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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication
Le 27 Novembre 2014
Ici, le juge se prononce sur les difficultés de mise en oeuvre de la pratique religieuse d'un enfant en résidence alternée, alors que les parents appartiennent à des confessions différentes. Pour trancher ce conflit ramené juridiquement à l'exercice de l'autorité parentale, la cour recherche quelle était la pratique religieuse passée des parents à l'égard de leur enfant, afin de maintenir une stabilité nécessaire à son bon développement. Mais, les parents ne démontraient pas les choix d'éducation qu'ils avaient réalisés du temps de la vie commune et ne faisaient pas même état de la pratique religieuse qu'ils faisaient suivre à leur enfant. Ainsi et compte tenu de la résidence alternée mise en oeuvre, le juge décide que l'enfant célébrerait les fêtes religieuses de l'une ou l'autre religion, avec le parent chez lequel il serait hébergé dans le cadre de l'alternance et qu'il en serait de même s'agissant du régime alimentaire.
La demande du père tendant à ce qu'il soit enjoint à la mère de respecter sa religion et de veiller à ce que l'enfant ne mange pas de viande non cashère, et qui sollicitait, par ailleurs, de pouvoir passer plusieurs fêtes religieuses avec son enfant est rejetée. Les juges d'appel relèvent que les parents étant de confessions différentes, il serait dommageable pour ce jeune enfant qui avait ainsi la possibilité de bénéficier de deux cultures religieuses, ce qui constituait un enrichissement spirituel certain, que cette différence religieuse devienne une source de discorde supplémentaire. Ce faisant, parés des attributs de la puissance de l'hermine, ils ordonnent le syncrétisme confessionnel, cultuel et familial pour le bien-être de l'enfant.
"Le jardinier peut décider de ce qui convient aux carottes, mais nul ne peut choisir le bien des autres à leur place" (dans Le Diable et le bon Dieu) ; mais Sartre oubliait volontairement la magistrature qui, seule, est habilité par la souveraineté populaire à savoir ce qui est bien pour l'autre, et singulièrement, pour l'enfant. Faisant une application des plus strictes de la laïcité, ordonnant le respect de la pratique de toutes les religions, et plus particulièrement celles du Livre, le juge, loin d'encourager le renoncement à tout exercice religieux lorsqu'il est conflictuel ou disparate au sein des foyers alternés de l'enfant, fait sien, d'abord, Diderot, puis Marx.
Le premier, dans Jacques le fataliste et son maître, écrivait : "Elle disait plaisamment de la religion et des lois, que c'était une paire de béquilles qu'il ne fallait pas ôter à ceux qui avaient les jambes faibles". La cour versaillaise dit-elle autre chose, lorsqu'elle décide que ce jeune enfant avait ainsi la possibilité de bénéficier de deux cultures religieuses, ce qui constituait un enrichissement spirituel certain ? Tout retrait de l'exercice religieux apparaît dès lors comme le retrait d'une force pour combler la faiblesse inhérente de l'enfant. Durkheim ne disait-il pas que la religion n'est pas un système d'idées mais justement de forces -il est vrai pas dans la même acceptation du terme- ?
Pour le second, dont la méfiance à l'égard de la religion n'est plus à démontrer, accompagné de Bergson et de Nietzsche, "C'est l'Homme qui fait la religion, ce n'est pas la religion qui fait l'Homme" ; si bien que le juge s'exécute en équité et réalise le syncrétisme asynchrone religieux le plus parfait : chez papa, la religion du père ; chez maman, celle de la mère... de toute manière, tout cela est affaire culturelle, bien plus que cultuelle ; affaire de spiritualité, bien plus que de foi !
L'expérience judiciaire n'est pas anodine. Certes, l'on connaît le syncrétisme, comme la fusion de différents cultes ou de doctrines religieuses. L'on sait bien que Mitra n'est pas une déesse romaine, mais que son ascendance phrygienne ne l'empêchait pas d'être vénérée sur le Capitole ; comme on sait que Noël a des origines bien plus païennes qu'il n'y paraît. Le paganisme des Saturnales n'empêche pas l'adoration des mages dans tous les foyers chrétiens et autres... Plus avéré et, évident encore, bien que condamné par les jésuites, le syncrétisme amérindien, alliant les cultes précolombiens à la découverte du christianisme, fut l'indubitable accélérateur de l'évangélisation sud-américaine. Et, cette fusion cultuelle, confessionnelle, n'est pas propre à la religion chrétienne. La cohabitation du bouddhisme et du shintoïsme au Japon, depuis le VIII siècle, illustre parfaitement cette tolérance, cette acceptation, puis ce mélange religieux. Mais, tous ces syncrétismes, aussi difficiles à réaliser pour la paix des Hommes et des consciences qu'ils puissent avoir été, n'entraînaient pas d'ubiquité religieuse. L'Homme pratiquait de conserve l'ensemble des composantes, mêmes disparates, de son étrange foi. Mais, faire sabbat le samedi, et aller l'église le dimanche n'est pas un syncrétisme pacificateur. Cela évoque plus volontiers, le sort des "conversos" espagnols du XVème siècle, cachant aux yeux de l'Inquisition de Torquemada, la réalité de leur foi pour embrasser le christianisme obligatoire le dimanche matin... Rien de vrai là dedans. Et, la confusion forcée entraîne, au-delà de la richesse spirituelle (ou théologique du moins), sinon le désarroi, du moins, au final, l'inverse du but recherché : l'exclusion religieuse.
Choisir une foi, c'est exclure les autres. La religion est "un système de croyances solidaires et de pratiques relatives aux choses sacrées [...] qui unissent en une même communauté morale, appelée Eglise, ceux qui y adhèrent" enseigne Durkheim dans Les formes élémentaires de la vie religieuse. On comprendra que l'heure n'est plus au mélange des genres et des fois. En quête d'identité, sans parler de revendications identitaires, les religions, même les trois monothéismes, sont peu amènes envers le multi-confessionnalisme. Or, le but de la pratique religieuse de l'enfant, quelle qu'elle soit, est bien d'affirmer son appartenance à une Eglise, à une communauté morale. Il en va ainsi avec bien plus de complexité que d'une appétence spirituelle ou culturelle.
Pour étayer la réflexion, nous soulignerons cet arrêt de la Cour de cassation rendu le 19 novembre 2014, aux termes duquel il est prescrit que s'il est possible d'obtenir l'inscription de la mention du reniement de son baptême en regard de son nom sur le registre des baptêmes, il en est autrement en cas de demande d'effacement de la mention du baptême. En clair, le reniement est possible ; l'effacement non, en l'absence d'atteinte au droit au respect de la vie privée. La Haute juridiction relève, à la suite de la cour d'appel, que, dès le jour de son administration et en dépit de son reniement, le baptême constituait un fait dont la réalité historique ne pouvait être contestée (sic). Le syncrétisme religieux d'essence judiciaire, confinant plus au multi-confessionnalisme sans doute, est alors sinon original, du moins à surveiller, justement dans l'intérêt de l'enfant. Mais, "puisque je ne suis pas capable de choisir, je prends le choix d'autrui" (Montaigne) : tel est le sort de ces enfants n'ayant pas l'âge de choisir eux-mêmes de ne pas croire, de croire ou quoi croire. Mais, c'est là le propre de la reproduction confessionnelle que, manifestement, le juge n'entend pas, lui seul, enrayer, dans l'esprit le plus pur de la laïcité.
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par la Rédaction
Le 27 Novembre 2014
Le dossier doit comprendre la situation financière des lots, la situation financière de la copropriété, les originaux du règlement de copropriété, la totalité des modificatifs des règlements de copropriété, l'existence de contentieux, le bilan prévisionnel des travaux et notamment des travaux qui concernent les problèmes de performance énergétique.
L'acte juridique d'avocat, pour le définir, est un acte sous seing privé.
C'est un acte solennel comme l'acte notarié. L'avocat est obligé de transmettre au support dématérialisé de la profession, les actes juridiques de telle manière qu'un minutier soit assuré.
Il peut être utilisé pour tout autre type de mutation, de conventions que ce soit des cessions de fonds de commerce, des cessions de parts, des baux.
En ce qui concerne l'avant contrat, il a une propension à devenir un instrument. Il serait souhaitable qu'il devienne pour la profession un instrument obligatoire, avec l'idée d'une association quasi-automatique de l'avant-contrat avec l'acte juridique d'avocat, notamment lorsque les clients décident de mettre en vente un bien. Ainsi les avocats pourraient assurer et fournir des prestations évidemment nombreuses qui sont aujourd'hui obligatoire et qui représentent en amont un travail extrêmement important.
On s'aperçoit que, dans l'acte juridique d'avocats, il y a deux types d'avant contrat :
- la promesse unilatérale ;
- la promesse synallagmatique.
La promesse unilatérale au fond c'est une promesse de contrat et elle nécessite un suivi particulier : il faut l'enregistrer, à peine de nullité dans les 10 jours.
La promesse synallagmatique, quant à elle, c'est une vente. Elle peut être agrémentée de conditions suspensives et d'un terme, terme qui est la réitération par acte notarié du transfert de propriété.
L'acte juridique d'avocat va donc être une enveloppe. Cet acte juridique se définit en référence à l'acte notarié, qui est le modèle, il permet d'avoir : date certaine ; force probante et force exécutoire. L'acte juridique d'avocat n'a pas ces trois caractéristiques ; il ne confère pas force exécutoire, il n'a pas une date certaine à moins d'enregistrer l'avant-contrat mais, en revanche, il a intrinsèquement une force probante puisqu'il prouve que le consentement des parties a été reçu.
Dans l'acte juridique d'avocat, la mention manuscrite, dans le cadre de la loi "Scrivener", n'est pas obligatoire. Mais il est extrêmement important dans le libellé de la clause de déclarer que le client a reçu lecture des articles de la loi "Scrivener".
La promesse synallagmatique est probablement plus facile à manier en présence d'opérations classiques -vente de biens immobiliers- parce qu'elle est dans l'esprit d'une vente.
Elle va obliger l'avocat à constituer un dossier en amont, et, en réalité, ce dossier à constituer est la résultante du mandat de l'avocat.
L'avocat doit aller à la recherche d'informations ; c'est l'esprit même de la promesse synallagmatique de vente, l'esprit de l'article 1589 du Code civil : la promesse de vente vaut vente !
La force de l'acte juridique d'avocat est à la fois de sécuriser, dans la chaine des opérations, le client, le mandant, et puis "impressionner" le notaire qui va passer l'acte, c'est à dire sécuriser une étape indispensable qui fixe l'accord des partis et cela nécessite de la part de l'avocat d'avoir "l'état d'esprit" d'un notaire parce que ce métier est un métier d'écriture, de rédaction, d'écoute.
L'option de vendre ou de ne pas vendre est une décision qui n'est pas forcément optimum pour le client, et si la décision est prise de vendre et bien il y a plusieurs manières de vendre ; il y a peut-être des actes avant à faire, des décisions à prendre, des délais à attendre. Le métier de négociateur, de recherche du client, est un second métier, mais qui est indissociable du premier.
Pour que l'acte juridique d'avocat soit valide, l'avocat doit récupérer un certain nombre de documents : les actes de propriétés, vérifier les identités, demander les actes de naissance, vérifier qu'il n'y ai pas de mention RC (répertoire civil) qui peuvent révéler soit une mesure de protection ou un changement de régime matrimonial. Il faut donc apprécier la capacité des vendeurs, des parties et la nature de l'immeuble, la possibilité de le vendre, les règles d'urbanisme, etc.. Il y a donc un certain nombre de prérequis, ce sont des automatismes qui au final procèdent strictement de la technique notariale ; ce sont les préalables nécessaires à un notaire pour pouvoir passer l'acte. Simplement là, c'est l'avocat qui devra tout faire de telle sorte que son acte juridique d'avocat soit intrinsèquement inattaquable.
Il est donc fondamental de travailler sur des pièces solides, sérieuses. Il faut avoir le réflexe de demander l'état hypothécaire, les pièces d'urbanisme, la totalité des dossiers techniques, c'est-à-dire tous les diagnostics qui sont obligatoires.
Il y a un autre élément important c'est l'assainissement. En effet, depuis le 1er janvier 2011, si le vendeur n'est pas dans une situation régulière, que l'assainissement soit individuel ou collectif, l'acquéreur aura un an, à compter de la signature de l'acte notarié pour se mettre aux normes et cela peut représenter des sommes considérables. Il ne faut pas hésiter à faire des devis, pour informer l'acquéreur sur le montant de l'investissement.
Les diagnostics, la disponibilité de l'immeuble, la capacité des vendeurs, tout cela contribue à définir le prix ; l'acte juridique d'avocat est un consentement sur la vente d'un objet et la détermination d'un prix. Il ne faut donc pas que la taxe juridique d'avocat soit contestée en aval pour un prix insuffisant.
Le prix est l'aboutissement d'un processus de décantation. Et dans la détermination du prix l'avocat ne doit pas oublier tout ce qui concerne le pacte de solidarité environnemental, le pacte de solidarité écologique. Ce que l'on appelle la réglementation thermique 2012. Le permis de construire va faire basculer la partie ancienne au-delà de 40m², dans la réglementation thermique 2012. C'est-à-dire que la totalité du bâti est ainsi appréhendée existant et à venir, donc doit rentrer dans la logique de la réglementation thermique 2012. Le client doit en être informé. Sinon, lorsque, dans 2, 3, 4 ou 5 ans, ses facture d'électricité ou de chauffage auront augmenté, il s'apercevra qu'il n'a pas été informé et pourra se retourner contre l'avocat pour défaut de conseil.
