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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication
Le 20 Novembre 2014
Episode 1 de la semaine n° 46. Surveillance unique des établissements de crédit ; contrôle interne des établissements de crédit ; coussins de fonds propres des prestataires de services bancaires et des entreprises d'investissement ; identification, mesure, gestion et contrôle du risque de liquidité ; surveillance prudentielle sur base consolidée ; agrément des établissements de crédit, des sociétés de financement, des établissements de paiement et des établissements de monnaie électronique ; processus de surveillance prudentielle et d'évaluation des risques ; surveillance complémentaire des conglomérats financiers... Une ordonnance, deux décrets, sept arrêtés publiés au Journal officiel, en une seule semaine, pour donner corps au principe anti-libéral du léninisme et de sa célèbre formule : "La confiance n'exclut pas le contrôle". Et nous pourrions ajouter : "Alors, imaginez donc la défiance", lorsqu'il s'agit toujours et encore des banques...
Episode 2 de la semaine n° 46. Le 11 novembre 2014, la CJUE déniait le droit au versement des prestations sociales dans un Etat membre aux personnes ressortissantes d'un autre pays de l'UE ne recherchant pas effectivement un emploi. Les citoyens de l'Union ne recherchant pas effectivement un emploi et qui se rendent dans un autre Etat membre dans le seul but de bénéficier de l'aide sociale peuvent donc être exclus du versement de certaines prestations sociales. La Cour rappelle que, pour pouvoir accéder à certaines prestations sociales, les ressortissants d'autres Etats membres ne peuvent réclamer une égalité de traitement avec les ressortissants de l'Etat membre d'accueil que si leur séjour respecte les conditions de la Directive "Citoyen de l'Union". Ainsi, lorsque la durée du séjour est supérieure à trois mois, mais inférieure à cinq ans, la Directive conditionne le droit de séjour au fait, notamment, que les personnes économiquement inactives doivent disposer de ressources propres suffisantes, ceci afin d'empêcher que les citoyens de l'Union économiquement inactifs utilisent le système de protection sociale de l'Etat membre d'accueil pour financer leurs moyens d'existence. Ici ou là, on parle de fin du "tourisme social" -expression impropre associant loisir et malheur social-, des abus à la protection sociale qui pourraient mettre en danger le "tout sécuritaire" des sociétés modernes si le contrat social était rompu sous la pression migratoire...
Alain Marchand explique, dans Le risque, nouveau paradigme et analyseur sociétal, que "Le néolibéralisme fait du risque un paradigme qu'il oppose à la centralité du travail. Véritable analyseur sociétal, le risque est énoncé comme 'valeur des valeurs' et à ce titre occulte la place du travail dans la production et dans les rapports sociaux. Le risque crée les nouvelles temporalités de l'urgence et de l'aléa, prétend déplacer les rapports de domination et de conflictualité sur la seule prise de risque. L'individu, sommé d'être entrepreneur de lui-même' et délié, devient coupable de ses échecs et est tenté de se réfugier dans un statut de victime et dans des communautés de peurs. L'Etat social est invalidé par la construction d'un marché du social et d'une société assurantielle où la précaution cède la place à la réparation. L'insécurité sociale se conjugue alors avec un nouvel ordre sécuritaire de contrôle". C'est ce contrôle que légitime la Cour de justice de l'Union européenne pour que l'insécurité sociale nécessaire aux économies européennes perdure sur son coussin assurantiel qu'oblige la protection des peuples européens.
Episode 3 de la semaine n° 46. L'abrogation. Le mot est lâché. Peut-on revenir sur la loi relative au "mariage pour tous" ? Pour décrisper les tensions, l'on se réfugie sur le terrain juridique, seul rempart contre l'abrogation d'une mesure qui n'est pas encore ancrée dans le corps sociétal. D'abord, on évoque la loi "Bonald" du 8 mai 1816 abrogeant le divorce, pourtant dans les moeurs depuis 1792. La Restauration conserva le statut des divorcés, obligea la séparation de corps pour les instances en cours et supprima la dissolution du mariage pour l'avenir. Ce que le Peuple souverain fait, il peut le défaire. Mais, il faut dire que la question n'intéressait que 2 % de la population en 1817, et encore 1 % des femmes en 1843 ; alors la question de l'égalité, même sur les barricades des Trois Glorieuses ou de la Révolution de 1848, n'était pas des plus prégnantes. On évoque, ensuite, l'indifférence du Conseil constitutionnel qui aurait beau jeu de se soucier d'une rupture d'égalité aujourd'hui alors qu'il n'avait pas osé soulever l'argument avant l'adoption de la loi "Taubira". Enfin, on en appelle aux mânes de la Convention européenne des droits de l'Homme dont le libéralisme social et l'interprétation extensive des juges strasbourgeois pourraient forcer l'inclinaison française vers le respect des droits acquis...
