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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication
Le 01 Août 2015
Les questions ainsi posées par l'honorable avocat et ancien membre du conseil de l'Ordre invitent à la contribution de chacun pour y répondre ; et, modestement, nous essaierons de nous y employer ici.
A brûle-pourpoint, la question de l'accessibilité de la doctrine, notamment, pour les étudiants en droit, revêt deux facettes : celle du média (papier/numérique) qui ne constitue pas, à notre sens, un véritable clivage ; mais celle aussi du coût de cet accès à la doctrine. Quand l'auteur évoque les facilités, désormais, à trouver un texte de loi consolidé, comme une jurisprudence récente, il fait référence à la big data et au mouvement de libéralisation des données juridiques et judiciaires amorcé avec la publication de Légifrance, dans les années 90, et accéléré récemment avec la promotion du "droit ouvert". Il est certain que la valeur ajoutée que constitue l'analyse par des auteurs spécialistes de la norme juridique relève du secteur pleinement marchand, et qu'il convient de rémunérer ces derniers "justement", pour leur investissement dans l'évolution de la doctrine juridique ; a fortiori l'accès à cette dernière est donc plus restreinte, puisque, en clair, nécessairement payante.
"Nécessairement" ?
On pourrait imaginer a contrario que les auteurs ne soient plus rémunérés pour leur contribution doctrinale : soit qu'ils écrivent au titre du pro bono (pour les avocats, par exemple) ; soit que l'on considère que l'analyse et l'écriture fassent partie de leurs obligations de recherche pour lesquels ils reçoivent déjà une rémunération (pour les universitaires, par exemple, à l'image des revues scientifiques)... Ce serait, disons-le, une erreur de sémantique grossière : car les auteurs ne sont en rien rémunérés pour leur analyse à proprement dit, et encore moins lorsque celle-ci est réactive, originale, innovante, voire avant-gardiste. Les éditeurs rémunèrent, en fait, l'exploitation des droits afférents à leurs articles, tout au plus. Aussi, nous revoilà au point de départ : celui où la (bonne) doctrine est nécessairement payante. Alors, si son "coût d'acquisition" ne peut décemment pas être amoindri -cela serait une gageure lorsque l'on veut au contraire l'encourager-, reste que le coût de rediffusion lui peut être maîtrisé. Et, l'on s'étonnera encore que la question de l'accessibilité pour les étudiants en droit à la doctrine juridique fasse l'impasse sur la seule question qui vaille : celle du coût des abonnements auprès des éditeurs eux-mêmes. Mais, nous avons déjà écrit sur le sujet, il y a quelque temps ; de même que nous avions plaidé pour la défense de la diversité de la doctrine au sein des Universités face à un danger quasi-monopolistique cautionné par une certaine doctrine.
Mais, si la question "qui s'intéresse encore à la doctrine juridique ?" est intéressante, au regard de l'accessibilité de cette dernière, elle l'est encore plus au regard du paradigme qu'elle sous-tend. L'éditorialiste s'émeut qu'il n'y ait plus personne, où du moins que les générations futures ne soient plus véritablement intéressées par la doctrine juridique ; mais seulement par la source juridique en elle-même, textes et jurisprudences. On pourrait, tout aussi bien, renverser ce paradigme et poser la question, elle aussi peu consensuelle : la doctrine est-elle encore intéressante ?
Pour répondre à cette lancinante question de l'éditeur, mais aussi de l'auteur qui cherche à diffuser sa pensée, son analyse et donc a minima à être lu, il convient de replacer l'essence de la doctrine dans un contexte civiliste, de moins en moins évident.
Pour faire simple, sans être simpliste, si les pays de droit civil sont attachés à la loi comme moyen de normalisation des rapports sociaux et donc à la nécessaire intelligibilité des textes pour qu'ils soient correctement appliqués, par le biais de la nécessaire trophallaxie doctrinale, on sait que les pays de common law sont attachés, eux, à la jurisprudence, dans son acceptation la plus dénuée d'interprétation, puisqu'il revient à chaque praticien de faire dire aux décisions de justice ce qui sert au mieux leurs intérêts ; c'est la "judgemade law". Dire que la doctrine n'analyse pas la jurisprudence dans les pays de civil law est évidemment grotesque ; dire que la common law se moque de l'analyse jurisprudentielle, tout autant. Mais, s'agit-il de la même analyse ? Du même tropisme analytique ?
Dans son acceptation la plus large, la doctrine concerne tous les écrits consacrés aux questions juridiques autres que les jugements ; elle équivaudrait à la littérature juridique. Une définition plus restreinte tendrait à considérer que la doctrine ne concerne que le droit savant, qui émane généralement des professeurs et chercheurs des facultés de droit, par opposition aux ouvrages pratiques, qui émanent souvent des praticiens. On la retrouve sous différents formats : traités, monographies, articles dans des revues spécialisées, commentaires d'arrêts et essais. Il faut bien l'avouer, c'est cette doctrine là qui souffre, progressivement, du manque de lectorat, aujourd'hui. Et la question de l'appétence de la doctrine universitaire se pose avec acuité encore plus pour les professionnels juridiques que pour les étudiants en droit. René David et Camille Jauffret-Spinosi insistent sur le rôle de la doctrine qui forge le vocabulaire et les notions du droit, dont fera usage le législateur ; et sur le fait qu'elle établisse les méthodes selon lesquelles le droit sera découvert, les lois interprétées. La doctrine en France serait donc soit de combat, faisant office de lobbying auprès du législateur, soit une recherche de la pureté du droit, en tentant de dégager de grands principes, de les enseigner, d'extrapoler des principes applicables aux situations nouvelles et de faire ressortir les justifications et les lacunes de la jurisprudence et du droit existant (Nicholas Kasirer in Of combats livrés and combats livresques (2004) 19 R.C.D.S. 153).
Le problème est justement que, dans un monde professionnel sous le joug de l'efficacité, de l'opérabilité réactive, peu de juristes prennent le temps ou ont tout simplement le temps de la méthode ; encore moins d'en discourir. On peut louer que la doctrine civiliste soit un "agent de diffusion et d'enseignement du droit positif " pour reprendre l'expression de Philippe Malaurie et de Patrick Morvan (Introduction générale, Paris, Defrénois, 2003). Ce qui autorise certains à penser que, si elle n'est pas citée par la suite par les avocats dans leur opinion ou par les juges dans leur décision, cela ne signifie pas que son influence n'est pas persistante, ni qu'on ne la consulte plus. Est-ce toujours vrai ? Cette vertu pédagogique de la doctrine est-elle suffisante, tout simplement pour qu'elle survive et continue à être diffusée. Car, si la doctrine juridique espère perdurer grâce aux ouvrages vendus aux étudiants et aux bibliothèques universitaires contraintes à des économies budgétaires sans précédent, c'est un pari des plus risqués. Cette capacité de critiquer l'état du droit actuel, notamment l'interprétation qui a été faite par les tribunaux des dispositions de la loi est-elle sa meilleure carte de visite pour continuer à intéresser les professionnels ?
Vincent Canu fait référence à un excellent article de Pierre J. Dalphond, juge à la Cour d'appel du Québec, écrit à partir d'une allocution prononcée le 31 mars 2008 à l'occasion de la Conférence annuelle de la Revue de droit de McGill. Ce dernier identifie clairement les défis de la doctrine, aujourd'hui : la prolifération des outils électroniques de recherche ; la disparition possible des traités et monographies sous format Livre ; le désir du praticien de trouver, toujours plus vite, la solution au cas en litige ; l'accélération des changements sociaux et la nécessité de modifications constantes aux normes légales qui en résulte ; le rôle de plus en plus restreint du Code civil dans les rapports sociaux ; la disparition d'une culture juridique ; le nouveau rôle du droit et, par voie de conséquence, du juge (la décision judiciaire risquant de devenir l'élaboration du compromis du jour).
Ces défis sont réels ; l'analyse est pertinente. La doctrine traditionnelle a-t-elle pour autant les ressorts pour les relever, un à un ? Nous en sommes convaincus, à partir du moment où l'on ne l'enferme pas dans un corner, où l'on évite la seule alternative doctrine universitaire vs littérature juridique -qui implicitement renvoie à l'idée de vulgarisation du droit-. Pour ce faire, la doctrine juridique doit accepter le pluriel ; elle doit être diverse, sans que l'une souffre de la condescendance de l'autre.
Pour revenir au contexte général de la pratique du droit : malgré la défense du droit continental, de la théorie civiliste de la normalisation globale des rapports sociaux, le droit anglo-saxon gagne du terrain ; la common law envahit nos pratiques juridiques. Non pas tant qu'elle soit intrinsèquement plus adaptée au monde moderne ; et encore moins qu'elle ait de plus solides fondements. Mais, elle induit une méthode d'analyse, une pratique, elle, adaptée au monde des affaires ; adaptée à la mondialisation ; adaptée à l'expansion des cabinets d'avocats anglo-saxons à travers ce monde.
Alors, on peut essayer de lutter contre cette expansion et s'arc-bouter sur les spécificités du droit romano-germanique. Ou bien, l'on peut adapter la doctrine pour qu'elle permette à la civil law de revêtir les qualités de la méthode d'analyse anglo-saxone !
C'est la nécessaire émergence d'une "nouvelle" doctrine, qui doit prétendre s'affirmer comme telle : la doctrine pratique.
Pourquoi la doctrine pratique est-elle une solution pour relever les défis de son accessibilité et surtout de son intérêt ? D'abord, elle oblige à changer de paradigme. La question de droit n'émane plus nécessairement de la loi ou de la jurisprudence, mais de la pratique qui cherche une sécurisation juridique à travers la norme juridique. La doctrine pratique va donc rendre intelligibles et pertinents les termes de la loi ou le caractère sibyllin de la jurisprudence au regard de la somme des interrogations réelles des professionnels dans l'exercice de leur activité. Ensuite, elle va dépasser la simple information juridique en ce qu'elle nécessite l'analyse, la mise en perspective et la critique objective de la norme ; mais elle échappe à la doctrine traditionnelle et universitaire, non par ses auteurs, mais par les enjeux sociétaux et rétrospectifs qu'elle obère pour répondre à de simples questions : la loi ou la jurisprudence me permettent-elles d'agir ainsi ? Quel est le bon modus operandi ? Quel est le bon comportement juridique à adopter ? Autant de questions qui requièrent des réponses pragmatiques, parfois à la lisière du droit, des réponses d'applicabilité directe. Au final, la doctrine pratique laisse peu de place au questionnement sans réponse, en qualité de meilleur ennemi du vide juridique.
Cette doctrine pratique n'est en rien le tombeau de la doctrine traditionnelle ou universitaire ; elle est son complément. La première est clairement nourrie de la seconde ; mais la doctrine traditionnelle se renouvelle aussi grâce aux questionnements de la doctrine dite pratique. Les supports de l'analyse demeurent le droit romano-germanique, la loi, la jurisprudence : et, en soi, c'est une satisfaction de défendre encore notre tradition juridique. Seulement, il faut accepter d'employer les mêmes "armes" que la common law pour "attirer" nos juristes.
Dernièrement, Sandrine Zientara-Logeay, directrice de la Mission de recherche Droit et Justice, dans un autre éditorial de Droit et Justice, intitulé Le professionnel du droit aujourd'hui : un technicien du droit ? Un juriste global ? Ou un nouvel humaniste ?, parle de la fin du modèle du juriste positiviste, à la fois technicien du droit et théoricien des concepts qui assurent la cohérence de l'édifice normatif ; et en filigrane, elle craint que ce juriste ne soit plus en capacité de douter, d'aborder le droit du point de vue externe. La doctrine pratique, promue par des éditeurs modernes, peut être de nature à favoriser encore cette combinaison de l'applicabilité directe et de la cohérence juridique ; à marier grands principes et efficacité dans un dossier ; à compléter par une critique objective la portée d'un cas d'espèce jurisprudentiel de prime abord pertinent.
Voilà bien une feuille de route éditoriale à laquelle Lexbase entend souscrire, avec d'autres, pour que la doctrine pratique -exclusive de la littérature de blog- ait, dans les prochains mois, ses lettres de noblesse.
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par Didier Krajeski, Professeur à l'Université de Toulouse
Le 23 Juillet 2015
"Est-ce à dire que l'existence de questions doit nécessairement apparaître de façon explicite, avec inversion du verbe et du sujet et point d'interrogation ?" Avec cette interrogation formulée dans le commentaire d'un arrêt rendu le 12 juin 2014 (1) par la deuxième chambre civile, notre collègue Anne Pélissier résumait la précision que certains auteurs appelaient de leurs voeux après la décision adoptée par la chambre mixte le 7 février 2014 (2). Dans la mesure où il ne peut plus y avoir de nullité pour fausse déclaration intentionnelle sans production des questions, il est demandé que les assureurs aient au moins la possibilité de démontrer l'existence de ces questions par un autre moyen que la production d'un questionnaire écrit. Il semble que la deuxième chambre civile de la Cour de cassation s'oriente vers cette voie. Il reste à savoir si la Chambre criminelle est prête à suivre le même chemin.
De l'arrêt cité en exergue il faut rapprocher un arrêt rendu le même jour selon lequel, en décidant que la déclaration faite lors de la souscription du contrat constitue une fausse déclaration intentionnelle justifiant le prononcé de la nullité de celui-ci "sans relever que l'inexactitude de cette déclaration procédait d'une réponse à une question précise posée par l'assureur lors de la conclusion du contrat de nature à lui faire apprécier les risques pris en charge, la cour d'appel a privé sa décision de base légale" (3).
