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N5274BUU
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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication
Le 17 Mars 2015
Le partage de travailleurs. Il n'aura pas fallu attendre longtemps pour qu'au partage du temps de travail succède, d'ailleurs, par nécessité financière, la pluriactivité subie des plus précaires. Si l'on encense ce gain d'autonomie et cette dextérité intellectuelle qui conduisent certains cadres à mettre à la disposition de plusieurs employeurs leurs compétences hyperspécialisées, la plupart du temps, la pluriactivité alternative ou simultanée est le fait d'employées cumulant les temps partiels et autres contrats précaires. La dernière étude sur le sujet date d'une dizaine d'années, mais elle demeure d'actualité. 1 126 000 salariés étaient pluriactifs en 2005 et si 783 000 exerçaient le même métier pour plusieurs employeurs, 343 000 avaient plusieurs métiers. Ils représentaient alors 4,8 % de la population salariée. A cela s'ajoutaient 76 000 non-salariés qui avaient également plusieurs professions. Le constat de l'Insee était déjà sans appel : la pluriactivité va de pair avec des salaires très bas et une durée de l'emploi principal très faible. Il n'est d'ailleurs pas un hasard que les branches les plus concernées furent celles de l'agriculture, des services aux particuliers, de l'éducation et de la santé : les parents pauvres de la valorisation professionnelle.
Reste que ce constat angoissant aux vues d'une société qui entendait gérer un quota de travail plutôt que de l'accroître, et qui se satisfaisait de l'émergence d'une classe de sa population surtravailleuse, mais sous-payée, se heurte désormais à un chômage exponentiel que les vieilles recettes de partage du temps de travail ou de travailleurs (dans le cadre de la pluriactivité) ne suffisent plus à inverser. La nouvelle tendance, par glissement sémantique rampant, est, dès lors, au partage (encore une fois tout de même) du travail, lui-même.
Le partage du travail. Ce n'est plus le temps consacré à exercer un métier qui est partagé avec d'autres, mais le métier lui-même qu'il faut partager avec de nouveaux venus au nom de la libéralisation professionnelle et de libération de la croissance. C'est tout l'enjeu de la déréglementation de certaines professions, inscrite actuellement au sein du projet de loi "Macron", déjà évoquée en matière juridique dans ces colonnes, mais tout autant dans d'autres secteurs : celui du transport individuel de personnes est d'ailleurs des plus symptomatiques du glissement progressif vers une déprofessionnalisation.
La déréglementation du service n'est certes pas la libéralisation des taxis ayant payé leurs licences d'exploitation et auxquels il conviendrait alors de rembourser la mise de départ, mais l'ouverture du marché, d'abord, aux voitures de tourisme avec chauffeur (VTC), ensuite, aux particuliers lambdas. Pour endiguer le mécontentement légitime des premiers, on imposera des conditions d'exercice particulières ou draconiennes pour les suivantes, justifiant ainsi la préservation d'un régime partial pour nos modernes "officiers conducteurs de fiacres". Mais mal fondées, celles-ci risquent le dérapage réglementaire, comme celle subordonnant la prise en charge des clients à un délai de réservation préalable de 15 minutes entraînant l'annulation, le 17 décembre 2014, du décret du 27 décembre 2013, relatif à la réservation préalable des voitures de tourisme avec chauffeurs. Les VTC n'auront alors de cesse de vouloir contourner sens interdits et embouteillage, comme c'est le cas également à travers deux QPC transmises par le tribunal de commerce de Paris à la Cour de cassation le 12 décembre 2014, toujours sur le fondement d'une contravention (supposée) à la liberté d'entreprendre, au droit de propriété et au principe d'égalité. Le même jour, le tribunal refusa, toutefois, d'interdire un service visant à proposer au public et de facturer des prestations d'entremise entre clients et personnes qui se livrent aux activités de transport routier de personnes à titre onéreux, sans être ni taxis, ni des VTC, ni des transporteurs routiers pouvant effectuer des services occasionnels, et donc en s'affranchissant des régies légales régissant ce type d'activité. Et, même si le Gouvernement a déclaré, le 15 décembre 2014, que ce type d'offre payante de transport entre particuliers sera interdite en France dès le 1er janvier 2015 avec l'entrée en vigueur de la loi "Thévenoud" sur la régulation de la concurrence avec les taxis, la tentative de libéralisation complète jusqu'à permettre l'expédiant de fins de mois pour les citoyens en mal de pouvoir d'achat mettant ainsi du beurre dans leurs épinards a de quoi interroger sur la déprofessionnalisation ambiante. Il est d'ailleurs étrange que le secteur juridique ne connaisse pas le même louable protectionnisme de la part de l'Etat, qui voit dans la déprofessionnalisation juridique les ressorts d'une expansion économique là où Platon et à sa suite, Xénophon, y auraient vu les dangers de l'éclatement de la cité.
Car de l'auteur de La République à Hume et Beccaria, la division du travail (et non le partage) est le facteur nécessaire du "vivre ensemble", de la communauté. C'est d'abord parce que le "besoin" de l'autre est identifié et singularisé, ensuite parce que sa satisfaction est l'oeuvre d'une technique ou d'un art particulier que non seulement le tissu social se noue, mais que la productivité et la technicité se développent en fonction des talents de chacun. C'est cette division du travail qui faisait dire à Socrate, sous la plume du Platon, qu'à pratiquer plusieurs métiers, on ne réussit dans aucun : "Mais quoi ? dans quel cas travaille-t-on mieux, quand on exerce plusieurs métiers ou un seul ? Quand, dit-il, on n'exerce qu'un seul" ; "par conséquent on produit toutes choses en plus grand nombre, mieux et plus facilement, lorsque chacun, selon ses aptitudes et dans le temps convenable, se livre à un seul travail, étant dispensé de tous les autres".
Mais attention, la division du travail, selon nos philosophes, n'a rien à voir avec l'organisation tayloriste ou fordiste. Même Adam Smith, avant l'heure, était conscient des dangers d'une division accrue du travail, d'une hyperspécialisation ouvrière -critique reprise d'ailleurs par Edgar Morin au sujet de l'hyperspécialisation généralisée des connaissances scientifiques- : "L'homme qui voue sa vie entière à effectuer quelques rares opérations simples, desquelles les effets sont peut-être toujours les mêmes ou très semblables, n'a pas d'occasion de pratiquer sa compréhension ou d'exercer son inventivité à trouver des opportunités à dissiper des difficultés qui ne surviennent jamais. Il perd naturellement, dès lors, l'habitude de telles pratiques et, généralement, devient aussi stupide et ignorant qu'il est possible à une créature humaine de devenir. La torpeur de son esprit le rend non seulement incapable de goûter ou supporter un parti dans quelque conversation rationnelle que ce soit ou de concevoir ne serait-ce qu'un sentiment généreux, noble ou tendre, mais aussi, en conséquence, de former un jugement juste concernant plusieurs, même des plus ordinaires, tâches de la vie privée". Non, la division du travail, pour les platoniciens, c'est la professionnalisation de la société dont la vertu première est de lier, dans une nécessité existentielle, les hommes entre eux, parce qu'ils n'empiètent pas sur le terrain substantifique de l'autre. Et, pour contrer les dangers d'une hyperspécialisation, pendant néfaste de la division du travail, étaient alors préconisées formation et sélection professionnelles : le contraire en somme d'une libéralisation du marché, laissant à chacun le soin de s'autoproclamer professionnel de ceci ou de cela.
Il faut se garder de crier, dès lors, au conservatisme lorsque certains entendent protéger leurs périmètres professionnels : aux juristes, l'exercice du droit ; aux comptables, celui du chiffre ; aux auditeurs, le contrôle et l'optimisation... A ceux pour qui exercer un autre métier, même à titre accessoire, semble la clé de la flexibilité et de l'omnicompétence, on rappellera cette fable de Jean-Pierre Claris de Florian, Le vacher et le garde-chasse, pleine de sagesse populaire :
"Colin gardait un jour les vaches de son père ;
Colin n'avait pas de bergère,
Et s'ennuyait tout seul. Le garde sort du bois :
Depuis l'aube, dit-il, je cours dans cette plaine
Après un vieux chevreuil que j'ai manqué deux fois
Et qui m'a mis tout hors d'haleine.
Il vient de passer par là-bas,
Lui répondit Colin : mais, si vous êtes las,
Reposez-vous, gardez mes vaches à ma place,
Et j'irai faire votre chasse ;
Je réponds du chevreuil. - Ma foi, je le veux bien.
Tiens, voilà mon fusil, prends avec toi mon chien,
Va le tuer. Colin s'apprête,
S'arme, appelle Sultan. Sultan, quoiqu'à regret,
Court avec lui vers la forêt.
Le chien bat les buissons ; il va, vient, sent, arrête,
Et voilà le chevreuil... Colin impatient
Tire aussitôt, manque la bête,
Et blesse le pauvre Sultan.
A la suite du chien qui crie,
Colin revient à la prairie.
Il trouve le garde ronflant ;
De vaches, point ; elles étaient volées.
Le malheureux Colin, s'arrachant les cheveux,
Parcourt en gémissant les monts et les vallées ;
Il ne voit rien. Le soir, sans vaches, tout honteux,
Colin retourne chez son père,
Et lui conte en tremblant l'affaire.
Celui-ci, saisissant un bâton de cormier,
Corrige son cher fils de ses folles idées,
Puis lui dit : chacun son métier,
Les vaches seront bien gardées".
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
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Réf. : Cass. civ. 3, 3 décembre 2014, n° 13-25.330, FS-P+B (N° Lexbase : A0652M7B)
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N5272BUS
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par Uguette Pétillion, Avocate au barreau de La Rochelle-Rochefort
Le 17 Mars 2015
En l'espèce, une société A., propriétaire d'un foyer-résidence a assigné un de ses résidents devant le juge des référés aux fins d'acquisition de la clause résolutoire et expulsion. Déboutée de ses demandes, la société demanderesse a interjeté appel contre l'ordonnance du juge des référés. L'intimé a formé une demande d'aide juridictionnelle. Parallèlement, les parties ont conclu et la clôture a été fixée au 11 décembre 2012. La veille de la clôture, l'appelante a de nouveau conclu et a déposé ses écritures par voie de RPVA. Par conclusions du 12 décembre 2012, l'intimé a sollicité la révocation de l'ordonnance de clôture intervenue le 11 décembre, et l'admission de ses dernières conclusions, en invoquant l'absence de l'avocat suivant son dossier, la signification par voie électronique et non par papier, des dernières conclusions de l'appelant et leur dépôt le 10 décembre au soir, pour une clôture au 11 décembre. Par arrêt du 29 janvier 2013 (CA Paris, 29 janvier 2013, n° 12/11935 N° Lexbase : A0865I4S), la cour d'appel a dit n'y avoir lieu à révocation de l'ordonnance de clôture et déclaré irrecevables les dernières conclusions de l'intimé, au motif qu'aucune cause grave ne s'était révélée postérieurement à la clôture, les arguments invoqués ne pouvant être regardés comme constitutifs d'une telle cause. L'intimé s'est pourvu en cassation en invoquant la violation des articles 25 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique, 784 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L7022H79), 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, 38-1 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, pris en application de la loi du 10 juillet 1991 sus-indiquée.
La Cour de cassation, au visa des articles précités, casse l'arrêt déféré en rappelant, dans un attendu de principe qu'"il résulte de ces textes que le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle a droit à l'assistance d'un avocat et que les délais impartis pour conclure courent à compter de la date à laquelle la décision d'admission ou de rejet de la demande est devenue définitive" (1). Elle retient alors qu'en statuant comme elle l'a fait "alors que l'aide juridictionnelle totale avait été accordée à M. X [l'intimé] le 10 décembre 2012, la cour d'appel, qui a constaté que celui-ci avait constitué avocat mais n'avait pas déposé au greffe des conclusions avant l'ordonnance de clôture du 11 décembre 2012, a violé les textes sus-visés".
Il faut rappeler que le point de départ des délais préfixes impartis aux articles 902 (N° Lexbase : L0377IT7), 908 à 910 du Code de procédure civile, en cas de demande d'aide juridictionnelle, a été prévu à l'article 38-1 alinéa 2 du décret du 19 décembre 1991, institué par l'article 4 du décret n° 2011-272 du 15 mars 2011, qui dispose que :
"[...] le délai imparti pour signifier la déclaration d'appel mentionné à l'article 902 du Code de procédure civile, et les délais impartis pour conclure, mentionnés aux articles 908 à 910 du même code, courent à compter :
a) de la notification de la décision constatant la caducité de la demande ;
b) de la date à laquelle la décision d'admission ou de rejet de la demande est devenue définitive ;
c) ou, en cas d'admission, de la date, si elle est plus tardive, à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné".
Il en résulte qu'en cas de demande d'aide juridictionnelle, les règles énoncées par ces dispositions se substituent à celles fixées par les articles 908 à 910 précités.
En pratique, les délais pour conclure s'imposent pour les premières conclusions, ce qui implique qu'en cas de demande d'aide juridictionnelle, les délais de trois mois imparti à l'appelant pour déposer ses conclusions et de deux mois imparti à l'intimé pour les siennes, ne courent qu'à la date où la décision intervenue sur ladite demande est devenue définitive, ou à la date de la désignation de l'huissier de justice, en cas d'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle. Aussi, l'intimé qui a déposé une demande d'aide juridictionnelle, n'est donc pas tenu de conclure deux mois après le dépôt des conclusions d'appelant, tant qu'une décision n'a pas été rendue sur sa demande. Le point de départ du délai qui lui est imparti est donc reporté de la date du dépôt des conclusions d'appelant, à celle où la décision sur la demande d'aide juridictionnelle est devenue définitive.
Toutefois, quid de l'hypothèse où les parties ont déposé leurs premières conclusions sans attendre la décision sur la demande d'aide juridictionnelle ? Faut-il considérer ce délai comme ayant couru ou le report devrait néanmoins être opéré ? Telle était la réelle difficulté dans l'espèce examinée par l'arrêt commenté. En effet, l'intimé avait déposé ses premières conclusions le 30 novembre 2012, soit dans le délai imparti à cet effet et ce, avant l'ordonnance de clôture.
Logiquement, dès lors qu'il avait conclu, le délai de deux mois pouvait être regardé comme purgé, de sorte que la décision sur sa demande d'aide juridictionnelle ne pouvait lui ouvrir de nouveau ledit délai, pour le dépôt de ses dernières conclusions. Il ne pouvait donc obtenir la révocation de l'ordonnance de clôture et la réouverture des débats qu'en démontrant l'existence d'une cause grave, révélée postérieurement à ladite ordonnance. C'est d'ailleurs à cette démonstration qu'il s'est attelé dans ses écritures.
En rejetant sa demande de révocation de l'ordonnance de clôture et en déclarant ses dernières conclusions irrecevables, la cour d'appel n'a fait qu'une stricte application de l'article 784 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L7022H79), puisqu'elle a souverainement apprécié les arguments présentés par l'intimé et considéré que ceux-ci n'étaient pas constitutifs d'une cause grave, susceptible de justifier la révocation.
Toutefois, la cour d'appel a commis une erreur (2), qui a justifié la sanction de son arrêt, dans la mesure où elle a indiqué que l'intimé a constitué avocat mais n'a pas déposé au greffe de conclusions avant l'ordonnance de clôture. En effet, cette rédaction laisse croire que l'intimé n'avait déposé aucune conclusion au greffe, de sorte que le report du délai s'imposait dès lors que la décision sur sa demande d'aide juridictionnelle n'était intervenue que la veille de la clôture.
La Cour de cassation a donc considéré que la cour d'appel a violé les dispositions des articles sus cités, lesquelles prévoient le droit à l'assistance d'un avocat et le report du point de départ du délai pour conclure en cas de demande d'aide juridictionnelle.
L'on peut, toutefois, se demander si la position de la Cour de cassation aurait été la même dans l'hypothèse où la cour d'appel aurait clairement rappelé, à l'instar de la constitution de l'avocat, les conclusions précédemment déposées au greffe par l'intimé ?
A notre sens, ce n'est que dans cette hypothèse qu'il pourrait être considéré la consécration d'un principe de réouverture du délai de conclure et du report de son point de départ à l'intervention de la décision sur la demande d'aide juridictionnelle, celui-ci étant considéré comme n'ayant jamais couru, en dépit des conclusions déposées au greffe.
En revanche, un tel principe ne serait pas conforme à la volonté de célérité souhaitée par la réforme de la procédure d'appel avec représentation obligatoire, dès lors qu'il pourrait, s'agissant l'intimé et compte tenu des délais de traitement des demandes d'aide juridictionnelle, faciliter le retour des velléités dilatoires.
L'interrogation ainsi suscitée se pose également pour le point relatif au procès équitable. En effet, il est désormais acquis en jurisprudence que le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle a droit à l'assistance de l'avocat et celle de tous officiers publics ou ministériels, une telle assistance devant constituer un droit concret et effectif (3). La reconnaissance par le législateur tant national qu'international du droit du plaideur à être assisté d'un avocat fonde donc l'obligation pour le juge de surseoir à statuer aussi longtemps qu'une décision sur sa demande d'aide juridictionnelle n'est pas intervenue. Aussi, lorsqu'une demande d'aide juridictionnelle est formée, la cour d'appel doit s'assurer que l'intéressé a bénéficié de l'assistance d'un avocat. Cela se justifie aisément lorsque celui-ci n'a pas constitué avocat devant la cour et a fortiori n'a pas conclu. Mais quid de l'hypothèse où il a constitué avocat et que celui-ci a déposé ses conclusions au greffe, avant la décision sur la demande d'aide juridictionnelle ? L'on pourrait penser que l'obligation de surseoir à statuer ou de révoquer de l'ordonnance de clôture ne s'impose pas, puisque l'intéressé a parfaitement bénéficié de l'assistance d'un avocat, qui a, au demeurant, conclu.
C'est d'ailleurs le raisonnement de la cour d'appel dans l'espèce commentée. Elle a considéré que l'intimé ayant lui-même conclu et l'appelant ne faisant que répondre à ces conclusions, il ne pouvait y avoir lieu à révocation de l'ordonnance de clôture. Toutefois, comme il a été précédemment relevé, la cour d'appel a commis une maladresse (4) en indiquant que l'intimé a constitué avocat mais n'a pas déposé au greffe de conclusions avant l'ordonnance de clôture du 11 décembre 2012, alors même que celui-ci avait bien conclu le 30 novembre 2012, soit avant ladite ordonnance. C'est donc cette maladresse qui entraîne la censure de la Cour de cassation, qui considère, à juste titre que, dès lors que les juges du fond avaient constaté que l'intimé avait constitué avocat mais n'avait pas déposé des conclusions au greffe avant la clôture, le procès équitable n'avait pas été garanti, puisque la clôture était intervenue le lendemain du dépôt des dernières conclusions de l'appelant et de la décision d'aide juridictionnelle, de sorte l'avocat de l'intimé n'avait pas pu y répondre.
