La lettre juridique n°121 du 20 mai 2004

La lettre juridique - Édition n°121

Table des matières

Quelle charte rédactionnelle pour vos commentaires de jurisprudence ?

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N1674ABM

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Le 07 Octobre 2010


Depuis plusieurs semaines, Lexbase Hebdo - édition sociale vous propose une nouvelle charte rédactionnelle de ses articles. L'objectif est clair : il tend à structurer les analyses de jurisprudence de manière à pouvoir directement trouver les informations qui vous intéressent, sans se perdre dans une "logorrhée scripturale". Ainsi, il est vous possible, d'un coup d'oeil, de vous reporter à la décision et son visa, aux faits de l'espèce, à la solution ou au commentaire. Sans modifier vos habitudes de consultations, il s'agit, comme dans nos bases de données, de mettre en évidence ce qui ressort d'une source brute (en l'occurrence, une décision jurisprudentielle), et ce qui émane de la doctrine universitaire (à proprement parler, le commentaire). Afin de nous déterminer sur une généralisation de cette charte à l'ensemble des éditions de Lexbase Hebdo, nous vous invitons à nous donner votre avis à l'adresse suivante : fgirard@lexbase.fr.

Par ailleurs, ne manquez pas, cette semaine, notre édition bimestrielle de Lexbase Hebdo - édition affaires consacrée au droit des entreprises en difficulté, sous la direction de P.-M. Le Corre, professeur agrégé à l'Université de Toulon et du Var : toute l'actualité de ces dernières semaines sur un droit en pleine mutation.

newsid:11674

Social général

[Jurisprudence] Le Conseil d'Etat annule les arrêtés d'agrément de la convention d'assurance chômage du 1er janvier 2001 et du 1er janvier 2004

Réf. : CE 1° s-s, 7 mai 2004, n° 255886, Association AC ! et autres (N° Lexbase : A1829DCQ)

Lecture: 19 min

N1669ABG

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par Christophe Willmann, Maître de conférences à l'Université de Picardie

Le 09 Février 2021


L'actualité est décidément au droit de l'emploi et du chômage ! Le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Marseille le 15 avril 2004 (TGI Marseille du 15 avril 2004, n° RG 04/02019, M. Eric Lazari et 36 autres c/ L'Assédic Alpes Provence-l'Unédic N° Lexbase : A8578DBC), relatif au sort des chômeurs indemnisés au titre de la convention d'assurance chômage du 1er janvier 2001 (N° Lexbase : L1980DYY), dont l'avenant n° 5 du 27 décembre 2002 (N° Lexbase : L1765DYZ) avait diminué les droits (réduction de la durée de versement des allocations), tranchait une discussion délicate et toujours ouverte, de la nature juridique du plan d'aide au retour à l'emploi et des engagements pris par les parties au titre de ce contrat (Christophe Willmann, Le Pare est-il vraiment un contrat ?, Lexbase Hebdo n° 118 du mercredi 28 avril 2004 - édition sociale N° Lexbase : N1385ABW). Le Conseil d'Etat vient, par un arrêt rendu le 11 mai 2004, de prononcer la censure d'arrêtés d'agrément du ministre de l'Emploi, portant aussi bien sur la convention d'assurance chômage du 1er janvier 2001 (N° Lexbase : L1980DYY) que sur celle du 1er janvier 2004 (N° Lexbase : L1532DPG). Le Conseil d'Etat a relevé des irrégularités procédurales (au regard de la consultation du Comité Supérieur de l'Emploi, étape décisive dans la procédure d'agrément permettant, in fine, à la convention d'assurance chômage d'avoir pleinement effet juridique), affectant la validité des conventions d'assurance chômage de 2001 et de 2004 (1). Mais, le Conseil d'Etat a pleinement pris conscience de ses responsabilités : annuler les arrêtés d'agrément revenait à remettre en cause, à titre rétroactif, la survie même du régime d'assurance chômage, privé de son support juridique et légal. D'où la décision de reporter au 1er juillet 2004 la date d'effet de l'annulation des arrêtés d'agrément (2). Il reste donc une période brève (jusqu'au 1er juillet 2004) aux partenaires sociaux pour négocier et conclure une nouvelle convention d'assurance chômage et au ministre pour agréer cette convention.

Décision

CE 1 SS, 7 mai 2004, n° 255886, Association AC ! et autres, n° 255886, 255887, 255888, 255889, 255890, 255891 et 255892 (N° Lexbase : A1829DCQ)

Textes applicables : C. trav., art. L. 351-8 (N° Lexbase : L6252ACK), L. 352-1 (N° Lexbase : L6273ACC), L. 352-2 (N° Lexbase : L6274ACD) et L. 352-2-1 (N° Lexbase : L6275ACE)

Liens base : (N° Lexbase : E5378ALR)

Faits

1. Demande d'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté en date du 5 février 2003, par lequel le ministre des Affaires Sociales, du Travail et de la Solidarité a agréé les accords d'application numérotés de 1 à 12 relatifs à la convention du 1er janvier 2001 relative à l'aide au retour à l'emploi et à l'indemnisation du chômage.

2. Les dispositions des arrêtés en date du 5 février 2003 par lesquels le ministre des Affaires Sociales, du Travail et de la Solidarité a agréé les stipulations de l'article 2, du e) de l'article 4, de l'article 6 et du b) du paragraphe 2 de l'article 10 du règlement annexé à la convention du 1er janvier 2004 relative à l'aide au retour à l'emploi et à l'indemnisation du chômage, en tant que ces stipulations renvoient à des délibérations de la commission paritaire nationale, ainsi que l'accord d'application n° 11 de cette convention sont annulées.

Sous réserve des actions contentieuses engagées à la date de la présente décision contre les actes pris sur leur fondement, les dispositions autres que celles annulées à l'article 2 de l'arrêté agréant le règlement annexé à la convention du 1er janvier 2004 et celles des arrêtés agréant cette convention, les annexes I à XII à ce règlement et les accords d'application numérotés de 1 à 10 et 12 de cette convention sont annulées à compter du 1er juillet 2004. L'arrêté en date du 5 février 2003 par lequel le ministre des Affaires sociales, du Travail et de la Solidarité a agréé les accords d'application numérotés de 1 à 12 relatifs à la convention du 1er janvier 2001 relative à l'aide au retour à l'emploi et à l'indemnisation du chômage est annulé en tant qu'il agrée l'accord d'application n° 11. Les dispositions, autres que celles annulées à l'article 4, des arrêtés en date du 5 février 2003 par lesquels le ministre des Affaires Sociales, du Travail et de la Solidarité a agréé les stipulations des accords modifiant ou complétant la convention du 1er janvier 2001 sont annulées. Toutefois, sous réserve des actions contentieuses engagées à la date de la présente décision contre les actes pris sur leur fondement, les effets antérieurs à cette annulation des dispositions en cause doivent être réputés définitifs.

Solution

1. Le ministre chargé du Travail ne peut procéder à l'agrément d'un accord relatif à l'assurance chômage des travailleurs privés d'emploi qu'après avis du Comité Supérieur de l'Emploi.

2. Des personnes n'ayant pas été nommées ou désignées par le ministre sont regardées comme régulièrement membres du Comité Supérieur de l'Emploi ou de sa commission permanente, alors même que leur qualité de représentants des organisations d'employeurs ou de travailleurs intéressées ne serait pas contestée.

3. L'article 1er de la loi du 17 juillet 2001 prévoit qu'une aide à la mobilité géographique peut être accordée aux demandeurs d'emploi par l'ANPE. Les stipulations des accords d'application des conventions des 1er janvier 2001 et 1er janvier 2004 qui confient le pouvoir d'attribuer cette aide aux Assédic sont illégales.

4. Compte tenu des conséquences manifestement excessives d'une annulation rétroactive pour la continuité du régime et la situation des allocataires et cotisants, il y a lieu de regarder comme définitifs les effets des arrêtés agréant les avenants à la convention du 1er janvier 2001 et ses accords d'application, à l'exception de ceux concernant l'aide à la mobilité géographique, ainsi que de reporter de quelques semaines les effets de l'annulation des arrêtés d'agrément de la convention du 1er janvier 2004 et de ses actes annexés.

1. Les motifs de l'annulation des arrêtés d'agrément
  • Motifs procéduraux : consultation du Comité Supérieur de l'Emploi

Le régime d'assurance chômage est fixé par voie d'accords, conclus entre employeurs et travailleurs, et agréés, pour la durée de validité de ces accords, par le ministre chargé du Travail, après avis du Comité Supérieur de l'Emploi (C. trav., art. L. 351-8 N° Lexbase : L6252ACK, L. 352-1 N° Lexbase : L6273ACC, L. 352-2 N° Lexbase : L6274ACD et L. 352-2-1 N° Lexbase : L6275ACE). Lorsque l'accord n'a pas été signé par la totalité des organisations syndicales d'employeurs et de travailleurs (CE 1/2 SSR, 29 mars 2000, n° 207444, Association des officiers dans les carrières civiles et autres N° Lexbase : A9503AG3), le ministre ne peut procéder à son agrément que si le Comité Supérieur de l'Emploi a émis un avis favorable motivé. En outre, en cas d'opposition écrite et motivée de deux organisations d'employeurs ou de deux organisations de travailleurs qui y sont représentées, le ministre ne peut donner l'agrément qu'au vu d'une nouvelle consultation du comité, sur la base d'un rapport qui précise la portée des dispositions en cause ainsi que les conséquences de l'agrément (C. trav., art. L. 352-1, L. 352-2 et L. 352-2-1). Par l'arrêt rapporté, logiquement, le Conseil d'Etat en tire la conséquence que la consultation du Comité Supérieur de l'Emploi revêt le caractère d'une formalité substantielle.

Les auteurs de la requête ont invoqué l'irrégularité de la composition de ce comité et le Conseil d'Etat les a suivis. Le Comité Supérieur de l'Emploi est composé notamment de 10 représentants des organisations professionnelles d'employeurs les plus représentatives et 10 représentants des organisations syndicales de travailleurs les plus représentatives, nommés par arrêté du ministre chargé du Travail sur proposition de ces organisations. La commission permanente, créée au sein de ce comité pour rendre au nom de celui-ci les avis sur les questions présentant un caractère d'urgence, est composée notamment de 5 représentants des organisations professionnelles d'employeurs et 5 représentants des organisations syndicales de travailleurs désignés par le ministre parmi les membres du comité, sur proposition de celui-ci.

Le Conseil d'Etat décide, à bon droit, que ne peuvent siéger au sein du comité ou de la commission des personnes qui, n'ayant pas été nommées ou désignées par le ministre, ne sauraient être regardées comme membres de ce comité ou de cette commission, alors même que leur qualité de représentants des organisations d'employeurs ou de travailleurs intéressés ne serait pas contestée.

En l'espèce, la commission permanente du Comité Supérieur de l'Emploi a été consultée le 15 janvier 2003 puis, à la suite de l'opposition écrite et motivée de deux organisations de travailleurs, le 6 février 2003, sur le projet d'agrément par le ministre de l'Emploi, des accords conclus le 27 décembre 2002 (relatifs aux conventions du 1er janvier 2001 et du 1er janvier 2004). Plusieurs des personnes ayant siégé lors des deux réunions de la commission permanente n'avaient pas été nommées au Comité Supérieur de l'Emploi par le ministre chargé du Travail. Aussi, la commission permanente du Comité Supérieur de l'Emploi s'est réunie le 15 janvier et le 4 février 2003 dans une composition irrégulière.