Dans la première affaire, une personne assure son véhicule automobile. A cette occasion, elle remplit une demande d'adhésion très détaillée : "la 'demande d'adhésion automobile' versée aux débats mentionne notamment à la rubrique 'conducteur principal et expérience assurance' : 'Le conducteur principal du véhicule est Mme X Angèle née le 17 juillet 1971 dont l'activité professionnelle est 'salarié', date du permis 12/1990, il n'a jamais été assuré comme conducteur secondaire à Pacifica, il a été assuré dix-huit mois au cours des dix-huit mois écoulés, le coefficient de réduction majoration était de 0,50 depuis le 1/2008 pour le véhicule immatriculé, il a un CRM de 0,50 depuis le 1/2004, au cours des trois dernières années il a eu zéro sinistre, au cours des trois dernières années il n'a pas fait l'objet d'une suspension de permis de plus de deux mois, d'une condamnation pour état d'ivresse, il n'a pas eu de sinistre en état d'ivresse, et n'a pas été résilié par son assureur précédent Pacifica".
Les éléments de l'arrêt d'appel sont reproduits afin de souligner à quel point les informations reproduites sont précises et ne procèdent pas d'une formule stéréotypée. A l'occasion d'un sinistre, il apparaît à l'assureur qu'en cours de contrat le compagnon de l'assurée est devenu conducteur habituel du véhicule. Il a des antécédents judiciaires de conduite en état d'ivresse. Pour l'assureur il s'agit là d'une aggravation du risque non déclarée qui justifie la nullité du contrat. Les juges du fond prononcent celle-ci et le pourvoi contre cette décision est rejeté. L'arrêt de la Cour de cassation est d'ailleurs l'occasion de rappeler que les juges du fond apprécient souverainement l'existence d'une aggravation (4), comme d'ailleurs l'existence de la mauvaise foi de l'assuré. Le fait que le litige porte sur une aggravation ne change pas fondamentalement les données du débat. L'obligation de déclaration de l'assuré a, en la matière, pour fondement un changement qui modifie les réponses apportées aux questions posées lors de la souscription. On en revient ainsi au système question/réponse.
Dans la deuxième espèce évoquée, une personne assure une caravane. Le contrat mentionne un usage à titre d'agrément et pour une habitation semi-permanente. A l'occasion d'un sinistre, il apparaît que le compagnon de l'assurée utilisait la caravane à l'occasion de déplacements professionnels. La nullité du contrat est demandée par l'assureur. La décision des juges du fond qui prononce cette nullité est cassée par la Cour de cassation.
Ces deux arrêts conduisent à apprécier différemment l'attendu de principe, dans sa proposition finale, adopté depuis l'arrêt des chambres mixtes : "l'assureur ne peut se prévaloir de la réticence ou de la fausse déclaration intentionnelle de l'assuré que si celles-ci procèdent des réponses qu'il a apportées auxdites questions". Alors que l'on pouvait y voir le rejet de tout autre support que le questionnaire, que le Code des assurances ne propose que comme possibilité (5), certains souhaitent la consécration d'une solution plus subtile. Il faudrait distinguer, parmi les conditions du contrat portant des informations sur l'assuré entre les formules stéréotypées et les indications personnelles. Les premières n'induiraient aucune question alors que les secondes si.
Les décisions évoquées semblent consacrer cette position. La première de façon plus franche que la deuxième notamment dans l'affirmation reproduite en présentation du commentaire. Cette solution a le mérite d'apporter un peu d'assouplissement à une position qui a pu paraître excessive. Il est important de souligner qu'elle comporte deux défauts. Elle fait rebondir une controverse que l'on pouvait croire éteinte, entretenant un intérêt à produire en justice les documents contractuels comportant des informations relatives à l'assuré. Par ailleurs, et surtout, elle ouvre le champ d'un contentieux d'un nouveau genre où les juges du fond devront rechercher si les informations reproduites dans les documents contractuels permettent de déduire l'existence de questions.
Le deuxième arrêt évoqué rappelle à cet égard qu'il ne suffit pas de démontrer que l'information tronquée est une réponse à une question. Il faut encore démontrer que cette question a les qualités requises. Il découle de l'interprétation de l'article L. 112-3, alinéa 4, du Code des assurances (N° Lexbase : L9858HET), qu'elle doit être suffisamment claire, précise, qu'elle aurait dû conduire l'assuré à déclarer l'information dissimulée (6). Cela fait beaucoup d'éléments à déduire de réponses même personnalisées. En l'occurrence, dans cette espèce, la question est écrite et résulte de la simple présence du mot "usage" qui ouvre une rubrique que l'assuré doit renseigner en choisissant parmi deux possibilités. La Cour de cassation reproche aux juges du fond de ne pas avoir recherché si l'inexactitude de la déclaration procédait ou non d'une réponse à une question précise. Au fond, ils auraient dû s'interroger sur le degré d'élaboration des mécanismes d'information sur le risque pris en charge.
Ces considérations conduisent à se demander si autoriser la démonstration de questions implicites ne revient pas à se perdre dans un contentieux factuel sans fin. Puisque l'article L. 113-2 du Code assurances (N° Lexbase : L0061AAI) insiste sur le recours au questionnaire, sans l'imposer, il indique peut être une voie plus simple. Les moyens techniques offrent différentes possibilités de recourir à l'écrit afin de soumettre l'assuré à un questionnement facile à prouver et conforme aux exigences jurisprudentielles. Sa mauvaise foi en sera d'autant plus facile à établir.
Si la solution ne peut évidemment être envisagée pour les déclarations antérieures pour lesquelles la position jurisprudentielle commentée est bienvenue, elle paraît la plus sûre pour le présent.
Pour éviter de s'interroger sans fin sur l'existence des questions...
II - Vie du contrat
Le présent arrêt, auquel nous rapprocherons deux autres décisions, met en oeuvre le dispositif organisé par les articles L. 132-5-1 (N° Lexbase : L4969I3G) et L. 132-5-2 (N° Lexbase : L4302I7H) du Code des assurances qui lient deux prérogatives du consommateur d'assurances sur la vie et de capitalisation : un droit de renonciation (L. 132-5-1) et un droit d'être informé sur le contenu du contrat (L. 132-5-2). En cas de non-respect du droit à l'information, le droit de renonciation est prorogé jusqu'à l'accomplissement des diligences dans la limite de huit années. Autant dire, ce que démontre le présent arrêt, que la rédaction défectueuse de la notice d'information a des conséquences lourdes.
L'article A. 132-8, 5°, du Code des assurances (N° Lexbase : L1795IRW) impose que l'encadré figurant dans la proposition d'assurance, qui vaut note d'information, mentionne notamment les frais en montant ou pourcentage. La Cour de cassation estime, avec les juges du fond, que la formulation de ces frais en "points", pour le contrat objet du litige, ne satisfait pas aux exigences du texte. De fait, elle ne permet pas de se faire une idée exacte du coût réel de ceux-ci car la mention des "points" est assez théorique. L'assuré peut donc renoncer en 2010 à un contrat souscrit en 2006. On sait que les souscripteurs bien renseignés sur les dispositions du droit de la consommation n'hésitent pas à user de cette prorogation.
Une récente intervention législative en a limité l'usage en exigeant qu'elle soit exercée par un souscripteur de bonne foi (loi n° 2014-1662 du 30 décembre 2014 N° Lexbase : L3994I73) (7). Un arrêt de la cour d'appel de Paris du 5 mai 2015 vient apporter des précisions sur l'application dans le temps de cette disposition en décidant que "ces dispositions nouvelles, qui sont entrées en vigueur le 1er janvier 2015, ne sauraient être appliquées à l'exercice d'une faculté de renonciation adressée le 29 septembre 2011 à l'assureur conformément aux dispositions de l'article L. 132-5-1 du Code des assurances alors applicables en l'espèce" (CA Paris, Pôle 2, 5ème ch., 5 mai 2015, n° 11/15947 N° Lexbase : A9036NH7). La solution s'imposait. La nouvelle disposition ne peut s'appliquer à une renonciation exercée antérieurement à son entrée en vigueur et qui vient en limiter l'exercice ! Il est d'ailleurs admis qu'elle ne s'applique qu'aux contrats conclus postérieurement à celle-ci (8).
Un troisième arrêt permet d'éprouver la solidité du dispositif consistant à lier droit de renonciation et droit à l'information. Dans une décision de la deuxième chambre civile du 21 mai 2015, la Cour de cassation estime que l'ensemble est conforme au droit de l'Union européenne (9). La solution n'est pas nouvelle (10). La conformité à la Constitution ne paraît pas faire de doute : la Cour de cassation a eu l'occasion de rejeter une QPC critiquant ce dispositif (11).
La prorogation du droit de renonciation est un moyen pour pousser l'assureur à exécuter correctement son devoir d'information, l'exigence de bonne foi permet d'éviter que les souscripteurs n'en abusent. L'ensemble apparaît équilibré.
(1) RGDA, 2014, 443.
(2) Cass. mixte, 7 février 2014, n° 12-85.107, P+B+R+I ([LXB=A9169MDXJ]). J. Kullmann et L. Mayaux, Déclaration pré-rédigée des risques : deux voix pour un arrêt, RGDA, 2014, 196.
(3) Cass. civ. 2, 11 juin 2015, n° 14-14.336, FS-P+B (N° Lexbase : A8980NKS).
(4) V. aussi, Cass. civ. 2, 11 juin 2015, n° 14-20.161, F-D (N° Lexbase : A8962NK7).
(5) "[...] notamment dans le formulaire de déclaration du risque, [...]" : C. assur., art. L. 113-2, 2°.
(6) Pour un rappel de ces qualités v. obs. sous : Cass. civ. 2, 18 mars 2014, n° 12-87.195, F-P+B+I (N° Lexbase : A0745MH3), et nos obs., Chronique de droit des assurances - Mai 2014, Lexbase Hebdo n° 571 du 22 mai 2014 - édition privée (N° Lexbase : N2230BU7).
(7) J. Bessermann, Prise en compte de la bonne foi dans l'exercice du droit de renonciation, Lexbase Hebdo n° 598 du 22 janvier 2015 - édition privée (N° Lexbase : N5586BUG). Ph. Pierre, La modification du régime de la renonciation du preneur d'assurance sur la vie, RCA, 2015, étude 4.
(8) J. Bessermann, précité ; Ph. Pierre, précité.
(9) Cass. civ. 2, 21 mai 2015, n° 14-18.350, F-D (N° Lexbase : A5441NID) (rendu relativement à un état du droit antérieur).
(10) Cass. civ. 2, 7 mars 2006, n° 05-10.366, FS-P+B (N° Lexbase : A5091DNU), Bull. civ. II, n° 63 ; JCP éd. G, 2006, II, 10056, obs. F. Descorps Declère ; Cass. civ. 2, 9 juillet 2009, n° 08-18.730, FS-P+B (N° Lexbase : A7480EIU), Bull. civ. II, n° 189.
(11) Cass. QPC, 13 janvier 2011, n° 10-16.184, F-D (N° Lexbase : A1512GQ3), RCA, 2011, comm. 123.
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Réf. : CJUE, 16 juillet 2015, aff. C-184/14 (N° Lexbase : A8773NMU)
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Le 08 Août 2015
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par Anne-Laure Blouet Patin, Directrice de la Rédaction
Le 23 Juillet 2015
La loi n° 2010-1609 du 22 décembre 2010, relative à l'exécution des décisions de justice, aux conditions d'exercice de certaines professions réglementées et aux experts judiciaires (N° Lexbase : L9762INU), a instauré la convention de procédure participative, qui constituait l'une des propositions de la Commission "Guinchard". Ce nouveau dispositif, codifié aux articles 2062 (N° Lexbase : L9826INA) et suivants du Code civil, s'analyse en un véritable mode alternatif de résolution des litiges, formalisé par une convention signée entre les parties, obligatoirement assistées de leurs avocats.
Champs d'application. Selon les dispositions de l'article 2062 du Code civil, "la convention de procédure participative est une convention par laquelle les parties à un différend qui n'a pas encore donné lieu à la saisine d'un juge ou d'un arbitre s'engagent à oeuvrer conjointement et de bonne foi à la résolution amiable de leur différend. Cette convention est conclue pour une durée déterminée". Si l'article 2062 du Code civil est rédigé en des termes généraux, la loi a néanmoins exclu certaines matières du champ de la procédure participative. Il résulte ainsi de l'article 2064 du Code civil (N° Lexbase : L9824IN8) que la convention de procédure participative doit porter sur les droits dont la personne a la libre disposition.
Par exception, l'article 2067 du Code civil (N° Lexbase : L9821IN3) prévoit qu'une convention de procédure participative peut être conclue par des époux en vue de rechercher une solution consensuelle en matière de divorce ou de séparation de corps. Par ailleurs, la convention de procédure participative est réservée aux litiges civils et commerciaux, à l'exclusion de ceux qui surviennent à l'occasion des relations individuelles du travail.
L'article 2064, alinéa 2, du Code civil dispose ainsi qu'aucune convention "ne peut être conclue à l'effet de résoudre les différends qui s'élèvent à l'occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du Code du travail entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu'ils emploient".
L'exclusion des litiges individuels du travail du champ de la procédure participative peut s'expliquer au moins à deux titres. D'une part, les parties au procès prud'homal peuvent être assistées par d'autres personnes que les avocats (salariés ou employeurs appartenant à la même branche d'activité, délégués des organisations d'employeurs et de salariés, conjoint, partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou concubin). Or, la procédure participative requiert nécessairement l'assistance d'un avocat.
D'autre part, la procédure prud'homale implique une audience de conciliation et la procédure participative semblait donc, d'une certaine manière, faire double emploi avec ce préalable obligatoire de conciliation.
A la différence d'une transaction, la convention de procédure participative n'a pas pour objet de régler immédiatement un différend mais constitue plutôt une sorte d'accord de méthode, aux termes duquel les parties organisent les modalités de résolution amiable de leur différend.