Enfin, avec le bonus-malus qui va rentrer en application en 2016 sur les factures d'électricité, les diagnostics obligatoires en matière de performance énergétique pour les copropriétés de plus de 50 lots, en application en 2015, l'expertise va changer, les règles d'estimation vont changer et l'avocat devra travailler sur le prix.
L'acte juridique d'avocat est une chance pour la profession. Celle-ci doit s'inspirer de l'esprit du notariat c'est-à-dire de la rigueur du notariat sur ces questions-là.
Au travers de la transaction l'acte juridique d'avocat, appliqué à l'avant-contrat, a toute sa raison d'être.
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Réf. : Cass. civ. 1, 19 novembre 2014, n° 13-13.405, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A4437M3Q)
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Le 27 Novembre 2014
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Réf. : Cass. soc., 13 novembre 2014, n° 12-20.069, FS-P+B (N° Lexbase : A2975M3L)
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N4757BUQ
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par Christophe Radé, Professeur à la Faculté de droit de Bordeaux, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale
Le 27 Novembre 2014
Résumé
Si les qualités professionnelles ou la différence de qualité de travail peuvent constituer des motifs objectifs justifiant une différence de traitement entre deux salariés occupant le même emploi, de tels éléments susceptibles de justifier des augmentations de salaires plus importantes ou une progression plus rapide dans la grille indiciaire, pour le salarié plus méritant, ne peuvent justifier une différence de traitement lors de l'embauche, à un moment où l'employeur n'a pas encore pu apprécier les qualités professionnelles des salariés. La seule différence de diplômes ne permet pas de fonder une différence de rémunération entre des salariés qui exercent les mêmes fonctions, sauf s'il est démontré par des justifications, dont il appartient au juge de contrôler la réalité et la pertinence, que la possession d'un diplôme spécifique atteste de connaissances particulières utiles à l'exercice de la fonction occupée. |
Commentaire
I - L'employeur condamné en raison de salaires d'embauche inégaux
Contexte. Jusqu'à une période relativement récente, il semblait admis que l'entreprise constituait une sorte de micro marché de l'emploi sur lequel les opérateurs, c'est-à-dire les parties aux contrats de travail, employeur et salariés, négociaient librement le salaire, singulièrement lors de l'embauche, et que les principes d'autonomie de la volonté et de liberté contractuelle suffisaient à justifier d'éventuelles disparités, les négociateurs les plus habiles, les salariés les plus diplômés ou sachant profiter d'un renversement favorable de tendance dans le rapport entre l'offre et la demande, pouvant négocier de meilleurs conditions d'embauche et en retirer les bénéfices tout au long de leur carrière.
L'exigence de justice salariale a fini par supplanter la croyance dans les vertus de la loi de l'offre et de la demande, et les juges réclament aujourd'hui des comptes aux employeurs sur les raisons qui peuvent les pousser à mieux rémunérer certains salariés exerçant a priori les mêmes tâches que leurs collègues, lors de leur recrutement. La Cour de cassation a ainsi développé, dans les années 2000, à la fois une méthodologie permettant d'analyser ces situations, et des catégories de justifications tenant à l'expérience acquise par les salariés avant leur embauche, pour des tâches identiques ou comparables, à leur niveau de qualification, aux circonstances de leur recrutement, ou encore à l'état du marché du travail (1).
C'est précisément dans ce cadre qu'intervient cette nouvelle décision qui conforte la condamnation d'un employeur qui n'avait pas su convaincre les juges du fond.
L'affaire. Un salarié, embauché en avril 1981 en qualité d'employé aux écritures, a, par la suite, bénéficié de promotions successives jusqu'à occuper, après 1993, les fonctions de responsable de zones ventes et marketing, classé cadre, position III A de la Convention collective nationale de la métallurgie (N° Lexbase : X0590AEL), moyennant une rémunération brute annuelle de 64 470 euros. Faisant valoir que l'un de ses collègues qui occupait les mêmes fonctions que lui au sein du même service, tout en justifiant d'une ancienneté moindre, était classé au niveau III B, et percevait une rémunération supérieure de 20 % à la sienne, il avait saisi la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation judiciaire et de dommages et intérêts. Il avait convaincu la cour d'appel, ce que contestait l'employeur dans le cadre du pourvoi.
Pour obtenir la cassation, l'employeur faisait tout d'abord valoir les conditions dans lesquelles le salarié avec lequel il se comparait avait été recruté (2), ce qui justifiait un salaire d'embauche plus élevé. On reconnaît ici l'argument qui avait conduit la Cour de cassation à valider des différences de rémunération entre une directrice de crèche titulaire et sa remplaçante qui avait été embauchée avec un salaire supérieur de 20 % (3), ou le versement d'une prime au bénéfice de chercheurs provenant de pays hors Union européenne et dont la valeur sur le marché mondial des ingénieurs qualifiés justifiait le bénéfice d'une compensation (4).
Il faisait également valoir que, la différence de rémunération se justifiait par le fait que l'autre salarié était mieux diplômé (5) et que les diplômes en question étaient utiles aux fonctions exercées, s'inscrivant ici également dans le cadre de la jurisprudence développée par la Cour de cassation ces dernières années (6). L'autre salarié avait, par ailleurs, de meilleures évaluations professionnelles, et son activité générait un meilleur chiffre d'affaires, ce qui justifiait, ex post, le meilleur salaire qui lui avait été consenti.
Aucun de ces arguments n'a convaincu la Cour de cassation qui rejette le pourvoi au prix d'une décision très argumentée, mais qui repose le problème de la pertinence des critères mobilisés et de l'étendue du contrôle du juge.
II - Un contrôle judiciaire excessif ?
Qualités professionnelles et qualité du travail. La première discussion portait sur la part que représentaient les disparités dans les salaires d'embauche dans les différences actuelles entre salariés, étant entendu que ces inégalités actuelles peuvent également résulter des parcours professionnels des salariés dans l'entreprise (7). La cour d'appel avait d'ailleurs rectifié les demandes présentées par le demandeur pour tenir compte de ses performances qui étaient inférieures à celles du collègue auquel il se comparait.
La Cour rappelle ici, fort justement d'ailleurs, que ce qui est susceptible de justifier des différences de déroulements dans les carrières, n'est nullement pertinent pour justifier des salaires d'embauche différents : "si les qualités professionnelles ou la différence de qualité de travail peuvent constituer des motifs objectifs justifiant une différence de traitement entre deux salariés occupant le même emploi, de tels éléments susceptibles de justifier des augmentations de salaires plus importantes ou une progression plus rapide dans la grille indiciaire, pour le salarié plus méritant, ne peuvent justifier une différence de traitement lors de l'embauche, à un moment où l'employeur n'a pas encore pu apprécier les qualités professionnelles" (8).
Diplômes. La Cour rappelle également les termes de sa jurisprudence sur les diplômes (9), et, plus généralement, sur les qualifications acquises (10), notamment lorsque les diplômes comparés attestent de durées et de contenus pédagogiques très différents, comme un Master 2 d'un côté, et un BTS (11) ou une licence (12) de l'autre, ou l'agrégation pour le professeur de droit et le master 2 d'une vacataire (13).
La Cour rappelle qu'il convient d'aller au-delà des apparences pour s'interroger, subjectivement d'abord, sur le caractère ou non déterminant du diplôme lors de l'embauche (14), mais également objectivement, pour déterminer si ces diplômes étaient "utiles à l'exercice de la fonction occupée" (15) par les salariés (16).
La doctrine a reproché à la Cour de cassation d'avoir outrepassé les limites de sa compétence, notamment dans l'affaire "Petrossian" (17), en se permettant de juger le contenu des diplômes et des formations. En réalité, la Cour de cassation ne porte elle-même aucun jugement, mais impose simplement au juge du litige de s'interroger, et donc au travers lui l'employeur, lorsqu'il cherche à se justifier, sur la pertinence des différences entre les diplômes détenus par les salariés, ce qui n'est pas exactement la même chose.
L'examen de la jurisprudence montre que si deux salariés sont titulaires de diplômes ou de niveaux de formation comparables (baccalauréat, licence, Master), la pertinence du critère est moindre, voire nulle a priori (18). L'employeur pourra bien entendu prouver le contraire, compte tenu notamment de la spécialité des diplômes et des tâches réalisées par les salariés (19).
Dans cette nouvelle affaire, la Cour de cassation observe que ce travail d'analyse de l'adéquation des diplômes aux fonctions pour lesquelles les salariés sont recrutés, avait été bien réalisé par la cour d'appel qui avait, dès lors, pu considérer que les différences constatées, qui étaient réelles, ne justifiaient pas la différence entre les salaires d'embauche.
Par ailleurs, l'analyse comparée des conditions du recrutement montrait que si le demandeur était moins diplômé, il présentait une expérience plus forte en relation avec les fonctions exercées, ce qui est de nature à "compenser très largement" les forces en présence (20).
Valeur de la décision. Cette nouvelle décision rendue par la Cour de cassation présente d'évidents mérites : elle est bien motivée, rappelle les solutions admises par la Haute juridiction depuis une dizaine d'années maintenant, assurant ainsi la continuité et la stabilité de la jurisprudence, et trace assez nettement à la fois les limites du contrôle du juge de cassation et ceux des juges du fond.
Il n'en demeure pas moins qu'on ne saurait cacher un certain malaise persistant dans ce genre de contentieux, devant des juges du fond se livrant à une pesée aussi méticuleuse des mérites respectifs des candidats lors de leurs recrutements, comme s'ils étaient eux-mêmes assis dans le fauteuil du recruteur au moment du choix des candidats. Certes, nous comprenons à la fois l'exigence de justice salariale et la nécessité d'ériger des garde-fous pour éviter que le pouvoir de l'employeur, lors des phases de recrutement, où les salariés sont les plus fragiles, ne devienne arbitraire.
Mais la jurisprudence ne va-t-elle pas trop loin dans ce contrôle judiciaire ?
Il y a, en effet, dans tout recrutement, une part non mesurable et irréductible de subjectivité. Le contrat de travail demeure un contrat conclu intuitu personae, et on ne saurait nier que le pouvoir de séduction d'un salarié peut justifier qu'il obtienne un salaire d'embauche plus élevé, parce qu'il inspire confiance, parce qu'il dégage une meilleure impression de sérieux, ou de compétence. Nier cette part de subjectivité, c'est passer totalement à côté de ce qui fait l'essence même du recrutement, et il n'est pas certain que la méthode de comparaison, qui tente de réduire le recrutement à un acte purement rationnel, déconnecté de l'analyse des sentiments, soit parfaitement adaptée.
Par ailleurs, les développements sur la valeur justificative des diplômes et la nécessité de les mettre en perspective avec les tâches des salariés, ne nous semblent guère convaincants. L'obtention d'un diplôme de niveau supérieur ne confère pas simplement à son titulaire des compétences techniques particulières ; elle atteste d'une capacité de travail, de réflexion, de synthèse, supérieurs. Réduire la question du diplôme à celle du savoir en minimisant, voire en niant, le savoir-faire, semble, dès lors, ignorer la nature de la valeur ajoutée que confère une formation diplômante.
Dans ces conditions, le juge ne devrait-il pas se contenter ici, comme lorsqu'il contrôle les différences de traitement admises par les partenaires sociaux, d'un contrôle de l'erreur manifeste, dès lors que l'employeur apporte des justifications qui sont de nature à expliquer la différence, qui plus est, lorsque celle-ci est raisonnable, ce qui semblait être le cas ici ? Quelques semaines après avoir mis en place pareille logique lorsqu'il s'agit de vérifier que l'employeur évalue convenablement les compétences de ses salariés lorsqu'il fixe l'ordre des licenciements (21), ne pourrait-on pas voir cette méthode de contrôle se généraliser ?
(1) Sur toutes ces questions, notre ouvrage Discriminations et inégalités de traitement dans l'entreprise, éditions Liaisons, coll. Droit vivant, 232 p., 2011, sp. n° 275 s.
(2) Le poste était vacant depuis un an, il y avait pénurie de candidats qualifiés.
(3) Cass. soc., 21 juin 2005, n° 02-42.658, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A7983DII) ; voir nos obs La justification des inégalités de rémunération, Lexbase Hebdo n° 174 du 30 juin 2005 - édition sociale (N° Lexbase : N6023AIW).
(4) Cass. soc., 17 avril 2008, n° 06-45.270, FS-P+B (N° Lexbase : A9619D7E) ; voir nos obs., Affaire du Synchrotron' : la Cour de cassation persiste et signe !, Lexbase Hebdo n° 303 du 8 mai 2008 - édition sociale (N° Lexbase : N8763BEB).
(5) Il était en effet ingénieur et titulaire d'un Master 2, alors que le demandeur n'avait que le bac et un certificat de fin d'études de formation aux fonctions d'encadrement
(6) Sur cette jurisprudence, notre ouvrage Discriminations et inégalités de traitement dans l'entreprise, éditions Liaisons, coll. Droit vivant, 232 p., 2011, sp. n° 275 s.
(7) Sur ces parcours : notre ouvrage, Discriminations et inégalités de traitement dans l'entreprise, préc., n° 280.
(8) La seule prise en compte de la date d'embauche n'est pas, en elle-même suffisante : dernièrement Cass. soc., 24 septembre 2014, n° 13-10.233, FP-P+B (N° Lexbase : A3180MX3).