  • Légalité de certaines clauses des accords agréés

- Le Conseil d'Etat est compétent pour apprécier la validité des clauses d'une convention d'assurance chômage

Le contenu de la convention collective nationale d'assurance chômage n'est pas fixé librement par les partenaires sociaux, mais doit respecter les prescriptions législatives et réglementaires. Le Conseil d'Etat, dans son arrêt Union nationale de coordination des associations militaires, rappelle cette solution (CE, 18 mai 1998, n° 187836, Union nationale de coordination des associations militaires et autres N° Lexbase : A7752ASW).

- Appréciation des clauses de la convention d'assurance chômage de 2001 et de 2004

Compétence de la commission paritaire nationale

L'article 5 de la convention d'assurance chômage du 1er janvier 2004 prévoit la création d'une commission paritaire nationale composée de représentants des seules organisations signataires de cette convention. Cette commission est chargée de définir les cas dans lesquels une démission est considérée comme légitime, ceux dans lesquels un départ volontaire n'interdit pas de bénéficier de l'allocation, la procédure d'admission au bénéfice des allocations des salariés dont l'entreprise a réduit ou cessé son activité sans que leur contrat de travail ait été rompu, ainsi que les cas de réouverture des droits en cas de départ volontaire.

Ces stipulations réservent donc aux seules organisations signataires de la convention, membres de la commission paritaire nationale, le soin de définir dans ces domaines les règles complétant cette convention. Or, l'ensemble des organisations syndicales les plus représentatives d'employeurs et de travailleurs ont le droit de participer à la négociation et à la conclusion des accords d'assurance chômage (C. trav., art. L. 352-2 N° Lexbase : L6274ACD). Il en résulte, pour le Conseil d'Etat, que les signataires de ces accords ne peuvent légalement renvoyer le soin d'en modifier ou compléter les stipulations à des actes issus de négociations auxquelles ne participeraient pas l'ensemble des organisations syndicales les plus représentatives d'employeurs et de travailleurs ou qui ne feraient pas l'objet d'un agrément du ministre chargé du Travail (arrêt rapporté).

Aide à la mobilité géographique

La loi du 17 juillet 2001 (loi n° 2001-624 du 17 juillet 2001, portant diverses dispositions d'ordre social, éducatif et culturel N° Lexbase : L1823ATP) avait fixé le régime juridique de l'aide à la mobilité géographique (article 1er, al. 1 et 2).

Les contributions des employeurs et des salariés au régime d'assurance chômage (C. trav., art. L. 351-3-1 N° Lexbase : L6263ACX) peuvent être utilisées par le régime d'assurance chômage pour financer les mesures favorisant la réinsertion professionnelle des bénéficiaires de l'allocation de chômage. Lorsqu'un chômeur indemnisé accepte un emploi dans une localité éloignée du lieu de sa résidence habituelle, il peut bénéficier, sur prescription de l'ANPE, d'une aide à la mobilité géographique. Ces dispositions donnent ainsi compétence à l'ANPE pour octroyer une aide à la mobilité géographique aux demandeurs d'emploi indemnisés. Or, le Conseil d'Etat relève, par l'arrêt rapporté, que les accords d'application n° 11 des conventions des 1er janvier 2001 et 1er janvier 2004 stipulent que l'aide est accordée au regard des priorités et orientations fixées par le bureau de l'Assédic et que son montant est plafonné dans la limite de l'enveloppe financière affectée à ce type d'aide par le bureau de l'Assédic, selon les modalités fixées par le groupe paritaire national de suivi. Aussi, en donnant compétence aux Assédic pour l'octroi de cette aide, les signataires de l'accord ont méconnu les dispositions législatives, selon le Conseil d'Etat : elles ne pouvaient donc légalement faire l'objet d'un agrément par le ministre de l'Emploi.

Si le Conseil d'Etat s'est montré conforme aux attentes habituelles qu'il suscite dans son contrôle, la portée de la décision d'annulation des arrêtés d'agrément des conventions d'assurance chômage du 1er janvier 2001 et du 1er janvier 2004 est beaucoup plus surprenante et inédite. L'intérêt principal de cet arrêt du 11 mai 2004 réside là.

2. Conséquences juridiques de l'illégalité des arrêtés d'extension

  • Principe d'une dérogation à l'effet rétroactif d'une annulation contentieuse

Le Conseil d'Etat reconnaît au juge, par le présent arrêt, un pouvoir de modulation dans le temps des effets de l'annulation d'un acte administratif. Une telle annulation implique en principe, selon le Conseil d'Etat, que cet acte soit réputé n'être jamais intervenu, conformément au droit commun, aussi bien public que privé. Mais le Conseil d'Etat module, pour la première fois dans sa jurisprudence, les effets dans le temps de cette annulation.

En effet, s'il apparaît que cet effet rétroactif de l'annulation est de nature à emporter des conséquences manifestement excessives, en raison tant des effets que cet acte a produit et des situations qui ont pu se constituer lorsqu'il était en vigueur que de l'intérêt général pouvant s'attacher à un maintien temporaire de ses effets, le juge administratif est tenu de prendre en considération les conséquences de la rétroactivité de l'annulation pour les divers intérêts publics ou privés en présence et les inconvénients que présenterait, au regard du principe de légalité et du droit des justiciables à un recours effectif, une limitation dans le temps des effets de l'annulation.

Selon le Conseil d'Etat, il revient au juge administratif (donc, lui-même) d'apprécier, en rapprochant ces éléments, s'ils peuvent justifier qu'il soit dérogé à titre exceptionnel au principe de l'effet rétroactif des annulations contentieuses et de prévoir dans sa décision d'annulation que tout ou partie des effets de cet acte antérieurs à son annulation devront être considérés comme définitifs ou même que l'annulation ne prendra effet qu'à une date ultérieure qu'il détermine.

  • Mise en oeuvre circonstanciée de cette dérogation par le juge administratif

Le Conseil d'Etat a lui-même mis en application le principe (énoncé par lui-même !) d'un régime dérogatoire de l'effet rétroactif de l'annulation d'un acte administratif. Il faut dès lors distinguer l'annulation de certaines dispositions de la convention d'assurance chômage du 1er janvier 2001 de celle du 1er janvier 2004.

Ce pouvoir de moduler dans le temps l'annulation d'un acte administratif ne doit pas s'arrêter, selon le Conseil d'Etat, à la seule circonstance que la rétroactivité de l'annulation pourrait avoir une incidence négative pour les finances publiques, ni entraîner des complications pour les services administratifs chargés d'en tirer les conséquences.

Date d'effet de l'annulation de certaines dispositions de la convention d'assurance chômage du 1er janvier 2004

La disparition rétroactive des dispositions des arrêtés agréant les stipulations illégales relatives aux pouvoirs de la commission paritaire nationale et à l'aide à la mobilité géographique entraînerait des conséquences manifestement excessives, eu égard aux intérêts en présence et aux inconvénients que présenterait une limitation dans le temps des effets de leur annulation. Il n'y a pas lieu, selon le Conseil d'Etat, d'assortir l'annulation de ces dispositions d'une telle limitation. Leur annulation doit être donc rétroactive, conformément au droit commun de l'annulation d'un acte administratif.

Mais, s'agissant des autres dispositions annulées, le Conseil d'Etat, en l'espèce, relève que la loi fait obligation aux syndicats d'employeurs et de salariés et au ministre chargé du Travail de prendre les mesures propres à garantir la continuité du régime d'assurance chômage. Il incombera nécessairement aux pouvoirs publics, en cas d'annulation de l'arrêté par lequel le ministre chargé du Travail a agréé les conventions d'assurance chômage du 1er janvier 2001 et 1er janvier 2004, de prendre les mesures nécessaires. Or, eu égard à l'intérêt qui s'attache à la continuité du versement des allocations et du recouvrement des cotisations, à laquelle une annulation rétroactive des dispositions des arrêtés attaqués qui agréent les stipulations de la convention du 1er janvier 2004 autres que celles relatives aux pouvoirs de la commission paritaire nationale et à l'aide à la mobilité géographique, porterait une atteinte manifestement excessive, il y a lieu, selon le Conseil d'Etat, pour permettre au ministre chargé du Travail de prendre les dispositions nécessaires à cette continuité, de n'en prononcer l'annulation totale qu'à compter du 1er juillet 2004. Ce report d'annulation n'a lieu que sous réserve des droits des personnes qui ont engagé une action contentieuse à la date de la présente décision.

Date d'effet de l'annulation de certaines dispositions de la convention d'assurance chômage du 1er janvier 2001

La disparition rétroactive des dispositions des arrêtés portant sur la convention du 1er janvier 2001 et agréant les stipulations illégales relatives à l'aide à la mobilité géographique entraînerait des conséquences manifestement excessives de nature à justifier une limitation dans le temps des effets de leur annulation.

Il résulte en l'espèce, selon le Conseil d'Etat, que la disparition rétroactive des dispositions des arrêtés relatifs à la convention du 1er janvier 2001 autres que celles agréant les stipulations relatives à l'aide à la mobilité géographique, en faisant revivre les règles antérieurement en vigueur, serait à l'origine des plus graves incertitudes quant à la situation et aux droits des allocataires et des cotisants et pourrait provoquer des demandes de remboursement de cotisations et de prestations dont la généralisation serait susceptible d'affecter profondément la continuité du régime d'assurance chômage. Une annulation rétroactive de l'ensemble des dispositions des arrêtés attaqués relatifs à cette convention d'assurance chômage aurait des conséquences manifestement excessives. Dans ces conditions, le Conseil d'Etat a, par l'arrêt rapporté, limité dans le temps les effets de l'annulation. Mais les arrêtés d'agrément du ministre de l'Emploi annulés n'ont produit effet que du 1er janvier au 31 décembre 2003 : ils ne sont dès lors plus susceptibles de donner lieu à régularisation. C'est pourquoi le Conseil d'Etat décide, par l'arrêt rapporté, que les effets des dispositions des arrêtés litigieux autres que celles qui agréent l'accord d'application n° 11 relatif à la convention du 1er janvier 2001 doivent être regardés comme définitifs (sous réserve des actions contentieuses engagées à la date de la présente décision contre les actes pris sur leur fondement).

newsid:11669

Contrôle fiscal

[Jurisprudence] Majoration pour défaut de souscription de déclaration ou de présentation d'acte : de la motivation, entre certitudes et incertitudes

Réf. : CEDH, 3 juin 2003, Req. 54559/00, Jean Morel c/ France (N° Lexbase : A1833DCU)

Lecture: 11 min

N1665ABB

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par Jean-Marc Priol, Avocat au Barreau de Paris, Landwell & Associés

Le 07 Octobre 2010

La Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a estimé, dans une décision finale du 3 juin 2003, sur la recevabilité d'un recours d'un ressortissant français, sur l'application de la majoration d'impôt de 10 % pour défaut de souscription de déclaration, que, "tant par son taux que par son montant en valeur absolue, cette majoration" étant de faible importance, elle était "loin de revêtir l'ampleur considérable des sommes sur lesquelles la Cour s'était fondée dans l'arrêt Benedenoun pour retenir le caractère pénal de l'affaire".
Faut-il en conclure que si cette majoration avait été portée respectivement aux termes du § 3 du même article à 40 % puis 80 % suites aux mises en demeure successives de souscrire ou de présenter un acte pour la détermination de l'assiette ou la liquidation d'une imposition, la pénalité revêtirait le caractère d'une ampleur manifeste.