Une des principales originalités du dispositif consiste dans le rôle confié par la loi aux avocats, lesquels disposent en la matière d'un monopole d'assistance des parties.
En ce sens, l'article 4 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques (N° Lexbase : L6343AGZ), dispose que : "nul ne peut, s'il n'est avocat, assister une partie dans une procédure participative prévue par le Code civil".
Durée. La convention de procédure participative est nécessairement à durée déterminée (C. civ., art. 2062) et doit être, à peine de nullité, contenue dans un écrit précisant :
- son terme ;
- l'objet du différend ;
- les pièces et informations nécessaires à la résolution du différend ;
- les modalités de l'échange de ces pièces et informations.
La convention doit, outre les éléments précités, comprendre les noms, prénoms et adresses des parties et de leurs avocats.
S'il y a recours à un technicien (C. pr. civ., art. 1547 N° Lexbase : L8362IR7 à 1554), il doit être choisi d'un commun accord et rémunéré par les parties.
Avant de l'accepter, le technicien doit révéler toutes circonstances susceptibles d'affecter son indépendance pour que les parties en tirent toutes conséquences utiles. Il commence les opérations, dès qu'il y a accord sur les conditions du contrat et les exécute avec conscience, diligence, impartialité dans le respect du contradictoire. Tout tiers accepté par l'ensemble des parties et le technicien peut intervenir aux opérations ; le technicien informe le tiers qu'elles lui sont opposables. Le technicien ne peut être révoqué que par le consentement unanime des parties.
Si l'inertie d'une partie empêche le technicien de mener à bien sa mission, il doit convoquer l'ensemble des parties en indiquant les diligences nécessaires. Si la partie ne défère pas, il continue sa mission à partir des éléments dont il dispose.
La procédure participative conventionnelle s'éteint par l'arrivée du terme de la convention, par la résiliation anticipée et par écrit de la convention, par la conclusion d'un accord mettant fin en totalité au différend, par l'établissement d'un acte constatant la persistance de tout ou partie d'un différend.
Effets. La signature d'une convention de procédure participative emporte des effets légaux, destinés tant à garantir l'application de la convention qu'à préserver les droits des parties.
Sur le premier point, l'article 2065 du Code civil (N° Lexbase : L9823IN7) dispose que "tant qu'elle est en cours, la convention de procédure participative rend irrecevable tout recours au juge pour qu'il statue sur le litige".
Cette disposition a pour objet de donner toute sa portée à la convention, en contraignant les parties, assistées de leurs avocats, à en assurer l'application.
Ce n'est qu'en cas d'inexécution de la convention par l'une des parties que l'autre pourra saisir le juge pour qu'il statue sur le litige (C. civ., art. 2065, al. 2).
Afin de limiter les incertitudes entourant la notion "d'inexécution de la convention", les parties doivent délimiter précisément l'objet et les obligations de la convention de procédure participative.
Sur le second point, la loi a modifié l'article 2238 du Code civil (N° Lexbase : L9827INB) relatif à la prescription, dont l'alinéa 1er a été complété par la phrase suivante : "la prescription est également suspendue à compter de la conclusion d'une convention de procédure participative".
Ainsi, en signant une convention de procédure participative, les parties ne courront pas le risque de se voir objecter la prescription, surtout si les négociations prennent du temps.
Précisons que le délai de prescription recommence à courir à compter du terme de la convention, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois (C. civ., art. 2238, al. 2).
Les droits des parties sont également préservés en ce que la signature de la convention ne fait pas obstacle, en cas d'urgence, à ce que des mesures provisoires ou conservatoires soient demandées par les parties (C. civ., art. 2065, al. 2).
Issue. Il résulte de l'article 2066 du Code civil (N° Lexbase : L9822IN4) que les parties qui, au terme de la convention de procédure participative, parviendront à un accord réglant en tout ou partie leur différend pourront soumettre cet accord à l'homologation du juge.
A l'exception des procédures de divorce et de séparation des corps qui doivent suivre ensuite la procédure traditionnelle, il y a deux possibilités de saisir un juge à l'issue de la procédure qui peuvent se combiner :
- l'homologation d'un accord mettant fin à l'entier différend ou de l'accord partiel ;
- la procédure de jugement pour statuer sur la partie du litige persistant ou sur l'entier litige persistant avec des dispositions communes.
L'homologation. La convention de procédure participative doit être annexée sous peine d'irrecevabilité à la requête de la partie la plus diligente ou de l'ensemble des parties. Si l'accord concerne un mineur capable de discernement (modalités de l'exercice de l'autorité parentale), la requête doit mentionner les conditions dans lesquelles le mineur a été informé de son droit à être entendu par le juge ou la personne désignée par lui et à être assisté par un avocat.
Pour l'homologation, le juge compétent est celui du contentieux de la matière considérée.
Il statue sans débat à moins qu'il n'estime nécessaire d'entendre les parties. En cas de refus d'homologation, la décision est susceptible d'appel selon la procédure gracieuse.
La procédure de jugement du différend persistant. Le différend persistant peut être résiduel ou entier. Si le différend est résiduel, la requête conjointe devra comprendre : les points faisant l'objet d'un accord entre les parties ; les prétentions respectives des parties sur les points de désaccord avec moyens de fait et de droit sur chacune des prétentions avec l'indication des pièces invoquées pour chaque prétention ; la convention de procédure participative ; les pièces visées à l'article 2063 du Code civil et celles échangées en cours de procédure conventionnelle ; et le rapport du technicien.
Si le différend est entier, le juge peut en connaître de quatre façons :
- la procédure de droit commun ;
- la procédure de saisine accélérée devant une audience de jugement (pas de tentative obligatoire de médiation, conciliation et de mise en état sauf exceptions de l'article 1561 du Code de procédure civile N° Lexbase : L1478I8A) ;
- la procédure de requête conjointe du différend résiduel ;
- la procédure sur requête unilatérale.
II - La procédure participative et l'avocat
Le développement des modes alternatifs de règlement des litiges (MARL) est un enjeu majeur de la justice du XXIème siècle et un marché émergent que les avocats doivent pleinement embrasser.
La procédure participative permet de contribuer à un objectif d'intérêt général : le redressement des finances publiques. De plus, l'amiable correspond, ainsi que le rappelle le Professeur Natalie Fricero, "à un besoin du corps social" et les avocats doivent répondre à ces aspirations.
Alors, quels sont les avantages pour les avocats de maîtriser cette procédure participative ?
Natalie Fricero en relève quatre.
La maîtrise du temps. La procédure participative permet de maîtriser le temps du déroulement des opérations, à la différence du temps judiciaire. La convention prévoit un terme et pendant sa durée sont suspendues prescription, irrecevabilité et, depuis le 11 mars 2015 (décret n° 2015-282 du 11 mars 2015, relatif à la simplification de la procédure civile à la communication électronique et à la résolution amiable des différends N° Lexbase : L1333I8U), l'assignation. En effet, si la remise de la copie de l'assignation au greffe doit être faite dans les quatre mois de celle-ci, faute de quoi celle-ci serait caduque, le décret prévoit, toutefois, le cas particulier d'une convention de procédure participative qui aurait été conclue avant l'expiration de ce délai. Dans ce cas spécifique, le délai de quatre mois est suspendu jusqu'à l'extinction de la procédure conventionnelle (C. proc. civ., art. 757 N° Lexbase : L1468I8U).
La maîtrise de l'objet. Lors de la procédure participative les avocats ont une maîtrise conjointe de l'objet du litige. La solution peut être innovante et "ajuridique" parfois. En effet, à la différence d'un juge qui va appliquer les textes, les avocats de la procédure participative peuvent étendre leur champ d'action. L'avocat devra donc avoir un long entretien avec son client afin d'être le plus exhaustif possible sur l'objet du litige, puisque la suspension de la prescription est en corrélation avec cet objet.
La maîtrise de la mise en état du dossier. Avec la procédure participative ce sont les parties et leurs avocats qui font la mise en état conventionnelle du dossier. En effet, contrairement à d'autres modes amiables, le processus participatif est très structuré et peut donner lieu à une passerelle simplifiée vers le juge compétent en cas d'accord partiel ou de différend persistant. Dans ces deux cas l'objectif du législateur a été d'ouvrir un accès facilité vers le juge qui prenne en compte cette procédure participative. Cela se traduit, d'une part, par l'absence de mise en état (elle a déjà été conventionnellement réalisée) et, d'autre part, par des modalités procédurales simplifiées.
La rédaction de l'accord. L'accord de procédure participative revêt la forme d'un acte sous seing privé qui peut être contresigné par un avocat. L'acte d'avocat vaut présomption d'information. Cet acte sera dématérialisé et archivé. Il aura une force obligatoire s'il est homologué par un juge.
III - Les formations proposées par le CNB
Le Conseil national des barreaux va proposer dès le mois d'octobre 2015 un module de formation de dix-huit heures qui se déroulera sur deux jours (vendredi 2 et samedi 3 octobre 2015).
La première journée sera consacrée à la formation théorique, cette formation se déroulera en séance plénière dans l'auditorium du CNB.
Le Président Pascal Eydoux et le Bâtonnier Elizabeth Menesguen ouvriront la journée, la matinée sera consacrée à deux tables rondes portant respectivement sur les outils de négociation et la technique de la procédure participative. L'après-midi sera consacrée à la technique de l'écoute active puis à la négociation raisonnée.
Interviendront à ce module Hélène Poivey-Leclerq, Elodie Mulon et Carine Denoit-Benteux, toutes deux membres de la Commission formation, Madame le Professeur Natalie Fricero, Monsieur Fabrice Vert et Madame Isabelle Rohart-Messager, tous deux magistrats.
La seconde journée sera en revanche résolument pratique. Des ateliers de 15 à 20 personnes seront mis en place. Au programme : jeux de rôle, mises en situation et cas pratiques. Ces ateliers seront animés par des intervenants en binôme. Ce module sera reproduit au mois de novembre.
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Réf. : TA Montpellier, 16 juillet 2015, n° 1405625 (N° Lexbase : A8251NMK)
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N8618BUQ
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Le 03 Septembre 2015
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Réf. : TA Grenoble, 8 juillet 2015, n° 1503793 (N° Lexbase : A8126NMW)
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N8619BUR
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Le 01 Septembre 2015
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Réf. : Cass. soc., 9 juillet 2015, n° 14-12.779, FS-P+B (N° Lexbase : A7590NM3)
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N8558BUI
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Le 27 Août 2015
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Réf. : Cass. soc., 9 juillet 2015, n° 14-13.497, FS-P+B (N° Lexbase : A7526NMP)
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N8542BUW
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par Jean-Pierre Laborde, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Membre du COMPTRASEC (UMR CNRS-Université n° 5114)
Le 23 Juillet 2015
Résumé
Le juge ne peut écarter l'application de la loi française, sous prétexte que le contrat rédigé en espagnol stipule que s'appliqueront à ce contrat le statut des travailleurs espagnol et la convention collective espagnole des personnels de bureau et cabinets et que le contrat signé prévoit qu'il prendra fin dans les formes prévues par la loi belge, alors que le lieu d'exécution habituel du travail est en France, et sans rechercher, comme il lui était demandé, si les dispositions des lois belge et espagnole choisies par les parties et relatives aux différents chefs de demandes de la salariée, étaient plus protectrices que les dispositions impératives de la loi française qui aurait été applicable à défaut de ces choix. |
Les faits de l'espèce. En, l'occurrence la salariée vivant et travaillant, pour l'essentiel, en France, était liée par deux contrats de travail à deux employeurs distincts, mais vraisemblablement très proches l'un de l'autre. Comme l'article 3 de la Convention de Rome, applicable en l'espèce, le leur permettait, les parties avaient désigné comme loi compétente pour le premier contrat, la loi espagnole, et pour le second, la loi belge. Par la suite, et à deux dates très rapprochées, ces deux contrats furent rompus par l'employeur, ce qui conduisit la salariée licenciée à saisir les juridictions françaises, en indemnisations diverses. Elle se vit opposer par ses employeurs des dispositions du droit espagnol et du droit belge, défavorables à son action, tant sur le terrain du délai pour agir, que sur celui du fond.
La salariée chercha alors, mais sans succès, à faire appliquer le droit français, en l'occurrence plus protecteur, par les juges du fond, en faisant, pour l'essentiel, valoir que le choix des lois étrangères lui avait été imposé par ses employeurs et que son consentement, sous l'effet de la contrainte et de la fraude, n'avait donc pas été réellement libre. La cour d'appel de Paris énonça, au contraire, qu'elle ne faisait pas la preuve de ces allégations.
La solution de la Cour de cassation. Il faut croire que la rédaction du pourvoi fut mieux inspirée et en tout cas recentrée, puisque le premier des deux moyens suffit à entraîner la cassation de l'arrêt d'appel dans son ensemble. Ce premier moyen fait valoir que, à supposer que les droits espagnol et belge aient été réellement applicables, il revenait au juge français de vérifier que les dispositions de ces législations étaient plus protectrices que celles de la loi qui aurait été applicable à défaut de choix, et qui était, en l'occurrence, la loi française. N'ayant aucunement fait ce travail de nécessaire comparaison, l'arrêt d'appel était donc dépourvu de base légale.
Ainsi énoncée, la motivation de l'arrêt de cassation est indiscutable et elle correspond en tous points à la combinaison des articles 3 et 6 de la Convention de Rome, qui est d'ailleurs explicitement reprise par la Cour de cassation. Il est, en effet, tout à fait exact que, selon l'article 3 de la Convention de Rome, article qui n'est aucunement propre au contrat de travail mais qui s'applique à lui comme à tous les autres contrats, les parties ont la liberté de choisir la loi applicable à leur contrat, pour tout ou partie de ce contrat, et sont également libres d'en changer. Mais il est tout aussi exact, cette fois-ci selon l'article 6 de la Convention, qui, lui, est propre au contrat de travail, que ce choix ne peut avoir pour effet de priver le salarié de la protection que lui assureraient les dispositions impératives de la loi qui aurait été applicable à défaut de choix.
