Lexbase Affaires n°419 du 9 avril 2015

Lexbase Affaires - Édition n°419

Bancaire

[Jurisprudence] La mention du taux effectif global sur les relevés périodiques d'un compte courant peut suppléer pour l'avenir l'irrégularité du taux figurant dans le contrat initial

Réf. : Cass. com., 10 mars 2015, n° 14-11.616, F-P+B (N° Lexbase : A3247NDM)

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N6857BUI

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par Philippe Emy, Maître de conférences à la Faculté de droit de Bordeaux, Institut de Recherche en Droit des Affaires et du Patrimoine (IRDAP)

Le 09 Avril 2015

Au fil des ans, le contentieux relatif au taux effectif global (TEG) ne se tarit pas. La faiblesse des taux d'intérêt actuels, et par voie de conséquence du taux légal, incite par ailleurs les emprunteurs à multiplier les actions en justice, dans la mesure où l'absence d'indication du taux effectif global -à laquelle il faut assimiler l'irrégularité du taux- est sanctionnée par la nullité de la stipulation du taux d'intérêt conventionnel et donc par l'application du taux légal. Afin d'adapter cette sanction à la complexité du découvert en compte, la Cour de cassation a édifié un système tout en subtilité. Pour cela, elle a dû composer avec deux contraintes. La première est juridique : le TEG doit être fixé par écrit, habituellement dans le contrat (1). La seconde est d'ordre pratique : le TEG ne peut matériellement être calculé qu'après utilisation de l'ouverture du crédit, car certains éléments indispensables à sa détermination varient en fonction de l'utilisation qui est faite de l'autorisation de découvert (2). Au final, une jurisprudence maintes fois réitérée affirme que le TEG doit figurer dans la convention initiale, et ce sous forme d'exemples chiffrés, tout en sachant que chaque relevé doit indiquer pour la période écoulée le TEG effectivement appliqué (3). Ce compromis entre impératif juridique et exigence pratique pose bien entendu un certain nombre de difficultés, comme le montre l'arrêt rendu le 10 mars 2015 par la Chambre commerciale de la Cour de cassation. Une nouvelle fois, la question est posée à la Haute juridiction de savoir quelles conséquences peuvent être tirées de l'absence d'indication du TEG dans la convention initiale en cas de fixation dudit taux dans les relevés postérieurs. En l'espèce, une société souscrit auprès de sa banque une ouverture de crédit d'un montant de 1 320 000 euros et d'une durée de 24 mois, et ce par acte notarié daté du 31 octobre 2006. Le contrat précise que la banque sera rémunérée par le versement d'intérêts, au taux de 5,333 % par an. Ce taux est stipulé variable en fonction de l'évolution du taux moyen Euribor à trois mois, mais aucune mention n'indique la base annuelle sur laquelle il est calculé. Le lien avec la technique du compte courant est a priori loin d'être évident, mais l'acte authentique nous informe que la créance en capital de la banque résultera du solde d'un compte identifié, que le compte en question a la nature de compte courant et qu'il sera soumis aux conditions générales de la banque. La société a demandé la nullité de la stipulation de l'intérêt conventionnel, dans la mesure où la banque a eu recours à l'usage bancaire "du diviseur 360", encore appelé technique de l'année lombarde -qui permet d'augmenter la rémunération du banquier tout en facilitant les calculs pour déterminer le montant des intérêts-, alors que le contrat ne contenait aucune clause en ce sens (4). De son côté, la banque a estimé que la clause spécifique prévoyant l'utilisation de cette méthode dite "lombarde" était effectivement intégrée au contrat puisque l'acte authentique renvoyait aux conditions générales de la banque, ces dernières faisant référence à ce mode de calcul. La cour d'appel de Lyon (5) a interprété l'acte authentique ainsi que les conditions générales visées par l'acte pour en conclure que le recours à l'année lombarde ne figurait dans aucun des deux documents. La société aurait dès lors pu demander une restitution des intérêts indûment versés, c'est-à-dire calculés irrégulièrement par rapport au taux débiteur qui, lui, était régulièrement indiqué dans l'acte en application de l'article 1907 du Code civil (N° Lexbase : L2132ABL). Elle a cependant choisi, et on la comprend, de demander la nullité de la stipulation du taux pour cause d'irrégularité du TEG. En effet, le calcul du TEG comprenant le taux d'intérêt débiteur, une erreur d'application de ce taux débiteur se traduit nécessairement par une erreur de calcul du TEG. La cour d'appel de Lyon a fait droit à cette demande et a décidé, en conséquence, que la banque devait rembourser à la société la somme de 89 144,89 euros.

La Chambre commerciale de la Cour de cassation, dans sa décision en date du 10 mars 2015, a cassé l'arrêt de la cour d'appel de Lyon en visant les articles 1907 du Code civil et L. 313-2 du Code de la consommation (N° Lexbase : L7963IZX). Ce n'est bien entendu pas l'interprétation de la convention qui a justifié cette cassation -dans la mesure où les juges du fond sont souverains en la matière sauf en cas de dénaturation de l'acte- mais bien les conséquences que la cour d'appel a pu déduire de l'irrégularité du TEG dans le contrat initial.

Dans un attendu de principe, la Cour de cassation affirme qu'"en cas d'ouverture de crédit en compte courant, la mention sur les relevés périodiques de compte du taux effectif global régulièrement calculé pour la période écoulée vaut information de ce taux pour l'avenir à titre indicatif, et, suppléant l'irrégularité du taux figurant dans le contrat initial, emporte obligation, pour le titulaire du compte, de payer les intérêts au taux conventionnel à compter de la réception sans protestation ni réserve de cette information, même si le taux effectif global constaté a posteriori, peu important qu'il soit fixe ou variable, est différent de celui qui a été ainsi communiqué". Elle précise ainsi une solution classique selon laquelle, en matière de compte courant, le TEG indiqué sur les relevés envoyés par la banque peut suppléer l'absence d'indication de TEG dans la convention principale (6). L'importance quantitative du contentieux et la résistance opposée par certains juges du fond justifient, semble-t-il, que l'arrêt reçoive les honneurs de la publication au Bulletin.

Afin de présenter au mieux la solution de l'arrêt, nous exposerons, dans un premier temps, le principe selon lequel le TEG mentionné dans le relevé de compte peut suppléer l'absence de fixation dudit taux dans la convention initiale (I), avant de détailler, dans un second temps, le régime applicable (II).

I - Le principe : la prise en compte du TEG mentionné dans le relevé comme palliatif à l'absence de fixation du taux dans le contrat

La solution dégagée par la Cour de cassation n'est pas en soi innovante, mais le détail du raisonnement tenu permet de mieux saisir le mécanisme mobilisé (A) et son domaine d'application (B).

A - Le mécanisme justifiant la prise en compte du TEG mentionné dans le relevé

Avant de détailler le raisonnement qui sous-tend la solution retenue par la Cour, il est nécessaire de clarifier un point précis. On avance souvent l'idée selon laquelle, pour respecter le formalisme de l'article 1907 du Code civil et de l'article L. 313-2 du Code de la consommation, le taux d'intérêt doit simplement, en matière de compte courant, être indiqué par écrit, mais n'a pas à être accepté. Cela est vrai pour l'indication du TEG appliqué sur les relevés envoyés au client, mais cela suppose tout de même qu'un accord concernant le taux ait été trouvé préalablement dans le contrat initial : soit le taux débiteur y est fixé, soit il est fait référence à un taux variable objectif (comme c'était le cas en l'espèce), soit la variation est en partie laissée à l'appréciation de la banque par renvoi au taux de base bancaire (7). Il faut bien comprendre, pour appréhender correctement la difficulté propre au compte courant, que l'irrégularité du TEG entraînant nullité de la stipulation du taux débiteur, il en résulte que le contrat conclu ne contient rétroactivement aucun accord concernant ce taux, ni sur son montant, ni sur son mode de détermination. Dès lors, une fixation ultérieure dudit taux requiert nécessairement un nouvel accord de volontés.

La difficulté principale tient ici à la nullité de la stipulation de l'intérêt conventionnel prévu dans le contrat de crédit, consécutive à l'absence de fixation du TEG ou à l'irrégularité de ce taux stipulé dans la même convention. Dans cette hypothèse, on doit considérer que la convention n'a jamais mentionné le taux débiteur applicable, en conséquence de quoi seul le taux légal est dû (8). Mais alors, comment un relevé de compte pourrait-il faire en sorte qu'une clause nulle du contrat principal puisse produire des effets pour le futur ? L'idée développée ici par la Cour de cassation tient à ce que l'envoi du relevé va participer à la formation d'un nouvel accord de volontés concernant la stipulation du taux. Cet accord est certes tacite -nous y reviendrons- mais il doit permettre à l'ouverture de crédit de produire des intérêts. Bien entendu, les intérêts en question ne seront dus qu'à compter de cet accord de volontés : ici, toute rétroactivité est à exclure. La décision commentée est particulièrement éloquente quant à cette analyse. En effet, elle insiste sur le fait que l'information ainsi délivrée vaut pour l'avenir et à titre indicatif. Cette référence au rôle indicatif renvoie bien entendu à la jurisprudence selon laquelle, dans un compte courant, la convention initiale censée contenir le TEG doit proposer un ou des exemples à titre indicatif. Le TEG ne pouvant être, en la matière, déterminé par avance, la jurisprudence exige simplement un ou des exemples chiffrés dans la convention initiale, puis la fixation du taux appliqué dans les relevés. Le nouvel accord de volontés étant formalisé par le relevé de compte, on lui applique logiquement le même régime que celui initialement prévu pour l'accord de volontés constaté dans le contrat initial.

On remarquera que la solution applicable ici au compte courant, c'est-à-dire au découvert en compte, a quelque chose de surprenant au regard du droit commun du TEG. Rappelons tout d'abord que la solution jurisprudentielle commandant d'indiquer le TEG en deux temps -un TEG à titre indicatif dans le contrat initial puis le TEG appliqué dans chaque relevé- tient à ce qu'il n'est pas possible matériellement de calculer le TEG de façon préalable à l'utilisation du découvert. La double information a donc pour objet de sauver le mécanisme du compte courant au regard des exigences d'ordre public posées en matière de TEG. Ensuite, il faut insister sur le fait que, dans un prêt classique, la jurisprudence ne permet pas de suppléer l'absence de TEG dans le contrat initial par un relevé -quelle que soit sa fréquence- ou tout autre document précisant ledit taux et adressé postérieurement à l'emprunteur. La Chambre commerciale le reconnait d'ailleurs en réservant expressément sa solution au seul compte courant. Pour les prêts classiques, la sanction -consistant en l'application du taux légal- est alors irrémédiable. On voit dès lors difficilement ce qui juridiquement justifie d'accorder un traitement plus favorable au compte courant. L'ouverture du crédit est un contrat unique, et non pas une succession de contrats aussi nombreux qu'il y aurait de relevés de compte. Pourquoi permettre de sauvegarder la perception d'intérêts conventionnels futurs dans le découvert en compte et pas dans les autres opérations de crédit ? La justification purement juridique fait ici défaut. On nous objectera que la solution est, d'un point de vue pratique, particulièrement opportune. Elle l'est très certainement... mais pour les établissements de crédit et non pas pour leurs clients.

B - Le domaine d'application de la prise en compte du TEG fixé dans le relevé

La solution est opportune, c'est en tout cas ce que considère la Chambre commerciale qui l'applique depuis plusieurs années. Les termes employés dans l'attendu de principe permettent d'en déterminer le domaine d'application.