L'application des pénalités pour dépôt tardif de déclaration, telles que visées par l'article 1728-1 et 3 du CGI peut-elle être considérée comme une sanction devant faire l'objet d'une motivation conformément à l'article L. 80 D du LPF (N° Lexbase : L8025AEX) (1) et dans cette hypothèse la question se pose de savoir si ces sanctions infligées au contribuable redressé manque ou non de base légale, dès lors que l'article 1728 -3 du CGI, en ce qu'il ne prévoit pas la possibilité d'exercer un recours de pleine juridiction, est contraire à l'article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme (ci-après CESDH) (N° Lexbase : L7558AIR) (2).

1. La pénalité de 10 % doit-elle faire l'objet d'une motivation ?

L'article 1er de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations avec l'administration fiscale et le public (N° Lexbase : L8803AG7) dispose que "les décisions individuelles défavorables qui infligent une sanction" doivent être motivées.

En outre, l'article L. 80 D du Livre des procédures fiscales, issu de l'article 42 de la loi n° 86-1318 du 30 décembre 1986 a précisé que les sanctions fiscales sont réputées motivées quand "un document ou une décision adressé au plus tard lors de la notification du titre exécutoire ou de son extrait en a porté la motivation à la connaissance du contribuable".

Le Conseil d'Etat a eu à statuer sur ces dispositions et, par un arrêt du 21 avril 1989 (CE Contentieux, 21 avril 1989, n° 89657, David c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A0733AQ9), a jugé qu'une mise en demeure de déposer une déclaration ne pouvait emporter une motivation suffisante de la décision d'appliquer une pénalité sanctionnant le dépôt tardif d'une déclaration.

L'administration, par une note du 6 janvier 1992 (BOI n° 13 L-1-92) parfaitement opposable sur le fondement de l'article 1er du décret du 28 novembre 1983 (n° 83 -1025 N° Lexbase : L0278A3P) dès lors que cette note a été publiée au Bulletin officiel des impôts et qu'elle n'est pas contraire à la loi (cette note ne faisant que préciser les modalités pratiques d'application de l'article L. 80 D du LPF) - a pris acte de cette jurisprudence et précisé les conditions dans lesquelles la motivation de telles pénalités doit être effectuée en conformité avec la jurisprudence précitée.

A cet égard, il est précisé que "cette motivation implique l'indication :

-des références et contenu des textes prévoyant le dépôt de la déclaration ;

-des dates d'échéance initiale et résultant d'une mise en demeure ;

-de la date du dépôt effectif ;

-du taux et, si possible, des bases et du montant des pénalités".

Il est en outre précisé qu'"en cas de taxation d'office, la motivation est effectuée sur la notification elle-même".

Il y a donc lieu de considérer, qu'eu égard à la jurisprudence du Conseil d'Etat sus-mentionnée et à la doctrine administrative précitée, que ces pénalités doivent par conséquent être motivées et dans l'hypothèse où elles ne le seraient pas elles devraient être écartées.

Toutefois, il n'empêche qu'il convient de s'interroger sur le point de savoir si les sanctions infligées au contribuable ne manquent pas de base légale, dès lors que l'article 1728-1 et 3 du CGI, en ce qu'il ne prévoit pas la possibilité d'exercer un recours de pleine juridiction, serait contraire à l'article 6-1 de la CESDH.

2. L'application des pénalités est-elle contraire à l'article 6-1 de la CESDH ?

2.1. Les sanctions fiscales entrent dans le champ d'application de l'article 6 -1 de la CESDH

On rappellera que l'article 6-1 de la CESDH prévoit que "toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera [...] du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle".

Or, reprenant une solution déjà retenue par la Commission européenne des droits de l'homme, la CEDH a, dans un arrêt "Bendenoun", en date du 24 février 1994 (CEDH, 24 février 1994, Req. 00012547/86, Bendenoun c/ France N° Lexbase : A2994AUG), considéré que les pénalités fiscales prévues à l'article 1729 du CGI peuvent être assimilées à "une accusation en matière pénale" et que par conséquent, celles -ci entrent dans le champ d'application de l'article 6-1 de la Convention.

Le Conseil constitutionnel a également, dans une décision du 30 décembre 1982 (décision n° 82-155 DC du 30 décembre 1982 N° Lexbase : A8054ACB) assimilé les sanctions fiscales aux sanctions pénales. Pour le juge constitutionnel, les exigences découlant de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen et des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République "ne concernent pas seulement les peines prononcées par les juridictions répressives mais s'étendent à toute sanction ayant le caractère d'une punition, même si le législateur a laissé le soin de la prononcer à une autorité non juridictionnelle".

En outre, la Cour de cassation a, dans un arrêt du 29 avril 1997 (Cass. com., 29 avril 1997, n° 95-20.001, M Ferreira c/ Directeur général des impôts N° Lexbase : A2005ACA), qualifié l'amende fiscale de l'article 1840 N quater du CGI de "sanction", en faisant explicitement référence à l'arrêt de la CEDH "Bendenoun" précité. Par la suite, la Cour de cassation a eu l'occasion de préciser que la jurisprudence "Ferreira" a vocation à s'appliquer à toutes les sanctions fiscales ayant le caractère d'une punition du comportement du contribuable (v. Cass. com., 15 juin 1999, n° 98 -10.931, Directeur général des impôts c/ M Lise N° Lexbase : A9307ATU ; Cass. com., 22 février 2000, n° 97-17.822, Mme Ferrière c/ Directeur général des impôts N° Lexbase : A8716AHB ; Cass. com., 1er juillet 2003, n° 00-13.966, Directeur général des impôts c/ M. Rodolphe Gallotte N° Lexbase : A0433C9W).

De même, le Conseil d'Etat a, par son avis section "SARL Auto-Industrie Méric", en date du 31 mars 1995 (CE Contentieux, 31 mars 1995, n° 164008, Ministre du Budget N° Lexbase : A3250ANP), confirmé par la suite par l'avis "Houdmond" du 5 avril 1996 (CE Contentieux, 5 avril 1996, n° 176611, M. Houdmond N° Lexbase : A8780ANI), puis par l'avis "Fattell" du 8 juillet 1998 (CE avis, 8 juillet 1998, n° 195664, Fattell N° Lexbase : A9122AHC), reconnu un caractère quasi-pénal aux sanctions fiscales dans la mesure où "elles présentent le caractère d'une punition tendant à empêcher la réitération des agissements qu'elles visent et n'ont pas pour objet la seule réparation pécuniaire du préjudice [...], même si le législateur a laissé le soin de les établir et de les prononcer à l'autorité administrative".

Ainsi, le juge qui statue sur ces questions statue sur des accusations en matière pénale au sens de l'article 6-1 de la Convention ; il donc est soumis aux exigences de cet article.

2.2. Les pénalités prévues par l'article 1728-1 et 3 du CGI ne répondent-elles pas aux critères posés par les juridictions ?

2.2.1. Les critères de qualification

L'assimilation des pénalités fiscales aux "accusations en matière pénale" opérée par la CEDH dans l'arrêt "Bendenoun" précité est fondée sur quatre facteurs :

-en premier lieu, la majoration doit concerner "tous les citoyens en leur qualité de contribuables et non un groupe déterminé doté d'un statut particulier" ;

-en deuxième lieu, la majoration "ne doit pas tendre à la réparation pécuniaire d'un préjudice" mais vise pour l'essentiel "à punir pur empêcher la réitération d'agissements semblables" ;

-en troisième lieu, la majoration doit se fonder "sur une norme de caractère général dont le but est à la fois préventif et répressif" ;

-enfin, la majoration doit "revêtir une ampleur considérable".

Dans un arrêt en date du 21 février 1984 (CEDH, 21 février 1984, Req. 8544/79, Öztürk § 53 N° Lexbase : A5092AYA), la CEDH avait déjà précisé que l'infraction est établie par "le caractère général de la norme" et par "le but à la fois préventif et répressif de la sanction".

Dans la lignée de la jurisprudence "Oztürk" précitée, la Cour de cassation s'attache au caractère punitif de l'amende fiscale et distingue entre les pénalités fiscales qui poursuivent un but répressif et visent à empêcher la réitération des agissements concernés et celles qui ont pour objet la seule réparation pécuniaire du préjudice.

Le Conseil d'Etat a adopté la même solution lorsqu'il a recherché pour l'application de la loi du 11 juillet 1979 concernant la motivation des actes administratifs, celles des pénalités qui infligent une sanction. Ainsi, dans son arrêt d'Assemblée du 9 novembre 1988 (CE Contentieux, 9 novembre 1988, n° 68965, Grisoni N° Lexbase : A6626AP4), la Haute cour a écarté les intérêts de retard du régime des sanctions fiscales, dès lors qu'il n'ont pour seul objet de réparer un préjudice pécuniaire.

2.2.2. L'application des critères

Il apparaît que conformément aux critères de qualification dégagés par les différentes juridictions, communautaires ou nationales que les sanctions prévues par l'article 1728-1 et 3 du CGI, de par leur caractère dissuasif et répressif, doivent être assimilées à une sanction pénale et entre par conséquent dans le champ d'application de l'article 6-1 de la Convention.

A cet égard, le Conseil d'Etat a expressément reconnu l'application de l'article 6-1 de la Convention "à la contestation des majorations d'impositions infligées [...] en vertu des dispositions de l'article 1728 du CGI".

On notera que cette analyse a également été retenue par la Cour de cassation dans ses arrêts "Ferrière" du 20 novembre 2000 et "Gallotte" du 1er juillet 2003 précités. Dans ces décisions, la Cour de cassation a en effet jugé que les pénalités prévues à l'article 1728-3 du CGI constituaient "une sanction ayant le caractère d'une punition".

Or, la qualification de ces pénalités fiscales en sanctions pénales, ces dernières entrant dans le champ d'application de l'article 6-1 de la CESDH, entraîne l'application d'un régime spécifique, basé sur un principe de proportionnalité, ce qui suppose notamment la possibilité pour le requérant d'exercer un recours de pleine juridiction.

2.3. Ces pénalités peuvent-elles être écartées en raison de l'absence de recours de pleine juridiction ?

L'arrêt de la Cour de cassation "Ferreira" précité a consacré l'exigence formulée par l'arrêt Bendenoun au terme duquel une sanction fiscale "pénalisée" doit pouvoir faire l'objet d'un recours "devant un tribunal offrant les garanties" de l'article 6-1 de la Convention.

Pour le juge européen, seul mérite l'appellation de "tribunal" au sens de l'article 6-1 de la Convention précitée, "un organe judiciaire de pleine juridiction" selon la terminologie utilisée par la Cour, dans son arrêt Albert et Lecompte du 10 février 1983 (CEDH, 10 février 1983, Req. 7299/75, Albert et Le Compte c/ Belgique, § 29 N° Lexbase : A3824AU8). Cela suppose que soit exercé un contrôle complet de légalité et que le juge national soit compétent "pour des points de fait comme pour les questions de droit" (CEDH, 21 septembre 1993, Req. 12235/86, Zumtobel c/ Autriche N° Lexbase : A1832DCT), ce qui implique qu'il ait compétence pour "examiner l'ensemble des faits de cause" et qu'il détienne "le pouvoir de réformer en tous points, en fait comme en droit, la décision qui a été prise" (CEDH, 23 octobre 1995, Req. 33/1994/480/562, Gradinger c/ Autriche N° Lexbase : A8370AWW).

