P+B N° Lexbase : A7145A3Z, Resp. civ. et assur. 2003, comm. 50 ; D. 2003, p. 580, note S. Deis-Beauquesne), avant que cette même juridiction refuse, également, de faire application de cette immunité à l'agent d'assurance, sans doute pour des raisons identiques (Cass. civ. 1, 10 décembre 2002, n° 99-15.180, FS-P+B N° Lexbase : A4446A4G, Resp. civ. et assur. 2003, comm. 52). Cette solution a été immédiatement critiquée (lire notamment S. Porchy-Simon, Regard critique sur la responsabilité civile de l'établissement de santé privé du fait du médecin, Mélanges Lambert, Dalloz, 2003, p. 361). En premier lieu, les médecins salariés sont avant tout des salariés comme les autres qui travaillent au profit de leur employeur. Ce dernier profitant de leur activité, il est logique qu'il en supporte, en contrepartie, les coûts normalement prévisibles. En second lieu, il serait illusoire de croire que le médecin dispose de plus de liberté dans l'exécution du contrat de travail que d'autres salariés, qu'il s'agisse d'autres professions traditionnellement libérales (avocat, expert-comptable) ou des cadres dont l'autonomie d'action est forte.
Ces critiques, nombreuses, ont fini par avoir raison de la Cour de cassation qui opère donc, dans cette décision, un spectaculaire revirement de jurisprudence concernant tant un médecin salarié qu'une sage-femme salariée (Cass. civ. 1, 9 novembre 2004, n° 01-17.168, F-P+B+R+I N° Lexbase : A8400DDH), à qui les juges du fond avaient d'ailleurs réservé le même sort (CA Pau, 1re ch., 16 déc. 2003 : Resp. civ. et assur. 2004, comm. 251, obs. Ch. Radé). Selon cet arrêt, "le médecin salarié, qui agit sans excéder les limites de la mission qui lui est impartie par l'établissement de santé privé, n'engage pas sa responsabilité à l'égard du patient". Cette décision mérite une pleine approbation, pour les raisons que nous avons déjà évoquées. Elle place également la Cour de cassation dans une position plus confortable car cette dernière semblait tentée de se lancer dans de savantes distinctions pour séparer, parmi les salariés, ceux qui devaient bénéficier de l'immunité, et ceux qui devaient en être exclus, selon des critères bien incertains. 2. La soumission des médecins au régime général de l'immunité des salariés
L'affirmation selon laquelle les médecins qui agissent dans le cadre de leur mission n'engagent pas leur responsabilité personnelle a donc pour conséquence de les soumettre au régime général de l'immunité, dégagé en 2000. Si la Cour de cassation n'a pas eu l'occasion de préciser dans le détail ce qu'il fallait entendre par "agir dans le cadre de la mission impartie", on sait, en revanche, que l'immunité ne protège pas le salarié qui a volontairement causé le dommage, même à la demande de son employeur (Ass. plén., 14 décembre 2001, n° 00-82.066, M. Patrick Cousin, publié N° Lexbase : A7314AX8, BICC n° 551 du 1er mars 2002, concl. R. de Goutte ; Resp. civ. et assur. 2002, chron. 4, par H. Groutel ; JCP G 2002, II, 10026, note M. Billiau ; D. 2002, p. 1230, note J. Julien, somm. p. 1317, obs. D. Mazeaud). Le médecin demeurera donc personnellement responsable de ses actes s'il cause volontairement un dommage corporel mais, également, s'il viole le secret professionnel ou s'il ne porte pas assistance à une personne en péril. En l'espèce, le médecin avait été condamné en raison d'une faute non volontaire, ce qui justifiait pleinement la solution.
Reste à déterminer comment cette responsabilité pourra s'articuler avec les dispositions de la loi "Kouchner" du 4 mars 2002 (loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé N° Lexbase : L1457AXA, Ch. Radé, Resp. civ. et assur. 2002, chron. 7 ; Y. Lambert Faivre, D. 2002, chron. p. 1217 s. et 1367 s. ; P. Mistretta, JCP G 2002, I, 141 ; P. Jourdain et a., Le nouveau droit des malades, éd. Juris-Classeur - Carré droit, 2002). Cette loi, applicable aux actes médicaux réalisés à compter du 5 septembre 2001, a mis en place des règles propres à la responsabilité civile médicale. L'article L. 1142-1 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L8853GT3) affirme que les professionnels de santé engagent leur responsabilité civile en cas de faute (sauf si le dommage est causé par un produit de santé, auquel cas leur responsabilité est alors de plein droit). Or, ce texte ne fait aucunement référence au mode d'exercice, salarié ou libéral, et pourrait bien indiquer que tous les médecins sont responsables, même s'ils sont salariés. L'obligation d'assurance qui pèse désormais sur les acteurs de la santé ne concerne que les médecins libéraux, et nullement les salariés (CSP, art. L. 1142-2 N° Lexbase : L4437DLW) qui sont certes obligatoirement couverts par l'assurance de l'établissement qui les emploie. Mais, la victime, qui pourrait agir au pénal contre le médecin, pourrait également être tentée de lui réclamer directement des dommages-intérêts. On peut donc se demander si cette immunité, fraîchement conquise, survivra à l'application de la loi du 4 mars 2002. Nous pensons que oui. L'article L. 1142-1 du Code de la santé publique n'indique pas que les professionnels de santé sont responsables de leurs fautes, mais plus exactement que "les professionnels de santé [...] ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute", ce qui est très différent. La faute apparaît comme une condition nécessaire de leur responsabilité civile, mais pas nécessairement suffisante. Les médecins fonctionnaires continueront d'ailleurs de bénéficier logiquement de l'immunité que leur confère le statut de la fonction publique. On ne voit alors pas pourquoi la Cour de cassation modifierait sa jurisprudence, alors que le texte ne l'y contraint pas. Souhaitons alors que la jurisprudence soit définitivement fixée et que tous les salariés, quelle que soit la nature de leurs fonctions au sein de l'entreprise ou de leur indépendance professionnelle, bénéficient de cette indemnité. Le risque d'insolvabilité n'existe d'ailleurs plus pour les victimes, puisque les établissements qui emploient les salariés sont obligés de s'assurer et, qu'en cas d'échec de l'assurance, c'est l'Oniam qui sera substitué à l'assureur défaillant. Voilà qui devrait être de nature à rassurer tous ceux qui pouvaient croire que les victimes seraient ici sacrifiées. |
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N3622ABR
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Le 07 Octobre 2010
Première partie : La sécurité financière au sein de l'entreprise : la crédibilité de la gestion et des comptes des entreprises
- La direction des sociétés : choix des dirigeants, devoir des dirigeants (loyauté et diligence, conflits d'intérêts, cumul de fonctions, rémunérations et responsabilités) :
Le droit américain ;
Le droit de l'Union européenne ;
Le droit allemand ;
Le droit français ;
- Les nouvelles normes comptables et l'apport de la sécurité financière ;
- Les réformes de l'audit :
Le droit américain ;
Le droit de l'Union européenne, la 8ème directive (N° Lexbase : L9565AUS) ;
Le droit français ;
Deuxième partie : La sécurité financière et le contrôle des marchés : l'appréciation des opérations financières
- L'expression des appréciations financières :
Le droit américain ;
Le droit de l'Union européenne, la 8ème directive ;
Le droit français ;
- Le rôle et les missions des autorités de surveillance :
Le droit américain ;
Le droit de l'Union européenne, la 8ème directive ;
Le droit français ;
- La protection des victimes et des irrégularités : la poursuite et la sanction des acteurs, la réparation des dommages :
Le droit américain ;
Le droit français ;
Les exemples venus d'ailleurs.
Jean-Louis Dewost, président de section au Conseil d'Etat, président de la Société de législation comparée
Bernard de Montmorillon, président de l'Université Paris-Dauphine
Thomas Greeney, Professor of Law, Saint-Louis University, Etats-Unis
Pierre Delsaux, Chef d'unité Direction générale market - Unité G4, Commission européenne
Christian Klein, Rechsanwalk, avocat au barreau de Paris
Dominique Schmidt, professeur agrégé des Facultés de droits, avocat au barreau de Paris
Consuelo Hitchcock, Senior Special Councel to the Director, Direction of Corporate Finance, U.S. Securities and Exchange Commission
René Ricol, président d'honneur du Conseil supérieur de l'Ordre des experts-comptables
Olivier Azières, associé Deloitte et Touche, Paris
Jacques Potdevin, président d'honneur de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes, vice-président de la Fédération des experts-comptables européens
Didier Kling, président d'honneur de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes, membre du Haut conseil du commissariat aux comptes
Michel Petite, directeur général du service juridique de la Commission européenne
Pierre-Henri Conac, maître de conférence à l'Université de Paris I Panthéon-Sorbonne
Youssef Djehane, avocat au barreau de Paris
Jean-Pierre Gastaud, professeur à l'Université de Paris-Dauphine, avocat au barreau de Paris
Thierry Granier, professeur à l'Université d'Orléans
Gérard Rameix, secrétaire général de l'Autorité des marchés financiers
Jean-Claude Marin, directeur des Affaires criminelles et des grâces au ministère de la Justice, professeur associé à l'Université de Paris-Dauphine
Karen Patton Seymour, chief, Criminal division, US Attorney's Office, New-York
Michel Germain, professeur à l'Université Paris II Panthéon-Assas
Christine Thin, conseiller à la Cour de cassation, président du Haut conseil au commissariat aux comptes
Michel de Guillenchmidt, Doyen de la Faculté de droit de l'Université René Descartes Paris V, avocat au barreau de Paris
Isabel Zivy, avocat aux barreaux de Paris et de Madrid
Michel Pinault, conseiller d'Etat
Joël Monéger, professeur à l'Université de Paris-Dauphine
Vendredi 3 décembre 2004, de 8h30 à 18h00
Salle Raymond Aron
Université de Paris-Dauphine
Place du Maréchal de Lattre de Tassigny
75016 Paris
Alice Monéger-Wolfart
Société de législation comparée
Tel : 01 44 39 86 23
Fax : 01 44 39 86 28
amw@legiscompare.com
http://www.legiscompare.com
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Réf. : Cass. soc., 10 novembre 2004, n° 02-45.156, Mme Christine Chapet, épouse Marcais c/ Société Express national service, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A8471DD4)
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par Nicolas Mingant, Ater en droit privé à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV
Le 07 Octobre 2010
Décision