(9) Cass. soc., 12 mars 2008, n° 06-40.999, F-D (N° Lexbase : A3976D7E) ; Cas. soc., 10 avril 2008, n° 06-44.944, F-D (N° Lexbase : A8764D7Q) ; Cass. soc., 24 septembre 2008, n° 07-40.848, F-D (N° Lexbase : A4988EAY).
(10) Cass. soc., 10 avril 2008, n° 06-44.944, F-D (N° Lexbase : A8764D7Q).
(11) Cass. soc., 17 mars 2010, n° 08-43.088, FS-P+B (N° Lexbase : A8092ETU) ; voir nos obs., La prise en compte des diplômes dans l'individualisation des rémunérations, Lexbase Hebdo n° 389 du 31 mars 2010 - édition sociale (N° Lexbase : N7147BNZ).
(12) Cass. soc., 17 mars 2010, n° 08-43.089, FS-D (N° Lexbase : A8093ETW).
(13) Cass. soc., 16 octobre 2001, n° 00-40.775, FS-D (N° Lexbase : A9001AWB).
(14) Cass. soc., 18 juin 2008, n° 06-46.061, F-D (N° Lexbase : A2169D99).
(15) Cass. soc., 25 janvier 2011, n° 09-40.217, FS-D (N° Lexbase : A8480GQ7).
(16) Cass. soc., 16 décembre 2008, n° 07-42.107, FS-P+B+R (N° Lexbase : A9149EBH) ; Dr. soc., 2009, p. 361, obs. Ch. Radé ; JCP éd. S, 2009, n° 11, p. 61, note J.-F. Césaro ; RDT, 2009, p. 173, obs. T. Aubert-Monpeyssen ; Cass. soc., 11 janvier 2011, n° 09-66.785, F-D (N° Lexbase : A9707GP9).
(17) Cass. soc., 16 décembre 2008, n° 07-42.107, FS-P+B+R, préc..
(18) Cass. soc., 24 mars 2010, n° 08-42.093, F-D (N° Lexbase : A1509EUG) ; Dr. soc., 2010, p. 583, obs. Ch. Radé.
(19) Cass. soc., 24 mars 2010, n° 08-42.093, F-D, préc..
(20) Sur la prise en compte de l'expérience acquise au bénéfice de l'employeur précédent, dans des mêmes fonctions : Cass. soc., 15 novembre 2006, n° 04-47.156, F-P (N° Lexbase : A3328DS3) ; Bull. civ. V, n° 340 ; Cass. soc., 31 octobre 2012, n° 11-20.986, F-D (N° Lexbase : A3194IW9). Cette expérience doit toutefois être pertinente au regard des fonctions nouvelles : Cass. soc., 27 mars 2013, n° 11-28.198, F-D (N° Lexbase : A2705KBS).
(21) Cass. soc., 24 septembre 2014, n° 12-16.991, FP-P+B (N° Lexbase : A3344MX7) : si le juge ne peut, pour la mise en oeuvre de l'ordre des licenciements, substituer son appréciation des qualités professionnelles du salarié à celle de l'employeur, il lui appartient, en cas de contestation, de vérifier que l'appréciation portée sur les aptitudes professionnelles du salarié ne procède pas d'une erreur manifeste ou d'un détournement de pouvoir. Il en va ainsi lorsque l'appréciation, par l'employeur, des qualités professionnelles de la salariée avait été faussée par sa volonté d'éviter le licenciement d'un salarié moins ancien, en raison du coût de ce licenciement pour l'entreprise, caractérisant ainsi un détournement de pouvoir.
Décision
Cass. soc., 13 novembre 2014, n° 12-20.069, FS-P+B (N° Lexbase : A2975M3L). Rejet (CA Toulouse, 29 mars 2012, n° 10/03693 N° Lexbase : A8205IGY). Textes concernés : principe "à travail égal, salaire égal". Mots clef : principe "à travail égal, salaire égal" ; embauche. Liens base : (N° Lexbase : E5502EX3). |
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Réf. : Cass. soc., 19 novembre 2014, n° 13-17.729, FS-P+B (N° Lexbase : A9192M3T)
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Le 17 Mars 2015
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Réf. : Cass. civ. 1, 19 novembre 2014, n° 13-13.405, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A4437M3Q)
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N4739BU3
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Le 27 Novembre 2014
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Réf. : Cass. civ. 1, 19 novembre 2014, n° 13-25.156, FP-P+B+I (N° Lexbase : A4438M3R)
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N4738BUZ
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Le 27 Novembre 2014
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Réf. : CE 2° et 7° s-s-r., 21 novembre 2014, n° 373071, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A9470M37)
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N4790BUX
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Le 29 Novembre 2014
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N4747BUD
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par Henri Carpentier et Cécile Madec, Avocats au barreau de Nantes
Le 27 Novembre 2014
La position de la France sur la dualité des poursuites et le cumul des sanctions jusqu'à l'arrêt Grande Stevens (1). Le Conseil constitutionnel considère, depuis sa décision du 28 juillet 1989 (2), que dans l'éventualité d'une double procédure, le cumul des sanctions pénale et administrative est possible en raison de la nature différente des sanctions. La seule limite apportée est celle de la proportionnalité. Ainsi, lorsque se produit le cumul des peines, le montant global des sanctions éventuellement prononcées ne doit pas dépasser le montant le plus élevé de l'une des sanctions encourues. Il peut déjà être observé que cette condition restreint la portée protectrice des textes rappelés ci-dessus : elle ne vise que le cumul des sanctions et fait fi du cumul des poursuites. Un citoyen peut donc être poursuivi puis relaxé par l'AMF avant d'être poursuivi puis condamné devant le tribunal correctionnel, ou inversement !
La Chambre criminelle de la Cour de cassation soutient de manière constante que la dualité des sanctions administrative et pénale ne viole pas la règle du non bis in idem consacrée par l'article 4 du Protocole n° 7 à la CESDH dès lors que la réserve d'application française au Protocole limite l'application du principe aux procédures soumises aux juridictions pénales (3).
En janvier dernier, dans un arrêt du 22 janvier 2014, la Cour de cassation validait à nouveau le cumul des sanctions administrative et pénale, affirmant que l'article 50 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ne s'opposait pas au cumul des sanctions dès lors qu'il "garantit la sanction effective, proportionnée et dissuasive [...] dont dépend la réalisation de l'objectif d'intérêt général reconnu par l'Union européenne" (4) et que le principe de proportionnalité est respecté.
Le Conseil d'Etat a, de son côté, discrètement introduit une première brèche en jugeant que l'AMF, lorsqu'elle prononce des sanctions, doit être regardée comme décidant du bien-fondé d'accusations en matière pénale. Ce faisant, le Conseil d'Etat rejoint clairement la position adoptée par la CEDH (5).
Les critères d'application du principe non bis in idem posés par la CEDH. La CEDH a été saisie par des justiciables estimant que subir deux fois la même accusation puis la même peine, certes prononcée par des autorités administratives ou judiciaires différentes, contrevenait au principe non bis in idem.
Pour définir si les accusations ou les peines étaient identiques, donc idem, la Cour s'est attachée au contenu des poursuites et des peines prononcées, davantage qu'à leur simple dénomination légale.
En matière d'accusation, depuis l'arrêt "Zolotoukhine c/ Russie" du 10 février 2009, la Cour considère que "l'article 4 du protocole 7 doit être compris comme interdisant de poursuivre ou de juger une personne pour une seconde infraction' pour autant que celle-ci a pour origine des faits identiques ou des faits qui sont en substance les mêmes" (6). Dès lors, la qualification juridique des faits poursuivis à deux reprises par les autorités nationales importe moins que la nature des faits eux-mêmes.
De même, en matière de sanction, depuis l'arrêt "Engel c/ Pays-Bas" (7), une sanction est à caractère pénal selon trois critères alternatifs : (i) si la mesure est qualifiée comme telle en droit interne, (ii) si la nature de la sanction est par essence de nature pénale ou (iii) si la gravité de la sanction est telle qu'elle revêt un caractère nécessairement pénal. La Cour européenne des droits de l'Homme rejette ainsi une lecture organique de la peine prononcée qui ne se définirait que par la juridiction l'ayant prononcée, au profit d'une lecture pragmatique : quel que soit le tribunal l'ayant prononcé, une peine est de nature pénale, si elle en présente les caractéristiques. Par voie de conséquence, les juridictions dites pénales comme le tribunal correctionnel ne disposent plus du monopole de la sanction pénale.
A titre concret, la CEDH, se prononçant à propos de certaines autorités administratives françaises compétentes en droit économique et financier et disposant de pouvoir de sanction, avait déjà jugé que l'article 6 dans son volet pénal s'appliquait à la Commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers (8). Au cours de l'année 2014, la Cour européenne a été plus loin dans l'affirmation de son strict refus de tout contournement par les instances nationales du principe non bis in idem. Dans un arrêt rendu à l'unanimité le 4 mars 2014, définitif depuis le rejet du recours exercé par l'Italie en date du 8 juillet 2014, la CEDH a condamné l'Italie en raison du cumul des poursuites pénale et administrative en matière d'infractions boursières et a instamment demandé à l'Italie de "clôturer dans les plus brefs délais les poursuites pénales à l'encontre des deux mis en cause" (9).
Cet arrêt entend mettre fin aux réserves d'application apportées par les juridictions nationales au principe non bis in idem.
La validité de la réserve française au Protocole n° 7 à la CESDH. La France et l'Italie, pour se préserver la faculté de poursuivre un même individu devant l'autorité administrative en matière boursière puis devant le tribunal correctionnel, invoquaient la réserve qu'elles avaient introduite, en terme similaire, quant à l'application du Protocole n° 7 à la CESDH selon laquelle, pour la France : "le Gouvernement de la République française déclare que seules les infractions relevant en droit français de la compétence des tribunaux statuant en matière pénale doivent être regardées comme des infractions au sens des articles 2 à 4 du présent protocole".
Cette réserve était strictement liée à une lecture organique de la sanction : constitue une sanction pénale une sanction délivrée par une juridiction statuant en matière pénale.
Cependant, la Cour avait déjà remis en cause la validité d'une réserve formulée par l'Autriche à l'identique à la réserve française (10), sans succès, puisque les juridictions nationales persistaient à utiliser cette réserve pour préserver le principe de la double poursuite.
A travers l'arrêt "Grande Stevens", la Cour a écarté formellement cette réserve en raison de son caractère trop général en contradiction avec les dispositions de l'article 57 de la CESDH (N° Lexbase : L4794AQM). Elle relève notamment "qu'une réserve qui n'invoque ni ne mentionne les dispositions spécifiques de l'ordre juridique national excluant des infractions ou des procédures du champ d'application de l'article 4 du protocole 7, n'offre pas à un degré suffisant la garantie qu'elle ne va pas au-delà des dispositions explicitement écartées par l'Etat contractant. Par conséquent, la réserve invoquée par l'Italie ne satisfait pas aux exigences de l'article 57 et n'est de ce fait pas valide".
La réserve apportée par la France n'est donc plus de nature à lui permettre d'écarter davantage l'application du principe non bis in idem en droit interne, sauf à contrevenir directement au principe posé par la Cour européenne des droits de l'Homme.
Qu'en est-il de l'application du droit européen en France ? La Cour de cassation a rappelé dans ses quatre arrêts d'Assemblée plénière du 15 avril 2011 que "les Etats adhérents à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales sont tenus de respecter les décisions de la Cour européenne des droits de l'Homme, sans attendre d'être attaqués devant elle ni d'avoir modifié leur législation" (11). Les droits garantis par la Convention devant être effectifs et concrets, le principe de sécurité juridique et les nécessités d'une bonne administration de la justice ne peuvent être invoqués pour priver un justiciable de son droit à un procès équitable.
L'arrêt "Grande Stevens étant devenu définitif depuis le 8 juillet 2014, le débat sur la dualité des poursuites et le cumul des sanctions administrative et pénale a été vivement relancé dans les prétoires.
L'impact immédiat de la décision "Grande Stevens" dans l'ordre juridique français. Si les avocats plaidaient jusqu'à présent avec conviction, mais sans grand espoir de recevoir application du principe non bis in idem en cas de dualité des poursuites et de cumul des sanctions administrative et pénale, l'arrêt "Grande Stevens" de la CEDH constitue un tournant majeur.
Pour rappel, la cour d'appel de Paris avait déjà entamé les prémices d'une réforme à venir en considérant, dans un arrêt du 14 février 2012 (12), que les sanctions de l'AMF des dispositions de l'article L. 621-15, III du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L5045IZU) revêtent un caractère pénal, rappelant notamment que "le montant particulièrement élevé de ces sanctions pécuniaires et la possibilité offerte à l'Autorité des marchés financiers de leur donner une publicité les rendent assimilables à des amendes pénales ; que le caractère para-pénal de ces sanctions est renforcé par les dispositions de l'article L. 621-16 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L3132G9U), qui offre la possibilité au juge pénal d'imputer le montant de ce type de sanction sur l'amende qu'il prononce lorsqu'il statue sur les faits dont l'Autorité des marchés financiers a eu à connaître, ce qui démontre que ces deux sanctions sont de même nature".
Ainsi, par jugement en date du 4 juin 2014, le tribunal correctionnel de Paris, dans l'affaire "Altran" a annulé l'ordonnance de renvoi et a renvoyé l'affaire devant le juge d'instruction, et ce notamment parce que ce dernier avait refusé de répondre aux observations d'une partie sur la possibilité de poursuivre les prévenus déjà condamnés par l'AMF, en violation du principe non bis in idem.