En l'espèce, il convient de constater que le contribuable ne dispose pas d'un recours de pleine juridiction qui permette à un tribunal de se prononcer sur le principe et le montant d'une sanction. Par conséquent, l'application de l'article 1728-1 et 3 du CGI doit être dans cette mesure écartée comme violant l'article 6-1 de la Convention.

On ajoutera qu'il apparaît que, à ce jour, le pouvoir de modération des sanctions fiscales demeure le privilège de l'administration dans le cadre de sa juridiction gracieuse. Si la décision administrative refusant une remise ou une modération gracieuse peut être déférée par la voie du recours pour excès de pouvoir au juge administratif, ce dernier ne pouvant en tout état de cause n'exercer qu'un contrôle restreint, ce recours ne peut en aucun cas se substituer à l'appréciation du juge sur la proportionnalité de la peine par rapport à la finalité répressive poursuivie.

Ainsi, pour les raisons de fait et de fond ci-avant exposées, il ne peut qu'être considérer que l'application des pénalités de l'article 1728 1 et 3 est dépourvue de base légale.

Toutefois, s'il devait être considéré qu'il n'y a pas lieu d'écarter l'application de l'article 1728-1 et 3 du CGI, peut-il y avoir modulation de cette pénalité en considération du comportement du requérant, afin de se conformer aux dispositions de l'article 6-1 de la Convention précitées.

2.4. la pénalité de l'article 1728 1 et 3 peuvent-elles faire l'objet d'une modulation ?

Selon la Cour de cassation (v. notamment l'arrêt "Ferrière" et "Gallotte" précités), si les textes sur lesquels l'application des sanctions fiscales violent l'article 6-1 de la CESDH et doivent par conséquent être écartés (tel l'article 1840 N quater du CGI, elle considère également que cet article impose au juge de se reconnaître un pouvoir de modulation des sanctions fiscales. Cette analyse est d'une grande équité et procède d'une stricte application de cette disposition.

Pour autant, sur ce sujet, le Conseil d'Etat demeure d'une grande fermeté et s'oppose à une telle idée (Avis "Fattell" du CE, précité). Mais, comme l'a noté J. Arrighi de Casanova dans ses conclusions sur l'avis "Houdmond", "le débat n'est pas nécessairement clos sur ce point". Il ajoute qu'"on ne peut [...] exclure que la Cour [EDH...] vienne un jour à déduire de l'article 6 que le juge de la sanction administrative doit pouvoir la moduler librement à l'intérieur d'un simple plafond".

Or, à cet égard, on mentionnera que la jurisprudence de la CEDH évolue vers une conception stricte de la notion de plénitude de juridiction. Ainsi, dans l'arrêt Schmautzer c/Autriche précité en date du 23 octobre 1996, elle a exigé du tribunal amené à statuer sur des accusations en matière pénale qu'il soit investi du "pouvoir de réformer en tous points, en fait comme en droit" la sanction appliquée.

En outre, le tribunal administratif de Strasbourg a, dans un jugement du 8 décembre 1994, Simon, ouvert la voie. Il a en effet jugé que, eu égard à l'article 6-1 de la Convention, "il revient au juge administratif d'apprécier si la sanction résultant de l'article 1729 [...] du CGI, dont les dispositions doivent dès lors être interprétées comme édictant le taux maximum de la peine encourue, n'est pas proportionné au regard de la gravité des agissements relevés".

On ajoutera également que des juridictions étrangères, saisies de litiges relatifs à des pénalités fiscales très analogues à celles que comporte le Code général des impôts, ont adopté des positions identiques en se fondant également sur la CESDH (v. notamment, la cour d'appel de Liège, qui a, dans un arrêt du 10 septembre 1986 - mentionné par D. Yernault dans ses observations sous l'arrêt "Bendenoun" parues à la RTDH, n° 23, p. 423 s. - recherché, dans un tel litige, l'existence éventuelle de circonstances atténuantes).

Dans l'attente d'une très spectaculaire et très valorisante application de l'article 6-1 de la CESDH, le débat sur ce sujet reste largement ouvert.

newsid:11665

Rel. collectives de travail

[Jurisprudence] Amélioration du droit syndical dans l'entreprise : engagement unilatéral de l'employeur et principe d'égalité

Réf. : Cass. soc., 5 mai 2004, n° 03-60.175, M. Stilianos Padelidakis c/ Banque nationale de Grèce, F-P+B (N° Lexbase : A0607DCH)

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N1630ABY

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Le 07 Octobre 2010

L'arrêt rendu le 5 mai 2004 par la Chambre sociale présente une importance considérable en ce qu'il apporte à la fois une confirmation et une précision au regard de la jurisprudence antérieure de la Cour de cassation : confirmation s'agissant du nécessaire respect du principe constitutionnel d'égalité en matière de représentation collective, et précision relativement à la possibilité d'améliorer les dispositions légales relatives au droit syndical dans l'entreprise, par l'effet d'un engagement unilatéral de l'employeur.
Décision

Cass. soc., 5 mai 2004, n° 03-60.175, M. Stilianos Padelidakis c/ Banque nationale de Grèce, F-P+B (N° Lexbase : A0607DCH)

Cassation de TI Paris, 11 mars 2003

Droit syndical ; délégué syndical ; amélioration des dispositions légales ; engagement unilatéral de l'employeur, principe constitutionnel d'égalité

Textes : C. trav., art. L. 412-2 (N° Lexbase : L6327ACC) ; Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, al. 6 (N° Lexbase : L6815BHU) ; Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, art. 1 (N° Lexbase : L1365A9G), 5 (N° Lexbase : L1369A9L) et 6 (N° Lexbase : L1370A9M).

Faits

Pour annuler la désignation d'un délégué syndical, le tribunal d'instance saisi avait indiqué que les défendeurs, qui alléguaient la présence de 50 salariés dans l'entreprise au sens de l'article L. 412-11 du Code du travail (N° Lexbase : L6331ACH), ne versaient aucune pièce à l'appui de leur affirmation. En outre, les juges du fond avaient énoncé que le défaut de contestation d'une autre désignation ne suffisait pas à écarter la demande de l'employeur fondée sur le texte précité.

Solution

1. "Le principe d'égalité, qui est de valeur constitutionnelle et que le juge doit appliquer, interdit à l'employeur de refuser la désignation d'un délégué syndical par un syndicat représentatif au motif que l'effectif est inférieur à cinquante salariés, dès lors qu'il a accepté la désignation dans les mêmes conditions d'un délégué syndical par un autre syndicat représentatif".

2. "En statuant comme il l'a fait, alors qu'il n'était pas contesté que l'employeur venait d'accepter la désignation de deux délégués syndicaux qui n'étaient pas délégués du personnel, malgré un effectif inférieur à cinquante salarié, le tribunal d'instance a violé le principe susvisé".

Commentaire

1. Portée d'un engagement unilatéral de l'employeur en matière de représentation des salariés

Le Code du travail admet, de manière expresse, qu'une convention ou un accord collectif de travail puisse comporter des dispositions plus favorables que la loi en matière de représentation des salariés (C. trav., art. L. 412-21 N° Lexbase : L6341ACT pour les délégués syndicaux, L. 426-1 N° Lexbase : L5329ACD pour les délégués du personnel, L. 434-12 N° Lexbase : L6444ACN pour le comité d'entreprise et L. 236-13 N° Lexbase : L6027AC9 pour le CHSCT) (1). La lecture des dispositions qui viennent d'être citées conduit à souligner que la loi ne vise que les clauses plus favorables contenues dans des conventions et accords collectifs de travail. Pour autant, et ainsi que le relèvent certains auteurs, "la même capacité d'amélioration des standards légaux doit, en principe, être reconnue aux autres sources du statut collectif, notamment aux usages" (J. Pélissier, A. Supiot, A. Jeammaud, Droit du travail, Précis Dalloz, 21ème éd., 2002, §. 585). La Chambre sociale ne semblait cependant pas partager cet avis -au demeurant justifié- considérant que si le nombre de délégués syndicaux, tel qu'il est fixé par la loi, peut être augmenté par accord collectif à la suite d'une négociation avec les syndicats représentatifs, ni un usage de l'entreprise, ni un engagement unilatéral de l'employeur ne peuvent modifier les dispositions légales correspondantes (Cass. soc., 20 mars 2001, n° 99-60.496, Union départementale des syndicats confédérés CGT des Hautes-Pyrénées c/ Société Actalim et autres N° Lexbase : A1250ATH, Dr. soc. 2001, p. 568, note J. Savatier).

On avait pu déduire de cette jurisprudence qu'une norme atypique ne pouvait modifier les dispositions légales relatives à la représentation des salariés, une telle possibilité étant réservée à la seule norme conventionnelle (V. toutefois le commentaire plus mesuré de Jean Savatier). Une telle analyse s'avère en définitive erronée, au regard de la solution retenue dans l'arrêt commenté, qui constitue sans doute moins un revirement de la part de la Cour de cassation qu'une précision de sa jurisprudence antérieure.

Si la décision ne comporte pas une affirmation expresse en ce sens, il y a néanmoins lieu de constater que la Chambre sociale admet que des délégués syndicaux puissent être désignés, alors que l'effectif de l'entreprise est inférieur à 50 salariés, dès lors que l'employeur l'accepte. C'est reconnaître par là-même que les dispositions légales puissent être améliorées en vertu d'un engagement unilatéral de l'employeur ou d'un usage.

Cela étant, et c'est là que la solution de l'arrêt du 5 mai 2004 rejoint celle de la décision du 20 mars 2001 précitée, une telle faculté ne peut être admise qu'à la stricte condition, rappelée par la Chambre sociale, qu'un délégué du personnel n'ait pas été au préalable désigné en qualité de délégué syndical sur le fondement de l'article L. 412-11, alinéa 4, du Code du travail (N° Lexbase : L6331ACH) (2). Cet élément de fait sert en quelque sorte de principe de solution. Là où un délégué du personnel a été désigné en qualité délégué syndical, conformément à la loi, il ne saurait être admis qu'un syndicat n'ayant pu faire élire un délégué du personnel puisse procéder à une telle désignation, sous réserve d'une stipulation conventionnelle contraire (3). En revanche, dès lors qu'aucun délégué du personnel n'a été désigné comme délégué syndical, il doit être admis qu'un salarié n'assumant pas un mandat de délégué du personnel puisse être désigné en vertu d'une norme atypique. Une solution certes complexe, mais qui préserve les prérogatives des syndicats telles qu'elles ont été définies par la loi et auxquelles l'employeur ne saurait unilatéralement porter atteinte.

2. Amélioration des dispositions légales relatives à la représentation des salariés et principe constitutionnel d'égalité

Aux termes de l'article L. 412-2 du Code du travail (N° Lexbase : L6327ACC), "le chef d'entreprise ou ses représentants ne doivent employer aucun moyen de pression en faveur ou à l'encontre d'une organisation syndicale quelconque". Ce texte fondamental, qui interdit au premier chef toute discrimination entre syndicats, constitue, ainsi qu'il a été à juste titre souligné, "un simple relais du principe d'égalité" (4), dont la Cour de cassation rappelle expressément dans la présente espèce qu'il a valeur constitutionnelle et qu'il doit être appliqué par le juge. En conséquence, un employeur se doit d'accorder les mêmes prérogatives aux syndicats présents dans l'entreprise et ne peut notamment, pour en revenir au cas d'espèce qui nous intéresse, refuser la désignation d'un délégué syndical par un syndicat représentatif, au motif que l'effectif est inférieur à 50 salariés, alors qu'il a accepté la désignation dans les mêmes conditions d'un délégué syndical par un autre syndicat représentatif.