Cass. soc., 10 novembre 2004, n° 02-45.156, Mme Christine Chapet, épouse Marcais c/ Société Express national service, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A8471DD4) Cassation partielle (CA Paris, 21ème chambre, section B, 27 juin 2002) Mots clef : licenciement d'un salarié malade ; nécessité d'un remplacement définitif ; délai raisonnable pour procéder au remplacement Textes visés : C. trav., art. L. 122-14-3 (N° Lexbase : L5568AC9) Lien base : |
Faits
Mme Marcais, engagée en qualité de comptable salariée par la société Express national service, s'est trouvée en arrêt de travail pour maladie à compter du 2 novembre 1998. Elle a été licenciée le 15 décembre 1999 -son préavis expirant au 17 mars 2000-, au motif que son absence prolongée désorganisait le service comptable de l'entreprise et qu'il était nécessaire de pourvoir à son remplacement définitif. Contestant le bien-fondé de son licenciement, elle a alors saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes. La cour d'appel l'a déboutée, au motif que le licenciement était justifié dès lors que l'entreprise avait pourvu à son remplacement. |
Problème juridique
A quel moment l'employeur doit-il procéder au remplacement définitif du salarié malade pour que le licenciement de ce dernier repose sur une cause réelle et sérieuse ? |
Solution
1. Cassation partielle sans renvoi. 2. "Le remplacement définitif d'un salarié absent en raison d'une maladie ou d'un accident non professionnel doit intervenir dans un délai raisonnable après le licenciement, délai que les juges du fond apprécient souverainement en tenant compte des spécificités de l'entreprise et de l'emploi concerné, ainsi que des démarches faites par l'employeur en vue d'un recrutement". |
Commentaire
1. L'exigence d'un remplacement définitif dans un délai raisonnable 1.1. La réalité du remplacement définitif La jurisprudence a très clairement posé le principe selon lequel le licenciement du salarié malade ne peut reposer sur une cause réelle et sérieuse que "si l'entreprise se trouve dans la nécessité de pourvoir au remplacement définitif du salarié dont l'absence prolongée ou les absences répétées perturbent son fonctionnement" (Cass. soc., 15 juin 2000, n° 98-42.587, M. Roland Bettinger c/ Société Les Rapides de Lorraine, inédit N° Lexbase : A9893ATL ; Cass. soc., 3 décembre 2003, n° 01-45.692, F-D N° Lexbase : A3659DAR ; Cass. soc., 6 octobre 2004, n° 02-44.586, F-D N° Lexbase : A5713DDX). Il est évident que si l'employeur invoque la nécessité de remplacer le salarié malade, il doit impérativement y procéder effectivement par la suite. S'il ne le fait pas, la preuve que le remplacement n'était pas nécessaire est par là même rapportée. Le juge, saisi dans le cadre d'un contentieux sur la validité du licenciement, examinera le comportement de l'employeur de nombreux mois après le licenciement, ce qui lui permettra de s'assurer que le remplacement a bien été effectué. Si tel n'est pas le cas, ou si le salarié remplaçant est, peu de temps après son recrutement, affecté à un autre poste dans l'entreprise sans être lui-même remplacé (Cass. soc., 5 mars 2003, n° 01-41.872, Mme Arlette Auzou c/ Association de salariés de l'agriculture pour la vulgarisation du progrès agricole (ASAVPA), F-D N° Lexbase : A3773A7U), le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse. En d'autres termes, le juge s'assure de la réalité du remplacement définitif et vérifie ainsi que l'employeur n'a pas utilisé ce motif comme un prétexte pour licencier. 1.2. Le moment du remplacement définitif Il ne suffit donc pas que la nécessité du remplacement soit établie, il faut également que la réalité du remplacement soit contrôlée par le juge. Il reste, cependant, à déterminer si l'employeur est ou non tenu par un délai pour procéder au remplacement définitif du salarié malade. Il est, tout d'abord, certain que le recrutement doit avoir été réalisé au moment où le juge statue sur la validité du licenciement. Si le remplacement n'a pas été effectué au cours des nombreux mois pendant lesquels le plaideur doit attendre la décision des juges, c'est qu'il n'était pas nécessaire. Dans l'espèce commentée, l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris le 27 juin 2002 avait retenu cette solution minimaliste, en admettant le licenciement pour la seule raison "qu'il avait été pourvu au remplacement de la salariée". Le niveau d'exigence imposé à l'employeur apparaissait alors notoirement insuffisant. Si le remplacement n'intervient que longtemps après le licenciement, c'est que l'entreprise pouvait se passer de licencier. La solution est, en outre, particulièrement injuste pour le salarié licencié qui aurait très bien pu redevenir "apte à l'emploi" au cours de la (longue) période allant du licenciement jusqu'au remplacement. Deux options semblaient sérieusement envisageables : soit, dans une logique maximaliste, on imposait à l'employeur de procéder au remplacement avant même de licencier le salarié malade, soit on lui imposait seulement de respecter un certain délai après le congédiement du salarié malade. Quelques arrêts d'espèce semblaient avoir retenu la première solution. Ainsi, dans l'arrêt du 5 mars 2003 précité, la Cour de cassation avait motivé la cassation par le fait qu'il résultait des constatations de la cour d'appel "que la salariée n'avait pas fait l'objet d'un remplacement définitif à la date de la rupture du contrat de travail". Il est vrai que les circonstances particulières de l'espèce devaient conduire