"Pour les sociétés traditionnelles, il semble bien que la condition humaine ait été pensée comme inséparable du risque, dans l'ordre religieux, politique ou éthique, en ce que chaque forme de risque ouvrait vers cette dimension supérieure de l'existence qui exprime l'exigence du sens", poursuit le philosophe. "Le risque, parce qu'il met toujours une vie en jeu, est peut-être la notion métaphysique par excellence, celle qui donne son poids et son tragique au geste décisif que nous devons accomplir lorsque nous sommes sommés de le faire", enchérissait encore Jean-François Mattéi. Même si, dans les sociétés modernes, le mariage est ce risque que le principe de précaution oblige à conjuguer avec la prévisibilité de sa dissolution, retirer le mariage à une partie de la population, c'est indubitablement lui dénier la possibilité de prendre ce risque. Or, la vie ne peut être envisagée que "sous l'angle d'une existence intégrant le risque de la liberté", dont celle de se marier.
Contrôle, frein, marche arrière... le triptyque d'une société sans risque, d'une société où le non-risque est devenu un droit que l'on entend promouvoir pour apaiser les tensions.
Episode 4 de la semaine n° 46. Prenant tous les risques, l'Agence spatiale européenne posait Philae sur la comète 67P/Tchourioumov-Guérassimenko, 10 ans après son lancement ! Un pari de 1,4 milliard d'euros pour le plus grand pas de la conquête spatiale depuis celui de Neil Armstrong. Mais, il est vrai que ce risque là se profilait à 500 millions de km...
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par Didier Krajeski, Professeur à l'Université de Toulouse
Le 20 Novembre 2014
Une entreprise spécialisée dans les travaux de construction, titulaire d'un contrat "Multirisques artisan du bâtiment" souscrit par l'intermédiaire d'un courtier, se trouve en redressement judiciaire. Un administrateur est désigné avec une simple mission d'assistance. A l'occasion d'un sinistre, il apparaît que l'artisan, alors qu'il avait déclaré un salarié, en employait en fait 8. L'assureur, s'il accepte le principe de prise en charge du sinistre au titre de l'assurance de responsabilité décennale, réclame l'application de l'article L. 113-9 du Code des assurances (N° Lexbase : L0065AAN). L'indemnité devrait, selon lui, être diminuée en application d'une règle proportionnelle de prime. L'assuré estime que cette perte d'indemnité est imputable au défaut de vigilance du courtier et de l'administrateur judiciaire à son égard. Il recherche leur responsabilité. C'est sur cette question que le contentieux va se focaliser. La Cour de cassation, cassant partiellement l'arrêt de la cour d'appel de Dijon du 16 juillet 2013 (1), règle différemment le sort du courtier et de l'administrateur. L'arrêt conduit à quelques remarques relatives à la détermination des responsables.