Quelle eût été cette loi ? C'est ici au paragraphe 2 de l'article 6 de la Convention de Rome qu'il faut se référer, qui donne, en principe, compétence à la loi du lieu d'accomplissement habituel du travail. Or, les employeurs eux-mêmes ne semblaient pas contester que la salariée fournissait l'essentiel de son travail en France. C'est au regard de la loi française qu'il aurait fallu que l'arrêt d'appel compare les protections, manifestement inférieures en l'espèce, des droits espagnol et belge. C'est donc bien pour ne l'avoir pas fait que l'arrêt d'appel est cassé.
La portée de l'arrêt. Arrivé à ce point de l'analyse, on pourrait être tenté de ne pas aller plus loin, la motivation ayant la force de l'évidence. Pour autant, et même s'il est justifié, l'arrêt du 9 juillet 2015 appelle quelques observations complémentaires.
La première est que, dans un contentieux relativement fourni, la question qu'il soulève n'est peut-être pas de celles qui surviennent le plus souvent (1). Ainsi les modalités, explicites ou implicites du choix de la loi, ou le rattachement en cascade en l'absence d'un tel choix -loi du lieu d'exercice habituel du travail, à défaut loi du lieu d'embauche à moins qu'une autre loi ne se détache en raison des liens plus étroits du contrat avec l'ordre juridique considéré (2)- ont, sans doute, davantage retenu l'attention des observateurs (3).
La deuxième est que, dans l'espèce, si l'existence d'un choix de la loi ne faisait guère de doute, c'est plutôt la qualité de ce choix qui était en cause. Et, si ici encore, ce n'est sans doute pas le problème le plus fréquent devant les tribunaux, on ne saurait s'étonner que le degré de liberté du consentement du salarié puisse être discuté en raison de l'infériorité économique dans laquelle il se trouve le plus souvent au moment de la conclusion du contrat et de la subordination juridique qui le caractérise lorsqu'il accepte un changement de la loi applicable, jusque là, au contrat.
La troisième est qu'il est heureux, pour la salariée en question, que la localisation en France du lieu d'accomplissement habituel du travail n'ait pas été réellement contestée par son employeur. Il est vrai qu'en l'occurrence cette contestation aurait eu, sans doute, peu d'aliment.
La quatrième tient à la règle de conflit elle-même. Il ne serait sans doute pas tout à fait exact d'affirmer qu'elle combine la compétence de la loi choisie par les parties et celle de la loi du lieu d'accomplissement habituel du travail. La formulation précise de l'article 6 de la Convention de Rome laisse, en réalité, compétence à la seule loi choisie, étant cependant entendu que les dispositions de cette loi devront ensuite être comparées à celles de la loi qui aurait été compétente à défaut d'un tel choix. C'est alors un problème de prise en considération bien plus que de compétence de la loi du lieu d'accomplissement habituel du travail.
Il reste que, la formulation retenue par la Chambre sociale n'est pas entièrement convaincante quand elle prescrit de rechercher si la loi choisie est plus favorable que la loi du lieu d'accomplissement habituel du travail, alors que la formulation de la règle devrait plutôt inciter à rechercher si la loi choisie n'est pas moins protectrice que les dispositions impératives de la loi applicable à défaut de choix (5).
Une autre observation encore pour rappeler que les dispositions impératives dont il est question, ici, doivent être comprises comme l'ensemble des dispositions d'ordre public de l'ordre juridique considéré, et non pas seulement comme ses seules règles de police, et encore moins comme ses seuls principes fondamentaux (6). L'observation est importante pour le droit du travail (7) dont la plupart des règles, spécialement en matière de licenciement, sont en effet d'ordre public, et en ce sens, très large.
Une dernière observation, enfin, pour assurer que la solution eût été la même si le Règlement "Rome I" avait déjà été applicable, l'article 8 du Règlement ne modifiant pas en effet significativement le dispositif de l'article 6 de la Convention de Rome.
(1) Sur les différentes questions susceptibles de se poser, cf. notamment F. Jault-Seseke, Loi applicable aux salariés mobiles : la Cour de justice de l'Union européenne poursuit son travail d'interprétation de l'article 6 de la Convention de Rome, obs. sous CJUE 15 décembre 2011, aff. C-384/10 (N° Lexbase : A2895H8Q) ; RDT, 2012, 115.
(2) Convention de Rome du 19 juin 1980, art. 6 (N° Lexbase : L1180ASI) et Règlement n° 593/2008 du 17 juin 2008 dit "Rome I", art. 8 (N° Lexbase : L7493IAR).
(3) Encore faut-il préciser qu'un arrêt très récent de la Chambre sociale de la Cour de cassation a rappelé, dans le même sens, que "le choix de la loi applicable ne peut priver le travailleur de la protection que lui assurent les dispositions impératives de la loi qui serait applicable à défaut de choix" (Cass. soc., 28 janvier 2015, n° 13-14.315, FS-D N° Lexbase : A7125NA7).
(4) On ne peut pas, en revanche, reprocher à la Chambre sociale de n'avoir pas indiqué les modalités adéquates de cette comparaison, puisque c'est l'absence d'une telle comparaison qui est à l'origine de la cassation.
(5) L'article 8.2 du Règlement "Rome I" est d'ailleurs, désormais, tout à fait explicite, puisqu'il prend bien soin d'énoncer que le travailleur ne peut être privé par un choix de la loi de la protection des dispositions de la loi applicable à défaut de choix "auxquelles il ne peut être dérogé par accord". Les règles impératives doivent donc être comprises comme toutes celles qui ne sont pas supplétives.
(6) Comp. F. Jault-Seseke, obs. sous Cass. soc., 4 décembre 2012, n° 11-22.166, FS-P+B (N° Lexbase : A5781IYR) ; RDT, 2013, 437.
Décision
Cass. soc., 9 juillet, n° 14-13.497, FS-P+B (N° Lexbase : A7526NMP) Cassation (CA Paris, Pôle 6, 7ème ch., 9 janvier 2014, n° 12/01294 N° Lexbase : A1252KTK) Textes concernés : Convention de Rome du 19 juin 1980 (N° Lexbase : L1180ASI) ; Règlement n° 593/2008 du 17 juin 2008 dit "Rome I" (N° Lexbase : L7493IAR). Mots-clefs : droit du travail européen ; détermination de la loi applicable au contrat de travail ; lieu d'exécution habituel du travail ; dispositions impératives de la loi française applicable à défaut de choix des parties. Lien base : (N° Lexbase : E5177EXZ). |
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N8513BUT
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par Pierre Tifine, Professeur à l'Université de Lorraine et directeur adjoint de l'Institut de recherches sur l'évolution de la Nation et de l'Etat (IRENEE), Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition publique
Le 23 Juillet 2015
1.- Dans sa décision 24756/10 du 25 juin 2015, la Cour européenne des droits de l'Homme confirme une nouvelle fois la conventionalité des règles issues du Code de l'expropriation et de la jurisprudence des juridictions nationales en matière d'expropriation.
M. X est propriétaire d'un château situé dans le département de la Corrèze inscrit à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques, ainsi que du parc qui l'entoure dont la superficie est de vingt-sept hectares. Bénéficiant du calme de la campagne, et jouissant d'une vue imprenable sur le Puy-de-Dôme, l'intéressé a subi les conséquences de la construction d'une autoroute entre Bordeaux et Clermont-Ferrand devant favoriser le désenclavement de la Corrèze. Ce projet a été déclaré d'utilité publique le 10 janvier 1996 et a donné lieu à de nombreuses expropriations, dont l'une concerne une parcelle de quatre-vingt huit ares située sur la propriété de M. X. Par un jugement du 3 octobre 2000, le tribunal de grande instance de Tulle a fixé les indemnités d'expropriation dues au requérant à l'équivalent de 18 127 euros, ce qui correspond à la valeur agricole du terrain. En revanche, le tribunal a rejeté la demande d'indemnité présentée pour la dépréciation de la partie de sa propriété non expropriée. Il a en effet considéré que "l'amputation foncière proprement dite ne causera à la propriété de M. [X] aucun dommage", et que "les seuls dommages susceptibles d'être subis par la propriété [...] seront les nuisances causées par la proximité de l'autoroute, qui constitueront des dommages de travaux publics dont l'indemnisation ne relève pas de la compétence du juge de l'expropriation". Cette solution a ensuite été confirmée par la cour d'appel de Limoges dans un arrêt du 16 décembre 2002.
On rappellera ici que le juge de l'expropriation n'est compétent, pour indemniser la dépréciation d'une propriété partiellement expropriée, que si c'est l'expropriation elle-même qui est à l'origine de cette dépréciation, et cela indépendamment des travaux publics qui en seront la conséquence certaine ou éventuelle (1). Or en l'espèce, ce sont bien les travaux publics consécutifs à l'expropriation qui sont en cause, puisque les nuisances subies par M. X sont liées à la construction d'une autoroute à environ 250 mètres de sa propriété.
2.- Celui-ci a saisi en conséquence les juridictions administratives en réparation du trouble sonore occasionné par l'autoroute, mais également du préjudice causé par la dépréciation de sa propriété du fait de sa construction. Il estime, se fondant sur une expertise ordonnée à sa demande par le tribunal administratif de Limoges, que la valeur de sa propriété a subi une dépréciation de 40 % ce que le conduit à demander, à ce titre, une indemnité d'un montant de 231 722, 50 euros. Si le tribunal a accordé à M. X une indemnité équivalant à 20 % du montant de sa propriété, ce jugement a ensuite été infirmé par la cour administrative d'appel de Bordeaux à l'occasion d'un arrêt rendu le 17 avril 2008 (2). Le requérant a alors saisi le Conseil d'Etat, en invoquant notamment que la cour d'appel avait violé l'article 1 du Protocole n° 1 à la CEDSH (N° Lexbase : L1625AZ9) en refusant de lui accorder une juste indemnisation de la perte de valeur vénale affectant sa propriété. Ce pourvoi a toutefois été rejeté par le Conseil d'Etat à l'occasion d'un arrêt du 2 octobre 2009 au motif qu'aucun des moyens du requérant n'était de nature à permettre son admission (3).
Si la non-admission du pourvoi peut paraître sévère eu égard à l'importance de la question soulevée, on doit en effet considérer que la décision rendue par les premiers juges manquait de rigueur et qu'elle n'était pas conforme à la jurisprudence administrative concernant les dommages de travaux publics et les dommages liés au fonctionnement d'un ouvrage public. Apparu dans le courant du XIXème siècle, ce régime de responsabilité façonné par la jurisprudence du Conseil d'Etat est généralement présenté comme fondé sur le principe d'égalité devant les charges publiques. Il permet la réparation sans faute des dommages subis par des tiers par rapport à des travaux publics ou des ouvrages publics dès lors que ces dommages présentent un caractère anormal et spécial.
Le tribunal administratif de Limoges avait en effet distingué deux types de préjudices. Il avait considéré, tout d'abord, que les inconvénients résultant des bruits du trafic routier auxquels est exposée la propriété du requérant "n'excèdent pas les nuisances que peuvent être appelés à supporter dans l'intérêt général les propriétaires des fonds voisins des voies publiques". En revanche, les premiers juges avaient ensuite considéré que la présence visible et audible d'une autoroute à proximité immédiate de la propriété de M. X entraîne en tant que telle, "alors même qu'elle n'emporterait pas pour les occupants de celui-ci des troubles de jouissance par eux-mêmes anormaux et spéciaux, une perte de valeur vénale anormale et spéciale de la dite propriété". Ce raisonnement avait été censuré par la cour administrative d'appel de Bordeaux qui avait considéré que la responsabilité sans faute du maître d'ouvrage ne pouvait être engagée que pour des troubles de jouissance présentant, par eux-mêmes, le caractère d'anormalité et de spécialité requis. Ces conditions n'étant pas remplies, il n'y avait pas lieu de réparer la perte de valeur vénale dont se plaignait le requérant, et cela qu'elle que soit son importance.
Si ce raisonnement peut paraître convaincant, il faut toutefois relever que la jurisprudence administrative n'est pas toujours très claire concernant le champ d'application de ce régime de responsabilité. Ainsi, dans un arrêt "Gallais" du 9 novembre 2005 (4), le Conseil d'Etat a rejeté une demande d'indemnité sur ce fondement au motif que "les préjudices allégués [une gêne visuelle et sonore résultant de l'implantation d'une ligne électrique] ainsi que celui résultant de la dépréciation de la valeur vénale de la propriété ne revêtent pas, compte tenu du caractère des lieux avoisinants, un caractère anormal et spécial de nature à ouvrir un droit à réparation". Ceci étant, il semble que le juge administratif n'a jamais considéré que la perte de valeur vénale d'une propriété puisse être considérée comme revêtant, en tant que telle, un caractère anormal et spécial. D'un autre côté, comme on l'a vu, ce type de préjudice n'étant pas directement lié à l'expropriation, il n'a pas vocation à être intégré dans le calcul des indemnités d'expropriation.
3.- Cette situation, qui conduit à ne pas indemniser un préjudice dont l'existence est difficilement contestable, a conduit tout naturellement l'intéressé à saisir la Cour européenne des droits de l'Homme sur le fondement de l'article 1er du protocole additionnel n° 1 dont il résulte que "toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens".
Conformément à une jurisprudence constante -et que l'on peut qualifier de décevante (5)- la Cour rappelle qu'il lui appartient de rechercher si un juste équilibre a été maintenu entre les exigences de l'intérêt général de la communauté et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l'individu (6). Plus précisément, elle considère qu'il doit exister un "rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé", ce qui exclut que la personne concernée ait eu à subir une charge spéciale et exorbitante. En l'espèce, les juges relèvent que l'atteinte à la propriété privée dont se plaint le requérant est liée à la mise en oeuvre d'une politique d'aménagement du territoire et que dans ce cas, dans l'analyse de ce rapport de proportionnalité, une marge d'appréciation plus grande doit être reconnue à l'Etat que lorsque sont en jeu des droits exclusivement civils (7).
