Lecture: 8 min
N5430BUN
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication
Le 17 Mars 2015
On pensait la fiscalité empreinte de réalisme, on la devine désormais sous l'oeil de l'art poétique cher à Boileau.
Car ne nous y trompons pas, le bon temps où le droit fiscal était autonome et se souciait uniquement de la vérité factuelle pour taxer le contribuable, faisant fi de toute morale ou de la légalité de son activité, est bien révolu. La lutte contre la fraude fiscale, quasi déclarée "cause nationale", depuis l'hécatombe des recettes fiscales accentuée par une crise économique persistante, menée sous l'égide communautaire et derrière le bouclier de l'OCDE, a conduit, pas à pas, à renverser le paradigme inquisitoire fiscal pour le transformer en système accusatoire, dans lequel le contribuable est, d'abord, suspect ; alors, il doit prouver, à force de pièces justificatives, que non, décidément non, il n'a pas fraudé le fisc.
L'arsenal est connu des avocats-fiscalistes ; et la circulaire du 24 mai 2014 en entonne la litanie sans sourciller : création de circonstances aggravantes de fraude fiscale ; aggravation des peines encourues ; création d'un statut de "repenti" permettant l'application d'une réduction de peine ; élargissement du champ de la procédure judiciaire d'enquête fiscale ; techniques spéciales d'enquête au service de la détection et d'une meilleure appréhension des montages frauduleux sophistiqués ; généralisation de la protection accordée aux lanceurs d'alerte ; instauration du procureur de la République financier ; création de l'Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (OCLCIFF) ; renforcement de la brigade nationale de répression de la délinquance fiscale (BNRDF) et extension de son champ de compétence ; allongement de trois à six ans du délai de prescription en matière de fraude fiscale ; intensification et suivi des échanges entre l'administration fiscale et la Justice ; action pénale plus diversifiée ; action pénale mieux coordonnée entre l'administration fiscale et l'autorité judiciaire ; plaintes étayées d'éléments de contexte et diversifiées ; recours accru à l'information de l'autorité judiciaire sur le fondement de l'article 40 du Code de procédure pénale ; meilleure détection et répression de l'ensemble des auteurs et complices ; sanction sévère de la fraude fiscale et, de façon exemplaire, des comportements les plus frauduleux par des peines d'emprisonnement et de lourdes amendes pénales ; application de peines de saisies et confiscations... Pardonnez la longueur de l'énumération, mais qui boni ? Voilà pour les nouveautés ; mais, bien entendu, on ne saurait oublier les spécialités françaises comme le recours à la théorie de l'abus de droit emportant, quasi systématiquement, la conviction des juges, qu'elle attaque de front ou soit "rampante".
Lutter contre la fraude fiscale est un objectif légitime et nécessaire ; et il n'est point besoin de s'étendre sur la vertu intrinsèque de ce combat éthique et étatique. Car si la fraude fiscale ne met pas en péril l'action de l'Etat, qu'il soit "providence" ou, désormais, même simplement "gendarme", elle entraîne une distorsion de concurrence, voire un encouragement de la rente au détriment de l'entreprenariat, insoutenable pour le contribuable le plus libéral !
Il faut donc frapper fort, condamner fermement et détecter tout détournement illégal de recette. Et, le Code général des impôts comme le Livre des procédures fiscales permettent à l'administration d'oeuvrer efficacement pour le bien de la police fiscale. Voilà pour la répression. Mais la France ne peut se départir d'idéaux préventifs, même en matière fiscale. Il ne suffit plus d'exposer aux contribuables les risques d'un simple forfait ou d'une fraude avérée ; il faut décourager toute "habilité", car la frontière est, du constat même des magistrats, extrêmement ténue avec l'abus de droit et donc la fraude. Et, pour ce faire, rien de plus naturel que de s'attaquer aux "sachants", aux défendeurs et conseils des contribuables, eux-mêmes : les fiscalistes, les avocats en particulier : faire de la complicité de fraude fiscale et des montages internationaux des circonstances aggravantes, tel est le nouveau cheval de bataille de l'administration.
La première salve n'était pas le projet de loi visant à lutter contre la fraude fiscale et la grande délinquance financière ; elle remonte plus vraisemblablement à la 3ème Directive "anti-blanchiment" et à sa transposition dans le corps législatif français. Mais, la Cour européenne des droits de l'Homme aura beau juger, le 6 décembre 2012, que l'obligation de déclaration de soupçon pesant sur les avocats ne porte pas une atteinte disproportionnée au secret professionnel auquel ils sont astreints, le faible nombre de déclarations souscrites, par le filtre du Bâtonnier, chaque année en France, marque la défiance d'une profession peu encline à rompre la confiance de leurs clients inhérente à leur office, d'autant que, comme le soutenait le requérant dans l'affaire en cause, la réglementation en la matière, qui conduit à la délation, manque de clarté : elle oblige à déclarer des "soupçons", sans définir cette notion ; le domaine des "activités" auxquelles elle s'applique est flou et il est difficile pour un avocat de scinder ou cloisonner ses activités afin de définir celles qui sont concernées. Il ajoutait que le secret professionnel des avocats est indivisible : la loi qui régit les professions judiciaires précise qu'il s'applique tout autant aux fonctions de défense qu'à celles de conseil et concerne l'ensemble des activités et des dossiers des avocats. L'argument n'a pas emporté la conviction des juges strasbourgeois, mais le nombre de déclarations de soupçon n'a pas décollé pour autant.
Alors, last but not least, aux grands maux, les grands remèdes : créer une infraction de complicité de fraude fiscale dont, à n'en pas douter, les avocats semblent les plus légitimes, "périmètre du droit" oblige, à endosser le crime, conjuguée à une aggravation des sanctions en cas de fraude fiscale en bande organisée ; rien de moins. Même si les fiscalistes ne sont pas légion au sein de la profession, les avocats se sont levés, unanimes, vent debout, contre une définition hasardeuse de la complicité, mettant en péril l'essence même de leur qualité de conseil, en dehors même de toute stratégie soupçonnée d'optimisation fiscale. "Or, pourquoi la profession de fiscaliste est-elle née ? En premier lieu, pour accompagner les contribuables dans le respect de leurs obligations fiscales, de plus en plus sophistiquées, et de plus en plus sibyllines. Nul n'est censé ignorer la loi, mais encore faudrait-il la comprendre. La pratique du droit fiscal est donc d'abord un travail de compréhension des textes, de leurs enjeux pratiques, puis l'assimilation et la compréhension des problématiques rencontrées par le contribuable, enfin une vulgarisation du droit de l'impôt pour expliquer au client ce qu'il doit faire, comment se protéger en cas de contrôle fiscal, et comment payer l'impôt. L'avocat fiscaliste a deux clients : l'un, un contribuable, qui le rémunère et lui pose une obligation de moyens ; l'autre, le droit fiscal, qui ne lui verse rien (au contraire, l'avocat est un contribuable comme les autres), et lui impose une obligation de résultat concernant le respect de sa lettre (et de son esprit)". Tel est le rappel opéré en préambule du Manifeste des avocats fiscalistes contre la méfiance dont les pouvoirs publics font preuve à leur égard.
Le droit fiscal est byzantin ; l'administration fiscale est boulimique d'informations ; et au milieu de tout cela, le contribuable a, encore, le choix de la voie la moins imposée. Comment faire sans être efficacement conseillé ? Un contribuable avisé en vaut deux : qu'à cela ne tienne, condamnons le fraudeur et son conseil. En cela, il n'y a pas de quoi soulever les coeurs, mêmes ceux des avocats-fiscalistes les plus sensibles. Seulement, étant donné que la caractérisation de la fraude fiscale est un casse-tête, aussi bien pour l'administration que pour le juge de l'impôt, on peine à imaginer qu'une caractérisation de sa complicité soit plus évidente et moins arbitraire. A cela s'ajoute qu'à force de présomptions légales de fraude ou d'évasion fiscale, il est des plus irrespectueux des droits de la défense d'accuser le conseil du contribuable, dans la tourmente quotidienne, de complicité. Il essaye, au contraire, le plus souvent, d'éviter à son client le piège de la fraude ; de faire correspondre la juste taxation à un réalisme dévoyé par l'arsenal répressif de la situation fiscale du contribuable. Et, a-t-on idée de condamner l'avocat défendeur au pénal de complicité de crime de son client ? Tout cela parce qu'il aura relevé une faille procédurale conduisant à la relaxe de ce dernier ? C'est un pas que le service de la législation fiscale a franchi, sans ambages, en inscrivant ce projet, une première fois, dans la future loi du 6 décembre 2013. Devant l'incertitude rédactionnelle et le lobbying éclairé -car il en existe-, le projet fut abandonné.
Mais, le Gouvernement ne pouvait pas en rester là ; il fallait tenter le coup et risquer la censure, plus que probable, même s'il apparaissait herculéen d'arriver à une définition de l'infraction de complicité de fraude ou d'évasion fiscale face aux objectifs légitimes d'un conseil-défenseur des droits du contribuable dans le choix de la voie la moins imposée. L'article 79 de la loi de finances pour 2015 aura passé les fourches caudines parlementaires, mais non celles du Conseil constitutionnel qui ne censurera, au demeurant, que cette disposition, comme pour dire le plus simplement du monde : cela va trop loin...
La rédaction du nouvel article 1740 C du Code général des impôts était donc, comme pressentie, irrespectueuse des droits et libertés garantis par la Constitution, aux premiers rangs desquels le principe de la légalité des délits et des peines. D'une part, parmi les conditions qu'il a posées pour l'application de la sanction fiscale en cause, l'article 1740 C prévoyait que les agissements que la personne poursuivie avait commis, auxquels elle avait apporté son aide ou son assistance ou dans lesquels elles s'était entremise, devaient avoir conduit "à des rappels ou rehaussements assortis de la majoration prévue au b de l'article 1729" ; or, cette rédaction ne permettait pas de déterminer si l'infraction fiscale instituée était constituée en raison de l'existence d'un abus de droit, que la personne poursuivie serait recevable à contester indépendamment du sort des majorations appliquées au contribuable en application du b) de l'article 1729, ou si l'infraction était constituée par le seul fait qu'une telle majoration avait été prononcée. D'autre part, en prévoyant que l'amende qui pouvait être prononcée à l'encontre de la personne visée à l'article 1740 C était égale à 5 % du chiffre d'affaires ou des recettes brutes "qu'elle a réalisés à raison des faits sanctionnés au titre du présent article", cet article ne permettait pas de déterminer si le taux de 5 % devait être appliqué aux recettes ou au chiffre d'affaires que la personne poursuivie avait permis au contribuable de réaliser, ou s'il devait être appliqué aux recettes ou au chiffre d'affaires que la personne poursuivie a elle-même réalisés. L'obligation de définir les crimes et délits en termes suffisamment clairs et précis était rompue : les dispositions de l'article 79 méconnaissaient donc les exigences constitutionnelles.
La troisième salve a fait chou blanc, mais n'est pas passée bien loin. Le souffle du boulet se fait encore ressentir, jusqu'à ce que ce dernier finisse par tuer l'avocat-fiscaliste, tel Turenne à la bataille de Salzbach. On pourra toujours crier, comme Montecuccoli à la mort du grand Maréchal : "Il est mort aujourd'hui un homme qui faisait honneur à l'Homme !" ; il n'en demeure pas moins qu'il en sera fini des droits de l'Homme en matière fiscale avec la disparition des avocats-fiscalistes. A quoi sert au contribuable d'avoir des bras, lorsque l'on perd la tête ? A quoi sert de conquérir des droits, quand on les ignore, malgré l'adage nemo censitur ?
"Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage" : ce que fera, à n'en pas douter, l'administration, dans un prochain collectif budgétaire qui mijotera au mieux ses effets. La plume est plus forte que l'épée, on le sait : mais pour le meilleur, comme pour le pire.
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:445430
Lecture: 7 min
N5329BUW
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Valérie Morales, Avocat au barreau de Paris, Cabinet Marvell
Le 17 Mars 2015
En contrepartie, le financeur perçoit, généralement, une rémunération calculée en pourcentage des sommes allouées par la décision ou recouvrées à l'issue de l'action (entre 20 et 60 % selon les sociétés).
Dès lors qu'une prise en charge est acceptée, l'investisseur assume seul les risques financiers liés à la procédure. Ainsi, en cas d'échec, il ne percevra, certes, aucune rémunération mais il ne demandera pas à son client le remboursement des frais qu'il aura avancés pour lui. En cas de succès, le financeur récupèrera un pourcentage convenu sur le gain obtenu. Cette pratique obéit à une logique "gagnant-gagnant".
Le mécanisme peut se mettre en place à tout moment du procès : avant l'engagement de l'action, pendant le procès, ou au stade du recouvrement des sommes allouées par la décision.
En France, cette activité n'est pas -encore- encadrée ni règlementée. Il n'existe pas non plus de code de bonne conduite relative à cette pratique (1), à la différence d'autres pays (2) (au Royaume-Uni, par exemple).
Les tiers financeurs sont généralement des fonds d'investissement spécialisés, mais cette activité peut également être exercée par des institutions financières, des banques ou des compagnies financières.
Cette technique est encore assez confidentielle en France mais elle a vocation à se développer dans les années à venir.
D'abord cantonnée aux procédures arbitrales à raison des coûts que celles-ci représentent pour les parties, la technique tend aujourd'hui à se généraliser aux procédures judiciaires. Elle est d'ailleurs destinée à tous types de justiciables (entreprises et particuliers).
Un contrat sui generis. En France, le financement de procès par un tiers est soumis aux seules dispositions contractuelles discutées entre les parties.
S'agissant de sa qualification, le contrat proposé par le tiers financeur implique un certain nombre de prestations de nature composite, ce qui a conduit la doctrine à s'interroger sur sa qualification et sa licéité en droit français (3).
Ce n'est ni un contrat d'assurances (absence d'aléa sur la survenance de l'évènement qu'est l'action en justice), ni un contrat de prêt (la partie financée n'a pas d'obligation de remboursement des sommes).
La jurisprudence semble opter pour la qualification de contrat d'entreprise, dès lors que la rémunération de l'investisseur peut faire l'objet d'une réfaction lorsqu'elle est jugée excessive (4).
La doctrine considère qu'il s'agit d'un contrat sui generis, de nature composite. Ce mécanisme fait appel aux notions de divers contrats spéciaux connus en droit français et l'application cumulative de ces régimes n'engendrerait pas de risques de nullité du contrat, dès lors que son économie est jugée légitime et que ses clauses ne sont pas déséquilibrées ou inéquitables. L'opération est donc considérée comme licite en droit français.
Le fonctionnement du contrat. Le tiers financeur souscrit à un certain nombre d'obligations de faire et de donner qui peuvent varier selon le contenu du contrat qui le lie à la partie financée.
Il n'est donc pas possible, ici, de généraliser mais la prestation de services offerte par le tiers est, avant tout, une avance de trésorerie étroitement associée à un diagnostic et à un suivi du contentieux.
Les tiers financeurs comptent, parmi leurs équipes, des juristes et des experts techniques, dont la mission est de proposer un premier filtrage des dossiers soumis par le client désireux de faire financer son contentieux.
Ils assurent, ensuite, le suivi du procès en lien avec le client et son avocat. Selon la nature des obligations proposées par le tiers financeur, on distingue, à ce stade, les tiers "actifs" qui participent à la conduite du procès (comme le ferait un assureur), des tiers "passifs" qui se contentent de financer le procès.
Certains financeurs participent, en outre, à la procédure de recouvrement des sommes allouées par la décision de justice ou la sentence arbitrale.
Le procès devient un actif finançable. Du point de vue de la philosophie de l'opération, ce mécanisme engendre une financiarisation des actions en justice. La demande en justice et le procès en lui-même sont considérés comme un investissement sur lequel le financeur va capitaliser, à plus ou moins brève échéance.
Outre la question éthique de la recherche d'une rentabilité financière du procès par un tiers investisseur, ce mécanisme bouleverse la vision classique de notre système judiciaire français, qui supprime traditionnellement toute corrélation entre le procès et l'idée-même d'un profit.
Le tiers financeur sollicité par un demandeur au procès fera nécessairement un audit préalable du litige en fonction de critères économiques.
Sont alors examinées, les chances de succès de l'action afin d'apprécier l'intérêt d'un financement et son montant. Le tiers financeur ne finance, en principe, que les dossiers en demande, et ceux où l'intérêt du litige dépasse un montant plancher (variable, cependant, selon les sociétés de financement).
Les dossiers font l'objet d'un examen préalable rigoureux (due diligences) tenant compte de la valeur nette de la demande, de son fondement juridique, des moyens de preuve disponibles, des coûts prévisibles de la procédure, de l'expérience et de la compétence de l'avocat choisi, de la solvabilité du défendeur, des chances de recouvrement des sommes allouées et de la durée prévisionnelle du litige.
Le taux de rentabilité de l'opération étant le critère de sélection premier, ce sont évidemment les litiges les plus rentables qui attireront les tiers financeurs (en général, un rendement minimum de 3 à 4 fois les sommes investies).
Les rémunérations prélevées peuvent aussi varier grandement : les tiers américains se font rémunérer entre 20 et 50 % des indemnités reçues, tandis que les sociétés australiennes font état de pourcentages compris entre 30 et 60 %. Certains tiers combinent l'application d'un pourcentage au remboursement des frais par le client.
Critiques et précautions. Qui dit financement et intéressement à la réussite du procès, dit risques d'intervention du tiers dans la conduite de ce procès.
Or, seul le client financé conserve la qualité de partie à l'instance ; le financeur sera généralement considéré comme un tiers à la relation avocat/client même s'il supporte la charge des honoraires et est financièrement intéressé à la réussite du procès.