Certains ne manqueront pas de relever l'évidence d'une telle solution. D'autant plus que, dans une précédente décision, la Cour de cassation avait condamné, sur le même fondement, la clause conventionnelle réservant le bénéfice d'une subvention de fonctionnement aux seuls syndicats signataires de l'accord (Cass. soc., 29 mai 2001, n° 98-23.078, Union nationale des syndicats CGT-Cegelec c/ Société Cegelec et autres, publié N° Lexbase : A4696AT4, Dr. soc. 2001, p. 821, note G. Borenfreund ; D. 2002, p. 34, note F. Petit). On ne peut manquer de souligner la similitude entre ces deux arrêts, singulièrement au regard du riche visa qui les accompagne, la Chambre sociale n'hésitant pas à viser, outre l'article L. 412-2 du Code du travail (N° Lexbase : L6327ACC), l'alinéa 6 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 (N° Lexbase : L6815BHU) et les articles 1 (N° Lexbase : L1365A9G), 5 (N° Lexbase : L1369A9L), 6 (N° Lexbase : L1370A9M) de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

Il ne faisait aucun doute que ce qui avait été décidé pour une clause conventionnelle devait valoir pour un engagement unilatéral de l'employeur. Il est désormais très clair que "les relations entre l'employeur et les syndicats représentatifs doivent se développer sous l'égide du principe d'égalité, quelle que soit la voie que celles-ci empruntent" (G. Borenfreund, op. cit., p. 826). Cela étant, on persiste à penser que la Cour de cassation fait fausse route, s'agissant à tout le moins des avantages conventionnels réservés aux syndicats signataires de l'acte collectif (V. notre chronique, La convention collective est-elle encore un contrat ? : Lexbase Hebdo, n° 40 du jeudi 26 septembre 2002 - édition sociale N° Lexbase : N4046AA4). Si le principe d'égalité exige que tous les syndicats représentatifs soient convoqués à la négociation, accorder le bénéfice des avantages conventionnels aux syndicats non-signataires revient à nier la nature contractuelle de la convention ou de l'accord collectif. Remarque qui prend un relief encore plus grand avec la généralisation du principe majoritaire par la loi du 4 mai 2004 sur la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social (Loi n° 2004-391, 4 mai 2004, relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social N° Lexbase : L1877DY8).

Gilles Auzero
Maître de conférences à l'Université Montesquieu Bordeaux IV


(1) Si, sur le fondement de ces textes, la législation relative aux représentants du personnel peut faire l'objet d'améliorations conventionnelles, ce n'est cependant que dans une certaine mesure, certaines dispositions légales conservant notamment un caractère d'ordre public, interdisant toute dérogation. V., sur cette question, notre chronique, Les aménagements à la législation relative aux représentants du personnel : quels pouvoirs pour quels acteurs ? : Lexbase Hebdo n° 64 du jeudi 27 mars 2003 - édition sociale (N° Lexbase : N6638AA4). De manière plus générale, v. notre thèse : Les accords d'entreprise relatifs à la représentation du personnel et au droit syndical : Bordeaux IV, 1997.

(2) "(...) il n'était pas contesté que l'employeur venait d'accepter la désignation de deux délégués syndicaux, qui n'étaient pas délégués du personnel, malgré un effectif inférieur à cinquante salariés (...)" (souligné par nous).

(3) On peut en outre avancer que, s'agissant d'un accord d'entreprise ou d'établissement, celui-ci devrait de ce point de vue avoir recueilli l'accord unanime des syndicats représentatifs.

(4) G. Borenfreund, Les syndicats bénéficiaires d'un accord collectif : Dr. soc. 2001, p. 821.

newsid:11630

Entreprises en difficulté

[Textes] Les modifications résultant du passage en Conseil d'Etat du projet de loi de sauvegarde des entreprises

Réf. : Projet de loi de sauvegarde des entreprises

Lecture: 13 min

N1629ABX

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Le 07 Octobre 2010

Par deux précédents commentaires, avait été présentés au lecteur, d'une part, l'avant-projet de loi, ainsi, d'autre part, que le projet de loi, tel qu'il résultait de sa rédaction du 26 janvier 2004, avant passage du texte en Conseil d'Etat (1). Le Conseil d'Etat est intervenu et c'est ainsi qu'a été adopté en Conseil des ministres, le 12 mai 2004, le texte du projet de loi de sauvegarde des entreprises en difficulté. Sur le fond, comme l'on pouvait s'y attendre, le texte n'a été que peu modifié. L'architecture générale subsiste. Les grandes nouveautés ont toutes été conservées, qu'il s'agisse du passage du règlement amiable à la conciliation, de la création de la procédure de sauvegarde, du passage du plan de cession en phase liquidative, de la procédure simplifiée de liquidation judiciaire, ou encore de la suppression des extensions sanctions ou des extensions de procédures aux membres ou associés indéfiniment et solidairement responsables du passif du groupement déclaré en redressement ou en liquidation judiciaire. A également été conservée la sanction dite d'"obligation aux dettes sociales", substitut au redressement et à la liquidation judiciaires à titre personnel. En la forme, en revanche, une nouvelle présentation du titre VI du Code de commerce est proposée. Il avait fallu quelques années pour s'habituer à citer les textes issus de la loi du 25 janvier 1985 (N° Lexbase : L7852AGW) avec la numérotation imposée par la codification opérée par l'ordonnance du 18 septembre 2000 (N° Lexbase : L2955AIB). Pour ceux qui avaient réussi à faire cet effort, tout est par terre. En effet, une nouvelle numérotation est imposée. Cependant, la critique n'est point de mise. En effet, cette nouvelle numérotation se justifie pleinement, dans la mesure où la technique de la législation par renvoi, largement utilisée dans le texte précédent du 26 janvier 2004, s'annonçait tout aussi désagréable que risquée pour l'interprète. Lorsque l'on sait que l'on n'est pas nécessairement d'accord sur le décompte à opérer dans les alinéas d'un article - pour preuve une circulaire ministérielle est intervenue sur la façon d'opérer ce décompte -, et que, pourtant, de ce décompte précis dépend l'interprétation d'un texte légal, on mesure mieux le louable effort ici entrepris afin d'éviter, autant que faire se peut, la législation par renvoi. Pour cela, le texte présenté n'hésite pas à répéter, en tant que de besoin, les textes légaux, spécialement lorsqu'ils ont vocation à s'appliquer à la procédure de sauvegarde et la procédure de redressement judiciaire.

Apportons quelques observations rapides sur les principales modifications intervenues entre le texte, tel qu'il était présenté le 26 janvier 2004 et le texte adopté par le Conseil des ministres, après passage en Conseil d'Etat.

I - L'état de cessation des paiements, la conciliation et le redressement ou la liquidation judiciaire

  • Instauration d'un délai de 45 jours pour déclarer l'état de cessation des paiements

L'une des grandes innovations, qui justifie d'ailleurs le titre du projet de loi, tient à l'instauration d'une procédure collective nouvelle, la procédure dite de sauvegarde. Cette procédure est ouverte à un débiteur qui n'est pas en état de cessation des paiements. Le paradoxe surgit lorsque l'on constate la possibilité d'ouverture d'une procédure de conciliation, qui remplace la procédure de règlement amiable, alors même que le débiteur est en état de cessation des paiements.

Avant le passage en Conseil d'Etat, le texte prévoyait la possibilité pour le débiteur de bénéficier de la procédure de conciliation alors même qu'il était en état de cessation des paiements, dès lors que cet état n'était pas caractérisé depuis plus d'un mois. D'une autre manière, cela revenait à obliger le débiteur à procéder à la déclaration de son état de cessation des paiements si celui-ci préexistait depuis un mois. Etait ainsi assuré un doublement du délai légal de déclaration de l'état de cessation de paiements, qui, en droit positif, est enfermé dans un délai de quinze jours.

Ce délai du mois est apparu trop court au Conseil d'Etat qui a décidé de le porter à 45 jours. Ainsi, une fois l'état de cessation des paiements intervenu, le débiteur a 45 jours pour décider de saisir le président du tribunal aux fins d'ouverture d'une procédure de conciliation ou d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire. En revanche, il est déjà trop tard pour saisir le tribunal en vue de l'ouverture d'une procédure de sauvegarde, laquelle est réservée au débiteur n'étant pas en état de cessation des paiements.

Reste passible de la mesure de faillite personnelle le fait d'"avoir omis de faire, dans le délai de quarante-cinq jours, la déclaration de cessation des paiements, sans avoir, par ailleurs, demandé l'ouverture d'une procédure de conciliation" (C. com., art. 653-5, 5°).

II - Dispositions communes aux diverses procédures

  • Restriction du domaine du privilège de la "new monnaie" en cas de procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire ouverte à la suite d'une procédure de conciliation

Le projet de loi avait instauré un privilège au profit des personnes qui consentaient, dans l'accord de conciliation, un crédit, une avance ou des délais de paiement au débiteur en vue d'assurer la poursuite de l'activité de l'entreprise et sa pérennité. Les termes employés par le projet de loi étaient extrêmement larges. Il n'était nul besoin d'apporter de l'argent frais, l'octroi de délais de paiement étant suffisant. Le Conseil d'Etat a estimé que seules les personnes apportant de l'argent frais pourraient bénéficier de ce que la pratique a déjà appelé le "privilège de la new monnaie". C'est en ce sens que l'article L. 611-11 dispose que "les personnes qui consentent, dans l'accord mentionné à l'article L. 611-7, un crédit ou une avance au débiteur en vue d'assurer la poursuite d'activité de l'entreprise et sa pérennité, sont payées, pour le montant de ce crédit ou de cette avance, par privilège à toutes créances nées avant l'ouverture de la conciliation, dans les conditions prévues aux articles L. 622-15 et L. 641-13".

  • Nombre de contrôleurs pouvant être désignés

La réduction initiale du projet de loi avait fait naître une difficulté sur la détermination du nombre de contrôleurs que le juge commissaire pouvait désigner. En droit commun, le juge commissaire peut désigner un à cinq contrôleurs. Cependant, le projet de loi avait prévu que lorsque le débiteur exerce une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire, ou dont le titre est protégé, l'ordre professionnel ou l'autorité compétente dont il relève est d'office contrôleur. Dans ce cas, le juge-commissaire conservait-il la possibilité de désigner encore cinq contrôleurs ? Des avis divergents avaient été émis sur la question. Pour notre part, nous avions considéré que ce contrôleur désigné d'office devait être comptabilisé parmi les cinq contrôleurs ("La situation générale des créanciers dans l'avant-projet de réforme des entreprises en difficulté", Gaz. Pal. 10 et 11 déc. 2003, doctr. p. 1 " et s., sp. p. 39, n° 36.). La rédaction issue du passage en Conseil d'Etat supprime la difficulté, le texte énonçant clairement que, en ce cas, le juge-commissaire ne peut nommer plus de quatre contrôleurs (C. com., L621-9, al. 3).

  • Continuation des contrats en l'absence d'administrateur judiciaire

Lorsqu'un administrateur judiciaire a été nommé, dans la procédure de sauvegarde, comme cela est aujourd'hui le cas dans la procédure de redressement judiciaire, il lui appartient d'opter pour la continuation des contrats en cours. En droit positif, dans la procédure de redressement judiciaire, en l'absence administrateur judiciaire, le débiteur peut décider d'opter pour cette continuation, mais il a besoin de l'autorisation du juge-commissaire.