Tout d'abord, la Cour de cassation prend soin de rappeler que la solution s'applique en matière de compte courant, ce qui exclut a contrario son application pour d'autres contrats de prêt ou ouvertures de crédit. On peut regretter l'emploi persistant de ces termes utilisés par la jurisprudence et la pratique pour décrire des réalités au final fort différentes. Le compte courant est souvent présenté comme une technique de règlement des créances réciproques entre deux commerçants, permettant de dégager un solde unique. Ce n'est donc pas par nature un compte bancaire. Pourtant, il est évident qu'ici la solution concerne des comptes en banque. De même, on distingue parfois -même si la doctrine se rend compte de l'inanité de l'opposition- le compte courant et le compte de dépôt, en ce que ce dernier, simple cadre comptable, ne permettrait pas de dégager à tout moment un solde provisoire unique par fusion des créances réciproques. Ce n'est certainement pas cette analyse structurelle qui est retenue par la Chambre commerciale dans ce contentieux. Reste une dernière conception attachée à la qualification de compte courant : il s'agirait d'un compte ouvert par une banque à un commerçant ou à un professionnel. C'est sans doute cette conception des choses qu'il faut retenir ici. Sans que cela porte véritablement à conséquence, dans la mesure où la première chambre civile de la Cour de cassation fait également parfois référence à la notion de compte courant pour des questions relatives au TEG.

On peut justement s'interroger sur le point de savoir si la première chambre civile de la Cour de cassation, qui a également à connaître de ce contentieux, partage le point de vue de la Chambre commerciale. Dans deux décisions, la chambre civile a estimé que "en matière de prêt d'argent, l'exigence d'un écrit mentionnant le taux de l'intérêt conventionnel est une condition de validité de la stipulation d'intérêts ; et qu'en l'absence d'un accord écrit sur ce point, l'indication du taux d'intérêt sur les relevés de compte ne répond pas à cette exigence, lors même qu'elle ne fait pas l'objet d'une protestation de la part du client" (9). A priori, sa position est incompatible avec celle retenue par la Chambre commerciale. Cependant, ces deux décisions ne visent que l'article 1907, alinéa 2, du Code civil et font référence à un compte de dépôt assorti d'un découvert en compte. D'autres arrêts plus récents, hélas non publiés au Bulletin, semblent retenir une solution identique à celle posée par la Chambre commerciale, cette fois-ci applicable aux ouvertures de crédit en compte courant (10), en visant à la fois les articles 1907 du Code civil et L. 313-1 du Code de la consommation (N° Lexbase : L6649IM9) (11). La contradiction n'est sans doute qu'apparente, dans la mesure où un arrêt plus ancien de la première chambre civile a pu affirmer à la fois que, concernant l'article 1907 du Code civil, "en matière de prêt d'argent, l'exigence d'un écrit mentionnant le taux de l'intérêt conventionnel est une condition de validité de la stipulation d'intérêt, et qu'en l'absence d'un accord écrit sur ce point, l'indication du taux d'intérêt sur les relevés de compte ne répond pas à cette exigence, lors même qu'elle ne fait pas l'objet d'une protestation de la part du client" et que, concernant la mention du TEG, "la reconnaissance de l'obligation de payer des intérêts conventionnels suppose la fixation préalable, par écrit, de leur taux ; que cette reconnaissance peut résulter de la réception sans protestation ni réserve des relevés de compte par l'emprunteur" (12). Cette différence de traitement peut tout à fait se justifier en ce que le taux d'intérêt débiteur est un élément constitutif du contrat sur lequel il faut s'entendre alors que le TEG, qui n'en est que la conséquence, doit simplement être mentionné.

Ensuite, la Chambre commerciale précise que sa solution s'applique que le taux soit fixe ou variable. A ce propos, la formule employée par la Cour de cassation n'est pas la plus heureuse, étant donné qu'on a l'impression que c'est le TEG qui peut être stipulé fixe ou variable. En réalité, comme la doctrine l'a démontré, le TEG n'est pas en soi un véritable taux mais une information standardisée apportée à l'emprunteur. Seul le taux débiteur peut être fixe ou variable, et s'agissant d'un découvert en compte, il est pratiquement rarissime qu'il ne soit pas stipulé variable. Le TEG peut également être affecté en fonction des différentes commissions qui pourront être prélevées à l'occasion de l'utilisation de l'ouverture de crédit. Et l'on sait que ce sont ces deux raisons qui justifient que le TEG d'un découvert en compte ne peut être fixé définitivement par avance. Même si la conclusion d'un découvert en compte à taux fixe est hypothétique, cela signifie tout de même que, pour la Chambre commerciale, les solutions spécifiques attachées au compte courant en matière de TEG ne tiennent aucunement à la variabilité du taux d'intérêt mais bien à la structure de ce contrat en tant qu'opération de crédit.

II - Le régime attaché à la prise en compte du TEG mentionné dans le relevé

La possibilité de suppléer à l'absence de TEG dans la convention initiale par une mention du TEG dans les relevés postérieurs, fondée sur un accord entre les parties quant à la modification du taux applicable, justifie, d'une part, que seuls certains intérêts seront concernés par l'application du nouveau taux (A) et, d'autre part, que le client a normalement la possibilité d'émettre des protestations ou des réserves à la suite de la réception de cette information (B).

A - Les intérêts dus par le client

En l'absence de clause indiquant le TEG dans le contrat initial, le fait de mentionner un tel TEG permettrait donc de sceller l'accord des parties sur cette question. Le consentement de l'établissement de crédit serait attaché à l'envoi du relevé comportant le taux alors que celui du client serait de nature tacite, l'absence d'opposition de sa part permettant de démontrer son accord. Cette rencontre des consentements aura bien souvent tout d'une fiction. En effet, la plupart du temps, l'établissement de crédit et le client n'ont pas conscience, au moment de l'envoi du relevé, de l'irrégularité du TEG fixé dans la convention initiale. Dès lors, comment pourraient-ils vouloir cantonner les effets de cette nullité en consentant à la perception d'intérêts pour le futur sans même en connaître l'existence ?

D'un point de vue pratique, il est évident qu'il faut dissocier les intérêts en fonction de leur date de naissance. Les intérêts dus avant l'envoi du relevé comprenant le TEG sont toujours affectés par la nullité et seul le taux légal sera dû pour ce qui les concerne. Seuls les intérêts postérieurs au relevé de compte portant mention du TEG seront dus. On remarquera -et c'est tout l'intérêt de la solution- que la sanction qui devait frapper l'ouverture de crédit dans sa totalité se réduira comme peau de chagrin, dans la mesure où le premier relevé indiquant un TEG envoyé au client mettra fin à la sanction. Au final, le client ne pourra espérer la restitution de la différence entre les intérêts au taux conventionnel et ceux calculés à partir du taux légal que pour la période séparant la conclusion du contrat et le premier relevé comportant mention d'un TEG. Autant dire que le montant sera bien moindre que les 89 144,89 euros qui, en l'espèce, avaient été accordés par la cour d'appel.

La Cour de cassation met en avant l'erreur d'analyse commise par la cour d'appel de Lyon. Cette dernière avait cru pouvoir juger que l'envoi d'un relevé avec indication d'un TEG ne pouvait suppléer l'irrégularité d'origine, puisque le taux effectif global pratiqué n'a jamais été identique, pour la période suivant l'envoi d'un relevé de compte, au taux indiqué sur ce relevé. On comprend que l'analyse de la cour d'appel ne pouvait pas ici prospérer. En effet, dès lors que le relevé permet de démontrer l'existence d'un accord entre les parties sur le futur taux appliqué, cet accord est lui-même soumis au particularisme du compte courant. On le sait, il est, en la matière, impossible de prévoir par avance le TEG applicable. Un nouvel accord de volontés ne peut ainsi proposer que des taux indicatifs, le taux applicable pour le mois ou le trimestre précédent -même si ces intérêts ne sont pas dus- constituant sans doute le taux indicatif le plus pertinent à communiquer au client.

B - L'exception liée à la protestation du client

La Cour considère que la mention du TEG sur le relevé emporte obligation pour le titulaire du compte de payer les intérêts conventionnels à compter de sa réception, mais ajoute une condition : l'absence de protestation ou de réserve de la part du client une fois le relevé reçu.

La possibilité de valider certaines opérations dès lors qu'elles sont portées sur le relevé est une technique éprouvée en droit bancaire. Il convient cependant ici d'expliquer le ressort juridique mobilisé par la Cour de cassation. Pour cela, il faut rappeler que, si la mention du TEG sur le relevé permet de pallier partiellement l'irrégularité dans le contrat initial, c'est parce que les parties décident, par un nouvel accord de volontés, de modifier le contrat en cours et donc de déterminer le taux d'intérêt à verser. On comprend que le seul envoi du relevé ne peut suffire et qu'il faut donc caractériser l'acceptation du titulaire du compte, même si la tâche en est facilitée par la Cour de cassation. En effet, l'acceptation par le client revêt ici un caractère tacite : l'absence de protestation après réception de l'arrêté de compte. Cela signifie a contrario que le client peut émettre certaines réserves ou protester contre l'indication du TEG.

A notre avis, il importe de distinguer cette solution de la clause -devenue de style- selon laquelle la non-contestation de certaines opérations par le client dans un délai convenu -généralement un mois- entraîne reconnaissance des opérations concernées. En effet, dans ce cas là, la Cour de cassation a pu décider qu'une telle clause avait pour effet, en cas de silence gardé pendant un mois, non pas d'accepter tacitement les opérations portées en compte mais de les présumer valides. Il ne s'agit là que d'une présomption simple, le client conservant la possibilité de contester la réalité ou la validité d'une opération pendant toute la durée de la prescription (13). Si la formule retenue par la Cour de cassation semble voisine de celle employée dans cette clause, le mécanisme utilisé quant à lui diffère. Tout d'abord, on remarquera qu'il ne peut s'agir ici de présumer valables des opérations antérieures, puisqu'en l'espèce la fixation d'un taux débiteur ne vaut que pour l'avenir (14). Dès lors, si la référence à une protestation ou à une réserve peut avoir un sens, et nous pensons qu'elle en a un, c'est uniquement en ce que le titulaire du compte pourrait refuser la modification proposée. Ensuite, et de façon plus essentielle, il y a effectivement ici une présomption, mais celle-ci n'est pas un effet du contrat voulu par les parties mais a, au contraire, pour objet de prouver le consentement à une clause dudit contrat. L'objectif est donc de prouver un consentement à une modification du contrat sans recours à un écrit, c'est-à-dire de démontrer un consentement tacite. La jurisprudence est généralement réservée quant à cette possibilité et exige à tout le moins un silence circonstancié. Deux analyses peuvent ici être envisagées. Soit l'on voit dans cette solution un usage, même si la Cour de cassation ne l'a jamais présenté de la sorte, le risque tenant alors à une délimitation stricte du périmètre de l'usage en question. Soit il s'agit d'une présomption du fait de l'homme permettant de démontrer l'acceptation tacite. Un fait juridique -en l'espèce le silence gardé après réception du relevé- permet de présumer le consentement du client. Du point de vue du régime juridique, l'explication fondée sur la présomption du fait de l'homme conduit à ne pas appliquer le délai d'un mois auparavant évoqué. Les juges du fond devraient donc souverainement décider du moment à partir duquel on peut considérer qu'il y a eu acceptation tacite.

Nous avons déjà évoqué la fiction selon laquelle le client est censé savoir, dès la réception du relevé, que le taux prévu dans le contrat initial est erroné. Nous pouvons ici en dénoncer une autre : celle qui présume que le client a connaissance de la solution jurisprudentielle en vertu de laquelle l'indication du TEG pour l'échéance passée sur le relevé vaut également offre de stipulation d'intérêts pour l'avenir. En effet, seule la connaissance de cette jurisprudence pourrait justifier le recours à la technique de l'acceptation tacite. Le cas d'espèce montre d'ailleurs ce que la solution peut avoir d'excessif. Pour mémoire, il y avait une discordance entre le mode de calcul du taux d'intérêt débiteur tel que prévu par le contrat et le mode de calcul effectivement appliqué par la banque, ce qui s'est traduit par un TEG erroné. L'envoi du relevé indiquant a posteriori le TEG appliqué de façon irrégulière emportait dans le même temps validation de la stipulation d'intérêts pour l'avenir et donc de l'utilisation de la méthode de l'année lombarde. Si seul le TEG est fixé sans autres précisions, cela ne revient-il pas à valider du même coup les éléments de calcul de ce TEG et, en l'espèce, le recours au calcul de l'année lombarde, sans que le titulaire du compte n'en ait conscience ? Finalement, on peut se demander si ce que la Cour de cassation accorde d'une main en proclamant que le défaut de mention du TEG dans la convention initiale entraîne nullité de la stipulation de l'intérêt conventionnel, elle ne le reprend pas d'une autre. Autrement dit, puisque le nouveau taux est censé à la fois répondre au formalisme légal mais également respecter l'exigence d'une rencontre des consentements, il serait pertinent de déterminer si la simple mention du TEG suffit ou s'il ne faudrait pas de nouveau que les éléments essentiels au calcul de ce TEG, dont notamment le taux débiteur, soient détaillés (15). En effet, la stipulation d'origine étant nulle, il faut s'accorder sur tous les éléments participant à la détermination de ce TEG. En ce sens, la Cour y fait référence, certes un peu rapidement, en exigeant que le taux effectif global soit régulièrement calculé pour la période écoulée. Or, un calcul régulier suppose logiquement que l'on s'accorde sur les éléments nécessaires à ce calcul, et donc qu'ils soient indiqués dans le relevé. C'était sans doute le cas en l'espèce, dans la mesure où le pourvoi formé par la banque affirmait que, de façon générale, les indications figurant sur le relevé peuvent suppléer l'absence de fixation du taux si elles sont "suffisamment complètes". Une jurisprudence antérieure avait pu statuer en ce sens (16). On aurait apprécié que la Cour de cassation, récapitulant dans son attendu de principe tous les éléments de régime applicables, reprenne expressément à son compte cette condition.