Dès lors, du point de vue de la déontologie, l'avocat reste débiteur à l'égard du seul client, partie au litige, de ses obligations de conseil, de diligence, de confidentialité et d'indépendance.
Notamment, afin d'éviter tout risque de conflit d'intérêts, l'avocat ne devrait prendre ses instructions dans la conduite du litige que de la partie qui l'a désigné, et non du tiers financeur. Ce dernier ne doit donc pas se substituer au client dans la conduite de la procédure.
Il est, cependant, admis, en pratique, qu'il prenne part, a minima, aux décisions importantes. C'est pourquoi le contrat de financement engendre, généralement, pour la partie financée, une obligation d'information à l'égard de son bailleur du fonds. Cette information portera sur le choix de l'avocat, la ligne de défense choisie, les pièces du procès, l'évolution de la procédure, ou encore l'intérêt éventuel d'une transaction amiable mettant fin au procès.
Se pose alors la question du débiteur de l'information, l'avocat étant tenu par ses règles déontologiques (la question se pose à tous les stades de la relation : tant lors de l'analyse préalable au financement, que pendant le déroulement du procès ou ensuite, lors de l'exécution de la décision).
Le contrat de financement devra donc organiser les modalités de transmission par le client d'informations et de pièces, par nature couvertes par la confidentialité, afin de permettre à l'avocat de respecter son secret professionnel, principe d'ordre public (5).
L'avocat doit également être vigilant et prévenir tout conflit d'intérêts éventuel entre les intérêts de son client et ceux de l'investisseur : ceux-ci peuvent diverger, notamment, quant à l'évolution de la stratégie procédurale, voire l'opportunité d'une transaction avec l'adversaire mettant fin au procès.
Le contrat de financement organise également les relations entre le tiers financeur et l'avocat, sur la question de la rémunération de ce dernier. A cet égard, on rappelle que l'avocat veillera toujours à ce que les modalités de détermination de ses honoraires respectent le règlement intérieur national (RIN) (N° Lexbase : L4063IP8). Etant soumis à l'interdiction du pacte de quota litis (6), l'avocat ne pourra se faire rémunérer exclusivement en pourcentage du résultat obtenu à l'issue du procès, à la différence du tiers financeur, lequel n'est pas soumis à une telle interdiction.
En présence d'un tiers financeur, il appartiendra donc à l'avocat de rester vigilant afin de toujours défendre son client dans le respect de ses règles déontologiques, tout en conservant à l'esprit que la relation contractuelle existant entre son client et le financeur a un impact sur sa gestion du procès.
Prospective. Ce mécanisme pourrait être, à terme, en France, une voie de financement alternative, notamment pour les actions de groupe récemment introduites en droit français par la loi "Hamon" (loi n° 2014-344 du 17 mars 2014, relative à la consommation N° Lexbase : L7504IZX), le législateur n'ayant pas prévu les modalités du financement de ces mêmes actions.
Reste à savoir, toutefois, si les actions collectives, de type consumériste, attireront véritablement les tiers financeurs, leurs critères de sélection les portant naturellement vers les contentieux à enjeux financiers élevés et forts potentiels de retour sur investissement, ou les arbitrages commerciaux, donc vers une clientèle majoritairement composée d'entreprises.
La pratique du financement de procès par un tiers risque de bouleverser, en France, la gestion des contentieux mais elle est parfaitement compatible, sous certaines réserves, avec les règles déontologiques de l'avocat français (7).
Il faut voir, dans ce mécanisme, la possibilité pour les avocats de faire bénéficier leurs clients d'un partenaire financier dont le soutien contribue grandement à l'accès au droit, ce qui est une avancée remarquable.
Pour le moment, cette activité n'est pas soumise à règlementation en France, mais elle le sera, vraisemblablement, d'ici quelques mois.
En effet, le Conseil national des barreaux vient de mandater lors de son assemblée générale des 12 et 13 décembre 2014, l'une de ses commissions pour élaborer des projets de textes législatifs et règlementaires encadrant cette pratique.
Les travaux de la commission porteront plus spécifiquement sur trois points : l'encadrement des contrats de financement par les tiers, le respect des règles essentielles de la profession d'avocat notamment en matière de secret et d'absence de conflit d'intérêts, et la protection du tiers financé, partie au procès.
L'objectif est de présenter aux pouvoirs publics un projet global de texte dans les six mois à venir.
(1) La CCI a cependant édité un "projet de guide pratique sur le financement de l'arbitrage par les tiers".
(2) Au Royaume-Uni, l'Association of Litigation Funders a adopté, le 23 novembre 2011, un code de bonne conduite en matière de financement des litiges qui a permis d'instaurer plus de transparence dans le fonctionnement du mécanisme et dans les rapports entre les tiers et la partie financée.
(3) Très peu de décisions ont été rendues en France sur la question ; à ce jour, à notre connaissance, seules deux décisions : CA de Versailles, 1er juin 2006, RG n° 05/01038 ; Cass. civ. 1, 23 novembre 2011, n° 10-16.770, FS-P+B+I (N° Lexbase : A9909HZZ).
(4) Cass. civ. 1, 23 novembre 2011 précité.
(5) Extrait de l'article 2.1 du RIN : "L'avocat est le confident nécessaire du client. Le secret professionnel de l'avocat est d'ordre public. Il est général, absolu et illimité dans le temps".
(6) Extrait de l'article 11.3 du RIN : "Il est interdit à l'avocat de fixer ses honoraires par un pacte de quota litis. Le pacte de quota litis est une convention passée entre l'avocat et son client avant décision judiciaire définitive, qui fixe exclusivement l'intégralité de ses honoraires en fonction du résultat judiciaire de l'affaire, que ces honoraires consistent en une somme d'argent ou en tout autre bien ou valeur".
(7) Voir à ce sujet, les recommandations de la Commission "Financement de procès par les tiers", du Club des juristes, dans son rapport publié en juin 2014.
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:445329
Réf. : Cass. com., 6 janvier 2015, n° 13-21.305, F-P+B (N° Lexbase : A0762M94)
Lecture: 2 min
N5465BUX
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
Le 17 Mars 2015
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:445465
Réf. : CE 3° et 8° s-s-r., 29 décembre 2014, trois arrêts, n° 372473, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A8333M87), n° 372477, 372479, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A8334M88)
Lecture: 22 min
N5431BUP
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Vincent Daumas, Maître des Requêtes au Conseil d'Etat et Rapporteur public à la 3ème sous-section
Le 17 Mars 2015
Dans une commune d'environ 1 400 habitants située dans le Vaucluse, en limite de la Drôme. M. et Mme X exploitaient un bar-tabac-restaurant au rez-de-chaussée d'un immeuble dont ils étaient propriétaires. Ayant renoncé à l'exploitation du restaurant, ils ont décidé de mettre l'immeuble en vente. La commune, ne souhaitant pas que ce commerce ferme et voyant dans cet immeuble attenant à l'hôtel de ville la possibilité d'étendre la surface de ses bureaux, a décidé de l'acquérir. Son conseil municipal, par délibération du 3 septembre 2010, a décidé à l'unanimité l'acquisition de l'immeuble, pour un prix de 400 000 euros conforme à l'évaluation du service des domaines. Par délibération du 10 septembre 2010, le conseil municipal a décidé de contracter un emprunt d'un montant de 500 000 euros pour financer l'opération. Le contrat de prêt a été conclu le 22 septembre 2010 ; et le contrat de vente le 17 décembre suivant. Puis, le 10 novembre 2011, la commune a conclu un bail commercial avec une SARL pour l'exploitation d'un bar-restaurant au rez-de-chaussée de l'immeuble. La commune a ensuite aménagé le premier étage pour étendre les locaux de l'hôtel de ville.
Toutefois, par un jugement du 5 avril 2012, le tribunal administratif de Nîmes, à la demande d'une association locale, a prononcé l'annulation de la délibération du 3 septembre 2010 décidant le principe de l'acquisition de l'immeuble et, par voie de conséquence, de celle du 10 septembre suivant décidant de recourir à l'emprunt. Par un arrêt du 30 juillet 2013, la cour administrative d'appel de Marseille (1) a confirmé ce jugement. Et, par un arrêt du même jour, saisie d'une demande d'exécution du jugement, elle a enjoint à la commune, d'une part, de procéder à la résolution amiable du bail du 10 novembre 2011 ou, à défaut, de saisir le juge du contrat, d'autre part, de désaffecter et déclasser le premier étage de l'immeuble puis de procéder à la résolution amiable du contrat de vente du 17 décembre 2010 ou, à défaut, de saisir le juge du contrat, enfin, de procéder à la résolution amiable du contrat de prêt du 22 septembre 2010 ou, à défaut, de saisir le juge du contrat. En résumé, la cour administrative d'appel a entendu que fussent effacés tous les effets, y compris passés, des trois contrats conclus à la suite des deux délibérations dont elle a confirmé l'annulation.
La commune se pourvoit en cassation.
1 - Son pourvoi n° 372473 est dirigé contre l'arrêt par lequel la cour administrative d'appel a confirmé l'annulation des délibérations des 3 et 10 septembre 2010. Il ne vous retiendra pas trop longtemps.
Pour confirmer l'annulation de la délibération du 3 septembre 2010 décidant l'acquisition de l'immeuble, la cour administrative d'appel a considéré qu'elle était intervenue en méconnaissance des dispositions de l'article L. 2251-3 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L5187IZ7). Cet article trouve sa place dans la partie du code consacrée aux aides économiques que les communes sont susceptibles d'accorder. Relevons que vous n'avez pas encore eu l'occasion de faire application de ses dispositions dans leur rédaction applicable au présent litige, qui est issue de la loi n° 2005-157 du 23 février 2005, relative au développement des territoires ruraux (N° Lexbase : L0198G8T). Ces dispositions prévoient que la commune peut confier la responsabilité de créer ou gérer un service nécessaire à la satisfaction des besoins de la population en milieu rural à une association régie par la loi du 1er juillet 1901, relative au contrat d'association (N° Lexbase : L3076AIR), ou à toute autre personne et qu'elle peut également accorder des aides. Ces interventions sont, toutefois, soumises à la condition que l'initiative privée soit défaillante ou insuffisante pour assurer la création ou le maintien d'un tel service.
La cour administrative d'appel a seulement cité, parmi les dispositions de l'article L. 2251-3, celles prévoyant la possibilité d'accorder des aides. Elle a estimé que la délibération du 3 septembre 2010 avait pour principal objectif de créer ou maintenir "un pôle d'attraction au coeur du village, un restaurant familial, un bar-tabac". Puis elle a jugé que la commune n'établissait pas que la restauration "familial" pratiquant des tarifs attractifs était un service nécessaire aux besoins de la population. Elle en a déduit que les conditions posées par l'article L. 2251-3 n'étaient pas remplies.
Signalons, avant d'exposer le moyen du pourvoi que nous proposons d'accueillir, que ce qu'a jugé la cour administrative d'appel ne pose pas de difficultés en termes de recevabilité ou de compétence juridictionnelle. Elle a regardé les deux délibérations qu'elle a annulées comme des actes détachables des contrats dont elles avaient pour objet d'autoriser la conclusion et cela ne fait pas de doute dans l'état de la jurisprudence antérieur à votre décision d'assemblée "Département de Tarn-et-Garonne" (2) -étant précisé que les nouvelles règles dégagées par cette décision ne s'appliquent qu'aux contrats conclus postérieurement à sa lecture-. Et la juridiction administrative était bien compétente pour connaître de l'acte détachable par lequel une collectivité décide d'acquérir un bien destiné à rejoindre son domaine privé (3).
En cassation, la commune soutient que la cour a commis une erreur de qualification juridique des faits en jugeant que l'acquisition de l'immeuble constituait une aide au sens des dispositions de l'article L. 2251-3 du Code général des collectivités territoriales. Nous pensons qu'il y a lieu de requalifier ce moyen comme tiré d'une inexacte interprétation de la délibération du 3 septembre 2010 puisque ce qui est critiqué, en réalité, c'est la lecture faite par la cour de cette délibération. La cour administrative d'appel y a vu une aide octroyée par la commune, entrant dans le champ d'application des dispositions de l'article L. 2251-3. Nous croyons que la commune est fondée à soutenir qu'elle s'est méprise sur ce point. Rien dans cette délibération, ni d'ailleurs dans le contexte dans lequel elle a été prise, ne permet d'identifier une aide accordée à quiconque.
La commune, certes, comme la cour l'a d'ailleurs relevé, avait manifesté sans ambiguïté son intention de faire en sorte que le commerce de bar-tabac-restaurant jusqu'alors exploité par les époux X perdure. Cela révélait peut-être un projet d'intervention économique de la part de la commune, mais, tout au moins au stade de la délibération décidant l'acquisition de l'immeuble, aucune aide. A aucun moment d'ailleurs dans son arrêt, la cour administrative d'appel n'explicite qui pourrait en être le bénéficiaire et quelle forme elle serait susceptible de revêtir.
La défense de l'association ne nous fait pas douter du bien-fondé du moyen soulevé par la commune. Si votre décision "Commune de Mercoeur" du 25 juillet 1986 (4) admet que constitue une intervention économique la construction de locaux destinés à être loués à une personne assurant leur exploitation commerciale, elle n'affirme en rien qu'il y aurait là une aide. De même, votre décision "Commune de la Souche" du 25 janvier 2006 (5) se borne à juger que l'acquisition par une commune d'un immeuble afin de l'aménager et l'exploiter en gîte rural emporte affectation de cet immeuble au service public de développement économique et touristique ; mais elle n'affirme nullement qu'elle doit être regardée comme une aide à un bénéficiaire quelconque. Ces jurisprudences concernent des hypothèses d'intervention économique de la commune, que n'épuise pas la notion d'aide : c'est que, outre les aides aux entreprises, les interventions économiques des collectivités publiques peuvent revêtir bien d'autres formes -notamment l'érection en service public d'une activité normalement réservée à l'initiative privée-.
Si vous nous suivez pour accueillir le moyen du pourvoi tiré d'une inexacte interprétation de la délibération du conseil municipal du 3 septembre 2010, vous aboutirez à une annulation totale et non partielle de l'arrêt attaqué. La cour administrative d'appel a, en effet, confirmé l'annulation de la seconde délibération en litige, celle du 10 septembre 2010 décidant de recourir à l'emprunt, par voie de conséquence de l'annulation de la première. Comme le soutient la commune, l'erreur commise par la cour administrative d'appel dans l'interprétation de la première délibération affecte donc l'arrêt attaqué dans son ensemble.
Après annulation de l'arrêt, vous pourrez régler l'affaire au fond. La cour s'était prononcée "sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête" de la commune. Il se trouve que cette requête d'appel est tardive puisqu'il ressort des pièces du dossier, d'une part, que le jugement a été notifié à la commune le 10 avril 2012, d'autre part, que l'appel de la commune n'a été enregistré au greffe de la cour par télécopie que le 12 juin 2012, un mardi, alors que le délai d'appel expirait la veille. La commune a beau faire valoir que ses services n'ont apposé leur tampon sur la notification du jugement que le 12 avril, c'est la date qui figure sur l'avis de réception qui fait foi jusqu'à preuve du contraire (6). Vous rejetterez donc, comme irrecevable car tardive, la requête d'appel de la commune.
Vous devrez aussi rejeter les conclusions présentées par la commune au titre de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L3227AL4) et, dans les circonstances de l'espèce, nous vous proposons de dire qu'il n'y a pas lieu de faire droit à celles de l'association.
2 - Le pourvoi n° 372477 est dirigé contre l'arrêt par lequel la cour a statué sur la demande d'exécution du jugement prononçant l'annulation des délibérations des 3 et 10 septembre 2010. Il pose une question de droit intéressante.
La cour administrative d'appel a estimé qu'"eu égard à la particulière gravité des illégalités commises", il y avait lieu d'enjoindre à la commune, pour le dire rapidement, de supprimer les effets produits par les trois contrats conclus à la suite des deux délibérations annulées, c'est-à-dire le contrat d'emprunt, le contrat d'achat de l'immeuble et le contrat de bail portant sur la location du rez-de-chaussée. Il était donc enjoint à la commune de rechercher la résolution amiable de ces trois contrats ou, à défaut d'entente sur la résolution, de saisir dans chaque cas le juge du contrat afin qu'il en réglât les modalités s'il estimait que cette résolution pouvait être une solution appropriée.
La cour administrative d'appel, dans la formulation de ces injonctions, ne paraît pas s'être interrogée sur le point de savoir si les pouvoirs du juge de l'exécution qu'elle mettait en oeuvre sont identiques selon qu'il s'agit de tirer les conséquences de l'annulation d'un acte détachable d'un contrat de droit public ou d'un contrat de droit privé. Or, l'office du juge de l'exécution ne nous paraît pas devoir être le même dans l'un et l'autre cas.
2.1 - Disons d'abord qu'étaient bien en cause, devant la cour administrative d'appel, des contrats de nature différente.
Le contrat d'emprunt nous paraît avoir le caractère d'un contrat administratif par détermination de la loi puisque l'article 3, 3° du Code des marchés publics (N° Lexbase : L1069IRZ) fait entrer dans son champ d'application les "contrats de services financiers conclus en relation avec le contrat d'acquisition [d'un bien immeuble]" (7). En revanche, le contrat d'achat de l'immeuble était évidemment un contrat de droit privé (8). Et il en allait de même du bail commercial conclu pour l'exploitation d'un bar-restaurant au rez-de-chaussée de l'immeuble, contrat conclu pour l'occupation d'une dépendance du domaine privé (9). Etant précisé que, dans l'un et l'autre cas, on ne peut identifier dans les contrats en cause aucune clause qui impliquerait qu'ils relèvent du régime exorbitant des contrats administratifs (10).