Où les juges du fond avaient rejeté la responsabilité de l'administrateur et du courtier, la Cour de cassation décide de leur réserver un sort différencié : la responsabilité du courtier n'est pas retenue. Elle n'est cependant pas écartée par principe en raison de diligences qui seraient étrangères à sa mission. Il reste, en effet, tenu d'assister son client pendant l'exécution du contrat (2). Au contraire, la solution semble reposer sur un élément purement factuel. Au regard de cette obligation de déclaration, deux diligences peuvent être mises à la charge du courtier : attirer l'attention de l'assuré sur l'existence même de l'obligation de déclarer, et, lorsque la question se pose, attirer l'attention de l'assuré sur la nécessité de déclarer. En l'espèce, la connaissance de l'obligation de déclarer est établie par le fait que l'assuré l'a utilisée à une occasion (pour déclarer un salarié). Sur le second aspect, la solution fait ressortir que tout repose sur l'état des connaissances du courtier relativement à la situation de l'entreprise : il doit connaître l'augmentation d'effectif pour pouvoir attirer l'attention de l'assuré sur la nécessité d'en déclarer l'évolution. Or, il n'est pas démontré que le courtier ait eu connaissance en temps utiles de l'augmentation d'effectif. Aucune mise en garde n'étant possible, la responsabilité du courtier ne pouvait être engagée. En creux, il ressort de la solution que le courtier n'avait pas à rechercher cette information, sa mission lui commandant simplement de réagir rapidement et pertinemment aux informations transmises par l'assuré. On sait cependant qu'il est tenu d'être vigilant aux changements de situation de l'assuré qui pourraient rendre non pertinentes les solutions mises en place (3). La solution semble plutôt s'inscrire dans la logique de celles qui considèrent "qu'on ne pouvait raisonnablement exiger d'un courtier, qui avait déjà complètement informé son client des conditions de garantie contenues dans la police, qu'il les rappelle systématiquement" (4). Il est vrai que le contrat était particulièrement clair sur la question : "le contrat d'assurance du 8 octobre 2002 stipulait en ses conditions particulières que'l'attention de l'assuré est attirée sur l'obligation qui lui est faite de déclarer à l'assureur son effectif dès lors que celui-ci excède 01 personne(s) (non comptés pour un total de 3 personnes au maximum, le chef d'entreprise et s'il y a lieu son conjoint, ses ascendants, ses descendants et collatéraux ainsi que ses apprentis)'" (5). Le devoir de vigilance du courtier ne s'étendait donc pas à la circonstance objet du litige.
Si elle ne s'impose pas au courtier, on constate, en l'espèce, qu'une telle vigilance s'impose à l'administrateur judiciaire même si le tribunal ne lui a confié qu'une simple mission d'assistance en vertu de l'article L. 631-12 du Code de commerce (N° Lexbase : L4023HBM). Sur cette question, la motivation des juges du fond semble pourtant assez convaincante : "la souscription d'un contrat d'assurance obligatoire et plus encore le renouvellement annuel par tacite reconduction d'un tel contrat relève de la gestion courante incombant au débiteur sans l'assistance de l'administrateur. En l'espèce, le redressement judiciaire a été ouvert le 17 février 2006 alors que le chantier en cause avait déjà été commencé (ainsi qu'il résulte de l'expertise judiciaire) et alors également que la SARL B. qui employait 10 salariés à la date de la cessation de paiement (ainsi qu'il est indiqué dans le jugement d'ouverture) aurait déjà dû d'elle-même signaler l'augmentation de son effectif salarié à l'assureur ou à son courtier. Il ne peut dans ces conditions être reproché à l'administrateur d'avoir manqué à son obligation de prudence et de diligence en ne vérifiant pas que le contrat d'assurance MAB en cours avait fait l'objet en son temps d'une déclaration d'augmentation de l'effectif salarié" (6).
De façon générale, la jurisprudence considère que l'administrateur chargé d'une mission d'assistance doit accomplir sa mission avec prudence et diligence. Cela doit le conduire à ne pas donner une idée fausse aux tiers de la situation de l'entreprise (7). En matière d'assurance, on peut penser que son champ d'action est plus réduit dans la mesure où le débiteur a la maîtrise des opérations du fait de leur nature. On conçoit plus facilement, en la matière, que l'administrateur voit sa responsabilité engagée, parce que chargé, d'une mission d'administration il a omis d'accomplir une diligence, ou au contraire a exécuté une action de façon téméraire. Selon les circonstances on pourra lui reprocher d'avoir souscrit un contrat, de ne pas l'avoir fait, de ne pas l'avoir résilié, ou de l'avoir fait (8) !
Concernant la mission d'assistance, la solution de la Cour de cassation serait-elle trop sévère ? Pas forcément si l'on tient compte de la nature de l'assurance en cause : une assurance de responsabilité obligatoire (responsabilité décennale). Il convient de rappeler que l'article L. 631-12 cité dans le visa aux côtés de l'article 1382 (N° Lexbase : L1488ABQ) indique que : "dans sa mission, l'administrateur est tenu au respect des obligations légales et conventionnelles incombant au débiteur". Le texte s'applique quelle que soit la mission de l'administrateur et il paraît évident qu'il intègre une obligation légale de souscrire une assurance de responsabilité (9). On remarquera, au passage, que la Cour de cassation pousse au bout la logique en exigeant non seulement que l'administrateur s'enquière de l'existence de la garantie (ce qui ne posait pas de difficulté en l'espèce) mais, en plus, qu'il s'assure de l'efficacité de la garantie. Cela le conduit donc à vérifier que l'assuré a bien accompli les diligences imposées par le contrat ou le Code des assurances.