(1) C. consom., art. L. 313-2 (N° Lexbase : L7963IZX).
(2) Commission du plus fort découvert, commission de forçage dans certaines hypothèses... En ce sens, cf. Cass. com., 8 novembre 2005, n° 04-11.069, F-P+B (N° Lexbase : A5961DLD), Bull. civ. IV, n° 217.
(3) Cass. com., 9 juillet 1996, n° 94-17.612, publié (N° Lexbase : A2511ABM), Bull. civ. IV, n° 205 ; Cass. com., 5 mai 1998, n° 95-13.028, publié (N° Lexbase : A2354AC8), Bull. civ. IV, n° 148 ; Cass. com., 5 octobre 2004, n° 01-12.435, FS-P+B (N° Lexbase : A5566DDI), Bull. civ. IV, n° 180 ; Cass. com., 20 février 2007, n° 04-11.989, F-P+B+R (N° Lexbase : A2787DUR), Bull. civ. IV, n° 47 ; Cass. com., 18 mars 2014, n° 13-13.618, F-D (N° Lexbase : A7504MHE).
(4) Une telle clause est validée par la chambre commerciale (Cass. com., 24 mars 2009, n° 08-12.530, FS-P+B N° Lexbase : A2120EEA, Bull civ. IV, n° 44), mais pas par la première chambre civile, tout du moins pour les prêts consentis aux consommateurs (Cass. civ. 1, 19 juin 2013, n° 12-16.651, FS-P+B+I N° Lexbase : A2042KH4, Bull. civ. I, n° 132).
(5) CA Lyon, 31 octobre 2013, n° 12/03450 (N° Lexbase : A7868KNQ).
(6) Cass. com., 6 avril 1999, n° 96-15.337, publié (N° Lexbase : A6655AHX), Bull. civ. IV, n° 82 ; Cass. com., 18 février 2004, n° 01-12.123, FS-P (N° Lexbase : A3121DB9), Bull. civ. IV, n° 38 ; Cass. com., 30 octobre 2007, n° 06-13.852, F-D (N° Lexbase : A2309DZK).
(7) Une certaine doctrine considère que le taux de base de la banque est en soi un taux objectif, dans la mesure où il dépend des conditions de refinancement de la banque sur le marché. Il l'est sans doute d'un point de vue économique. Mais, d'un point de vue juridique, la faculté de laisser la banque fixer unilatéralement le taux n'a été possible qu'en évinçant l'article 1129 du Code civil (N° Lexbase : L1229AB7), ce qui revient à dire qu'il s'agit bien d'un pouvoir -qui peut être contractuellement réservé à la banque sous réserve de l'abus de droit- et donc d'une variation du taux au moins partiellement subjective.
(8) La nullité de la stipulation du taux d'intérêt -dépendant des articles 1907 du Code civil (N° Lexbase : L2132ABL) et L. 313-2 du Code de la consommation- ne doit pas être confondue avec la question du caractère onéreux ou gratuit du contrat de prêt qui est envisagée dans l'article 1905 du Code civil (N° Lexbase : L2129ABH), lequel ne pose qu'une règle de preuve et pas une règle de fond.
(9) Cass. civ. 1, 17 janvier 1995, n° 92-15.258, publié (N° Lexbase : A8146ABC), Bull. civ. I, n° 36 ; Cass. civ. 1, 6 mars 2003, n° 00-16.304, F-D (N° Lexbase : A8198BSG).
(10) Ce qui pourrait exclure les crédits dépendant du droit de la consommation, même si les arrêts ne disent rien de tel.
(11) Cass. civ. 1, 30 octobre 2008, n° 05-10.193, F-D (N° Lexbase : A0547EBU) ; Cass. civ. 1, 28 octobre 2010, n° 09-13.864, F-D (N° Lexbase : A0308GDR).
(12) Cass. civ. 1, 15 juillet 1999, n° 97-19.519, inédit (N° Lexbase : A7546CTN).
(13) Cass. com., 10 février 1998, n° 96-11.241, publié (N° Lexbase : A2618ACX), Bull. civ. IV, n° 63 ; Cass. com., 3 novembre 2004, n° 01-16.238, FS-P+B+I (N° Lexbase : A7538DDK) ; Cass. com., 27 novembre 2012, n° 11-26.677, F-D (N° Lexbase : A8590IXG).
(14) Ainsi, la clause contractuelle présumant la validité de l'opération peut concerner le TEG appliqué qui a régulièrement été porté sur le relevé : on présumera que les éléments utilisés pour le calcul du taux ou que le calcul du taux lui-même sont réguliers, jusqu'à preuve du contraire. La solution envisagée dans notre arrêt ne concerne bien entendu pas cette hypothèse, mais celle d'une irrégularité de la stipulation d'intérêts, la fixation du TEG dans le relevé ouvrant droit à des intérêts conventionnels pour l'avenir. Pour une illustration de la distinction, cf. Cass. com., 18 février 2004, n° 03-13.035, FS-P+B+I (N° Lexbase : A0345DEI), Bull. civ. IV, n° 205.
(15) Rappelons ici que l'article 1907, alinéa 2, du Code civil exige la mention du taux d'intérêt débiteur dans le contrat de prêt et que la mention du TEG ne dispense pas de cette obligation.
(16) Cass. com., 9 mars 1999, n° 96-16.554, publié (N° Lexbase : A8670AHL), Bull. civ. IV, n° 54 : "Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs, sans préciser si les tickets d'agios ainsi reçus sans protestation ni réserve comportaient indication d'un taux effectif incluant globalement l'incidence de tous frais et commissions, et s'ils comportaient des indications suffisamment exemplaires pour informer exactement et préalablement les titulaires sur le taux effectif global des opérations postérieures, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision".

newsid:446857

Baux commerciaux

[Brèves] Sur la distinction entre les "réparations d'entretien" et les "grosses réparations"

Réf. : CA Bourges, 29 janvier 2015, n° 13/01862 (N° Lexbase : A5846NAR)

Lecture: 1 min

N6879BUC

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Le 09 Avril 2015

Dès lors que le bail prévoit que le preneur supportera les réparations visées à l'article 605 du Code civil (N° Lexbase : L3192ABT) et le bailleur les grosses réparations prévues à l'article 606 du même code (N° Lexbase : L3193ABU), le dégât des eaux qui résulte d'un phénomène de condensation entre la couverture et les dalles de faux plafond qui n'affecte pas le clos et le couvert n'incombe pas au propriétaire ; de même incombent au locataire les travaux d'entretien d'électricité attachés au remplacement d'appareillages usagés ou de la mise en place de protections inexistantes compte tenu de l'évolution des normes, ces travaux de mise en conformité ne concernant pas l'installation électrique dans son ensemble et relevant dès lors des travaux d'entretien. Tel est le sens d'un arrêt rendu par la cour d'appel de Bourges le 29 janvier 2015 (CA Bourges, 29 janvier 2015, n° 13/01862 N° Lexbase : A5846NAR ; cf. l’Ouvrage "baux commerciaux" N° Lexbase : E5355EXM). Concernant le sinistre de dégâts des eaux, caractérisé par la présence d'auréoles et traces sur les dalles du faux plafond, dans son rapport, l'expert judiciaire confirme que les désordres sont liés à un phénomène de condensation dont il décrit minutieusement le mécanisme, pour conclure que "les abondantes traces de mouille constituées sur les faux plafonds ne proviennent pas d'infiltrations au travers de la couverture, mais d'un choc thermique inopiné, naturel, lequel est en relation directe avec l'usage. Plus l'exploitant recherchera un degré de température confortable dans la journée, plus l'exploitant recherchera un gain de chauffage pendant les périodes d'inactivité, plus les cycles de ce phénomène de condensation seront importants et rapprochés". En d'autres termes, pour la cour d'appel, le phénomène de condensation est en partie dû au mode d'usage des lieux : importance du chauffage et de la ventilation. Il résulte, en outre, des pièces du dossier et de l'expertise, que le phénomène existait lors de la prise de possession des lieux mais qu'il s'est aggravé du fait du mode d'utilisation des lieux par la locataire actuelle.

newsid:446879

Commercial

[Brèves] Inobservation de la compétence exclusive de la cour d'appel de Paris pour les litiges relatifs à l'application de l'article L. 442-6 du Code de commerce : fin de non-recevoir que le juge doit relever d'office

Réf. : Cass. com., 31 mars 2015, n° 14-10.016, F-P+B (N° Lexbase : A0915NGY)

Lecture: 1 min

N6874BU7

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Le 10 Avril 2015

L'inobservation de la règle d'ordre public investissant la cour d'appel de Paris du pouvoir juridictionnel exclusif de statuer sur les appels formés contre les décisions rendues dans les litiges relatifs à l'application de l'article L. 442-6 du Code de commerce (N° Lexbase : L7923IZH) est une fin de non-recevoir que le juge doit relever d'office. Tel est le sens d'un arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 30 mars 2015 (Cass. com., 31 mars 2015, n° 14-10.016, F-P+B N° Lexbase : A0915NGY). En l'espèce, une société a conclu avec plusieurs autres sociétés plusieurs contrats de représentation commerciale. Ces dernières ayant rompu les contrats dans des conditions qu'elle a estimées brutales, la société représentée les a assignées, par acte du 2 juin 2010, en paiement de dommages-intérêts sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce devant le tribunal mixte de commerce de Saint-Denis de la Réunion. Ses demandes ayant été rejetées, elle a déposé une déclaration d'appel auprès du greffe de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion (CA Saint-Denis de la Réunion, 24 juin 2013, n° 11/01894 N° Lexbase : A9225KII). Cette dernière a condamné les représentantes à payer une certaine somme à la société représentée, en application de l'article L. 442-6, 5° du Code de commerce. Enonçant la solution précitée, la Cour de cassation casse et annule l'arrêt d'appel au visa de l'article 125 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1421H4E), ensemble les articles L. 442-6 et D. 442-3 (N° Lexbase : L9159IEX) du Code de commerce. Elle déclare irrecevable l'appel interjeté par la société représentée et dit n'y avoir lieu à renvoi.

newsid:446874

Contrats et obligations

[Brèves] Preuve de l'extinction du droit à commission de l'agent commercial

Réf. : Cass. com., 31 mars 2015, n° 14-10.346, FS-P+B (N° Lexbase : A0922NGA)