2.2 - Rappelons ensuite quel est l'état de votre jurisprudence sur l'articulation des pouvoirs respectifs du juge de l'exécution et du juge du contrat.
La décision fondatrice en la matière est une décision de section du 7 octobre 1994 (11). Vous avez jugé que le juge administratif de l'exécution était compétent pour ordonner à la personne publique partie au contrat de saisir le juge du contrat pour qu'il tire les conséquences d'une annulation pour excès de pouvoir d'un acte détachable de ce contrat. En l'occurrence, il s'agissait d'enjoindre à une commune de saisir le juge du contrat "en vue d'obtenir le retour dans le domaine privé de la commune de la propriété aliénée". Vous relèverez que ce précédent fondateur portait, précisément, sur les conséquences à tirer, pour le juge de l'exécution, de l'annulation d'un acte détachable d'un contrat de droit privé -un contrat de vente d'un bien relevant du domaine privé d'une commune-.
Vous avez ensuite précisé que le juge de l'exécution devait non seulement tenir compte de la nature de l'acte annulé et du vice dont il est entaché, mais encore vérifier que la nullité du contrat ne porterait pas, si elle était constatée, une atteinte excessive à l'intérêt général. Et ce n'est que si, d'une part, la nature de l'acte et le vice qui l'entache impliquent la nullité du contrat et si, d'autre part, le constat de cette nullité ne porterait pas une atteinte excessive à l'intérêt général, que le juge de l'exécution devait ordonner aux parties de saisir le juge du contrat "afin de faire constater la nullité du contrat" (12).
Il vous a fallu ensuite adapter cette jurisprudence à l'évolution de celle sur les irrégularités affectant les contrats administratifs. Nous faisons référence ici à votre décision d'Assemblée dite "Béziers I" de 2009 (13). Jusqu'à cette décision, le juge du contrat était, pour reprendre les termes d'Emmanuel Glaser, "enfermé dans un choix binaire" : il ne pouvait guère que reconnaître la parfaite régularité du contrat ou, au contraire, admettre qu'il était entaché d'une irrégularité et, dans ce cas, constater sa nullité. Vous avez considérablement redessiné son office en lui donnant mission d'apprécier, au cas par cas, la gravité des irrégularités susceptibles d'affecter le contrat et les conséquences qu'il faut en tirer sur son exécution, compte tenu de l'intérêt général qui s'attache à sa poursuite -l'annulation du contrat faisant désormais figure d'exception réservée aux irrégularités les plus graves-. Cette extension des pouvoirs du juge du contrat ouvrait de nouvelles possibilités au juge de l'exécution -et aussi quelques risques supplémentaires de chevauchement de leurs missions respectives-.
La nécessaire redéfinition de l'équilibre entre les interventions respectives du juge de l'exécution et du juge du contrat a été le fait d'une décision "Société Ophrys" du 21 février 2011 (14). Conformément au parti déjà pris dans votre décision "Institut de recherche pour le développement" (15), vous avez attribué au juge de l'exécution un rôle particulièrement développé, afin d'éviter, dans la mesure du possible, la saisine du juge du contrat, c'est-à-dire l'ouverture d'une nouvelle instance. Mais vous avez bien pris le soin, dans la définition de l'office du juge de l'exécution, de ne pas aller jusqu'à paralyser les pouvoirs du juge du contrat. Vous avez ainsi permis au juge de l'exécution de constater que l'annulation de l'acte détachable n'interdit pas la poursuite de l'exécution du contrat, le cas échéant sous réserve de mesures de régularisation. Vous lui avez aussi permis, lorsque la poursuite du contrat n'est pas possible, d'enjoindre à la personne publique de le résilier -c'est-à-dire d'en faire cesser les effets pour l'avenir-. Et dans l'hypothèse d'une illégalité d'une particulière gravité, vous avez également reconnu que le juge de l'exécution pouvait inviter les parties à résoudre le contrat ou, faute d'entente sur les modalités de cette résolution, leur enjoindre de saisir le juge du contrat "afin qu'il en règle les modalités s'il estime que la résolution peut être une solution appropriée" -cette proposition conditionnelle manifestant la liberté laissée au juge du contrat, dans une telle hypothèse, d'envisager toute autre mesure que la résolution tirant les conséquences de l'annulation de l'acte détachable-.
Si le considérant de principe de la décision "Société Ophrys" ne le précise pas, nous n'avons aucun doute qu'il s'applique aux seuls contrats administratifs. Deux raisons à cela : d'une part, le juge de l'exécution ne saurait enjoindre à l'administration de résilier un contrat de droit privé puisqu'elle ne dispose pas, lorsque le contrat a cette nature, d'un pouvoir de résiliation unilatéral ; d'autre part, et plus fondamentalement, l'office du juge de l'exécution dessiné par la décision "Ophrys" amène celui-ci à statuer sur le devenir des relations nouées au travers du contrat, ce qu'il ne pourrait compétemment faire -puisque le juge de l'exécution est évidemment un juge administratif- s'agissant d'un contrat de droit privé.
2.3 - Il vous revient donc, pour résoudre la présente affaire, de définir l'office du juge saisi d'une demande d'exécution d'une décision juridictionnelle prononçant l'annulation d'un acte administratif détachable d'un contrat de droit privé.
Il faut certainement repartir de la décision de section du 7 octobre 1994 (16), rendue à propos d'un contrat de droit privé. Il en découle que le juge de l'exécution a le pouvoir d'enjoindre aux parties de saisir le juge du contrat afin qu'il tire les conséquences de l'annulation de l'acte détachable. Restent deux questions : de quelle palette d'injonctions le juge de l'exécution dispose-t-il ? Et sur quels éléments doit-il se fonder ?
Il nous semble que vous devez avoir en tête, mutatis mutandis, les mêmes considérations que celles qui ont présidé à l'élaboration de votre jurisprudence "Ophrys". D'une part, il s'agit de donner au juge de l'exécution des pouvoirs étendus afin de lui permettre, le cas échéant, de clore le litige en évitant ainsi la saisine du juge du contrat. D'autre part, il n'est pas question de l'autoriser à empiéter sur les pouvoirs du juge du contrat, qui est ici un juge judiciaire, quand bien même cet empiètement ne limiterait pas la marge de manoeuvre de ce dernier. La ligne de partage qui en découle recoupe largement la frontière définissant la répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction : au juge judiciaire du contrat, et à lui seul, il reviendra de tirer les conséquences de l'illégalité sur le contrat ; au juge administratif de l'exécution, il appartiendra d'apprécier, non pas dans quelle mesure l'illégalité remet en cause la relation contractuelle, mais si l'annulation de l'acte détachable peut avoir une incidence sur le contrat.
Cela implique que le juge de l'exécution recherche, tout d'abord, s'il existe des possibilités que l'administration régularise l'illégalité sanctionnée par le juge de l'excès de pouvoir, auquel cas il doit lui enjoindre de procéder à cette régularisation (17). Cela implique ensuite, si l'administration ne peut remédier à cette illégalité, que le juge de l'exécution s'interroge sur la nécessité d'enjoindre à l'administration de saisir le juge du contrat -et comme il ne peut en rien préjuger de ce que déciderait ce dernier, il doit prendre en considération la mesure la plus attentatoire aux relations contractuelles que le juge du contrat est susceptible de prononcer, c'est-à-dire l'annulation ou la résolution du contrat-. Partant de là, deux critères sont pertinents pour apprécier si l'annulation prononcée doit avoir un impact sur la relation contractuelle. Il y a, d'une part, pour reprendre les termes de votre jurisprudence "Ophrys", la "nature de l'illégalité commise", laquelle recouvre, à notre avis, à la fois la nature de l'acte détachable annulé, celle du motif d'illégalité retenu et le lien plus ou moins étroit qu'ils entretiennent avec le contrat : ce sont ces éléments qui permettent d'apprécier si l'annulation prononcée par le juge de l'excès de pouvoir affecte la régularité du contrat. Il y a, d'autre part, l'intérêt général qui peut s'attacher à la poursuite de l'exécution du contrat : alors même que l'examen de la nature de l'illégalité commise permettrait au juge de l'exécution de conclure que le contrat est affecté par l'annulation de l'acte détachable, c'est cet intérêt général qui est susceptible de s'opposer à ce qu'il prononce une injonction de saisir le juge du contrat -étant observé que, puisque l'on parle de contrats de droit privé, cet intérêt général sera, dans la plupart des cas, d'assez faible intensité-. Précisons que tout ce raisonnement tenu par le juge de l'exécution ne préjuge, ni de ce que les parties pourraient librement choisir de faire, ni de ce que pourrait décider le juge judiciaire en cas de contentieux contractuel, si la nullité du contrat venait à être soulevée.
Nous vous proposons donc de juger qu'il appartient au juge de l'exécution, saisi des conséquences à tirer de l'annulation d'un acte détachable d'un contrat de droit privé, de rechercher tout d'abord si l'illégalité commise peut être régularisée. Dans l'affirmative, il doit enjoindre à la personne publique de procéder à cette régularisation. Dans la négative, il lui revient d'apprécier si, eu égard à la nature de l'illégalité et à l'atteinte que l'annulation ou la résolution du contrat est susceptible de porter à l'intérêt général, il y a lieu d'enjoindre à la personne publique de saisir le juge du contrat afin qu'il tire les conséquences de l'annulation de l'acte détachable.
Vous constaterez que les pouvoirs du juge de l'exécution ainsi définis sont très proches de ceux que vous lui reconnaissiez dans le cadre de votre jurisprudence "Institut de recherche pour le développement", lorsqu'étaient en cause des contrats administratifs. A la réflexion, ce n'est guère étonnant : la relative limitation des pouvoirs du juge de l'exécution découlait alors du caractère limité des pouvoirs du juge administratif du contrat lui-même ; on retrouve une limitation similaire lorsque sont en cause des contrats de droit privé, même si sa justification est toute autre puisqu'elle découle cette fois des limites à la compétence de l'ordre administratif qu'impose le dualisme juridictionnel.
2.4 - Ce cadre posé, qu'en déduire sur le sort du pourvoi qui vous est soumis ?
Vous constaterez que les parties ne s'interrogent guère sur l'office du juge de l'exécution, selon qu'il s'agit de tirer les conséquences de l'annulation d'un acte détachable sur un contrat administratif ou sur un contrat de droit privé. La cour administrative d'appel a seulement cité le considérant de principe issu de votre jurisprudence "Ophrys" avant de statuer et les parties s'en tiennent à ce cadre, même s'il ne leur a nullement échappé que deux des contrats en cause étaient des contrats de droit privé et que le juge compétent à leur égard était par conséquent un juge judiciaire.
Vous n'aurez pas, cependant, à vous interroger sur le point de savoir si vous devriez relever d'office l'erreur consistant pour la cour à se placer exclusivement dans le cadre de la jurisprudence "Ophrys", alors qu'il lui était demandé, pour partie au moins, de tirer les conséquences de l'annulation des délibérations des 3 et 10 septembre 2010 sur des contrats de droit privé (18). Le pourvoi de la commune soulève, en effet, des moyens d'insuffisance de motivation qui font mouche et conduisent à la cassation totale de l'arrêt attaqué.
Par le troisième moyen qu'elle soulève, la commune reproche à la cour, en substance, d'avoir procédé à un examen beaucoup trop rapide des conséquences des illégalités censurées par le juge de l'excès de pouvoir sur les trois contrats en cause dans cette affaire, à savoir le contrat d'emprunt, le contrat d'acquisition de l'immeuble et le contrat de bail. Et effectivement, pour conclure qu'il y avait lieu d'enjoindre à la commune de saisir le juge du contrat à défaut de résolution amiable des trois contrats en cause, la cour s'est contentée de se référer à la "particulière gravité des illégalités commises". Elle n'a à aucun moment dans son raisonnement mis en évidence l'existence d'un lien entre les illégalités affectant chacune des délibérations annulées et chacun des contrats considérés, permettant d'estimer que l'illégalité des premières devait rejaillir sur la régularité des seconds. Le moyen d'insuffisance de motivation pointe en réalité une faille dans le raisonnement de la cour qui pourrait bien révéler une erreur de droit : la cour administrative d'appel devait examiner la nature des illégalités sanctionnées par le juge de l'excès de pouvoir, ce qui nous paraît inclure, nous l'avons dit, à la fois la nature de l'acte détachable annulé, celle du motif d'annulation retenu et leur lien avec le contrat ; or la cour s'est bornée à apprécier la gravité des illégalités commises.
Par le cinquième moyen qu'elle soulève, la commune reproche également à la cour administrative d'appel de n'avoir pas suffisamment explicité le raisonnement la conduisant à estimer que l'intérêt général ne faisait pas obstacle à la résolution des contrats litigieux. Et de fait, la cour administrative d'appel n'a pas examiné, contrat par contrat, les effets de la résolution et les éventuelles atteintes à l'intérêt général qui pourraient en découler. Elle a seulement jugé que la commune n'apportait pas suffisamment d'éléments permettant d'établir que le projet qu'elle poursuivait, à savoir le maintien d'un restaurant au rez-de-chaussée du bâtiment et l'affectation du premier étage à ses services, répondait à des considérations d'intérêt général. Là aussi, vous noterez que le moyen d'insuffisance de motivation confine à l'erreur de droit. Il appartenait, en effet, à la cour administrative d'appel, en tant que juge de l'exécution, non pas de rechercher si le projet de la commune était justifié par un motif d'intérêt général, mais de déterminer si les injonctions qu'elle envisageait de prononcer ne risquaient pas, pour chacun des contrats, de porter une atteinte excessive à l'intérêt général.
2.5 - Après cassation, il nous semble opportun de régler l'affaire au fond.
Vous serez saisi de la demande présentée à la cour par l'association tendant à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Nîmes du 5 avril 2012 -jugement qui, si vous nous suivez dans la résolution du litige d'excès de pouvoir qui fait l'objet du pourvoi n° 372473, deviendra définitif-. Par ce jugement, rappelons-le, le tribunal administratif a annulé la délibération du conseil municipal du 3 septembre 2010 décidant le principe de l'acquisition de l'immeuble et, par voie de conséquence, également annulé la délibération du 10 septembre 2010 décidant de souscrire un emprunt pour financer cette acquisition.
L'association fait dire beaucoup plus à ce jugement que ce qu'on y trouve. Elle y voit la condamnation par le tribunal d'une aide économique consentie par la commune. Aide qui consisterait en la prise en charge par la commune des investissements représentés par l'achat de l'immeuble et les travaux de remise en état, suivie de la mise à la disposition de l'exploitant du restaurant d'un local commercial adapté aux besoins de son activité. Aide qui aurait été jugée illégale, faute pour la commune de justifier d'un intérêt public, compte tenu de l'exploitation sur son territoire de plusieurs autres fonds de commerce de restauration. Nous ne partageons pas cette lecture du jugement -qui, il faut le dire, n'est pas clair-.
Quel est le motif retenu par le tribunal administratif pour annuler la délibération du 3 septembre 2010 ? Celui-ci a commencé par citer diverses dispositions du Code général des collectivités territoriales encadrant l'action économique des collectivités et, plus particulièrement, les interventions économiques de la commune. Il en a tiré que les personnes publiques qui entendent prendre en charge une activité économique ne peuvent le faire qu'à la condition, entre autres, de justifier d'un intérêt public (19). Puis, examinant les faits de l'espèce, le tribunal administratif a estimé que la commune, en se bornant à invoquer l'intérêt pour elle de posséder l'immeuble, ne justifiait pas d'un intérêt public.
Le motif déterminant du jugement tient donc, à notre sens, dans la circonstance que la commune, selon le tribunal administratif, n'a pas établi qu'un intérêt public s'attachait à ce qu'elle prenne en charge une activité économique. Le tribunal administratif ne précise pas de quelle activité économique il s'agit mais compte tenu des écritures qui lui étaient soumises, on comprend qu'il s'agit de l'activité de restauration. Une telle illégalité n'est certainement pas régularisable. Doit-elle avoir un retentissement sur les contrats que l'association voudrait voir remis en cause ? Il nous semble que non, dès lors qu'aucun de ces trois contrats n'a pour objet ou pour effet de faire prendre en charge par la commune l'exploitation d'un restaurant.
Cela est évident, s'agissant aussi bien du contrat d'achat de l'immeuble, que du contrat d'emprunt. Quant au bail commercial conclu par la commune, il n'a pas été produit dans son intégralité au dossier mais, des clauses que l'on peut en voir, il n'implique en aucune manière un contrôle par la commune de l'activité de restauration de son cocontractant. L'association, au demeurant, ne l'a jamais soutenu. Vous pourrez donc juger qu'il résulte de l'instruction que le contrat en cause n'a ni pour objet, ni pour effet, de faire prendre en charge par la commune une activité de restauration -tout au contraire, la conclusion de ce bail a pour effet, précisément, que la commune n'exploite pas une activité de restauration au sein des locaux dont elle est devenue la propriétaire-.
Vous pourrez déduire de tout cela que, s'agissant du contrat d'emprunt, et dans le cadre de votre jurisprudence "Ophrys", la poursuite de l'exécution du contrat est possible et, s'agissant du contrat d'achat de l'immeuble et du contrat de bail, dans le cadre distinct que nous avons tenté de tracer tout à l'heure, il n'y a pas lieu d'enjoindre à la commune de saisir le juge du contrat.