Il est difficile d'affirmer que les diligences de l'administrateur chargé d'une mission d'assistance (indépendamment de la question de la continuation des contrats) se bornent aux assurances obligatoires du débiteur. L'article L. 631-12 du Code de commerce vise le respect des obligations légales et conventionnelles du débiteur. En premier lieu, on peut considérer qu'une vérification s'impose sur l'étendue des obligations d'assurance du débiteur quelles qu'en soient les sources (10). En second lieu, on peut estimer que la recherche d'un niveau de garantie suffisant au regard des moyens de le financer entre dans le cadre de la mission de l'administrateur. Il doit au moins veiller à ce que le débiteur ne compromette pas le patrimoine de l'entreprise par des coupes franches hasardeuses. Il paraît donc difficile de s'en tenir à l'idée que les contrats d'assurance de l'entreprise relèvent de la simple gestion courante.
II - Recours consécutifs au sinistre
L'assurance des opérations de construction est encore l'occasion d'une précision intéressante. Le présent arrêt est parfaitement en cohérence avec un précédent rendu en 2012 (11). La solution consacrée est parfaitement justifiée. Quelques rappels s'imposent. L'assureur dommages ouvrage dispose d'un délai de 60 jours pour notifier à l'assuré sa décision "quant au principe de la mise en jeu des garanties prévues au contrat" (12). En cas de retard, l'indemnité versée par l'assureur est majorée de plein droit d'un intérêt égal au double du taux de l'intérêt légal (13). Si ce retard ne l'empêche pas d'exercer un recours subrogatoire contre l'assureur de responsabilité (14), la question qui se pose est de savoir si le recours peut s'étendre au recouvrement des pénalités. La réponse de la jurisprudence est négative. Elle se justifie aussi bien du point de vue de la technique juridique qu'en opportunité.
Si l'on se place du point de vue de la technique de subrogation, il convient de rappeler que le recours fondé sur l'article L. 121-12 du Code des assurances (N° Lexbase : L0088AAI) suppose remplies trois conditions : un paiement dû au titre du contrat, un paiement effectif, un recours contre un tiers (15). En l'absence, la première condition fait défaut pour les pénalités que l'assureur a payées. A proprement parler, ces pénalités ne sont pas dues en application du contrat, mais comme le souligne l'arrêt, en raison de l'inexécution des obligations légales. Il est donc logique de soustraire cette partie au recours.
Si l'on considère la solution du point de vue de son opportunité, elle se justifie encore. Autoriser le recours sur les pénalités aurait abouti à un double résultat contestable. En premier lieu, l'assureur des dommages à l'ouvrage ne la supportant pas définitivement, la sanction n'atteint pas son but et la crainte de la condamnation ne joue plus. La sanction devient inefficace. En second lieu, la sanction serait supportée par la mauvaise personne : une personne, certes garante des désordres, mais nullement à l'origine du retard dans leur prise en charge. La sanction serait dévoyée.
Pour ces différentes raisons, la limitation du recours est la solution qui s'impose. Elle aboutit à l'objectif visé par le texte et rappelé par la Cour de cassation à l'occasion d'un arrêt un peu plus ancien : "seul l'assureur dommages ouvrage' peut être condamné à supporter cette majoration" (16).
(1) CA Dijon, 16 juillet 2013 n° 12/01004 (N° Lexbase : A9678KIB).
(2) Cass. civ. 1, 12 février 1991, n° 88-10.759 (N° Lexbase : A8283AGU), RGAT, 1991, 436, note D. Langé.
(3) J. Kullmann (dir.), Lamy assurances, 2014, n° 4751.
(4) Cass. com., 7 avril 2004, n° 02-12.241, FS-P (N° Lexbase : A9123DBI), Bull. civ. IV, n° 71.