Le projet de loi semble modifier, de manière sensible, les solutions applicables en matière de continuation des contrats en cours. Il appartiendra, dans la procédure de sauvegarde et de redressement judiciaire, au débiteur d'opter pour la continuation des contrats en cours, mais il devra avoir l'avis conforme du mandataire judiciaire. Ce sera là une condition de régularité de la continuation du contrat en cours. En revanche, il n'aura plus besoin de l'autorisation du juge-commissaire. Le juge-commissaire n'interviendra ici qu'en cas de désaccord. Pour cela, il sera saisi, par voie de requête, à la demande de tout intéressé.

  • Acquiescement à la demande en revendication ou en restitution

En droit positif, en l'absence d'administrateur judiciaire, il appartient au représentant des créanciers de se positionner sur la demande en acquiescement de revendication ou de restitution qui est présentée par le propriétaire d'un meuble. Le mandataire doit recueillir l'avis conforme du débiteur.

Le projet de loi modifié inverse la solution en intervertissant les compétences. C'est le débiteur qui se positionnera sur la demande en acquiescement. Cependant, il aura besoins de l'avis conforme du mandataire judiciaire. La solution est d'importance pour les propriétaires de meubles car, en pratique, la demande en acquiescement de revendication ou de restitution ne devra plus être adressée seulement au mandataire de justice ; elle devra l'être assurément au débiteur, mais peut être aussi au mandataire judiciaire. Cela est source de complication pour le propriétaire de meuble, alors que la loi du 10 juin 1994 avait entendu - a-t-on dit du moins - lui faciliter la tâche. Le décret d'application devra en tout cas apporter les précisions indispensables en la matière. Le juge-commissaire sera saisi, par voie de requête, à la demande de tout intéressé en cas de désaccord. Il restera ici encore au décret d'application d'apporter les précisions indispensables.

III - La Sauvegarde

  • Suspension et arrêt des poursuites individuelles pendant la période d'observation de la procédure de sauvegarde contre des garants autonomes

En droit positif, le jugement qui ouvre le redressement judiciaire suspend les actions contre les cautions personnelles, personnes physiques. Le projet de loi, dans sa version initiale, avait étendu cette suspension aux coobligés personnes physiques. Le projet de loi issu du texte après passage en Conseil d'Etat va plus loin et suspend également les poursuites contre les personnes physiques ayant constitué une garantie autonome (C. com., art. 622-26). Cette solution, qui peut se comprendre en opportunité, apparaît curieuse, sur le plan juridique. En effet, la solution qui consiste à interdire les poursuites contre les cautions pendant la période d'observation s'appuie sur la règle de l'accessoire qui interdit de traiter plus durement les cautions que le débiteur principal. Pareille justification ne peut évidemment être avancée en ce qui concerne les garanties autonomes. La règle de l'accessoire est, par nature, ici écartée. En procédant de la sorte, le législateur introduit de l'accessoire dans l'autonome ...

  • Extension à la procédure de sauvegarde du super privilège des salaires

Dans la version initiale du projet de loi, le super privilège des salaires n'était pas instauré dans la procédure de sauvegarde. Il était réservé aux procédures de redressement et de liquidation judiciaires. Le Conseil d'Etat a modifié la solution et, changeant ainsi les articles du Code du travail instaurant le super privilège des salaires (C. trav., art. L 143-10 et L 143-11), il prévoit son application à la procédure de sauvegarde (C. com., art. L 625-9).

  • Opposabilité des dispositions arrêtant le plan de sauvegarde

En droit positif les cautions solidaires et coobligés ne peuvent se prévaloir des dispositions du plan, lesquelles sont en revanche opposables à tous. Ce faisant, le droit positif écarte une règle qui est de la nature du cautionnement : la règle de l'accessoire. 

Le projet de loi (C. com., art. L. 626-8) dispose pour sa part que "le jugement qui arrête le plan en rend les dispositions opposables à tous y compris aux personnes physiques coobligées ou ayant consenti une caution personnelle ou une garantie autonome, qui peuvent s'en prévaloir. En revanche, ne peuvent s'en prévaloir les cautions personnelles, les coobligés et les personnes ayant consenti une garantie autonome, lorsqu'il s'agit de personnes morales". Le texte entend assurer une symétrie. L'opposabilité des dispositions du plan de sauvegarde à certaines personnes - personnes physiques coobligées ou ayant consenti une caution personnelle ou une garantie autonome - rend symétriquement possible l'opposabilité par ces mêmes personnes des dispositions. Concrètement, les délais et remises du plan de sauvegarde profiteront aux personnes physiques, cautions personnelles, coobligés, mais aussi, et la chose est très surprenante, aux garants autonomes. Il y a là un mélange des genres fâcheux, puisqu'il s'agit ici tout simplement d'affirmer une chose et son contraire. Ou bien la garantie est autonome. Ou bien elle est accessoire. Dans le premier cas, le sort de l'engagement de base ne saurait l'affecter. Que le législateur fasse preuve de pragmatisme, d'accord, mais qu'il continue à faire du droit ! S'il trouve choquant qu'une personne souscrive un engagement de garantie autonome, qu'il légifère en la matière au lieu de jouer au contorsionniste juridique, en dénaturant complètement les mécanismes qu'il entend réglementer.

Quoi qu'il en soit, les personnes morales échapperont aux mesures de faveur. Elles ne pourront donc, pas plus qu'en doit positif avec le plan de continuation, bénéficier des dispositions du plan de sauvegarde. Délais et remises accordées au débiteur ne leur profiteront donc pas.

  • Comités de créanciers dans la procédure de sauvegarde applicables à certaines entreprises

Le projet de loi avait institué la création de deux comités de créanciers - les établissements de crédit d'un côté, les principaux fournisseurs de biens et de services d'un autre côté -, devant voter les propositions tendant à l'adoption du plan de sauvegarde à la majorité. Les règles de majorité étaient déterminées au regard du montant des créances indiqué par le débiteur et certifié par son commissaire aux comptes. Le texte issu du passage en Conseil d'Etat modifie les règles de calcul de la majorité. Il est désormais prévu que "la décision est prise par chaque comité à la majorité des créanciers représentant au moins les deux tiers du montant des créances tel qu'il a été indiqué par le débiteur et certifié par son commissaire aux comptes" (C. com., art. L 626-7, al. 3). Est ainsi instaurée une double majorité, en créanciers d'une part, en montant de créances d'autre part, là où le texte d'origine ne prévoyait qu'une simple majorité en montant de créances.

L'article L. 626-31 du Code de commerce, issue de la rédaction que lui a donnée le Conseil d'Etat, éclaircit, en l'absence de vote favorable des comités de créanciers, la situation en prévoyant que "lorsque l'un ou l'autre des comités ne s'est pas prononcé sur un projet de plan dans les délais fixés, qu'il a refusé les propositions qui lui sont faites par le débiteur ou que le tribunal n'a pas arrêté le plan en application de l'article L. 626-28, la procédure est reprise pour préparer un plan dans les conditions prévues aux articles L. 626-4 à L. 626-4-2 afin qu'il soit arrêté", c'est-à-dire un plan de sauvegarde applicable aux petites entreprises, dont l'élaboration ressemblera alors fortement à celle d'un plan de continuation.

IV - Redressement judiciaire

  • Sort des tiers tenus à la dette et plan de continuation

Alors que, on l'a vu, le sort des personnes physiques, cautions personnelles, coobligées et garants autonomes dépend des dispositions du plan de sauvegarde, pareille mesure de faveur n'est pas accordée à ces mêmes personnes lorsque le débiteur obtient un plan de continuation. La règle de l'accessoire est ici écartée, par l'article L. 631-16, qui énonce que "par dérogation aux dispositions de l'article L. 626-8, les cautions personnelles, coobligés et les personnes ayant consenti une garantie autonome ne peuvent se prévaloir des dispositions du plan". Notons au passage, pour l'anecdote, que le législateur évoque une dérogation à une règle - celle applicable à la procédure de sauvegarde - qui n'est pourtant pas de principe, mais bien d'exception. La solution ici posée est logique pour le coobligé et le garant autonome, qui n'ont nulle vocation à bénéficier de la règle de l'accessoire. Elle l'est beaucoup moins pour les cautions. Les solutions du droit positif sont ici, en tout cas, purement et simplement maintenues.

V - Liquidation judiciaire

  • Détournement du courrier et courrier électronique

Reprenant une solution classique de la liquidation judiciaire, le projet de loi, dans sa version initiale, se contentait de prévoir que le juge-commissaire peut ordonner la remise au liquidateur ou, lorsqu'il en a été désigné, à l'administrateur, du courrier adressé au débiteur. Le Conseil d'Etat, tenant compte des systèmes modernes de communication, a ajouté que "le juge-commissaire peut autoriser l'accès du liquidateur au courrier électronique reçu par le débiteur dans des conditions déterminées par décret en Conseil d'Etat" (C. com., art. L. 641-15, al. 3).

  • Dispense de garantie bancaire en cas de demande de paiement provisionnel

Les créanciers titulaires de sûretés ou de privilèges peuvent solliciter du juge-commissaire un paiement provisionnel. Par principe, le juge-commissaire peut solliciter du créancier qu'il présente une garantie bancaire (C. com., art. L. 622-23, al. 2 ). Le projet de loi, dans sa rédaction d'origine, dispensait de cette fourniture de garantie le Trésor public et les organismes sociaux. Opportunément, le projet de loi, dans sa version actuelle, dispense également de la fourniture de la garantie bancaire les institutions gérant le régime d'assurance chômage prévu par les articles L. 351-3 et suivants du Code du travail (C. com., art. L. 643-3, al. 3).

VI - Sanctions pécuniaires

  • Obligation aux dettes sociales

L'obligation aux dettes sociales, qui dans le projet de loi a remplacé les procédures de redressement et de liquidation judiciaires à titre personnel contre les dirigeants ayant commis l'un des faits visés l'article L. 624-4 du Code de commerce, était, dans le projet de loi initial, applicable non seulement dans la procédure de liquidation judiciaire, mais encore dans les procédures de sauvegarde et de redressement judiciaire.

L'article L. 652-1 du Code de commerce, tel qu'il résulte du projet de loi après passage en Conseil d'Etat limite la possibilité de prononcer cette sanction à la seule hypothèse d'ouverture, contre la personne morale débitrice, d'une liquidation judiciaire. Logiquement, le délai triennal de prescription de cette action aura pour seul point de départ le jugement de liquidation judiciaire prononcée contre la personne morale débitrice. La menace de cette sanction constituait, sans nul doute, un obstacle à la demande d'ouverture d'une procédure de sauvegarde. En opportunité, la solution doit donc être approuvée. Sur un plan technique, ensuite, la mesure est satisfaisante car, dès lors que le débiteur avait obtenu un plan de sauvegarde ou un plan de continuation, il n'y avait juridiquement plus de passif à mettre à la charge du dirigeant de cette personne morale débitrice. 

Innovant par rapport à la solution classique et non modifiée en matière de comblement de passif, le projet décide également, en matière d'obligation aux dettes sociales qu'"en cas de pluralité de dirigeants responsables, le tribunal tient compte de la faute de chacun pour déterminer la part des dettes sociales mises à sa charge". Cette solution n'existe pas en matière d'action en comblement de passif, ce qui permet en droit positif de ne pas corréler le montant de la condamnation de chacun des dirigeants à la part respectivement prise dans la création du passif, la solution étant justifiée par l'observation que la faute de gestion n'a pas à être unie par un lien de causalité à l'insuffisance d'actif, seule étant exigée une "contribution" de la faute à la création du passif. Par décision motivée, le tribunal pourra cependant, en matière d'obligation aux dettes sociales, déclarer les dirigeants responsables in solidum (C. com., art. L. 652-2).