Terminons en indiquant que la solution ne serait sans doute pas la même si le tribunal administratif avait jugé que la commune ne pouvait légalement acheter l'immeuble et y effectuer des travaux en vue d'offrir à l'exploitant d'un fonds de commerce de restauration un local commercial équipé, adapté aux besoins de son activité. Mais, nous l'avons dit, au regard des motifs adoptés par le tribunal administratif, il nous semble exclu de lire ainsi son jugement.
Nous sommes donc d'avis qu'il faut, après cassation, rejeter la demande de l'association tendant à l'exécution du jugement du 5 avril 2012.
3 - Enfin, ayant statué sur le pourvoi n° 372477, vous prononcerez, dans le n° 372479, un non-lieu à statuer sur la demande de sursis à exécution de l'arrêt contre lequel ce pourvoi était dirigé.
Et dans ces deux dernières affaires, au regard des circonstances de l'espèce, nous vous proposons de dire qu'il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par la commune au titre de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative.
Par ces motifs nous concluons dans le sens qui suit :
- dans l'affaire n° 372473 : 1. Annulation de l'arrêt attaqué ; 2. Rejet de la requête d'appel de la commune ; 3. Rejet de l'ensemble des conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative ;
- dans l'affaire n° 372477 : 1. Annulation de l'arrêt attaqué ; 2. Rejet des conclusions à fin d'exécution présentées par l'association ; 3. Rejet de l'ensemble des conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative ;
- dans l'affaire n° 372479 : 1. Non-lieu à statuer ; 2. Rejet de l'ensemble des conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative.
(1) CAA Marseille, 5ème ch., 30 juillet 2013, n° 12MA04828 (N° Lexbase : A6286KKZ).
(2) CE, Sect., 4 avril 2014, n° 358994, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A6449MIP).
(3) Cf. CE 3° et 8° s-s-r., 22 novembre 2002, n° 229192, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A1663A4D), p. 653 ; solution non remise en cause par T. confl., 22 novembre 2010, n° 3764, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A4408GLT), p. 590 ; voir, pour un cas d'application postérieur à cette jurisprudence, CE 1° s-s., 30 décembre 2013, n° 365610, inédite au recueil Lebon (N° Lexbase : A2487KTB), point n° 4.
(4) CE 3° et 5° s-s-r., 25 juillet 1986, n° 56334, inédite au recueil Lebon (N° Lexbase : A6478AMU).
(5) CE 3° et 8° s-s-r., 25 janvier 2006, n° 284878, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A5443DMK), pp. 743-756-862-1021.
(6) Voyez, par analogie, CE 2° et 6° s-s-r., 28 janvier 1998, n° 139436, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A6005AS9).
(7) Sur le caractère administratif des contrats entrant dans le champ d'application du Code des marchés publics en vertu de l'article 2 de la loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001, portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier(N° Lexbase : L0256AWE), dite "MURCEF", voyez CE avis, 29 juillet 2002, n° 246921, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A3022AZX).
(8) T. confl., 13 juillet 1938, Sieur Batté, n° 846, au recueil Lebon, p. 1004 ; CE 7 janvier 1966, B..., n° 7066, mentionné aux tables du recueil Lebon, pp. 666-742.
(9) Cf. T. confl., 2 juin 1975, n° 02003, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A8060BDU).
(10) Cf. en dernier lieu, abandonnant la terminologie de "clause exorbitante du droit commun", T. confl., 13 octobre 2014, n° 3963, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A6721MYL).
(11) CE, Sect., 7 octobre 1994, n° 124244, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A3055ASX), p. 430, avec les conclusions de R. Schwartz.
(12) CE 5° et 7° s-s-r., 10 décembre 2003, n° 248950, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A4046DA4), p. 501.
(13)CE, Ass., 28 décembre 2009, n° 304802, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A0493EQC), p. 509.
(14) CE 2° et 7° s-s-r., 21 février 2011, n° 337349, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A7022GZ4).
(15) CE 5° et 7° s-s-r., 10 décembre 2003, n° 248950, publié au recueil Lebon, préc..
(16) CE, Sect., 7 octobre 1994, n° 124244, publié au recueil Lebon, préc..
(17) Voyez, pour un exemple de régularisation après l'annulation pour excès de pouvoir d'un acte détachable d'un contrat, CE 2° et 7° s-s-r., 8 juin 2011, n° 327515, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A5427HT8), p. 278.
(18) Thèse qui paraît séduisante puisque la différence d'office du juge de l'exécution, selon qu'est en cause un contrat administratif ou de droit privé, recouvre à notre sens une question de compétence juridictionnelle.
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:445431
Réf. : CE 3° et 8° s-s-r., 29 décembre 2014, n° 372477, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A8334M88)
Lecture: 1 min
N5499BU9
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
Le 17 Mars 2015
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:445499
Réf. : CE, 4° et 5° s-s-r., 23 décembre 2014, n° 364616, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A8312M8D)
Lecture: 2 min
N5412BUY
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
Le 17 Mars 2015
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:445412
Réf. : CE 2° et 7° s-s-r., 29 décembre 2014, n° 382898, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A8211M8M)
Lecture: 2 min
N5500BUA
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
Le 17 Mars 2015
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:445500
Réf. : Cass. civ. 1, 3 décembre 2014, n° 13-24.268, FS-P+B (N° Lexbase : A0619M73)
Lecture: 7 min
N5423BUE
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Adeline Gouttenoire, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directrice de l'Institut des Mineurs de Bordeaux
Le 17 Mars 2015
I. L'indispensable conformité de la déclaration judiciaire d'abandon à l'intérêt de l'enfant
Conditions objectives de l'article 350. Dans l'arrêt du 3 décembre 2014, la discussion ne portait pas sur la réunion des conditions exigées par l'article 350 du Code civil pour que soit prononcée la déclaration judiciaire d'abandon, et notamment sur le caractère volontaire de l'abandon, comme c'est le cas dans la plupart des arrêts relatifs à la déclaration judiciaire d'abandon (1). En l'espèce, en effet, l'enfant né en 2002, était placé depuis l'âge de 6 mois à l'Aide sociale à l'enfance et le désintérêt marqué par ses parents depuis plus d'un an n'était pas contesté .
Primauté de l'intérêt de l'enfant. La cour d'appel de Douai a cependant rejeté, dans une décision du 4 juillet 2013, la demande du président du Conseil général du Pas-de-Calais de voir prononcer une déclaration judiciaire d'abandon, au motif que celle-ci n'était pas conforme à l'intérêt de l'enfant. Ce recours à l'intérêt de l'enfant, qui n'est pas mentionné par le texte de l'article 350 est approuvé par la Cour de cassation qui avait déjà affirmé dans un arrêt du 6 janvier 1981 (2), que "même lorsque les conditions de l'application de ce texte sont réunies, l'intérêt de l'enfant peut justifier le rejet d'une requête aux fins de déclaration d'abandon". Cette exigence peut aujourd'hui trouver son fondement dans l'article l'article 3-1 de la Convention internationale des droits de l'enfant (N° Lexbase : L6807BHL) qui impose que dans toute décision concernant l'enfant, son intérêt supérieur soit une considération primordiale. L'intérêt de l'enfant constitue à l'évidence le but ultime de toutes les mesures relatives à l'autorité parentale et il est indispensable qu'il en soit également ainsi pour une décision lourde de conséquences puisqu'elle prive les parents de toutes leurs prérogatives, y compris celui de consentir à son adoption. L'affirmation de la Cour de cassation est donc tout à fait opportune.
Appréciation concrète de l'intérêt de l'enfant. La Cour de cassation se réfère dans l'arrêt du 3 décembre 2014 à l'appréciation souveraine de l'intérêt de l'enfant par la cour d'appel puisqu'il s'agit d'une question de fait, l'intérêt de l'enfant faisant dans cette hypothèse l'objet d'une appréciation concrète (3). La Cour de cassation ne contrôle donc pas l'appréciation à laquelle la cour d'appel a procédé ; toutefois, elle juge utile de rapporter dans son dispositif les éléments de cette appréciation qui portait d'une part sur le lien entre la déclaration judiciaire d'abandon et l'adoption éventuelle de l'enfant et d'autre part sur le ressenti de l'enfant à l'égard de cette procédure.
Déclaration judiciaire d'abandon et adoption. "La cour d'appel a relevé, d'une part, que, la déclaration judiciaire d'abandon ayant pour effet de rendre B. adoptable, celui-ci risquait d'être confronté à une séparation douloureuse avec sa famille d'accueil, après avoir connu une rupture avec ses parents, dès lors qu'il n'existait aucun projet d'adoption par son assistante maternelle, à laquelle il était très attaché et chez laquelle il vivait depuis son plus jeune âge". Il était certes particulièrement opportun d'éviter à l'enfant une séparation d'avec sa famille d'accueil qui n'était pas disposée à l'adopter, alors même que la loi lui offre une priorité pour ce faire (4). On sait cependant qu'une telle démarche n'est pas toujours facile pour les familles d'accueil qui, en adoptant, perdent leur statut et donc leurs revenus de salariés du Conseil général, et pour qui l'adoption peut être compliquée à l'égard de leurs autres enfants biologiques ou accueillis. L'argument de la cour d'appel concernant l'absence de projet d'adoption est cependant quelque peu contestable car la déclaration judiciaire d'abandon, si elle rend l'adoption possible, ne l'implique pas systématiquement. En réalité c'est l'adoption qui serait susceptible de séparer l'enfant de sa famille d'accueil et pas la déclaration d'adoption elle-même. La déclaration judiciaire d'abandon est souvent considérée comme "l'antichambre de l'adoption" mais elle devrait avant tout être perçue comme le moyen de conférer à un enfant délaissé le statut de pupille de l'état plus stable et plus favorable à son avenir que toutes les autres situations dans lesquelles il peut être placé dans le cadre de l'assistance éducative ou d'une délégation d'autorité parentale (5). En effet, l'argument de la cour d'appel, repris par la Cour de cassation, pour refuser la déclaration judiciaire d'abandon, selon lequel, "l'article 377, alinéa 2, du Code civil (N° Lexbase : L7193IMD) permettait à l'aide sociale à l'enfance de se faire déléguer en tout ou partie l'exercice de l'autorité parentale", paraît contestable. La délégation d'autorité parentale reste en effet une décision provisoire et limitée dans ses effets, même si elle permet cependant à l'Aide sociale à l'enfance d'acquérir les prérogatives nécessaires à une prise en charge complète de l'enfant.
Ressenti de l'enfant. On notera en revanche avec satisfaction que la cour d'appel se fonde sur le ressenti de l'enfant pour refuser la déclaration d'abandon, affirmant, que "le mineur était perturbé et angoissé depuis le début de la procédure, ne l'acceptait pas et ne la comprenait pas". Il faut rappeler qu'au moment de la procédure l'enfant était âgé de 11 ans, et qu'il était sans doute doué de discernement et capable d'exprimer un avis sur sa situation et l'évolution qui était envisagée. Il serait souhaitable qu'une telle prise en compte du souhait de l'enfant doué de discernement soit systématique dans les procédures susceptibles de modifier son statut juridique. Plus généralement, il conviendrait de réformer la procédure de déclaration judiciaire d'abandon pour qu'elle soit davantage centrée sur l'enfant.
II. La nécessité de faire de l'intérêt de l'enfant le critère prépondérant de la déclaration judiciaire d'abandon
Perspective de réforme. On ne saurait commenter cette décision importante de la Cour de cassation relative à la déclaration judiciaire d'abandon sans évoquer les perspectives de réforme de l'article 350 qui devraient être discutées au Sénat le 28 janvier 2015, dans le cadre de la proposition des sénatrices Dini et Meunier relative à la protection de l'enfance (6). Il apparaît, en effet, qu'en pratique, de nombreux enfants, privés de toute relation familiale, ne font pas l'objet d'une déclaration judiciaire d'abandon alors qu'ils en remplissent les conditions (7). En outre, lorsque la déclaration judiciaire d'abandon est prononcée, elle l'est, la plupart du temps, pour des enfants de plus de cinq ans selon le rapport de l'Inspection générale des affaires sociales relatif aux conditions de reconnaissance du délaissement parental et à ses conséquences pour l'enfant (8). Les conclusions des rapports et études sur cette question convergent pour prôner une meilleure lisibilité et une plus grande efficacité de la déclaration judiciaire d'abandon. Selon le rapport de l'IGAS, la rédaction même de l'article 350 explique le recours très faible à la déclaration judiciaire d'abandon : les notions de "maintien de liens affectifs" ou de "désintérêt manifeste" apparaissent trop vagues et sujettes à interprétation. Dans une étude de 2009 intitulée "Le délaissement parental : conceptions et pratiques dans quatre pays occidentaux", l'ONED constate "qu'une définition présentant le délaissement comme un comportement parental caractérisé par une absence physique et/ou psychique envers son enfant dont les besoins (nutritionnels, sanitaires, éducatifs, affectifs, sociaux...) ne sont par conséquent pas satisfaits, semble faire consensus" (9).
Intérêt de l'enfant. Il apparaît donc essentiel de revoir la notion de désintérêt et de la centrer sur l'enfant. Pour atteindre cet objectif il serait sans doute utile de préciser dans le nouveau texte que la déclaration doit être conforme à l'intérêt de l'enfant (10). La proposition de loi Meunier ne prévoyait pas cet ajout, considérant, peut-être à juste titre au regard de la Cour de cassation, qu'il s'agit d'une évidence.
De l'abandon au délaissement. A l'origine, l'article 18 de la proposition de loi prévoyait de transformer la procédure de déclaration judiciaire d'abandon, qui au regard de la jurisprudence de la Cour de cassation implique un abandon volontaire (11), en procédure de délaissement volontaire. Il s'agit notamment de reprendre l'idée dégagée dans la proposition de loi "Tabarot" qui conduit à préférer à la notion de désintérêt, difficile à caractériser, celle de délaissement. Plusieurs associations ou institutions abondent dans ce sens (12).
Pour une approche objective. Le délaissement doit être précisément défini dans le texte, de manière objective, en partant de l'intérêt de l'enfant, pour mettre l'accent sur la protection qui doit lui être apportée et qui est en réalité inexistante. A ce titre, l'utilisation de l'adjectif manifeste dans la proposition de loi "Meunier" était sans doute regrettable. Madame Meunier l'a d'ailleurs supprimé dans l'amendement qu'elle a présenté pour modifier le texte qui sera discuté au Sénat le 28 janvier.
Révision du texte. En effet, le texte proposé par la commission des affaires sociales, qui sera discuté en séance remet totalement en cause le fondement même de la réforme en revenant à la notion d'abandon volontaire qui renforce encore le caractère subjectif de l'abandon alors que l'objectif poursuivi par celle-ci et soutenu par tous les rapports sur le sujet est de conférer à la déclaration d'abandon un caractère objectif. Le texte proposé par la commission montre que ses auteurs n'ont pas saisi l'impérieuse nécessité de réformer la procédure de déclaration judiciaire d'abandon dans le sens d'une meilleure prise en compte de l'intérêt de l'enfant. Il faut espérer que l'amendement déposé Madame Meunier à propos de l'article 18 de la proposition de loi et qui propose de rétablir le texte d'origine avec certaines améliorations, permettra de rétablir l'apport initial de la réforme proposée, sous peine de vider celle-ci de sa substance. Il s'agit en effet de définir le délaissement en ajoutant de manière tout à fait opportune la notion de relations avec l'enfant et en excluant l'hypothèse de l'empêchement des parents d'avoir des relations avec l'enfant selon une formule qui consisterait à n'en pas douter un véritable progrès : "un enfant est considéré comme délaissé par ses parents lorsque pendant une durée d'un an ceux-ci n'ont contribué par aucun acte à son éducation ou à son développement et au maintien de relations affectives durables, sans en avoir été empêchés".
(1) P. Bonfils et A. Gouttenoire, Droit des mineurs, Précis Dalloz, 2ème éd., 2014, n° 870 s..
(2) Cass. civ. 1, 6 janvier 1981, n° 79-15.746 (N° Lexbase : A2723CGX).
(3) Le contrôle exercé par la Cour de cassation sur l'intérêt supérieur de l'enfant, Mélanges en l'honneur de la Professeure Françoise-Dekeuwer-Defossez, Montchrestien, Lextenso Editions 2013, p. 147.
(4) C. act. soc. fam., art. L.225-2 (N° Lexbase : L2016IYC).
(5) Décret n° 2002-575 du 18 avril 2002, D., 2003. 295, comm. E. Poisson-Drocourt.
(6) Texte n° 799 (2013-2014) de Mmes Michelle Meunier, Muguette Dini et plusieurs de leurs collègues, déposé au Sénat le 11 septembre 2014 modifié par la Commission des affaires sociales qui a déposé un nouveau texte (Texte de la commission n° 147 (2014-2015) le 3 décembre 2014).
(7) ONED, Situation des pupilles de l'Etat au 31 décembre 2008 (Rapport 2010).
(8) Rapport établi par Catherine Hesse et Pierre Naves préc., novembre 2009.
(9) Une tentative de réforme avait été menée par la proposition de loi Tabarot en 2010 : proposition de loi n° 3739 (rectifiée) sur l'enfance délaissée et adoption présentée par Mme Tabarot, enregistrée à la Présidence de l 'Assemblée nationale le 21 septembre 2011 et Rapport Tabarot n° 4330, enregistré le 8 février 2012.
(10) En ce sens proposition n° 21 du rapport 40 propositions pour adapter la protection de l'enfance et l'adoption aux réalités d'aujourd'hui, 2014, La Documentation française.
(11) P. Bonfils et A. Gouttenoire, op. cit., n° 870 s..