à la prudence dans l'interprétation. Il n'en reste pas moins que, prise à la lettre, la formule jurisprudentielle faisait obligation à l'employeur de "remplacer avant de licencier". L'adoption d'une telle solution pouvait se défendre. Il n'était peut-être pas déraisonnable de contraindre l'employeur à tirer rapidement les conséquences de ses propres constats. En effet, dans une pareille situation, la nécessité de remplacer le salarié est, pour l'entreprise, plus évidente que la nécessité de procéder au licenciement (il faut rappeler que, sauf dispositions conventionnelles contraires, l'employeur n'est pas tenu de maintenir la rémunération du salarié malade). Cette solution n'est cependant pas retenue dans l'arrêt commenté du 10 novembre 2004. Dans un arrêt de principe, marqué des lettres FS-P+B+R+I, la Cour de cassation affirme que "le remplacement définitif d'un salarié absent en raison d'une maladie ou d'un accident non professionnel doit intervenir dans un délai raisonnable après le licenciement". Il est donc possible de ne remplacer le salarié malade qu'après qu'il ait été procédé à son licenciement. Mais, il convient alors que le remplacement soit réalisé dans un délai raisonnable. Si tel n'est pas le cas, c'est que le remplacement définitif n'était pas nécessaire. Mais, afin de tenir compte des éventuelles difficultés de recrutement d'un remplaçant, la Cour de cassation invite les juges du fond à apprécier in concreto le respect par l'employeur de ce délai raisonnable. 2. L'appréciation in concreto du délai raisonnable Dans l'arrêt commenté du 10 novembre 2004, la Cour de cassation affirme que le délai est apprécié souverainement par les juges du fond "en tenant compte des spécificités de l'entreprise et de l'emploi concerné, ainsi que des démarches faites par l'employeur en vue d'un recrutement". La formule utilisée par la Cour de cassation, dont les juges du fond devront s'inspirer, n'est pas sans importance. L'appréciation du respect du délai raisonnable ne doit pas être effectuée in abstracto, à partir de l'idée qu'il existerait un délai objectivement raisonnable applicable, quelle que soit la situation. La Cour invite, au contraire, les juges du fond à apprécier le respect du délai par l'employeur in concreto, c'est-à-dire en fonction des circonstances particulières. En effet, s'il apparaît logique d'imposer à l'employeur de remplacer effectivement le salarié malade, il convient également de tenir compte des difficultés éventuelles qu'il pourrait rencontrer lors de sa tentative de recrutement. Il convient d'abord de tenir compte des "spécificités de l'entreprise et de l'emploi concerné". On peut, en effet, concevoir que le recrutement d'un salarié sur un poste très "qualifié" ou très "spécifique" nécessite plus de temps qu'un recrutement sur un poste ne nécessitant pas de qualification particulière (il faut noter que les juges retiennent ce type d'éléments lorsqu'ils apprécient la "nécessité" ou non de pourvoir au remplacement définitif du salarié malade (Cass. soc., 25 juin 1997, n° 95-44.315, M. Manuel Rubio c/ Société Balat Serge, société anonyme, inédit N° Lexbase : A3032AUT). Parmi les "spécificités de l'entreprise" susceptibles d'être prises en compte par les juges, on peut également citer les procédures de recrutement que certaines entreprises mettent parfois en oeuvre et qui "ralentissent" les embauches. En réalité, le critère décisif n'est pas nécessairement la "rapidité" du recrutement, mais les diligences accomplies par l'employeur pour y procéder. La Cour de cassation indique ainsi qu'il convient de prendre en compte les "démarches faites par l'employeur en vue d'un recrutement". Quelles que soient les difficultés rencontrées, l'employeur doit montrer sa bonne foi en réalisant ce qu'on pourrait appeler des "actes positifs de recherche d'un remplaçant". |
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Réf. : Conclusion de l'Avocat général M. Damaso Ruiz-Jarabo Colomer sur l'affaire C-376/03
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par Jean-Marc Priol, Avocat au Barreau de Paris, Landwell & Associés
Le 07 Octobre 2010
Il convient d'observer que les circonstances de fait ont conduit à soulever, en premier lieu, par voie préjudicielle la question de savoir si le droit communautaire, et en particulier les articles 56 du Traité CE et suivants , s'opposait "à une réglementation en vertu de laquelle un contribuable résident a toujours droit au bénéfice d'un abattement dans le cadre de l'impôt sur la fortune, alors qu'un contribuable non-résident n'y a pas droit lorsque son patrimoine se trouve pour l'essentiel dans son Etat de résidence (où aucun impôt sur la fortune n'est au demeurant perçu) ?"
A cette interrogation l'Avocat général répond positivement (point 71) en proposant à la Cour de justice "de déclarer que la libre circulation des capitaux dans l'Union européenne s'oppose à une réglementation nationale qui, en matière d'impôt sur la fortune, reconnaît aux contribuables résidents le droit à un abattement, qui est refusé aux non-résidents (à moins que 90 % de leur patrimoine se trouve dans cet Etat membre), lorsque ces derniers n'ont pas d'autre 'patrimoine imposable' que celui situé dans ce pays, parce que celui qu'ils possèdent dans d'autres Etats membres n'est soumis à aucun impôt similaire".