Pour autant, dans une telle hypothèse, la réparation du préjudice subi par le propriétaire, du fait de la dépréciation d'une partie de sa propriété à la suite de la construction d'un ouvrage public consécutive à une expropriation partielle, n'est pas exclue. Elle a en effet déjà été admise par la cour dans les décisions "Ouzounoglou c/ Grèce" du 24 novembre 2005 (8) et "Athanasiou et autres c/ Grèce" du 9 février 2006 (9). Mais dans ces affaires, les troubles de jouissance subis par les personnes expropriées étaient particulièrement importants. Dans la seconde affaire, notamment, les maisons des requérants se trouvaient à une distance inférieure à cinq mètres de la voie ferroviaire qui avait été construite, ce qui entraînait une pollution sonore et des vibrations constantes. Qui plus est, une partie des maisons avaient désormais un horizon totalement obstrué par le pont ferroviaire qui avait également été édifié.
Cette situation est bien évidemment sans commune mesure avec celle subie par M. X. Contrairement à ce qui a été jugé dans les deux affaires susvisées, la Cour considère donc que les troubles de jouissance subis par celui-ci ne constituent pas une charge spéciale et exorbitante. Elle relève, par ailleurs, que dans le cadre d'une réglementation de l'usage des biens, les autorités nationales peuvent limiter la réparation des dommages subis à ceux présentant un caractère "anormal et spécial" (10), à condition toutefois que les juridictions nationales aient procédé à l'examen des arguments du requérant relatifs à la dépréciation de sa propriété (11). Cette condition ayant été respectée dans la présente affaire, les juges concluent au rejet du recours.
1.- La législation relative aux immeubles insalubres est issue de la loi n° 70-612 du 10 juillet 1970, tendant à faciliter la suppression de l'habitat insalubre (N° Lexbase : L2048A4M), dite loi "Vivien". Les dispositions du titre II de cette loi intitulé "dispositions relatives à l'expropriation" sont désormais intégrées dans le livre IV du Code de l'expropriation depuis l'entrée en vigueur, au 1er janvier 2015, de l'ordonnance n° 2014-1345 du 6 novembre 2014, relative à la partie législative du Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique (N° Lexbase : L7867I47) (12). Ce ne sont toutefois pas ces dispositions qui sont en cause dans la décision rapportée, mais les anciennes dispositions du titre II de la loi "Vivien" intitulé "dispositions relatives à l'insalubrité" qui ont été codifiées aux articles L. 1331-1 (N° Lexbase : L5680H9A) et suivants du Code de la santé publique par la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000, relative à la solidarité et au renouvellement urbains (N° Lexbase : L9087ARY).
Cette procédure vise, le cas d'un "immeuble, bâti ou non, vacant ou non, attenant ou non à la voie publique, un groupe d'immeubles, un îlot ou un groupe d'îlots [qui] constitue, soit par lui-même, soit par les conditions dans lesquelles il est occupé ou exploité, un danger pour la santé des occupants ou des voisins" (13). Le préfet peut dans cette hypothèse saisir la commission départementale compétente en matière d'environnement, de risques sanitaires et technologiques afin qu'elle émette un avis sur la réalité et les causes de l'insalubrité et sur les mesures propres à y remédier. En l'absence de moyens techniques d'y mettre fin, ou lorsque les travaux nécessaires à sa résorption seraient plus coûteux que la reconstruction, l'insalubrité d'un bâtiment doit être qualifiée d'irrémédiable par arrêté préfectoral.
Cette procédure peut déboucher sur une procédure d'expropriation des immeubles déclarés insalubres à titre irrémédiable selon une procédure dérogatoire du droit commun organisée par les articles L. 511-1 (N° Lexbase : L8042I4M) et suivants du Code de l'expropriation. La question qui se pose en l'espèce consiste à déterminer si l'illégalité d'un arrêté déclarant un immeuble insalubre à titre irrémédiable peut être invoquée à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre la déclaration d'utilité publique subséquente. En d'autres termes, il s'agit de savoir s'il y a lieu de faire jouer, dans cette hypothèse, le principe d'indépendance des législations, ou s'il faut considérer que les décisions précitées constituent une opération complexe.
En l'espèce, un arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône en date du 12 juin 2008 avait déclaré insalubre à titre irrémédiable un immeuble appartenant à une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée. Par un arrêté du 10 juillet 2009, le préfet a ensuite déclaré d'utilité publique l'acquisition de cet immeuble par la société X et en a prononcé la cessibilité, afin qu'il soit mis un terme à cette insalubrité.
2.- Dans le cadre de son recours dirigé contre l'arrêté du 10 juillet 2009, la société voulait invoquer le vice de procédure entachant l'arrêté déclarant l'immeuble insalubre à titre irrémédiable. En effet, si le préfet avait bien saisi le conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques, cette instance s'était bornée à indiquer qu'elle émettait un avis favorable aux propositions de son rapporteur, sans se prononcer expressément ni sur la réalité et les causes de l'insalubrité, ni sur les mesures propres à y remédier. Conformément à la jurisprudence "Danthony" (14), la cour administrative d'appel de Marseille avait considéré que les irrégularités commises avaient pu exercer une influence sur la décision du préfet et qu'elle devait conduire à l'annulation de la déclaration d'utilité publique subséquente.
C'est cette solution qui a été retenue par la cour administrative d'appel de Marseille (15) et qui est confirmée par le Conseil d'Etat qui admet donc que les deux arrêtés susvisés constituent, ensemble, une opération complexe. L'illégalité de la première décision peut donc être invoquée à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir contre la seconde.
La solution peut paraître logique, dès lors que l'on peut estimer qu'il existe un rapport de dépendance étroit entre ces deux décisions, l'existence de la seconde décision n'étant rendue possible que par l'existence préalable de la première décision. On peut en effet considérer, sans difficulté, que c'est la déclaration d'insalubrité qui frappe l'immeuble qui détermine le régime dont relève l'expropriation du même immeuble. Au regard de la jurisprudence antérieure, il semble toutefois qu'une distinction puisse être opérée en fonction de l'objet précis de la déclaration d'utilité publique. Ainsi, le Conseil d'Etat avait déjà eu l'occasion d'admettre qu'est "recevable à l'encontre d'un arrêté préfectoral déclarant d'utilité publique le projet d'acquisition d'immeubles et prononçant leur cessibilité au profit de deux communes pour permettre la réalisation de nouvelles constructions l'exception d'illégalité de l'arrêté préfectoral fixant le périmètre d'insalubrité de l'îlot d'habitations concerné et déclarant insalubres et frappés d'interdiction totale et définitive d'habiter les immeubles situés à l'intérieur de ce périmètre" (16). En revanche, une solution différente a été retenue dans une affaire où la déclaration d'utilité publique avait eu pour objet l'acquisition de terrains destinés à permettre le relogement des habitants des immeubles déclarés insalubres, et non pas directement les immeubles déclarés insalubres (17). Dans cette hypothèse, il y a en effet lieu à considérer que la déclaration d'utilité publique "ne constitue pas un acte pris en application" de l'arrêté déclarant des immeubles insalubres à titre irrémédiable.
3.- Si les analyses de la cour administrative d'appel et du Conseil d'Etat convergent sur la question de l'existence d'une opération complexe, la façon dont est mise en oeuvre la technique d'exception d'illégalité n'est pas la même. En effet, les juges du fond avaient omis de prendre en considération la différence de nature entre le contentieux de la déclaration d'utilité publique, qui relève du recours pour excès de pouvoir, et le contentieux de l'arrêté d'insalubrité, qui relève du contentieux de pleine juridiction. C'est à tort que la cour avait pris en considération l'état de l'immeuble à la date à laquelle l'arrêté d'insalubrité du 12 juin 2008 a été pris. Puisque c'est la déclaration d'utilité publique du 10 juillet 2009 qui est attaquée, c'est à cette date, au regard de la situation de fait de l'immeuble, que le juge devait se placer pour déterminer si cette mesure était légalement justifiée. Les juges ont donc commis une erreur de droit qui n'emporte toutefois aucune conséquence pratique. En effet, si la cour administrative d'appel n'avait pas pris en considération le compte rendu de visite du bâtiment effectué en décembre 2009, ces éléments "étaient relatifs à une situation postérieure également à l'arrêté déclaratif d'utilité publique". L'arrêté du 12 juin 2008 étant intervenu à l'issue d'une procédure irrégulière, ce seul motif justifiait l'annulation de la déclaration d'utilité publique attaquée.
(1) T. confl., 5 décembre 1977, n° 02058 (N° Lexbase : A8113BDT), Rec. p. 669, AJPI, 1978, p. 734, note Chateauraynaud.
(2) CAA Bordeaux, 1ère ch., 17 avril 2008, n° 06BX01978 (N° Lexbase : A2604EAP).
(3) CE, 2 octobre 2009, arrêt non publié.
(4) CE 9° et 10° s-s-r., 9 novembre 2005, n° 249382, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A4970DLN).
(5) Voir récemment à propos du calcul de l'indemnité par les juridictions nationales allouées aux propriétaires de parcelles agricoles expropriées : CEDH, 8 janvier 2013, Req. 40961/07 (N° Lexbase : A2237KQW), Dr. rur., 2013, 168, nos obs..
(6) CEDH, 23 septembre 1982, Req. 7151/75 (N° Lexbase : A5103AYN).
(7) CEDH, 29 mars 2010, Req. 34044/02 (N° Lexbase : A2354EUQ).
(8) CEDH, 24 novembre 2005, Req. 32730/03 (N° Lexbase : A7064DL9).
(9) CEDH, 9 février 2006, Req. 2531/02 (N° Lexbase : A9296NMA).
(10) CEDH, 26 avril 2011, Req. 18070/08 (N° Lexbase : A2610HPD).
(11) CEDH, 31 mai 2007, Req. 25774/05 (en anglais uniquement).
(12) Sur ce texte, lire nos obs., Le nouveau Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : une réforme cosmétique plutôt qu'une réforme de fond, RD imm., 2015, p. 281.
(13) C. santé publ., art. L. 1331-26 (N° Lexbase : L5356IMC).
(14) CE Ass., 23 décembre 2011, n° 335033 (N° Lexbase : A9048H8M), Rec. p. 649, Dr. adm., 2012, 22, note F. Melleray, JCP éd. A, 2012, 2089, note C. Broyelle, RFDA, 2012, p. 284, concl. G. Dumortier.
(15) CAA Marseille, 5ème ch., 4 juillet 2013, n° 11MA03666 (N° Lexbase : A7015KKZ).
(16) CE 2° et 6° s-s-r., 21 février 1986, n° 37531, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A7617AM3). Voir dans le même sens CE 1° et 4° s-s-r., 6 novembre 1981, n° 25939, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A7703AKI).
(17) CE 4° et 5° s-s-r., 26 décembre 2006, n° 285591, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A1457DT7).
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Réf. : Cons. const., 17 juillet 2015, n° 2015-475 QPC (N° Lexbase : A8503NMU)
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N8575BU7
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Le 30 Juillet 2015
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Réf. : CJUE, 16 juillet 2015, aff. C-485/14 (N° Lexbase : A8970NM8)
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N8579BUB
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Le 04 Août 2015
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Réf. : Cass. civ. 1, 9 juillet 2015, n° 14-21.763, F-P+B (N° Lexbase : A7831NMY)
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N8600BU3
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Le 05 Août 2015
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Réf. : CEDH, 16 juillet 2015, Req. 20579/12 (N° Lexbase : A8246NMD)
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N8512BUS
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Le 28 Juillet 2015
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Réf. : TGI Paris, 3ème ch., 21 mai 2015, n° 14/03863 (N° Lexbase : A1453NKZ)
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N8519BU3
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par Fabienne Fajgenbaum et Thibault Lachacinski, Avocats à la cour
Le 23 Juillet 2015
L'article L. 111-1, alinéa 1er, du Code de la propriété intellectuelle (N° Lexbase : L2838HPS) dispose que l'auteur d'une oeuvre de l'esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous. Si l'article L. 112-2 (N° Lexbase : L3334ADT) énumère (de façon non exhaustive) les catégories d'oeuvres susceptibles de bénéficier de la protection du droit d'auteur -parmi lesquelles les oeuvres photographiques (9°)- aucune des dispositions de ce Code n'en précise le critère d'application. Seul l'article L. 112-4 (N° Lexbase : L3336ADW) conditionne expressément la protection des titres à l'existence d'une oeuvre de l'esprit présentant un "caractère original". Dans le silence des textes, le critère de l'originalité, comprise comme l'empreinte de la personnalité de l'auteur, a peu à peu été consacré par la jurisprudence française (2).
Le cheminement a d'ailleurs été identique au niveau communautaire, aucune des Directives consacrées au droit d'auteur ne fixant de critère d'application générale. Par exception, la Directive 93/98 du 29 octobre 1993 (N° Lexbase : L7789AUZ devenue Directive 2006/116 du 12 décembre 2006 N° Lexbase : L8984HTW) prévoit que seuls peuvent bénéficier de la protection du droit d'auteur les photographies qui sont "originales en ce sens qu'elles sont une création intellectuelle propres à leur auteur (article 6) (3). Les clarifications nécessaires ont finalement été apportées par la Cour de justice, qui a fait de l'originalité une notion autonome du droit de l'Union (4). Optant pour une approche unitaire quelles que soient les catégories d'oeuvres en cause, la Cour a retenu dans son arrêt "Infopaq" que la protection du droit d'auteur n'est "susceptible de s'appliquer que par rapport à un objet qui est original en ce sens qu'il est une création intellectuelle propre à son auteur" (point 37) (5). L'histoire retiendra donc que c'est le régime de protection des oeuvres photographiques qui a servi de modèle au juge communautaire dans sa démarche d'harmonisation.