(12) Rapport, 40 propositions pour adapter la protection de l'enfance et l'adoption aux réalités d'aujourd'hui, p. 68.
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:445423
Réf. : CE 9° et 10° s-s-r., 30 décembre 2014, n° 369101, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A8547M83)
Lecture: 2 min
N5435BUT
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
Le 17 Mars 2015
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:445435
Réf. : Cass. crim., 13 janvier 2015, n° 12-87.059, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A1161M9U)
Lecture: 2 min
N5462BUT
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
Le 17 Mars 2015
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:445462
Réf. : Loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014, de finances pour 2015 (N° Lexbase : L2843I7G) et loi n° 2014-1655 du 29 décembre 2014, de finances rectificative pour 2014 (N° Lexbase : L2844I7H)
Lecture: 10 min
N5443BU7
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Thierry Lambert, Professeur à Aix Marseille Université
Le 17 Mars 2015
A - Prix de transfert
1 - Le régime des ETNC
L'économie générale de l'article 57 du CGI (N° Lexbase : L9738I33) autorise l'administration à rectifier les résultats déclarés par les entreprises françaises qui sont sous la dépendance, ou qui possèdent le contrôle d'entreprises situées hors de France. La doctrine administrative précise que ce principe s'applique lorsqu'une entreprise française effectue des opérations avec une entreprise étrangère, si l'une et l'autre sont sous la dépendance commune d'une tierce entreprise, d'un groupe ou d'un consortium (2).
Toutefois, aux termes du 2ème alinéa de l'article 57 cette condition, de contrôle ou de dépendance, n'est pas exigée lorsque le transfert s'effectue vers des entreprises installées dans un Etat étranger ou dans un territoire situé hors de France et dont le régime fiscal est privilégié. L'article 238 A du CGI (N° Lexbase : L3230IGQ) définit le régime fiscal privilégié comme étant celui où certains produits ou revenus ne sont pas imposables ou qui sont assujettis à des impôts dont le montant est inférieur de plus de la moitié à celui de l'impôt dont les contribuables auraient été redevables dans les conditions de droit commun, en France, si elles y avaient été établies ou domiciliées. Avec ce dispositif, l'administration se trouve dispensée de faire la preuve du lien de dépendance ou de contrôle qui, dans la pratique, est difficile à apporter. Il est précisé, par la doctrine administrative, que la condition relative au lien de dépendance est supprimée, l'entreprise, quant à elle, n'est pas fondée à établir l'absence de lien de dépendance (3).
A suivre les décisions du Conseil d'Etat lorsque l'administration entendra se prévaloir de l'article 238 A précité, pour notamment contester la déduction de rémunérations qui auraient été versées dans ces territoires, elle devra justifier que le bénéficiaire de celles-ci est soumis hors de France à un régime fiscal privilégié (4). En outre, lorsque l'administration remet en cause la déduction sur ce fondement, il appartient au contribuable de prouver que les dépenses correspondent à des prestations réelles et qu'elles ne présentent pas un caractère anormal ou exagéré (5).
L'article 19 de la première loi de finances pour 2014 (loi n° 2013-1278, du 29 décembre 2013 N° Lexbase : L7405IYW) aligne le régime des ETNC sur celui des pays à fiscalité privilégiée quant à la dispense de condition de contrôle ou de dépendance. Cette disposition n'est rien d'autre que la réécriture d'un dispositif qui avait été introduit dans la loi de finances pour 2014 mais que la Conseil constitutionnel avait censuré (6).
Rappelons que la liste des Etats et territoires non coopératifs (ETNC), arrêtée au 1er janvier 2014, a été fixée par arrêté du 17 janvier 2014 (7).
2 - Le défaut de présentation de la documentation
Une obligation documentaire en matière de prix de transfert, visée à l'article L. 13 AA du LPF (N° Lexbase : L9780I3M), s'impose à certaines personnes morales membres d'un groupe d'une certaine taille, l'objectif étant que l'administration puisse appréhender au plus juste l'environnement économique, juridique, financier et fiscal du groupe d'entreprises associées. Le principe est que les entreprises doivent tenir une documentation à la disposition de l'administration, à la date de l'engagement de la vérification de comptabilité, c'est-à-dire à la date de la première intervention sur place. Rappelons que si l'entreprise est de ce point de vue défaillante, l'administration lui adresse une mise en demeure de la produire ou de la compléter, si nécessaire, dans un délai de trente jours.
Si l'entreprise ne satisfait pas à cette obligation, elle s'expose à une amende égale à 10 000 euros ou à un montant pouvant atteindre, compte tenu de la gravité des manquements, à 5 % des bénéfices transférés au sens de l'article 57 précité, si ce montant est supérieur à 10 000 euros, par conséquent, en l'absence de rectification, l'entreprise qui ne respecte pas l'obligation de documentation est seulement passible d'une amende de 10 000 euros.
L'inspection générale des finances et la Commission des finances à l'Assemblée nationale ont considéré que le montant de l'amende devait être sans corrélation avec le montant de l'éventuelle rectification, tout en restant proportionnel au montant des transactions intragroupe (8).
L'article 78 de la loi de finances pour 2015 satisfait à cette exigence. Dorénavant, l'amende peut atteindre, pour chaque exercice vérifié et compte tenu de la gravité des manquements, le plus élevé des deux montants suivants :
- 0,5 % du montant des transactions concernées par la documentation ou compléments qui n'ont pas été mis à la disposition de l'administration après la mise en demeure ;
- 5 % des rectifications du résultat fondées sur l'article 57 du CGI et afférentes aux transactions concernées par les documents ou compléments qui n'ont pas été mis à la disposition de l'administration après la mise en demeure.
Le montant de l'amende ne peut pas être inférieur à 10 000 euros (9).
En outre, le législateur a ouvert une procédure de régularisation en cours de contrôle afin de permettre d'exonérer de retenue à la source (10) les bénéfices transférés au sens de l'article 57 ou les produits versés dans un pays où ils bénéficient d'une fiscalité privilégiée visée par l'article 238 A du CGI et qui sont qualifiés de revenus distribués si :
- la demande du redevable intervient avant la mise en recouvrement des rappels de retenue à la source ;
- le contribuable accepte, dans sa demande, les rehaussements et pénalités afférentes qui ont fait l'objet de la qualification de revenus distribués ;
- les sommes qualifiées de revenus distribués par l'administration sont rapatriées au profit du contribuable, ce rapatriement devant intervenir dans un délai de 60 jours à compter de la demande ;
- le bénéficiaire des sommes qualifiées de revenus distribués n'est pas situé dans un ETNC.
Ce dispositif peut poser quelques difficultés d'application. D'une part, le dispositif ne précise pas le traitement fiscal des opérations de rapatriement, celui-ci devant être démontré, semble-t-il, par des documents et/ou des écritures comptables, par l'entreprise. D'une part, la portée de la demande de l'entreprise quant à l'abandon de redressements de retenue à la source semble difficile à circonscrire. On peut penser que la procédure de régularisation n'interviendra qu'après qu'un accord ait été trouvé entre l'entreprise et l'administration quant au quantum du redressement. Enfin, il n'est pas prévu que l'entreprise doive renoncer à l'idée d'une procédure contentieuse ou à demander l'ouverture d'une procédure amiable au regard d'une convention fiscale internationale pour éliminer la double imposition qui résulte des rectifications effectuées par l'administration.
B - La dématérialisation des données comptables
L'article 99 de la loi de finances pour 2014 a créé, pour les grandes entreprises faisant l'objet d'une vérification de comptabilité, l'obligation de présenter leur comptabilité analytique (11) et leurs comptes consolidés (12) ce qui est particulièrement utile pour contrôler les prix de transfert.
Le dispositif prévoit que le défaut de présentation d'une comptabilité analytique ou des comptes consolidés est sanctionné par une amende, cumulative en cas de défaut de présentation des deux éléments (13), et ce par renvoi à l'amende visée à l'article 1729 D du CGI (N° Lexbase : L9784I3R) en cas d'infraction à l'obligation de présenter la comptabilité sous une forme dématérialisée (14).
L'article 1729 D prévoyait que le défaut de présentation de la comptabilité sous forme dématérialisée était puni d'une amende d'un montant équivalent en l'absence de rehaussement, à cinq pour mille du chiffre d'affaires déclaré par exercice soumis au contrôle, en cas de rehaussement à cinq pour mille du chiffre d'affaires rehaussé par exercice soumis au contrôle, à 1 500 euros lorsque le montant de l'amende déterminée en fonction du chiffre d'affaires est inférieur à cette somme.
Le Conseil constitutionnel avait censuré le texte au motif que "le législateur a, s'agissant d'un manquement à une obligation documentaire, retenu des critères de calcul en proportion du chiffre d'affaires ou du montant des recettes brutes déclarées sans lien avec les infractions et qui revêtent un caractère manifestement hors de proportion avec la gravité des infractions réprimées" (15).
En conséquence, seule l'amende 1 500 euros subsistait.
Les articles 23 et 24 de la loi de finances, rectificative pour 2014, règlent la question de la façon suivante :
- le défaut de présentation de la comptabilité sous la forme dématérialisée génère l'application d'une amende égale à 5 000 euros ou, en cas de rectification si le montant est plus élevé, d'une majoration de 10 % des droits mis à la charge du contribuable (16) ;
- le défaut de présentation de la comptabilité analytique ou des comptes consolidés est passible d'une amende égale à 20 000 euros (17).
A noter que ces dispositions s'appliquent aux contrôles pour lesquels un avis de vérification de comptabilité est adressé à compter du lendemain de la publication de la loi au Journal officiel, soit à compter du 10 août 2014.
C - Le droit de communication
Le droit de communication a fait l'objet d'une clarification et d'une nouvelle extension dans la loi de finances, rectificative pour 2014. L'étendue du droit de communication est définie par les articles L. 83 (N° Lexbase : L7615HER) à L. 102 du LPF et par les articles L. 83 à L. 95 du même livre pour les agents chargés du recouvrement, qui déterminent de façon limitative les documents sur lesquels ce droit peut s'exercer et les personnes qui y sont soumises (18).
Une amende de 1 500 euros est prévue en cas d'absence de tenue de documents soumis au droit de communication de l'administration, de destruction de documents avant les délais prescrits ou le refus de communiquer ces documents (19).
L'article 21 de la loi de finances, rectificative pour 2014, renforce sensiblement le droit de communication de l'administration.
En effet, l'administration peut, dorénavant, exercer son droit tant sur place que par correspondance, y compris électronique. Le droit de communication des services de recouvrement est aligné sur celui des services chargés du contrôle et de l'établissement de l'impôt. Dans le cadre de la lutte contre la fraude sur Internet, l'administration peut demander des informations sur des personnes non identifiées. Enfin, les contribuables soumis à des obligations comptables doivent transmettre à la demande de l'administration tous les documents relatifs à leur activité.
Sans plafond du montant cumulé des amendes, la sanction, en cas de limite au droit de communication, est étendue à tout comportement faisant obstacle à la communication et son montant est porté à 5 000 euros pour chaque demande de l'administration non satisfaite.
D - L'interdiction d'imputer des déficits et des réductions d'impôts
En matière d'impôt sur le revenu, d'ores et déjà, les contribuables qui sont passibles de certaines majorations applicables en cas de manquements graves aux obligations fiscales ne peuvent pas imputer les déficits et les réductions d'impôts sur les rehaussements et droits donnant lieu à l'application de ces majorations (20). Il s'agit notamment de la majoration de 40 % pour défaut ou retard de déclaration dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure (21), de la majoration de 80 % en cas de découverte d'une activité occulte (22) ou de celle de 80 % en cas d'abus de droit, de manoeuvre frauduleuse ou de dissimulation de prix (23).
L'article 100 de la seconde loi de finances, rectificative pour 2014, ne fait rien d'autre que d'allonger la liste des sanctions que le contribuable n'est pas en droit d'imputer. Il s'agit de la majoration de 40 % en cas d'imposition de sommes, titres ou valeurs transférées à l'étranger ou en provenance de l'étranger par l'intermédiaire de comptes non déclarés (24), de versements faits à l'étranger ou en provenance de l'étranger par l'intermédiaire de comptes d'assurance vie non déclarés (25) ou de sommes, titres ou valeurs supérieures à 10 000 euros transférés vers un Etat membre de l'Union européenne ou en provenance d'un tel Etat sans avoir respecté l'obligation de déclaration en douane (26). N'est pas imputable non plus la majoration de 80 % en cas de taxation forfaitaire en fonction des éléments du train de vie liés à des activités occultes ou illégales (27).
II - Les dispositions censurées par le Conseil constitutionnel
A - Faciliter la fraude et l'évasion fiscale
L'article 79 de la loi de finances pour 2015 visait à réprimer toute personne ayant, par son aide, facilité l'évasion et la fraude fiscale. L'objectif était d'insérer un article 1740 C du CGI : "Toute personne qui, avec l'intention de faire échapper autrui à l'impôt, s'est entremise, a apporté son aide ou son assistance ou s'est sciemment livrée à des agissements, manoeuvres ou dissimulations conduisant directement à la réalisation d'insuffisances, d'inexactitudes, d'omissions ou de dissimulations ayant conduit à des rappels ou rehaussements assortis de la majoration prévue au b de l'article 1729 est redevable d'une amende égale à 5 % du chiffre d'affaires ou des recettes brutes qu'elle a réalisés à raison des faits sanctionnés au titre du présent article. L'amende ne peut pas être inférieure à 10 000 euros. L'article L.80 D du LPF (N° Lexbase : L8025AEX) est applicable au présent article".
Le Conseil constitutionnel (28) a déclaré contraire à la Constitution le dispositif proposé au motif que la rédaction retenue ne permettait pas de déterminer si l'infraction fiscale ainsi créée était constituée en raison de l'existence d'un abus de droit commis par le contribuable conseillé ou si l'infraction était constituée par le seul fait qu'une majoration pour abus de droit était prononcée. En outre, la rédaction de cet article ne permettait pas non plus de savoir si le taux de 5 % devait être appliqué au chiffre d'affaires ou aux recettes brutes que la personne poursuivie a permis au contribuable de réaliser ou que la personne poursuivie a elle-même réalisé.
Par conséquent, les sages de la rue Montpensier ont considéré que le principe de légalité des délits et des peines, qui oblige à définir les infractions et les peines encourues en des termes suffisamment clairs et précis, était méconnu.
On ne peut pas totalement exclure qu'à l'occasion d'une prochaine loi de finances, le législateur tienne le plus grand compte de l'analyse du Conseil constitutionnel tout en gardant l'objectif qui était de punir ceux qui, par diverses manières, peuvent faciliter l'évasion et la fraude fiscale.
B - Le taux excessif
L'article 60 de la loi de finances, rectificative pour 2014, prévoyait un taux d'imposition de 75 % des plus-values immobilières des personnes ou organismes établis hors de France dans un Etat ou territoire non coopératif par référence à l'article 238-0 A du CGI (N° Lexbase : L3333IGK). Avec les contributions sociales sur les produits de placement, le taux d'imposition de 90,5 % faisait peser sur les contribuables une charge jugée excessive au regard de leur capacité contributive et était contraire au principe d'égalité devant les charges publiques. Le Conseil constitutionnel a censuré le dispositif (29).
(1) Cons. const., 29 décembre 2014, décision n° 2014-707 DC (N° Lexbase : A8031M8X) et Cons. const., 29 décembre 2014, décision n° 2014-708 DC (N° Lexbase : A8032M8Y).
(2) BOI-IS-CHAMP-60-20-10, 12 septembre 2012, §1 (N° Lexbase : X7114AL3).
(3) BOI-BIC-BASE-80-20, 18 février 2014, §70 (N° Lexbase : X8914AM4).
(4) CE, 21 mars 1986, n° 53002, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A3855AMQ), Revue de jurisprudence fiscale, 1986, 5, comm. 470, concl. Fouquet, p. 267-269.
(5) CE, (na) 26 juillet 2006, n° 282595, Revue de jurisprudence fiscale, 2007, 5, comm. 601.
(6) Cons. const., 29 décembre 2013, décision n° 2013-685 DC, Droit fiscal, 2014, 1-2, comm. 56.
(7) Droit fiscal, 2014, 4, comm. 56.
(8) Droit fiscal, 2013, 29, comm. 421.
(9) CGI, art. 1735 ter (modifié) (N° Lexbase : L3123I7S).
(10) CGI, art. 119 bis, 2 (N° Lexbase : L1481IZU).
(11) LPF, art. L. 13, II (N° Lexbase : L9781I3N).
(12) LPF, art. L. 13, III (N° Lexbase : L9781I3N).
(13) CGI, art. 1729 E (N° Lexbase : L9785I3S).
(14) LPF, art. L. 47 A (N° Lexbase : L3696I3B).
(15) Cons. const., 29 décembre 2013, décision n° 2013-685 DC, op. cit..
(16) CGI, art. 1729 D (modifié) (N° Lexbase : L9784I3R).
(17) CGI, art. 1729 E (modifié) (N° Lexbase : L9785I3S).
(18) LPF, art. L. 81 (N° Lexbase : L8857IRH).
(19) CGI, art. 1734 (N° Lexbase : L9503IYM).
(20) CGI, art. 1731 bis (N° Lexbase : L9543IY4).
(21) CGI, art. 1728, 1 b, et 5 (N° Lexbase : L9544IY7).
(22) CGI, art. 1728, 1 c (N° Lexbase : L9544IY7).
(23) CGI, art. 1729 b et c (N° Lexbase : L4733ICB).
(24) CGI, art. 1649 A, 3 (N° Lexbase : L1746HMM).