Lecture: 2 min

N6805BUL

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Le 14 Avril 2015

Le droit à la commission de l'agent commercial ne peut s'éteindre que s'il est établi que le contrat entre le tiers et le mandant ne sera pas exécuté et si l'inexécution n'est pas imputable au mandant. La simple production de fichiers de rémunération et des fiches informatives relatant les causes des minorations ou des avoirs de l'agent commercial, ne suffit pas à rapporter la preuve de l'extinction de l'obligation de payer les commissions. Tel est l'apport de l'arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 31 mars 2015 (Cass. com., 31 mars 2015, n° 14-10.346, FS-P+B N° Lexbase : A0922NGA). En l'espèce, après la résiliation par une société (la mandante), irrévocablement jugée abusive, du contrat d'agent commercial qui la liait à cette société, l'agent commercial a assigné celle-ci en réparation de son préjudice et en paiement de commissions restant dues. Condamnée à payer à l'agent commercial une certaine somme au titre des commissions, la mandante se pourvoit en cassation, arguant que "pour les droits dont les parties ont la libre disposition, les conventions relatives à la preuve sont licites". Les parties avaient convenues des modes de preuve permettant à la mandante d'établir l'extinction du droit à commission de l'agent commercial. Ainsi, la mandante devait rapporter la preuve de la perte du droit à commissionnement en adressant chaque mois à son agent commercial des fichiers informatiques intitulés "fichiers de rémunération et de reprise de rémunération" dont le but était de "décrire les informations nécessaires que la société doit restituer à l'agent pour contrôler contrat par contrat la rémunération ou reprise" et qui précisaient notamment le "motif du rejet" par le mandant du contrat apporté par l'agent commercial. En retenant que ces fiches informatives ainsi que les mentions portées par la mandante sur les causes des minorations ou des avoirs ne sauraient démontrer le bien-fondé des avoirs émis après paiement, quand les parties avaient licitement prévu que la preuve de la perte du droit à commission résulterait de la production de ces fiches et des indications qui y étaient portées, la cour d'appel aurait violé l'article 1134 du Code civil (N° Lexbase : L1234ABC) et l'article L. 134-10 du Code de commerce (N° Lexbase : L5658AIE). Rappelant le principe énoncé, la Cour de cassation rejette l'argumentation avancée. Elle retient que les tableaux établis par la mandante constituent des pièces de référence pour identifier les contrats souscrits par l'intermédiaire de l'agent commercial et susceptibles d'ouvrir droit à commission au profit de celui-ci. Les seules mentions concernant les causes des minorations ou des avoirs, qui y ont été apposées par la mandante, ne peuvent suffire à défaut d'autre preuve, à démontrer qu'elles correspondent effectivement aux différentes situations convenues, ni à justifier d'une réduction consécutive du montant des commissions restant dues à l'agent.

newsid:446805

Concurrence

[Brèves] Publication d'un nouveau communiqué de procédure relatif au programme de clémence

Réf. : Aut. conc., communiqué de procédure relatif au programme de clémence du 3 avril 2015

Lecture: 2 min

N6877BUA

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Le 15 Avril 2015

L'Autorité de la concurrence a adopté le texte révisé de son communiqué de procédure relatif au programme de clémence qu'elle a publié le 3 avril 2015. Tout d'abord, la visibilité du conseiller clémence, qui joue déjà aujourd'hui un rôle central pour la mise en oeuvre de la procédure, est renforcée : ses fonctions sont détaillées, notamment en tant que point d'entrée pour les entreprises désireuses de déposer une demande de clémence, et de nouvelles clarifications sont apportées pour tenir compte des résultats de la consultation publique. Le nouveau communiqué explicite ensuite les étapes-clés de l'instruction de la demande de clémence, en particulier entre le moment où le délai imparti pour la transmission des informations et éléments de preuves fondant la demande est échu et le moment où la séance devant l'Autorité -préalable à l'adoption d'un avis de clémence- se tient. Ce point a également fait l'objet d'adaptations sur la base des résultats de la consultation publique. L'Autorité intègre un certain nombre de principes développés dans le cadre de sa pratique décisionnelle. Les précisions apportées sont de deux ordres : elles visent (i) à clarifier les obligations des entreprises en matière de coopération avec l'Autorité et (ii) à apporter des précisions quant aux entités juridiques bénéficiaires d'une seule et même demande de clémence. Le nouveau communiqué intègre une innovation majeure prévue dans la version révisée de 2012 du programme modèle de clémence : l'extension de la recevabilité des demandes sommaires à toute demande, quel que soit son type et son rang d'arrivée. Cette innovation est de nature à alléger les charges administratives induites par le dépôt d'une demande de clémence, lorsque plusieurs autorités de concurrence en Europe sont susceptibles d'être compétentes. Au-delà, l'Autorité a souhaité apporter deux modifications substantielles au communiqué faisant écho aux demandes exprimées dans les réponses à la consultation publique. L'Autorité précise ainsi dans le communiqué de procédure que les communiqués de presse publiés à la suite d'opérations de visite et saisie ne mentionneront pas l'identité des entreprises visitées et que leur contenu sera rédigé dans le respect du principe de la présomption d'innocence. En outre, lorsqu'un communiqué de presse est publié à la suite d'opérations de visite et saisie, l'Autorité publiera un second communiqué de presse dans l'hypothèse où elle décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre l'enquête ou clôt l'affaire au bénéfice d'entreprises visitées. Enfin le communiqué prévoit d'accroître la transparence pour les entreprises en publiant des fourchettes de réduction pour les demandeurs de type 2, tout en faisant en sorte qu'elles se chevauchent pour partie afin de conserver une nécessaire flexibilité permettant de récompenser la qualité des éléments fournis.

newsid:446877

Consommation

[Textes] Réforme de la réglementation relative aux annonces de réduction de prix à l'égard du consommateur

Réf. : Arrêté du 11 mars 2015, relatif aux annonces de réduction de prix à l'égard du consommateur (N° Lexbase : L2037I8X)

Lecture: 8 min

N6808BUP

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par Vincent Téchené, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition affaires

Le 09 Avril 2015

Un arrêté du 11 mars 2015, publié au Journal officiel du 24 mars 2015, réforme la réglementation relative aux annonces de réduction de prix à l'égard du consommateur. Ce nouveau dispositif, entré en vigueur le 25 mars 2015, remplace donc les anciennes dispositions, issues d'un précédent arrêté du 31 décembre 2008 (arrêté du 31 décembre 2008, relatif aux annonces de réduction de prix à l'égard du consommateur N° Lexbase : L5764ICH), qui, conformément à un arrêt rendu par la Cour de justice de l'Union européenne dans le cadre d'une procédure concernant la Belgique, risquaient d'être déclarées contraires à la législation communautaire (CJUE, 10 juillet 2014, aff. C-421/12 N° Lexbase : A1878MU4).
  • La réglementation antérieure au 25 mars 2015 : l'arrêté du 31 décembre 2008 (arrêté du 31 décembre 2008, relatif aux annonces de réduction de prix à l'égard du consommateur)

L'arrêté du 31décembre 2008 soumettait toute publicité à l'égard du consommateur comportant une annonce de réduction de prix, au respect de diverses conditions distinguant celle faite hors des lieux de vente ou sur des sites électroniques non marchands de celle effectuée sur des lieux de vente ou des sites de cybercommerçants. Pour ceux-ci l'annonce de réduction de prix devait notamment mentionner le prix de référence.

Ce dernier, selon l'article 2 de l'arrêté du 31 décembre 2008 ne pouvait, selon la règle dite "des 30 jours", excéder le prix le plus bas effectivement pratiqué par l'annonceur pour un article ou une prestation similaire, dans le même établissement de vente au détail ou site de vente à distance, au cours des trente derniers jours précédant le début de la publicité. Le prix de référence ainsi défini pouvait être conservé en cas de réductions de prix annoncées de manière successive au cours d'une même opération commerciale, dans la limite d'un mois à compter de la première annonce de réduction de prix, ou au cours d'une même période de soldes ou de liquidation. L'annonceur devait alors pouvoir justifier de l'ensemble des prix qu'il a effectivement pratiqués au cours de cette période.

Il pouvait également utiliser comme prix de référence le prix conseillé par le fabriquant ou l'importateur du produit ou le prix maximum résultant d'une disposition de la réglementation économique.

Enfin, dans le cas où un article similaire n'avait pas été vendu précédemment dans le même établissement ou sur le même site de vente à distance, et où cet article ne faisait plus l'objet d'un prix conseillé par le fabriquant ou l'importateur, les annonces de réductions de prix pouvaient être calculées par référence au dernier prix conseillé, sans que celui-ci ne puisse être antérieur à trois ans avant le début de la publicité, l'annonceur devant alors porter, à côté du prix de référence, la mention "prix conseillé" accompagnée de l'année à laquelle ce prix se rapporte.

  • La réglementation européenne : la Directive 2005/29/CE du 11 mai 2005, sur les pratiques commerciales déloyales (Directive "PCD" N° Lexbase : L5072G9Q) et l'arrêt de la CJUE du 10 juillet 2014

La Directive "PCD" a pour objet de rapprocher les législations des Etats membres relatives aux pratiques commerciales déloyales, y compris la publicité déloyale, portant atteinte directement aux intérêts économiques des consommateurs et, par conséquent, indirectement aux intérêts économiques des concurrents légitimes. Dans le cadre d'une procédure en manquement initiée par la Commission contre la Belgique, la CJUE a, dans son arrêt du 10 juillet 2014, apporté quelques précisions sur les annonces de réduction des prix à l'égard des consommateurs. A l'instar des règles françaises, la législation belge en cause prévoyait que toute annonce de réduction de prix devait faire référence à un prix défini par la loi, en l'occurrence, le prix le plus bas appliqué durant le mois précédant le premier jour de l'annonce en question. En outre, ces dispositions interdisaient, d'une part, l'annonce de réduction de prix au-delà d'un mois et, d'autre part, en principe, que de telles annonces soient faites pour une durée inférieure à une journée.

La Cour rappelle que la Directive "PCD" procède à une harmonisation complète au niveau de l'Union des règles relatives aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs. Dès lors, comme le prévoit expressément l'article 4 de celle-ci, les Etats membres ne peuvent pas adopter des mesures plus restrictives que celles définies par ladite Directive, même aux fins d'assurer un degré plus élevé de protection des consommateurs. La Cour a ainsi pu considérer que la Directive s'oppose à une réglementation nationale qui prévoit une interdiction de principe, sans tenir compte des circonstances spécifiques du cas d'espèce, des pratiques commerciales faisant dépendre la participation des consommateurs à un concours ou à un jeu promotionnels de l'acquisition d'un bien ou d'un service. (CJUE, 14 janvier 2010, aff. C-304/08 N° Lexbase : A2663EQP). Ou, encore récemment, qu'est remise en cause la validité d'une disposition nationale prohibant de manière absolue l'interdiction de revente à perte (CJUE, ord. 7 mars 2013, aff. C-343/12 N° Lexbase : A5425KDB ; cf. P. Le More, in Chronique de droit de la concurrence et de la distribution - Mai 2013, Lexbase Hebdo n° 339 du 23 mai 2013 - édition affaires N° Lexbase : N7123BTY).

Dans son arrêt du 10 juillet 2014, la Cour relève que la Directive dresse, à son annexe I, une liste exhaustive de 31 pratiques commerciales qui, conformément à l'article 5 § 5 de cette Directive, sont réputées déloyales "en toutes circonstances". Ainsi que le précise expressément le considérant 17 de la Directive "PCD", seules ces pratiques commerciales sont susceptibles d'être considérées comme déloyales sans faire l'objet d'une évaluation au cas par cas au titre des dispositions des articles 5 à 9 de la Directive 2005/29. Ainsi, la Cour en conclut qu'une réglementation nationale interdisant de manière générale des pratiques non visées à l'annexe I de la Directive 2005/29, sans procéder à une analyse individuelle du caractère "déloyal" de celles-ci à la lumière des critères énoncés aux articles 5 à 9 de cette Directive, se heurte au contenu de l'article 4 de celle-ci et va à l'encontre de l'objectif d'harmonisation complète poursuivi par la Directive même lorsque cette réglementation vise à assurer un niveau de protection plus élevé des consommateurs.