(5) CA Dijon, 16 juillet 2013, précité.
(6) CA Dijon, 16 juillet 2013, précité.
(7) Cass. com., 15 octobre 2002, n° 99-19.857 (N° Lexbase : A2672A3D) ; Cass. com., 6 juillet 2010, n° 09-66.801, F-D (N° Lexbase : A2421E4G).
(8) Pour un exemple : Cass. com., 31 mai 1988, n° 86-17.489 (N° Lexbase : A2094AHZ).
(9) V. déjà : CA Paris, 11 octobre 1996, Dr soc., 1997, 26, note Chaput.
(10) Cass. com., 11 déc. 2001, n° 98-21.933, F-D (N° Lexbase : A6432AXI) (assurance de groupe).
(11) Cass. civ. 3, 24 octobre 2012, n° 10-27.884, FS-P+B (N° Lexbase : A0459IWW), Bull. civ. III, n° 149 ; D., 2013, 1981, obs. H. Groutel ; RGDA, 2013, 354, note P. Dessuet.
(12) C. assur., art. L. 242-1, al. 3 (N° Lexbase : L1892IBP).
(13) C. assur., art. L. 242-1, al. 5.
(14) Cass. civ. 3, 9 mai 2012, n° 11-11.749, FS-D (N° Lexbase : A1461ILP).
(15) Sur cette question : Ph. Le Tourneau et alii, Droit de la responsabilité et des contrats, Dalloz Action, 2014/2015, n° 2756.
(16) Cass. civ. 3, 8 mai 2005, n° 03-20.922, FS-P+B (N° Lexbase : A6487DI4), Bull. civ. III, n° 123.
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par Anne-Laure Blouet Patin, Directrice de la Rédaction
Le 21 Novembre 2014
L'article 5 de la loi du 31 décembre 1971 dispose que les avocats exercent leur ministère et peuvent plaider sans limitation territoriale devant toutes les juridictions et organismes juridictionnels ou disciplinaires. En revanche, ils ne peuvent exercer leur activité de représentation (postulation) que devant les tribunaux de grande instance (TGI) près desquels leur barreau est constitué et devant la cour d'appel dont ce tribunal dépend, depuis la loi n° 2011-94 du 25 janvier 2011 qui a supprimé la profession d'avoué.
Le projet envisage la suppression des IV, V et VI de l'article 1er de la loi qui disposent que "IV.-Les avocats inscrits au barreau de l'un des tribunaux de grande instance de Bordeaux et Libourne peuvent postuler devant chacune de ces juridictions.
V.-Les avocats inscrits au barreau de l'un des tribunaux de grande instance de Nîmes et Alès peuvent postuler devant chacune de ces juridictions.
VI.-Les deuxième et troisième alinéas du III sont applicables aux avocats visés aux IV et V".
L'article 5 de la loi de 1971 serait modifié afin de permettre aux avocats d'exercer leur ministère et de plaider sans limitation territoriale devant toutes les juridictions et organismes juridictionnels ou disciplinaires, du ressort de la cour d'appel au sein de laquelle ils ont établi leur résidence professionnelle et devant ladite cour d'appel, les activités antérieurement dévolues au ministère obligatoire des avoués près les tribunaux de grande instance et les cours d'appel.
Concerné également par la question de la postulation, l'article 8, en alinéa 2, serait remplacé par les dispositions suivantes : "L'association ou la société peut postuler auprès de l'ensemble des tribunaux de grande instance du ressort de la cour d'appel au sein de laquelle un de ses membres est établi et devant ladite cour d'appel, par le ministère d'un avocat inscrit au barreau établi près l'un de ces tribunaux".
Sur les honoraires.
La suppression de la postulation entraîne nécessairement une modification des dispositions applicables aux honoraires. A ce jour, la tarification de la postulation devant le tribunal de grande instance et des actes de procédure est régie par les dispositions sur la procédure civile. Aussi, le projet envisage de modifier en conséquence le premier alinéa de l'article 10 de la loi de 1971 ainsi : les honoraires de postulation, de consultation, d'assistance, de conseil, de rédaction d'actes juridiques sous seing privé et de plaidoirie sont fixés en accord avec le client.