(25) CGI, art. 1649 AA, 2 (N° Lexbase : L4642ISQ).
(26) CGI, art. 1649 quarter A, 2 (N° Lexbase : L4680ICC).
(27) CGI, art. 1758, 4 (N° Lexbase : L4641ISP).
(28) Cons. const., 29 décembre 2014, décision n° 2014-707 DC, op. cit..
(29) Cons. const., 29 décembre 2014, décision n° 2014-708 DC, op. cit..
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:445443
Réf. : CE 9° et 10° s-s-r., 30 décembre 2014, n° 371225, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A8548M84)
Lecture: 2 min
N5439BUY
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
Le 17 Mars 2015
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:445439
Réf. : Ass. plén., 9 janvier 2015, n° 13-80.967, P+B+R+I (N° Lexbase : A0767M9B)
Lecture: 2 min
N5425BUH
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
Le 17 Mars 2015
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:445425
Réf. : Cass. com., 9 décembre 2014, n° 13-16.559, FS-P+B (N° Lexbase : A6030M7H)
Lecture: 9 min
N5466BUY
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Isabelle Tricot-Chamard, Professeur - Kedge Business School
Le 17 Mars 2015
Résumé
Des inventions réalisées dans le cadre d'études et recherches explicitement confiées au salarié par son employeur doivent être qualifiées d'inventions de mission n'ouvrant pas droit à son profit au paiement d'un juste prix. |
Commentaire
I - Retour sur les caractères de l'invention comme condition déterminant la créance du salarié
Contexte. Pour organiser l'attribution de la propriété des inventions de salariés, l'article L. 611-7 du Code de la propriété intellectuelle (N° Lexbase : L3556AD3) classe celles-ci en trois catégories, selon le degré de connexité qu'elles présentent avec l'activité de l'entreprise employeur. Renversant largement le principe selon lequel le droit au titre de propriété industrielle appartient à l'inventeur (1), ce texte ne laisse au salarié la libre disposition de son invention qu'en l'absence d'une telle connexité (2). A l'inverse, l'invention réalisée en exécution de directives hiérarchiques assignant au salarié une mission inventive est la propriété de l'entreprise. Enfin, celle qui est faite hors d'une telle mission mais présente néanmoins un lien de connexité avec l'activité de l'employeur (3) permet à ce dernier de se faire attribuer la propriété ou la jouissance de tout ou partie des droits attachés aux brevets afférents. Pour compenser la prévalence de la subordination sur les principes de la propriété intellectuelle, la loi prévoit au profit du salarié le versement d'une rémunération supplémentaire en cas d'invention de mission et le paiement d'un juste prix pour les inventions "hors mission attribuables" dont l'employeur revendique les droits y afférents.
La qualification de l'invention conditionnant donc le régime de la contrepartie financière due aux salariés, elle est souvent le terrain sur lequel ils portent les contestations relatives à leur rétribution. Le débat s'attache alors à la distinction entre l'invention "hors mission attribuable" et l'invention de mission, spécialement lorsque cette dernière est faite non pas dans l'exécution d'un contrat de travail comportant une mission inventive, mais "d'études et de recherches explicitement confiées" au salarié (4), de manière occasionnelle. La recherche factuelle doit, dès lors, viser à identifier si de tels travaux ont été prescrits au salarié par l'autorité hiérarchique, ce qui suppose, en l'absence de directives formalisées (5), d'examiner les conditions de la subordination au regard du processus d'invention. A cet égard, les juges du fond s'appuient sur un faisceau d'indices (6), dont la Cour de cassation contrôle la pertinence à caractériser une mission explicite (7). Ce n'est que lorsque le périmètre de la subordination, ainsi identifié, ne présente pas un lien suffisamment étroit avec le domaine de l'invention que, par défaut, celle-ci est qualifiée d'invention "hors mission attribuable". Dans le cas contraire, l'inventeur doit se contenter d'une rémunération supplémentaire pour invention de mission.
Cette rétribution ne fait pas l'objet de précisions légales quant à ses modalités de fixation (8). Lorsque les juges sont appelés à en apprécier le quantum, ils s'inspirent des critères légaux prévus pour le calcul du juste prix des inventions hors mission attribuables, se fondant principalement sur la contribution du salarié et l'intérêt industriel et commercial de l'invention. Bien que la créance de rémunération supplémentaire (9) naisse à la date de l'invention brevetable (10) et n'implique pas le dépôt d'un brevet, il n'est pas rare que les juges en apprécient le montant (11) au vu notamment d'éléments postérieurs à la mise au point de l'invention (12). La Cour de cassation ne désapprouve pas une telle référence, comme en témoigne l'arrêt commenté, qui admet préalablement la qualification d'inventions de mission.
Les faits. Un salarié d'un laboratoire pharmaceutique a réalisé une invention que son employeur a fait breveter en France, le brevet, le mentionnant comme inventeur, ayant, par la suite, fait l'objet d'extensions. Après absorption du laboratoire par une société du groupe C. puis dissolution de celle-ci, l'inventeur a été salarié d'une autre société de ce groupe durant quelques mois. Enfin, à la suite de la réorganisation de cette dernière, il a été embauché par la société B., filiale française d'une société de droit américain, en qualité de "vice-président global recherche et développement". Il a alors participé à la réalisation de plusieurs inventions qui ont donné lieu au dépôt de trois brevets PCT par la société-mère américaine et sa filiale suisse, dans lesquels il était désigné comme inventeur ou co-inventeur.
Se fondant sur les dispositions de l'article L. 611-7 du Code de la propriété intellectuelle, le salarié a assigné ces deux sociétés ainsi que la société B. devant le TGI, afin que ces inventions et leurs extensions soient qualifiées d'inventions hors mission attribuables et que lui soit alloué un juste prix ou, subsidiairement, une rémunération supplémentaire.
En première instance, les inventions couvertes par les trois brevets PCT ont été jugées "hors mission attribuables", mais le salarié a été débouté de sa demande financière, au motif que la somme de 1 500 dollars versée par l'employeur constituait un juste prix. Les premiers juges ont, par ailleurs, déclaré irrecevable la demande formée au titre du brevet français, déposé alors que l'employeur était le laboratoire pharmaceutique, et mis hors de cause la société-mère américaine et sa filiale suisse. Le salarié n'a pas davantage obtenu satisfaction en appel, la cour ayant confirmé le jugement, hormis sur la qualification des inventions qu'elle a rattachées à des études et recherches explicitement confiées, sans pour autant revenir sur le montant alloué au salarié, jugé suffisant à titre de rémunération supplémentaire.
La Cour de cassation approuve la qualification d'inventions de mission retenue sur la base de constatations et appréciations de la cour d'appel (13), écartant cependant un document relatif à l'activité du salarié postérieure à la demande de dépôt des brevets. Quant à la rémunération supplémentaire, la Haute juridiction affirme que sa pertinence a été souverainement déduite, "au regard de la contribution [du salarié] et de l'intérêt des inventions au plan industriel et au plan commercial", de la participation de trois autres co-inventeurs et des difficultés rencontrées pour breveter les inventions.
L'arrêt de la cour d'appel est, en revanche, partiellement censuré s'agissant de l'irrecevabilité des demandes formées au titre du brevet français et de ses extensions. Si la Cour de cassation approuve la décision à l'égard de la société américaine et de sa filiale suisse en posant que "le salarié n'est fondé à invoquer les droits qu'il tient de l'article L. 611-7 du Code de la propriété intellectuelle [...] qu'à l'encontre de son employeur, celui-ci ferait-il partie d'un groupe", elle prononce une cassation pour manque de base légale concernant l'irrecevabilité des demandes à l'encontre de la société B.. Au visa des articles L. 611-7 du Code de la propriété intellectuelle et L. 1224-1 du Code du travail (N° Lexbase : L0840H9Y), la Haute juridiction reproche à la cour d'appel de ne pas s'être expliquée "sur l'existence d'un transfert du secteur de l'alimentation parentérale, dans lequel l'inventeur exerçait son activité salariée, aux sociétés du groupe C. et, en dernier lieu, à la société B., ce dont il serait résulté que le salarié était fondé à invoquer contre celle-ci les droits qu'il tenait" de l'article L. 611-7 du Code de la propriété intellectuelle.
II - Une notion d'employeur strictement entendue comme condition à la qualité de débiteur du salarié
Une double conception de l'employeur, au sens de l'article L. 611-7 du Code de la propriété intellectuelle dans l'espace d'un groupe. En limitant les droits que l'inventeur salarié tient de l'article L. 611-7 du Code de la propriété intellectuelle à sa relation avec son employeur, "celui-ci ferait-il partie d'un groupe", la Cour de cassation fait une interprétation rigoureuse de ce texte. La généralité du principe posé par l'arrêt rend l'employeur seul débiteur de la rémunération supplémentaire qui naît des inventions de mission, mais également du juste prix dû en cas de revendication des droits attachés aux inventions hors mission attribuables.
Si ces créances trouvent donc leur fondement exclusif dans le contrat de travail et sont, dès lors, logiquement circonscrites à son périmètre, les prérogatives de l'employeur quant aux inventions de ses salariés ne semblent, en revanche, pas entendues aussi strictement. S'agissant des brevets PCT afférents à des inventions auxquelles le salarié avait contribuées alors qu'il était employé par la société B., la Chambre commerciale considère que leurs dépôts par la société-mère et sa filiale suisse est sans incidence sur la situation du salarié. Cette affirmation témoigne d'une interprétation extensive de l'article L. 611-7 du Code de la propriété intellectuelle s'agissant des droits de l'employeur. Rappelons que, selon cette disposition, les inventions de mission "appartiennent à l'employeur". Or, en l'occurrence, les co-inventeurs n'étaient pas salariés des sociétés auteurs des demandes de brevets. Ainsi, la Cour de cassation admet implicitement que des brevets puissent, dès l'origine, appartenir à d'autres entreprises que celle sous la subordination de laquelle un salarié a exercé son activité inventive.
L'arrêt retient donc une notion d'employeur à géométrie variable en droit des brevets. Strictement limitée au contrat de travail pour déterminer les droits du salarié, sa conception apparaît plus "molle" du côté des prérogatives patronales (14). Sous ce dernier angle, c'est l'intérêt économique de l'entreprise qui est considéré. L'attribution de la propriété des inventions organisée par l'article L. 611-7 du Code de la propriété intellectuelle invite, il est vrai, à une telle interprétation, notamment en ce qu'il permet à l'employeur de rentabiliser le fruit de ses investissements entendus largement, y compris par l'expropriation des droits afférents aux inventions "hors mission attribuables". C'est cette perspective économique que l'arrêt semble retenir en laissant l'entreprise maître des choix d'appropriation des inventions au sein de son groupe, du moins lorsqu'elles ont été réalisées sous son autorité. Pour la Chambre commerciale, de telles considérations n'intéressent, en revanche, pas le salarié, qui ne peut prétendre à leur influence sur sa subordination.
D'un désintérêt pour le coemploi à la prise en compte du transfert de branche d'activité. On regrettera que la Chambre commerciale s'en tienne à la solution de la cour d'appel sur l'extension de la qualité d'employeur invoquée par le salarié à l'encontre de la société-mère et de sa filiale suisse, propriétaires des brevets litigieux. Le rejet de cette qualité par les juges du fond aurait mérité un contrôle au regard de l'indisponibilité de la qualification de contrat de travail ; il aurait également évité le risque d'une divergence avec la jurisprudence de la Chambre sociale de la Cour de cassation qui, pour identifier la qualité de co-employeur d'une société appartenant au même groupe que l'employeur contractuel, s'appuie sur l'existence d'une subordination ou sur les relations entre les sociétés du groupe concernées, selon les circonstances.
Dans le premier cas, le salarié signataire d'un seul contrat de travail peut invoquer l'extension de celui-ci à une autre société du groupe dont fait partie son employeur, lorsqu'il est "appelé à travailler simultanément dans ces deux sociétés [...] ayant la même spécialité pour y exercer des activités identiques sous une autorité commune" (15). Dans le second cas, c'est sur le critère économique de la triple confusion d'intérêts, d'activités et de direction entre les structures du groupe que repose l'analyse (16). Pour la Chambre sociale, les rapports économiques entre des sociétés d'un même groupe ne sont donc pas indifférents à la qualification d'employeur, pas plus, bien sûr, que les conditions d'exercice réelles du pouvoir patronal.
Dans la mesure où les deux formes de coemploi étaient suggérées par le demandeur au pourvoi, la Chambre commerciale aurait pu s'emparer de cette occasion pour préciser les conditions dans lesquels l'exercice d'une activité inventive en collaboration avec des salariés d'autres entreprises du groupe, pour des projets communs à certains de ses membres, et au profit de la société-mère et d'une de ses filiales, permettent l'extension du contrat de travail. Des critères communs aux deux chambres sur le coemploi, tant dans sa forme subordonnée, que lorsqu'il repose sur la situation économique et sociale de la filiale employeur, auraient été bienvenus.
Dès lors que l'arrêt cantonne, a priori, le salarié-inventeur à des rapports juridiques avec son seul employeur contractuel, l'existence d'un transfert de branche d'activité, également invoquée dans le pourvoi, n'avait pas davantage à être examinée à l'échelle d'autres sociétés du groupe. Aussi n'est-ce qu'à l'égard de la société avec laquelle le contrat de travail a été conclu que l'application de l'article L. 1224-1 du Code du travail méritait d'être envisagée. Cependant, la cour d'appel ne s'est pas expliquée sur ce point, se contentant de constater une succession de contrats de travail avec différentes sociétés pour juger non-établi que chacune venait aux droits de la suivante. La cassation sur ce point est pleinement justifiée puisque le texte, garantissant la poursuite de la relation de travail en cas de substitution d'employeur, s'applique en dépit de l'absence de lien de droit entre les employeurs successifs (17). Or dans l'hypothèse où le transfert d'une branche d'activité autonome est caractérisé conformément à l'article L. 1224-1, la continuité du contrat de travail entraine le transfert de ses accessoires (18) aux employeurs successifs. Tels est notamment le cas du droit à rémunération supplémentaire pour les inventions de mission, comme l'affirme ici la Chambre commerciale.
(1) Cass. com., 25 avril 2006, n° 04-19.482, FS-P+B+I+R (N° Lexbase : A1902DP7), Bull. civ. 2006, IV, n° 96, p. 94.
(2) Encore qu'il doive néanmoins en informer son employeur.
(3) Invention réalisée "par un salarié soit dans le cours de l'exécution de ses fonctions, soit dans le domaine des activités de l'entreprise, soit par la connaissance ou l'utilisation des techniques ou de moyens spécifiques à l'entreprise, ou de données procurées par elle" (C. prop. intell., art. L. 611-7, 2° N° Lexbase : L3556AD3).
(4) L'article L. 611-7 du Code de la propriété intellectuelle vise "les inventions faites par le salarié dans l'exécution soit d'un contrat de travail comportant une mission inventive qui correspond à ses fonctions effectives, soit d'études et de recherches qui lui sont explicitement confiées".
(5) Que la jurisprudence ne requiert d'ailleurs pas.
(6) Ces éléments tiennent notamment aux fonctions du salarié, aux objectifs qui lui ont été fixés, aux comptes qu'il a rendu sur l'avancée de ses travaux, aux responsabilités dont il a été chargé ou encore à une activité sollicitée ou encadrée par un supérieur hiérarchique. V. not. Cass. com., 3 juin 2008, n° 07-12.517, F-D (N° Lexbase : A9278D87) ; Cass. com., 13 janvier 1998, n° 95-20.791, publié (N° Lexbase : A2460AC4) ; Bull. civ. IV, n° 12 ; Cass. com., 15 novembre 1994, n° 92-21.447, inédit (N° Lexbase : A8503CT4).
(7) Pour un exemple récent : Cass. com., 10 septembre 2013, n° 12-22.617, F-D (N° Lexbase : A1586KLC).
(8) L'article L. 611-7 du Code de la propriété intellectuelle renvoyant simplement aux "conventions collectives, accords d'entreprise et contrats individuels de travail" et, à défaut de convention collective de branche applicable, à la CNIS (Commission nationale des inventions de salariés instituée par l'article L. 615-21 du Code de la propriété intellectuelle N° Lexbase : L3666AD7) ou au TGI, en cas de litige.
(9) D'ordre public depuis la loi n° 90-1052 du 26 novembre 1990 (N° Lexbase : L9557A9T) : Cass. com., 22 février 2005, n° 03-11.027, F-P+B (N° Lexbase : A8644DGA), Bull. civ. IV, n° 35 ; Cass. com., 12 février 2013, n° 12-12.898, F-D (N° Lexbase : A0506I8A).
(10) Et non à celle du dépôt ou de la délivrance du brevet : Cass. com., 20 septembre 2011, n° 10-20.997, FS-P+B (N° Lexbase : A9526HX4), Bull. civ. IV, n° 133.
(11) Qui n'a pas nécessairement à être corrélé au salaire de l'inventeur lorsqu'aucun texte légal ou conventionnel ne le prévoit : Cass. com., 21 novembre 2000, n° 98-11.900, publié (N° Lexbase : A9333AH7) ; Bull. civ. IV, n° 179.
(12) Tel par exemple le chiffre d'affaires réalisé ou amélioré grâce à elle. V. par ex. Cass. com., 18 décembre 2007, n° 05-15.768, F-D (N° Lexbase : A1157D3A).
(13) Projets engagés par l'entreprise antérieurement à la demande de brevet et dans le domaine des inventions ; activité sous la direction d'un autre salarié de l'employeur et en équipe ; rôle et responsabilités confiés à l'inventeur.