Dès lors, et comme a pu l'indiquer la secrétaire d'Etat chargée du Commerce, de l'Artisanat, de la Consommation et de l'Economie sociale et solidaire, "à la suite de l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) du 10 juillet dernier, la France a l'obligation d'abroger partiellement sa règlementation relative aux annonces de réduction de prix à l'égard du consommateur" (cf. communiqué de presse du 9 octobre 2014). La censure des dispositions françaises étaient d'autant plus attendues que la Chambre criminelle de la Cour de cassation a renvoyé la question préjudicielle suivante à la CJUE dans un arrêt du 9 septembre 2014 : "les dispositions des articles 5 à 9 de la Directive 2005/29 du 11 mai 2005 font-elles obstacle à ce que soient interdites, en toutes circonstances, quelle que soit leur incidence possible sur la décision du consommateur moyen, des réductions de prix qui ne seraient pas calculées par rapport à un prix de référence fixé par voie réglementaire ?". En effet, la Haute juridiction française avait alors relevé que la Directive 2005/29 établit une liste des pratiques commerciales réputées déloyales en toutes circonstances et prévoit, en ses articles 5 à 9, qu'en dehors de celles-ci une pratique commerciale ne peut être considérée comme déloyale qu'après une évaluation au cas par cas tendant à rechercher si elle constitue une pratique contraire aux exigences de la diligence professionnelle, et qui altère ou est susceptible d'altérer de manière substantielle le comportement économique, par rapport au produit, du consommateur moyen (Cass. crim., 9 septembre 2014, n° 13-85.927, F-P+B+I N° Lexbase : A8486MW9 ; Interdiction, en toutes circonstances, des réductions de prix qui ne seraient pas calculées par rapport à un prix de référence fixé par voie réglementaire : renvoi d'une question préjudicielle, Lexbase Hebdo n° 395 du 25 septembre 2014 - édition affaires N° Lexbase : N3816BUU).

  • Les nouvelles dispositions sur les annonces de réduction de prix à l'égard du consommateur

Selon le nouveau texte, toute annonce de réduction de prix est licite sous réserve qu'elle ne constitue pas une pratique commerciale déloyale au sens de l'article L. 120-1 du Code de la consommation (N° Lexbase : L2522IBZ) et qu'elle soit conforme aux exigences du présent arrêté (art. 1er). Ainsi, lorsqu'une annonce de réduction de prix est faite dans un établissement commercial, l'étiquetage, le marquage ou l'affichage des prix réalisés conformément aux dispositions en vigueur doivent préciser, outre le prix réduit annoncé, le prix de référence qui est déterminé par l'annonceur et à partir duquel la réduction de prix doit être annoncé (art. 2). En outre, il est prévu que lorsque l'annonce de réduction de prix est d'un taux uniforme et se rapporte à des produits ou services parfaitement identifiés, cette réduction peut être faite par escompte de caisse. Dans ce cas, cette modalité doit faire l'objet d'une information, l'indication du prix réduit n'est pas obligatoire et l'avantage annoncé s'entend par rapport au prix de référence (art. 3). Enfin, l'annonceur doit pouvoir justifier de la réalité du prix de référence à partir duquel la réduction de prix est annoncée (art. 4).

L'arrêté du 11 mars 2015 ne fixe donc plus les modalités de détermination du prix de référence, c'est là la grande nouveauté. Il est désormais fixé librement par l'annonceur, à condition de pouvoir justifier de la réalité de celui-ci. Bien entendu les commerçants pourront continuer à appliquer, si bon leur semble, les modalités de détermination du prix de référence prévues par l'ancien arrêté de 2008 ; ils pourront également s'en affranchir et opter pour d'autres modalités. Mais un risque perdure : celui que les pratiques en matière de prix réduits tombent sous le coup de l'interdiction des pratiques commerciales déloyales, d'autant que les annonceurs devront avoir à l'esprit que, depuis la loi "Hamon", (loi n° 2014-344 du 17 mars 2014, relative à la consommation N° Lexbase : L7504IZX) les sanctions encourues ont été significativement alourdies.

Selon l'article L. 120-1 du Code de la consommation, une pratique commerciale est déloyale lorsqu'elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qu'elle altère, ou est susceptible d'altérer de manière substantielle, le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l'égard d'un bien ou d'un service et constituent, en particulier, des pratiques commerciales déloyales les pratiques commerciales trompeuses et les pratiques commerciales agressives. Dès lors, si la règle des 30 jours prévue dans l'ancien arrêté a disparu, le fait pour un distributeur d'augmenter le prix d'un article pour ensuite le vendre à prix réduit en donnant au consommateur l'illusion d'une réduction de prix supérieure à celle réellement pratiquée, continuera assurément de constituer une pratique trompeuse. Aussi et bien que l'arrêté du 11 mars 2015 laisse plus de latitude aux annonceurs en la matière, cette liberté appelle une grande vigilance de leur part.

Enfin, ce nouveau dispositif appelle une autre remarque : alors que l'arrêt du 31 décembre 2008 visait les annonces de réduction de prix pratiquées "sur des lieux de vente ou sur des sites électroniques marchands", l'arrêté du 11 mars 2015 ne vise plus que l'annonce de réduction de prix faite "dans un établissement commercial". Doit-on dès lors considérer que les e-commerçants ne sont plus concernés par ces dispositions sur les annonces de réductions de prix ? Cela serait étonnant et rien ne semble justifier leur exclusion. Là encore la vigilance est de mise et, compte tenu de la lourdeur des sanctions encourues, il ne peut que leur être conseillé de s'y soumettre.

newsid:446808

Contrats et obligations

[Brèves] Preuve de l'extinction du droit à commission de l'agent commercial

Réf. : Cass. com., 31 mars 2015, n° 14-10.346, FS-P+B (N° Lexbase : A0922NGA)

Lecture: 2 min

N6805BUL

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Le 14 Avril 2015

Le droit à la commission de l'agent commercial ne peut s'éteindre que s'il est établi que le contrat entre le tiers et le mandant ne sera pas exécuté et si l'inexécution n'est pas imputable au mandant. La simple production de fichiers de rémunération et des fiches informatives relatant les causes des minorations ou des avoirs de l'agent commercial, ne suffit pas à rapporter la preuve de l'extinction de l'obligation de payer les commissions. Tel est l'apport de l'arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 31 mars 2015 (Cass. com., 31 mars 2015, n° 14-10.346, FS-P+B N° Lexbase : A0922NGA). En l'espèce, après la résiliation par une société (la mandante), irrévocablement jugée abusive, du contrat d'agent commercial qui la liait à cette société, l'agent commercial a assigné celle-ci en réparation de son préjudice et en paiement de commissions restant dues. Condamnée à payer à l'agent commercial une certaine somme au titre des commissions, la mandante se pourvoit en cassation, arguant que "pour les droits dont les parties ont la libre disposition, les conventions relatives à la preuve sont licites". Les parties avaient convenues des modes de preuve permettant à la mandante d'établir l'extinction du droit à commission de l'agent commercial. Ainsi, la mandante devait rapporter la preuve de la perte du droit à commissionnement en adressant chaque mois à son agent commercial des fichiers informatiques intitulés "fichiers de rémunération et de reprise de rémunération" dont le but était de "décrire les informations nécessaires que la société doit restituer à l'agent pour contrôler contrat par contrat la rémunération ou reprise" et qui précisaient notamment le "motif du rejet" par le mandant du contrat apporté par l'agent commercial. En retenant que ces fiches informatives ainsi que les mentions portées par la mandante sur les causes des minorations ou des avoirs ne sauraient démontrer le bien-fondé des avoirs émis après paiement, quand les parties avaient licitement prévu que la preuve de la perte du droit à commission résulterait de la production de ces fiches et des indications qui y étaient portées, la cour d'appel aurait violé l'article 1134 du Code civil (N° Lexbase : L1234ABC) et l'article L. 134-10 du Code de commerce (N° Lexbase : L5658AIE). Rappelant le principe énoncé, la Cour de cassation rejette l'argumentation avancée. Elle retient que les tableaux établis par la mandante constituent des pièces de référence pour identifier les contrats souscrits par l'intermédiaire de l'agent commercial et susceptibles d'ouvrir droit à commission au profit de celui-ci. Les seules mentions concernant les causes des minorations ou des avoirs, qui y ont été apposées par la mandante, ne peuvent suffire à défaut d'autre preuve, à démontrer qu'elles correspondent effectivement aux différentes situations convenues, ni à justifier d'une réduction consécutive du montant des commissions restant dues à l'agent.

newsid:446805

Entreprises en difficulté

[Jurisprudence] Conditions de mise en oeuvre de la compensation légale ou l'exigence d'une créance certaine, liquide et exigible

Réf. : Cass. com., 24 mars 2015, n° 13-23.791, F-P+B (N° Lexbase : A6798NEI)

Lecture: 4 min

N6825BUC

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par Christine Lebel, Maître de conférences HDR (CRJFC, EA 3225), UFR SJEPG (Université de Franche-Comté)

Le 09 Avril 2015

En pratique, la compensation pour dettes connexes est plus fréquemment évoquée en jurisprudence, que la compensation légale. Pour cette raison, l'arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation du 24 mars 2015 (1) apporte des précisions utiles quant aux conditions de sa mise en oeuvre en cas de défaillance de l'une des parties à ce mode de compensation.
L'article 1289 du Code civil (N° Lexbase : L1399ABG) indique que "lorsque deux personnes se trouvent débitrices l'une envers l'autre, il s'opère entre elles une compensation qui éteint les deux dettes". Celles-ci sont éteintes à concurrence de la plus faible. Ainsi, la compensation est une sorte de double paiement abrégé sans utilisation d'instruments monétaires, car le débiteur paie sa dette et, en même temps, est payé de sa propre créance (2). Toutefois, la compensation légale du Code civil se heurte à l'une des règles fondamentales du droit des entreprises en difficultés : l'interdiction des paiements des dettes non prioritaires, énoncée à l'article L. 622-7 du Code de commerce (N° Lexbase : L7285IZT). En effet, en raison de son caractère automatique, la compensation produit un effet extinctif immédiat des dettes à concurrence de la plus faible. Pour cette raison, la compensation légale ne peut pas, en principe, intervenir après l'ouverture de la procédure collective de l'une des parties, dès lors que la dette du tiers est soumise à l'obligation de déclaration au passif de la procédure, c'est-à-dire qu'elle est née avant l'ouverture de la procédure, ou bien qu'il ne s'agit pas d'une dette postérieure prioritaire visée à l'article L. 622-17, I du Code de commerce (N° Lexbase : L8102IZ4) (3).
En l'espèce, dans le cadre d'une opération de construction immobilière, une société a sous-traité l'exécution de terrassement à une autre société. Invoquant un retard dans leur livraison, la société de construction immobilière a refusé de payer le solde du prix. L'entreprise de terrassement l'a assignée en paiement le 10 octobre 2008. La première lui a opposé une exception de compensation avec sa créance au titre des pénalités de retard contractuelles. La liquidation judiciaire de l'entreprise de terrassement a été prononcée par jugement du 4 janvier 2010, le liquidateur est intervenu volontairement à l'instance. La cour d'appel a rejeté l'exception de compensation. Dans son pourvoi, la société de construction immobilière prétendait que la cour d'appel aurait violé les articles 1290 (N° Lexbase : L1400ABH) et 1291 (N° Lexbase : L1401ABI) du Code civil en considérant que sa dette ne présentait pas les caractères d'une dette compensable, au motif que la dette indemnitaire du débiteur sous-traitant ne présentait pas les caractères de dette certaine, liquide et exigible. La Cour de cassation rejette cette argumentation. Elle précise, qu'en cas de contestation du débiteur, la créance de pénalités de retard qui constitue une clause pénale, n'est pas certaine liquidation et exigible (I). Par conséquent, la compensation légale n'avait pu s'opérer avant le jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire du sous-traitant (II).

I - Les caractéristiques de la créance compensable selon le droit commun

Pour que les créances et les dettes réciproques entre deux personnes puissent être compensées, certaines conditions doivent impérativement être remplies. Tout d'abord, les créances doivent être réciproques. Elles doivent également présenter des caractéristiques supplémentaires.

En l'espèce, pour que la compensation intervienne de plein droit, il faut que les créances et dettes interviennent entre les mêmes personnes conformément à l'article 1289 du Code civil. Pour l'application de cette règle, la jurisprudence considère que les personnes doivent intervenir avec la même qualité (4). En l'espèce, cette condition ne posait pas de difficulté particulière, les deux sociétés intervenaient en qualité de promoteur immobilier pour la première (débiteur des travaux de terrassement effectués et créancier d'une créance indemnitaire) et en qualité de sous-traitant pour la société débitrice (débiteur de l'indemnité et créancier des travaux de terrassement effectués). Par conséquent, la créance de pénalités de retard pourrait être compensée avec le prix des travaux (5).