Le projet de loi en profite également pour imposer une convention d'honoraires entre le client et l'avocat. Actuellement, on le sait puisque le contentieux à ce sujet foisonne, l'alinéa 2 de l'article 10 dispose que "à défaut de convention entre l'avocat et son client, l'honoraire est fixé selon les usages, en fonction de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci".
Aux termes de la nouvelle mouture du texte l'avocat serait tenu de conclure avec son client une convention d'honoraires qui précise notamment les modalités de détermination des honoraires et l'évolution prévisible de leur montant.
Le texte envisage également la suppression du barème d'honoraires pour les procédures de divorce, point qui devrait apporter une certaine satisfaction à la profession.
Enfin, dans la lignée des contrôles diligentés depuis juin 2014, le Code de la consommation sera modifié afin d'habiliter les agents de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes à rechercher, constater et poursuivre les manquements aux obligations fixées à cet article 10 de la loi de 1971 précitée. Qu'on se le dise !
Sur les bureaux secondaires.
L'ouverture, par les avocats, d'un bureau secondaire dans un barreau autre que celui où il exerce, est soumise à une autorisation administrative du conseil de l'Ordre. Les avocats sont tenus de fixer leur domicile professionnel dans le ressort du tribunal de grande instance auprès duquel ils sont établis (décret du 27 novembre 1991, art. 165). Les avocats disposent de la faculté d'établir un ou plusieurs bureaux secondaires après déclaration au conseil de l'ordre du barreau auquel ils appartiennent. Lorsque le barreau secondaire est situé dans le ressort d'un barreau différent de celui où est établie sa résidence professionnelle, l'avocat doit en outre demander l'autorisation du Conseil de l'ordre du barreau dans le ressort duquel il envisage d'établir le bureau secondaire.
Le projet de loi vise à simplifier cette autorisation administrative, qui selon l'étude d'impact émanant de Bercy, "contraint inutilement la création et le développement de l'activité des professionnels avocats, pour la remplacer par un régime déclaratif, source d'une plus grande souplesse pour les professionnels".
Le projet renvoie à une ordonnance pour simplifier ce dispositif.
Sur l'avocat en entreprise.
Sujet phare, sujet qui divise, l'avocat en entreprise est évoqué depuis déjà quelques années, et, à moins de changements de dernière minute, il devrait voir le jour avec la réforme "Macron".
Aux termes du projet, l'avocat pourra donc exercer sa profession en tant que salarié au sein d'une entreprise.
Les avocats en entreprise seraient soumis aux mêmes règles déontologiques que les avocats exerçant dans un cabinet. Ils dépendraient du même Ordre professionnel et donc des principes essentiels régissant la profession dont l'indépendance, la confidentialité et le secret professionnel. Par ailleurs, l'avocat exerçant en entreprise bénéficierait d'une clause dite "de conscience et d'indépendance". Concernant le périmètre d'activité, l'activité juridictionnelle serait exclue du périmètre d'activité de l'avocat en entreprise. Les avocats en entreprises n'auraient toutefois pas la possibilité de développer une clientèle personnelle, ni de plaider.
Et, pour acter cette réforme, le Gouvernement sera habilité à procéder par ordonnance.
Tout en douceur, le projet "Macron" permettra, toujours par voie d'ordonnance, aux personnes qui exercent une activité juridique au sein du service juridique d'une entreprise privée ou publique ou d'une association en France ou à l'étranger, depuis cinq années au moins ou sont titulaires du diplôme mentionné au 2° de l'article 11 de la loi n° 71-1130 d'être inscrites, sous réserve du passage d'un examen de contrôle des connaissances en déontologie, sur la liste spéciale du tableau ; bref ce sont environ 120 000 juristes d'entreprises qui devraient pouvoir devenir avocats salariés !!!
Sur les sociétés d'exercice en commun et l'ouverture du capital.
S'agissant des conditions d'exercice en groupe de la profession d'avocat, les formes juridiques autorisées comprennent, essentiellement, l'exercice sous forme d'une association, d'une société civile professionnelle, d'une société d'exercice libéral ou d'une société en participation (loi n° 71-1130, art. 7). La réforme vise à permettre le recours à toute forme juridique pour l'exercice des professions de commissaire-priseur judiciaire, d'avocat, d'huissier de justice de notaire d'administrateur et de mandataire judiciaire, à l'exclusion de celles conférant la qualité de commerçant à leurs associés, soit les sociétés en commandite par actions et les sociétés en nom collectif. Les professions judiciaires et juridiques étant marquées par des règles déontologiques fortes, au premier rang desquelles l'indépendance d'exercice, la mesure appliquera à toutes les nouvelles formes juridiques les conditions de détention capitalistique actuellement en vigueur pour la société d'exercice libéral. Là encore la réforme se fera par ordonnance.