Il s'ensuit, toujours selon l'Avocat général, que compte tenu de la solution proposée pour la première question et du caractère subsidiaire de celle relative à "la clause de la Nation la plus favorisée", il lui paraît "superflu de répondre" à cette dernière (point 72), en sorte qu'il suggère à la Cour (point 106) "de ne pas donner de réponse ..." et en toute hypothèse pour le cas où elle se trouverait être envisagée, l'analyse qui en sera faite (point 75), le sera "à titre strictement hypothétique et subsidiaire, sans que le résultat de cette analyse puisse entrer en aucune manière dans le dispositif de la décision qui sera prise sur la demande préjudicielle", à titre principal.
C'est donc dans ce contexte particulier que l'Avocat général a entendu, néanmoins, "apporter certaines précisions à titre subsidiaire", sur la question de la Nation la plus favorisée pour le cas où la Cour de justice suivrait une orientation différente de celle qu'il propose en réponse à la question préjudicielle principale soumise à la Cour.
Il répond, dans un premier temps négativement à la question posée en considérant (point 96) "que la 'clause de la Nation la plus favorisée' ne peut être automatiquement transposée [...], que le principe de non-discrimination en raison de la nationalité, pris en tant que règle placée au service des libertés de circulation, n'exige pas qu'un citoyen d'un Etat membre reçoive dans un autre Etat membre le meilleur traitement possible, peu importe si cela est ou non nécessaire pour la construction du marché unique".
Pour conforter sa position, il se réfère à ses conclusions (points 66 et 67) figurant sous l'arrêt "Gilly" (CJCE, 12 mai 1998, aff. C-336/96, Epoux Robert Gilly c/ Directeur des services fiscaux du Bas-Rhin N° Lexbase : A1840AW3), aux termes desquelles il déclarait, à propos de l'impôt sur le revenu des personnes physiques, "que l'objet d'une convention bilatérale de double imposition est d'éviter que les revenus déjà imposés par l'un des Etats le soient à nouveau dans l'autre et non de garantir au contribuable le statut fiscal le plus favorable dans chaque cas donné".
Toutefois, cette position clairement tranchée ne serait pas sans appel, dans la mesure où selon l'Avocat général, (point 97) "rien n'empêche que le droit communautaire apporte un correctif pour mettre fin à une situation d'inégalité lorsque l'application d'une norme conventionnelle par un Etat membre fait obstacle à la libre circulation des capitaux en appliquant de façon injustifiée un traitement différent aux personnes résidant dans d'autres Etats membres".
Et ce d'autant, qu'il est rappelé qu'en vertu des dispositions de l'article 12 du Traité CE , premier alinéa, les personnes résidentes des Etats membres, disposant de la qualité de citoyens européens, ne peuvent être discriminées, directement ou indirectement, en raison de leur nationalité.
Il s'ensuit, selon l'Avocat général, que dans les situations triangulaires, comme celle du litige (point 97) soumis à la Cour, que "la position du contribuable dans l'Etat d'imposition peut être construite en se fondant sur la 'clause de la Nation la plus favorisée', mais également sur la base de l'existence d'une restriction aux libertés de circulation".
En effet, tout contribuable tentera, dans la même situation que celle de ce contribuable allemand, imposé sur la fortune aux Pays-Bas, d'obtenir que lui soit étendu le bénéfice de l'accord prévu pour les résidents belges et "cette prétention peut s'appuyer sur le concept de restriction à la libre circulation des capitaux, si la charge fiscale plus lourde et les conséquences négatives sont considérées comme contraires à l'ordre juridique communautaire" (point 97).
Il est en conséquence, selon l'Avocat général (point 97), "contraire au droit communautaire d'accepter des obligations de réciprocité vis-à-vis d'un autre Etat membre, lorsqu'elles limitent les libertés de circulation des ressortissants d'Etats européens tiers [...] et que les normes nationales, dont font partie les traités internationaux valablement conclus et ratifiés, ne peuvent violer les libertés fondamentales du système juridique européen".
Au-delà même de l'examen strict de "la clause de la Nation la plus favorisée", c'est la confrontation de cette dernière avec le principe de non-discrimination qui rendrait susceptible d'envisager sa transposition à la présente affaire. Toutefois, il apparaît au vu des conclusions de l'Avocat général qu'il paraît difficile de l'appliquer d'une manière autonome et indépendamment du principe de non-discrimination.
Il convient de le rappeler, le principe de "la Nation la plus favorisée" est un principe consacré uniquement dans les règles OMC (Organisation mondiale du commerce), et qui se trouve limité dans le cadre de l'OMC aux dispositions relatives aux droits de douane et impositions perçues à l'importation ou à l'exportation ainsi qu'aux mesures relatives à la fiscalité intérieure sur les produits importées et relatives à la commercialisation de ces produits.
Ce principe, d'application générale à l'égard de tous les membres de l'OMC, implique que dans l'hypothèse où deux membres de cette organisation s'accorderaient mutuellement des avantages supérieurs à ceux déjà négociés et consolidés dans les listes annexées au GATT 94, ces avantages devraient être étendus ipso facto à l'ensemble des membres de l'OMC, sauf existence d'exceptions dans de cas particuliers (cf. exceptions en faveur des intégrations économiques régionales, celles bénéficiant les pays en développement et celles résultants des impératifs de santé publique et sécurité).
Ce principe n'est reconnu dans l'ordre juridique communautaire que dans le cadre du respect des règles OMC par la Communauté.