(14) La portée de l'arrêt demeure toutefois incertaine à cet égard, en ce qu'il relève également, sans davantage de précision, que le salarié "avait cédé ses droits [aux deux sociétés du groupe] en vue du dépôt des brevets litigieux".
(15) Cass. soc. 6 avril 2011, n° 09-69567, F-D (N° Lexbase : A3541HNH).
(16) La Chambre sociale a récemment resserré cette forme de coemploi en le subordonnant à "une immixtion dans la gestion économique et sociale" de l'employeur contractuel ; voir en dernier lieu l'important arrêt "Molex" : Cass. soc., 2 juillet 2014, n° 13-15.208, FS-P+B (N° Lexbase : A2662MTR).
(17) Ass. plén., 16 mars 1990, n° 89-45.730 (N° Lexbase : A9499AA3) et n° 86-40.686 (N° Lexbase : A1771AGP) ; CJCE, 11 mars 1997, aff. C-13/95 (N° Lexbase : A7234AHE).
(18) L'article L. 1224-2 du Code du travail (N° Lexbase : L0842H93) instituant d'ailleurs une solidarité entre les employeurs successifs.
Décision
Cass. com., 9 décembre 2014, n° 13-16.559, FS-P+B (N° Lexbase : A6030M7H). Cassation partielle (CA Paris, Pôle 5, 1ère ch., 30 janvier 2013, n° 11/10036 N° Lexbase : A4153I4L) Texte visé : C. prop. intell., art. L. 611-7 (N° Lexbase : L3556AD3) ; C. trav., art. L. 1224-1 (N° Lexbase : L0840H9Y). Mots clef : inventeur salarié ; invention brevetable ; conditions de rétribution. Lien base : (N° Lexbase : E0778ETY). |
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:445466
Réf. : CE, Ass., 30 décembre 2014, n° 381245, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A8359M84)
Lecture: 2 min
N5421BUC
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
Le 17 Mars 2015
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:445421
Lecture: 13 min
N5417BU8
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Bastien Brignon, Maître de conférences - HDR à l'Université d'Aix-Marseille, Membre du Centre de droit économique (EA 4224) et du Centre de droit du sport d'Aix-Marseille
Le 17 Mars 2015
Le droit des sociétés vient de faire l'objet d'une nouvelle réforme, à travers l'article 23 de la loi n° 2014-1545 du 20 décembre 2014, de simplification du droit. On se souvient que la loi n° 2014-1 du 2 janvier 2014 (N° Lexbase : L7681IY7) (2) avait habilité le Gouvernement à simplifier et sécuriser la vie des entreprises, et qu'en application de l'article 3 de ladite loi, a été adoptée l'ordonnance n° 2014-863 du 31 juillet 2014, relative au droit des sociétés (3). Cette ordonnance a réformé certaines conventions réglementées dans certaines SA, le régime du rachat des actions de préférence, les titres financiers dont complexes, les AGOA dans les SARL, les chaînes d'EURL, les cessions des parts sociales de SNC et de SARL et l'article 1843-4 du Code civil. En parallèle de ces mesures, et toujours dans la droite ligne du choc de simplification, un projet de loi relatif à la simplification de la vie des entreprises avait été enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 25 juin 2014 (texte n° 2060) (4), le Gouvernement entendant intensifier la démarche de simplification en faveur des entreprises, par la mise en oeuvre d'ici le 1er janvier 2015 d'une nouvelle vague de mesures issues des travaux du Conseil de la simplification pour les entreprises. C'est ce projet de loi (5) qui vient d'être adopté via la loi n° 2014-1545 du 20 décembre 2014. L'article 23, I, de cette loi habilite le Gouvernement à prendre par voie d'ordonnance toute mesure permettant, d'une part, de diminuer le nombre minimal d'actionnaires dans les sociétés anonymes non cotées et d'adapter en conséquence les règles d'administration, de fonctionnement et de contrôle de ces sociétés, sans remettre en cause les compétences et les règles de composition, d'organisation et de fonctionnement de leurs organes (6), et d'autre part, d'instituer une procédure simplifiée de liquidation des sociétés commerciales qui présentent un montant faible d'actifs et de dettes et n'emploient aucun salarié, dans le respect des droits des créanciers, pour les cas ne relevant pas de la liquidation judiciaire prévue au livre VI du Code de commerce. Sur ces deux points, une ordonnance devra donc être prise et ce, dans un délai de neuf mois à compter de la promulgation de la présente loi, soit d'ici le 21 septembre 2015 (7). Si l'ordonnance du 31 juillet 2014 a bien respecté la date butoir du 1er octobre que prévoyait la loi du 2 janvier 2014 (neuf mois), on note que ces deux mesures ne respecteront pas celle du 1er janvier 2015, qui, en revanche, est respectée par les autres dispositions prises par la loi du 20 décembre 2014 d'ores et déjà en vigueur depuis le 21 décembre 2014. En effet, outre le I, l'article 23 de la loi du 20 décembre 2014 comporte également un II qui a directement modifié le Code de commerce, conformément d'ailleurs au projet de loi précité.
Se trouve, d'abord, assoupli le régime du transfert du siège d'une SARL. Ainsi, à la fin du huitième alinéa de l'article L. 223-18 (N° Lexbase : L0906I7P), la référence "au deuxième alinéa de l'article L. 223-30 (N° Lexbase : L0905I7N)" est remplacée par la référence "à l'article L. 223-29 (N° Lexbase : L5854AIN)" (loi n° 2014-1545, art. 23, II, 1°). Concrètement, lorsque le gérant décide seul de déplacer le siège de la SARL dans le même département ou dans un département limitrophe, la réserve de la ratification postérieure par les associés est maintenue ; toutefois, ce n'est plus à la condition de réunir trois quarts des parts sociales mais seulement plus de la moitié. Ensuite, l'article L. 223-30 est ainsi modifié : le premier alinéa, qui dispose que "les associés ne peuvent, si ce n'est à l'unanimité, changer la nationalité de la société", est complété par la phrase "sous réserve du huitième alinéa de l'article L. 223-18, le déplacement du siège social est décidé par un ou plusieurs associés représentant plus de la moitié des parts sociales" (loi n° 2014-1545, art. 23, II, 2°, a). Puis, la troisième phrase du troisième alinéa de l'article L. 223-30, qui fait référence à la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 (N° Lexbase : L7582HEK) ayant assoupli les conditions de quorum et de majorité dans les SARL constituées depuis le 4 août 2005, en prévoyant, notamment, le principe d'une "majorité des deux tiers des parts détenues par les associés présents ou représentés", est complétée par les mots "à l'exception du déplacement du siège social, décidé par un ou plusieurs associés représentant plus de la moitié des parts" (loi n° 2014-1545, art. 23, II, 2°, b). Pour déplacer le siège social d'une SARL, c'est donc à la majorité de la moitié des parts sociales et ce, en toute hypothèse, que cela soit décidé initialement par le gérant (et ratifié ensuite par l'assemblée) ou directement par les associés eux-mêmes, et que la SARL ait été constituée avant ou après la loi "PME" du 2 août 2005. On remarque que le dispositif ne concerne que les déplacements du siège dans le même département ou dans un département limitrophe, alors que, dans le projet de loi, il était prévu d'étendre le dispositif sur l'ensemble du territoire français.
En outre, la première phrase du dernier alinéa de l'article L. 236-6 (N° Lexbase : L0904I7M) est ainsi modifiée : après le mot "sociétés", sont insérés les mots "anonymes et les sociétés européennes" (loi n° 2014-1545, art. 23, II, 3°, a), et après la référence "L. 236-1 (N° Lexbase : L6351AI3)", sont insérés les mots "ainsi que les sociétés participant à une opération de fusion transfrontalière au sein de l'Union européenne" (loi n° 2014-1545, art. 23, II, 3°, b). L'article L. 236-6 du Code de commerce, applicable à toutes les fusions ou scissions de sociétés commerciales, impose aux sociétés participant à une fusion ou une scission, à peine de nullité, de déposer au greffe une déclaration indiquant tous les actes effectués en vue de réaliser l'opération et que l'opération a été réalisée en conformité des lois et règlements. Seules sont désormais visées les sociétés anonymes et les sociétés européennes participant à l'une des opérations mentionnées au premier et au deuxième alinéa de l'article L. 236-1 ainsi que les sociétés participant à une opération de fusion transfrontalière au sein de l'Union européenne. Les textes communautaires (Règlement (CE) n° 2157/2001 du 8 octobre 2001, relatif au statut de la société européenne [LXB=L1040AWG)], Directive 2011/35/UE du 5 avril 2011, concernant les fusions de sociétés anonymes N° Lexbase : L0406IQ4, et Directive 2005/56/CE du 26 octobre 2005, sur les fusions transfrontalières des sociétés de capitaux N° Lexbase : L3532HD8) exigent une déclaration de conformité dans certaines fusions/scissions ayant lieu au sein de l'UE, entre deux sociétés n'ayant pas leur siège dans le même Etat. Mais ces textes n'imposent pas une telle déclaration, par exemple, pour une fusion nationale entre SARL ou entre SAS. Ils sont donc à présent logiquement écartés puisque l'alinéa 3 de l'article L. 236-6 voit son champ d'application cantonné aux fusions/scissions européennes.
Par ailleurs, l'avant-dernier alinéa de l'article L. 239-1 du Code de commerce (N° Lexbase : L0903I7L) est complété par les mots "et, à l'exception des sociétés intervenant dans le domaine de la santé ou exerçant les fonctions d'officier public ou ministériel, de professionnels exerçant la profession constituant l'objet social de ces sociétés" (loi n° 2014-1545, art. 23, II, 4°). Ce texte permet, dans une certaine mesure et sous certaines conditions, d'offrir à la location des parts sociales ou des actions. Les sociétés d'exercice libéral (SEL) ne sont pas éligibles au dispositif, sauf au profit de professionnels salariés ou collaborateurs libéraux exerçant en leur sein. Autrement dit, les SEL peuvent donner à bail leurs parts sociales ou actions, mais seuls les professionnels salariés ou collaborateurs libéraux en exercice dans la société pouvaient jusqu'à présent en bénéficier. La loi nouvelle autorise, désormais, les professionnels en exercice au sein des SEL à en bénéficier également, mais les SEL de la santé ou exerçant les fonctions d'officier public ou ministériel sont exclues de la mesure. Dans certaines SEL donc, par exemple celles d'avocats, les professionnels en exercice, que l'on appelle en général les associés professionnels internes, peuvent maintenant tant être bailleurs -ce n'est pas nouveau- que locataires -c'est nouveau- de leurs droits sociaux, ce qui, nous semble-t-il, est contraire au principe même d'indépendance. Enfin, en écho à cette dernière modification, le III de l'article 23 de la loi du 20 décembre 2014 dispose que le dernier alinéa de l'article 8 de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990, relative à l'exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé et aux sociétés de participations financières de professions libérales (N° Lexbase : L3046AIN), est complété par les mots "et, à l'exception des sociétés intervenant dans le domaine de la santé ou exerçant les fonctions d'officier public ou ministériel, de professionnels exerçant la profession constituant l'objet social de ces sociétés" (loi n° 2014-1545, art. 23, III). En effet, l'article 8 de la loi de 1990 sur les SEL autorise exactement la même chose que l'article L. 239-1 du Code de commerce, à savoir la location de droits sociaux composant le capital d'une SEL. Puisque désormais certaines professions libérales sont éligibles au dispositif, les deux textes sont mis à l'unisson. Notons que la question se pose de savoir si la mesure concerne aussi les SPFPL ou uniquement les SEL. A la lecture de l'article 8 de la loi de 1990, seules les SEL semblent concernées. Mais à la lecture de l'article L. 239-1 du Code de commerce, les SPFPL le paraissent également. Quoi qu'il en soit, la mesure est assez anecdotique, excepté en vue de la transmission de la SEL que la location de droits sociaux pourra faciliter.
En outre, l'article 24, I et II, de la loi du 20 décembre 2014 supprime, à compter du 1er juillet 2015, l'obligation faite aux fondateurs d'une société d'enregistrer aux impôts les statuts de celle-ci dans le mois de leur date (CGI art. 635, 1-5° modifié N° Lexbase : L0907I7Q), supprimant ainsi l'obligation de régler les droits d'enregistrement pour les actes d'une société en formation (8). Les modalités d'application de cette mesure seront définies ultérieurement par décret.
Par ailleurs, des mesures d'allégement sont prévues pour les sociétés coopératives agricoles et leurs unions (loi n° 2014-1545, art. 26 et 51). Ainsi, celles qui répondent à la définition des micro entreprises (9) peuvent déclarer au greffe du tribunal que les comptes annuels qu'elles déposent ne sont pas rendus publics, sauf s'il s'agit d'établissements financiers, de sociétés dont les titres financiers sont admis aux négociations sur un marché réglementé ou de sociétés dont l'activité consiste à gérer des titres de participations et de valeurs mobilières (C. rur. art. L. 524-6-6, nouv. N° Lexbase : L0810I77). De plus, les prises de participation directes ou indirectes des sociétés coopératives agricoles et de leurs unions dans une ou plusieurs personnes morales n'ont plus à faire l'objet d'une déclaration auprès du Haut Conseil de la coopération agricole (abrogation de l'article L. 523-5 du Code rural N° Lexbase : L3501HTT).
Globalement, cette nouvelle réforme du droit des sociétés est marginale. Elle est cependant annonciatrice d'une autre : pourquoi autant de réformes, et pourquoi autant les fractionner ? La pilule est peut-être plus facile à avaler lorsqu'elle est sectionnée... Elle n'en reste pas moins indigeste au final ! Notons que toutes les mesures de l'article 23 (II et III) sont applicables au 22 décembre 2014 (entrée en vigueur le lendemain du jour de la publication, conformément à l'article 1er, al. 1er, du Code civil). Pour la réduction du nombre d'actionnaires dans les SA et pour la réforme de la liquidation amiable, il faut néanmoins attendre une prochaine ordonnance.
Dans un arrêt du 9 décembre 2014, non publié au bulletin, la Cour de cassation casse l'arrêt d'appel (CA Aix-en-Provence, 6 juin 2013, n° 12/01190 N° Lexbase : A1905KGN) qui avait rejeté l'action en responsabilité personnelle contre un gérant de SARL n'ayant pas souscrit l'assurance obligatoire relative à la responsabilité décennale au titre la réalisation de travaux de construction, faute de caractérisation d'une omission intentionnelle de déclaration d'un chantier qui serait, par sa gravité, incompatible avec l'exercice normal de ses fonctions de gérant. Pour la Cour de cassation au contraire, en statuant ainsi, après avoir relevé qu'au regard des articles L. 241-1 du Code des assurances (N° Lexbase : L7811I3P), L. 111-34 du Code de la construction et de l'habitation (N° Lexbase : L6513G94) et L. 121-1 du Code pénal (N° Lexbase : L2225AMD), le gérant avait engagé sa responsabilité pénale en cette qualité en omettant de déclarer le chantier considéré, ce qui avait entraîné la mise hors de cause de l'assurance, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et appréciations, a violé les articles L. 223-22 du Code de commerce (N° Lexbase : L5847AIE), ensemble les articles L. 241-1 et L. 243-3 (N° Lexbase : L6698G9X) du Code des assurances.
Voilà rappelé le principe désormais bien établi que le gérant d'une SARL qui commet une faute constitutive d'une infraction pénale intentionnelle, séparable comme telle de ses fonctions sociales, engage sa responsabilité civile à l'égard des tiers à qui cette faute a porté préjudice (10). Les dirigeants sociaux engagent leur responsabilité personnelle civile lorsqu'ils commettent une faute détachable de leurs fonctions, cette faute se définissant comme une faute intentionnelle, d'une particulière gravité, incompatible avec l'exercice normal des fonctions (11). Or, l'infraction pénale intentionnellement commise par le gérant est automatiquement génératrice d'une faute séparable des fonctions, et donc d'une responsabilité civile personnelle du gérant. La solution est à notre sens transposable à l'associé auquel la Cour de cassation transpose celle relative au dirigeant précitée (12). Autrement dit, l'associé qui est responsable personnellement et civilement en cas de faute détachable entendue comme incompatible avec l'exercice normal de ses prérogatives, devrait l'être aussi en cas de faute pénale intentionnelle. Au-delà, dirigeants (13) comme associés qui commettraient une faute pénale intentionnelle devraient non seulement engager leur responsabilité personnelle civile et pénale, mais également celle, civile et pénale, de la société (14).
Pour être valable, le cautionnement, même approuvé par l'ensemble des associés, ne doit pas être contraire à l'intérêt social de la société garante (15), ledit intérêt social se distinguant de la communauté d'intérêts en présence. Tel est le sens d'un arrêt rendu le 9 décembre 2014 par la Cour de cassation.
En l'espèce, une SCI consent un engagement de caution hypothécaire au profit d'une SAS qui n'est autre que le principal fournisseur de la SARL locataire de l'immeuble donné à bail par la SCI, assiette du cautionnement. La SARL n'honorant pas certaines commandes, la SAS actionne la SCI en respect du cautionnement. Mais la SCI demande la nullité de cette garantie. D'une part, elle l'obligeait à vendre son unique actif pour le recouvrement d'une somme de plus de 48 000 euros, compromettant ainsi jusqu'à son existence. D'autre part, elle n'avait reçu, en contrepartie, un quelconque bénéfice.