Par ailleurs, les créances et dettes doivent être certaines, liquides et exigibles conformément aux exigences posées par l'article 1291 du Code civil. En l'espèce, la société de promotion immobilière prétendait que sa créance était certaine, liquide et exigible car la mise en oeuvre de la clause pénale n'était pas sérieusement contestée par le débiteur sous-traitant. Seul le montant portait à discussion. Toutefois, le contrat permettait d'évaluer cette créance indemnitaire car la société avait été contrainte, en application des clauses contractuelles, de faire exécuter par un tiers les prestations non réalisées par le sous-traitant, pour un montant de 46 681,32 euros. Dans la mesure où cette somme n'était pas contestée par le débiteur, ni dans son principe, ni dans son montant, la société créancière affirmait qu'elle pouvait alors la compenser avec sa dette de travaux (8 879,28 euros au titre du marché principal et 9 328,80 au titre des prestations complémentaires) et la dette de retenue de garantie (23 919,80 euros), soit un total de 22 127,88 euros. La Cour de cassation rejette cette analyse en rappelant que la clause pénale, qualification qui doit être donnée à la clause de pénalités de retard du contrat litigieux, n'est pas certaine, liquide et exigible en présence d'une contestation du débiteur de celle-ci. Dans ces conditions, les caractéristiques légales énoncées à l'article 1291 du Code civil ne sont pas remplies, et par voir de conséquence, la compensation légale ne peut provoquer l'extinction des créances et des dettes réciproques à concurrence du montant de la plus faible de celles-ci. Outre le fait de ne pas pouvoir compenser, le créancier est dans une situation délicate pour ne pas avoir respecté les obligations mises à sa charge par le droit des entreprises en difficulté.

II - Les caractéristiques des créances compensables selon le droit des entreprises en difficulté

En effet, la discipline collective des créanciers n'est pas mise entre parenthèses par la compensation légale. Ainsi, tout créancier dont la créance est née antérieurement au jugement d'ouverture a l'obligation de déclarer sa créance au passif de la procédure collective du débiteur, dans les délais impartis par le législateur pour satisfaire cette obligation (6). Dans la présente affaire, la liquidation judiciaire du sous-traitant a été ouverte par jugement du 4 janvier 2010, publié au BODACC le 22 janvier suivant. Or, la société de promotion immobilière n'a déclaré sa créance entre les mains du liquidateur que le 26 mars 2010, autrement dit après le 22 mars 2010, date à laquelle expirait le délai de deux mois au cours duquel le créancier devait déclarer sa créance. En outre, il n'a pas demandé à se faire relever de la forclusion dans le délai de six mois de l'article L. 622-26 du Code de commerce (N° Lexbase : L8103IZ7). A défaut d'avoir été relevé de la forclusion, le créancier ne peut plus prétendre à participer aux répartitions et aux dividendes, en application de l'article L. 622-26 précité. Conformément à l'analyse proposée par la doctrine (7), cette inopposabilité au débiteur doit être comprise comme existant à tous les stades de la procédure, y compris en matière de compensation des dettes. Dans ces conditions, la société de promotion immobilière ne pouvait opposer sa créance à la liquidation judiciaire.

En effet, l'obligation de déclarer constitue une condition indispensable pour que le créancier puisse invoquer la compensation de sa créance avec la dette du débiteur. La Cour de cassation l'a affirmé très solennellement par un arrêt rendu le 3 mai 2011 (8), publié au Rapport annuel pour 2011. Puis, elle a confirmé l'application de cette solution à la compensation légale dans un arrêt du 5 février 2013 (9). L'arrêt du 24 mars 2015 se trouve donc dans la continuité de cette jurisprudence.

Au final, l'arrêt du 24 mars 2015 permet de faire la synthèse des conditions nécessaires à la mise en oeuvre de la compensation légale après le jugement d'ouverture d'une procédure collective à l'encontre de l'une des parties à ce mode d'extinction des créances :
- même si les créances ont une origine antérieure à la procédure collective, le créancier est tenu de déclarer sa créance à la procédure collective, sous peine d'inopposabilité ;
- toutes les créances et les dettes comprises dans l'opération de compensation légale doivent être certaines, liquides et exigibles ; tel n'est pas le cas, dès lors, qu'il existe une contestation sur une créance.

Pour conclure, le créancier dont la créance est inopposable, semble avoir tenté d'invoquer la compensation légale pour pondérer les effets de la forclusion. Il n'en est rien. Il devra régler la totalité de sa dette au liquidateur du sous-traitant, sans rien avoir à espérer dans le cadre du paiement collectif des créanciers réalisé par le mandataire de justice.


(1) Contestation de la créance de pénalité de retard par le débiteur : absence de compensation légale avec la créance contractuelle, Lexbase Hebdo n° 418 du 2 avril 2015 - édition affaires (N° Lexbase : N6729BUR)
(2) A. Sériaux, Conception juridique d'une opération économique, RTDCiv., 2004, p. 225.
(3) Nos obs., Le paiement à l'épreuve des procédures collectives, Mélanges B. Gross, PUN, 2009, p. 449.
(4) Cass. com., 7 février 1983, n° 81-13.993, publié (N° Lexbase : A4264CGZ), Bull. civ. IV, n° 49.
(5) Cass. com., 1er décembre 2008, n° 08-20.178, F-D (N° Lexbase : A3442EP8).
(6) C. com., art. L. 622-24 (N° Lexbase : L7290IZZ).
(7) P.-M. Le Corre, Les créanciers antérieurs dans le projet de sauvegarde des entreprises, LPA, 10 juin 2004, p. 24 ; Ph. Roussel Galle, JCP éd. E, 2011, 1411.
(8) Cass. com., 3 mai 2011, n° 10-16.758, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A7122HPH), Bull civ. IV, n° 66 ; JCP éd. E, 2011, 1656, nos obs. ; JCP éd. E, 2011, 1596, n° 11, obs. Ph. Pétel ; D., 2011, p. 1215, obs. A. Lienhard ; Act. proc. coll., 2011, comm. 160, note M.-L. Coquelet; Rev. proc. coll., 2012, comm. 10, note F. Legrand et M.-N Legrand ; LPA, 3 janvier 2012, obs. Fl. Reille., Rev. Lamy droit des affaires, juillet-août 2011, p. 18 note H. Guyader ; E. Le Corre-Broly, in Chronique mensuelle de droit des entreprises en difficulté - Mai 2011 (1er comm.), Lexbase Hebdo n° 251 du 19 mars 2011 - édition affaires (N° Lexbase : N2759BSY).
(9) Cass. com., 5 février 2013, n° 12-12.808, F-P+B (N° Lexbase : A6298I7E), JCP éd. E, 2013, 1259, nos obs. ; Rev. Sociétés, 2013, p. 181, obs. Ph. Roussel Galle ; Act. proc. coll. 2013, com. 47, obs. P. Cagnoli ; P.-M. Le Corre, in Chronique mensuelle de droit des entreprises en difficulté - Février 2013 (2nd comm.), Lexbase Hebdo n° 328 du 21 février 2013 - édition affaires (N° Lexbase : N5838BTE).

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Propriété intellectuelle

[Jurisprudence] Affaire "L'aigle noir" : Dieudonné condamné pour... contrefaçon

Réf. : TGI Paris, 3ème ch., 15 janvier 2015, n° 14/13168 (N° Lexbase : A6525NAW)

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N6782BUQ

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par Fabienne Fajgenbaum et Thibault Lachacinski, Avocats à la cour

Le 09 Avril 2015

Monsieur M'Bala M'Bala, mieux connu sous son nom de scène Dieudonné, connaît une actualité judiciaire particulièrement chargée en ce début d'année 2015. Condamné une première fois le 16 janvier 2015 par le tribunal correctionnel de Paris pour avoir lancé un appel aux dons destiné à assurer le règlement de précédentes amendes, Monsieur M'Bala M'Bala a fait l'objet, coup sur coup les 18 et 19 mars 2015, de deux nouvelles condamnations pénales, toujours par le tribunal correctionnel parisien, respectivement pour apologie d'actes de terrorisme (1) et propos antisémites (2).
Le jugement rendu le 15 janvier 2015 par le tribunal de grande instance de Paris n'apparaît donc pas isolé. Toutefois, délaissant exceptionnellement les juridictions pénales, Monsieur M'Bala M'Bala se trouve cette fois poursuivi sur un fondement juridique surprenant en ce qui le concerne : le droit d'auteur. L'ayant-droit de Barbara, auteur, compositeur et interprète de la célèbre chanson "L'aigle noir", lui reprochait en effet la diffusion d'un clip-vidéo parodique constitué d'une chanson intitulée "le rat noir", respectant certes la mélodie de la chanson originale mais proposant des paroles modifiées, associées à des commentaires que le tribunal qualifie de "nauséabonds". L'atteinte au droit moral de Barbara était manifeste, Monsieur M'Bala M'Bala ne jugeant d'ailleurs pas utile de se faire représenter. La condamnation de 50 000 euros prononcée par le tribunal apparaît dès lors exemplaire, étant précisé qu'une précédente ordonnance de référé rendue le 10 juillet 2014 (3) avait déjà fait interdiction à Monsieur M'Bala M'Bala de continuer à diffuser le clip-vidéo en cause ; sans effet puisque la diffusion a perduré. I - Sur l'atteinte au droit moral de Barbara par la dénaturation des paroles de sa chanson

Sur le fond de l'affaire, le jugement du 15 janvier 2015 ne peut qu'être approuvé. Il adopte d'ailleurs une motivation en grande partie identique à celle retenue dans l'ordonnance précitée du 10 juillet 2014. L'article L.121-1 du Code de la propriété intellectuelle (N° Lexbase : L3346ADB) dispose que "l'auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son oeuvre" et précise, en son quatrième alinéa, que ce droit est transmissible à cause de mort aux héritiers de l'auteur. Ce droit au respect de l'intégrité de l'oeuvre représente l'un des quatre attributs composant le droit moral d'auteur, aux côtés du droit de divulgation, du droit à la paternité et du droit de retrait ou de repentir. L'idée qu'il sous-tend est que, l'oeuvre exprimant la personnalité de son auteur, toute atteinte portée à son intégrité préjudicie donc à la personne de son créateur. Aux termes d'un attendu de principe, la Cour de cassation a ainsi dit pour droit que "le respect dû à l'oeuvre en interdit toute altération ou modification, quelle qu'en soit l'importance (4).

La prérogative du droit au respect de l'intégrité de l'oeuvre peut naturellement trouver à s'appliquer en matière musicale. De manière générale, l'apport non autorisé de modifications, d'ajouts ou de suppressions aux textes originaux de chansons est régulièrement sanctionné comme altérant l'oeuvre originale et porte donc atteinte au droit moral de l'auteur (5). A titre d'exemple, il a été jugé que l'utilisation d'une chanson de Monsieur Henri Dès dans le cadre d'une promotion pour une société de pompes funèbres s'éloignait considérablement de l'univers de la jeunesse pour lequel cet auteur s'est toujours attaché à destiné son oeuvre (6). De même, Madame Arielle Dombasle a été condamnée pour dénaturation de la chanson "Yo le decia" de Nilda Fernandez au motif que les modifications apportées aux paroles constituaient une dénaturation de l'oeuvre, quand bien même son esprit en aurait été conservé (7). La Cour de cassation a par ailleurs eu l'occasion d'approuver une cour d'appel qui avait retenu que l'adaptation des paroles de la chanson "on va s'aimer" (devenues "on va fluncher") dans le cadre d'une campagne télévisée pour une chaîne de restauration dénaturait substantiellement l'oeuvre originale (8).