S'agissant de l'interprofessionnalité, le projet "Macron" entend favoriser une évolution de l'organisation des professionnels du droit et du chiffre vers davantage de pluridisciplinarité et faciliter les rapprochements entre professionnels. Son objectif réside dans la constitution de structures couvrant l'ensemble des besoins des clientèles des entreprises comme des particuliers et d'être en mesure de faire face à la concurrence internationale. A cet égard, le Gouvernement sera autorisé à prendre par voie d'ordonnance, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi, les mesures permettant la création de sociétés ayant pour objet l'exercice en commun de plusieurs des professions judiciaires, juridiques et de la profession d'expert-comptable, en préservant les principes déontologiques applicables à chaque profession, et dans lesquelles plus de la moitié du capital et des droits de vote doit être détenue par des personnes qui exercent ces professions ou toute personne légalement établie dans un Etat membre de l'Union européenne, des autres Etats parties à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, qui exerce en qualité de professionnel libéral, dans l'un de ces Etats membres ou parties ou dans la Confédération suisse, une activité soumise à un statut législatif ou réglementaire ou subordonnée à la possession d'une qualification nationale ou internationale reconnue et dont l'exercice constitue l'objet social d'une de ces professions.
Pour Bercy, la mesure proposée constitue un élément fort de simplification des démarches au profit des entreprises et des particuliers, en permettant aux clients de disposer, au sein d'une seule structure, d'une offre globale adaptée à leurs demandes.
Diverses mesures.
Il est également à noter, de manière plus large, que le Gouvernement sera autorisé à prendre par voie d'ordonnance les mesures permettant :
- de créer une profession de commissaire de justice regroupant les professions d'huissier de justice, de mandataire judiciaire et commissaire-priseur judiciaire ;
- de simplifier le dispositif des ventes judiciaires, en préservant les principes déontologiques applicables à chaque profession ; de clarifier les domaines d'intervention du professionnel de l'expertise comptable en matière administrative, économique, fiscale et sociale des entreprises ou des particuliers. Et cette "clarification" permettra aux experts-comptables de réaliser, à titre accessoire, des consultations juridiques, fiscales et sociales ainsi que la rédaction d'actes sous seing privé, au profit de clients pour lesquels ils assurent des prestations en conformité avec les textes encadrant leurs activités ;
- de permettre la création de sociétés ayant pour objet l'exercice en commun de plusieurs des professions judiciaires, juridiques et de la profession d'expert-comptable, en préservant les principes déontologiques applicables à chaque profession, et dans lesquelles plus de la moitié du capital et des droits de vote doit être détenue par des personnes qui exercent ces professions ou toute personne légalement établie dans un Etat membre de l'Union européenne, des autres Etats parties à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, qui exerce en qualité de professionnel libéral, dans l'un de ces Etats membres ou parties ou dans la Confédération suisse, une activité soumise à un statut législatif ou réglementaire ou subordonnée à la possession d'une qualification nationale ou internationale reconnue et dont l'exercice constitue l'objet social d'une de ces professions.
Au final ce texte, dans sa version ici présentée, devrait être rapidement transmis au Conseil d'Etat. D'avance, il n'emportera pas l'adhésion de la Profession qui manifeste depuis le 17 novembre 2014, à l'initiative de la Conférence des Bâtonniers, contre ce projet et contre les pistes envisagées par la Chancellerie en matière de financement de l'aide juridictionnelle...