En ce qui concerne, en revanche, le principe de non-discrimination, celui-ci bien connu en droit communautaire et d'application constante se trouve à la base des règles communautaires relatives aux quatre libertés fondamentales (marchandises, personnes, services et capitaux) maintes fois commentées dans les colonnes de Lexbase.
Le principe de non-discrimination exige que des situations comparables ne soient traitées de manière différente, à moins qu'une différenciation ne soit objectivement justifiée.
La jurisprudence constance de la Cour de Luxembourg a, dans ce cadre, reconnu que les sociétés non-résidentes se trouvaient dans la plupart des cas dans une situation comparable aux sociétés résidentes et que dès lors elles devaient bénéficier d'un traitement national.
Jusqu'à la présente affaire commentée (affaire D.) les questions relatives à la confrontation entre les conventions fiscales bilatérales et le droit communautaire, comme au cas d'espèce, n'ont été qu'incidentes et ne visaient qu'à démontrer l'incompatibilité de ces conventions avec le droit communautaire (voir CJCE, 12 mai 1998, aff. C-336/96, Epoux Robert Gilly c/ Directeur des services fiscaux du Bas-Rhin ; CJCE, 28 janvier 1986, aff. C-270/83, Commission des Communautés européennes c/ République française N° Lexbase : A8319AUN et CJCE, 12 décembre 2002, aff. C-385/00, F. W. L. de Groot c/ Staatssecretaris van Financiën N° Lexbase : A3723A4N).
La question de savoir quel est l'effet des conventions bilatérales à l'égard des Etats membres non signataires n'a, toutefois, été évoquée qu'à partir de l'affaire "Saint Gobain" (CJCE, 21 septembre 1999, aff. C-307/97, Compagnie de Saint-Gobain, Zweigniederlassung Deutschland c/ Finanzamt Aachen-Innenstadt N° Lexbase : A8910AUK), suivie de celle des "sociétés Hoechst et Metallgesellschaft" (CJCE, 8 mars 2001, aff. C-397/98, Commissioners of Inland Revenue et HM Attorney General N° Lexbase : A8088AY9) et enfin de l'affaire "Gottardo" concernant une personne physique (CJCE, 15 janvier 2002, aff. C-55/00, Elide Gottardo c/ Istituto nazionale della previdenza sociale (INPS) N° Lexbase : A8474AX7), lesquelles présentent une certaine similitude avec la présente affaire commentée et relancent aujourd'hui à nouveau le débat devant la Cour.
La seule différence entre ces affaires et la présente "affaire D." commentée réside dans les faits que dans les premières la convention bilatérale a été passée avec un pays tiers non communautaire.
Dans l'affaire "Saint-Gobain ZN" se posait la question de savoir si un Etat membre (Allemagne) pouvait, conformément au droit communautaire, refuser d'accorder aux établissements stables situés sur son territoire le bénéfice d'exonérations provenant de conventions signées avec des pays tiers (Etats-Unis, Suisse), lorsque le siège de l'établissement stable est également situé dans un autre Etat membre (France).
La Cour de Justice, dans cette affaire, a donné une réponse négative, en étendant le champ d'action du principe de traitement national et en affirmant son application aux établissements secondaires de sociétés européennes non-résidentes, même dans le cadre de l'application de conventions fiscales avec des Etats tiers non européens.
Cette solution reconnue dans le domaine de la fiscalité directe a, ensuite, été, également, admise dans d'autres domaines (voir CJCE, 15 janvier 2002, aff. C-55 /00, Elide Gottardo c/ Istituto nazionale della previdenza sociale (INPS), sur la libre circulation des travailleurs et CJCE, 5 novembre 2002, aff. C-466/98, Commission des Communautés européennes c/ Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, sur les transports aériens N° Lexbase : A4244A3L).
Toutefois, il convient d'observer que l'arrêt "Saint-Gobain ZN" n'a pas eu pour effet d'étendre le principe de non-discrimination de sorte à pouvoir comparer le traitement qui est donné dans un Etat membre à deux sociétés non-résidentes dans cet état membre et jouissant de droits différents en vertu des conventions fiscales bilatérales.
Une telle extension de la portée du principe de non-discrimination équivaudrait à consacrer le principe de "la Nation la plus favorisée" en droit communautaire et, plus particulièrement, dans le cadre de la liberté d'établissement ; c'est en définitif toute la question posée par "l'affaire D." à laquelle l'Avocat général tente d'apporter une réponse. Cette consécration permettrait donc, à l'instar de ce qui est possible dans le cadre de l'OMC, à un Etat membre, et par ricochet à ses entreprises, de se prévaloir des dispositions d'une convention fiscale dont il n'est pas signataire.
La présente affaire (affaire D.) commentée suivant les conclusions de l'Avocat général est, également, à rapprocher de l'affaire des "sociétés Hoechst et Metallgesellschaft" qui étaient des sociétés établies en Allemagne et possédant des filiales au Royaume-Uni. Les filiales anglaises ayant versé des dividendes à leurs sociétés mères allemandes et, ne pouvant opter pour l'imposition de groupe, que la législation britannique réservait aux seules sociétés mères résidant au Royaume-Uni, elles ont estimé avoir subi un préjudice de trésorerie, du fait du versement de l'ACT, préjudice que n'ont pas eu à supporter les filiales de sociétés mères résidant au Royaume-Uni.