Les précisions apportées par les jurisprudences française et communautaire étaient naturellement bienvenues. Toutefois, les critères généraux de "création intellectuelle propre à son auteur" et d'"empreinte de la personnalité de l'auteur" n'en restent pas moins relativement flous, ayant vocation à s'appliquer à n'importe quel type d'oeuvre de l'esprit, qu'il s'agisse d'un dessin, d'une oeuvre architecturale ou d'un modèle. La protection des photographies, assimilées par certains à la mise en oeuvre d'un simple savoir-faire technique, pouvait pâtir de cette insécurité juridique.
L'arrêt fondamental en matière de photographies de portrait est incontestablement celui qui a été rendu par la CJUE le 1er décembre 2011 (6). La Cour y précise que l'auteur peut "effectuer ses choix libres et créatifs de plusieurs manières et à différents moments lors de sa réalisation. Au stade de la phase préparatoire, l'auteur pourra choisir la mise en scène, la pose de la personne à photographier ou l'éclairage. Lors de la prise de la photographie de portrait, il pourra choisir le cadrage, l'angle de prise de vue ou encore l'atmosphère créée. Enfin, lors du tirage du cliché, l'auteur pourra choisir parmi diverses techniques de développement qui existent celle qu'il souhaite adopter, ou encore procéder, le cas échéant, à l'emploi de logiciels" (points 90 et 91). Dans le même sens, le tribunal de grande instance de Paris a récemment jugé que l'originalité de photographies "peut résulter de différents choix du photographe tels que celui du sujet photographié, de la mise en scène de l'objet de la photographie, de sa composition par l'angle de vue, la lumière, et les choix techniques de la prise du cliché (vitesse d'obturation, ouverture du diaphragme, choix du type d'objectif...) s'ils traduisent une démarche propre à son auteur qui porte l'empreinte de sa personnalité" (7). En résumé, la jurisprudence considère que l'auteur d'un cliché a l'occasion d'imprimer sa touche personnelle avant (mise en scène), pendant (choix techniques) et après (retouches) la prise de la photographie. Le chemin de la protection des photographies par le droit d'auteur est donc théoriquement tout dégagé.
II - La photographie, un objet mal aimé du droit d'auteur
En pratique, si la tendance jurisprudentielle a longtemps été à la libéralité, l'on constate un certain durcissement de la protection des photographies par le droit d'auteur. Peut-être en réaction à certains abus, ce recadrage a été plus particulièrement sensible s'agissant des photographies "en rafale" prises à l'occasion d'événements sportifs (8). Aux termes d'un très intéressant arrêt du 24 février 2012 (9), la cour d'appel de Paris a en effet rappelé que les réglages et autres choix techniques réalisés par le photographe (angle de prise de vue, cadrage, contraste, lumière, etc.) traduisaient essentiellement un savoir-faire technique (d'ailleurs facilité par les évolutions technologiques qui équipent désormais les appareils numériques) et ne sauraient dès lors suffire à révéler l'empreinte du photographe. Citons encore l'analyse très fine proposée par le tribunal de grande instance de Paris dans un jugement du 22 mai 2015 : les photographies de rencontre sportives consistent "à capter des moments d'un événement sportif lequel échappe au contrôle du photographe, de sorte que leur originalité ne peut être établie qu'en démontrant que dans les marges de choix forcément restreintes qui sont laissées au photographe, celui-ci, au-delà de la mise en oeuvre de ses aptitudes techniques pour procéder à une capture fidèle de la réalité, a opéré suffisamment de choix qui lui sont propres pour conférer à la photographie l'empreinte de sa personnalité" (10).
Un autre contentieux a connu une riche actualité : celui des photographies dites "de plateau", prises à l'occasion du tournage de films et dont la fonction première est de traduire en photographies les principales scènes, à des fins promotionnelles (affiches et autres). Pour refuser la protection du droit d'auteur à certaines des photographies prises lors du tournage des films "Lola" et "La baie des anges" de Jacques Demy, la cour d'appel de Paris (11) a relevé que les éléments de composition de la scène (lieux, éléments du décor, postures et expressions des personnages, costumes, éclairages etc.) avaient été décidés par le réalisateur, que le positionnement du photographe était fonction de celui de la caméra et que le cadrage et l'angle de prise de vue étaient également contraints par les impératifs du tournage ainsi que par les possibilités techniques de l'appareil photographique. Les photographies correspondant à certaines scènes du film (même non retenues au montage), assimilées à "un travail technique de fixation du tournage, ont donc été exclues de la protection à la différence de certains clichés pris hors tournage (notamment dans les coulisses) qui, eux, ont été jugés originaux (12).
Au fil des décisions, l'on constate donc l'importance grandissante que prennent les notions de choix du sujet, de pose ou de mise en scène dans l'appréciation du caractère protégeable, ou non, d'une photographie au titre du droit d'auteur (13). A l'inverse, le choix d'un cadrage ou d'un angle de vue ou encore la sélection d'une focale se voient bien souvent réduits à un simple savoir-faire technique, insusceptible d'exprimer la sensibilité de l'auteur (14) ; de même, il a été jugé que les retouches opérées sur une photographie ne sont pas de nature à lui conférer un parti pris esthétique (15). En d'autres termes, il ne suffit plus, désormais, au photographe d'être spectateur de son sujet : il lui appartient également de devenir acteur de sa photographie.
Ce constat trouve une résonance particulière s'agissant des photographies de commande à vocation publicitaire, dont la mission est alors de mettre en avant les caractéristiques d'un produit, dans un cadre souvent neutre. Ces contraintes techniques associées aux instructions du client (mise en scène, poses, cadrage, choix du modèle etc.) conduisent bien souvent les juridictions françaises à écarter la protection du droit d'auteur, à défaut pour les photographes d'avoir pu exprimer l'empreinte de leur personnalité (16). De même, des photographies prises exclusivement dans le but de démontrer les effets et capacités d'un filtre photographique et portant sur un sujet traité de façon volontairement basique ont été jugées dépourvues d'originalité (17). Fort heureusement, pour difficile qu'elle soit désormais, la preuve de l'originalité d'une photographie n'en est pas pour autant devenue impossible (18). C'est ainsi que des photographies prises dans le cadre de catalogues de vente aux enchères ont été jugées éligibles à la protection du droit d'auteur, dès lors qu'elles révélaient une recherche de mise en valeur des objets photographiés (19).
III - Jimi Hendrix, un auteur insoupçonné
Le jugement du 21 mai 2015 objet du présent commentaire avait trait à une photographie en noir et blanc représentant le guitariste Jimi Hendrix, en plan taille de face, "expirant avec un demi-sourire et les yeux mi-clos une bouffée de la cigarette qu'il tient dans sa main gauche, sa main droite soutenant son bras gauche au niveau de son coude". Afin de caractériser son originalité, le photographe Gered Mankowitz s'était efforcé d'en proposer la description suivante, empreinte d'un certain lyrisme : "cette photographie aussi extraordinaire que rare de Jimi Hendrix réussit à capter, le temps d'un instant fugace, le saisissant contraste entre la légèreté du sourire de l'artiste et de la volute de fumée et la noirceur et la rigueur géométrique du reste de l'image, créées notamment par les lignes et les angles droits du buste et des bras. La capture de cet instant unique et sa mise en valeur par la lumière, les contrastes et par le cadrage étroit de la photographie sur le buste et la tête de Jimi Hendrix révèlent toute l'ambivalence et les contradictions de cette légende de la musique et font de cette photographie une oeuvre fascinante et d'une grande beauté qui porte l'empreinte de la personnalité et du talent de son auteur".
Pour le tribunal, cette description était en tant que telle insuffisante pour définir l'originalité de la photographie en cause. Il s'agit là d'un point de procédure tout à fait classique qui trouve son fondement dans les dispositions combinées des articles 9 (N° Lexbase : L1123H4D) et 16 (N° Lexbase : L1133H4Q) du Code de procédure civile et dont le tribunal propose, d'ailleurs, une heureuse synthèse : "il appartient à celui qui se prévaut d'un droit d'auteur dont l'existence est contestée de définir et d'expliciter les contours de l'originalité qu'il allègue. En effet, seul l'auteur, dont le juge ne peut suppléer la carence, est en mesure d'identifier les éléments traduisant sa personnalité et qui justifient son monopole et le principe de la contradiction posé par l'article 16 du Code de procédure civile commande que le défendeur puisse connaître précisément les caractéristiques qui fonde l'atteinte qui lui est imputée et apporter la preuve qui lui incombe de l'absence d'originalité. Pour faire simple, l'originalité ne se présumant pas, elle doit être démontrée concrètement afin de permettre au défendeur de connaître précisément les griefs qui lui sont reprochés et de le mettre en mesure d'y répondre.
L'obligation de motivation est d'ailleurs régulièrement rappelée par les juridictions, le tribunal de grande instance de Paris ayant notamment eu l'occasion d'indiquer qu'il "ne peut substituer ses impressions subjectives aux manifestations de la personnalité de l'auteur", et "ne peut ni porter de jugement sur la qualité de l'oeuvre qui lui est soumise ni imposer ses choix ou ses goûts ; il ne peut qu'apprécier le caractère protégeable de l'oeuvre au vu des éléments revendiqués par l'auteur et des contestations émises par ses contradicteurs" (20). Elle peut d'ailleurs prendre une ampleur insoupçonnée s'agissant des photographies dont le nombre est parfois très important : c'est ainsi qu'un plaideur s'est astreint à établir sur plus de 500 pages le caractère protégeable de 6 758 clichés repris sans autorisation sur le site internet de maison de vente aux enchères. Face à cette inflation probatoire, la cour d'appel a toutefois jugé nécessaire de préciser que les choix esthétiques et personnels du photographe "peuvent se retrouver dans plusieurs photographies différentes et qu'ainsi la nécessité d'identifier et de décrire chacune des 6 758 photographies revendiquées au titre du droit d'auteur [...] n'implique pas de justifier de 6 758 choix et caractéristiques différents révélateurs de leur originalité et de la personnalité de leur auteur" (21). De même, le tribunal de grande instance de Paris a rappelé qu'en principe, l'originalité des photographies revendiquées doit être exposée dans les écritures qui saisissent le tribunal, en la caractérisant pour chaque photographie "au moins pour chaque catégorie suffisamment homogène de photographies", tout en tolérant (manifestement à regret) que l'examen photographie par photographie soit effectuée dans une pièce séparée versée aux débats (22).
Dans l'affaire qui nous occupe, l'intention du tribunal est naturellement louable et participe à la qualité du débat judiciaire. Les juridictions françaises réaffirment ainsi régulièrement qu'il ne suffit pas de procéder à la description technique des photographies (type de prise de vue, cadrage, retouches etc.) mais qu'il appartient bien aux photographes d'établir concrètement en quoi les oeuvres revendiquées seraient le fruit d'un acte de création guidé par un parti pris esthétique (23). Pour autant, le jugement du 21 mai 2015 ne saurait être suivi lorsqu'il reproche au demandeur de s'être contenté de mettre en exergue des caractéristiques esthétiques de la photographie "qui sont distinctes de son originalité qui est indifférente au mérite de l'oeuvre et n'explique pas qui est l'auteur des choix relatifs à la pose du sujet, à son costume et à son attitude générale". Cette opposition entre recherche esthétique et originalité nous semble déjà surprenante, la formule utilisée étant au surplus relativement confuse.
Reprenant à son compte l'idée de photographe acteur de sa photographie (développée plus haut), le tribunal poursuit en relevant que rien ne permet au juge et aux défendeurs de comprendre si les éléments liés à la mise en scène sont le fruit d'une réflexion de l'auteur de la photographie (Gered Mankowitz) ou de son sujet (Jimi Hendrix). Or, le jugement est très clair à cet égard (et d'ailleurs quelque peu expéditif), les critères du cadrage, du choix du noir et blanc, du décor clair et de l'éclairage sont banals pour un portrait de face : si la photographie en question doit franchir le seuil de la protection par le droit d'auteur, ce ne sera donc au mieux qu'en raison de la pose du sujet, de son costume et de son attitude générale, qualifiés de "critères essentiels dans l'appréciation des caractéristiques originales revendiquées".
Dans ce contexte, le raisonnement du tribunal surprend : en reprochant au demandeur de ne pas avoir apporté de précisions sur l'origine des choix liés à la mise en scène de la photographie, le tribunal ne quitte-t-il pas le terrain de la preuve de l'originalité pour s'aventurer sur celui, bien distinct, de la titularité des droits ? Or, il est permis de s'interroger sur la légitimité de ce débat, selon nous inopérant compte tenu de la présomption posée à l'article L. 113-1 du Code de la propriété intellectuelle (N° Lexbase : L3337ADX). Cet article dispose en effet que "la qualité d'auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou à ceux sous le nom de qui l'oeuvre est divulguée". L'objet de cette présomption vise ainsi à épargner au demandeur d'avoir à rapporter, dès années après, la preuve (inévitablement ardue et donc diabolique) de sa création (24). En l'espèce, en l'absence de preuve contraire et de toute revendication de Jimi Hendrix (décédé entre-temps) (25), rien ne nous semblait pouvoir s'opposer à ce que Gered Mankowitz soit présumé auteur des choix de mise en scène. Dès lors, c'est à tort que le tribunal lui a reproché de ne pas apporter de précision sur l'origine desdits choix.