Par jugement du 26 septembre 2014, dans l'affaire Pechiney et de l'OPA d'Alcan, la 11ème chambre du tribunal correctionnel a rendu une première décision au fond faisant écho direct à l'arrêt "Grande Stevens".
Le tribunal correctionnel a jugé qu'il y a tout lieu d'appliquer la règle du principe non bis in idem lorsque des sanctions ont été infligées par une autorité administrative et pénale : "il est donc vraisemblable que la jurisprudence de la Cour EDH pourrait conduire à constater comme contraire à la règle non bis in idem toute condamnation prononcée par une juridiction pénale lorsqu'est déjà intervenue une sanction de l'AMF". Ils ont également affirmé que la réserve de la France risque effectivement d'être invalidée à l'instar de la réserve de l'Autriche et de l'Italie.
Les deux principaux obstacles à l'application du principe non bis in idem viennent ainsi d'être levés.
Cependant, le tribunal a rejeté l'application de la règle non bis in idem au cas d'espèce, au regard des objectifs imposés par le législateur européen concernant la réglementation en matière d'abus de marché. Il est ainsi fait application de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européennes dans l'affaire "Äklagaren c/ Hans Äkerberg Fransson" (13). Cet arrêt établit que l'article 50 de la Charte des droits fondamentaux ne s'oppose pas à ce qu'un Etat membre impose une sanction fiscale et une sanction administrative, à la condition que la première sanction ne revête pas un caractère pénal, ce qu'il appartient à la juridiction nationale de vérifier au regard des critères "Engel" posés par la CEDH.
Le tribunal correctionnel a également retenu que le cumul des sanctions est possible lorsqu'il permet de garantir une sanction effective, proportionnée et dissuasive pour garantir l'intégrité des marchés financiers communautaires. C'est principalement sur ce dernier fondement que le tribunal a décidé que la dualité des poursuites entraînant un cumul des sanctions ne contrevenait pas à la règle non bis in idem.
Ce jugement peut faire l'objet de plusieurs remarques.
L'Union européenne a adhéré à la CESDH (TUE, art. 6 N° Lexbase : L3059INM) : elle s'est engagée à respecter les droits fondamentaux tels que reconnus dans la CESDH en tant que partie intégrante du droit de l'Union. Ainsi, si la législation européenne ne s'oppose pas au cumul des sanctions, elle impose que ce cumul ne contrevienne pas à la règle non bis in idem, comme le rappelle les juges de la 11ème chambre. Cependant, pour s'en assurer, il est essentiel de déterminer la nature des infractions en concours avant de pouvoir apprécier si le cumul des sanctions est possible.
Aussi, au regard de la jurisprudence "Grande Stevens", la décision des juges de réfuter le caractère pénal d'une sanction pécuniaire à hauteur de 1,5 million d'euros est apparue inattendue. En effet, la CEDH a considéré que les amendes allant de 500 000 à 3 000 000 d'euros revêtaient un caractère pénal : "les amendes étaient, par leur montant, d'une sévérité indéniable, entraînant pour les intéressés des conséquences patrimoniales importantes" (14).
Or, sauf à considérer de façon rétrograde et injustifiée que seul l'emprisonnement dispose du caractère pénal, une peine d'amende constitue, en toute certitude, une sanction pénale : selon l'article 132-17, alinéa 2, du Code pénal (N° Lexbase : L3757HGA), dans l'hypothèse où la loi prévoit plusieurs peines principales (peine privative de liberté, amende, etc.), la juridiction saisie a la faculté de ne prononcer que l'une des peines encourues.
Le tribunal correctionnel a également fondé son jugement eu égard aux objectifs fixés par le législateur européen pour garantir l'intégrité des marchés financiers communautaires. A ce titre, les juges se sont référés à la Directive de 2003 (Directive 2003/6 du 28 janvier 2003, sur les opérations d'initiés et les manipulations de marché N° Lexbase : L8022BBQ), mais également et surtout, au Règlement n° 596/2014 sur les abus de marché (N° Lexbase : L4814I3P) et à la Directive 2014/57/UE du 16 avril 2014, relative aux sanctions pénales applicables aux abus de marché (N° Lexbase : L5914I3G). Or, cette dernière Directive vient alourdir le dispositif actuellement en place en imposant des sanctions pénales avec un quantum minimal pour les abus de marché commis intentionnellement. Elle prévoit des peines d'emprisonnement d'au moins deux ans pour la divulgation illicite d'informations privilégiées et d'au moins quatre ans pour les opérations d'initiés ou les manipulations de marché.
Ce raisonnement se heurte aux principes posés par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'Homme de 1789 (N° Lexbase : L1372A9P), selon lequel "nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit et légalement appliquée" et par l'article 112-1 du Code pénal (N° Lexbase : L2215AMY) qui énonce que les dispositions nouvelles s'appliquent aux infractions commises avant leur entrée en vigueur, et n'ayant pas été définitivement jugées, lorsqu'elles sont moins sévères que les dispositions anciennes. La Directive n'a certes pas encore été transposée dans l'ordre juridique français. Mais ses objectifs de répression, sur lesquels les juges ont fondé leur décision, interfèrent directement avec le principe de non-rétroactivité du droit pénal.
In fine, le jugement du 26 septembre 2014 reconnaît l'application de la règle non bis in idem, tout en posant une première exception pour les infractions soumises à la législation boursière européenne, par ailleurs plus répressive et postérieure aux infractions. Pourtant, la jurisprudence de l'arrêt "Grande Stevens" a prononcé une décision dépourvue de toute ambiguïté : la règle non bis in idem s'applique en cas de dualité des poursuites pénale et administrative.
Ce jugement du 26 septembre 2014 n'est pas sans retombées sur les autres dossiers en matière d'infractions boursières, et notamment l'affaire "EADS" qui concerne également des infractions relatives aux abus de marché, jugé par la même chambre à compter du 3 octobre 2014.
Le commencement d'une nouvelle "bataille" de procédure. Dans l'affaire "EADS", les avocats de la défense ont engagé la bataille de la constitutionnalité. Deux questions prioritaire de constitutionnalité (QPC) sur le respect de la règle non bis in idem en matière boursière ont ainsi été transmises à la Cour de cassation, les juges de la 11è chambre estimant que "le Conseil constitutionnel s'est[déjà] prononcé sur le cumul des sanctions [mais] pas sur le cumul des poursuites". La Cour de cassation a désormais trois mois pour se prononcer sur la transmission (ou non) de la QPC au Conseil constitutionnel.
Quelle que soit la décision prise à l'égard de ces QPC, il ne faut pas sous-estimer l'impact de ce jugement. Il reconnaît à nouveau l'application du principe non bis in idem dans l'éventualité de poursuites administrative et pénale pour les infractions qui ne sont pas soumises au droit de l'Union.
Les autorités françaises vont donc devoir envisager une réforme du système actuellement en place concernant l'articulation des procédures administrative et judiciaire.
Quelles sont les solutions qui vont s'offrir à la France ? La France va devoir réfléchir à l'articulation ou à la refonte de la procédure AMF et de la procédure pénale pour des faits identiques punissables au titre de sanctions dites administratives et de sanctions pénales. Un choix va devoir s'opérer, mais lequel ?
Le rapport "Coulon" de 2008 (15) a déjà proposé une articulation entre la procédure de l'AMF et la procédure pénale qui tendait à ce que l'AMF saisisse le Parquet lorsque des faits lui étant soumis étaient susceptibles d'être sanctionnés pénalement et administrativement. En contrepartie, l'AMF s'engageait à surseoir à l'engagement des sanctions, le temps que l'enquête pénale soit achevée et que le Parquet considère l'opportunité des poursuites.
Une partie de la doctrine préconise la création d'un "tribunal des marchés financiers", juridiction spécialisée. D'autres envisagent d'investir l'AMF de pouvoirs juridictionnels ou d'investir une juridiction existante en lui donnant le rôle et les pouvoirs de l'AMF (16). Ces solutions visant à la création d'une juridiction ad hoc présentent toutefois l'inconvénient de faire sortir des juridictions de droit commun tout un pan du droit, tandis qu'il existe déjà des chambres spécialisées à la compétence reconnue.
A cet égard, l'articulation des procédure pénale et administrative autour du principe de subsidiarité, tel qu'il existe actuellement à la Cour pénale internationale, paraît préférable. Le principe de subsidiarité pourrait s'opérer au profit de l'AMF et ne donner pouvoir aux instances judiciaires de ne poursuivre les infractions qu'en cas d'inaction de l'AMF, ou de demande d'arbitrage en faveur de l'ordre judiciaire sollicitée par le Ministère public ou les parties au procès.
La France, si elle ne veut pas subir à nouveau l'affront d'une condamnation par la CEDH, devra choisir d'abandonner ce cumul de poursuites, qui apparaît effectivement bien artificiel : l'AMF condamne, puis transmet son dossier au juge d'instruction, lequel se fonde sur ce même dossier pour renvoyer le justiciable devant le tribunal correctionnel, qui prononce à nouveau une condamnation. Définitivement, que la peine soit qualifiée d'administrative puis de pénale, les épaules de la personne poursuivie subissent à deux reprises le même fardeau. Ce cumul doit cesser.
(1) CEDH, 4 mars 2014, Req. 18640/10 (N° Lexbase : A1275MGC).
(2) Cons. const., décision n° 89-260 DC du 28 juillet 1989 (N° Lexbase : A8202ACR). Cette décision était confirmée le 20 juillet 2012 : Cons. const., décision n° 2012-266 QPC, du 20 juillet 2012 (N° Lexbase : A9426IQ8).
(3) Cass. crim, 1er mars 2000, n° 99-86.299, publié (N° Lexbase : A1572ATE).
(4) Cass. Crim., 22 janvier 2014, n° 12-83.579, FS+P+B+R+I (N° Lexbase : A9859KZ8).
(5) CE, 6° et 1°s-s-r., 4 février 2005, n° 269001, (N° Lexbase : A4652DGE).
(6) CEDH, 10 février 2009, Req. 14939/03 N° Lexbase : A0804ED7).
(7) CEDH, 8 juin 1976, Req. 5100/71 (N° Lexbase : A5111AYX).
(8) CEDH, 30 juin 2011, Req. 25041/07 (N° Lexbase : A5583HUC).
(9) CEDH, 4 mars 2014, Req. 18640/10, préc..
(10) CEDH, 23 octobre 1995, Req. 33/1994/480/562 (N° Lexbase : A8370AWW).
(11) Ass. plén., 15 avril 2011, 4 arrêts, n° 10-17.049, P+B+R+I (N° Lexbase : A5043HN4) ; n° 10-30.242, P+B+R+I N° Lexbase : A5044HN7) ; n° 10-30.313, P+B+R+I N° Lexbase : A5050HND) et n° 10-30.316, P+B+R+I (N° Lexbase : A5045HN8) ; R. Ollard, Le droit à un procès équitable justifie la mise à mort immédiate et sans délai du régime de la garde à vue, Lexbase Hebdo n° 437 du - édition privée (N° Lexbase : N0626BSY).
(12) CA Paris, Pôle 2, 5ème ch., 14 février 2012, n° 09/06711 (N° Lexbase : A4178ICQ).
(13) CJUE, 26 février 2013, aff. C-617/10 (N° Lexbase : A6106I8N).
(14)§ 97-98 de l'arrêt "Grande Stevens", préc..
(15) Cf. rapport, La dépénalisation de la vie des affaires, La documentation française, février 2008.
(16) D. Kling et N. Huet Juridiction ad hoc. - Pourquoi ne pas traiter tout le contentieux boursier devant une seule juridiction ?, JCP éd. G, 2014, n° 493, p. 819.
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N4717BUA
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par Pierre Tifine, Professeur à l'Université de Lorraine et directeur adjoint de l'Institut de recherches sur l'évolution de la Nation et de l'Etat (IRENEE), Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition publique
Le 27 Novembre 2014
L'arrêt n° 13-17.121 du 11 juin 2014 constitue une nouvelle illustration des limites de la compétence du juge de l'expropriation. Selon l'article L. 13-1 du Code de l'expropriation (N° Lexbase : L2916HLL), "les indemnités sont fixées, à défaut d'accord amiable, par un juge de l'expropriation désigné, pour chaque département, parmi les magistrats du siège appartenant à un tribunal de grande instance". En application de ces dispositions, le juge de l'expropriation est compétent pour se prononcer sur la réparation du préjudice lié à la privation de propriété, et cela, quelles que soient les modalités de cette réparation. Ceci implique, notamment, qu'il lui appartient de connaître des contestations relatives à l'indemnisation en nature des expropriés, ce qui vise les cas où l'expropriant répare le préjudice occasionné en effectuant divers travaux intéressant la propriété de l'exproprié (1). La compétence de ce juge peut également s'étendre à d'autres domaines que l'expropriation stricto sensu. Ainsi, de nombreux textes renvoient à l'article L. 13-1 en attribuant compétence au juge de l'expropriation pour évaluer les propriétés et droits réels concernés par les interventions foncières des collectivités publiques et indemniser les propriétaires touchés par des servitudes d'utilité publique. Par exemple, en matière de droit de préemption, l'article L. 213-4 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L4939IMU) prévoit qu'à défaut d'accord amiable, le prix est fixé "par la juridiction compétente en matière d'expropriation" et ceci "selon les règles applicables en matière d'expropriation". De même, selon l'article L. 515-11 du Code de l'environnement (N° Lexbase : L2681ANM), lorsqu'une installation classée donne lieu à des servitudes d'utilité publique qui entraînent un préjudice direct, matériel et certain, les propriétaires, ainsi que les titulaires de droits réels ou leurs ayants droit, bénéficient du versement d'une indemnité qui est fixée, à défaut d'accord amiable, par le juge de l'expropriation.