En tout état de cause, l'arrêt commenté constitue, non une nouveauté, mais une réaffirmation de la jurisprudence de la Cour de cassation qui a toujours considéré, depuis un arrêt du 12 mars 1997, que les juges du fond doivent rechercher si dans les circonstances dans lesquelles l'aide juridictionnelle a été formée et instruite, la constitution tardive de l'avocat ne constitue pas une cause grave de nature à entraîner la révocation de l'ordonnance de clôture. Il s'agit également du rappel des principes posés par les textes, en l'occurrence le droit à l'assistance d'un avocat pour le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, lequel impose que le juge du fond ne peut statuer sur la demande au principal tant que le bureau d'aide juridictionnelle n'a pas rendu sa décision et a fortiori tant que la décision rendue n'est pas devenue définitive. Il doit donc sursoir à statuer. Ce rappel a le mérite de fixer clairement la jurisprudence sur l'incidence de la demande d'aide juridictionnelle sur de la computation des délais dans la pratique de la procédure d'appel avec représentation obligatoire. En effet, si une telle demande n'interrompt pas le délai d'appel, elle a néanmoins une incidence sur les délais pour signifier la déclaration d'appel et de conclure, impartis aux articles 902, 908 à 910 du Code de procédure civile, lesquels sont reportés à la date de l'intervention d'une décision d'aide juridictionnelle définitive.
La portée de cet arrêt, certes rendu par la formation de section de la troisième chambre et publié au bulletin civil ainsi qu'au bulletin d'information de la Cour de cassation, devrait néanmoins à notre sens, être relativisée. En effet, la difficulté suscitée par l'espèce soumise, notamment l'incidence de la demande d'aide juridictionnelle sur la computation des délais pour conclure, en présence de premières conclusions déposées dans le délai imparti à cet effet, n'y est pas clairement tranchée. La référence à l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme ne devrait pas permettre d'accorder à cet arrêt une plus grande portée. Cependant, l'on peut se demander, à la lecture dudit arrêt, si la Cour n'a pas souhaité consacrer l'intervention de la décision sur la demande d'aide juridictionnelle comme une cause grave justifiant la révocation de l'ordonnance de clôture, même d'office (7), par les juges de fond chargés de faire respecter le contradictoire.
(1) Cass. civ. 3, 3 décembre 2014, n° 13-25.330, FS-P+B (N° Lexbase : A0652M7B).
(2) Il s'agit probablement d'une erreur de plume, puisque les juges de fond indiquent rapidement que l'intimé a constitué avocat mais n'a pas déposé de conclusions au greffe avant l'ordonnance de clôture, et dans le même temps ils relèvent que l'appelant, dans ses conclusions déposées la veille de l'ordonnance de clôture, n'a fait que répondre aux conclusions de l'intimé. Ce qui signifie que l'intimé a bien conclu avant l'ordonnance de clôture.
(3) Cass. civ. 2, 18 janvier 2007, n° 06-10.294, FS-P+B+R (N° Lexbase : A6271DTG) ; Cass. civ. 1, 20 février 2008, n° 07-12. 650, FS-P+B (N° Lexbase : A0656D7G) ; Cass. civ. 2, 28 juin 2012, deux arrêts, n° 11-20.680 (N° Lexbase : A1266IQX) et n° 11-20.546 (N° Lexbase : A1451IQS), F-P+B ; Cass. civ. 2, 20 mars 2014, deux arrêts, n° 13-14.769 (N° Lexbase : A7487MHR) et n° 13-16. 675 (N° Lexbase : A7345MHI), F-D.
(4) La contradiction des motifs de la cour d'appel sur ce point a d'ailleurs été relevée dans le pourvoi en cassation.
(5) Cass. civ. 2, 12 mars 1997, n° 94-201.80 (N° Lexbase : A0086AC8). Voir aussi, Cass. civ. 2, 6 mai 2004, n° 02-16.165, F-P+B (N° Lexbase : A1610DCM) ; Cass. civ. 2, 8 juillet 2004, n° 02-15.374, FS-P+B (N° Lexbase : A0235DD3).
(6) Formation de 9 à 15 membres dont 5 ont voix délibérative, c'est à dire pouvant voter lors du délibéré.
(7) Il n'apparaît pas que l'intimé ait invoqué l'intervention de la décision d'aide juridictionnelle la veille de l'ordonnance de clôture pour appuyer sa demande de révocation de ladite ordonnance.
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Réf. : Loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 (N° Lexbase : L2843I7G)
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N5251BUZ
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Le 17 Mars 2015
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Réf. : Décret n° 2014-1632 du 26 décembre 2014 (N° Lexbase : L1524I7L), modifiant le décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d avocat (N° Lexbase : L8168AID)
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N5245BUS
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Le 17 Mars 2015
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Réf. : Cass. civ. 3, 3 décembre 2014, n° 13-25.330, FS-P+B (N° Lexbase : A0652M7B)
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N5272BUS
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par Uguette Pétillion, Avocate au barreau de La Rochelle-Rochefort
Le 17 Mars 2015
En l'espèce, une société A., propriétaire d'un foyer-résidence a assigné un de ses résidents devant le juge des référés aux fins d'acquisition de la clause résolutoire et expulsion. Déboutée de ses demandes, la société demanderesse a interjeté appel contre l'ordonnance du juge des référés. L'intimé a formé une demande d'aide juridictionnelle. Parallèlement, les parties ont conclu et la clôture a été fixée au 11 décembre 2012. La veille de la clôture, l'appelante a de nouveau conclu et a déposé ses écritures par voie de RPVA. Par conclusions du 12 décembre 2012, l'intimé a sollicité la révocation de l'ordonnance de clôture intervenue le 11 décembre, et l'admission de ses dernières conclusions, en invoquant l'absence de l'avocat suivant son dossier, la signification par voie électronique et non par papier, des dernières conclusions de l'appelant et leur dépôt le 10 décembre au soir, pour une clôture au 11 décembre. Par arrêt du 29 janvier 2013 (CA Paris, 29 janvier 2013, n° 12/11935 N° Lexbase : A0865I4S), la cour d'appel a dit n'y avoir lieu à révocation de l'ordonnance de clôture et déclaré irrecevables les dernières conclusions de l'intimé, au motif qu'aucune cause grave ne s'était révélée postérieurement à la clôture, les arguments invoqués ne pouvant être regardés comme constitutifs d'une telle cause. L'intimé s'est pourvu en cassation en invoquant la violation des articles 25 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique, 784 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L7022H79), 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, 38-1 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, pris en application de la loi du 10 juillet 1991 sus-indiquée.
La Cour de cassation, au visa des articles précités, casse l'arrêt déféré en rappelant, dans un attendu de principe qu'"il résulte de ces textes que le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle a droit à l'assistance d'un avocat et que les délais impartis pour conclure courent à compter de la date à laquelle la décision d'admission ou de rejet de la demande est devenue définitive" (1). Elle retient alors qu'en statuant comme elle l'a fait "alors que l'aide juridictionnelle totale avait été accordée à M. X [l'intimé] le 10 décembre 2012, la cour d'appel, qui a constaté que celui-ci avait constitué avocat mais n'avait pas déposé au greffe des conclusions avant l'ordonnance de clôture du 11 décembre 2012, a violé les textes sus-visés".
Il faut rappeler que le point de départ des délais préfixes impartis aux articles 902 (N° Lexbase : L0377IT7), 908 à 910 du Code de procédure civile, en cas de demande d'aide juridictionnelle, a été prévu à l'article 38-1 alinéa 2 du décret du 19 décembre 1991, institué par l'article 4 du décret n° 2011-272 du 15 mars 2011, qui dispose que :
"[...] le délai imparti pour signifier la déclaration d'appel mentionné à l'article 902 du Code de procédure civile, et les délais impartis pour conclure, mentionnés aux articles 908 à 910 du même code, courent à compter :
a) de la notification de la décision constatant la caducité de la demande ;
b) de la date à laquelle la décision d'admission ou de rejet de la demande est devenue définitive ;
c) ou, en cas d'admission, de la date, si elle est plus tardive, à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné".
Il en résulte qu'en cas de demande d'aide juridictionnelle, les règles énoncées par ces dispositions se substituent à celles fixées par les articles 908 à 910 précités.
En pratique, les délais pour conclure s'imposent pour les premières conclusions, ce qui implique qu'en cas de demande d'aide juridictionnelle, les délais de trois mois imparti à l'appelant pour déposer ses conclusions et de deux mois imparti à l'intimé pour les siennes, ne courent qu'à la date où la décision intervenue sur ladite demande est devenue définitive, ou à la date de la désignation de l'huissier de justice, en cas d'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle. Aussi, l'intimé qui a déposé une demande d'aide juridictionnelle, n'est donc pas tenu de conclure deux mois après le dépôt des conclusions d'appelant, tant qu'une décision n'a pas été rendue sur sa demande. Le point de départ du délai qui lui est imparti est donc reporté de la date du dépôt des conclusions d'appelant, à celle où la décision sur la demande d'aide juridictionnelle est devenue définitive.
Toutefois, quid de l'hypothèse où les parties ont déposé leurs premières conclusions sans attendre la décision sur la demande d'aide juridictionnelle ? Faut-il considérer ce délai comme ayant couru ou le report devrait néanmoins être opéré ? Telle était la réelle difficulté dans l'espèce examinée par l'arrêt commenté. En effet, l'intimé avait déposé ses premières conclusions le 30 novembre 2012, soit dans le délai imparti à cet effet et ce, avant l'ordonnance de clôture.
Logiquement, dès lors qu'il avait conclu, le délai de deux mois pouvait être regardé comme purgé, de sorte que la décision sur sa demande d'aide juridictionnelle ne pouvait lui ouvrir de nouveau ledit délai, pour le dépôt de ses dernières conclusions. Il ne pouvait donc obtenir la révocation de l'ordonnance de clôture et la réouverture des débats qu'en démontrant l'existence d'une cause grave, révélée postérieurement à ladite ordonnance. C'est d'ailleurs à cette démonstration qu'il s'est attelé dans ses écritures.
En rejetant sa demande de révocation de l'ordonnance de clôture et en déclarant ses dernières conclusions irrecevables, la cour d'appel n'a fait qu'une stricte application de l'article 784 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L7022H79), puisqu'elle a souverainement apprécié les arguments présentés par l'intimé et considéré que ceux-ci n'étaient pas constitutifs d'une cause grave, susceptible de justifier la révocation.
Toutefois, la cour d'appel a commis une erreur (2), qui a justifié la sanction de son arrêt, dans la mesure où elle a indiqué que l'intimé a constitué avocat mais n'a pas déposé au greffe de conclusions avant l'ordonnance de clôture. En effet, cette rédaction laisse croire que l'intimé n'avait déposé aucune conclusion au greffe, de sorte que le report du délai s'imposait dès lors que la décision sur sa demande d'aide juridictionnelle n'était intervenue que la veille de la clôture.
La Cour de cassation a donc considéré que la cour d'appel a violé les dispositions des articles sus cités, lesquelles prévoient le droit à l'assistance d'un avocat et le report du point de départ du délai pour conclure en cas de demande d'aide juridictionnelle.
L'on peut, toutefois, se demander si la position de la Cour de cassation aurait été la même dans l'hypothèse où la cour d'appel aurait clairement rappelé, à l'instar de la constitution de l'avocat, les conclusions précédemment déposées au greffe par l'intimé ?
A notre sens, ce n'est que dans cette hypothèse qu'il pourrait être considéré la consécration d'un principe de réouverture du délai de conclure et du report de son point de départ à l'intervention de la décision sur la demande d'aide juridictionnelle, celui-ci étant considéré comme n'ayant jamais couru, en dépit des conclusions déposées au greffe.
En revanche, un tel principe ne serait pas conforme à la volonté de célérité souhaitée par la réforme de la procédure d'appel avec représentation obligatoire, dès lors qu'il pourrait, s'agissant l'intimé et compte tenu des délais de traitement des demandes d'aide juridictionnelle, faciliter le retour des velléités dilatoires.
L'interrogation ainsi suscitée se pose également pour le point relatif au procès équitable. En effet, il est désormais acquis en jurisprudence que le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle a droit à l'assistance de l'avocat et celle de tous officiers publics ou ministériels, une telle assistance devant constituer un droit concret et effectif (3). La reconnaissance par le législateur tant national qu'international du droit du plaideur à être assisté d'un avocat fonde donc l'obligation pour le juge de surseoir à statuer aussi longtemps qu'une décision sur sa demande d'aide juridictionnelle n'est pas intervenue. Aussi, lorsqu'une demande d'aide juridictionnelle est formée, la cour d'appel doit s'assurer que l'intéressé a bénéficié de l'assistance d'un avocat. Cela se justifie aisément lorsque celui-ci n'a pas constitué avocat devant la cour et a fortiori n'a pas conclu. Mais quid de l'hypothèse où il a constitué avocat et que celui-ci a déposé ses conclusions au greffe, avant la décision sur la demande d'aide juridictionnelle ? L'on pourrait penser que l'obligation de surseoir à statuer ou de révoquer de l'ordonnance de clôture ne s'impose pas, puisque l'intéressé a parfaitement bénéficié de l'assistance d'un avocat, qui a, au demeurant, conclu.
C'est d'ailleurs le raisonnement de la cour d'appel dans l'espèce commentée. Elle a considéré que l'intimé ayant lui-même conclu et l'appelant ne faisant que répondre à ces conclusions, il ne pouvait y avoir lieu à révocation de l'ordonnance de clôture. Toutefois, comme il a été précédemment relevé, la cour d'appel a commis une maladresse (4) en indiquant que l'intimé a constitué avocat mais n'a pas déposé au greffe de conclusions avant l'ordonnance de clôture du 11 décembre 2012, alors même que celui-ci avait bien conclu le 30 novembre 2012, soit avant ladite ordonnance. C'est donc cette maladresse qui entraîne la censure de la Cour de cassation, qui considère, à juste titre que, dès lors que les juges du fond avaient constaté que l'intimé avait constitué avocat mais n'avait pas déposé des conclusions au greffe avant la clôture, le procès équitable n'avait pas été garanti, puisque la clôture était intervenue le lendemain du dépôt des dernières conclusions de l'appelant et de la décision d'aide juridictionnelle, de sorte l'avocat de l'intimé n'avait pas pu y répondre.
En tout état de cause, l'arrêt commenté constitue, non une nouveauté, mais une réaffirmation de la jurisprudence de la Cour de cassation qui a toujours considéré, depuis un arrêt du 12 mars 1997, que les juges du fond doivent rechercher si dans les circonstances dans lesquelles l'aide juridictionnelle a été formée et instruite, la constitution tardive de l'avocat ne constitue pas une cause grave de nature à entraîner la révocation de l'ordonnance de clôture. Il s'agit également du rappel des principes posés par les textes, en l'occurrence le droit à l'assistance d'un avocat pour le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, lequel impose que le juge du fond ne peut statuer sur la demande au principal tant que le bureau d'aide juridictionnelle n'a pas rendu sa décision et a fortiori tant que la décision rendue n'est pas devenue définitive. Il doit donc sursoir à statuer. Ce rappel a le mérite de fixer clairement la jurisprudence sur l'incidence de la demande d'aide juridictionnelle sur de la computation des délais dans la pratique de la procédure d'appel avec représentation obligatoire. En effet, si une telle demande n'interrompt pas le délai d'appel, elle a néanmoins une incidence sur les délais pour signifier la déclaration d'appel et de conclure, impartis aux articles 902, 908 à 910 du Code de procédure civile, lesquels sont reportés à la date de l'intervention d'une décision d'aide juridictionnelle définitive.
La portée de cet arrêt, certes rendu par la formation de section de la troisième chambre et publié au bulletin civil ainsi qu'au bulletin d'information de la Cour de cassation, devrait néanmoins à notre sens, être relativisée. En effet, la difficulté suscitée par l'espèce soumise, notamment l'incidence de la demande d'aide juridictionnelle sur la computation des délais pour conclure, en présence de premières conclusions déposées dans le délai imparti à cet effet, n'y est pas clairement tranchée. La référence à l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme ne devrait pas permettre d'accorder à cet arrêt une plus grande portée. Cependant, l'on peut se demander, à la lecture dudit arrêt, si la Cour n'a pas souhaité consacrer l'intervention de la décision sur la demande d'aide juridictionnelle comme une cause grave justifiant la révocation de l'ordonnance de clôture, même d'office (7), par les juges de fond chargés de faire respecter le contradictoire.
(1) Cass. civ. 3, 3 décembre 2014, n° 13-25.330, FS-P+B (N° Lexbase : A0652M7B).
(2) Il s'agit probablement d'une erreur de plume, puisque les juges de fond indiquent rapidement que l'intimé a constitué avocat mais n'a pas déposé de conclusions au greffe avant l'ordonnance de clôture, et dans le même temps ils relèvent que l'appelant, dans ses conclusions déposées la veille de l'ordonnance de clôture, n'a fait que répondre aux conclusions de l'intimé. Ce qui signifie que l'intimé a bien conclu avant l'ordonnance de clôture.
(3) Cass. civ. 2, 18 janvier 2007, n° 06-10.294, FS-P+B+R (N° Lexbase : A6271DTG) ; Cass. civ. 1, 20 février 2008, n° 07-12. 650, FS-P+B (N° Lexbase : A0656D7G) ; Cass. civ. 2, 28 juin 2012, deux arrêts, n° 11-20.680 (N° Lexbase : A1266IQX) et n° 11-20.546 (N° Lexbase : A1451IQS), F-P+B ; Cass. civ. 2, 20 mars 2014, deux arrêts, n° 13-14.769 (N° Lexbase : A7487MHR) et n° 13-16. 675 (N° Lexbase : A7345MHI), F-D.
(4) La contradiction des motifs de la cour d'appel sur ce point a d'ailleurs été relevée dans le pourvoi en cassation.
(5) Cass. civ. 2, 12 mars 1997, n° 94-201.80 (N° Lexbase : A0086AC8). Voir aussi, Cass. civ. 2, 6 mai 2004, n° 02-16.165, F-P+B (N° Lexbase : A1610DCM) ; Cass. civ. 2, 8 juillet 2004, n° 02-15.374, FS-P+B (N° Lexbase : A0235DD3).
(6) Formation de 9 à 15 membres dont 5 ont voix délibérative, c'est à dire pouvant voter lors du délibéré.
(7) Il n'apparaît pas que l'intimé ait invoqué l'intervention de la décision d'aide juridictionnelle la veille de l'ordonnance de clôture pour appuyer sa demande de révocation de ladite ordonnance.