En définitive, les réticences manifestées par le tribunal à reconnaître au photographe la qualité d'auteur de sa photographie font écho à une difficulté similaire régulièrement rencontrée par les plaideurs s'agissant de la présomption prétorienne de titularité. En effet, il arrive encore que les juridictions du fond reprochent à ces derniers de ne pas avoir rapporté la preuve d'actes de création. Fort heureusement, la Cour de cassation censure régulièrement ce raisonnement et rappelle avec force que "l'exploitation non équivoque d'une oeuvre par une personne physique ou morale, sous son nom et en l'absence de revendication du ou des auteurs, fait présumer à l'égard du tiers recherché pour contrefaçon, que cette personne est titulaire sur l'oeuvre, qu'elle soit ou non collective, du droit de propriété incorporelle de l'auteur" (26).
Il n'est donc plus qu'à espérer que la même sagesse finira par prévaloir mutatis mutandis s'agissant de la présomption légale posée à l'article L. 113-1 du Code de la propriété intellectuelle. Dans l'hypothèse inverse, il y a fort à parier que la protection du droit d'auteur finira par être très largement refusée aux photographies, leur appliquant un régime de protection dérogatoire car plus rigoureux et ce, alors même que l'article L. 112-1 prévoit précisément que les oeuvres de l'esprit sont protégées indépendamment de leur genre et de leur forme d'expression. L'on assisterait alors à un curieux mouvement de balancier puisque le régime des photographies a précisément servi de modèle à l'harmonisation communautaire. A suivre donc...
(1) CJCE, 16 juillet 2009, aff. C-5/08 (N° Lexbase : A9796EIN).
(2) Cass. civ. 1, 12 juillet 2006, n° 05-17.555, F-P+B (N° Lexbase : A4614DQX).
(3) Les Directives 91/250 (N° Lexbase : L7628AU3) et 2009/24 (N° Lexbase : L1676IES) retiennent le même critère de protection pour les bases de données et les programmes d'ordinateur (article 1.3).
(4) Conformément au considérant 17 de la Directive 93/98 (N° Lexbase : L7789AUZ) ; cf. conclusions de l'Avocat général Trstenjak du 12 avril 2011 dans l'affaire C-145/10 (CJUE, 1er décembre 2011, aff. C-145/10 N° Lexbase : A4925H3S, point 120).
(5) CJCE, 16 juillet 2009, aff. C-5/08, préc. note 1.
(6) CJUE, 1er décembre 2011, aff. C-145/10, préc. note 4 ; régulièrement cité par larges extraits par les juridictions parisiennes : à titre d'exemples, TGI Paris, 3ème ch., 26 mars 2015, n° 13/05534 (N° Lexbase : A0251NGE) et TGI Paris, 3ème ch., 11 septembre 2014, n° 13/06338 (N° Lexbase : A7743MWP).
(7) TGI Paris, 3ème ch., 22 mai 2015, n° 13/15455 (N° Lexbase : A1414NKL) ; cf. également TGI Paris, 3ème ch., 6 novembre 2014, n° 12/16050 (N° Lexbase : A4345M4P).
(8) Pour un jugement ayant précisément relevé que le photographe n'avait pas travaillé en rafale et avait choisi son emplacement au pied du ring, concluant ainsi au caractère protégeable de sa photographie : TGI Paris, 3ème ch., 8 novembre 2013, n° 11/13120 (N° Lexbase : A0613KQR).
(9) CA Paris, Pôle 5, 2ème ch., 24 février 2012, n° 10/10583 (N° Lexbase : A3342ID7) ; dans le même sens, CA Paris, Pôle 5, 1ère ch., 14 novembre 2012, n° 11/03286 (N° Lexbase : A8144IWK) ; CA Montpellier, 3 mai 2012, n° 11/00762 (N° Lexbase : A5208IK4).
(10) TGI Paris, 22 mai 2015, préc. note 7.
(11) CA Paris, Pôle 5, 1ère ch., 22 mai 2015, n° 12/11964 (N° Lexbase : A4548NIB) ; cf. également, TGI Paris, 3ème ch., 5 mars 2015, n° 14/03636 (N° Lexbase : A2015NDY) concernant des photographies prises sur le tournage de "A bout de souffle" et "Léon Morin, prêtre".
(12) CA Paris, Pôle 5, 2ème ch., 15 novembre 2013, n° 13/06792 (N° Lexbase : A4284KPD).
(13) TGI, 3ème ch., Paris, 11 septembre 2014, n° 13/04056 (N° Lexbase : A7741MWM) ; TGI Paris, 3ème ch., 6 mars 2014, n° 12/15291 (N° Lexbase : A1815MI3) ; TGI Paris, 3ème ch., 7 juin 2013, n° 12/03017 (N° Lexbase : A5805KHH).
(14) TGI Paris, 3ème ch., 6 juin 2013, 11/16450 (N° Lexbase : A8434KHT).
(15) "Il est acquis [...] que l'originalité d'une oeuvre s'apprécie au regard des choix arbitraires ayant conduit à sa réalisation, qui sont propres à leur auteur et marqués par l'empreinte de sa personnalité, tels que, notamment dans le cadre d'une activité de photographe professionnel, le choix des vêtements, du maquillage, du décor et, de manière générale, tout ce qui est extérieur à la technique et conditionne la qualité de la photographie" (TGI Paris, 6 novembre 2014, préc. note 7). En sens inverse, CA Paris, Pôle 5, 1ère ch., 10 mars 2015, n° 13/09634 (N° Lexbase : A1420NMK).
(16) TGI Paris, 6 novembre 2014, préc. note7 (ayant refusé de reconnaître le caractère protégeable de photographies prises pour illustrer un site Internet professionnel et refléter le travail réalisé sur des coiffures de mariée orientale) ; TGI Paris, référé, le 20 octobre 2014, n° 14/57404 (N° Lexbase : A1033NEY) ; TGI Paris, 3ème ch., 17 janvier 2014, n° 12/07629 (N° Lexbase : A9148MCS).
(17) TGI Paris, 26 mars 2015, n° 13/05534 (N° Lexbase : A0251NGE) ; de même s'agissant de photographies servant à illustrer les différentes étapes de la pose de pièces mécaniques de voiture : TGI Paris, 3ème ch., 31 janvier 2014, n° 12/023068.
(18) CA Paris, Pôle 5, 1ère ch., 7 avril 2015, n° 13/21690 (N° Lexbase : A1548NGG) ; dans le même sens, TGI Paris, 11 septembre 2014, préc. note 6.
(19) CA Paris, 10 mars 2015, préc. note 15.
(20) TGI Paris, 3ème ch., 31 janvier 2014, n° 12/02068 (N° Lexbase : A3102MEM). Cf. s'agissant d'un dessin et modèle, Cass. com., 25 novembre 2014, n° 13-15.166, F-D (N° Lexbase : A5267M4T).
(21) CA Paris, 10 mars 2015, préc. note 15.
(22) TGI Paris, 22 mai 2015, préc. 7.
(23) TGI Paris, 17 janvier 2014, préc. note 16.
(24) Seule la production d'une vidéo du shooting, peu développée dans les années 1960, pourrait répondre à cette exigence probatoire, la seule attestation du photographe nous semblant quant à elle dépourvue d'une force probante suffisante.
(25) Le débat sur la qualité d'auteur de la personne photographiée pourrait alors être rapproché de celui qui prévaut en matière d'interviews ; à cet égard, la cour d'appel de Paris a rendu le 6 septembre 2013 un intéressant arrêt aux termes duquel il a été jugé que "la personnalité de l'interviewé [Léo Ferré] ressort grâce aux questions préparées et choisies de l'intervieweur, ses silences, grâce au choix opéré par le réalisateur dans ses prises de vues pour lui conférer un caractère intimiste et faire ressortir l'émotion de l'interviewé. L'aspect personnel des réponses de Léo ferré sur ses avis et provocations ne caractérise pas l'originalité de l'interview dont la structure et la réalisation sont le fruit de l'intervieweur et du réalisateur" (CA Paris, Pôle 5, 2ème ch., 6 septembre 2013, n° 11/02303 N° Lexbase : A5310KKU).
(26) Cass. civ. 1, 10 juillet 2014, n° 13-16.465, F-D (N° Lexbase : A3997MUL).
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Réf. : Cass. soc., 8 juillet 2015, n° 14-60.726, FS-P+B (N° Lexbase : A7692NMT)
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Le 15 Août 2015
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Réf. : Cons. const., décision n° 2015-476 QPC, du 17 juillet 2015 (N° Lexbase : A8504NMW)
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N8596BUW
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Le 24 Juillet 2015
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Réf. : CAA Lyon, 2ème ch., 2 juin 2015, n° 14LY00096, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A0161NMW)
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N8592BUR
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par Sabrina Le Normand-Caillère, Maître de conférences à l'Université d'Orléans et Co-directrice du Master 2 Droit des affaires et fiscalité
Le 23 Juillet 2015
L'arrêt du 2 juin 2015 de la cour administrative d'appel de Lyon rejette la demande de la société requérante. Au regard de l'article 28 quater de la 6ème Directive-TVA (N° Lexbase : L9279AU9) et de la jurisprudence européenne, les Directives communautaires ne s'opposent pas à ce que l'Etat membre du départ de la livraison intracommunautaire refuse le bénéfice de l'exonération au vendeur alors même que la livraison a bien eu lieu. Pour cela, l'administration fiscale doit établir, au vu d'éléments objectifs, que l'assujetti savait, ou aurait dû savoir, que l'opération réalisée était impliquée dans une fraude commise par l'acquéreur et qu'il n'a pas pris toutes les mesures raisonnables en son pouvoir pour éviter d'y participer.
Selon la cour, si aucun des éléments relevés par le vérificateur n'est en soi suffisant pour établir la connaissance de la société requérante de sa participation à une fraude à la TVA, l'administration fiscale établit, en revanche, suffisamment, en relatant le suivi et l'organisation des livraisons de biens et en mettant en évidence l'importance et la répétition des livraisons à des sociétés dépourvues d'activité réelle, que cette société a manifestement cherché à dissimuler l'identité des véritables acquéreurs. L'administration fiscale était donc en droit de remettre en cause l'exonération de TVA dont avait bénéficié la société. Ni le principe de proportionnalité, ni le principe de neutralité fiscale ne pouvaient être utilement invoqués afin d'échapper au redressement fiscal. En conséquence, l'administration fiscale a justement déduit que la société requérante était impliquée dans une fraude commise par l'acquéreur.
Après avoir précisé que la preuve de la réalité des livraisons intracommunautaires n'est pas en soi un obstacle à une éventuelle remise en cause du bénéfice de l'exonération (I), la cour vient à apprécier la sincérité fiscale de l'opérateur impliqué dans le circuit frauduleux (II).
I - Preuve de la réalité des livraisons intracommunautaires et refus d'exonérer pour fraude à la TVA
S'appuyant sur le contexte de fraude à la TVA entourant les livraisons intracommunautaires de biens (A), la cour administrative d'appel de Lyon énonce dans cet arrêt, à l'appui de la jurisprudence européenne, que la preuve de la réalité des livraisons intracommunautaires demeure sans influence sur une éventuelle remise en cause de l'exonération (B).
A - Contexte de fraude à la TVA entourant les livraisons intracommunautaires
Au regard de l'article 138-1 de la Directive-TVA (1), transposé sous l'article 262 ter, I du CGI (N° Lexbase : L5503HWQ) (2), les livraisons intracommunautaires de biens à destination d'un assujetti situé dans un autre Etat membre sont exonérées de TVA. Elles se trouvent taxées dans le pays d'arrivée. Au regard de ces textes, deux conditions sont traditionnellement exigées pour bénéficier de l'exonération. La première consiste en l'expédition d'un bien à une personne identifiée à la TVA dans un autre Etat membre. La seconde requiert que le bien soit expédié ou transporté hors de France à destination d'un autre Etat membre. Partant, dès lors qu'un assujetti dispose de justificatifs de l'expédition des biens à destination d'un autre Etat membre et du numéro d'immatriculation à la TVA de l'acquéreur, celui-ci se trouve présumé avoir réalisé une livraison intracommunautaire exonérée (3).
Afin de lutter contre la fraude dite "carrousel" (4), l'alinéa 2 de l'article 262 ter I, 1° du CGI exclut le bénéfice de l'exonération "lorsqu'il est démontré que le fournisseur savait ou ne pouvait ignorer que le destinataire présumé de l'expédition ou du transport n'avait pas d'activité réelle". L'exonération des livraisons intracommunautaires a en effet conduit certains opérateurs à tirer profit des difficultés administratives inhérentes aux flux transfrontaliers afin d'échapper in fine au paiement de la TVA ou plus encore, de déduire une TVA non effectivement acquittée (5). Le droit d'un assujetti d'être exonéré peut alors se trouver remis en cause par l'administration fiscale si celle-ci arrive à prouver la fraude. Toute la complexité de ces contentieux réside dans la difficulté de concilier l'impératif de sécurité juridique, pour ne pas pénaliser le fournisseur de bonne foi, avec l'objectif de lutte contre la fraude fiscale. Dans ce type de schéma, il est possible que les "livraisons effectives côtoient des livraisons fictives, sous des apparences de régularité, et que des opérateurs de bonne foi, ont pu être impliqués, à leur insu, dans le circuit de fraude" (6).
Face à de telles fraudes, deux questions se posent aux autorités administratives et juridictionnelles. La première consiste à déterminer si le transfert des biens dans un autre Etat membre a réellement eu lieu. La seconde tient ensuite à définir si l'opérateur soumis à vérification pouvait légitimement ignorer le caractère frauduleux des opérations. Les juges apprécient alors la sincérité fiscale de l'assujetti au regard du nombre d'opérations entachées de fraude dans le circuit. Si la première question semblait jusque là conditionner la seconde, la cour administrative d'appel vient clairement, par cet arrêt, les distinguer.