Ces sociétés ont ainsi posé une série de questions relatives, d'une part, à la compatibilité de la législation anglaise avec le droit communautaire et, d'autre part, à la compatibilité avec le droit communautaire de refuser certains droits à des sociétés résidentes dans certains Etats membres alors que ces mêmes droits sont conférées à d'autres sociétés résidentes dans d'autres Etats membres en vertu de conventions fiscales bilatérales conclues avec ces derniers.
Toutefois, la Cour de Justice, suivant en cela son Avocat général, M. Fennelly, a évité de répondre à ces questions, sous prétexte qu'elle avait déjà déclaré l'incompatibilité de la législation anglaise avec le droit communautaire dans sa réponse aux première et deuxième questions. C'est toute la différence de cette affaire avec "l'affaire D." dans laquelle l'Avocat général Ruiz-Jarabo Colomer apporte un éclairage sur la notion de "clause de la Nation la plus favorisée" au regard du principe de non-discrimination, cette dernière notion l'emportant sur la première.
C'est en fonction de ce dernier principe que l'Avocat général positionne la notion de "clause de la Nation la plus favorisée" en rappelant que si les Etats disposent pleinement de leur pouvoir fiscal, ils ne peuvent l'exercer qu'en conformité avec le droit communautaire (CJCE, 28 janvier 1986, aff. C-270/83, Commission des Communautés européennes c/ République française) quel que soit l'instrument normatif employé qu'il s'agisse de la loi ou du règlement ou comme au cas de l'espèce commentée d'une convention bilatérale (intracommunautaire ou avec des pays tiers).
A l'époque, l'absence de réponse de l'Avocat général dans l'affaire "sociétés Hoechst et Metallgesellschaft" avait surpris dans la mesure où, la Cour n'étant pas obligée de suivre les recommandations de ce dernier, celle-ci aurait pu examiner l'ensemble des questions posées tant à titre principal que subsidiaire.
La question restait donc ouverte jusqu'à ce que la présente affaire (affaire D.) vienne devant la Cour dont on attendra avec intérêt l'arrêt sur la question, si elle se trouve, toutefois, évoquée.
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Réf. : CE 3° et 8° s-s, 25 octobre 2004, n° 255092, M. Boutourlinsky (N° Lexbase : A6729DDL) et CE 3° et 8° s-s, 25 octobre 2004, n° 255093, M. François (N° Lexbase : A6730DDM)
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par Sophie Duval, Juriste-fiscaliste
Le 07 Octobre 2010
Ainsi, seuls les frais inhérents à la fonction ou à l'emploi sont déductibles, c'est-à-dire ceux occasionnés directement par l'exercice de la profession, à l'exclusion des dépenses d'ordre privé ou de celles qui résultent de simples convenances personnelles. De même, ne sont admises en déduction, les dépenses qui se rapportent à la constitution d'un capital.
Concernant les intérêts afférents à des emprunts contractés par une personne physique pour acquérir des droits d'une société dans laquelle elle est salariée, la doctrine administrative, affirmée à plusieurs reprises, est catégorique : il ne s'agit pas de dépenses professionnelles, mais de frais engagés pour acquérir ou maintenir un capital. (DB 5 F 2512, 10 février 1999, n° 5 ; QE n° 29709 de M. Jacquat Denis, JOANQ 10 mai 1999, p. 2764, min. Eco., réponse publ. 16 août 1999, p. 4947, 11e législature N° Lexbase : L4079GUM). Et, selon l'administration, seules des dispositions législatives expresses peuvent, à titre exceptionnel, permettre de déduire de tels intérêts des revenus des salariés.
Ainsi, bien que ne constituant pas des frais professionnels, les intérêts des emprunts souscrits par les salariés pour l'acquisition de droits sociaux sont néanmoins déductibles dans les situations suivantes :
- souscription au capital d'une société nouvelle (CGI, art. 83-2° quater) ;
- souscription au capital d'une société coopérative ouvrière de production, SCOP, issue de la transformation d'une société préexistante (CGI, art. 83-2° quinquies) ;
- souscription au capital d'une société dans le cadre d'opérations de rachat d'entreprises par leurs salariés (CGI, art. 83 bis et 83 ter).
Enfin, la loi pour l'initiative économique de l'été 2003 (loi n° 2003-721, 1er août 2003 N° Lexbase : L3557BLC) a ajouté une nouvelle hypothèse dans laquelle les contribuables qui souscrivent au capital d'une société peuvent soustraire de leur impôt, les intérêts d'emprunt contracté. Ce texte a, en effet, institué une réduction spécifique en faveur des contribuables qui reprennent une fraction du capital d'une société non cotée soumise à l'impôt sur les sociétés. Cette réduction d'impôt est égale à 25 % du montant des intérêts payés au cours de l'année d'imposition à raison des emprunts contractés pour reprendre la société, les versements étant retenus dans la limite annuelle de 10 000 euros pour un célibataire et 20 000 euros pour un couple. L'octroi de cette mesure de faveur est, toutefois, soumis à de nombreuses conditions qui rendent, en pratique, son application très limitée !