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par Hervé Causse, Professeur d'Université, Directeur du Master Droit des Affaires et de la Banque à l'Université d'Auvergne, Directeur scientifique de l'Encyclopédie "Droit bancaire"
Le 17 Mars 2015
1. Droit fondamentaux du banquier... Les banques ne sont pas un service public, elles n'ont aucun des privilèges de cet auguste statut et l'amas des obligations qui leur échoit finit par les agacer -la sécurité du système financier n'y trouvant pas même son compte-. La Banque de France avait désigné un établissement pour ouvrir un compte à une SCI. Le banquier a attaqué cette décision devant le juge administratif en estimant qu'une société civile n'avait pas à bénéficier de l'article L. 312-1 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L5247IXM) organisant le droit au compte. Si, cependant, tel était le sens de cet article alors le banquier jugeait qu'il était inconstitutionnel pour atteinte à la liberté contractuelle et au droit de propriété, ce qu'il a formulé en forme de question prioritaire de constitutionnalité. Le juge administratif juge que la question n'est pas sérieuse (CE 10 septembre 2014, 6° et 1° s-s-r., n° 381183, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A4379MW4 ; cf. l’Ouvrage "Droit bancaire" N° Lexbase : E4261EYH). Le banquier devra offrir un compte à la SCI (sur ce droit : G. Decocq, Y. Gérard, J. Morel-Maroger, Droit bancaire, 2014, p. 254, n° 359 et s.). Nous avons tous notre croix à porter... Mais la question est à suivre.
2. Le "rachat de dettes" de la BCE devant la CJUE ! La BCE qui doit désormais faire régner l'ordre bancaire en Europe est-elle la première à faire des opérations qui ne sont pas conformes au droit de l'Union européenne ? C'est ce que soutiennent des plaideurs allemands devant la Cour constitutionnelle allemande qui a transmis une question préjudicielle à la CJUE (E. Dor, La Cour constitutionnelle de Karlsruhe suspecte les OMT d'être illégales, Revue Banque, 2014, p. 46 ; M. Charrel, La BCE sur le gril de la justice européenne, Le Monde, 13 octobre 2014). La question a finalement peu été étudiée (C. Hofmann, A legal analysis of the euro zone crisis, Fordham Journal of Corporate & Financial Law, vol. XVIII, 2013, p. 519, et spéc. p. 541). Divers acteurs s'improvisent juristes pour expliquer que tout programme de rachat (décision de la BCE) est légal car les obligations d'Etat achetées sur le marché secondaire ne constitueraient pas un financement prohibé (sur les pouvoirs de la BCE, nos obs., Droit bancaire et financier, éd. Direct Droit, 2014, n° 355 et s.). L'argument vise à écarter l'article 123 du Traité de fonctionnement sur l'Union européenne (N° Lexbase : L2426IPK) qui interdit à la BCE les acquisitions directes de tels titres. Or, une ambiance générale porte l'idée que cette action monétaire relancera la croissance et l'emploi, surtout depuis que cette seule annonce de programme de rachat a sapé certaines spéculations. Il n'en faut pas plus pour que l'argument avancé semble de nature à sauver divers pays européens, l'Europe et peut-être même le monde ! Le juriste, qui n'ignore rien de cela, peut néanmoins trouver l'argument spécieux sur le plan économique et surtout juridique. Comment, au plan économique, soutenir qu'il n'y a pas financement quand on veut justement donner du crédit à certains Etats qui sont en difficultés financières ? Au plan juridique, si le Traité autorise la BCE à acquérir indirectement des titres d'Etat (obligations d'Etat) c'est parce qu'elle est susceptible d'en devenir propriétaire après diverses sortes d'opérations dont les prises de pensions qui la garantissent lors des refinancements de banques (injections de liquidité). En vérité il y a pire, et cela met la BCE en mauvaise posture. Ce que l'article 123 interdit c'est en vérité le financement (notion cadre visant tout contrat !) des personnes publiques par la BCE, et non pas seulement l'achat direct d'obligations d'Etat sur le marché primaire. En outre, si les achats sur le marché secondaire étaient autorisés cela aurait été dit, écrit dans le TFUE et su depuis fort longtemps... Les autorités monétaires ne produisent pas les travaux préparatoires des traités en ce sens car la politique monétaire européenne repose non sur cette règle, mais sur ce principe, d'ailleurs préalablement imposé aux banques centrales nationales avant l'instauration de l'euro. La situation crée deux paradoxes : ce sont les détracteurs de la dangereuse ingénierie financière bancaire qui demandent à la BCE d'inventer une martingale financière... et ce sont les mêmes qui, décriant la BCE qui a dépossédé les Etats de leur pouvoir monétaire, veulent lui donner encore plus de pouvoir. Il est plus simple d'être européen en voulant que la parole donnée dans les traités (TUE et TFUE) soit respectée, même si l'on pense que la politique monétaire mérite d'évoluer, ce qui suppose un accord entre Etats (et ce qui amènerait de nouveaux "instruments de politique monétaire" parfaitement légaux). Dans cette affaire, la mauvaise gestion publique de certains Etats met sous contrainte la BCE et désormais la CJUE qui a manifestement le pouvoir d'occulter l'article 123 du TFUE. C'est dans ce cas que l'Union européenne sera au bord de l'explosion politique. Mais la Cour, dans sa rare formation plénière (CJUE, 27 novembre 2012, aff. C-370/12 N° Lexbase : A5491IXN), a déjà fixé sa ligne : le traité instituant le MES (Mécanisme européen de stabilité) qui permet de racheter des titres d'Etat n'a pas pour objet d'étendre les compétences de l'Union européenne en matière de politique monétaire, compétence exclusive de l'Union... le rachat de titres souverains ne relève donc pas de la politique monétaire, ni donc de la BCE.
3. Les intermédiaires, arme de distribution bancaire massive. Discrète notion, la distribution bancaire n'est pas une, mais elle est à la fois une évidence et une réalité qui s'épaissit (L. Denis, Droit de la distribution bancaire, Paris, 2013). Le contentieux avec les intermédiaires est illustré par un arrêt qui évoque un agent d'affaires et l'indemnité de fin de contrat de l'article L. 134-12 du Code de commerce (N° Lexbase : L5660AIH) (Cass. com. 4 novembre 2014 n° 13-18.024, F-P+B N° Lexbase : A9278MZN). La cassation est en premier lieu prononcée, sur pourvoi principal du distributeur, parce que l'arrêt attaqué avait retenu que "l'indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi peut être évaluée par référence aux opérations au titre desquelles le principe d'une commission était acquis". Elle est ensuite prononcée, sur pourvoi incident de l'intermédiaire, pour avoir jugé "qu'en l'absence de donnée fiable sur le volume et le prix des CERS cédés, les éléments versés aux débats par la société ITC ne permettent pas de calculer la réalité de son préjudice" alors qu'il était relevé que "la société ITC avait apporté à la société Dubus des clients et que cette dernière n'avait pas exécuté loyalement ses engagements en entravant l'action de son agent, et constaté l'existence d'opérations au titre desquelles le principe d'une commission était acquis" ; la réalité du préjudice étant établie, la cour d'appel, en refusant d'en évaluer le montant, a violé les articles 1147 (N° Lexbase : L1248ABT) et 4 (N° Lexbase : L2229AB8) du Code civil. La société Dubus était une entreprise d'investissement lilloise connue et audacieuse (cf. AMF, décision du 8 septembre 2011, sanctionN° Lexbase : L3546IRR) ; on remarque aussi que le statut d'agent d'affaires n'a pas été discuté devant les juges, alors que pour nombre d'opérations financières c'est le statut d'intermédiaire financier qui s'impose (C. mon. fin., art. L. 519-1 N° Lexbase : L2577IXQ ; Cass. com., 18 février 2004, n° 02-14.768, FS-P N° Lexbase : A3221DBW, Bull. civ., IV, n° 32.).
4. Direction des établissements de crédit. Une grande banque coopérative a annoncé avoir fait un recours devant le Conseil d'Etat à l'encontre de la position 2014-P-02 du 29 janvier 2014 de l'ACPR (ACPR, position n° 2014-P-02, 29 janvier 2014, relative à la dissociation des fonctions de président du conseil d'administration et de directeur général N° Lexbase : L0704I3H) -ainsi considérée comme normative ?- (cf. Chocron, Les Echos, 3 octobre 2014, Nouvelle gouvernance des mutualistes : le Crédit Agricole en appelle au Conseil d'Etat). Cet acte indique la position du régulateur après la Directive UE 2013/36 du 26 juin 2013 (N° Lexbase : L9454IXG), laquelle impose de nouvelles règles de gouvernance aux établissements de crédit. Outre le "droit des sociétés", l'article 88 de la Directive impose à toute entreprise ayant un agrément (de banque, d'entreprise d'investissement ou de société de financement), un organe de direction qui dirige et qui surveille. Mais il précise que "le président de l'organe de direction dans sa fonction de surveillance d'un établissement ne peut pas exercer simultanément la fonction de directeur général dans le même établissement, sauf lorsqu'une telle situation est justifiée par l'établissement et approuvée par les autorités compétentes". La position 2014-P-02 considère donc que le président du conseil d'administration ne peut pas être un dirigeant effectif, sauf les dérogations que l'ACPR peut accorder, ce qui est l'objet de cette position (dérogations qui tiendront compte de la taille du bilan, de la variété des activités, de la présence "à l'international" et de la structure de l'actionnariat ; mais aucun critère n'est chiffré). "L'organe de direction dans sa fonction de surveillance" (Directive 2013/36, art. 3, point 8) ne peut pas comporter les dirigeants effectifs, ce qui conduirait à un auto-contrôle du directeur général et du directeur général adjoint qui assureront la direction effective de l'établissement. Cela veut dire que le président du conseil d'administration n'est plus dirigeant au sens strict du droit bancaire, ce qui pose problème dans les banques coopératives et mutuelles où le président incarne le sociétariat (un épargnant, un commerçant, un agriculteur...) qui trouve intérêt à être l'un des dirigeants du fait de sa connaissance des sociétaires.
5. Monnaies, comptes en devises et commissions d'opérations de change. Des opérations de changes euros/dollars avaient été assez nombreuses pour que le banquier ne prenne garde à ce que "les opérations de prorogation ou d'anticipations de terme", qui constituent de nouvelles opérations à terme, fassent l'objet d'une information sur la rémunération prélevée (sur le change : J.-P. Mattout, Droit bancaire international, éd. Banque, 2004, p. 386). Or la réception sans protestation des relevés d'opérations adressés par l'établissement teneur de compte fait seulement présumer l'accord du client sur les éléments qui y figurent et qu'il est en mesure d'apprécier (H. Causse, Droit bancaire et financier, préc., p. 456, n° 956, sur la contestation d'un relevé et, sur le change, p. 553, n° 1210). Le juge du fond a donc pu condamner la banque à verser des dommages-intérêts à sa cliente qui contestait la rémunération (CA Paris, Pôle 5, 6ème ch., 4 juillet 2013, n° 12/17155 N° Lexbase : A9645MTE) ; mais la condamnation prononcée privait la banque de toute rémunération alors que la convention en stipulait une, ce pour quoi l'arrêt d'appel est cassé au visa de l'article 1147 du Code civil (Cass. com., 16 décembre 2014, n° 13-25.341, F-D N° Lexbase : A2940M8E). Le pourvoi incident de la cliente est par ailleurs rejeté sur l'interprétation de la convention laissée à l'appréciation souveraine du juge du fond étant donné l'ambiguïté de ses termes... Voilà qui signale donc aux juristes de banque des conventions à peaufiner !
II - Comptes, paiements et instruments de paiement
6. Compte à terme avec un taux vraiment très généreux. La décision frise l'anecdote avec un compte à terme stipulant un taux d'intérêt de 4,20 %, mensuels et non annuels. Pour Axa Banque qui avait ouvert ce compte, le dépôt fut malheureusement de 2,5 millions d'euros : plus de 500 000 euros d'intérêts ont dû être versés. Le juge ne peut que constater que cette stipulation, qui résulte d'une mention spéciale signée des deux parties, claire et n'ayant donc pas à être interprétée, doit être appliquée (Cass. com., 2 décembre 2014, n° 13-22.332, F-D N° Lexbase : A0665M7R).
7. Mais où est donc le compte ? La question, rare, se pose autant en droit interne qu'en droit international, autant pour des questions de lieu d'exécution (ou d'inexécution) de la convention que de compétence territoriale. Nolens volens, il faut alors désigner un lieu qui est imaginé, conçu, comme étant le lieu où est tenu le compte. C'est ce que juge la chambre commerciale : "le lieu où le dommage est survenu, au sens de l'article 5 § 3 de la Convention de Bruxelles, est celui où l'appropriation indue par le dépositaire des fonds s'est produite, que ce soit par retraits, par prélèvements ou par virements, c'est-à-dire à Londres, lieu où étaient matériellement tenus les comptes de la société IMC ; qu'ayant ainsi fait ressortir que le dommage allégué, susceptible de découler immédiatement et directement de l'éventuelle faute de la banque, était situé au lieu où les fonds avaient été perdus et non placés" (Cass. civ. 1, 19 novembre 2014, n° 13-16.689, F-P+B N° Lexbase : A9223M3Y). On notera, pour cette fois, que compte de dépôt et comptes de titres posent a priori la même question et qu'elle est de nature à donner la même réponse quant à son lieu de tenue. L'observation n'épuise pas la matière faite de comptes qui sont un univers dont l'expansion se fait à la vitesse de la prolifération des actifs financiers. Pour l'espèce, la juridiction de Papeete n'était donc pas compétente, ce qui changeait les choses d'un hémisphère et d'un empire... Et l'invocation de la violation de l'obligation de vigilance de la banque est restée vaine dans ce contexte technique (rappr. Cass. com., 2 décembre 2014, n° 13-11.615, F-D N° Lexbase : A0533M7U cf. infra n° 13).
8. La clause d'unité de compte ne joue pas pour un compte de titres. La solution semblait s'imposer et elle est formulée de façon péremptoire comme inspirée par l'évidence. Un mandataire liquidateur avait voulu absorber les actifs du compte de titres à partir du compte bancaire ordinaire, d'espèce, monétaire en invoquant l'unité de compte (des compte) (sur ce mécanisme : Th. Bonneau, Droit bancaire, LGDJ, 2013, p. 356, n° 503). L'opération lui est refusée au motif que les articles de comptes en cause sont de nature différentes et ne sont pas fongibles (Cass. com., 16 décembre 2014, n° 13-17.046, F-P+B N° Lexbase : A2986M84). De fait, et de droit, la monnaie n'est pas un titre et les titres ne sont pas de la monnaie. L'erreur venait de loin, les conditions générales du compte de titres stipulaient, en effet, une clause d'unité de compte qui semblait en harmonie avec celle du compte courant (bancaire et de monnaie) ; cette clause est à réécrire. Il faudra à l'occasion revoir la discussion quand le compte de titres comprend obligatoirement un compte d'espèces (dit "compte espèces associé") comme dans les deux formules légales du PEA ; il est source de fongibilité alors qu'il dépend du compte de titres : juger de cela sera une autre paire de manche.
9. Résiliation de compte courant. Une banque peut résilier unilatéralement une convention à durée indéterminée de compte courant, sauf à engager sa responsabilité en cas de rupture abusive ou brutale affirme la Cour de cassation (Cass. com., 2 décembre 2014, n° 13-24.334, F-D N° Lexbase : A0626M7C ; sur le sujet, v. J. Stoufflet, Droit bancaire, 2010, p. 287, n° 467) ; le juge du fond doit apprécier la situation, et le respect du délai de préavis de soixante jours imposé par la convention permet de retenir que cette dénonciation n'est pas intervenue de manière brutale ou abusive (durée légale si le compte est le support d'un crédit : C. mon. fin., art. L. 313-12 N° Lexbase : L2507IX7). En outre, la cliente n'invoquait, ni ne démontrait que ladite dénonciation aurait procédé d'un motif illégitime ou d'une volonté de nuire, relève la juridiction, aspects de pur droit commun qui auraient pu constituer une faute génératrice d'un préjudice réparable.
10. Le chèque de banque est signé par le banquier ! Dans un curieux arrêt d'appel (CA Paris, Pôle 5, 6ème ch., 16 mai 2013, n° 11/16978 N° Lexbase : A4304KDR) relatif à la condamnation d'une personne pour avoir géré de fait une société, la censure intervient pour une raison de procédure et au visa de l'article L. 131-7, alinéa 3, du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L9363HD7) relatif au chèque de banque (sur ce chèque : v. R. Bonhomme, Instrument de crédit et de paiement, 2013, p. 241, n° 294 et p. 244, n° 296). Le juge d'appel a pu motiver sa décision en indiquant qu'un chèque de banque avait été signé d'une des personnes physiques protagoniste de l'affaire, ce qui résultait de l'examen de la signature sur un document et sur ledit chèque. Cela n'avait aucun sens puisqu'un chèque de banque est nécessairement signé par le fondé de pouvoir de la banque, ce qui justifiait la cassation (Cass. com., 4 novembre 2014, n° 13-23.182, F-D N° Lexbase : A9213M3M) ! Un chèque de banque n'est qu'un chèque tiré sur la banque elle-même qui est donc à la fois le tireur et le tiré.
11. Chèque barré et négociabilité. Dans un contentieux assez compliqué, la Cour de cassation a eu à connaître la question de la nature du barrement du chèque (Cass. com., 4 novembre 2014, n° 12-27.072, F-P+B N° Lexbase : A9263MZ4). Le demandeur au pourvoi considérait le barrement comme une limite à la négociabilité (v. H. Causse, Les titres négociables, Litec, 1993, préf. B. Teyssié), car le titre avait été transmis à une entreprise qui n'était pas une banque, celle-ci l'avait à son tour endossé à une banque qui l'avait présenté au paiement, en vain. Le demandeur tentait de tirer parti du premier endossement, peut-être critiquable, pour faire valoir une règle de compétence. La Cour de cassation juge sobrement et fermement que le barrement est sans rapport avec la négociabilité. Le barrement général, clause en forme de signe, d'usage dans les formules de chèque distribuées par les banques aux clients, signifie que seul un établissement financier peut présenter le chèque au paiement pour l'encaisser. Ajoutons que le barrement peut être spécial si le tireur indique le nom d'un établissement entre les deux barres. Dans ce cas, seul cet établissement aura ce pouvoir. Le chèque pourra bien être endossé entre divers établissements, ce qui montre le jeu de la négociabilité, mais un seul pourra l'encaisser car le barrement spécial lui réserve cette qualité.
12. Un chèque ça se remplit ! Un porteur présente un chèque qui est refusé au paiement pour opposition. Le porteur assigne alors le tireur en annulation de l'opposition et en paiement du chèque. Il échoue devant la cour d'appel et la Cour de cassation rejette son pourvoi car le chèque ne vaut pas chèque en raison du défaut de mention de sa date de création (Cass. com., 16 décembre 2014, n° 13-20.895, F-P+B N° Lexbase : A2874M8X). Le titre ne valait alors plus que commencement de preuve par écrit constate la cour, et, ajouterons-nous, le demandeur aurait dû considérer cette règle et ce fait (réduction du titre) en produisant un complément de preuve (sur la possibilité du titre de valoir promesse civile : S. Piedelièvre et E. Putman, Droit bancaire, Economica, 2011, p. 316, n° 301 et les arrêts cités). Qu'il ne l'ait pas fait ou pu le faire en disait long. Sous le point du titre, qui anime et le droit positif et l'espèce, une idée simple : les imperfections du chèque traduisent des anomalies qui méritent de laisser remonter le litige à la relation fondamentale en cause, le contrat et/ou la créance.