La compétence du juge de l'expropriation est, toutefois, bornée par l'article L. 13-8 du Code de l'expropriation (N° Lexbase : L2926HLX), qui précise que, "lorsqu'il existe une contestation sérieuse sur le fond du droit ou sur la qualité des réclamants et toutes les fois qu'il s'élève des difficultés étrangères à la fixation du montant de l'indemnité [...] le juge règle l'indemnité indépendamment de ces contestations et difficultés sur lesquelles les parties sont renvoyées à se pourvoir devant qui de droit". Ces dispositions, en tant qu'elles permettent au juge de l'expropriation de fixer une indemnité indépendamment des contestations, ont été jugées conformes aux articles 16 (N° Lexbase : L1363A9D) et 17 (N° Lexbase : L1364A9E) de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen du 26 août 1789, relatifs respectivement au droit à un recours effectif et au droit de propriété (2).
La principale difficulté consistera alors à déterminer si la question soulevée devant le juge de l'expropriation présente, ou non, le caractère d'une "contestation sérieuse" au sens de cet article. C'est le juge de l'expropriation qui procédera à cette appréciation, sous le contrôle de la Cour de cassation (3).
Dans l'arrêt rapporté, pour fixer l'indemnité de dépossession correspondant à un lot d'un immeuble en copropriété, la cour d'appel de Montpellier avait retenu que le droit d'édifier une construction sur une surface déterminée du terrain, partie commune, avait été constitué en partie privative du fait de son intégration dans un lot "transitoire" auquel est rattachée une quote-part des parties communes. La cour d'appel avait ensuite considéré que ce droit de construire, reconnu à titre exclusif au propriétaire du lot, est un droit réel immobilier dont la consistance se trouve définie avec une précision relative dans un acte notarié du 4 septembre 1973. Il devait donc échapper à la caducité prévue par l'article 37 de la loi du 10 juillet 1965, fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis (N° Lexbase : L5536AG7). La cour d'appel avait aussi rappelé que ne sont réputés droits accessoires aux parties communes les droits mentionnés à l'article 3 de cette loi, comme le droit de surélever des bâtiments nouveaux dans les cours, parcs ou jardins constituant des parties communes, que dans le silence ou la contradiction des titres, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
La cour d'appel s'était donc prononcée manifestement sur une "contestation sérieuse sur le fond du droit des expropriés", c'est-à-dire une "difficulté étrangère à la fixation du montant de l'indemnité" au sens de l'article L. 13-8 du Code de l'expropriation, ce qui justifie la cassation du jugement d'appel.
La solution retenue se situe dans la droite ligne de la jurisprudence antérieure. Ainsi, par exemple, il a été jugé à plusieurs reprises par la Cour de cassation que le juge de l'expropriation n'est pas compétent pour trancher une contestation sérieuse concernant la fixation des limites des parcelles expropriées (4), ou encore pour modifier les limites ou les dimensions de ces parcelles (5). De la même façon, le juge de l'expropriation n'est pas compétent pour accorder une indemnité d'éviction au prétendu titulaire d'un bail rural dont l'existence est contestée (6). Dans la présente affaire, en conséquence, seul le juge de droit commun, c'est-à-dire le tribunal de grande instance, sera compétent pour statuer sur les droits des personnes expropriées.
L'arrêt n° 12VE03603 de la cour administrative d'appel de Versailles constitue une nouvelle illustration d'une jurisprudence particulièrement riche concernant la notion d'appréciation sommaire des dépenses qui doit figurer au dossier d'enquête préalable à une déclaration d'utilité publique. La cour administrative d'appel annule ici, en raison des omissions relevées dans le dossier, le jugement en date du 24 août 2012 du tribunal administratif de Versailles rejetant une demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 30 octobre 2008 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine avait déclaré d'utilité publique au profit d'un OPHLM la réalisation d'un programme de logements et déclaré cessible la parcelle de terrain dont les requérants sont propriétaires.
Rappelons qu'aux termes de l'article R. 11-3 du Code de l'expropriation (N° Lexbase : L2619HHH), "l'expropriant adresse au préfet pour être soumis à l'enquête un dossier qui comprend obligatoirement : I.- Lorsque la déclaration d'utilité publique est demandée en vue de la réalisation de travaux ou d'ouvrages : [...] 5° L'appréciation sommaire des dépenses [...]". A de nombreuses reprises, le Conseil d'Etat a rappelé qu'il s'agit, ainsi, "de permettre à tous les intéressés de s'assurer que [les] travaux ou ouvrages, compte tenu de leur coût total réel, tel qu'il peut être raisonnablement apprécié à l'époque de l'enquête, revêtent un caractère d'utilité publique" (7). Elle est utile à la fois pour l'autorité expropriante mais également pour le public -et plus précisément pour le contribuable- qui finance l'opération. Il est donc nécessaire que cette appréciation soit réaliste et qu'elle répercute l'ensemble des coûts représentés par les travaux et ouvrages visés par la déclaration d'utilité publique.
Toutefois, la portée de cette obligation doit être doublement relativisée. D'une part, comme l'a récemment rappelé le Conseil d'Etat, seules les acquisitions foncières menées en vue de la réalisation de l'opération déclarée d'utilité publique doivent être comptabilisées (8). De la même façon, n'ont pas à figurer, entre autres, le coût des différents partis envisagés (9), la rentabilité du projet (10), ou encore le coût prévisionnel des relogements temporaires rendus nécessaires par une opération de restauration immobilière (11). Plus généralement encore, les juges considèrent que le montant de la participation des diverses collectivités appelées à en assurer le financement, ainsi que les données relatives à la rentabilité économique et financière du projet (12), ou encore les capacités financières de la commune bénéficiaire de l'opération, n'ont pas à apparaître (13). D'autre part, l'exigence d'une appréciation sommaire des dépenses n'implique nullement un chiffrage précis des coûts engendrés par l'opération projetée, ce qui implique deux choses. En premier lieu, une erreur d'estimation, aboutissant à une minoration de la valeur des biens, n'est pas nécessairement sanctionnée. Il en va autrement, en revanche, lorsque cette sous-estimation est importante. Ainsi, par exemple, il a été jugé qu'une estimation inférieure des trois-quarts à celle qui aurait pu raisonnablement être faite à l'époque de l'enquête est constitutive d'une sous-estimation manifeste des dépenses occasionnées par l'opération projetée, ce qui a pour effet d'entacher d'illégalité la procédure d'expropriation (14). En second lieu, l'omission d'une dépense minime, compte tenu du coût total représenté par le projet, ne constitue pas une irrégularité susceptible d'entraîner l'annulation de la déclaration d'utilité publique. Cette solution a, par exemple, été retenue dans une affaire dans laquelle le dossier d'enquête publique omettait dans l'appréciation sommaire des dépenses le coût entraîné par l'allongement d'un des ouvrages d'art prévus dans le cadre d'une opération d'aménagement à 2 x 2 voies de plusieurs sections d'une route nationale, représentant un coût total d'un montant supérieur à l'équivalent de 150 millions d'euros (15). On voit bien toutefois, à la lumière de cet exemple, qu'il existe un lien de proportionnalité entre la dépense qui a été omise et le montant total estimé représenté par l'opération projetée : plus ce montant est élevé, plus la tolérance des juges sera grande en cas d'omission d'une dépense.
Dans la présente affaire, au contraire, l'opération projetée était d'envergure relativement modeste. Rappelons qu'était en cause la réalisation d'un programme de logements sociaux et la cessibilité d'une parcelle de terrain, propriété des requérants, dont l'expropriation apparaissait nécessaire pour sa mise en oeuvre. Le dossier soumis à enquête publique n'avait, toutefois, pas inclus, dans l'estimation sommaire des dépenses liées au projet, le coût de la parcelle contigüe à la parcelle des requérants. Or, cette parcelle, dont l'OPHLM était déjà propriétaire, avait nécessairement été acquise pour une utilisation conforme à son objet. En effet, rien au dossier n'indiquait que l'OPHLM l'aurait affectée préalablement à d'autres projets que celui de la réalisation des logements sociaux en cause. Dès lors, la cour administrative d'appel considère que les requérants sont fondés à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté le moyen tiré de ce que le dossier soumis à enquête publique ne faisait pas état du coût de l'acquisition de cette parcelle. En conséquence, la cour annule le jugement attaqué et la déclaration d'utilité publique prise par le préfet des Hauts de Seine.
La qualification de terrain à bâtir est réservée aux terrains qui, à la date de référence, répondent aux deux conditions visées par l'article L. 13-15 II (N° Lexbase : L9115IZM) du Code de l'expropriation :
- ils doivent être effectivement desservis par une voie d'accès, un réseau électrique, un réseau d'eau potable et, dans certains cas un réseau d'assainissement, à condition que ces divers réseaux soient situés à proximité immédiate des terrains en cause et soient de dimensions adaptées à la capacité de construction de ces terrains ;
- ils doivent être situés dans un secteur désigné comme constructible par le plan local d'urbanisme, ou bien, en l'absence d'un tel document, dans une partie actuellement urbanisée de la commune.
Ces conditions sont abondamment illustrées par la jurisprudence, ce qui est tout à fait normal, eu égard à l'enjeu financier que représente la qualification de terrain à bâtir. Si elles sont réunies, la qualification d'une parcelle comme terrain à bâtir est d'ordre public et le juge ne peut la refuser (16).
Ce n'est toutefois pas la principale question qui se pose en l'espèce, mais celle de la détermination de la date à laquelle doit se placer le juge de l'expropriation pour apprécier si un bien peut être qualifié de terrain à bâtir. Conformément à l'article L. 13-15 du Code de l'expropriation, si le bien doit être estimé à la date de la décision de première instance, les juges doivent l'évaluer en fonction de son usage effectif à une date dite de "référence" qui est antérieure à celle de l'estimation. Cette date se situe un an avant l'ouverture de l'enquête publique (17), mais ce principe est assorti d'exceptions, notamment pour ce qui concerne les biens soumis au droit de préemption.
Il est donc nécessaire que le juge de l'expropriation précise dans son jugement la date de référence et la qualification du bien à cette date. Dans la présente affaire, la chambre de l'expropriation de la cour d'appel de Lyon avait écarté la qualification de terrain à bâtir de la parcelle expropriée aux motifs que les réseaux de fluide préexistants étaient très insuffisants (18) et qu'il n'existait pas d'accès direct à la voie publique (19). Toutefois, les juges d'appel avaient omis de mentionner la date de référence. La Cour de cassation n'étant, dès lors, pas mise en mesure d'exercer son contrôle, elle censure le jugement attaqué.
(1) T. confl., 9 juin 1986, n° 02410 (N° Lexbase : A8190BDP), Rec. tables, p. 453, D., 1987, somm. p. 240, obs. P. Carrias ; CE 2° et 6° s-s-r., 19 novembre 1986, n° 68875, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A7242AM8), RD rur., 1987, p. 375, chron. Y. Jégouzo.
(2) Cons. const., décision n° 2012-275 QPC du 28 septembre 2012 (N° Lexbase : A5381ITH).
(3) Voir, par ex., Cass. civ. 3, 10 novembre 1998, n° 96-70.187 (N° Lexbase : A1088CRQ), AJDI, 1999, p. 236, obs. A. Bernard.
(4) Cass. civ. 3, 22 novembre 2000, n° 99-70.231 (N° Lexbase : A8830CYP).
(5) Cass. civ. 3, 24 février 1993, n° 91-70.213, publié au bulletin (N° Lexbase : A6099AHD), Bull. civ. III, 1993, n° 23, D., 1993, inf. rap. p. 67, D., 1993, somm. p. 196, obs. P. Carrias, JCP éd. G, 1993, IV, 1085, JCP éd. N, 1993, II, 40, Gaz. Pal. 8-10 août 1993, pan. dr. adm., p. 186, RD imm., 1993, p. 199, chron. C. Morel et F. Lamy, AJPI, 1994, p. 45, obs. A.B.
(6) Cass. civ. 3, 13 mars 2003, n° 02-70.005, FS-P+B (N° Lexbase : A4259A7U).
(7) CE, Ass., 23 janvier 1970, n° 68324, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A5678B8S), p. 44, AJPI, 1970, p. 338, concl. G. Baudouin, AJDA, 1970, p. 298, note A. Homont. V. récemment CE 6° s-s., 22 juin 2012, n° 337343 et n° 337378, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A5158IPQ) ; CE 6° s-s., 8 juillet 2011, n° 327729, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A9396HUK).
(8) CE 1° et 6° s-s-r., 19 octobre 2012, n° 343069, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A7054IUS), Constr.-Urb., 2012, comm. 174, note L. Santoni, Dr. rur. 2013, comm. 22, nos obs., JCP éd. A, 2012, act. 718, obs. C.-A. Dubreuil.
(9) CE 3° et 5° s-s-r., 4 février 1981, n° 14675, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A5521AKP), p. 773.
(10) CE 1° et 5° s-s-r., 6 janvier 1999, n° 73181, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A9055B7I).
(11) CE 7° et 10° s-s-r., 24 janvier 1994, n° 133575, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A9170AR3), Dr. adm. ,1994, comm. 162, LPA, 23 mars 1994, p. 8, note J. Morand-Deviller, RFDA, 1994, p. 385, JCP éd. G, 1994, IV, 813.