Il est enfin curieux de voir ressurgir une solution qui existait dans loi du 13 juillet 1967 et que la législation du 25 janvier 1985 avait supprimé : celle consistant, pour la répartition du produit de cette action - à l'époque il s'agissait de l'action en comblement de passif - en obligation aux dettes sociales, à tenir compte des droits de préférence existant entre les créanciers (C. com., art. L. 652-3). Il est d'ailleurs symptomatique de remarquer que la solution de répartition au marc le franc du produit de l'action en comblement de passif est maintenu (C. com., art. L. 651-2, al. 3).

Souhaitons bon courage au législateur, pour qui les "devoirs de non vacances" vont bientôt commencer !

P.-M. Le Corre
Professeur agrégé à l'Université de Toulon et du Var


(1) P.-M. Le Corre, "Réforme des procédures collectives : questions à ... Pierre-Michel Le Corre, professeur et avocat", Lexbase Hebdo n° 93 du 6 novembre 2003 - édition Affaires (N° Lexbase : N9272AAN), et "Premiers aperçus avant lecture du projet de loi de sauvegarde des entreprises", Lexbase Hebdo n° 106 du 5 février 2004 - édition Affaires (N° Lexbase : N0417AB3).

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Fiscalité des entreprises

[Panorama] Mode d'emploi de l'article 44 sexies du CGI à la lumière de l'actualité 2004

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N1666ABC

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par S. D.

Le 07 Octobre 2010

Si vous souhaitez créer une entreprise dans une zone d'aménagement du territoire, vous bénéficierez d'une exonération totale, puis partielle, d'impôt sur les bénéfices, en application de l'article 44 sexies du CGI . A l'origine, cet avantage était susceptible de s'appliquer à toutes les entreprises nouvelles, à condition, bien évidemment, que ces dernières remplissent les exigences édictées par le CGI. Mais, au fil des ans, le bénéfice de cette mesure s'est réduit comme une peau de chagrin : devenu temporaire, son champ d'application se limite, dorénavant, à certaines zones du territoire français. Néanmoins, ce dispositif a été maintenu, et même prorogé jusqu'au 31 décembre 2009 par la dernière loi de finances (loi de finances pour 2004, n° 2003-1311, du 30 décembre 2003, N° Lexbase : L6348DM3) (1). Mais, l'administration fiscale se méfie des entreprises, qui se créent dans l'unique but de bénéficier de cette exonération fiscale. En conséquence, il convient d'examiner les jurisprudences récentes portant sur l'application de l'article 44 sexies du CGI, afin d'anticiper, au mieux, les contrôles fiscaux éventuels (2).


1. Les caractéristiques du nouvel article 44 sexies du CGI

Afin de poursuivre sa politique en faveur de la création d'entreprises dans certaines zones du territoire, le Gouvernement a reconduit le dispositif d'exonération au profit des entreprises nouvelles, prévu à l'article 44 sexies du CGI. Ce dernier prévoit un régime d'exonération totale ou partielle pendant cinq ans (1.2.) en faveur des entreprises nouvelles respectant certaines conditions (1.1.)

1.1. Une exonération conditionnée

Le bénéfice du régime de faveur est subordonné au respect de plusieurs conditions cumulatives.

Si vous êtes partant, vous devez d'abord vous assurer que le lieu où vous désirez implanter votre entreprise figure sur la liste des zones éligibles au régime de faveur.

En effet, aux termes de l'article 44 sexies du CGI, le siège social, ainsi que l'ensemble de l'activité et des moyens d'exploitation de votre entreprise, doivent être implantés dans l'une des zones suivantes :

a) zones éligibles à la prime d'aménagement du territoire : la liste de ces zones a été fixée par le décret n°95-149 du 6 février 1995 (décret n° 95-149, du 6 février 1995, relatif à la prime d'aménagement du territoire N° Lexbase : L8413AIG) ;

b) territoires ruraux de développement prioritaire : ces territoires recouvrent les zones défavorisées caractérisées par leur faible niveau économique. La liste de ces zones a été fixée par le décret n° 94-1139 du 26 décembre 1994 (décret n° 94 -1139, du 26 décembre 1994, définissant les territoires ruraux de développement prioritaires, N° Lexbase : L8431AI4) ;

c) zones de redynamisation urbaine : il s'agit de zones urbaines sensibles confrontées à des difficultés particulières, dont la liste a été fixée par les décrets n° 96-1157 du 26 décembre 1996 pour la France métropolitaine et n° 96-1158 du 26 décembre 1996 pour les départements d'outre-mer ;

d) zones de revitalisation rurale mentionnées à l'article 1465 A du CGI .

Ensuite, vous devez respecter les autres conditions du régime de faveur, à savoir :

- votre entreprise, quelle que soit sa forme juridique (entreprise individuelle, société de personnes ou de capitaux, à l'exclusion d'un GIE), doit être soumise à un régime réel d'imposition (normal ou simplifié) ;

Si le chiffre d'affaires de votre entreprise n'excède pas les limites du forfait, vous devez opter pour le régime simplifié dans les trois mois du début de l'activité ;

- de plus, vous devez exercer exclusivement une activité industrielle, commerciale ou artisanale, au sens de l'article 34 du CGI , sous réserve des activités visées à l'article 35 du CGI , des activités bancaires, financières, d'assurance, de gestion ou de location d'immeubles et des entreprises de pêche maritime créées à partir du 1er janvier 1997 ;

- en outre, votre activité doit être réellement nouvelle ;

- et si votre entreprise est une société, son capital ne doit pas être détenu directement ou indirectement pour plus de 50 % par d'autres sociétés. Cette condition doit être satisfaite dès la création de l'entreprise.

Enfin (et surtout), votre entreprise doit être créée entre le 1er octobre 1998 et le 31 décembre 2009. La détermination de la "date de création" suscite, en pratique, quelques interrogations.

En effet, au sens de l'article 44 sexies du CGI, la date de création s'entend du début de son activité. En général, l'administration se réfère à la date inscrite sur la déclaration d'existence souscrite par l'entreprise dans les quinze jours du commencement des opérations, mais elle se réserve, toutefois, le droit d'établir la date réelle de création, si elle dispose d'éléments révélant que le début effectif d'activité est intervenu à une autre date (D. adm. 4 A-52 n° 3). La date du début effectif s'apprécie, alors, à partir d'un faisceau d'indices (CE Contentieux, du 28 juillet 2000, n° 198188, ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie c/ SARL Soarmi, N° Lexbase : A9673AHQ).

Récemment, le Conseil d'Etat a rappelé que la date de création de l'entreprise est la date de commencement de l'activité, et non celle de la déclaration d'existence souscrite antérieurement (CE 3° et 8° s-s, 7 janvier 2004, n° 242981, M. Carayon c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, N° Lexbase : A6766DAT). En l'espèce, il s'agissait de l'ancien régime de faveur prévu par l'article 44 quater du CGI , applicable aux entreprises nouvelles créées jusqu'au 31 décembre 1986, mais dont la jurisprudence est transposable mutatis mutandis à l'article 44 sexies du CGI. L'immatriculation de la SARL au registre du commerce était intervenue le 29 décembre 1986, alors que la société n'avait effectué et comptabilisé ses premières opérations d'achat et de vente et embauché son personnel qu'à compter d'avril 1987. En raison de ces circonstances, la cour a jugé que la société devait être regardée comme n'ayant effectivement commencé à exercer son activité que postérieurement au 31 décembre 1986, date de commencement de son activité.

1.2. La portée de l'exonération

Si votre structure en devenir remplit toutes ces conditions et, qu'en conséquence, entre dans le champ d'application de l'article 44 sexies du CGI, vous bénéficierez :

1) d'une exonération totale des bénéfices réalisés à compter de la date de création de l'entreprise jusqu'au terme du vingt-troisième mois suivant celui au cours duquel cette création est intervenue ;

Cette durée est portée à quarante-huit mois si votre entreprise est créée dans une zone de revitalisation rurale ;

2) et d'un abattement de 75 %, 50 % et 25 % sur les bénéfices réalisés au cours de chacune des trois périodes de douze mois suivant cette période d'exonération.

Les bénéfices réalisés s'entendent des bénéfices et des plus-values, à l'exception de celles de réévaluation d'éléments d'actif.

L'exonération s'applique après imputation des déficits reportables et des amortissements réputés différés.

Si la clôture de votre exercice comptable ne correspond pas au terme des périodes d'exonération totale ou partielle, vous devez répartir les bénéfices au prorata temporis.

Enfin, depuis le 1er janvier 2000, le montant maximal du bénéfice exonéré est plafonné à un seuil fixé à 225 000 euros par période de 36 mois.

Ainsi, votre entreprise bénéficiera de l'exonération totale et partielle dans la limite de ce montant pour les 36 premiers mois d'activité et pour les quatrième et cinquième années d'application du dispositif d'un nouveau plafond du même montant.

2. Actualité jurisprudentielle relative à l'article 44 sexies du CGI

Il est judicieux de savoir à l'avance ce qu'examine l'administration fiscale en cas de contrôle. Cependant, il serait fastidieux, dans le cadre de cette étude, d'examiner en détail toutes ces questions de fait et de droit. Nous pouvons, néanmoins, en citer quelques unes, sur lesquelles vous devez être attentif :

Ainsi, l'administration fiscale vérifie notamment que :

- la condition d'implantation exclusive en zone d'aménagement du territoire a bien été respectée. A cet égard, le nouveau dispositif précise que cette condition est réputée satisfaite, pour les entreprises qui exercent une activité non sédentaire, lorsque celles-ci réalisent au plus 15 % de son chiffre d'affaires en dehors de ces zones. Au-delà de ce pourcentage, les bénéfices réalisés en dehors de ces zones sont imposés dans les conditions de droit commun. Le seuil de 15 % du chiffre d'affaires s'apprécie exercice par exercice ;

- si l'entreprise a bien respecté toutes les conditions exigées, à tout moment au cours de la période d'exonération ;

- l'entreprise, bien qu'exonérée, a bien déclaré ses bénéfices dans le délai imparti. En effet, outre la déclaration d'existence, vos déclarations de résultats doivent être accompagnées d'un état sur papier libre conforme au modèle de l'administration, qui précise la situation de l'entreprise et, le cas échéant, de ses associés, au regard des conditions d'exonération.

Enfin, à la lumière de la jurisprudence 2004, on peut remarquer que les tribunaux se sont principalement prononcés sur des questions concernant la nature de l'activité exercée (2.1.), ainsi que sur la notion "d'activité nouvelle" (2.2.).

2.1. L'activité exercée

Aux termes de l'article 44 sexies du CGI, vous devez exercer une activité industrielle, commerciale ou artisanale, sous réserve des activités visées à l'article 35 du CGI , des activités bancaires, financières, d'assurance, de gestion ou de locations d'immeubles et des entreprises de pêche maritime créées à partir du 1er janvier 1997.

La jurisprudence relative aux activités éligibles au dispositif de l'article 44 sexies du CGI est tellement abondante, que nous vous conseillons de vous reporter à la base de droit fiscal .