13. Le vain devoir de vigilance du banquier multitâche. Le devoir de vigilance du banquier est invoqué comme s'il avait été consacré par quelque arrêt de principe et de nombreuses fois appliqué ; on doit redire que tel n'est pas le cas (nos obs., L'évanescente obligation de vigilance, Lexbase Hebdo n° 385 du 12 juin 2014 - édition affaires N° Lexbase : N2591BUI) ; pour une autre tonalité : N. Mathey, La portée du devoir de vigilance, RDBF, n° 5, septembre 2013, dossier 48). La seule invocation de cette "obligation" ne suffit généralement pas à obtenir une condamnation du banquier et l'espèce le montre (Cass. com., 2 décembre 2014, n° 13-11.615, F-D N° Lexbase : A0533M7U). On le redit ici dans un cas intéressant où le banquier était, si on peut dire, multitâche : il avait exécuté les ordres de virements critiqués, il avait prêté, il tenait les comptes des deux sociétés unies par une convention de trésorerie, dont l'une avait racheté l'autre alors que la filiale de capital investissement de la banque avait souscrit au capital social de l'une des sociétés. Malgré ce contexte, le juge constate que le banquier a exécuté des ordres de virement qui ne présentaient pas d'anomalie, seul fait qui déclenche une obligation (spéciale) de vérification. A l'ignorer, le pourvoi est aussi vain que l'invocation produite (voyez également en ce sens, n° 7 supra).
Pour la seconde partie de ce panorama, cf. (N° Lexbase : N5321BUM).
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Réf. : Cass. crim., 22 octobre 2014, n° 13-84.419, F-P+B (N° Lexbase : A0409MZ8)
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N5344BUH
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par Christian Lopez, Maître de conférences à l'Université de Cergy-Pontoise
Le 17 Mars 2015
C'est dans ce contexte que l'administration fiscale a déposé plainte en vue d'engager des poursuites pénales correctionnelles sur le fondement de l'article 1741 du CGI (N° Lexbase : L9491IY8). La décision attaquée devant la Chambre criminelle a déclaré le principal dirigeant coupable de soustraction frauduleuse à l'établissement ou au paiement de l'impôt, par dissimulation de sommes, et l'a condamné à une peine de trente mois d'emprisonnement avec sursis et 30 000 euros d'amende et, solidairement avec la société absorbante, au paiement des impôts fraudés et des pénalités. Les deux principaux moyens invoqués dans le cadre du pourvoi en cassation portent, d'une part, sur le terrain du délai de la prescription de l'action publique et, d'autre part, sur la nécessité de mettre en oeuvre une question préjudicielle devant la Cour de justice de l'Union européenne. Cette question concerne la violation du dispositif d'exemption de la taxation des plus-values latentes, en cas d'apports d'actifs des SCI françaises par fusion-absorption au profit d'une société de droit luxembourgeois.
I - La prescription de l'action publique au regard de la présomption d'authenticité de l'avis émis par la CIF
Le demandeur au pourvoi sollicite que soit produite la décision par laquelle l'administration fiscale a saisi la CIF afin de permettre à la cour d'appel d'apprécier la validité de la saisine et éventuellement la prescription de l'action publique. En effet, dans le cadre d'un délit de fraude fiscale général, préalablement au dépôt d'une plainte pour fraude fiscale, la CIF doit émettre un avis favorable, ces actes étant nécessaires à la mise en mouvement de l'action publique.
En premier lieu, il convient de rappeler que, selon les dispositions de l'article 8 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L9542I3S), les délits de droit commun se prescrivent par trois ans. L'article L. 230 du LPF (N° Lexbase : L9536IYT) édicte une prescription spéciale, en disposant dans son 1er alinéa que les plaintes peuvent être déposées jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au cours de laquelle l'infraction a été commise (3).
Par ailleurs, le dernier alinéa de cet article prévoit une suspension de la prescription pour saisine de la commission des infractions fiscales. Le point de départ de la prescription est en principe le jour de la commission de l'infraction. Dans le cadre des délits prévus par les articles 1741 et 1743 (N° Lexbase : L3888IZZ) du CGI, le délai triennal ne court qu'à partir du 31 décembre suivant la date à laquelle les déclarations fiscales ont été, ou auraient dû être déposées (4). Ainsi, en matière fiscale, le point de départ de la prescription se situe à la date où le contribuable est tenu de déclarer les sommes sujettes à l'impôt.
La prescription de l'action publique est suspendue pendant une durée maximum de six mois entre la date de saisine de la commission et la date à laquelle elle rend son avis (5). Ainsi, le législateur a voulu neutraliser la période pendant laquelle la commission procède à l'examen de l'affaire. S'agissant d'une suspension de la prescription (et non point d'une interruption), le délai de prescription recommence à s'écouler dès que cet organisme a rendu son avis, pour un temps égal à celui qui restait à courir à la date de sa saisine.
Dans le cadre de l'affaire qui nous occupe (les déclarations ayant été déposées en février 2005), la prescription était donc acquise au 31 décembre 2008. Ainsi, la date de la lettre que l'administration adresse à la CIF, marquant le point de départ de la suspension du délai de prescription, se révèle capitale. En l'espèce, l'avis favorable, daté du 30 avril 2009, indiquait que la commission avait été saisie le 23 décembre 2008, le contribuable ayant été informé de cette saisine le 2 janvier 2009. Il s'avère que l'article L. 228 du LPF (N° Lexbase : L9492IY9), subordonnant la recevabilité des poursuites à la saisine de la commission des infractions fiscales, n'impose pas la production de la lettre de saisine de cet organisme. La cour d'appel considère que la régularité de la procédure est suffisamment établie par les mentions figurant dans l'avis lui même qui rappelait que le dirigeant de la société avait parfaitement été informé de la saisine de la CIF. Il était ainsi établi que le prévenu avait bien reçu communication des griefs et qu'il avait la possibilité de formuler les informations qu'il estimait nécessaire. Il est également rappelé qu'une présomption d'authenticité s'attache à l'avis de la commission des infractions fiscales dont les mentions établissent la régularité de la procédure suivie devant elle, sauf preuve contraire. Cette preuve n'ayant pas été rapportée, la demande de production de la décision de saisine de la CIF a été rejetée.
La commission des infractions fiscales ayant été saisie le 23 décembre 2008, soit 8 jours avant la fin de la troisième année au cours de laquelle les faits ont été commis, la date de prescription de l'action publique était suspendue pendant 6 mois. La plainte du directeur des services fiscaux ayant été déposée dans ce délai de 6 mois, la cour d'appel a considéré que les faits n'apparaissaient pas prescrits. Or, selon le pourvoi, la preuve que l'action publique n'est pas éteinte par la prescription ne peut être rapportée qu'au moyen de la production de l'acte interruptif ou suspensif de prescription. La cour d'appel a considéré que la régularité de la procédure était suffisamment établie par les mentions de l'avis rendu par la commission des infractions fiscales, au motif que l'article L. 228 du LPF n'impose pas la production devant le juge pénal de la lettre de saisine de cette autorité. Pour rejeter la demande de production de la décision de saisine de la commission des infractions fiscales et considérer que l'action publique n'était pas prescrite, la Chambre criminelle souligne que la cour d'appel énonce, d'une part, que cette production n'est pas imposée par les textes, et d'autre part, qu'"une présomption d'authenticité" s'attache à l'avis rendu.
Il convient de s'interroger sur ce positionnement, la question essentielle étant de savoir comment est administrée la preuve de la saisine de la CIF. Est-il nécessaire de produire la lettre que l'administration fiscale adresse à la CIF ?
Sur renvoi du Conseil d'Etat (6), le Tribunal des conflits (7) a jugé que la compétence, pour tout ce qui concerne la phase préalable à la procédure pénale elle-même, était judiciaire (sous réserve des questions préjudicielles). Ceci vaut aussi bien pour la décision du service de saisir la commission des infractions fiscales, mais également pour la procédure devant la commission (8) et pour l'avis de la commission.
Par trois arrêts rendus en 1991, la Chambre criminelle a fixé les principes de base applicables par les juridictions répressives, et notamment celui de la non-production de la lettre de saisine de l'administration fiscale. Selon le pourvoi engagé la lettre de saisine de la CIF indispensable à la mise en mouvement de l'action publique doit être datée et signée par l'autorité compétente. En l'absence au dossier de l'acte de saisine de la commission et en l'absence de toute mention, sur l'avis de la commission, relative à la date et à l'auteur de l'acte qui l'a saisie, la régularité de la procédure ne pouvait donc pas être établie. Or, selon la Haute juridiction, l'avis rendu par la commission contenait les indications permettant de connaître l'autorité qui l'a saisie, la date de cette saisine, et l'identité de la personne mise en cause par l'administration. Seul l'avis de la commission des infractions fiscales, favorable aux poursuites, et la plainte du ministre doivent être produits à la procédure. Le point tranché par cet arrêt n'est pas nouveau (il y a eu plusieurs décisions sur la question). Mais dans un domaine où l'imputation du délai s'avère délicate, et pour mettre fin à un contentieux récurrent, ne faudrait-il pas trancher définitivement ce débat, surtout lorsque le délai est suspendu 8 jours avant l'expiration d'un délai légal de 3 ans ? Il convient d'ailleurs de noter que les juges du fond, appréciant souverainement les mesures nécessaires à leur conviction, ont toujours la possibilité de prescrire le versement par l'administration fiscale de la lettre de saisine de la commission (9). D'ailleurs dans le cadre de cette décision du 22 juin 1992, l'administration avait eu l'occasion de préciser dans ses commentaires qu'"en application de cet arrêt, le service est donc invité à déférer aux demandes de production du document de l'espèce lorsque la requête émane d'un magistrat, c'est-à-dire soit le tribunal au moment de l'instance du jugement, soit le juge d'instruction en cours d'instruction et, éventuellement, le procureur de la République ou l'un de ses substituts, dans le cadre de l'instruction d'une citation directe". On aurait pu, à partir de cette décision, considérer que les tribunaux correctionnels étaient dans l'obligation de vérifier la régularité de la procédure administrative suspendant la prescription et donc de procéder à la vérification d'une pièce fondamentale marquant le point de départ de saisine de la commission des infractions fiscales. Il n'en n'est rien puisque de manière constante, et comme le reprend la décision commentée, il appartient au demandeur de démontrer l'inexactitude d'un document administratif auquel se trouve attachée une présomption d'authenticité. L'arrêt commenté de la Chambre criminelle réaffirme qu'aucun texte ne prescrit la production de la lettre de l'administration fiscale saisissant la CIF. Dans le domaine, redisons-le, aussi délicat de l'imputation des délais en matière fiscale pour lequel le législateur a, de surcroît, considérablement allongé la prescription, ne nécessite-t-elle pas une modification législative surtout lorsque celle-ci garantit les droits de la défense ? L'action de l'administration fiscale de lutte contre la fraude fiscale s'en trouverait renforcée, notamment lorsqu'il s'agit d'invoquer, par le biais de la question préjudicielle, le droit de l'Union européenne en vue de valider certains montages.
II - La question préjudicielle sur l'exception d'incompatibilité du dispositif des fusions au regard de la Directive
Sur ce second point, la position de la Chambre criminelle apparaît moins contestable puisque les faits de l'espèce laissent peu de doute sur les motifs de l'opération mise en oeuvre. En effet, en raison du droit conventionnel applicable au moment des faits, la réalisation des opérations de dissolution sans liquidation des filiales de la société de droit luxembourgeois aboutissait à l'exonération totale de la plus value sur les immeubles détenus par les SCI, si le régime spécial des fusions avait été appliqué.
En effet, la Directive fusion (10) a pour vocation d'organiser la neutralité fiscale des opérations de restructuration lorsque des sociétés de différents Etats membres sont impliquées. Cette Directive transposée en droit français met en place un régime de sursis d'imposition des plus-values émanant des opérations de fusion, ou de scission entre des personnes morales d'Etats membres différents. L'analyse des faits souligne parfaitement les raisons du montage. L'administration fiscale a pris soin de démontrer les raisons pour lesquelles les cessions réalisées ne pouvaient pas bénéficier du régime spécial des fusions. Plusieurs éléments sont susceptibles de remettre en cause l'économie générale du montage présenté. Il s'agit d'une dissolution sans liquidation qui a été suivie dans un délai très bref, de la cession des immeubles reçus. Ces opérations ont été réalisées dans le cadre de trois sociétés en France. En outre, le bénéfice du régime dérogatoire des fusions pour des personnes morales de droit étranger par des sociétés françaises, est subordonné à l'obtention d'un agrément préalable supposant aux termes des articles 210 B et C du CGI, que les opérations en cause soient justifiées par des raisons économiques.
Le pourvoi en cassation repose ici sur une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne : "la taxation immédiate en France des plus-values immobilières latentes enregistrées par une société dissoute à l'occasion d'une opération de fusion par transmission universelle de son patrimoine à une société d'un autre Etat membre contrevient-elle aux principes énoncés à l'article 49 du TFUE (N° Lexbase : L2697IPL)" ?
L'article 49 du TFUE concerne le droit d'établissement et interdit toutes restrictions à la liberté d'établissement des ressortissants d'un Etat membre sur le territoire d'un autre Etat membre. Ainsi, toute norme contraignant à l'imposition des plus-values latentes sur les actifs transférés dans une structure d'un autre Etat membre de l'UE, serait considérée comme incompatible au droit de l'UE. Ce moyen invoqué s'appuie notamment sur une décision rendue sur la compatibilité avec l'article 49 du TFUE des régimes d'imposition des plus-values latentes afférentes aux actifs d'une société à l'occasion du transfert du siège et de sa direction effective dans un autre Etat membre (11). La Cour de justice dans cet arrêt rendu le 29 novembre 2011, a en effet jugé que le droit néerlandais est incompatible avec le principe de liberté d'établissement du fait de l'imposition immédiate des plus-values latentes sur des actifs d'une société néerlandaise transférant son siège de direction effective dans un autre Etat membre. Toutefois, l'invocation du principe de liberté d'établissement s'est révélée difficilement applicable lorsque la fusion est réalisée dans l'unique but d'échapper à l'impôt en demandant l'application d'un dispositif favorable, alors que l'économie générale de l'opération ne peut s'expliquer par aucun autre motif que celui de l'évasion fiscale.
C'est ainsi que la Cour de cassation a confirmé, en l'espèce, le délit de fraude fiscale. La cour d'appel de Paris a justifié sa décision lorsqu'elle souligne que c'est au moyen d'un montage que le prévenu a dissimulé la taxation des plus values. Les faits constitutifs du délit de fraude fiscal au sens de l'article 1741 du CGI illustrant "la parfaite mauvaise foi" de l'intéressé. Le montage effectué visait exclusivement à domicilier les montants de la plus-value latente imposable au Luxembourg par l'intermédiaire de l'opération de fusion-absorption réalisée au profit d'une société luxembourgeoise. Plusieurs éléments participaient à démonter le caractère frauduleux, comme l'absence d'agrément de l'opération de fusion transfrontalière, l'absence de raison économique sérieuse, la brièveté des délais entre le dépôt des déclarations fiscales et les opérations de cession, la présentation tardive du procès verbal d'assemblée générale attestant de la volonté générale des associés de vendre postérieurement à la restructuration. Ainsi, en l'espèce, concernant la taxation des plus values latentes en cas d'apports d'actifs de sociétés françaises par fusion à une société luxembourgeoise, la Chambre criminelle de la Cour de cassation a donc jugé qu'une cour d'appel n'est pas tenue de soumettre une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne pour écarter l'exception d'incompatibilité du dispositif français des fusions avec la Directive 90/434/CEE du 23 juillet 1990, modifiée par la Directive de 2005. Cette dernière prévoyant, en effet, la faculté pour un Etat membre de refuser le bénéfice de la dispense de taxation de ces plus-values lorsque l'opération a pour objectif la fraude ou l'évasion fiscale.
(1) CGI, art. 201 (N° Lexbase : L5737ISB), 210 A (N° Lexbase : L9521ITS), 210 B (N° Lexbase : L4802ICT), et 210 C (N° Lexbase : L3945HLP).
(2) Directive 90/434/CEE du 23 juillet 1990 (N° Lexbase : L7670AUM), modifiée par la Directive 2005/19/CEE du 17 février 2005 (N° Lexbase : L0828G88).
(3) L'article 53 de la loi relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière définitivement adoptée par l'Assemblée nationale le 5 novembre 2013, et publiée au Journal officiel du 7 décembre (loi n° 2013-1117 N° Lexbase : L6136IYW), porte de trois à six ans le délai de prescription de l'action publique, dans le cas général de fraude fiscale comme dans le cas de fausse affirmation de sincérité.
(4) Cass. crim., 23 février 2011, n° 10-88.068, F-D (N° Lexbase : A1824HDW), Bull. crim., 2011, n° 37.
(5) LPF, art. L. 230, alinéa. 3.
(6) CE 7° et 8° s-s-r., 1er juin 1988, n° 82396, et n° 82397 (N° Lexbase : A7204API), RJF, 8-9, n° 1045.
(7) TC, 19 décembre 1988 n° 02548 (N° Lexbase : A8359BDX), RJF, 3/89, n° 385.
(8) Cass. crim., 29 mars 1989, n° 87-81.891, publié au bulletin (N° Lexbase : A4201CKS), RJF, 10/89, n° 1179 ; Cass. crim., 26 février 1990, n° 89-81.312, publié au bulletin (N° Lexbase : A0439CKH), RJF, 7/90, n° 900.
(9) Cass. crim., 22 juin 1992, n° 92-81.823, publié au bulletin (N° Lexbase : A0811ABN), RJF, 1/93, n° 151.
(10) Directive 2009/133/CE (N° Lexbase : L9353IE7), codifiant les modifications apportées à la Directive 90/434/CE (N° Lexbase : L7670AUM) ; CGI, art. 210-0 A (N° Lexbase : L1155ITX) et s..
(11) CJUE, 29 novembre 2011, aff. C-371/10 (N° Lexbase : A0292H39), Dr.fisc., 2012, n° 5, comm. 125, note G. Blanluet ; D. Gutmann, Liberté d'établissement et transfert de siège, F. Lefebvre, 48/2011, inf. 9.
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par Christophe de Nantois, Maître de conférences en droit public à l'Université de Lorraine
Le 17 Mars 2015
L'arrêt "Marie" (1), en réduisant la catégorie des mesures d'ordre intérieur, avait élargi les possibilités de recourir au juge administratif pour des mesures prises à l'intérieur des prisons. Depuis 1995, une véritable lignée jurisprudentielle s'est développée en milieu carcéral autour d'une question très simple : quels sont les actes qui sont encore des mesures d'ordre intérieur, et ne sont donc pas susceptibles de recours devant le juge ?
L'arrêt rapporté vient compléter ce corpus jurisprudentiel en considérant que les sanctions disciplinaires prises à l'encontre des détenus, y compris les sanctions d'avertissement, sont des décisions susceptibles de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir.