La position de la jurisprudence, sur cette question de la déductibilité des intérêts d'emprunt, a, quant à elle, toujours été plus souple que celle de l'administration fiscale. Les juges acceptent, en effet, la déduction des intérêts d'emprunt contracté pour l'acquisition d'actions de la société dans laquelle il exerce sa profession lorsque le salarié apporte la preuve que la détention des actions acquises est, en vertu des règles imposées par la société, une condition nécessaire à l'exercice de sa profession au sein de celle-ci et s'il justifie de l'affectation de l'emprunt souscrit à l'acquisition desdites actions (CAA Nancy, 12 décembre 1991, n° 90NC00271, M. Raymond Cornu c/ Ministre de l'Economie, des Finances et d'Industrie N° Lexbase : A5034A8X et CAA Nancy, 2e ch., 17 novembre 1994, n° 93NC00149, Raymond Cornu c/ Ministre de l'Economie, des Finances et d'Industrie N° Lexbase : A7235BG3).
De même, le Conseil d'Etat avait eu l'occasion d'indiquer que si, en principe, les intérêts d'emprunts contractés par une personne physique pour acquérir des droits dans une société, dont les profits sont imposables dans la catégorie des revenus mobiliers, ne peuvent être considérés comme des dépenses affectées à l'acquisition ou à la conservation du revenu, mais comme des frais engagés pour maintenir ou accroître le patrimoine, il en va, toutefois, différemment lorsque l'acquisition des droits sociaux a été une condition nécessaire à la nomination de l'intéressé comme dirigeant de la société (CE Contentieux, 4 juin 1976, n° 97732, Sieur X c/ Ministre de l'Economie, des Finances et d'Industrie N° Lexbase : A7626AY4). Il doit, toutefois, être précisé que, dans cette espèce, la Haute cour avait refusé la déduction, considérant que le contribuable n'apportait pas la preuve de l'obligation d'acquérir la qualité d'associé pour poursuivre son activité professionnelle dans la société.
Enfin, plus récemment, le tribunal administratif de Dijon a jugé que constituent des frais inhérents à son emploi, déductibles de ses salaires imposables, les intérêts d'emprunts souscrits par un salarié pour financer l'acquisition d'actions de la société dans laquelle il exerce sa profession, dès lors que la détention d'actions présente le caractère d'une obligation imposée par l'employeur pour qu'il puisse poursuivre son activité au sein de la société au niveau d'emploi auquel il est parvenu (TA Dijon, 1ère ch., 8 juin 1999, n° 98-5537).
Bien que moins catégoriques que la doctrine administrative, les tribunaux subordonnaient, jusqu'à présent, la déductibilité de ces intérêts d'emprunt à l'obligation statutaire ou contractuelle du salarié d'acquérir des titres de la société pour pérenniser son travail. Dans les deux arrêts du 25 octobre 2004, Le Conseil d'Etat va plus loin dans l'acceptation de la déductibilité de ces intérêts d'emprunt ; en effet, selon le Haut conseil, les dépenses peuvent être admises en déduction lorsqu'elles peuvent être regardées comme directement utiles à l'acquisition ou la conservation des revenus du salarié et ce même lorsque ni les circonstances de fait ni aucun texte ne les rendent obligatoires.
En l'espèce, après l'obtention de leur diplôme d'expert comptable, les contribuables avaient été invités par le président de la société d'expertise comptable pour laquelle ils travaillaient (SA Cabinet Dupouy) à prendre une participation dans cette société, dont les deux tiers doivent, en vertu de l'article 7 de l'ordonnance du 19 septembre 1945 (n° 45-2138 N° Lexbase : L8059AIC), être détenus par des experts-comptables. La Haute cour a donc considéré que, dans ce cadre, l'acquisition des titres était bien de nature à faciliter directement la poursuite du contrat de travail des contribuables. Peu importe que ni la loi sur les sociétés anonymes d'expertises comptables, ni les statuts de la SA dans laquelle étaient salariés les contribuables ne subordonnaient expressément la poursuite du contrat de travail à la condition qu'ils deviennent actionnaires de cette société.
Il est à noter que le tribunal administratif de Nantes, dans une affaire concernant également un expert-comptable avait déjà, dans un arrêt du 14 mars 2003 (n° 9804793), accordé au contribuable la possibilité de déduire de ses salaires le montant des intérêts d'emprunt qu'il avait contracté pour acquérir les actions de la société dans laquelle il travaillait. L'argumentation du tribunal était, d'ailleurs, assez proche de celle développée par le Conseil d'Etat le 25 octobre 2004. Tenant compte du fait qu'après l'obtention de son diplôme, le contribuable, M. D., jusqu'alors salarié en qualité d'assistant contrôleur, s'était vu notifié expressément par son employeur que le statut d'expert-comptable salarié n'était pas admis au sein de la société, les juges de Nantes avaient ainsi jugé que "l'exercice de la profession d'expert-comptable au sein de la société STECO imposait la détention des titres dont M. D. s'est porté acquéreur ; que cette acquisition présentait ainsi en l'espèce le caractère d'une obligation imposée à M. D. pour la poursuite normale de son activité au sein de l'entreprise eu égard à sa qualification professionnelle ; que ce dernier est dès lors fondé à soutenir que les intérêts d'emprunt souscrits pour financer l'achat des actions de la société STECO constituent des frais inhérents à l'emploi et sont, comme tels, déductibles pour le calcul de ses salaires imposables".
Compte tenu de ce nouvel assouplissement de la jurisprudence qui s'éloigne encore de la doctrine administrative, l'administration fiscale devrait être amenée à revoir sa position dans un sens plus favorable aux contribuables.
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