Dans l'affaire qui nous intéresse, l'atteinte au droit moral de Barbara ne faisait donc aucun doute dès lors que le tribunal a relevé la modification des paroles de "L'aigle noir", l'une des chansons emblématiques de cette artiste. Ce simple constat suffisait pour que le tribunal entre en voie de condamnation à l'encontre de la parodie "le rat noir". Monsieur M'Bala M'Bala ne s'en est toutefois pas contenté, substituant aux paroles poétiques de la chanson originale (traitant à mots couverts de l'inceste dont a été victime Barbara dans son enfance) des termes pour le moins irrévérencieux. Tel est notamment le cas du choix d'un titre faisant référence à un animal nuisible, symbolique dont le tribunal relève d'ailleurs qu'elle est "commune aux antisémites".

II - Sur l'atteinte au droit moral de Barbara par l'adjonction de commentaires grossiers

Le jugement du 15 janvier 2015 présente, par ailleurs, l'intérêt de se pencher sur une autre forme d'atteinte au respect de l'oeuvre par dénaturation, moins souvent abordée par la jurisprudence : l'adjonction de commentaires. L'affaire la plus caractéristique en la matière concernait une chanson de Jean Ferrat qui avait été reprise dans une émission, accompagnée des commentaires d'un humoriste. Pour retenir l'existence d'une atteinte au droit moral de cet auteur, la cour d'appel de Paris a relevé que "si la reprise d'un extrait d'une chanson, telle qu'elle, dans une émission ultérieure ne porte pas, en soi, atteinte au droit moral d'auteur [...], il n'en est pas de même lorsque cet extrait est accompagné, comme en l'espèce, d'un commentaire tel que des chansons comme ça, j'en fais tous les jours' et coupé par l'intervention d'un humoriste [...] qui ajoute si lui a marché, alors j'ai des chances'". L'arrêt du 18 septembre 2002 conclut en rappelant que des apartés, même non dépourvus d'une certaine dérision, portent nécessairement atteinte au droit moral et ne peuvent être ajoutés aux extraits de la chanson sans l'autorisation de l'auteur (9).

A la lumière de la jurisprudence précitée, l'atteinte au droit moral de Barbara paraissait évidemment constituée. La chanson "le rat noir" était en effet entrecoupée par des commentaires de Monsieur M'Bala M'Bala dont le jugement estime qu'ils sont "volontairement grossiers et ce sans servir aucun objectif humoristique". Sans qu'il soit utile de rentrer dans les détails, ces apartés renvoyaient notamment, pour s'en moquer, à des épisodes douloureux de l'histoire personnelle de Barbara. Pour le tribunal, le clip en cause manifestait "une volonté de nuire à une artiste reconnue" et "une intention de nuire en transformant une chanson poignante sur l'inceste en une grivoiserie vulgaire et attentatoire au respect dû aux morts et à leur honneur". L'atteinte au respect de l'oeuvre originale se trouvait ainsi une nouvelle fois caractérisée.

La seule très légère réserve que l'on pourrait éventuellement émettre à l'encontre de la décision du 15 janvier 2015 concernerait en définitive l'allusion à l'article L. 122-5 du Code de la propriété intellectuelle (N° Lexbase : L3330IXM), organisant une exception de parodie, pastiche et caricature "compte tenu des lois du genre". En effet, la question se pose de savoir si ce texte peut être utilement invoqué pour faire exception au droit moral, seul concerné en l'espèce et non exclusivement aux droits patrimoniaux d'auteur. Quoi qu'il en soit, le tribunal a estimé que l'intention de Monsieur M'Bala M'Bala n'était pas de rechercher un effet humoristique, ouvrant donc la voie à une condamnation pour atteinte au droit moral. L'existence d'un bandeau défilant sur le clip-vidéo et précisant "conformément aux lois ceci est une parodie de la chanson l'aigle noir' de Barbara" n'était naturellement pas quant à elle de nature à exonérer Monsieur M'Bala M'Bala de sa responsabilité.

***

Habitué aux condamnations pénales, l'"artiste" Monsieur M'Bala M'Bala sera peut-être plus sensible à une condamnation civile prononcée sur le terrain du droit d'auteur, à plus forte raison dès lors que le montant des dommages-intérêts prononcés apparaît substantiel. Cela étant, la Ligue des droits de l'Homme de Gironde et des associations dédiées à la mémoire de Barbara ont saisi le Procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris d'une plainte visant (notamment) Monsieur M'Bala M'Bala pour provocation à la haine raciale (article 24 de la loi du 29 juillet 1881, sur la liberté de la presse N° Lexbase : L7589AIW) (10). Son passage devant les juridictions civiles n'aura donc été qu'une brève étape.


(1) En cause, un message "je me sens Charlie Coulibaly" publié sur son compte Facebook dans les jours qui ont suivi l'attentat terroriste contre Charlie Hebdo en janvier 2015.
(2) A l'encontre de Patrick Cohen, journaliste à France Inter.
(3) Apparemment définitive ; TGI Paris, 10 juillet 2014, n° 14/56030 (N° Lexbase : A5035M4A), ayant prononcé une mesure d'interdiction de diffusion du clip-vidéo et de la chanson "le rat noir" sous astreinte provisoire de 5 000 euros par jour de retard et ce, pendant un délai d'un an ainsi qu'une condamnation au versement de la somme de 10 000 euros à titre de provision à valoir sur le préjudice subi du fait de l'atteinte au droit moral.
(4) Cass. civ. 1, 17 décembre 1991, n° 89-22.035 publié (N° Lexbase : A4890AHL) ; Cass. civ. 1, 24 février 1998, n° 95-22.282, publié (N° Lexbase : A3074ACT).
(5) CA Paris, Pôle 5, 2ème ch., 13 avril 2012, n° 11/02382 (N° Lexbase : A6114IIB), confirmant TGI Paris, 3ème ch., 14 décembre 2010, n° 09/13516 (N° Lexbase : A2812GRL) ; CA Paris, 1ère ch., sect. B, 12 novembre 2004, n° 02/21675 (N° Lexbase : A9672DDL).
(6) TGI Paris, 3ème ch., 12 décembre 2003, n° 12/13496 (N° Lexbase : A7181KT7).
(7) TGI Paris, 3ème ch., 21 février 2013, n° 11/15192 (N° Lexbase : A8393KGX).
(8) Cass. civ. 1, 2 avril 2009, n° 08-10.194, F-D (N° Lexbase : A1072EGS) ; dans le même sens, s'agissant cette fois de la chanson "Femme libérée" dont les paroles ont été modifiées pour promouvoir des montres, Cass. civ. 1, 15 février 2005, n° 01-16.297, FS-P+B (N° Lexbase : A7322DGB).
(9) CA Paris, 4ème ch., sect. A, 18 septembre 2002, n° 2000/22427 (N° Lexbase : A4823A3Z) ; par analogie, TGI Paris, 3ème ch., 8 avril 2009, n° 07/07192 (N° Lexbase : A2611EGS le fait que la musique soit couverte par un message publicitaire porte atteinte au droit moral de l'auteur, par dénaturation) et CA Paris, Pôle 5, 2ème ch., 2, 23 octobre 2009, n° 08/02791 (N° Lexbase : A9653EMH).
(10) Selon une information rapportée par Le Figaro, le 27 février 2015.

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Propriété intellectuelle

[Brèves] Notion d'usage "à titre de marque"

Réf. : Cass. com., 31 mars 2015, n° 13-21.300, FS-P+B (N° Lexbase : A1002NG9)

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N6875BU8

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Le 11 Avril 2015

L'utilisation de la dénomination "Moulin rouge", marque verbale déposée n'étant employée qu'à des fins descriptives d'un site touristique, au même titre que d'autres monuments emblématiques de la capitale, sans affecter la garantie d'origine des produits sur lesquels elle est apposée, et bien que cet usage intervienne dans la vie des affaires, ne constitue pas un usage à titre de marque, faute de remplir la fonction distinctive conférée à cette dernière. L'usage de la dénomination "Moulin rouge" n'est donc pas constitutif d'un acte de contrefaçon. Tel est le sens d'un arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 31 mars 2015 (Cass. com., 31 mars 2015, n° 13-21.300, FS-P+B N° Lexbase : A1002NG9). En l'espèce une société est titulaire de la marque verbale française "Moulin rouge", déposée le 3 mai 1973, puis renouvelée le 26 novembre 2002, pour désigner, notamment en classes 16 et 21, la papeterie, les articles de bureau et la verrerie, produits pour la commercialisation desquels la société qui exploite à Paris le cabaret du même nom (le licencié) bénéficie d'une licence exclusive. Ayant constaté qu'une autre société commercialisait une trousse d'écolier, des tapis de souris et des dessous de verre sur lesquels était reproduite la marque "Moulin rouge" accompagnée d'un dessin d'un moulin de couleur rouge ou d'une photographie de la façade du Moulin rouge, le titulaire des droits et le licencié l'ont assignée en contrefaçon de marque, concurrence déloyale et parasitisme. La cour d'appel de Paris n'ayant pas fait droit à ces demandes (CA Paris, Pôle 5, 2ème ch., 17 mai 2013, n° 11/22637 N° Lexbase : A5274KDP), la Cour de cassation, saisie d'un pourvoi, le rejette. Tout d'abord, énonçant le principe précité, elle approuve les juges du fond d'avoir conclu à l'absence d'acte de contrefaçon de marque. Elle en fait de même sur le parasitisme et sur la concurrence déloyale : pour conclure que la défenderesse au pourvoi ne s'est pas immiscée dans le sillage du licencié, exploitant le cabaret éponyme, et n'a pas cherché à profiter de sa notoriété (parasitisme), pas plus qu'il ne peut exister de confusion entre les activités respectivement exercées par les parties (concurrence déloyale), la cour d'appel a relevé que la défenderesse reproduit sur ses produits les principaux monuments et lieux touristiques de Paris, en les désignant par leurs noms, et, en ce qui concerne le Moulin rouge, sans faire référence à l'activité commerciale de cet établissement.

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Propriété intellectuelle

[Brèves] Oeuvres photographiques numérisées : distinction entre propriété incorporelle et propriété de l'objet matériel

Réf. : TGI Paris, 3ème ch., 13 mars 2015, n° 12/14715 (N° Lexbase : A0759NET)

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N6880BUD

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Le 09 Avril 2015

Conformément aux dispositions de l'article L. 111-3 du Code de la propriété intellectuelle (N° Lexbase : L3330ADP), il convient de distinguer, s'agissant de photographies numérisées, d'une part, les oeuvres photographiques sur lesquelles le photographe détient des droits incorporels et, d'autre part, le fichier numérisé comportant l'image, qui est le support de l'oeuvre et qui constitue un élément corporel que l'artiste ne peut exploiter sans autorisation. Tel est le sens d'un jugement rendu par le TGI de Paris le 13 mars 2015 (TGI Paris, 3ème ch., 13 mars 2015, n° 12/14715 N° Lexbase : A0759NET). En l'espèce une reporter photographe a collaboré entre 1971 et 2009 avec une agence, dans le cadre d'un mandat de gestion et d'exploitation de ses photographies que l'agence avait numérisées. La photographe avait, par la suite, obtenu la restitution de photographies dont elle est l'auteur. L'agence ayant constaté, selon elle, l'appropriation indue et illicite par la photographe de nombreux fichiers numériques et leur utilisation par celle-ci, sur le site "Facebook" de l'intéressée, l'a faite assigner pour s'être procurée et avoir utilisé frauduleusement des fichiers numériques lui appartenant et s'être ainsi rendue coupable de parasitisme. Pour le tribunal, il convient de distinguer conformément aux dispositions de l'article L. 111-3 du Code de la propriété intellectuelle, d'une part, les oeuvres photographiques sur lesquelles la photographe détient des droits incorporels et, d'autre part, le fichier numérisé comportant l'image, qui est le support de l'oeuvre et qui constitue un élément corporel. En l'espèce, l'agence de photographie a fait procéder à ses frais à la numérisation des clichés argentiques dans le but de promouvoir les images, ce qu'elle était en droit de faire, même sans l'autorisation de la photographe. L'agence est propriétaire des fichiers numérisés des photographies, biens meubles corporels, sans pour autant pouvoir les exploiter, en l'absence d'autorisation sur ce point de la photographe. L'utilisation par la photographe sur son "mur Facebook" et sur son site internet, de fichiers numérisés, répertoriés et inventoriés par l'agence, sans l'autorisation de cette dernière, est donc fautive. Pour autant, le préjudice en résultant est, pour les juges, limité, car l'agence ne peut en tout état de cause exploiter ces fichiers, qui ne représentent dès lors aucune valeur marchande pour elle, en l'absence d'autorisation d'exploitation de l'auteur. Le tribunal trouve en l'espèce, compte tenu des circonstances de la cause et du retrait des fichiers litigieux, sur les sites internet à son nom, les éléments suffisants pour évaluer le préjudice à la somme de 1 000 euros.