Dans la présente affaire, les faits ayant donné lieu à un avertissement pouvaient sembler assez anodins : une personne a "fait l'objet, par une décision du 19 novembre 2008 du président de la commission de discipline de l'établissement, d'un avertissement pour avoir enfreint les instructions arrêtées par le chef d'établissement interdisant le port de vêtements à capuche et refusé d'obtempérer aux injonctions d'un membre du personnel pénitentiaire de s'y conforme". Cette interdiction de porter des vêtements à capuche étant très probablement justifiée par des raisons de sécurité, il n'y a rien là de particulièrement anormal.
Toute la question était de savoir si un avertissement disciplinaire devait être considéré comme une mesure d'ordre intérieur du fait de son caractère apparemment bénin, ou s'il devait être susceptible d'examen par le juge. Le Conseil d'Etat retient ici la seconde option : "si la sanction d'avertissement ne fait pas l'objet d'un rapport à la commission de l'application des peines, le juge de l'application des peines ainsi informé par le chef d'établissement peut néanmoins, le cas échéant, en tenir compte pour retirer, en application du troisième alinéa de l'article 721 [du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L9917I3P)], une réduction de peine ou, plus généralement, refuser une réduction de peine supplémentaire, une permission de sortir ou un aménagement de peine ; qu'en outre, la sanction d'avertissement, qui figure au dossier disciplinaire de la personne détenue, peut constituer, en cas de nouvelles poursuites disciplinaires pour d'autres faits, une circonstance aggravante prise en compte par la commission de discipline". En d'autres termes, si l'effet immédiat de l'avertissement disciplinaire n'est pas, en lui-même, de nature à justifier un examen par le juge, les effets potentiels de cet avertissement justifient que le juge puisse avoir à l'examiner. La Haute juridiction ne fait ici qu'apporter un élément supplémentaire à sa jurisprudence classique en la matière.
Cet arrêt du Conseil d'Etat apporte une solution à des procédures qui étaient en cours d'examen par différentes juridictions (2). Toutefois, certaines mesures intitulées "avertissement" en milieu carcéral ne sont toujours pas des actes faisant grief. Ainsi en va-t-il d'un "avertissement émanant du responsable Travail-Formation, en raison d'absences sans justification au travail". Le requérant occupait un emploi de linger dans un centre de détention ; l'avertissement concerné ici étant donné dans le cadre de cet emploi et n'ayant pas de caractère disciplinaire, il n'a pas les mêmes effets et demeure logiquement une mesure d'ordre intérieur (3).
Dans l'arrêt rapporté, un détenu contestait la légalité de l'article R. 57-7-44 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L0266IPK) et plus précisément du point qui suspend "l'accès aux activités" pour un détenu placé en cellule disciplinaire. Les activités qui étaient visées par le recours touchaient uniquement à la liberté du culte. Le Conseil d'Etat, après avoir rappelé que les détenus placés en cellule disciplinaire conservent le droit de s'entretenir avec un aumônier de leur confession et que "les personnes détenues sont autorisées à recevoir ou à conserver en leur possession les objets de pratique religieuse et les livres nécessaires à leur vie spirituelle" (cons. n° 4), estime que "la sanction de cellule disciplinaire emporte pendant toute sa durée la suspension de l'accès aux activités, notamment aux activités à caractère cultuel, sous réserve des dispositions de l'article R. 57-7-45 (N° Lexbase : L0267IPL), ne peuvent être regardées, eu égard à l'objectif d'intérêt général de protection de la sécurité et du bon ordre dans les établissements pénitentiaires qu'elles poursuivent, à la durée maximale de la sanction en cause et aux droits dont continuent à bénéficier [...] les détenus, comme portant une atteinte excessive au droit de ces derniers de pratiquer leur religion".
De façon relativement classique, le juge retient donc les arguments de la sécurité et du bon ordre pour limiter l'accès aux offices religieux collectifs aux détenus placés en cellule disciplinaire.
La question de détenus ayant un comportement suicidaire fait l'objet de recours récurrents, en particulier lorsque l'administration pénitentiaire n'arrive pas à mettre en échec des tentatives de suicide. Pour la période de ces six derniers mois, quelques points importants doivent être soulignés.
La décision la plus importante sur cette question est sans conteste l'arrêt n° 359244 du 4 juin 2014. Dans cette affaire, M. X, incarcéré le 6 juillet 2004 dans une maison d'arrêt, a fait l'objet à son arrivée d'un examen par l'unité de consultations et de soins ambulatoires (UCSA) de cet établissement pénitentiaire. Le 10 octobre 2004, ressentant des douleurs thoraciques et gastriques, il a été examiné par l'infirmière de l'UCSA de la maison d'arrêt ; le même jour, il est décédé, selon les termes du rapport d'autopsie "d'une mort subite d'origine cardiaque en lien avec une cardiopathie ischémique sur athérosclérose coronarienne". Les consorts X ont alors recherché la responsabilité de l'Etat au titre d'une faute commise par le service public pénitentiaire, mais le tribunal administratif de Rouen a rejeté leur demande le 3 juin 2010, ainsi que l'a fait à son tour de la cour administrative d'appel le 1er décembre 2011 (4).
Si le tribunal administratif, puis la cour administrative d'appel, ont rejeté ce recours, c'est en raison du rattachement administratif de l'UCSA à l'hôpital de Rouen. L'administration pénitentiaire n'a en effet, quasiment aucun lien avec l'UCSA et, en tout état de cause, aucun lien hiérarchique. Le Conseil d'Etat ne retient pourtant pas cette solution et estime que les requérants ne doivent pas voir leur recours écarté sur ce fondement et "qu'il appartient à l'Etat, s'il s'y croit fondé, d'appeler en garantie l'établissement public hospitalier dont relève l'unité de consultations et de soins ambulatoires dont la faute a pu causer le dommage ou y concourir". Cette solution qui favorise les ayants droit est la suite et l'extension de l'arrêt "Massioui" du 24 avril 2012 (5), affirmant le principe de la possibilité pour la victime, en cas de dommage trouvant sa cause dans plusieurs fautes commises par des personnes différentes ayant agi indépendamment et qui portent chacune en elle normalement le dommage, de demander la condamnation d'une de ces personnes, ou de celles-ci conjointement, dans lequel les torts entre l'administration pénitentiaire et l'UCSA semblaient être partagés. Or, dans l'arrêt rapporté, l'administration pénitentiaire ne reconnaît pas avoir commis de faute, estimant que la faute relève intégralement de l'UCSA.
Dans un arrêt n° 359739 rendu le 11 juin 2014, les faits étaient les suivants : alors qu'un détenu était suivi depuis 1982 pour des troubles psychotiques et un "état dépressif atypique", qu'il a, à compter du mois de novembre 2005, connu "un épisode de troubles intenses du comportement susceptibles, selon un avis médical, d'entraîner un passage à l'acte" et qu'il s'apprêtait à être transféré au centre sanitaire de la maison centrale spécialisé dans les troubles psychologiques, il s'est donné la mort par pendaison dans la nuit du 26 au 27 mars 2006. La cour administrative d'appel (6) a, cependant, jugé "que rien ne pouvait laisser prévoir le geste suicidaire de [M. X] et qu'aucune surveillance particulière n'était nécessaire". Le Conseil d'Etat estime que "l'appréciation portée par la cour sur ce point est, eu égard aux faits qu'elle a par ailleurs elle-même relevés, notamment à la gravité et à l'ancienneté des troubles qui affectaient l'intéressé, aux multiples problèmes posés par sa détention et à la circonstance que, à la date à laquelle est intervenu son suicide, [l'intéressé] venait d'être hospitalisé d'office et s'apprêtait à être transféré en centre sanitaire, entachée de dénaturation". Les juges du Palais-Royal annulent, par conséquent, l'arrêt de la cour administrative d'appel.
Dans l'arrêt n° 13DA01173 rendu le 24 juin 2014 par la cour administrative d'appel de Douai, une personne en détention provisoire dans une maison d'arrêt a fait l'objet d'un placement en quartier disciplinaire, au sein duquel elle s'est suicidée le 26 juin 2007. Le ministre de la Justice relève appel du jugement du 23 mai 2013 par lequel le tribunal administratif de Rouen l'a condamné à indemniser Mme X, ès qualité d'administratrice légale des deux filles de la détenue, en raison du décès de cette dernière. L'intéressée souffrait d'une addiction importante avec une dépression sévère et avait procédé auparavant à quatorze actes d'auto-mutilation et à deux tentatives de suicide. Comme c'est l'usage en cellule disciplinaire, elle occupait une cellule seule. La cour administrative d'appel de Douai a estimé que "le fait d'avoir laissé dans la cellule de [la détenue] du matériel, en l'espèce des draps, lui permettant de réitérer un passage à l'acte, alors au surplus, que l'existence d'un dispositif de surveillance renforcée la concernant n'est pas établie, constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat".
Au-delà des draps laissés par l'administration pénitentiaire qui constitue au minimum une négligence, il faut noter que c'est donc ici à l'administration pénitentiaire de prouver qu'elle a mis en place un dispositif de surveillance particulier. On comprend tout l'intérêt du Garde des Sceaux de relever appel du jugement, surtout qu'il est très difficile de surveiller un détenu suicidaire placé en quartier disciplinaire où l'encellulement individuel est une règle appliquée sans exception. En règle générale, un détenu suicidaire est, en effet, placé dans une cellule avec un co-détenu, lequel participe à la prévention du suicide. Même si ce dispositif n'est pas toujours satisfaisant (7), il faut reconnaître qu'il tente d'apporter des solutions à des situations toujours difficiles. Si l'on comprend aisément que la cour administrative d'appel ait voulu apporter satisfaction et indemnisation aux ayants droit, cet arrêt ne résout, cependant, en aucun cas la question concrète de la surveillance des détenus suicidaires en quartier disciplinaire.
L'article D. 221 du Code de procédure pénale prévoit que "les membres du personnel pénitentiaire et les personnes remplissant une mission dans l'établissement pénitentiaire ne peuvent entretenir avec les personnes placées ou ayant été placées par décision de justice sous l'autorité ou le contrôle de l'établissement ou du service dont ils relèvent, ainsi qu'avec leurs parents ou amis, des relations qui ne seraient pas justifiées par les nécessités de leurs fonctions". La légalité de cet article était contestée par l'Observatoire International des Prisons, qui estimait qu'il y avait "une ingérence excessive dans le droit au respect de leur vie privée et familiale des personnes participant au service public pénitentiaire".
Le Conseil d'Etat ne donne pas entièrement raison à l'association requérante, mais il considère, néanmoins, qu'en "étendant, sans en limiter la durée, cette interdiction aux personnes ayant été détenues et à leurs parents et amis, les dispositions contestées imposent des sujétions excessives au regard des stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (N° Lexbase : L4798AQR)".
Cette annulation ciblée d'un point de cet article D. 221 du Code de procédure pénale est tout à fait bienvenue. En effet, la politique suivie depuis une quinzaine d'années visant à quitter les centres villes et à ouvrir des établissements dans des petites villes rurales peut créer des situations dans lesquelles les personnels de l'administration pénitentiaire et les anciens détenus ou leurs familles peuvent être amenés à se rencontrer régulièrement (clubs sportifs, vie associative...). Cette annulation du caractère illimité de l'interdiction apporte, par conséquent, un tempérament satisfaisant à cette règle.
Il faudra, dans un avenir proche, que le Gouvernement aille plus loin sur cette question et qu'il modifie également le décret n° 2010-1711 du 30 décembre 2010, portant Code de déontologie du service public pénitentiaire (N° Lexbase : L0050IPK), en particulier son article 20. En effet, cet article 20 est un parfait copier-coller de l'article D. 221 précité et il n'y aurait aucune logique à modifier le Code de procédure pénale pour continuer à imposer cette interdiction par le biais du code de déontologie.
Un élément qui n'a pas encore donné lieu à des décisions judiciaires va probablement prendre de l'importance dans prochaines semaines ou les prochains mois. En effet, la loi pénitentiaire (loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 N° Lexbase : L9344IES) et, plus précisément son dernier article, l'article 100, dispose que, "dans la limite de cinq ans à compter de la publication de la présente loi, il peut être dérogé au placement en cellule individuelle dans les maisons d'arrêt au motif tiré de ce que la distribution intérieure des locaux ou le nombre de personnes détenues présentes ne permet pas son application. Cependant, la personne condamnée ou, sous réserve de l'accord du magistrat chargé de l'information, la personne prévenue peut demander son transfert dans la maison d'arrêt la plus proche permettant un placement en cellule individuelle".
Si donc, des dérogations ont été prévues pour une période de cinq ans au principe de l'encellulement individuel, cette période vient d'expirer le 24 novembre 2014. A ce jour, cette dérogation n'a pas encore été remplacée par une autre dérogation mais il semble très improbable, au vu des effectifs actuels, que ce principe d'encellulement individuel s'applique effectivement. A titre d'exemple, signalons qu'un arrêt du Conseil d'Etat rendu le 30 juillet 2014 (8) fait mention d'un emprisonnement en 2010 et en 2011 de trois personnes dans une cellule de 9 m2 à la prison des Baumettes à Marseille ; l'affaire est encore en instance.
En outre, le contrôleur général des lieux de privation de liberté a émis un avis "relatif à l'encellulement individuel dans les établissements pénitentiaires" le 24 mars 2014 (9). Cet avis rappelle qu'au "1er mars 2014, la densité d'occupation des établissements pénitentiaires était de 117,8 %, 137,5 % pour les maisons d'arrêt et quartiers maison d'arrêt (chiffres de l'administration pénitentiaire)". Le contrôleur général des lieux de privation de liberté identifiait "trois solutions possibles au 25 novembre 2014 :
- reporter pendant plusieurs années, par une nouvelle disposition législative, la mise en oeuvre d'un régime 'normal' d'encellulement individuel [solution n'étant pas jugée satisfaisante] ;
- donner son plein effet au principe de droit à l'encellulement individuel. Le contrôleur général devrait être tout naturellement favorable à un tel choix, mais s'interroge sur son réalisme vu la surpopulation carcérale actuelle et les incertitudes qui pèsent encore sur l'impact de réformes pénitentiaires non encore adoptées ;
- commencer à rétablir progressivement l'encellulement individuel au bénéfice de certaines catégories de personnes détenues (personnes âgées, malades, handicapées...)".
Tout est dit ; il n'y a rien à ajouter. Au vu de la situation tant carcérale que financière, on peut raisonnablement supposer que la première solution sera appliquée. Le principe de l'encellulement individuel, adopté en 1875 et qui ne s'est jamais vraiment appliqué (10) n'est donc pas prêt d'être effectif.
Dans un arrêt rendu le 15 octobre 2014, le Conseil d'Etat a décidé de saisir le Conseil constitutionnel par la voie de la question prioritaire de constitutionnalité sur la "conformité à la Constitution de l'article 728 du Code de procédure pénale, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009, pénitentiaire".
Cette rédaction antérieure à 2009 était la suivante : "Un décret détermine l'organisation et le régime intérieur des établissements pénitentiaires" (deux versions différentes sont concernées, mais ce point qui pose difficulté est inchangé). Il existe un doute sérieux sur la constitutionnalité de cet article puisque l'article 34 de la Constitution (N° Lexbase : L0860AHC) dispose que "la loi fixe les règles concernant [...] la détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui leur sont applicables ; la procédure pénale". Or, en renvoyant à un décret la fixation des règles concernant le régime intérieur des établissements pénitentiaires, le Code de procédure pénale pourrait méconnaître l'article 34 précité.
Si le Conseil constitutionnel devait déclarer inconstitutionnel cet article, la portée de cette décision serait a priori limitée du fait de la révision effectuée en 2009. Toutefois, la version antérieure ayant été en vigueur de 1959 à 2009, une inconstitutionnalité pourrait recéler bien des surprises et un contentieux fourni.
Dans un arrêt rendu le 27 mai 2014 et devenu définitif le 27 août 2014, la Cour européenne des droits de l'Homme a jugé à l'unanimité, qu'il y a eu violation de l'article 2 du Protocole n° 1 (droit à l'instruction) de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme (N° Lexbase : L1625AZ9). Le requérant, ressortissant bulgare arrêté en octobre 2004 car soupçonné de possession illégale d'armes à feu, a été placé en détention provisoire pendant les vingt-neuf mois suivants. Il demanda à être inscrit au centre d'enseignement de la prison pour pouvoir achever ses études secondaires. Cette demande fut refusée par l'administration pénitentiaire car l'intéressé avait déjà été condamné par le passé et était, aux yeux du directeur de la prison, un récidiviste qui ne devait donc pas être détenu avec les non-récidivistes ; ce refus fut confirmé par les juges administratifs saisis.
Il a attaqué les autorités bulgares sous l'angle de l'article 6 § 2 de la Convention (présomption d'innocence) (N° Lexbase : L7558AIR), en estimant que l'administration pénitentiaire l'avait traité comme s'il était coupable en le détenant avec des récidivistes, et que, pour cette raison, il s'était vu refuser l'accès au centre d'enseignement de la prison, alors même qu'il n'avait pas encore été définitivement condamné.
La Cour de Luxembourg, si elle n'impose pas aux Etats l'obligation de créer des activités d'enseignement en milieu carcéral, estime que, si celles-ci existent, elles "ne doivent pas faire l'objet de restrictions arbitraires et déraisonnables". Or ici, en assimilant le requérant à un récidiviste, alors qu'il n'a pas été condamné et qu'il bénéficie de la présomption d'innocence, cette décision a eu pour effet de restreindre l'accès aux activités d'enseignement. La Cour condamne, par conséquent, à l'unanimité la Bulgarie.
Cette décision de la Cour européenne des droits de l'Homme fournit des indications à tous les pays signataires de la Convention sur les questions relatives à l'enseignement en milieu carcéral. Elle rappelle, en effet, "l'importance d'une instruction en prison, que ce soit pour le prisonnier, pour l'environnement pénitentiaire et la société dans son ensemble", reconnue par le Comité des Ministres dans ses recommandations sur l'éducation en prison et sur les Règles pénitentiaires européennes (RPE). Mais, au-delà, cet arrêt rappelle très clairement qu'en détention, un détenu n'est un récidiviste qu'à partir du moment où sa seconde condamnation est devenue définitive. Ce rappel peut être utile en particulier au "quartier arrivant", les récidivistes et les "primo-arrivants" y étant clairement distingués.
(1) CE Ass., 17 février 1995, n° 97754, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A1636B84), p. 83.
(2) Voir, par ex., CAA Versailles, 1ère ch., 23 septembre 2014, n° 12VE02017 (N° Lexbase : A8039M8A).
(3) CAA Lyon, 4ème ch., 2 octobre 2014, n° 14LY00519 (N° Lexbase : A8114MY8).
(4) CAA Douai, 3ème ch., 1er décembre 2011, n° 10DA00944 (N° Lexbase : A9657IBB).