(12) CE 4° et 5° s-s-r., 13 juin 2005, n° 261751, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A7336DIK).
(13) CAA Bordeaux, 5ème ch., 21 mars 2011, n° 10BX00286 (N° Lexbase : A4427M3D).
(14) CE 2° et 6° s-s-r., 7 juin 1999, n° 163949, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A4555AXY) ; V. également, CE 8° et 9° s-s-r., 1er décembre 1993, n° 128100, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A1757ANE), JCP éd. G, 1994, II, 22236, concl. J. Arrighi de Casanova ; CE 3° et 5° s-s-r., 30 décembre 1998, n° 196409, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A8913ASW), Rev. jur. env., 1999, p. 116 ; CE 6° s-s., 8 juillet 2011, n° 327729, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A9396HUK).
(15) CE 2° et 6° s-s-r., 30 décembre 1998, n° 183530, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A8743ASM).
(16) Cass. civ. 3, 11 mars 1987, n° 85-70.269 (N° Lexbase : A3092CRX), D., 1987, somm. p. 250.
(17) Cass. civ. 3, 12 février 2003, n° 01-70.224, F-D (N° Lexbase : A0017A7R).
(18) Voir, dans ce sens, Cass. civ. 3, 17 janvier 1990, n° 88-70.326 (N° Lexbase : A5605CU7), Bull. civ. III, 1990, n° 23, JCP éd. G, 1990, IV, 100 ; Cass. civ. 3, 17 juin 1998, n° 97-70.067 (N° Lexbase : A8544CUY), JCP éd. G, II, 10205, note A. Bernard ; Cass. civ. 3, 5 octobre 2010, n° 09-69.276, F-D (N° Lexbase : A3812GBS).
(19) Voir, dans ce sens, Cass. civ. 3, 4 juin 1995, n° 84-70.001, AJPI, 1986, p. 203 ; Cass. civ. 3, 23 avril 2011, n° 10-16.034, FS-P+B (N° Lexbase : A2695HQU), Bull. civ. III, 2011, n° 64 ; Cass. civ. 3, 5 mai 2008, n° 08-13.711, F-D (N° Lexbase : A7568EGE).
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par Jules Bellaiche, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition fiscale
Le 27 Novembre 2014
Le CIR a été créé en 1983, puis réformé de manière importante en 2008, avec désormais, la prise en compte en volume des dépenses de recherche pour déterminer le montant du CIR. Depuis cette date, ce dispositif n'a pas évolué et reste très utilisé par les entreprises. Le Président de la République a même indiqué, le 19 octobre 2014, que le CIR était, encore aujourd'hui, le moyen le plus puissant pour soutenir et développer les investissements en France en matière de R&D.
Il faut tout d'abord faire la différence entre le CIR et le crédit d'impôt innovation (CII). Le CII est arrivé en complément du dispositif CIR et permet de prendre en compte, depuis 2013, les dépenses qui sont affectées strictement à l'innovation, et est réservé aux PME réalisant des opérations de conception de prototype ou d'installations pilotes de nouveaux produits. Le CIR a comme objectif d'aider uniquement les entreprises à accroître leur R&D, et ce, quel que soit leur taille et leur secteur d'activité. Les opérations de recherche éligibles au CIR sont : les activités de recherche fondamentale, les activités de recherche appliquée, et les activités de développement expérimental. Les dépenses éligibles au CIR sont principalement les dépenses de personnel, les frais de fonctionnement, et les dépenses de sous-traitance. Le CIR étant déclaratif, la remise du dossier justificatif intervient après le contrôle de l'administration. Il est important de signaler que toute la charge de la preuve incombe à l'entreprise.
Le CIR démarre par la définition d'un périmètre technique éligible. En avançant de la recherche fondamentale au développement expérimental, l'entreprise s'approche des besoins du marché, et par conséquent, des phases dont l'éligibilité peut être la plus critique. Le développement expérimental concerne l'extrême majorité des entreprises qui usent du CIR. Cette phase doit être la plus justifiée. Le critère le plus important, pour permettre l'éligibilité d'une opération au niveau du développement expérimental, est la référence à l'état de l'art. Elle permet de caractériser l'aspect technique novateur des développements réalisés par rapport à l'ensemble des techniques disponibles. Le second critère est la dissipation d'une incertitude. La résolution du problème ne doit pas aller de soi, il faut qu'il existe un verrou technique, et ce sont les travaux réalisés pour dissiper ces verrous qui satisferont au critère d'éligibilité. Il existe également un troisième critère qui prévoit que si l'entreprise a été au-delà de l'état de l'art et a résolu un verrou technique, elle a contribué à accroître ses connaissances en termes de savoir-faire. Ce savoir-faire étant plus facilement justifiable auprès de l'administration fiscale. En matière de développement expérimental, pour satisfaire aux conditions d'éligibilité, il faut une amélioration substantielle. Surmonter une incertitude technique n'est pas suffisant, il faut prouver un caractère de nouveauté, l'opération ne doit pas relever d'une ingénierie de routine. Les techniques utilisées par les ingénieurs ne doivent pas déjà être maîtrisées.
La finalité d'un projet R&D est l'accroissement des connaissances. Les incertitudes techniques et/ou scientifiques doivent être distinguées des incertitudes économiques ou commerciales. L'accroissement des connaissances ne doit pas être confondu avec une réduction pour une entreprise de carences particulières.
Il ne faut pas confondre un projet commercial et un projet R&D. Pour illustrer la différence entre ces deux notions, il convient de prendre l'exemple d'une entreprise qui se positionne sur un marché et crée un projet de développement d'un produit existant sur le marché. Le seul fait d'identifier des performances supérieures sur le plan technique, de l'ergonomie, ou des fonctionnalités, n'est pas une condition d'éligibilité au CII.
Par contre, s'agissant du même produit, si l'entreprise a identifié un verrou technique qui n'a jamais trouvé de solution, les travaux visant à lever le verrou seront éligibles au CIR, et l'intégration de ces travaux sous la forme d'un prototype ou d'une installation pilote (afin de prouver l'amélioration des performances) sera une opération éligible au CII.
Sur un même produit, il est possible d'avoir deux types d'opérations éligibles à la fois au CIR et au CII.
Par exemple, la première entreprise ayant créé l'airbag conducteur a dû soulever de nombreux verrous technologiques. L'entreprise qui a développé un airbag passager a juste adapté un produit existant, ce qui ne constituait pas un projet permettant d'octroyer un CIR. Par contre, l'entreprise qui a voulu installer un airbag latéral sur la portière n'a pas simplement adapté l'airbag conducteur. En effet, le fait de changer d'environnement (portière et non plus tableau de bord) a généré de nouveaux verrous, de nouvelles difficultés, rendant éligible au CIR cette adaptation. Ici l'amélioration d'un produit existant a été substantielle.
Les nouveaux services sont très difficilement éligibles au CIR. Il est quasiment impossible de prouver l'accroissement des connaissances concernant un service, même si l'innovation est réelle (par exemple le "vélib" ou le covoiturage).
II - Actualités du CIR
Trois jurisprudences récentes, portant sur les dépenses de personnel, sont à signaler. Tout d'abord s'agissant des gratifications versées aux stagiaires étudiants, le tribunal administratif de Montreuil, le 18 novembre 2013 (TA Montreuil, 18 novembre 2013, n° 1206938 N° Lexbase : A1042MGP), a précisé que les stagiaires qui travaillent en étroite collaboration avec les chercheurs pour assurer le soutien technique indispensable aux travaux de recherche et de développement expérimental doivent être regardés comme des techniciens de recherche, de sorte que les gratifications qui leur sont versées doivent être prises en compte dans les bases de calcul du CIR.
Sur l'intéressement et la participation, le Conseil d'Etat, le 12 mars 2014 (CE 3° et 8° s-s-r., 12 mars 2014, n° 365875, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A9193MGL), a précisé que les sommes versées dans ce cadre sont prises en compte dans l'assiette du CIR car elles constituent un accessoire de la rémunération. Cette solution est valable pour les déclarations 2011, 2012, et 2013.
Une dernière décision du tribunal administratif de Paris (TA Paris, 6 mars 2014, n° 1301796/2-3 N° Lexbase : A8371MUL) a indiqué que la contribution de l'employeur à une mutuelle santé collective et obligatoire, en application d'un accord d'entreprise, est un élément de rémunération des salariés qui doit être retenu pour le calcul du CIR.
S'agissant de la doctrine administrative, cette dernière a précisé, cette année, le sort des sous-traitants agréés. Le 4 avril 2014, l'administration a modifié sa doctrine relative à la prise en compte des dépenses externalisées auprès d'organismes de recherche privés dans l'assiette du CIR (BOI-BIC-RICI-10-10-20-30 N° Lexbase : X8541ALW). Les dépenses de sous-traitance ne sont éligibles que si les sociétés sont agréées auprès du ministère de la Recherche (agrément sur dossier). Mais désormais, les dépenses de recherche externalisées auprès d'un organisme agréé doivent être exclusivement retenues dans l'assiette du CIR d'un donneur d'ordre privé lorsque celui-ci peut bénéficier de ce régime. L'organisme agréé est donc tenu de déduire de la base de calcul de son propre CIR les sommes reçues du donneur d'ordre. Plus précisément, la prise en compte des dépenses externalisées dans l'assiette du CIR étant plafonnée, le montant des dépenses excédentaires, qui ne peut donc pas être pris en compte dans l'assiette du CIR du donneur d'ordre, ne peut davantage être inclus dans la base de calcul du CIR propre de l'organisme sous-traitant agréé. Ce dispositif permet d'éviter la double prise en compte du CIR à la fois chez le donneur d'ordre et chez le sous-traitant agréé. Conséquemment, de nombreuses sociétés ont demandé le retrait de leur agrément pour bénéficier du CIR.
La solution serait différente avec un donneur d'ordre public ou étranger.
La doctrine a également précisé, le même jour, que les subventions publiques remboursables ou non doivent être déduites de l'assiette du CIR au titre de l'année au cours de laquelle ou desquelles l'engagement des dépenses R&D a été réalisé (BOI-BIC-RICI -10-10-30-20 N° Lexbase : X4473ALA). Cela permet d'éviter une trop forte optimisation fiscale à ce niveau.
Le ministère de la Recherche prépare actuellement une doctrine administrative importante et attendue sur les dépenses de personnel éligibles au CIR, qui sera publiée début 2015, et qui prendra en compte ces jurisprudences.
Par ailleurs, la médiation inter-entreprise a créé, en 2014, un agrément pour des cabinets de conseils en innovation pour sécuriser l'utilisation du CIR pour les entreprises et fluidifier les relations avec l'administration.
Enfin, toujours en 2014, un comité consultatif du CIR et du CII a été créé dans le but d'intervenir sur les désaccords portant sur la réalité de l'affectation à la recherche ou à l'innovation des dépenses prises en compte pour la détermination du CIR. Les contribuables pourront poursuivre le dialogue et présenter leurs arguments techniques devant des personnes n'ayant pas pris part à la procédure de rectification. L'avis rendu par ce comité sur la qualification des dépenses ouvrant droit au CIR sera communiqué à l'entreprise. La création de ce comité était très attendue par les contribuables qui réclamaient plus de dialogue avec l'administration fiscale et les experts en charge d'évaluer l'assiette du CIR.
III - Retour d'expériences relatives aux contrôles fiscaux
Le contrôle, dans le domaine du CIR, est une nécessité. C'est un système déclaratif ; les entreprises peuvent bénéficier du dispositif CIR sur simple dépôt d'une déclaration auprès des services fiscaux. Il est fortement conseillé à l'entreprise de constituer un dossier au fur et à mesure de l'avancement de ses travaux. Et s'agissant d'une mesure fiscale, l'administration est en droit de vérifier si les éléments déclarés sont en conformité avec la législation.
L'administration fiscale est seule compétente pour déclencher les contrôles et donc pour l'application des procédures de rectification. Elle sollicite soit le ministère de la Recherche pour l'aspect R&D, soit le ministère de l'Industrie pour l'aspect innovation. Les obligations de ces deux ministères, dans le cadre d'un contrôle, sont actées respectivement aux articles L. 103 A du LPF (N° Lexbase : L3809HWY) et R. 45 B-1 du LPF (N° Lexbase : L1660IWE).
Un protocole a été signé entre les trois directeurs généraux rattachés respectivement au ministère des Finances, au ministère de la Recherche, et au ministère de l'Industrie, pour harmoniser les contrôles et répartir les tâches. L'administration fiscale va collecter les informations, les expertises seront réalisées par le ministère de la Recherche pour le CIR, et par le ministère de l'Industrie pour le CII.
L'expert ne requalifie pas les dépenses R&D en dépenses d'innovation et inversement. Il appartient à l'entreprise, si elle l'estime fondée, de faire une demande en ce sens auprès de la Direction générale des Finances publiques. Il doit également préserver le secret professionnel, il ne peut divulguer les informations relatives à son expertise qu'au service qui l'aura mandaté, à l'administration fiscale, et à la société concernée.
Un des objectifs principaux du ministère de la Recherche, grâce à ce protocole, est de monter en puissance au niveau de la rencontre avec l'expert pour essayer d'arriver à une "quasi exhaustivité" de rencontre sur tous les dossiers. Le ministère de la Recherche dispose d'environ 450 experts répartis sur l'ensemble du territoire, issus de formations diverses, et au fait de l'état des connaissances dans différents domaines.