Retenons ici que les dernières jurisprudences 2004 :

  • CAA Nancy, du 12 janvier 2004, n° 00NC00439, M. Moine c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'industrie (N° Lexbase : A5172DB8)

L'activité d'intermédiaire pour l'achat, la souscription ou la vente d'immeubles, de fonds de commerce, d'actions ou parts de sociétés immobilières est une activité commerciale éligible au régime d'exonération de l'article 44 sexies du CGI.

  • CAA Paris, du 21 janvier 2004, n° 99PA01102, SARL SCRE c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie (N° Lexbase : A5606DBA)

L'activité qui consiste, sur la demande d'éventuels repreneurs, à rechercher des entreprises spécialisées dans un secteur déterminé par eux, établir un diagnostic et une évaluation de ces entreprises, définir les solutions techniques, juridiques et financières, permettant leur rachat, et sélectionner leur futur équipe de direction, n'est pas une activité commerciale.

En l'espèce, tous ces faits ne relèvent pas d'actes d'entremises caractéristiques d'une activité d'agent d'affaires ou de courtier, qui elle, présente un caractère commercial éligible au titre de l'exonération des entreprises nouvelles.

  • CAA Bordeaux, du 16 février 2004, n° 00BX02768, M. Bertrand c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie (N° Lexbase : A5060DBZ)

Dans cet arrêt, la CAA de Bordeaux rappelle que l'activité de placement de produits financiers et de contrats d'assurance, comme le conseil en gestion de patrimoine ne sont pas de nature commerciale et ne peuvent donc pas bénéficier du régime d'exonération.

Remarque : l'activité commerciale, industrielle ou artisanale doit être exercée à titre exclusif par l'entreprise nouvelle. Elle ne doit donc exercer aucune des activités exclues du régime d'exonération, même si ces activités sont exercées à titre accessoire, comme l'a jugé la CAA de Nantes, dans un arrêt du 3 décembre 2003 : une entreprise individuelle qui offre à ses clients des contrats de location meublée saisonnière, sans être propriétaire des logements ni locataire, et qui fournit de manière distincte des prestations d'entretien, ne bénéficie pas du régime d'exonération (CAA Nantes, 1ère ch., 3 décembre 2003, n° 00NT00720, M. Gérard Gaborit c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A1891DBN).

Par conséquent, vous devez veiller à ne pas exercer une activité mixte, au risque de perdre le bénéfice de l'exonération. Toutefois, l'administration admet quand même que cette condition d'exercice à titre exclusif d'une activité éligible est respectée lorsqu'une activité, a priori exclue du dispositif, constitue le complément indissociable d'une activité principale exonérée (QE n° 16303 de Gilbert Chabroux, JOSEQ du 13 mai 1999 p. 1564, Budget, réponse publ. du 29 juillet 1999 p. 2568, 11e législature N° Lexbase : L5093BCM).

2.2. L'activité réellement nouvelle

L'activité exercée doit être réellement nouvelle. Cela signifie que les entreprises issues d'actions de concentration, de restructuration ou d'extension d'activités préexistantes ou constituées pour la reprise de telles activités, ne peuvent pas bénéficier des allègements.

La loi de finances pour 2000 a précisé la notion d'extension d'activité et disposé qu'elle impliquait un contrat ayant pour objet d'organiser un partenariat avec l'ancienne société (art. 44 sexies III du CGI).

Là aussi, la jurisprudence est plus que pléthorique. La jurisprudence de ce début d'année 2004 précise que :

  • CE 9/10 SSR, du 12 janvier 2004, n° 250675, Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie c/ S.A. Automobiles de la Vallée (N° Lexbase : A7644DAD) et CE 9/10 SSR, du 12 janvier 2004, n° 245641, Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie c/ SARL Sobrivia (N° Lexbase : A7619DAG)

Bien qu'il ait conclu un contrat de concession exclusive avec un constructeur automobile de renom, le contribuable qui crée, développe une nouvelle clientèle et exerce de manière indépendante, peut bénéficier du régime de faveur.

Une activité complémentaire de celle d'une autre société, soumise aux exigences de celle-ci en matière de gestion financière et commerciale, aux termes d'un contrat de concession, ne constitue pas une extension d'activités préexistantes.

Ne constitue pas une entreprise nouvelle, une société réalisant des plans, mais dont les directives du client lui interdisait tout rôle de conception et qui disposait de moyens matériels et financiers limités.

  • CAA Marseille, du 30 mars 2004, n° 99MA01947, M. Serge Lelièvre c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie (N° Lexbase : A9895DB4)

La simple transformation, sans création d'une personne morale distincte et sans changement de régime fiscal, d'une entreprise individuelle en société de fait, en l'absence d'apport ou de modification des éléments d'actif, est exclue du régime d'exonération.

Un prothésiste dentaire partageant avec son père les locaux, le matériel, et la clientèle ne peut bénéficier des allégements fiscaux prévus, dès lors que cette communauté de moyen et clientèle caractérise l'extension d'une activité préexistante.

Si malgré ces quelques conseils, vous hésitez encore à créer votre entreprise dans une zone défavorisée du territoire afin de répondre à l'appel du Gouvernement, sachez qu'il existe, outre l'exonération temporaire d'impôt sur les bénéfices, d'autres avantages fiscaux en matière de taxe professionnelle, de taxe foncière sur les propriétés bâties et même en matière de droit d'enregistrement.

De plus vous avez la possibilité d'obtenir de l'administration fiscale un accord préalable sur l'éligibilité de votre situation au régime de faveur. Cet accord, rendu possible en application de l'article L. 80 B du LPF (N° Lexbase : L1387DP3), doit être formulé, par écrit, préalablement à l'opération en cause.

Si l'administration ne vous répond pas dans un délai de trois mois, à compter de la réception de la demande ou de la réception de la totalité des éléments nécessaires dans l'hypothèse où celle-ci a été amenée à vous demander des précisions complémentaires, son accord vous est tacitement acquis.

D'autre part, vous pouvez aussi consulter, dans chaque direction territoriale des services fiscaux, un correspondant départemental qui vous renseignera et se prononcera sur l'éligibilité au dispositif de votre entreprise, mais ce, à condition que vous ayez, auparavant, sollicité un accord de l'administration. Cet avis engage l'administration fiscale et vous permet de vous prévaloir pour l'avenir d'une prise de position formelle du service fiscal (QE n° 32506 de Jean-Jacques Delvaux, JOANQ du 27 novembre 1995, p. 4984, min. Economie et Finances, réponse publ. du 22 avril 1996, p. 2195, 10e législature N° Lexbase : L2102DYI).

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Entreprises en difficulté

[Jurisprudence] Les conséquences de l'inopposabilité du droit de propriété résultant de l'absence de revendication du propriétaire

Réf. : Cass. com., 24 mars 2004, n° 02-18.048, Société Marne et Champagne c/ M. Louis Hirou, FS-P+B sur le 1er moyen (N° Lexbase : A6332DB7)

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par Emmanuelle Le Corre-Broly, Maître de conférences à l'Université Lumière-Lyon II, Avocat au Barreau de Grasse

Le 07 Octobre 2010


Par un arrêt en date du 24 mars de 2004, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a eu l'occasion de préciser les conséquences du défaut de revendication par le propriétaire à l'occasion de la procédure collective atteignant son cocontractant. En l'espèce, un bailleur à ferme était lié avec trois sociétés civiles d'exploitation agricole (SCEA). Les baux portant sur du matériel furent résiliés avant que ne soient ouvertes des procédures de redressement judiciaire à l'égard de ces trois sociétés. Le bailleur, auquel il appartenait de procéder à une action revendication sur le fondement de l'article 115 de la loi du 25 janvier 1985 (N° Lexbase : L6494AHY), avait omis de présenter de telles demandes. Les trois sociétés firent l'objet d'un plan de redressement par continuation alors que le bailleur tentait d'obtenir, d'une part, la restitution des biens objets des contrats de bail et, d'autre part, le paiement d'indemnités d'immobilisation. La cour d'appel de Bordeaux rejeta la demande en restitution des matériels appartenant au bailleur motif pris de l'absence d'exercice dans les délais de l'action en revendication prévue à l'article 115 de la loi du 25 janvier 1985.

Cet arrêt fut censuré par la Cour de cassation sur la constatation que le "jugement arrêtant le plan de continuation avait mis fin à la procédure collective", le débiteur ayant été "remis à la tête de ces affaires". Par voie de conséquence, le bailleur pouvait obtenir la restitution des biens dont il était propriétaire du fait de la résiliation irrévocable du contrat de bail, le débiteur ne faisant plus l'objet d'une procédure collective.

Cette position adoptée par la Chambre commerciale de la Cour de cassation, dans la droite ligne d'un précédent arrêt rendu par cette dernière le 4 janvier 2000 (Cass. com., 4 janvier 2000, n° 96-19.511, Société Imprimerie Bernard Vial N° Lexbase : A7857BSS, Act. proc. coll. 2000/4, n° 40 ; D. 2000, jur. p. 533, note E. Le Corre-Broly ; RJ. com. 2000, p. 266, n° 1561, note C. Dumesnil-Rossi et L. Santana ; RTD com. 2002, p. 159, n° 9, obs. A. Martin-Serf) doit être approuvée. En effet, l'action en revendication tend à faire reconnaître le droit de propriété. La sanction du défaut ou du rejet de l'action en revendication est constituée par l'inopposabilité de ce droit (voir, P.-M. Le Corre, Droit et pratique des procédures collectives, Dalloz 2003/2004, n° 83-83; ou, par exemple, Cass. com., 3 décembre 2003, n° 01-01.747, F-D N° Lexbase : A3556DAX).

L'inopposabilité est par essence relative et ne joue qu'à l'égard de certaines personnes. En l'occurrence, cette inopposabilité ne joue qu'à l'égard de la "procédure collective" qui doit être considérée comme désignant les créanciers du débiteur ainsi que leur représentant (en ce sens E. Le Corre-Broly, note sous Cass. com., 4 janvier 2000, précité, Act. proc. coll. 2000/4, n° 40). L'inopposabilité du droit de propriété en tant que sanction de l'absence de revendication est incontestablement moins sévère pour le propriétaire que la perte pure et simple de son droit de propriété. L'arrêt rapporté en témoigne. Alors que la perte du droit de propriété jouerait à l'égard de tous - débiteur y compris -, l'inopposabilité du droit de propriété ne s'exercera qu'à l'égard des créanciers du débiteur ainsi que de leur représentant. En revanche, le défaut de revendication sera indifférent dans les rapports entre le débiteur, qui a en l'espèce fait l'objet d'un plan de continuation, et le propriétaire bailleur.

Cette solution, rappelée par la Chambre commerciale dans son arrêt du 24 mars 2004, doit être approuvée sans réserve. La sanction du défaut de revendication, constituée par l'inopposabilité du droit de propriété, ne concerne que la seule procédure collective, or, celle-ci prend fin du fait de l'arrêté d'un plan de continuation. Le droit de propriété demeure et s'avère parfaitement opposable au débiteur lequel, en l'espèce, est, du fait de l'adoption d'un plan de continuation, redevenu in bonis. Le débiteur ne peut faire valoir à l'encontre du propriétaire la défaillance de ce dernier à revendiquer son bien dans le cadre de la procédure collective ayant abouti au plan de continuation. Ainsi, dans les rapports entre le débiteur le propriétaire, l'absence de respect des dispositions de l'article 115 de la loi du 25 janvier 1985 (devenu C. com. art. L. 621-115), est sans incidence.

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