(5) CE 1° et 6° s-s-r., 24 avril 2012, n° 342104, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A4175IKT), p. 174.
(6) CAA Douai, 1ère ch., 22 mars 2012, n° 11DA01015 (N° Lexbase : A2078IK8).
(7) CAA Nantes, plèn., 22 février 1989, n° 89NT00010 (N° Lexbase : A7746A8E).
(8) CE 6° s-s., 30 juillet 2014, n° 362461, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A7901MU8).
(9) JORF, 23 avril 2014.
(10) Les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires en France, Rapport de la commission d'enquête n° 449 (1999-2000) du Sénat, le 29 juin 2000, II, A, 3).
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Réf. : Cass. soc., 17 décembre 2014, n° 13-20.627, FS-P+B (N° Lexbase : A2839M8N)
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Réf. : Cass. com., 16 décembre 2014, n° 13-24.161, F-P+B (N° Lexbase : A2755M8K)
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Réf. : Loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014, de finances pour 2015 (N° Lexbase : L2843I7G), et décision n° 2014-707 DC du 29 décembre 2014 (N° Lexbase : A8031M8X)
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Réf. : Loi n° 2014-1655 du 29 décembre 2014, de finances rectificative pour 2014 (N° Lexbase : L2844I7H), et décision n° 2014-708 DC du 29 décembre 2014 (N° Lexbase : A8032M8Y)
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Réf. : Loi n° 2014-1653 du 29 décembre 2014, de programmation des finances publiques pour les années 2015 à 2019 (N° Lexbase : L2842I7E)
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Réf. : Décret n° 2014-1582 du 23 décembre 2014, relatif à l exécution des peines (N° Lexbase : L1607I7N)
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Réf. : CEDH, 2 décembre 2014, Req. 31706/10 (N° Lexbase : A7479M4R)
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par Kaltoum Gachi, Avocat au barreau de Paris, Docteur en droit, Chargée d'enseignement à l'Université Paris II
Le 17 Mars 2015
C'est notamment sur le fondement de cette disposition que les requérants, dont les affaires - parfaitement semblables- ont été jointes, avaient saisi la Cour européenne des droits de l'Homme.
En l'espèce, les requérants, anciens membres actifs d'un parti ultérieurement, dissous par la Cour constitutionnelle, avait participé à une cérémonie religieuse en mémoire de trois membres du PKK tués par les forces de l'ordre et avait participé à un "mevlût", rite religieux couramment pratiqué par les musulmans en Turquie. A cette occasion, ils avaient procédé à la lecture de passages du Coran et de prières et avaient projeté un film vidéo retraçant la vie des défunts.
Le Parquet, qui avait reçu anonymement un enregistrement de la cérémonie litigieuse, décidait de les poursuivre. Ils furent alors traduits devant la cour d'assises d'Ankara qui les condamnait à une peine de dix mois d'emprisonnement, sur le fondement de l'article 7 § 2 de la loi n° 3713, relative à la lutte contre le terrorisme.
Pour entrer en voie de condamnation, la cour d'assises avait considéré que les personnes en mémoire desquelles la cérémonie avait été organisée étaient membres d'une organisation terroriste et qu'elles avaient été tuées par les forces de sécurité lors d'actions menées dans le cadre de cette organisation. En outre, elle indiquait que le choix du lieu pour la cérémonie (locaux d'un parti politique), le fait que le drapeau du PKK avait été étendu sur les tables et que les photos des membres de l'organisation y avaient été posées étaient autant d'éléments suscitant de sérieux doutes quant aux motifs réels du rassemblement avancés par la défense des requérants. Le pourvoi formé par les requérants devant la Cour de cassation était rejeté.
Devant la Cour européenne des droits de l'Homme, ils soutenaient que leur condamnation pour propagande en faveur d'une organisation terroriste, fondée selon eux sur leur participation à une cérémonie religieuse de commémoration, avait emporté violation de l'article 9 de la Convention européenne.
Selon une méthode usuelle, proche du syllogisme juridique, la Cour européenne a, dans un premier temps, rappelé les exigences résultant de ces dispositions sous forme de principes (I). Dans un second temps, elle a recherché au cas concret, s'il y avait eu ingérence dans le droit des requérants au titre de l'article 9 § 2 et, dans l'affirmative, si cette ingérence était "prévue par la loi", poursuivait un but légitime et "était nécessaire dans une société démocratique" (II).
I - Le rappel général des exigences découlant de l'article 9 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme
L'article 9 de la Convention, prévoit, dans son paragraphe premier, que "toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement des rites". Telle que la protège l'article 9, la liberté de pensée, de conscience et de religion représente l'une des assises d'une "société démocratique" au sens de la Convention.
Selon la Cour européenne, cette liberté figure, dans sa dimension religieuse, parmi les éléments les plus essentiels de l'identité des croyants et de leur conception de la vie, mais elle est aussi un bien précieux pour les athées, les agnostiques, les sceptiques ou les indifférents. Il y va du pluralisme -chèrement conquis au cours des siècles- qui ne saurait être dissocié de pareille société. Cette liberté implique, notamment, celle d'adhérer ou non à une religion et celle de la pratiquer ou de ne pas la pratiquer (§ 34 de l'arrêt ; voir aussi, CEDH, 18 février 1999, Req. 24645/94 N° Lexbase : A6756AW7).
Elle a rappelé que la liberté de religion relève d'abord du for intérieur mais elle implique également celle de manifester sa religion individuellement et en privé, ou de manière collective, en public et dans le cercle de ceux dont on partage la foi et que l'article 9 ne protège toutefois pas n'importe quel acte motivé ou inspiré par une religion ou conviction et ne garantit pas toujours le droit de se comporter dans le domaine public d'une manière dictée ou inspirée par sa religion ou ses convictions (§§ 35-36 de l'arrêt ; voir, parmi plusieurs autres, CEDH, 1er juillet 2014, Req. 43835/11 N° Lexbase : A2696MSN).
La Cour avait déjà eu l'occasion d'indiquer que cette liberté comporte en principe le droit d'essayer de convaincre son prochain, par exemple au moyen d'un "enseignement", sans quoi du reste "la liberté de changer de religion ou de conviction" risquerait de demeurer lettre morte (CEDH, 25 mars 1993, Req. 3/1992/348/421, § 31 N° Lexbase : A6556AWQ). Dans cette dernière affaire, le requérant, témoin de Jéhovah condamné pénalement à plusieurs reprises pour infraction de prosélytisme, soulevait l'atteinte portée à l'exercice de sa liberté de religion, avec succès puisque la Commission à l'unanimité, puis la Cour, par six voix contre trois, avaient conclu à la violation de l'article 9.
La Cour européenne a encore précisé, à une autre occasion, que la liberté de manifester ses convictions religieuses comporte aussi un aspect négatif, à savoir le droit pour l'individu de ne pas être obligé de faire état de sa confession ou de ses convictions religieuses et de ne pas être contraint d'adopter un comportement duquel on pourrait déduire qu'il a -ou n'a pas- de telles convictions (CEDH, 21 février 2008, Req. 19516/06 § 38 N° Lexbase : A9980D4E ; CEDH, 2 février 2010, Req. 21924/05 § 41 [LXB=] ; CEDH, 3 juin 2010, Req. 42837/06, § 78 N° Lexbase : A7888IZ8).
L'article 9 en protégeant la liberté de pensée, de conscience ou de religion protège implicitement des droits qui sont également protégés par d'autres dispositions conventionnelles. Il en va ainsi de la liberté d'expression, garantie par l'article 10 de la Convention (N° Lexbase : L4743AQQ), ou de la liberté de réunion et d'association, consacrée par l'article 11.
La combinaison de ces articles peut d'ailleurs s'avérer délicate en pratique, comme le démontre la présente espèce. Ainsi, après le rappel des principes généraux, la Cour européenne va en faire application en examinant la situation sous l'angle du paragraphe 2 de l'article 9.
II - L'examen concret des conditions requises par l'article 9 § 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme
L'article 9 de la Convention européenne prévoit, dans son paragraphe 2, que "la liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l'ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d'autrui".
La spécificité de cet alinéa a été, plusieurs fois, soulignée. Ainsi, il a été indiqué que le caractère fondamental des droits que garantit le premier alinéa de l'article 9 se traduit aussi par le mode de formulation de la clause relative à leur restriction. A la différence du § 2 des articles 8, 10 et 11 de la Convention européenne, qui englobe l'ensemble des droits mentionnés en leur § 1er, le § 2 du présent article ne vise que la "liberté de manifester sa religion ou ses convictions" (CEDH, 25 mai 1993, Req. 14307/88, § 33 N° Lexbase : A6556AWQ ; CEDH, 12 avril 2007, Req. 52435/99, § 79).
Pour considérer ici qu'il s'agissait d'une ingérence dans le droit des requérants à manifester leur religion, la Cour européenne a énoncé que le seul fait que la cérémonie en question a été organisée dans les locaux d'un parti politique dans lesquels des symboles d'une organisation terroriste étaient présents ne prive pas les participants de la protection garantie par l'article 9 de la Convention (§ 42 de l'arrêt). Puis, elle a indiqué que "pareille ingérence est contraire à l'article 9, sauf si elle est 'prévue par la loi', vise un ou plusieurs des buts légitimes cités au paragraphe 2 de l'article 10 et est 'nécessaire dans une société démocratique' pour atteindre ces buts" (§ 44 de l'arrêt).
La Cour a apporté des précisions utiles sur la prévision par la loi en rappelant que cette formule comporte un aspect qualitatif. Ainsi, la législation interne doit user de termes assez clairs pour indiquer à tous de manière suffisante en quelles circonstances et sous quelles conditions elle habilite la puissance publique à recourir à des mesures affectant leurs droits protégés par la Convention (CEDH, 12 juin 2014, Req. 56030/07 N° Lexbase : A4276MQG).
En cela, ces exigences renvoient au principe de légalité prévu à l'article 7 de la CESDH (N° Lexbase : L4797AQQ). On sait, en effet, qu'une infraction doit être clairement définie par la loi. Cette condition se trouve remplie lorsque l'individu peut savoir, à partir du libellé de la clause pertinente et, au besoin, à l'aide de son interprétation par les tribunaux, quels actes et omissions engagent sa responsabilité (CEDH, 25 mai 1993, Req. 14307/88, § 52 ; CEDH, 22 novembre 1995, Req. 20166/92, § 35 N° Lexbase : A8378AW9 ; CEDH, 2 juin 2005, Req. 46825/99 N° Lexbase : A4894DI4 ; CEDH, 10 novembre 2004, Req. 67335/01, § 41 N° Lexbase : A8392DD8).
Or, en l'espèce, la Cour a noté que, si la condamnation des requérants trouvait sa base légale dans l'article 7 § 2 de la loi n° 3713 qui prévoit que "quiconque fait de la propagande en faveur d'une organisation terroriste sera condamné à une peine d'emprisonnement d'un an à cinq ans", elle ne répondait pas aux exigences de précision et de prévisibilité étant donné qu'il n'était pas possible de prévoir que la simple participation à une cérémonie religieuse pourrait tomber sous l'application de l'article 7 § 2 de la loi relative à la lutte contre le terrorisme.
Elle a également relevé qu'il ne ressort ni du raisonnement des tribunaux nationaux, ni des observations du Gouvernement que les requérants eussent eu un rôle dans le choix du lieu de la cérémonie litigieuse ou bien qu'ils eussent été responsables de la présence des symboles d'une organisation illégale dans les locaux où la cérémonie en question s'est déroulée (§ 55 de l'arrêt).
Certes, la diffusion de messages faisant l'éloge de l'auteur d'un attentat, le dénigrement de victimes d'un attentat, l'appel à financer des organisations terroristes ou d'autres comportements similaires peuvent constituer des actes d'incitation à la violence terroriste (CEDH, 17 décembre 2013, Req. 12606/11, § 51 N° Lexbase : A3958KRZ). Mais tel n'était pas le cas en l'espèce.
La Cour européenne s'arrête à ce constat selon lequel le but de l'ingérence n'était pas clairement défini par le droit interne sans poursuivre l'examen des griefs des requérants pour rechercher si l'ingérence visait un "but légitime" et était "nécessaire dans une société démocratique". Elle estime, en effet, que pareil examen ne s'impose que si le but de l'ingérence est clairement défini par le droit interne et a décidé de conclure à la violation de l'article 9 de la Convention.
En outre, elle n'a pas davantage analysé la violation de l'article 14 (N° Lexbase : L4747AQU) de la Convention combiné avec les articles 9 et 11, qui était dénoncée par les requérants qui affirmaient avoir fait, de par leur condamnation, l'objet d'une discrimination qui aurait été fondée sur leur origine ethnique kurde et sur leurs opinions politiques.
Elle a considéré qu'eu égard à ses conclusions sur le terrain de l'article 9 de la Convention, il n'y avait pas lieu d'examiner séparément ni la recevabilité, ni le fond sur le grief tiré de l'article 14 de la Convention.
Ce point n'a pas été partagé par tous les juges, les juges Sajo et Keller ayant émis une opinion partiellement dissidente.
En effet, les juges hongrois et suisse ont estimé que la Cour aurait dû examiner les griefs des requérants sous l'angle de l'article 11 de la Convention qui protège la liberté de réunion et d'association et non pas sous l'angle de l'article 9. Ils ont rappelé que lorsque, comme en l'espèce, l'article 9 de la Convention est invoqué conjointement avec l'article 11, la Cour procède souvent à l'examen sous l'angle de la seconde disposition uniquement. Ainsi, dans la plupart de ces affaires, la Cour a estimé que les faits invoqués par l'intéressé relevaient plus particulièrement du champ d'application de l'article 11 et elle n'a donc examiné les griefs que sous l'angle de cette disposition (§ 3 de l'opinion dissidente). Selon eux, la réunion litigieuse avait clairement dépassé un cadre religieux. La cérémonie n'a pas eu lieu dans une mosquée, mais elle a été organisée dans les locaux d'un parti politique où l'on pouvait voir des symboles du PKK. La cérémonie était consacrée à des membres du PKK tués par les forces de l'ordre. Il ne ressort par ailleurs pas du dossier si un imam ou hoca normalement présent durant cette cérémonie a ou non assisté au mevlût (§ 5 de l'opinion dissidente).
Si, sur le principe, la Cour européenne a peut-être tranché avec sa méthode traditionnelle, l'analyse sous l'angle de l'article 11 aurait, en tout état de cause, conduit à considérer, tout comme sous celui de l'article 9, que l'ingérence soit "prévue par la loi". Or, ils conviennent que tel n'a pas été le cas en l'espèce.
Aussi, globalement, la solution rendue paraît parfaitement justifiée tant l'incrimination était conçue en termes trop larges et que le rôle des requérants ne permettait pas de leur imputer l'organisation de l'évènement (choix du local et symboles du PKK).
La présente affaire ne manque cependant pas d'interroger sur la possible transposition de la solution au dispositif mis en place par le législateur français qui tente de lutter, le plus efficacement possible, contre la propagande terroriste et le départ des Français au djihad.
Récemment, la loi n° 2014-1353 du 13 novembre 2014, renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme (N° Lexbase : L8220I49), a introduit de nouvelles dispositions visant à lutter efficacement contre le terrorisme. On sait, par exemple, qu'une nouvelle infraction dite d'entreprise individuelle terroriste a été prévue par un nouvel article 421-2-6 du Code pénal (N° Lexbase : L8396I4Q) et que la provocation aux actes de terrorisme et l'apologie de ces actes sont désormais prévues par l'article 421-2-5 du Code pénal (N° Lexbase : L8378I43) alors qu'auparavant, elles étaient incriminées à l'article 24 de la loi du 29 juillet 1881 (N° Lexbase : L7460D7G).
L'exposé des motifs justifie ce choix par la volonté d'éradiquer "la propagande terroriste qui provoque ou glorifie les actes de terrorisme". Mais comme le révèle l'arrêt ici commenté, ces nouvelles incriminations et ces extensions de la loi peuvent poser difficulté. Ainsi que le fait remarquer le professeur Y. Mayaud, "la réaction au terrorisme est d'abord une affaire d'incrimination. Il s'agit de saisir les tristes réalités qui en relèvent, et de leur apporter une traduction juridique par des qualifications adaptées. Le travail du législateur suit une voie qui n'a jamais été démentie, celle de l'élargissement, de l'extension, manifestée par des infractions de plus en plus nombreuses. Mais, assez curieusement, cette couverture substantielle s'accompagne de faiblesses rédactionnelles" (in La politique d'incrimination du terrorisme à la lumière de la législation récente, AJ pénal 2013, 442).
C'est précisément sur le terrain de la prévisibilité de la loi que la violation de l'article 9 a été retenue en l'espèce.
A cet égard, il faut d'ailleurs souligner que la Turquie, sans doute consciente des faiblesses qui entachaient l'incrimination de propagande terroriste, n'a pas attendu sa condamnation par la Cour pour modifier sa législation. En effet, la première phrase de l'article 7 § 2 de la nouvelle loi n° 3713, relative à la lutte contre le terrorisme, entrée en vigueur le 30 avril 2013, énonce désormais "quiconque fait de la propagande en faveur d'une organisation terroriste en légitimant ou en faisant l'apologie des méthodes de contrainte, de violence ou de menace de pareilles organisations ou incite à l'utilisation de telles méthodes sera condamné à une peine d'emprisonnement d'un an à cinq ans [...]".
Cette formule est évidemment plus précise que la précédente mais reste à savoir si l'ingérence poursuit "un but légitime" et est "nécessaire dans une société démocratique". Il faudra attendre une nouvelle saisine de la Cour européenne sur le fondement des dispositions modifiées.
Outre les précisions apportées sur le terrain de l'article 9 de la Convention européenne, l'arrêt présente également l'intérêt de souligner la nécessité de respecter les exigences conventionnelles même lorsqu'il s'agit de lutter contre le terrorisme.