Les principaux chefs de redressement dans le cadre du contrôle fiscal sont : l'éligibilité des projets de R&D, le calcul des dépenses de personnel éligibles, et l'établissement des dépenses de sous-traitance.
S'agissant de l'éligibilité des projets de R&D, les contrôles sont devenus beaucoup plus importants depuis la réforme de 2008. Le ministère de la Recherche fait preuve de plus en plus d'exigence concernant la justification des travaux. Cela aboutit à de nombreux rejets de dossiers en raison, notamment, d'une documentation incomplète ou qui n'apportait pas suffisamment la preuve du caractère innovant des travaux.
En pratique, certaines entreprises ont beaucoup de mal à établir un dossier complet et suffisant. La méthode et la mise en forme du dossier est primordiale. Un dossier "fourre-tout" de 300 pages ne sera même pas ouvert et amènera systématiquement à un contrôle. Par contre, un dossier synthétique d'une vingtaine de pages contenant les éléments nécessaires suffit, et est conseillé pour se voir valider l'obtention du CIR.
S'agissant du calcul des dépenses de personnel éligibles, il faut regarder, tout d'abord, la qualification de l'employé. Le salaire d'un chercheur ou d'un ingénieur entrera facilement dans l'assiette du CIR. Sinon, comme il a été vu précédemment, tout dépend de l'étroite collaboration avec les chercheurs ou encore que le salarié soit un soutien indispensable aux travaux de R&D. Le salaire d'un commercial a pu être intégré dans l'assiette du CIR car il a été prouvé que son travail était nécessaire à la réalisation du projet.
Ces notions de qualification sont assez floues et la prochaine parution au BoFip des règles concernant les dépenses de personnel éligibles, et notamment les charges sociales éligibles, viendra certainement éclaircir cette situation. Enfin, dans le but de justifier le temps consacré par un employé à la R&D, il est recommandé de mettre en place des feuilles de temps, très appréciées par l'administration.
S'agissant des dépenses de sous-traitance, le sujet a été évoqué dans la deuxième partie. Il convient cependant de préciser qu'au-delà de justifier que le sous-traitant soit agréé. Il faut désormais pouvoir transmettre les contrats de R&D signés avec le sous-traitant, les factures détaillées, les cahiers des charges, etc..
D'autre part, pour les entreprises de vêtements de luxe, il existe le crédit d'impôt collection (CIC). Néanmoins, deux obstacles subsistent à ce jour pour ces entreprises. Dans ce secteur d'activité, le déclarant délocalise la fabrication industrielle et la commercialisation, ce qui constitue un motif de rejet important du CIC. Et lorsqu'une nouvelle collection est réalisée, le prototype créé ne doit pas être vendu mais conservé par l'entreprise en stock pour bénéficier du CIC, critère difficilement respectable dans ce milieu.
Pour terminer ce chapitre sur le contrôle fiscal, il semble intéressant d'évoquer le cas particulier des CIR portant sur des projets informatiques. Ils sont très rarement considérés comme de la R&D car les sociétés informatiques travaillent beaucoup sur de l'adaptation, de l'application, de l'intégration de technologies existantes, et très peu sur de la création, même si les produits créés sont nouveaux. Il existe, par conséquent, dans ce domaine, de nombreux redressements et requalifications.
IV - Principales évolutions des pratiques de l'administration en matière de formalisation de la documentation du CIR
Il convient de préciser la nécessité pour l'entreprise de remplir correctement la déclaration 2069A et justifier la réalité des travaux effectués et l'affectation des dépenses correspondantes. La justification doit se faire en rapprochant les aspects techniques avec les dépenses qui vont valoriser ces projets.
L'administration a, pour orienter les entreprises, sorti un document présentant tous les points qui sont à renseigner, notamment dans le cadre des descriptions techniques. Il faut présenter la stratégie R&D de la société, montrer le contexte économique et scientifique du projet, et identifier les opérations R&D de manière méticuleuse en mettant en avant chacune des phases du projet, en distinguant celles qui peuvent être imputées au CIR de celles qui doivent en être écartées. La manière d'établir le dossier importe autant que le résultat obtenu. Si une entreprise démontre l'évolution par rapport à l'état de l'art, les verrous résolus, et le résultat des recherches, mais ne rend pas compte des travaux effectués, directement liés aux incertitudes et nécessaires aux opérations R&D, le dossier ne pourra pas être accepté par l'administration. La nature des travaux doit présenter un caractère éligible, c'est la principale caractéristique observée par l'administration en faveur de l'octroi du CIR.
Le dossier doit présenter les ressources humaines, montrer la qualification du personnel, prouver le temps passé par le personnel aux travaux de R&D, identifier les dépenses sous-traitées, ou encore faire l'inventaire des factures d'achat des biens amortis. Le ministère de la Recherche a mis en ligne un modèle efficace et simplifié permettant d'aider à préparer un dossier, accompagné de la liste des pièces justificatives nécessaires.
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Réf. : CE 3° et 8° s-s-r., 19 novembre 2014, n° 370564, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A9466M3Y)
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N4765BUZ
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Le 28 Novembre 2014
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Réf. : CE 3° et 8° s-s-r., 19 novembre 2014, n° 365719, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A9461M3S)
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N4766BU3
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Le 02 Décembre 2014
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Réf. : Loi organique n° 2014-1392 du 24 novembre 2014, portant application de l'article 68 de la Constitution ([LXB=])
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N4793BU3
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Le 28 Novembre 2014
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Réf. : Cass. soc., 19 novembre 2014, n° 13-23.643, FS-P+B+R (N° Lexbase : A9412M3Y)
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N4826BUB
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Le 29 Novembre 2014
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Réf. : Cass. crim., 18 novembre 2014, n° 14-81.332, F-P+B+I (N° Lexbase : A4328M3P)
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N4737BUY
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Le 27 Novembre 2014
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Réf. : Ass. plén., 7 novembre 2014, n° 14-83.739, P+B+R+I (N° Lexbase : A8445MZS)
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N4760BUT
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par Romain Ollard, Professeur à l'Université de La Réunion
Le 27 Novembre 2014
La solution. En rupture avec la position traditionnelle de la Chambre criminelle, l'Assemblée plénière énonce, à la manière d'une sentence, que "si, selon l'article 7, alinéa 1er, du Code de procédure pénale, l'action publique se prescrit à compter du jour où le crime a été commis, la prescription est suspendue en cas d'obstacle insurmontable à l'exercice des poursuites". Or en l'espèce, les agissements de Mme Y. ne pouvaient être décelés dès lors que ses "grossesses [avaient été] masquées par son obésité", que les "accouchements avaient eu lieu sans témoin, que les naissances n'[avaient] pas été déclarées à l'état civil et que les cadavres des nouveau nés étaient restés cachés jusqu'à la découverte fortuite des deux premiers corps". En conséquence, en relevant que "nul n'[avait] été en mesure de s'inquiéter de la disparition d'enfants nés clandestinement, morts dans l'anonymat et dont aucun indice apparent n'avait révélé l'existence", la chambre de l'instruction a caractérisé un "obstacle insurmontable à l'exercice des poursuites, ce dont il résultait que le délai de prescription avait été suspendu jusqu'à la découverte des cadavres".
La solution est doublement novatrice, d'une part, en ce qu'elle admet, à rebours des solutions énoncées par la Chambre criminelle, que le meurtre peut constituer une infraction clandestine, sinon par nature, du moins par réalisation. D'autre part et surtout, pour faire droit à l'exception de prescription, l'Assemblée plénière décide, non point de reporter le point départ du délai de prescription de l'action publique (I), comme il était de coutume s'agissant des infractions clandestines, mais que l'existence d'un obstacle insurmontable à l'exercice des poursuites a pour effet de suspendre le cours du délai de prescription jusqu'à la découverte de l'infraction (II). Or, si un tel changement de prisme technique, sans conséquence sur la durée globale de la prescription, semble produire exactement les mêmes effets que le report du point de départ du délai de prescription, la solution nouvelle n'en engendre pas moins un certain nombre d'incertitudes quant à sa portée réelle.
I - Infraction clandestine et report du point de départ du délai de prescription
Report prétorien du point de départ du délai de prescription. Pour les infractions instantanées, la prescription de l'action publique débute en principe au jour de la consommation de l'infraction, c'est-à-dire au jour où survient le résultat de l'infraction pénale considérée, ce qui, pour le crime de meurtre, revient à prendre en considération le jour du décès de la victime. Appliquée à l'espèce, cette règle devrait donc a priori empêcher de poursuivre les meurtres dont le décès remontait à plus dix ans, dès lors du moins qu'aucun acte de poursuite ou d'instruction interruptif n'avait été réalisé dans cet intervalle (2). Toutefois, pour les infractions dites clandestines, la jurisprudence décide que le point de départ du délai de prescription doit être fixé, non point au jour de la consommation de l'infraction, mais au jour où elle est apparue et a pu être constatée dans des conditions permettant l'exercice de l'action publique (3). Initiée à propos de l'abus de confiance et de l'abus de biens sociaux (4), cette règle purement prétorienne se justifie lorsque les faits, réalisés de manière occulte, ont été dissimulés au ministère public ou à la victime, c'est-à-dire aux personnes en mesure de décider de l'engagement des poursuites, qui n'ont dès lors pu agir à temps, parce qu'elles sont restées dans l'ignorance de l'infraction. Conçue comme une application de l'adage contra non valentem agere non currit præscriptio, la solution trouve ainsi son assise dans l'idée suivant laquelle la prescription est destinée à sanctionner la carence de l'autorité de poursuite (5).
Infractions clandestines par nature et par réalisation. Forte de cette analyse, la jurisprudence distingue deux sortes d'infractions clandestines (6). D'une part, les infractions clandestines par nature -ou "infractions occultes"- supposent comme élément constitutif que l'auteur ait agi à l'insu de la victime ; la clandestinité résulte alors de la définition même de l'infraction et participe ainsi de sa constitution (délit d'atteinte à l'intimité de la vie privée (7), délit de dissimulation d'enfant (8), délit d'altération de preuves (9)). A l'inverse, pour les infractions clandestines par réalisation d'autre part -également dites infractions "dissimulées"-, la clandestinité résulte des circonstances concrètes de sa réalisation ; ces infractions ne sont donc clandestines que par occasion, lorsque son auteur s'emploie, par divers procédés, à masquer ses agissements délictueux (délit d'atteinte à la liberté d'accès et à l'égalité des candidats dans les marchés publics (10), corruption, abus de confiance (11)). Si les deux sortes d'infractions clandestines produisent les mêmes effets, à savoir le report du point de départ du délai de prescription, leurs causes diffèrent donc : tandis que la clandestinité de l'infraction occulte procède de la définition même de l'infraction pour lui être inhérente, elle résulte, dans l'infraction dissimulée, des agissements de l'auteur qui s'attache à la masquer. Pour cette seconde catégorie d'infraction clandestine, le report du point de départ de la prescription n'est donc point nécessaire comme dans l'infraction occulte, mais opère comme une simple possibilité et suppose de démontrer, au cas par cas, des actes de dissimulation de l'infraction.
Le meurtre, infraction potentiellement clandestine par réalisation. Or, dans la mesure où la clandestinité n'est pas intégrée à la définition de l'article 221-1 du Code pénal (N° Lexbase : L0908DYB), le meurtre appartient assurément à la catégorie des infractions dissimulées, de sorte que les juges disposent d'une totale liberté pour décider, au regard des faits de l'espèce, si la prescription doit être repoussée à la date où l'homicide est apparu. La présente affaire illustre parfaitement la malléabilité de l'infraction dissimulée puisque, pour des faits identiques, la Chambre criminelle a rejeté la qualification là où les juges du fond et l'Assemblée plénière l'ont pourtant retenu, rejetant ainsi l'exception de prescription. Toutefois, il n'est pas certain que la distorsion des solutions se justifie uniquement par des considérations de fait car, en visant le seul article 7 du Code de procédure pénale, la Chambre criminelle de la Cour de cassation semble avoir voulu proscrire toute extension de la théorie de l'infraction occulte aux crimes (12), prétendant ainsi la limiter aux seuls délits et contraventions. D'ailleurs, avant cette décision de l'Assemblée plénière, la Chambre criminelle avait toujours refusé de reporter le point de départ du délai de prescription de l'action publique en matière criminelle, alors même que la clandestinité pouvait être constatée dans les faits, notamment en matière de meurtre (13).
Les crimes, infractions potentiellement clandestines par réalisation. Désormais, en vertu de la présente décision de l'Assemblée plénière, toutes les infractions, quelle que soit leur nature -criminelle, délictuelle ou contraventionnelle-, peuvent être considérées comme des infractions dissimulées (14), ce qui paraît pleinement justifié dès lors que l'exclusion des crimes ne paraît reposer sur aucune justification théorique solide. Dès lors, en effet, que, rationnellement, un crime est tout aussi dissimulable qu'une infraction de moindre gravité, comme les faits de la présente affaire suffisent d'ailleurs à le démontrer, la même cause (la dissimulation) doit produire les mêmes effets (l'échec à la prescription), aussi bien en matière criminelle qu'en matière délictuelle ou contraventionnelle. Vainement ferait-on valoir que le délai de prescription, de dix ans en matière criminelle, est suffisamment long, de sorte qu'il ne serait pas nécessaire de lui appliquer le mécanisme du report de son point de départ ; car, en matière criminelle comme ailleurs, le délai de prescription prévu par la loi n'est qu'un temps de principe susceptible d'être aménagé en raison de circonstances particulières, comme en témoigne, par exemple, le report légal du point de départ du délai de prescription de crimes contre les mineurs au jour de la majorité de la victime (15). Bien plus, ne serait-il pas paradoxal que, pour les infractions les plus graves, le début de la prescription ne puisse jamais être fixé qu'au jour des faits, là où le délai de prescription pourrait être de facto allongé pour les infractions de moindre gravité (16) ?