B - Influence de la preuve de la réalité des livraisons intracommunautaires sur le refus d'exonérer
Dans cette affaire, la réalité des livraisons n'était pas discutée. La société avait, en effet, fourni le numéro d'identification de l'acquéreur mais également rapporté la preuve de la réalité du transport des marchandises à destination de la Grande-Bretagne. Selon la Cour, cette dernière preuve ne constitue pas, néanmoins, pas en soi, un obstacle à une éventuelle remise en cause du bénéfice de l'exonération.
Cette décision peut surprendre d'un point de vue juridique. L'ensemble des conditions édictées par la Directive, pour considérer l'opération comme une livraison intracommunautaire exonérée de TVA, semblait en effet réuni en l'espèce. Le transfert du pouvoir de disposer du bien comme un propriétaire, comme le déplacement physique du bien d'un Etat membre à un autre, étaient réalisés. La cour semble pourtant refuser une approche purement objective des notions de livraisons intracommunautaires, lesquelles devraient s'appliquer indépendamment des buts et des résultats des opérations (7).
Seule la qualité d'assujetti de l'acquéreur pouvait prêter à discussion. Pour l'administration fiscale, ce dernier élément n'était pas avéré de sorte que la société ne pouvait être regardée comme ayant réalisé des livraisons intracommunautaires. Ce problème avait précédemment été soulevé lors d'une décision rendue le 7 décembre 2010, cité dans le présent arrêt, par la Cour de justice de l'Union européenne (8). Dans cette affaire, les juges européens ont considéré qu'en présence d'une livraison intracommunautaire effective, où le vendeur avait dissimulé l'identité du véritable acquéreur des biens afin de permettre à ce dernier d'éluder le paiement de la TVA, l'Etat membre de départ de la livraison peut refuser le bénéfice de l'exonération de la TVA. En opposition aux conclusions délivrées par l'Avocat général, cet arrêt semblait déjà renforcer les conditions pour bénéficier de l'exonération des livraisons intracommunautaires. La cour administrative d'appel se trouve ainsi amenée à apprécier la sincérité de l'opérateur impliqué dans un circuit frauduleux.
II - Appréciation de la sincérité fiscale de l'opérateur impliqué dans un circuit frauduleux
Selon la cour administrative d'appel de Lyon, l'administration fiscale peut remettre en cause l'exonération de la TVA lorsque le fournisseur savait ou aurait dû savoir, en réalisant les diligences nécessaires, que la livraison intracommunautaire qu'il réalisait le conduisait à participer à une fraude fiscale. Par cet arrêt, les juges administratifs acceptent le refus du bénéfice de l'exonération si celles-ci se trouve justifiée par des éléments objectifs (A). Pour ce faire, les juges réalisent une appréciation in concreto de la sincérité fiscale de l'opérateur (B).
A - Recherche d'éléments objectifs remettant en cause la sincérité de l'opérateur
Règne en la matière un régime de preuve objective (9). Le juge administratif tranche le litige au regard des éléments de l'instruction. En tant que telle, aucune des parties n'a à supporter la charge de la preuve. Chacun doit établir et étayer ses propres allégations. Remettant en cause la sincérité de l'opérateur économique, l'administration se devait, en l'espèce, de prouver par des éléments objectifs, au regard de l'alinéa 2 de l'article 262 ter I, 1° du CGI, que le vendeur "savait ou ne pouvait ignorer qu'il participait à une fraude". Ce texte laisse une grande marge d'appréciation aux juges en utilisant une expression floue (10). Il est ainsi revenu à la jurisprudence de définir les contours du pouvoir de l'administration fiscale.
Lors d'une décision précitée du 27 juillet 2005, le Conseil d'Etat a fixé les principales lignes directrices en la matière. En résulte que l'assujetti est présumé avoir réalisé une livraison intracommunautaire exonérée lorsqu'il dispose, non seulement du numéro d'identification de l'acquéreur dans un autre Etat membre, mais également des justificatifs de l'expédition de ses biens. L'accomplissement de ces deux conditions fait présumer la bonne foi de l'assujetti. Toutefois, cette présomption n'est pas simple. L'administration fiscale peut la renverser en établissant l'absence de livraison de biens notamment, comme en l'espèce, en cas d'absence d'activité réelle des sociétés destinataires (11). Néanmoins, il ressort de la jurisprudence européenne que le simple fait pour l'administration fiscale de démontrer l'absence de livraison des biens ne suffit pas à renverser la présomption initialement posée. Les juges européens exigent du fournisseur que toute mesure raisonnable en son pouvoir soit prise pour s'assurer que sa livraison intracommunautaire ne le conduise pas à participer à la fraude (12). Un Etat membre peut ainsi refuser le bénéfice de l'exonération même si la livraison intracommunautaire a bien eu lieu lorsque le fournisseur a dissimulé l'identité du véritable acquéreur afin d'éluder le paiement de la TVA (13). Plus récemment, la CJUE a refusé l'exonération de TVA pour un assujetti ayant connaissance d'une fraude dans un autre Etat membre, cela, malgré le respect des conditions formelles prévues par sa législation nationale (14). L'opérateur de bonne foi se trouve ainsi préservé. Le seul fait d'être impliqué dans un circuit frauduleux ne suffit pas à exclure l'exonération de TVA. Il appartient aux autorités fiscales nationales d'établir que l'opérateur savait, ou aurait dû savoir, que l'opération litigieuse était impliquée dans un circuit frauduleux. Cela suppose une appréciation in concreto de la sincérité fiscale de l'opérateur.
B - Appréciation in concreto de la sincérité fiscale de l'opérateur
La cour administrative d'appel s'efforce de reprendre les éléments de l'instruction permettant d'établir que la société requérante savait ou aurait dû savoir que le véritable acquéreur des biens n'était pas celui figurant sur les factures d'achats. Elle a ainsi recherché si le contribuable pouvait ou non ignoré le caractère frauduleux des pratiques auxquelles il a été mêlé. Cette appréciation in concreto suppose une analyse psychologique sur les actes passés.
Les juges administratifs relèvent, en effet, que le vérificateur a refusé l'exonération de TVA pour quatre clients représentant 72 % du chiffre d'affaires de la société au motif qu'ils étaient impliqués dans une fraude à la TVA. Trois d'entre eux n'avaient jamais déclaré de TVA tandis que le quatrième avait usurpé le numéro de TVA intracommunautaire d'un autre opérateur. L'agent de l'administration fiscale a également constaté que sur l'ensemble de la période vérifiée, l'essentiel de l'activité avait été réalisée avec quelques sociétés, régulièrement renouvelées, aucun client important n'ayant pu être constaté sur plus de deux exercices. En effet, le délai entre la date de création et la date de cessation d'activité des clients, apprécié au regard de la validité du numéro de TVA intracommunautaire, s'avérait très court en moyenne. Le début de la relation contractuelle débutait peu de temps après la création desdites sociétés. Le vérificateur a en outre relevé que si les lettres de voitures CMR produites attestent bel et bien du transport des biens en cause dans un autre Etat membre, elles établissent également que les biens n'étaient pas livrés aux entreprises officiellement clientes mais à d'autres sociétés constituant les destinataires finaux des marchandises revendues. Malgré l'importance des flux à destination de ces sociétés, les dossiers de la société requérante étaient presque vides.
La cour administrative d'appel de Lyon prend ainsi en compte l'importance des relations commerciales établies entre les entreprises, notamment en déterminant la part de chiffres d'affaires représentée par les clients fraudeurs. Elle analyse également les documents et moyens de transports de marchandises ainsi que les pièces et autres documents comptables ou financiers importants. Selon la cour, si les éléments pris isolément ne sont pas suffisamment déterminants pour établir la connaissance de la société de sa participation dans un circuit frauduleux, en revanche, l'administration fiscale établit, en relatant le suivi et l'organisation des livraisons de biens et en mettant en évidence l'importance et la répétition des livraisons à des sociétés dépourvues d'activité réelle, que cette société a manifestement cherché à dissimuler l'identité des véritables acquéreurs. Les juges ont ainsi utilisé la méthode du faisceau d'indices afin d'établir le manque de sincérité de l'opérateur. En acceptant de réaliser les opérations intracommunautaires et en couvrant ses clients, la société requérante a ainsi participé au circuit frauduleux en ne prenant pas les mesures raisonnables et adéquates en son pouvoir pour refuser d'en faire partie.
Cette appréciation in concreto n'est toutefois pas sans limite. Ce régime de preuve objectif reste encadré par le principe communautaire de proportionnalité selon lequel les mesures des Etats membres ne doivent pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer la perception de la taxe et éviter ainsi la fraude.
(1) Sixième Directive-TVA, art. 28 quater (désormais art. 138-1 de la Directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 N° Lexbase : L7664HTZ).
(2) CGI. art. 262 ter, I, 1° I, alinéa 1er : "Sont exonérés de la TVA [...] 1° Les livraisons de biens expédiés ou transportés sur le territoire d'un autre Etat membre de la Communauté européenne à destination d'un autre assujetti ou d'une personne morale non assujettie".
(3) CE 3° et 8° s-s-r., 27 juillet 2005, n° 273619 et n° 273620, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A1510DK7) ; Dr. fisc., 2006, n° 12, comm. 268, concl. L. Olléon ; RJF, 11/ 2005, n° 1173 ; BDCF, 11/2005, conc. L. Olléon.
(4) Lors de son étude relative à la fraude sur les livraisons intracommunautaires, le Professeur Yolande Sérandour explique les techniques employées en matière de fraude dite carrousel (Y. Sérandour, La fraude à la TVA sur les livraisons intracommunautaires, Dr. fisc., 2011, n° 36, ét. 491, § 1): "Une entreprise A située dans un Etat membre autre que la France vend des marchandises à une entreprise B établie en France. A est exonérée de TVA et B doit autoliquider la TVA en France. B revend les marchandises à un client C, également établi en France en lui facturant la TVA française, mais sans la reverser. C déduit cette TVA facturée puis revend les marchandises, parfois au premier vendeur, en l'occurrence A. Afin de compliquer la découverte de cette fraude, les complices multiplient les reventes et intercalent ainsi plusieurs entreprises, souvent dans l'ignorance du circuit frauduleux. Si l'on ajoute que le fraudeur disparaît très rapidement du circuit économique concerné, il est illusoire d'espérer un recouvrement a posteriori. Le Trésor public de chaque Etat membre perd ainsi beaucoup de TVA sur des acquisitions intracommunautaires, sur des reventes avec TVA non reversée et à l'occasion de l'exercice de droits à déduction ne correspondant à aucune TVA acquittée par les fournisseurs. Ni l'Union européenne, ni les Etats membres ne pouvaient rester inertes". V. également : J. Bellaiche, Les mécanismes de la fraude à la TVA - Cas pratique, Lexbase Hebdo n° 605 du 19 mars 2015 - édition fiscale (N° Lexbase : N6448BUD). M. Cozian et Fl. Deboissy, Précis de fiscalité des entreprises, 38ème éd., LexisNexis, 2014, n° 1519 et s., p. 638 et s..
(5) Y. Sérandour, La fraude à la TVA sur les livraisons intracommunautaires, Dr. fisc., 2011, n° 36, ét. 491.
(6) J.-P. Maublanc, La preuve de la réalité et de la sincérité des livraisons intracommunautaires de biens, Rev. dr. transp., 2013, n° 3, chron. 6.
(7) CJCE, 27 septembre 2007, aff. C-409/04 (N° Lexbase : A5702DYT) et aff. C-184/05 (N° Lexbase : A5697DYN), Dr. fisc., 2007, n° 40, act. 1041 ; RJF, 12/2007, n° 1511.
(8) CJUE, Grande chambre, 7 décembre 2010, aff. C-285/09 (N° Lexbase : A4955GMH) : Europe 2011, comm. 84, obs. A.-L. Mosbrucker ; RJF, 2011/394.
(9) D. Gutmann, Droit fiscal des affaires, 4ème éd., LGDJ, Domat droit privé, 2014, n° 910, p. 638. Pour une étude sur la preuve objective, v. : C. De La Mardière, La preuve objective dans le contentieux fiscal, Dr. fisc., 2006, n° 14, ét. 13.
(10) Ce texte dispose que : "L'exonération ne s'applique pas lorsqu'il est démontré que le fournisseur savait ou ne pouvait ignorer que le destinataire présumé de l'expédition ou du transport n'avait pas d'activité réelle".
(11) CE 3° et 8° s-s-r., 27 juillet 2005, n° 273619 et n° 273620, mentionné aux tables du recueil Lebon, préc., Dr. fisc., 2006, n° 12, comm. 268, concl. L. Olléon ; RJF, 11/ 2005, n° 1173 ; BDCF, 11/2005, conc. L. Olléon. V. également dans le même sens : CE 3° et 8° s-s-r., 25 février 2011, n° 312290, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A6970GZ8), Dr. fisc., 2011, n° 22, comm. 375, concl. N. Escaut, note J.-M. Vié ; RJF, 5/11, n° 562. Pour une application récente en droit interne : CE 3° et 8° s-s-r., 9 mars 2012, n° 330760, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A3335IEA), Dr. fisc., 2012, n° 21, comm. 310, concl. E. Geffray.
(12) CJCE, 27 septembre 2007, aff. C-409/04 et aff. C-184/05, Dr. fisc., 2007, n° 40, act. 1041 ; RJF, 12/2007, n° 1511. V. également : CJCE, 21 février 2008, aff. C-271/06 (N° Lexbase : A0002D79) : Dr. fisc., 2008, n° 10, act. 66 ; RJF, 2008, n° 654.
(13) CJUE, Grande chambre, 7 décembre 2010, aff. C-285/09, préc. : Europe 2011, comm. 84, obs. A.-L. Mosbrucker.
(14) CJUE, 18 décembre 2014, aff. C-131/13 (N° Lexbase : A7889M7C).
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