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Réf. : Rapport sur la fin de vie, 12 décembre 2014
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Réf. : Rapport sur la fin de vie, 12 décembre 2014
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Réf. : Loi n° 2014-1554 du 22 décembre 2014, de financement de la Sécurité sociale pour 2015 (N° Lexbase : L1120I7M)
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par Christophe Willmann, Professeur à l'Université de Rouen et Directeur scientifique de l'Encyclopédie "Droit de la protection sociale"
Le 17 Mars 2015
Pour mémoire, il faut mentionner :
- la réforme de l'assiette des cotisations patronales des entreprises et associations d'aide à domicile, supprimée par la Commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale. Le PLFSS 2015 (art. 8 bis A ; CSS, art. L. 241-10 N° Lexbase : L1258I7Q) entendait aligner l'assiette des cotisations patronales s'appliquant à l'exonération "aide à domicile" sur l'assiette des allègements généraux de cotisations sociales élargi par la LFSS rectificative 2014 (c'est-à-dire y compris la cotisation FNAL, la contribution de solidarité pour l'autonomie et les cotisations AT-MP) (3). Jusqu'à présent, les associations et entreprises intervenant au domicile des personnes fragiles bénéficiaient d'une exonération de cotisations patronales sur les salaires des aides à domicile. En alignant l'assiette des cotisations patronales s'appliquant à l'exonération "aide à domicile" sur l'assiette des allègements généraux de cotisations sociales "approfondis" par le pacte de responsabilité, la mesure aurait accru l'avantage dont bénéficient les structures intervenant à domicile, puisque les exonérations restent sans limite de salaire. Cette disposition a été supprimée ;
- l'assujettissement à la CSG et aux cotisations sociales au premier euro des indemnités de rupture dépassant cinq fois le plafond de la Sécurité sociale, supprimé par la Commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale (art. 12 bis A ; CSS, art. L.136-2 N° Lexbase : L1397IZR et L. 242-1 N° Lexbase : L0132IWS) (4) ;
- l'intégration dans l'assiette des cotisations sociales de la fraction du revenu, distribuée aux dirigeants majoritaires de SA et de SAS, qui excède 10 % du capital social. Le PLFSS 2005 entendait assujettir à cotisations sociales les dividendes versés aux dirigeants de SA et de SAS (art. 12 bis ; CSS, art L. 131-6 N° Lexbase : L5349I3I et L. 242-4-3 N° Lexbase : L3800IBD ; CRPM, art. L. 741-10 N° Lexbase : L4548I49) (5). En principe, les dividendes sont soumis aux prélèvements sociaux sur les revenus du capital, au taux global de 15,5 % (CSG 7,5 %, CRDS 0,5 %, prélèvement social 4,5 %, contribution additionnelle 0,3 %, prélèvement de solidarité 2 %). Mais certains dividendes ont été intégrés dans l'assiette des cotisations sociales. Ainsi, depuis le 1er janvier 2009 (LFSS 2009, art. 22 N° Lexbase : L2678IC8), la fraction des revenus distribués qui excède 10 % du capital social d'une société d'exercice libéral (SEL) doit être réintégrée dans l'assiette des cotisations sociales sur les revenus d'activité. L'objectif était de lutter contre l'optimisation fiscale consistant, pour le travailleur indépendant, à se verser une faible rémunération d'activité soumise à cotisations sociales et à se rémunérer sous forme de dividendes soumis au seul prélèvement social sur les revenus du capital. Cette mesure avait pour objectif principal d'éviter que les dirigeants de SARL ne transforment la forme de leur société pour s'exonérer des obligations nées de la LFSS pour 2013 en matière de cotisations sociales sur les dividendes : certains dirigeants majoritaires de SARL ont pu être tentés de transformer leur société en SAS ou SASU (SAS unipersonnelle), afin que leurs dividendes échappent aux cotisations sociales. Mais le changement de statut a aussi pour effet le changement de régime de Sécurité sociale du gérant, qui passe du RSI au régime général. D'où la solution retenue par le PLFSS 2015, puisque l'intégration dans l'assiette des cotisations sociales de la fraction du revenu, visait les dirigeants majoritaires de SA et de SAS, affiliés au régime général. Mais la mesure est très discutée. Les parlementaires eux-mêmes n'étaient pas unanimes, regrettant aucune étude n'a mis en exergue le phénomène d'optimisation (6). Le dispositif a été supprimé par le Sénat.
1 - Seuils d'assujettissement à la CSG sur les revenus de remplacement
La LFSS 2015 (art. 7) (7) modifie les seuils d'assujettissement à la CSG sur les revenus de remplacement et procède à des modifications techniques sur les procédures de recouvrement.
L'étude d'impact, annexée à la LFSS 2015, rappelle opportunément que l'objectif initial de la CSG était d'associer au financement des dépenses de Sécurité sociale l'ensemble de la population. Cette contribution a ainsi été prélevée de façon proportionnelle et à un taux identique sur tous les revenus entrant dans son champ (en 1991, un taux unique de 1,1%, appliquée tant aux revenus d'activité qu'aux revenus du patrimoine et aux revenus de remplacement (pensions de retraite et d'invalidité, allocations de chômage et de préretraite). Mais comme souvent dans le champ de la protection sociale, un autre objectif est venu compléter le premier, la préservation du pouvoir d'achat des retraités et des personnes en recherche d'emploi à faible revenu. Aussi, ces deux catégories ont bénéficié du mécanisme d'exclusion d'assiette (8) ainsi que celui de taux réduit (9). Le rendement de la CSG nette est conséquent ; il a représenté 90,8 milliards d'euros en 2013, dont 16,9 milliards d'euros (soit 18,6 %) sur les revenus de remplacement (10).
La LFSS 2015 procède à un regroupement et à une actualisation des règles relatives au recouvrement des cotisations et contributions sociales sur l'ensemble des revenus de remplacement, auparavant fixées par catégories de revenus, et désormais regroupées dans une section (CSS, sect. 1 chap. Ier titre III livre Ier ; not. art. L. 131-2 N° Lexbase : L1249I7E et L 131-3 N° Lexbase : L4586AD9). La loi modifie le mode de calcul de la CSG, complexe et présentant l'inconvénient de créer d'importants effets de seuil pour les retraités à faibles revenus. La LFSS 2015 considère le seul revenu fiscal de référence pour la détermination du taux de CSG applicable, en le déconnectant du seuil d'assujettissement à la taxe d'habitation pour l'exemption d'assiette et du seuil de mise en recouvrement pour le taux réduit.
Le seuil d'assujettissement, qui permet l'exemption d'assiette, est relevé de 4 %, ce qui aura pour effet d'augmenter le nombre de foyers bénéficiaires. L'assujettissement au taux normal est prévu à partir d'un seuil, réévalué à 13 900 euros (revenu fiscal de référence), soit une augmentation de 14 %.
2 - Affiliation
La LFSS 2015 modifie les règles d'affiliation des personnes participant de façon occasionnelle à des missions de service public et supprime les exonérations de cotisations pour certaines fonctions électives (art. 8 ; CSS, art. L. 311-3 N° Lexbase : L8734I3U ; art 13 de la loi n° 98-546 du 2 juillet 1998 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier N° Lexbase : L1474AIG) (11).
La LFSS pour 1999 avait retenu des modalités particulières d'affiliation pour les "collaborateurs occasionnels du service public" : l'employeur déclarait les sommes versées aux URSSAF et bénéficiait d'un abattement de 20 % sur les cotisations patronales. La LFSS 2015 prévoit que lorsque l'employeur principal maintient tout ou partie de la rémunération, les sommes correspondantes peuvent, avec l'accord de l'ensemble des parties, lui être versées (CSS art. L. 311-3 N° Lexbase : L8734I3U).
3 - Réduction forfaitaire de cotisations bénéficiant aux particuliers-employeurs
La LFSS 2015 double le montant de la réduction forfaitaire de cotisations par heure travaillée pour les particuliers employeurs pour la garde d'enfants sous réserve d'un recours à la PAJE emploi (art. 10 ; CSS, art. L. 241-10 N° Lexbase : L1258I7Q) (12). L'objectif de la mesure est de diminuer le coût du travail et inciter à la régularisation du travail non-déclaré pour les ménages souhaitant recourir aux services à la personne. La LFSS 2015, en mettant en place une mesure de réduction des cotisations, vise la spécificité de l'emploi déclaré dans ce secteur, afin qu'il ne s'installe pas durablement dans des pratiques de travail dissimulé.
Le PLFRSS pour 2014, dans le même sens, contenant un amendement, prévoyant déjà le doublement de la réduction forfaitaire par heure travaillée pour les particuliers employeurs. Mais le Conseil constitutionnel (N° Lexbase : A7888M7B) avait déclaré cette règle non-conforme à la Constitution en application de la règle de l'entonnoir. L'objectif était de compenser l'impact pour les particuliers employeurs de la suppression de l'abattement de 15 points sur les cotisations sociales, suivie de la suppression de la possibilité d'acquitter les cotisations sur une base forfaitaire.
La LFSS 2015 a repris à l'identique le dispositif et prévoit : une réduction de 75 centimes par heure travaillée (reste inchangée) ; pour les activités de garde d'enfants de 6 à 14 ans, une réduction, qui passe à 1,5 euros (sous réserve d'un nombre d'heures fixé par décret, qui devrait être de 40 heures par mois, et d'un recours à mode de déclaration spécifique, la "Pajemploi") ; enfin, la réduction reste fixée à 3,70 euros par heure travaillée dans les départements d'outre-mer (conformément à l'article 27 de la LFSS 2014 N° Lexbase : L6939IYN).
Le choix de cette tranche d'âge se justifie par le fait que le versement du complément du libre choix de mode de garde s'interrompt à partir de 6 ans, et qu'au-delà de 14 ans, l'enfant a moins besoin d'être gardé et les allocations familiales sont majorées. Au-delà du plafond (40 heures par mois, soit environ 2 heures par jour travaillé), la déduction horaire de 75 centimes continuera à s'appliquer.
4 - Exonération des cotisations sociales
- Exonération des cotisations sociales pour les publics fragiles
La LFSS 2015 précise que le champ d'application de l'exonération des cotisations patronales de Sécurité sociale pour l'emploi à domicile des personnes fragiles prévu à l'article L. 241-10 du Code de la Sécurité sociale. Il exclut les salariés dont l'activité est financée par une dotation globale de l'assurance maladie, car leurs salaires et les cotisations afférentes sont déjà pris en charge par la solidarité nationale au moyen de la dotation globale (art. 11 ; CSS, art. L. 241-10) (13).
- Exonérations sur les indemnités électives
Les indemnités versées aux élus des chambres d'agriculture et de métiers, ainsi que celles versées aux administrateurs élus des organismes de Sécurité sociale lorsqu'ils ont la qualité de travailleur indépendant, bénéficient, en application de la loi du 2 juillet 1998 portant diverses mesures d'ordre économique et financier, d'une exonération de cotisations de Sécurité sociale.
Les indemnités versées aux élus locaux sont, depuis la LFSS pour 2013, soumises à cotisations sous certaines conditions de montant ou de cessation d'activité. La LFSS 2015 supprime cette exonération (14).
5 - Cotisation FNAL (fixation par décret)
Le taux de cotisation au FNAL devait être fixé par décret (art. 12 ; CSS, art. L. 834-1 N° Lexbase : L0999IPP) (15). Mais le Conseil constitutionnel, par sa décision n° 2014-706 rendue le 18 décembre 2014, a bien retenu le grief d'inconstitutionnalité (cons. 37 à 42). La réforme retenue par la LFSS 2015 faisait suite à la loi du 8 août 2014 de financement rectificative de la Sécurité sociale pour 2014 (LFRSS pour 2014, art. 2 § I-7° N° Lexbase : L0228I49).
Le Conseil constitutionnel relève en effet que la cotisation FNAL n'a pas pour objet d'ouvrir des droits à des prestations et avantages servis par un régime obligatoire de Sécurité sociale. Aussi, cette cotisation est au nombre des impositions de toutes natures au sens de l'article 34 de la Constitution (N° Lexbase : L1294A9S). En renvoyant au décret le soin de fixer les taux de cette cotisation et en ne prévoyant aucun encadrement de la détermination de ces taux, le législateur a méconnu l'étendue de sa compétence.
6 - Assiettes forfaitaires
Le recours à une assiette forfaitaire pour le calcul des cotisations sociales vise deux hypothèses :
- lorsque le forfait est supérieur aux rémunérations perçues, le recours à une assiette forfaitaire permet une ouverture de droits, alors même que la personne effectue un faible nombre d'heures ou perçoit une faible rémunération (personnes détenues effectuant un travail pour le compte de l'administration pénitentiaire, soit 67 fois le SMIC horaire ou les ministres du culte et membres de congrégations religieuses, SMIC mensuel avec un abattement sur la cotisation maladie) ;
- lorsqu'il est inférieur aux rémunérations perçues, le forfait s'inscrit dans une logique de baisse du coût du travail, de soutien à l'emploi par la solvabilisation des employeurs et de prévention du travail dissimulé (personnes travaillant dans un centre de vacances ou de loisirs pour mineurs : assiette forfaitaire d'un maximum de 100 fois le SMIC horaire ; formateurs occasionnels : assiette bénéficiant d'un abattement de 37 à 69 % lorsque la rémunération est inférieure à 1 700 euros par jour).
La fixation forfaitaire d'assiette des cotisations de Sécurité sociale se fait par arrêté ministériel pour certaines catégories de salariés ou assimilés. L'étude d'impact (annexée au PLFSS), relayée par les travaux parlementaires (16), a déploré une accumulation de dispositifs parfois anciens et ne répondant pas à une stratégie d'ensemble.
La LFSS 2015 (art. 13 ; CSS, art. L. 242-4-4) prévoit que les décrets pris en application des articles prévoyant la possibilité d'un forfait pour les différentes branches ne peuvent prévoir une base forfaitaire inférieure à 70 % de la rémunération lorsque celle-ci est supérieure ou égale à 1,5 plafond de la Sécurité sociale (pour 2014, le plafond journalier de la Sécurité sociale est fixé à 172 euros, soit 56 320 euros par an. L'abattement serait donc plafonné à partir d'une rémunération de 258 euros et les cotisations calculées, dans ce cas, sur une base de 180 euros). Pour ne pas pénaliser l'emploi dans les secteurs dans lesquels la demande de travail des entreprises ou des associations est particulièrement sensible à son coût, cet encadrement ne concernait que les rémunérations supérieures à 1,5 fois le montant du plafond de la Sécurité sociale.
7 - Assiette des cotisations sociales
La LFSS 2015 modifie le calcul d'un certain nombre de cotisations, en élargissant leur assiette, spécialement, les plans d'épargne en actions au moment de leur clôture. La LFSS 2015 a soumis aux prélèvements sociaux les plans d'épargne en actions lorsqu'il est procédé à leur clôture du fait de leur caractère inactif (art. 20 ; CSS, art. L. 136-7 N° Lexbase : L2265I7Z) (17). La loi n° 2014-617 du 13 juin 2014 (N° Lexbase : L4865I3L) a clarifié la définition des comptes bancaires inactifs et des contrats d'assurance vie en déshérence et d'organiser leur dépôt obligatoire à la caisse des dépôts et consignations avant leur transfert à l'Etat. Les avoirs déposés sur des comptes épargne devenus inactifs doivent être transférés à la caisse des dépôts et consignations à l'expiration d'un délai de quinze ans puis à l'Etat à l'issue de la prescription trentenaire.
La LFSS 2015 assujetti ces comptes à la contribution sociale sur les produits de placement lorsque ceux-ci seront transférés à la Caisse des dépôts et consignations. Le fait générateur constitué par la clôture des plans d'épargne en actions (PEA) dont l'inactivité est constatée conformément aux nouveaux articles L. 312-19 N° Lexbase : L2265I7Z et L. 312-20 N° Lexbase : L6753ABQ du Code monétaire et financier entraîne l'assujettissement aux prélèvements sociaux.
8- Contribution exceptionnelle des employeurs sur les retraites chapeaux
La LFSS 2015 a relevé le taux de la contribution exceptionnelle des employeurs sur les retraites chapeaux les plus élevées (art. 17 ; CSS, art. L. 137-11 N° Lexbase : L9531IT8) (18). La loi de finances rectificative du 16 août 2012 (art. 32) avait déjà procédé à un doublement des taux de la contribution de l'employeur s'appliquant aux retraites chapeaux. La LFSS 2015 relève de 30 % à 45 % le taux de la contribution exceptionnelle à la charge de l'employeur s'appliquant aux rentes qui excèdent 8 fois le plafond annuel de la Sécurité sociale (soit 300 384 euros en 2014). La mesure est tout à fait symbolique, puisque les recettes seraient de l'ordre d'un ou deux millions d'euros par an (G. Bapt et alii, rapport Assemblée nationale n° 2384, préc.).
II - Réforme du recouvrement des cotisations
Pour mémoire, on notera quelques avancées de la LFSS 2015, portant sur la rationalisation de la fiscalité des contrats d'assurance maladie complémentaire et des contrats d'assurance automobile (LFSS 2015 art. 22 ; CGI art. 995 N° Lexbase : L5725IXC et 1001 N° Lexbase : L3250IZE ; CSS, art. L. 131-8 N° Lexbase : L1042IZM , L. 137-6 N° Lexbase : L0312DPA , L. 137-7 N° Lexbase : L9565HEY , L. 137-9 N° Lexbase : L2959AWI , L. 138-20 N° Lexbase : L9420HEM , L. 241-6 N° Lexbase : L5355I3Q , L. 862-3 N° Lexbase : L6998IUQ , L. 862-4 N° Lexbase : L6997IUP , L. 871-1 N° Lexbase : L7045IUH et L. 911-7 N° Lexbase : L0435IXE ) ; un plan de désendettement social de l'agriculture corse (loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005 N° Lexbase : L6430HEU) ou enfin, une exonérations des cotisations et contributions dues par les employeurs affectés par l'interruption de dessertes maritimes vers la Corse en juin et juillet 2014 (art. 26).
L'essentiel, en matière de recouvrement des cotisations, porte sur trois points : le versement des cotisations dans les secteurs soumis à l'obligation de mutualisation des congés payés ; le contrôle et au recouvrement des cotisations et contributions sociales ; enfin, le remboursement de cotisations AT-MP indues. L'objectif poursuivi est de sécuriser les cotisants et à renforcer l'efficacité des contrôles et du recouvrement. Les principales mesures visent la limitation à trois mois des contrôles visant les entreprises de moins de dix salariés ; l'élargissement du périmètre de contrôle ; l'encadrement des transactions pouvant être conclues entre URSSAF et cotisant ; le renforcement de la procédure d'opposition à tiers détenteur.
1 - Versement des cotisations dans les secteurs soumis à l'obligation de mutualisation des congés payés
La LFSS 2015 a voulu simplifier, dans les secteurs où existent des caisses de congés payés, la méthode de prélèvement des contributions, en autorisant les caisses à procéder directement au prélèvement sur les cotisations appelées par ces caisses les cotisations et contributions sociales dues au titre des périodes de congés payés (art. 23 ; CSS, art. L. 136-5 N° Lexbase : L0133IWT et L. 243-1-3 N° Lexbase : L6934IUD) (19). Jusqu'à présent, le montant de ces cotisations sociales et autres contributions, étaient versées par ces employeurs à des caisses de congés payés.
Le secteur des bâtiments et travaux publics (BTP) regroupe 90 % des salariés travaillant dans les entreprises affiliées à ces caisses. Pour l'exercice arrêté au 31 mars 2013, le montant des produits, dont le prélèvement des cotisations représente 94 %, s'élevait à 6,87 milliards d'euros.
La LFSS 2015 a donc mis en place un dispositif de recouvrement à la source des cotisations de Sécurité sociale, de la CSG, de la CRDS et de la contribution de solidarité pour l'autonomie (CSA), à compter du 1er avril 2016. Cette mesure génère un gain de trésorerie pour le régime général, évalué à 1,5 milliard d'euros en 2015 et 500 millions en 2016. Mais la mesure n'est qu'un simple apport de trésorerie, et non une recette supplémentaire.