newsid:446880

Transport

[Brèves] Encadrement de l'activité de VTC : renvoi d'une QPC au Conseil constitutionnel

Réf. : CE, 6° s-s., 3 avril 2015, n° 388213 (N° Lexbase : A9753NEX)

Lecture: 2 min

N6806BUM

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Le 16 Avril 2015

Une question prioritaire de constitutionnalité portant sur les dispositions législatives relatives aux conditions d'exercice des voitures de transport avec chauffeur (VTC) a été renvoyée par le Conseil d'Etat au Conseil constitutionnel par un arrêt du 3 avril 2015 (CE, 6° s-s., 3 avril 2015, n° 388213 N° Lexbase : A9753NEX). En l'espèce, la société U. a formé devant le Conseil d'Etat un recours contre le décret n° 2014-1725 du 30 décembre 2014, relatif au transport public particulier de personnes (N° Lexbase : L5092I7Q). A l'occasion de ce recours, elle conteste la conformité à la Constitution des dispositions législatives que ce décret a pour objet d'appliquer et qui sont issues de la récente loi n° 2014-1104 du 1er octobre 2014, relative aux taxis et aux voitures de transport avec chauffeur (VTC) (N° Lexbase : L3234I4K). Elle critiquait les articles L. 3120-2 (N° Lexbase : L3388I4A), interdisant aux prestataires de VTC d'informer le client de la localisation et de la disponibilité d'un véhicule sur la voie publique et de le démarcher directement sur la voie publique sans réservation préalable. Etaient également contestés les articles L. 3122-2 (N° Lexbase : L3413I48) et L. 3122-9 (N° Lexbase : L3369I4K) du Code des transports imposant que le prix soit déterminé lors de la réservation préalable, ainsi que l'obligation de retourner stationner au lieu d'établissement de l'exploitant ou dans un lieu de stationnement hors de la chaussée, sauf s'il a déjà été réservé pour une autre course. Le Conseil d'Etat a estimé que la question de l'atteinte que ces dispositions porteraient à la liberté d'entreprendre et au principe d'égalité était sérieuse et a donc renvoyé ce dossier au Conseil constitutionnel pour que celui-ci se prononce définitivement. Le Conseil constitutionnel, qui a déjà été saisi des deux premières dispositions législatives contestées sur renvoi de la Cour de cassation (Cass. QPC, 13 mars 2015, n° 14-40.054, FS-D N° Lexbase : A3350NDG ; lire N° Lexbase : N6428BUM), se prononcera prochainement sur la conformité à la Constitution de l'ensemble de ces dispositions. Le Conseil d'Etat reste saisi du recours contre le décret du 30 décembre 2014 et il se prononcera sur le fond une fois la décision du Conseil constitutionnel rendue.

newsid:446806

Transport

[Brèves] Réglementation de l'activité des VTC : transmission de deux QPC à la Cour de cassation

Réf. : CA Paris, Pôle 1, 3ème ch., 31 mars 2015, n° 15/03524 (N° Lexbase : A8173NEG)

Lecture: 2 min

N6843BUY

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Le 09 Avril 2015

La recrudescence des questions prioritaires de constitutionnalité concernant l'activité des véhicules terrestres avec chauffeurs atteste de la difficulté à concilier la réglementation prohibant le maraudage avec les libertés protégées par la Constitution (cf. not., CE, 6° s-s., 3 avril 2015, n° 388213 N° Lexbase : A9753NEX, sur lequel lire N° Lexbase : N6806BUM). C'est dans ce contexte que la cour d'appel de Paris, dans un arrêt du 31 mars 2015 (CA Paris, Pôle 1, 3ème ch., 31 mars 2015, n° 15/03524 N° Lexbase : A8173NEG) a décidé de transmettre deux QPC relatives à la conformité à la Constitution des dispositions imposant le retour du chauffeur d'un VTC au lieu d'établissement de l'exploitant, et des sanctions pénales afférentes à la mise en place d'un système de mise en relation des clients de VTC. En l'espèce, un appel avait été formé contre deux ordonnances de référé rendues le 12 décembre 2014 par le tribunal de commerce de Paris (T. com. Paris, 12 décembre 2014, deux ordonnances, aff. n° 2014061003 N° Lexbase : A6153M7Z et aff. n° 2014061004 N° Lexbase : A6154M73). Le litige opposait les sociétés V., G. et T., qui exercent notamment une activité d'intermédiaires entre clients et exploitants de voitures de transport avec chauffeur (VTC), à la société U., dont l'activité consiste à mettre en relation, via une application mobile, des particuliers soit avec des chauffeurs indépendants de voitures de transport avec chauffeur (VTC), soit avec d'autres particuliers, et auxquelles les premières reprochent un non-respect de la réglementation du Code des transports dans ses dispositions issues de la loi n° 2014-1104 du 1er octobre 2014 relative aux taxis et voitures de transport avec chauffeur (N° Lexbase : L3234I4K) constitutif d'actes de concurrence déloyale et d'un trouble manifestement illicite. La première QPC transmise concerne la conformité à la Constitution de l'article L. 3122-9 du Code des transports (N° Lexbase : L3369I4K) qui prévoient l'obligation pour le conducteur d'une voiture de transport avec chauffeur de retourner, dès l'achèvement de la prestation commandée au moyen d'une réservation préalable, au lieu d'établissement de l'exploitant de cette voiture ou dans un lieu, hors de la chaussée, où le stationnement est autorisé, sauf s'il justifie d'une réservation préalable ou d'un contrat avec le client final. La seconde question porte sur la constitutionnalité de l'article L. 3124-13 du Code des transports (N° Lexbase : L3396I4K) incriminant le fait d'organiser un système de mise en relation des clients avec des personnes qui se livrent aux activités mentionnées à l'article L. 3120-1 (N° Lexbase : L3387I49) sans y être autorisées. Le champ de l'infraction peut être interprété comme englobant non seulement les activités réalisées à titre lucratif, mais également toute utilisation partagée de véhicules qui ne serait pas effectuée à titre gratuit, dès lors que le propriétaire du véhicule utilisé perçoit une indemnité pour la prestation fournie.

newsid:446843

Transport

[Brèves] Responsabilité du commissionnaire de transport pour défaut d'instructions complètes sur la conservation des marchandises au transporteur aérien

Réf. : CA Paris, Pôle 5, 5ème ch., 2 avril 2015, n° 12/20723 (N° Lexbase : A0157NGW)

Lecture: 2 min

N6826BUD

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Le 09 Avril 2015

En l'absence de réserves formulées à la réception des marchandises, le commissionnaire de transport engage sa responsabilité personnelle lorsqu'il a omis de transmettre au transporteur aérien des instructions complètes sur la conservation des marchandises. Telle est la solution posée par un arrêt de la cour d'appel de Paris du 2 avril 2015 (CA Paris, Pôle 5, 5ème ch., 2 avril 2015, n° 12/20723 N° Lexbase : A0157NGW). En l'espèce, la société B. a confié à la société S. le transport de ses produits depuis ses établissements vers ses filiales, ses distributeurs ou autres. La société S. a pris en charge la marchandise sous couvert d'un document de transport aérien et a ensuite, confié la réalisation du transport aérien à la société A., laquelle a émis une lettre de transport aérien, spécifiant que la température des marchandises devait être maintenue aux alentours de 4° C. Les marchandises ont ensuite été réceptionnées sans réserve par la société E., mais ont été retenues par les autorités douanières et sont demeurées à température ambiante pendant quarante-huit heures. Postérieurement, la société B. a informé son commissionnaire que les marchandises étaient devenues impropres à la vente. Un rapport d'expertise a conclu que les marchandises devaient être détruites en totalité. La cour d'appel se prononce sur deux aspects, le premier tient à la qualification du contrat de commission de transport, le second à la responsabilité du commissionnaire au titre des avaries constatées. Sur le premier point, la cour d'appel rappelle que le commissionnaire de transport est un mandataire qui organise pour le mandant le transport de marchandises de bout en bout. La conclusion d'un contrat cadre de transport international confiant à la société S. l'organisation des différentes opérations de transport, l'émission d'un titre de transport dit "House Air Bill" qui, à la différence de la lettre de voiture classique, est établi par le groupeur de fret aérien et/ou le commissionnaire de transport, et la mention de la qualité de commissionnaire de la société S. sur la lettre de transport sont des éléments attestant de la qualité de commissionnaire. S'agissant de la responsabilité du commissionnaire, la cour d'appel relève qu'il était tenu de s'assurer que les colis étaient stockés en chambre froide, les attentes supérieures à 4 heures à toutes les étapes devaient entraîner un stockage à la température adéquate et faire l'objet de justificatifs avec chaque livraison. Or, en l'absence de réserves lors de la réception des marchandises, et à défaut de réception des documents appropriés, le commissionnaire a commis une faute personnelle. Le commissionnaire aurait dû transmettre des instructions complètes au transporteur aérien et prendre les mesures nécessaires à la conservation des marchandises à l'aéroport. Conséquemment, toute limitation de garantie doit être exclue (cf. l’Ouvrage "Responsabilité civile" N° Lexbase : E0487EXC).

newsid:446826

Transport

[Brèves] Nature contractuelle de l'action en responsabilité dirigée contre le transporteur de marchandises

Réf. : CA Rouen, 12 mars 2015, n° 14/02941 (N° Lexbase : A2589NDA)

Lecture: 2 min

N6846BU4

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Le 09 Avril 2015

En l'absence de convention portant sur l'exécution de l'embarquement, l'action en responsabilité contractuelle dirigée contre l'agent maritime du transporteur à la suite de dommages survenus lors du chargement d'une remorque ne se justifie pas. De même, sa responsabilité délictuelle ne saurait être engagée lorsque les opérations de manutention à l'origine du dommage sont imputables au sous-traitant du transporteur. Tels sont les apports d'un arrêt rendu le 12 mars 2015 par la cour d'appel de Rouen (CA Rouen, 12 mars 2015, n° 14/02941 N° Lexbase : A2589NDA). En l'espèce, la société S., commissionnaire de transport, a été chargée de l'organisation du transport maritime d'une remorque foraine entre le port du Havre et l'île de la Réunion. Pour ce transport, elle s'est adressée à la société H., société de droit norvégien. Au cours des opérations de chargement sur un navire, la remorque a été endommagée. Par courriel, l'agent maritime en France de la société H., la société HB., a informé la société S. qu'en raison d'un accident de chargement, la remorque n'avait pas été embarquée. A ce titre, elle a versé au destinataire de la remorque une indemnité en réparation du préjudice subi. Le commissionnaire de transport a dès lors assigné le transporteur en indemnisation du préjudice subi. Pour rejeter les demandes indemnitaires formées par le commissionnaire, le tribunal de commerce a retenu que la société HB. n'était pas le transporteur maritime mais un simple agent de celui-ci. Sur l'action en responsabilité contractuelle, la cour d'appel rappelle que les appelants sont tenus d'établir l'existence d'un lien contractuel entre la société S., commissionnaire en transport, et la société HB., agent maritime. Or, ici, dans la mesure où la société HB. n'a pas pu prendre en charge la remorque en raison de son endommagement avant le chargement à bord, les dispositions spécifiques au transport maritime ne s'applique pas, et le litige doit être réglé en vertu du droit commun. Ainsi, les dommages occasionnés à la remorque avant la mise à bord engagent la responsabilité contractuelle du transporteur. En revanche, le constat d'avarie à l'en-tête de la société sous-traitante de la manutention, ne prouve pas la faute délictuelle de l'agent maritime. En effet, la garde juridique est écartée, les opérations de chargement relevant de la responsabilité du transporteur, même lorsqu'il recourt à un sous-traitant (cf. l’Ouvrage "Responsabilité civile" N° Lexbase : E0489EXE).

newsid:446846

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