Comme la Cour de cassation a déjà pu le juger, le cautionnement donné par une SCI n'est valable que s'il entre directement dans son objet social ou s'il existe une communauté d'intérêts entre cette société et la personne cautionnée ou encore s'il résulte du consentement unanime des associés (16). De plus, même consenti à l'unanimité, il ne doit pas être contraire à l'intérêt social, de sorte que le prêt contracté par une société civile pour faire face à la sûreté qu'elle avait consentie au profit d'une société tierce est nul dans la mesure où il est étranger à son objet social (17). Dès lors, n'est pas valable la sûreté accordée par une société civile en garantie de la dette d'un associé, certes entrant dans le cadre de son objet social, mais contraire à l'intérêt social comme pouvant compromettre l'exigence même de la société (18). Ici aussi, le cautionnement est considéré comme contraire à l'intérêt social, et donc nul, car compromettant l'existence même de la SCI, d'autant plus que les garanties immobilières, qui peuvent être souscrites par le gérant comme entrant dans l'objet social, s'entendent de celles données en contrepartie des engagements que la SCI peut être amenée à prendre dans son propre intérêt et non pas du cautionnement hypothécaire qu'elle a, en l'occurrence, donné pour garantir les engagements souscrits par une autre société à l'égard de son fournisseur.
La solution résulte de l'application combinée des articles 1849 (N° Lexbase : L2046ABE) et 1852 (N° Lexbase : L2049ABI) du Code civil érigeant la non-contradiction à l'intérêt social en condition de validité de l'engagement, voire de l'article 1849 du Code civil seul qui édicte une condition de validité de l'engagement, étant précisé que la violation de l'intérêt social est également susceptible d'encourir la nullité sous l'angle de l'illicéité de la cause. Quant à l'article 1844-16, alinéa 1er, du Code civil (N° Lexbase : L2036ABZ) aux termes duquel "ni la société, ni les associés ne peuvent se prévaloir d'une nullité à l'égard des tiers de bonne foi", dont la société garantie prétendait la violation, ce texte se référant aux nullités pouvant résulter des irrégularités relatives aux conditions de fonctionnement de la société et pouvant résulter des votes obtenus dans des conditions irrégulières, il n'a pas vocation à s'appliquer à une nullité qui, ici, ne résulte pas d'irrégularités commises dans le cadre du vote de la décision relative à l'engagement contracté par la société, mais de ce que l'engagement contrevient à l'intérêt social. En l'occurrence, le juge de l'exécution a prononcé à bon droit la nullité de l'acte de cautionnement, nullité qui était opposable à la société garantie dont le pourvoi est rejeté par l'arrêt du 9 décembre 2014.
(1) bastien.brignon@univ-amu.fr ou bastien.brignon@free.fr.
(2) B. Saintourens, Simplification, version 2014, du droit des sociétés : premier aperçu après la loi n° 2014-1 du 2 janvier 2014, Rev. sociétés, 2014, p. 147.
(3) Cf. Numéro spécial Lexbase Hebdo n° 395 du 25 septembre 2014 - édition affaires, sous la direction de D. Gibirila : Ch. Lebel, La réforme des SNC et des SARL par l'ordonnance du 31 juillet 2014 (N° Lexbase : N3832BUH) ; D. Gibirila, La réforme des conventions réglementées dans les sociétés anonymes par l'ordonnance du 31 juillet 2014 (N° Lexbase : N3780BUK) ; V. Téchené, La réforme de l'article 1843-4 du Code civil par l'ordonnance du 31 juillet 2014 (N° Lexbase : N3789BUU) ; nos obs., La réforme des titres financiers par l'ordonnance du 31 juillet 2014 (N° Lexbase : N3755BUM). - Sur l'ordonnance du 31 juillet 2014, v. égal Dossier spécial Bull. Joly Sociétés, novembre 2014, p. 473 et s., Simplification et "sécurisation" de la vie des sociétés par l'ordonnance n° 2014-863 du 31 juillet 2014, sous la direction de F.-X. Lucas : F.-X. Lucas, L'ordonnance n° 2014-863 du 31 juillet 2014 relative au droit des sociétés, p. 473 ; F.-X. Lucas et D. Poracchia, Le nouvel article 1843-4 du Code civil, p. 474 ; I. Parachkévova, Les dispositions relatives aux conventions réglementées dans l'ordonnance du 31 juillet 2014 : en attendant la prochaine réforme, p. 481 ; H. Le Nabasque et A. Pietrancosta, La réforme des "titres financiers complexes" par l'ordonnance du 31 juillet 2014. V. aussi Dossier spécial Rev. sociétés, 2014, Réflexions collectives sur l'ordonnance du 31 juillet 2014 : I. Urbain-Parleani et P.-H. Conac, Présentation générale de l'ordonnance du 31 juillet 2014, et réflexions sur la simplification et la réforme du droit des sociétés, p. 611 ; P.-Y. Chabert et R. Elineau, Dispositions relatives aux opérations sur titres et aux droits de souscription, p. 618 ; Ph. Emy, Dispositions relatives aux titres obligataires au porteur, p. 624 ; R. Mortier, Dispositions relatives au rachat des actions de préférence, p. 627 ; P.-Y. Chabert et R. Elineau, Dispositions relatives à certaines valeurs mobilières, p. 638. Adde, M. Roussille, Ordonnance du 31 juillet 2014 : dispositions relatives aux conventions réglementées, Dr. sociétés, octobre 2014, comm. 144 ; D. Gallois-Cochet, Ordonnance du 31 juillet 2014 relative au droit des sociétés : dispositions relatives au rachat des actions de préférence, Dr. sociétés, octobre 2014, comm. 146 ; S. Torck, La timide réforme des valeurs mobilières composées par l'ordonnance du 31 juillet 2014, Dr. sociétés, octobre 2014, comm. 150 ; H. Le Nabasque et A. Pietrancosta, Propositions de modification des dispositions de Code de commerce relatives aux titres financiers complexes, RTDF, 2013, n° 4, p. 98 s. ; A.-F. Zattara-Gros, Morceaux choisis de l'ordonnance n° 2014-863 du 31 juillet 2014 relative au droit des sociétés, Gaz. Pal., 23 septembre 2014 ; B. Dondero, L'ordonnance du 31 juillet 2014 relative au droit des sociétés, D., 2014, p. 1885 ; du même auteur, La réforme du régime des sociétés de personnes et des SARL. - (Ord. n° 2014-863, 31 juill. 2014), JCP éd. E, 2014, étude 1488 ; G. Notté, Assouplissement du droit des sociétés commerciales, JCP éd. N, 2014, 1290 et JCP éd. E, 2014, act. 581 ; A. Constantin, Réforme de l'article 1843-4 du Code civil par l'ordonnance n° 2014-863 du 31 juillet 2014 : faut-il s'en réjouir ou s'en inquiéter ?, RTDCom., 2014, p. 633 ; H. Le Nabasque, Dispositions relatives à la valorisation des droits sociaux en cas de cession : réforme de l'article 1843-4 du Code civil, Rev. sociétés, 2014, p. 647 ; S. Schiller, Une nouvelle rédaction pour l'article 1843-4 du Code civil, JCP éd. N, 2014, étude 1282 ; M. Caffin-Moi, La réforme de l'article 1843-4 du Code civil : fin d'une histoire ou début d'une autre??, LEDC, octobre 2014 ; R. Mortier, L'article 1843-4 du Code civil est modifié par l'ordonnance n° 2014-863 du 31 juillet 2014, Dr. sociétés, 2014, étude 19 ; du même auteur, Article 1843-4 du Code civil : bris total de jurisprudence, Dr. sociétés n° 10, octobre 2014, comm. 140 ; B. Dondero, La réforme de l'article 1843-4 du Code civil. - Ord. n° 2014-863, 31 juill. 2014, JCP éd. E 2014, étude 1531 ; A. Couret et A. Reygrobellet, La disponibilité de l'article 1843-4 du code civil, D., 2014, p. 2005 ; L. Marty, 3 Questions : L'expertise tierce : des inquiétudes qui résultent de la mise en oeuvre des expertises contractuelles, JCP éd. E, 2014, 335.
(4) Cf. D. Actualité, 4 juillet 2014, obs. X. Delpech ; G. Notté, Projet de loi relatif à la simplification de la vie des entreprises, JCP éd. E, 2014, act. 481.
(5) Nos obs., Présentation du projet de loi de simplification en droit des sociétés, Lexbase Hebdo n° 390 du 17 juillet 2014 - édition affaires (N° Lexbase : N3171BUY).
(6) Ph. Merle, SVP, surtout pas de société anonyme à deux actionnaires !, Bull. Joly Sociétés, juillet-août 2014, p. 480.
(7) "III. - Les ordonnances prévues aux articles 2, 4, 5, au I des articles 12, 15 et 23 et aux articles 36, 42 et 46 sont prises dans un délai de neuf mois à compter de la promulgation de la présente loi" (loi n° 2014-1545, art. 58, III).
(8) G. Notté et C. Hibon, Simplification de la vie des entreprises, L. n° 2014-1545, 20 déc. 2014, JCP éd. E, 2015 act. 2.
(9) Sociétés ne dépassant pas deux des trois seuils suivants : 350 000 euros de total de bilan, 700 000 euros de chiffre d'affaires, 10 salariés employés en moyenne au cours de l'exercice.
(10) Cass. com., 28 septembre 2010, n° 09-66.255, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A5417GAU), LPA, 15 novembre 2010, n° 227, p. 3, Pan. droit des sociétés, spéc. § VI, obs. D. Gibirila ; Dr. & patr., mai 2011, n° 203, p. 79, obs. D. Poracchia ; RTDCom., 2010, p. 785, obs. P. Jourdain ; D., 2010, p. 2290, note A. Lienhard ; ibid. p. 2618, obs. R. Salomon ; Bull Joly Sociétés, 2010, p. 976, note A. Couret ; Rev. sociétés, 2011, p. 97, note B. Dondero ; JCP éd. G, 2010, 1177, note C. Benoît-Renaudin ; RLDA, 2010/54, n° 3093, obs. G. Bocobza-Berlaud ; Dr. sociétés, 2010, comm. 225, et JCP éd. E 2010, 2084, note M. Roussille (arrêt de cassation rendu aux visas des articles L. 223-22 du Code de commerce N° Lexbase : L5847AIE et L. 243-3 du Code des assurances N° Lexbase : L6698G9X) ; J.-B. Lenhof, La faute constitutive d'une infraction pénale intentionnelle constitue une faute détachable des fonctions du gérant d'une SARL, Lexbase Hebdo n° 414 du 28 octobre 2010 - édition privée (N° Lexbase : N4364BQP). V. égal., Cass. com., 18 mai 2010, n° 09-66.172, F-D (N° Lexbase : A3959EXW), JCP éd. E, 2010, 1793, note M. Roussille.
(11) Cass. com., 20 mai 2003, n° 99-17.092, FSP+B+I (N° Lexbase : A1619B9T), Bull. civ. IV, n° 84 ; Bull Joly Sociétés, 2003, p. 786, § 167, note H. Le Nabasque ; Rev. sociétés, 2003, p. 479, note J.-F. Barbièri ; D., 2003, p. 1502, obs. A. Lienhard, et p. 2623, note B. Dondero ; D., 2004, somm., p. 266, obs. J.-Cl. Hallouin ; RTDCom., 2003, p. 523, obs. P. Chazal et Y. Reinhard, et p. 741, obs. Cl. Champaud et D. Danet ; RTDCiv., 2003, p. 509, obs. P. Jourdain ; Dr. & patr., novembre 2003, p. 91, obs. D. Poracchia ; JCP éd. G, 2003, II, 10178, note S. Reifegerste ; JCP éd. E, 2003, 1203, obs. J.-J. Caussain, F. Deboissy et G. Wicker, et 1398, note S. Hadji-Artinian ; JCP éd. G, 2004, I, 101, spéc. n° 21, obs. G. Viney ; LPA, 7 novembre 2003, p. 13, note S. Messaï ; Bull. Lamy Sociétés commerciales, septembre 2003, p. 1, note I. Grossi ; Dr. sociétés, 2003, comm. n° 148, obs. J. Monnet ; Banque et droit, septembre-octobre 2003, p. 64, obs. M. Storck ; Defrénois, 2003, art. 37801, p. 1067, note M.-H. Maleville-Costedoat ; RJDA, 2003 /8-9, p. 747, n° 842, et p. 717, avis de R. Viricelle. V. égal., Cass. civ. 3, 4 janvier 2006, n° 04-14.731, FS-P+B (N° Lexbase : A1723DMR), Bull. civ. III, n° 7, Bull. Joly Sociétés, 2006, p. 527, note S. Messaï-Bahri ; Cass. com., 4 juillet 2006, n° 05-13.930, F-P+B (N° Lexbase : A3761DQD), Bull. civ. IV, n° 166, Bull Joly Sociétés, 2007, p. 93, note B. Dondero ; Cass. com., 10 février 2009, n° 07-20.445, F-P+B (N° Lexbase : A1219EDI), D, 2009, p. 559, obs. A. Lienhard, JCP éd. E, 2009, 1602, note B. Dondero, Dr. sociétés, août 2009, comm. n° 161, obs. D. Gallois-Cochet, Rev. fr. compt., mai 2009, p. 28, note D. Gibirila ; RLDA mai 2009, n° 2271, note B. Marpeau, D. Gibirila, La responsabilité des dirigeants à l'égard des tiers, en raison de leur faute intentionnelle et particulièrement grave, Lexbase Hebdo n° 342 du 19 mars 2009 - édition privée (N° Lexbase : N8909BIS) ; Cass. com., 27 mai 2014, n° 12-28.657, F-B+B (N° Lexbase : A6169MPB), D. Actu., 6 juin 2014, obs. A. Lienhard, Ch. Lebel, Le défaut de déclaration de créance qualifiée de faute séparable des fonctions de dirigeant, Lexbase Hebdo n° 386 du 19 juin 2014 - édition affaires (N° Lexbase : N2742BU4), JCP éd. E, 2014, 1397, note A. Cerati-Gauthier, A. Albarian, B. Brignon et P. Mouron, Droit commercial, Sociétés commerciales 2014, Un an de jurisprudence commentée, Lamy Axe droit, 2014, n° 214.
(12) Cass. com., 18 février 2014, n° 12-29.752, FS-P+B (N° Lexbase : A7585MEN), D., 2014, p. 543 ; L'essentiel droit des contrats, n° 4, p. 7, obs. M. Caffin-Moi ; JCP éd. E, n° 13, 27 mars 2014, p. 1160, note B. Dondero ; D., 2014, p. 764, note T. Favario ; Bull. Joly Sociétés, juin 2014, n° 6, p. 382, note B. Fages ; Ch. Lebel, Responsabilité de l'associé à l'égard d'un cocontractant de la société, Lexbase Hebdo n° 375 du 27 mars 2014 (N° Lexbase : N1541BUM). V. égal. comm. de C. Caligaris in A. Albarian, B. Brignon et P. Mouron, Droit commercial, Sociétés commerciales 2014, Un an de jurisprudence commentée, préc., n° 11.
(13) Sur la responsabilité des dirigeants sociaux, cf. dossier Actes pratiques et ingén. sociétaire n° 127/2013, Droit des sociétés et responsabilité civile. Perspectives et évolutions récentes, avec les contributions de J.-P. Gastaud, E. Mouial-Bassillana, M.-P. Blin-Franchomme, M. Teller et I. Parachkevova. V. égal., E. Nicolas, La notion de faute séparable des fonctions des dirigeants sociaux à la lumière de la jurisprudence récente. Mutation, disparition ou simple besoin de changement de désignation ?, Rev. sociétés, 2013, p. 535.
(14) Sur ce point V., D. Poracchia, Remarques sur la responsabilité de la société en cas de faute du dirigeant "séparable de ses fonctions" commise à l'occasion des fonctions, in Mél. P. Le Cannu, Lextenso, LGDJ, Dalloz, 2014, p. 377.
(15) Cass. civ. 3, 12 septembre 2012, FS-P+B (N° Lexbase : A7475ISN), Bull. civ. III, n° 121 ; D., 2012, p. 2166, obs. A. Lienhard ; Rev. sociétés, 2013, p. 16, note A. Viandier ; ibid. 2013, p. 1706, obs. P. Crocq ; ibid. 2729, obs. E. Lamazerolles ; RTDCiv., 2012. 754, obs. P. Crocq ; RLDC, 2013/100, n° 4941, note C. Juillet ; J.-B. Lenhof, Garantie hypothécaire donnée par une SCI et respect de l'intérêt social, Lexbase Hebdo n° 314 du 25 octobre 2012 - édition affaires (N° Lexbase : N4131BT8).
(16) Cass. civ. 1, 8 novembre 2007, n° 04-17.893, F-P+B (N° Lexbase : A4132DZ3), Bull. civ. I, n° 345 ; D., 2007, p. 2881 ; RLDC, 2008/47, n° 2908, note M. Storck ; Dr.& patr., juin 2008, p. 94, obs. Poracchia ; ibid., octobre 2008, p. 96, obs. L. Aynès et P. Dupichot ; RTDCom., 2008. 141, obs. M.-H. Monsèrié-Bon; ibid. 167, obs. D. Legeais ; D. Robine, Le cautionnement par une société civile des dettes personnelles de son gérant, Lexbase Hebdo n° 282 du 22 novembre 2007 - édition privée (N° Lexbase : N2029BDI).
(17) Cass. civ. 3, 12 septembre 2012, précit.
(18) Cass. com., 23 septembre 2014, n° 13-17.347, n° 13-17.347, FS-P+B (N° Lexbase : A3067MXU), D., 2014, p. 1938 ; Rev. sociétés, 2014, p. 714, note A. Viandier ; JCP éd. E, 2014, 1618, note H. Hovasse (impossibilité de donner en garantie le seul bien de la SCI, sans aucun avantage pour la société).
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:445417