Le Conseil constitutionnel n'a pas censuré cette mesure (Cons. const., décision n° 2014-706, préc.) alors que les requérants invoquaient une atteinte à la garantie des droits protégée par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789 (N° Lexbase : L6813BHS), la méconnaissance de l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi ; enfin, ces dispositions engendreraient des différences de traitement injustifiées entre les employeurs et salariés des secteurs d'activité relevant de caisses de congés payés et les autres, ainsi qu'entre les salariés des secteurs d'activité relevant d'une caisse de congés payés selon qu'ils prennent ou non l'intégralité de leurs congés, en violation du principe d'égalité devant la loi.
L'argument de la complexité a été écarté (cons. 7) ; la violation de l'article 16 de la Déclaration de 1789 des Droits de l'Homme (N° Lexbase : L1363A9D) (garantie des droits ; séparation des pouvoirs) n'a pas été non plus retenue (cons. 10) : en prévoyant que les cotisations sociales et autres contributions seront recouvrées par ces organismes lors de la perception par les caisses de congés payés des sommes dues par les employeurs au titre des indemnités de congés payés dues à leurs salariés, l'article 23 n'a ni porté atteinte à une situation légalement acquise ni remis en cause les effets qui pouvaient légitimement être attendus d'une telle situation. Enfin, l'atteinte au principe d'égalité n'a pas été caractérisée (cons. 12 et 13), dans la mesure où les employeurs affiliés à une caisse de congés payés ne se trouvent pas, au regard des règles relatives au recouvrement des cotisations sociales et autres contributions correspondant aux indemnités de congés payés servies à leurs salariés, dans la même situation que les autres employeurs. La différence de traitement résultant de ce que les premiers seront à terme tenus, de s'acquitter, auprès des URSSAF et par anticipation, des cotisations sociales et autres contributions correspondant aux indemnités de congés payés dues à leurs salariés est fondée sur une différence de situation en rapport direct avec l'objectif poursuivi par le législateur.
2 - Contrôle et au recouvrement des cotisations et contributions sociales
La LFSS 2015 a effectué des ajustements dans les relations entre les cotisants et les organismes chargés du contrôle et du recouvrement des cotisations et contributions de Sécurité sociale (art. 24 ; CSS, art. L. 243-7 N° Lexbase : L4459IRL, L. 243-13 N° Lexbase : L1297I78 et L. 652-3 N° Lexbase : L1295I74; C. rur et peche mar., art. L. 724-7-1 N° Lexbase : L1200I7L, L. 724-7 N° Lexbase : L1200I7L et L. 725-12 N° Lexbase : L0823IZI) (20).
- Limitation à trois mois de la durée des contrôles effectués par les Urssaf dans les très petites entreprises
La LFSS 2015 (art. 24) fixe à trois mois la durée maximale des contrôles effectués par les URSSAF dans les entreprises employant moins de dix salariés ainsi que chez les travailleurs indépendants. Ce délai correspond à celui fixé à l'article 52 du livre des procédures fiscales pour les contrôles fiscaux effectués auprès des très petites entreprises.
- Extension du champ de contrôle des URSSAF
La LFSS 2015 (art. 24) autorise les contrôles des inspecteurs des Urssaf dans les structures qui, sans avoir la qualité d'employeur, versent des rémunérations aux salariés d'employeurs faisant eux-mêmes l'objet d'un contrôle.
- Transactions entre les cotisants et les organismes de recouvrement
La LFSS 2015 (art. 24) s'inspire de l'article L. 247 du Livre des procédures fiscales (N° Lexbase : L3686I3W) prévoyant la possibilité pour un contribuable de conclure une transaction avec l'administration fiscale. Le législateur a donc étendu ce dispositif aux relations entre les cotisants et les URSSAF (CSS, nouvel article L. 243-6-5).
- Procédure d'opposition à tiers détenteur
Les organismes de recouvrement peuvent obtenir, au moyen d'une opposition à tiers détenteur, des créances détenues auprès de tiers par des cotisants redevables de cotisations. La LFSS 2015 (art. 24 ; CSS, art. L. 652-3) propose de définir trois cas pour lesquels, sauf décision contraire du juge, le paiement ne sera pas différé : lorsque la créance est liée à une situation de travail dissimulé ; lorsqu'il a été fait obstacle au contrôle ayant donné lieu à la définition de la créance ; lorsque le titre exécutoire de la créance a donné lieu à un recours jugé dilatoire ou abusif.
- Remboursement de cotisations AT-MP indues
Un employeur qui estime avoir versé indument des cotisations à la suite d'une erreur de tarification dispose d'un délai de trois ans, calculé à partir de la date d'acquittement de ces cotisations, pour contester ce versement et en demander le remboursement (CSS, art. L. 243-6 N° Lexbase : L1300I7B). Lorsque l'obligation de remboursement est imposée par une décision juridictionnelle, la demande de remboursement ne peut porter que sur la période postérieure au 1er janvier de la troisième année précédant celle où cette décision juridictionnelle a été rendue (N-3 par rapport à l'année de la décision). Selon la Cour de cassation (Cass. civ. 2, 3 mars 2011, n° 10-30.554 N° Lexbase : A3521G48) et la doctrine administrative (Circulaire ACOSS/CNAMTS du 24 juin 2009 N° Lexbase : L4902IEB), tout recours de l'employeur à l'encontre d'une décision ayant une incidence sur le niveau des cotisations était interruptif de prescription.
En 2013 (21), la Cour de cassation et certains juges du fond (22), ont pris une position inverse : les contestations portées devant une CPAM sur la nature d'un sinistre n'interrompent pas la prescription de l'action en remboursement devant les URSSAF. Seul un recours conservatoire auprès de la CARSAT ou de la CNITAAT, dans les deux mois suivant la notification du taux de cotisation, est de nature à interrompre la prescription, à condition que l'Urssaf ait été également informée de cette contestation.
Ces solutions ont été consacrées par l'ACOSS (Lettre-circ. ACOSS n° 2014-0000001, 28 janvier 2014 N° Lexbase : L4902IEB) (23). Pour l'ACOSS, ne sont pas considérées comme interruptives du cours de la prescription de l'action en remboursement (CSS, art. L. 243-6) les contestations d'ordre individuelles portées devant les CPAM (ainsi que les potentielles suites contentieuses devant les TASS et les TCI). En revanche, sont considérées comme interruptives du cours de la prescription de l'action en remboursement les saisines CARSAT d'une demande en minoration des taux annuels notifiés et les saisines CNITAAT d'une demande en minoration des taux annuels notifiés.
En application de cette jurisprudence, l'employeur doit former un recours à l'encontre de la décision de la CPAM sur le caractère professionnel d'un sinistre ainsi que plusieurs recours conservatoires devant la CARSAT (un pour chaque année au titre de laquelle le taux de cotisation a été notifié par la CARSAT), voire devant la CNITAAT.
Le rapport annuel de la CNITAAT indique que les recours conservatoires sont passés d'à peine 200 en 2011 à près de 2 000 en 2013. La Cour de cassation (rapports publics annuels pour 2012 et 2013) a préconisé une réécriture de l'article L. 243-6 du Code de la Sécurité sociale. Un certain nombre de cours d'appel avaient montré les limites de cette jurisprudence de la Cour de cassation, notamment la cour d'appel de Toulouse (CA Toulouse, 4ème ch., sect. 2, ch. soc., 6 septembre 2013, n° 11/04343 N° Lexbase : A5199KKR) (24).
La Cour de cassation s'est à nouveau prononcée sur la question du point de départ de la prescription, par une décision QPC (Cass. civ. 2, 10 juillet 2014, n° 13-25.985, F-S+P+B N° Lexbase : A4147MU7) (25) : désormais, lorsque l'indu résulte d'une décision administrative ou juridictionnelle, le délai de prescription de l'action en restitution des cotisations en cause ne peut commencer à courir avant la naissance de l'obligation de remboursement découlant de cette décision. En d'autres termes, le délai de prescription (trois ans) pour former la demande de remboursement ne court qu'à la notification du taux minoré de cotisations.
Dans le même sens, la LFSS 2015 simplifie le régime de l'action en remboursement de cotisations AT-MP indues afin que l'employeur n'ait plus à multiplier le nombre de recours à caractère essentiellement conservatoire (art. 27 ; CSS, art. L. 243-6) (26). L'action engagée en matière de tarification, aussi bien devant une CARSAT que devant une CPAM, se voit conférer un effet interruptif de la prescription applicable aux cotisations correspondantes, quelle que soit la date à laquelle celles-ci ont été versées. Si un recours devant une CPAM ou une CARSAT entraîne une minoration du taux de cotisation AT-MP initialement notifié à l'entreprise par la CARSAT, l'entreprise peut prétendre à un remboursement de l'intégralité des cotisations indues. La demande de remboursement pourra porter sur l'ensemble de la période au titre de laquelle les taux sont rectifiés, même si cette période excède trois années à partir de la date de versement des cotisations.
4 - Recouvrement des cotisations du régime de la mutualité sociale agricole
La LFSS 2015 simplifie le mécanisme de remises de pénalités et des majorations de retard dans le régime agricole et d'élargir la dématérialisation des déclarations et des versements des cotisations et contributions sociales des non-salariés agricoles (art. 29 ; C. rur. et peche mar., art. L. 723-35 N° Lexbase : L3957G9G et L. 731-13-2 N° Lexbase : L1204I7Q) (27).
(1) LSQ, n° 16741, du 29 décembre 2014.
(2) R. Lafore, Coup de rabot sur la politique familiale, Dr. soc., 2014, p. 873. La modulation des allocations familiales en fonction des ressources du ménage, prévue par la LFSS 2015, a été validée par le Conseil constitutionnel (décision n° 2014-706 DC du 18 décembre 2014 N° Lexbase : A7888M7B ; LSQ, n° 16738, du 22 décembre 2014).
(3) G. Bapt et alii, rapport Assemblée nationale n° 2384, 20 novembre 2014, p. 23 ; J.-M. Vanlerenbergue, rapport Sénat n° 127 (2014-2015), 26 novembre 2014, p. 16.
(4) G. Bapt et alii, rapport Assemblée nationale n° 2384, 20 novembre 2014, p. 31 ; J.-M. Vanlerenbergue, rapport Sénat n° 127, préc., 26 novembre 2014, p. 22
(5) J.-M. Vanlerenbergue et alii, rapport Sénat n° 83, préc., 5 novembre 2014, p. 80 ; G. Bapt et alii, rapport Assemblée nationale n° 2384, 20 novembre 2014, p. 33 ; J.-M. Vanlerenbergue, rapport Sénat n° 127, préc., 26 novembre 2014, p. 24.
(6) J.-M. Vanlerenbergue et alii, rapport Sénat n° 83, préc., 5 novembre 2014, p. 82-83.
(7) Art. 7 ; (CSS, art. L. 131-1 N° Lexbase : L1385I7G, L. 131-1-1 N° Lexbase : L1193I7C, L. 131-2 [LXB= L1249I7E], L. 131-3 [LXB= L1245I7A], art. L. 133-10 N° Lexbase : L1198I7I, L. 136-2 N° Lexbase : L1397IZR, L. 136-5 N° Lexbase : L0133IWT, L. 136-8 N° Lexbase : L1243I78, L. 137-11-1 N° Lexbase : L1241I74, L. 241-3 N° Lexbase : L9689I3A, L. 242-13 N° Lexbase : L1240I73, L. 243-2 N° Lexbase : L1239I7Z, L. 244-1 N° Lexbase : L1238I7Y, L. 244-11 N° Lexbase : L1237I7X, L. 244-14 N° Lexbase : L1236I7W et L. 612-9 N° Lexbase : L6958IUA ; CASF, art. L. 14-10-4 N° Lexbase : L1247I7C ; CGI, art. 154 quinquies N° Lexbase : L1246I7B ; C. rur. et de la pêche mar., art. L. 761-10 N° Lexbase : L2897ICB ; article 14 de l'ordonnance n° 96-50, du 24 janvier 1996, relative au remboursement de la dette sociale N° Lexbase : L1330AI4). Biblio : J.-M. Vanlerenbergue, et alii, rapport Sénat n° 83, préc., 5 novembre 2015, Tome VII, Examen des articles, p. 47 ; G. Bapt, et alii, rapport Assemblée nationale n° 2384, préc., 20 novembre 2014, p. 19 ; J.-M. Vanlerenbergue, rapport Sénat n° 127, préc., 26 novembre 2014, p. 15.
(8) La CSG n'est appliquée qu'aux pensions et allocations de retraite ou de chômage perçues par des personnes dont les derniers revenus fiscaux connus étaient supérieurs au seuil d'assujettissement à la taxe d'habitation de certaines catégories de contribuables, notamment les personnes de plus de 60 ans et les veufs et veuves. Ce seuil de perte d'exonération de CSG, maintenu et revalorisé depuis lors, correspond en 2014 à un revenu fiscal de référence de 10 224 euros pour la première part de quotient familial, majoré de 2 839 euros pour chaque demi-part supplémentaire.
(9) En 1997, la CSG est passée à 3,4 %. Un mécanisme de taux réduits s'est ajouté aux règles d'exclusion d'assiette, au bénéficie des retraités et chômeurs : un taux réduit de 1% (porté à 3,8% à compter de 1998) s'est appliqué, sous condition de revenus (CGI, art. 1657, I bis).
(10) Cour des comptes, rapport annuel 2013.
(11) J.-M. Vanlerenbergue et alii, rapport Sénat n° 83, 5 novembre 2014, préc., p. 54 ; G. Bapt et alii, rapport Assemblée nationale n° 2384, 20 novembre 2014, p. 20 ; J.-M. Vanlerenbergue, rapport Sénat n° 127 (2014-2015), 26 novembre 2014, p. 16.
(12) J.-M. Vanlerenbergue et alii, rapport Sénat n° 83, 5 novembre 2014, préc., p. 59 ; J.-M. Vanlerenbergue, rapport Sénat n° 127 (2014-2015), 26 novembre 2014, p. 18.
(13) J.-M. Vanlerenbergue et alii, rapport Sénat n° 83, préc., p. 62.
(14) J.-M. Vanlerenbergue et alii, rapport Sénat n° 83, préc., p. 55.
(15) J.-M. Vanlerenbergue et alii, rapport Sénat n° 83, préc., p. 62.
(16) J.-M. Vanlerenbergue et alii, rapport Sénat n° 83, préc., 5 novembre 2014, p. 63 ; G. Bapt et alii, rapport Assemblée nationale n° 2384, 20 novembre 2014, p. 25 ; J.-M. Vanlerenbergue, rapport Sénat n° 127 (2014-2015), 26 novembre 2014, p. 19.
(17) J.-M. Vanlerenbergue et alii, rapport Sénat n° 83, préc., 5 novembre 2014, p. 83 ; G. Bapt et alii, rapport Assemblée nationale n° 2384, 20 novembre 2014, p. 39.
(18) G. Bapt et alii, rapport Assemblée nationale n° 2384, 20 novembre 2014, p. 32 ; J.-M. Vanlerenbergue, rapport Sénat n° 127, préc., 26 novembre 2014, p. 23.
(19) J.-M. Vanlerenbergue et alii, rapport Sénat n° 83, préc., 5 novembre 2014, p. 100 ; Igas, Audit du réseau des caisses de congés-intempéries du BTP, juin 2011 ; LSQ, n° 16682, du 2 octobre 2014.
(20) G. Bapt et alii, rapport Assemblée nationale n° 2384, 20 novembre 2014, p. 45 ; J.-M. Vanlerenbergue, rapport Sénat n° 127, préc., 26 novembre 2014, p. 28 ; J.-M. Vanlerenbergue et alii, rapport Sénat n° 83, préc., 5 novembre 2014, p. 107 ; LSQ, n° 16682, du 2 octobre 2014.
(21) Cass. civ. 2, 24 janvier 2013, n° 11-22.585, FS-P+B (N° Lexbase : A8833I3K), Bull. civ. 2013, II, n° 12 ; JCP éd. S, 2013, n° 1128, note C.-F. Pradel, P. Pradel-Boureux et V. Pradel ; JCP éd. E, 2013, 1608, § 6, obs. C. Morin ; Cass. civ. 2, 10 octobre 2013, n° 12-23.477, F-S+P+B (N° Lexbase : A6793KMK), JCP éd. S, n° 1434, note C.-F. Pradel, P. Pradel-Boureux et V. Pradel ; V. aussi C.-F. Pradel, P. Pradel-Boureux et V. Pradel, CPAM ? URSSAF, CARSAT ? Vers qui l'employeur peut-il se diriger pour faire échec à la prescription de l'article L. 243-6 ?, JCP éd. S, 2013, n° 1277 ; A. Vanhaecke et C. Mo, Contestation d'accidents du travail et de maladies professionnelles : retour sur une année de jurisprudence (erratique), JSL, 2014, p. 362.
(22) CA Orléans, 27 mars 2013, n° 11/02711 (N° Lexbase : A0359KBW) : la demande en remboursement des cotisations de Sécurité sociale indûment versées se prescrit par trois ans à compter de la date à laquelle lesdites cotisations ont été acquittées.
(23) Lexbase Hebdo n° 558 du 13 février 2014 - édition sociale (N° Lexbase : N0696BUC) ; JCP éd. E, n° 7, 13 février 2014, act. 131 ; JCP éd. S n° 6, 11 février 2014, act. 65.
(24) CA Poitiers, 6 mars 2013, n° 11/04343 (N° Lexbase : A1386I99), cité par C.-F. Pradel, P. Pradel-Boureux et V. Pradel, Point de départ de la prescription de l'action en restitution de cotisations, note sous Cass. 2e civ., 10 juillet 2014, n° 13-25.985, QPC, FS-P+B, (N° Lexbase : A4147MU7), JCP éd. S, n° 31-36, 5 Août 2014, 1336.
(25) LSQ, n° 2, du 6 janvier 2015.
(26) J.-M. Vanlerenbergue et alii, rapport Sénat n° 83, préc., 5 novembre 2014, p. 113 ; LSQ, n° 16682, du 2 octobre 2014.
(27) J.-M. Vanlerenbergue et alii, rapport Sénat n° 83, préc., 5 novembre 2014, p. 113 ; LSQ, n° 16682, du 2 octobre 2014.
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Réf. : Cass. civ. 2, 18 décembre 2014, n° 13-24.449, FS+P+B (N° Lexbase : A2891M8L)
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Réf. : Loi n° 2014-1545 du 20 décembre 2014, relative à la simplification de la vie des entreprises et portant diverses dispositions de simplification et de clarification du droit et des procédures administratives (N° Lexbase : L0720I7S)
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Le 17 Mars 2015
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Réf. : Aut. conc., avis n° 15-A-01 du 6 janvier 2015 (N° Lexbase : X3075APL)
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Le 17 Mars 2015
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Réf. : Décret n° 2014-1661 du 29 décembre 2014, prolongeant le délai de validité des permis de construire, des permis d'aménager, des permis de démolir et des décisions de non-opposition à une déclaration préalable (N° Lexbase : L3183I7Z)
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