Double apport de la décision de l'Assemblée plénière. Mais, si l'arrêt mérite ainsi de retenir l'attention en ce qu'il admet que le meurtre -et plus largement les crimes- peuvent constituer des infractions clandestines par réalisation, l'arrêt innove encore, et peut-être surtout, quant aux effets techniques attachés à la clandestinité puisque l'Assemblée plénière décide qu'elle vient suspendre le cours du délai de prescription de l'action publique.
II - Infraction clandestine et suspension du cours du délai de prescription
L'effet suspensif ab initio de l'infraction clandestine. Alors que, traditionnellement, l'infraction clandestine emportait un report du point de départ du délai de prescription de l'action publique, l'Assemblée plénière vient rompre avec cette construction prétorienne vieille de presque cinquante ans en décidant que "la prescription est suspendue en cas d'obstacle insurmontable à l'exercice des poursuites", lequel peut être caractérisé par des faits de dissimulation de l'infraction. Le caractère occulte de l'infraction produit ainsi un effet suspensif de la prescription jusqu'à la "découverte" de l'infraction considérée. Le raisonnement mené consiste à affirmer que, dans le cas de l'infraction dissimulée, le point de départ du délai de prescription reste fixé au jour de la consommation de l'infraction ; toutefois, en raison de la clandestinité de l'infraction -conçue comme un obstacle insurmontable à l'exercice de l'action publique-, ce délai est immédiatement suspendu jusqu'au jour où cesse la clandestinité. Les prémisses d'une telle solution pourraient être trouvés dans un arrêt de la Chambre criminelle du 20 juillet 2011 (forme de revirement pour l'avenir ?) qui, après avoir rappelé la règle de l'article 7 du Code de procédure pénale, avait pris le soin d'ajouter que "seul un obstacle insurmontable à l'exercice des poursuites peut entraîner la suspension du délai de prescription de l'action publique", même si, dans cette affaire, cette condition n'avait pas été jugée remplie (17).
Appréciation de la solution. Techniquement fondée sur l'existence d'un "obstacle insurmontable à l'exercice des poursuites", la solution nouvelle se veut plus respectueuse du principe de la légalité criminelle puisqu'elle trouve son fondement dans le mécanisme de la suspension de la prescription qui, même s'il fait l'objet d'une interprétation jurisprudentielle particulièrement extensive, n'en trouve pas moins sa source dans des dispositions éparses du Code de procédure pénale (18). Or, des actes de dissimulation de l'infraction peuvent parfaitement constituer un obstacle à l'exercice des poursuites dès lors que la jurisprudence -indifférente à la cause de l'obstacle ayant pour effet de suspendre le cours du délai- admet qu'il peut consister aussi bien en un obstacle de droit qu'en un obstacle de fait (19), à la condition que la partie poursuivante puisse justifier d'une circonstance véritablement insurmontable l'ayant empêchée d'agir (20). La solution n'en est pas moins empreinte d'une large part d'artifice dans la mesure où elle procède d'un raisonnement particulièrement abstrait consistant à considérer que le point de départ du délai de prescription demeure fixé au jour de la consommation de l'infraction tout en admettant que, par l'effet de la clandestinité de l'infraction, ce délai est immédiatement suspendu, ab initio en quelque sorte. Or, dans le mécanisme de la suspension, le cours du délai de prescription est censé reprendre au moment où il s'était interrompu -le temps déjà écoulé avant l'évènement suspensif restant acquis-, de sorte qu'il apparaît pour le moins incongru, dans le cas de l'infraction clandestine, de faire reprendre le cours d'un délai qui, de fait, n'a jamais commencé à courir.
Autre mécanisme, mêmes effets ? L'artifice paraît d'ailleurs d'autant plus patent que, si la solution nouvelle attache des effets techniques différents à la clandestinité -suspension de la prescription plutôt que report de son point de départ-, elle semble produire exactement le même résultat réel puisqu'elle n'emporte a priori aucune conséquence sur la durée globale de la prescription. L'analyse pourrait toutefois être mise en doute en observant que l'Assemblée plénière admet de suspendre le cours du délai de prescription jusqu'à la "découverte" de l'infraction, là où la jurisprudence reportait traditionnellement le point de départ du délai de prescription au jour où l'infraction "est apparue et a pu être constatée dans des conditions permettant l'exercice de l'action publique". En d'autres termes, la prescription serait désormais suspendue jusqu'à la découverte effective de l'infraction, alors que, classiquement, le délai de prescription commençait à courir dès la constatation potentielle de l'infraction, c'est-à-dire au jour où, l'infraction ayant pu être découverte, l'exercice de l'action publique était devenu possible. La différence de terminologie ne doit cependant pas tromper car dès l'instant où l'infraction a pu être (potentiellement) constatée, l'obstacle à l'exercice des poursuites cesse d'être insurmontable, de sorte que la suspension de la prescription perd alors sa raison d'être. Cette dernière analyse paraît préférable, du moins s'il est admis que ces solutions extensives reposent sur l'idée que la prescription est destinée à sanctionner la carence de l'autorité de poursuite, ainsi que semble d'ailleurs venir l'accréditer le critère technique de l'"obstacle insurmontable à l'exercice des poursuites", retenu par l'Assemblée plénière.
Portée de la solution quant aux infractions concernées. Si le changement de prisme technique, sans effet sur la durée globale du délai de prescription de l'action publique, semble donc emporter, en pratique, exactement les mêmes conséquences que le report du point de départ du délai de prescription, la décision de l'Assemblée plénière interroge néanmoins quant à sa portée, spécialement quant aux infractions concernées par la solution nouvelle. D'une part, doit-elle être cantonnée aux seuls crimes ou doit-elle être étendue à toutes les infractions ? Certes, d'un côté, le visa du seul article 7 du Code de procédure pénale pourrait inciter à opter pour la première branche de l'alternative ; mais de l'autre, la même cause (l'existence d'un obstacle insurmontable à l'exercice des poursuites) devant, ici aussi, produire les mêmes effets, la suspension de la prescription devrait logiquement être étendue à l'ensemble des infractions, quelle que soit leur gravité. D'autre part et surtout, la solution, qui concerne en l'espèce une infraction clandestine par réalisation, est-elle extensible aux infractions occultes par nature ? Si telle devait être la solution, ce que, rationnellement, tout porte à croire, elle pourrait impliquer, sinon une fusion, du moins un rapprochement des deux catégories d'infractions clandestines en considérant que l'infraction occulte par nature n'emporte pas nécessairement suspension du délai de prescription. Car, en effet, le fait qu'une telle infraction doive être commise, en vertu de sa définition légale, à l'insu de la victime n'implique pas ipso facto que la dissimulation ainsi exigée constitue un obstacle insurmontable à l'exercice des poursuites. Quelle que soit la catégorie d'infraction clandestine en cause, la suspension de la prescription impliquerait ainsi de démontrer, dans chaque espèce, que la dissimulation a effectivement constitué un obstacle insurmontable à l'exercice de l'action publique (21). Ce serait là, au fond, la seule (vraie) innovation de la décision, qui ferait dans tous les cas dépendre la suspension de la prescription d'une appréciation souveraine des juges du fond -ainsi que l'Assemblée plénière l'admet d'ailleurs expressément pour les infractions clandestines par réalisation-, ce qui rendrait la matière plus casuistique encore, et ouvrirait, encore un peu plus grande, la porte à l'arbitraire judiciaire.
(1) Cass. crim., 16 octobre 2013, n° 13-85.232, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A9276KMI), JCP éd. G., 2013, 1309, note S. Détraz ; D. P., 2013, Etude 18, J.-Y. Maréchal ; D., 2013, p. 2673, note Y. Mayaud.
(2) C. pr. pén., art. 7, al. 1er (N° Lexbase : L9879IQX).
(3) V. toutefois, en sens contraire, l'avant-projet du futur Code de procédure pénale qui, en contrepartie de l'allongement de la durée des délais de prescription (C. pr. pén., nouvel art. 121-6), impose comme point de départ du délai de prescription le jour où l'infraction a été commise, "quelle que soit la date où elle a été constatée" (C. pr. pén., nouvel art. 121-7).
(4) V. déjà, Cass. crim., 18 juillet 1974, n° 73-92.016 (N° Lexbase : A0269CIS), Bull. crim., n ° 258 (abus de confiance) ; Cass. crim., 7 décembre 1967, n° 66-91.972 (N° Lexbase : A3078AUK), Bull. crim., n° 321 ; D., 1968, jurispr., p. 617, note JMR (abus de biens sociaux).
(5) V. notamment A. Varinard, La prescription de l'action publique, une institution à réformer, in Le droit pénal à l'aube du troisième millénaire, Mél. J. Pradel, Cujas, 2006, p. 605, spéc. p. 618 ; S. Guinchard et J. Buisson, Procédure pénale, LexisNexis, 9 éd., 2013, n° 1370 ; G. Lécuyer, La clandestinité de l'infraction comme justification du retard de la prescription de l'action publique, Dr. pén., 2005, étude 14, n° 8.
(6) Sur ces distinctions, v. G. Lécuyer, op. cit., n° 9 ; C. de Jacobet de Nombel, L'article 8, alinéa 3 du Code de procédure pénale, cas de report de la prescription fondé sur la clandestinité de l'infraction ?, Dr. pén., 2013, étude 3, n° 8 ; D.-N. Commaret, Point de départ du délai de prescription de l'action publique : des palliatifs jurisprudentiels, faute de réforme législative d'ensemble, Rev. sc. crim., 2004, p. 897.
(7) Cass. crim., 4 mars 1997, n° 96-84.773 (N° Lexbase : A0021CGU), Bull. crim., n° 83 ; Dr. pén., 1997, comm. 75, note M. Véron. L'analyse, qui fait de ce délit une infraction clandestine par nature, est toutefois contestable car si l'article 226-1 du Code pénal (N° Lexbase : L2092AMG) exige que les actes d'espionnage aient été réalisés sans le consentement de la victime, il ne requiert pas qu'ils l'aient été à son insu.
(8) Cass. crim., 23 juin 2004, n° 03-82.371, FP-P+F+I (N° Lexbase : A8113DCH).
(9) Cass. crim., 17 décembre 2002, n° 01-87.178, FS-P+F (N° Lexbase : A5347A4S).
(10) Cass. crim., 27 octobre 1999, n° 98-85.214 (N° Lexbase : A5608AWM).
(11) Cass. crim., 6 mai 2009, n° 08-84.107 (N° Lexbase : A9977M3W) ; Cass. crim., 2 décembre 2009, n° 08-86.381, F-P+F(N° Lexbase : A3551EP9), Bull. crim., n° 200.
(12) Ou, tout au moins, une telle exclusion valait-elle pour les crimes "dissimulés" -seuls en cause en l'espèce -, non nécessairement pour les crimes "occultes".
(13) Cass. crim., 20 juillet 2011, n° 11-83.086, F-D (N° Lexbase : A9473HWR) ; Cass. crim., 19 septembre 2006, n° 06-83.963, F-P+F (N° Lexbase : A5018DRB), Bull. crim., n° 226. Adde, en matière de séquestration arbitraire, Cass. crim., 21 janvier 2004, n° 03-81.940 (N° Lexbase : A9976M3U).
(14) A la condition, toutefois, que les infractions considérées soient effectivement dissimulables, ce qui semble exclure les infractions qui supposent un élément de publicité, comme la diffamation publique ou l'exhibition sexuelle, ou un élément d'extériorité, comme les appels téléphoniques malveillants.
(15) C. pr. pén., art. 7, al. 3 (N° Lexbase : L9879IQX).
(16) En ce sens, v. également S. Détraz, note précitée.
(17) Cass. crim., 20 juillet 2011, n° 11-83.086, F-D (N° Lexbase : A9473HWR).
(18) C. pr. pén., art. 6 (N° Lexbase : L9881IQZ) (condamnation ayant révélé la fausseté de la décision ayant déclaré l'action publique éteinte) ; art. 41-1 (N° Lexbase : L9532I3G) (procédures alternatives aux poursuites) ; art. 85 (N° Lexbase : L3897IRR) (plainte avec constitution de partie civile). Adde, Const., art. 67 (N° Lexbase : L0896AHN) (mandat du président de la République).
(19) Cass. crim., 8 août 1994, n° 93-84.847 (N° Lexbase : A8426ABP), Bull. crim., n° 288 ; Cass. crim., 29 mai 1997, n ° 96-82.691 (N° Lexbase : A7051C8N), Procédures, 1997, comm. 242, obs. J. Buisson.
(20) Cass. crim., 30 mai 2007, n° 06-86.256, F-P+F (N° Lexbase : A9546DWH), Bull. crim., n° 142.
(21) Tout au plus serait-il alors peut-être possible d'admettre que la clandestinité inhérente à l'infraction occulte est présumée constituer un obstacle insurmontable à l'exercice des poursuites, une telle présomption -simple- supportant toutefois la preuve contraire.
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Réf. : Cons. const., décision n° 2014-430 QPC, du 21 novembre 2014 (N° Lexbase : A8374M3K)
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N4740BU4
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Le 27 Novembre 2014
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