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Réf. : Cass. civ. 1, 13 novembre 2014, n° 13-25.614, F-D (N° Lexbase : A3064M3U)
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Le 22 Novembre 2014
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Réf. : Cass. QPC, 14 novembre 2014, n° 14-16.426, F-D (N° Lexbase : A3040M3Y)
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Le 26 Novembre 2014
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Réf. : Décret n° 2014-1357 du 13 novembre 2014 (N° Lexbase : L8482I4W)
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Le 20 Novembre 2014
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Réf. : Cass. soc., 13 novembre 2014, n° 12-20.069, FS-P+B (N° Lexbase : A2975M3L)
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Le 25 Novembre 2014
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Réf. : CE 1° et 6° s-s-r., 12 novembre 2014, n° 369147, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A2884M39)
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N4677BUR
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Le 21 Novembre 2014
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Réf. : CE, Sect., 1er octobre 2014, n° 349560, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A4258MXY)
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N4616BUI
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par Caroline Lantero, Maître de conférences à l'Université d'Auvergne, Avocate, EA 4232, codirecteur scientifique de l'Encyclopédie "Droit des étrangers"
Le 20 Novembre 2014
L'OFPRA a rejeté sa demande par une décision du 2 novembre 2007 et la Cour nationale du droit d'asile a rejeté son recours par une décision du 25 mars 2011. A la lecture des visas de la décision de la CNDA (3), l'Office avait émis de sérieux doutes sur l'authenticité de la décision de la cour d'assises turque dès lors qu'elle avait été prononcée malgré l'absence du requérant et que le contenu semblait hautement improbable au motif qu'elle faisait mention de textes qui n'existaient pas, ou qui ne pouvaient raisonnablement être le fondement d'une condamnation pénale. L'Office avait également émis des doutes sur l'existence de liens familiaux avec des réfugiés reconnus en France et avait, sur cette base, refusé de communiquer des informations touchant aux motifs de la demande d'asile desdits membres allégués de sa famille.
C'est dans ce cadre que la CNDA avait diligenté une mesure d'instruction et interrogé le greffe de la cour d'assises d'Erzurum sur l'existence du numéro de l'affaire et du numéro de jugement. A l'issue de cette demande, la cour avait constaté que ni l'un ni l'autre n'existaient et avait conclu, à l'instar de l'OFPRA, à l'absence d'authenticité du jugement prononçant la condamnation du requérant. Le recours de ce dernier fut rejeté.
En cassation, le Conseil d'Etat apporte deux précisions importantes. En premier lieu, il confirme que la CNDA tient des pouvoirs généraux d'instruction du juge administratif celui d'ordonner toute mesure qu'elle estime nécessaire à la solution du litige qui lui est soumis (I). En second lieu, qu'elle est tenue dans ce cadre au respect des droits des parties, notamment en garantissant l'égalité des armes, le secret des informations confidentielles et le respect du principe de contradictoire (II).
I - Les "pouvoirs généraux de direction de la procédure" du juge de l'asile
Le juge doit pouvoir former sa conviction et dispose, à cette fin, du pouvoir de prendre toute mesure utile susceptible de lui apporter les éléments d'informations ou d'éclaircissement nécessaires. Ce pouvoir -dégagé depuis longtemps par la jurisprudence (4) et explicitement inscrit dans le Code de justice administrative (5)- appartient tant au juge de plein contentieux qu'à celui de l'excès de pouvoir.
Les litiges mettant en jeu les documents classifiés "secret défense" ont été le terreau d'une construction jurisprudentielle renforçant progressivement les pouvoirs d'instruction du juge administratif. Dans un arrêt d'Assemblée de 1955 (6), le Conseil d'Etat jugeait que, si le juge administratif ne peut avoir accès aux documents en raison d'un refus de communication du ministre invoquant le secret de la défense nationale, rien ne s'oppose "à ce que, dans la mesure où ces renseignements lui paraissent indispensables pour former sa conviction sur les points en litige, il prenne toute mesure de nature à lui procurer, par les voies de droit, tous éclaircissements nécessaires, même sur la nature des pièces écartées et sur les raisons de leur exclusion". L'administration devait alors justifier précisément les raisons de son refus sans se borner à brandir le sceau du "secret défense".
Dans un arrêt d'Assemblée "Moon Sun Myung" lu le 6 novembre 2002, le Conseil d'Etat a jugé que le refus de communiquer un document utile à la solution du litige, mais couvert par un secret garanti par la loi ou concernant la sûreté de l'Etat, devait être justifié par l'administration à laquelle il incombe de "verser au dossier de l'instruction écrite contradictoire tous éléments d'information appropriés sur la nature des pièces écartées et les raisons de leur exclusion, de façon à permettre" au juge administratif "de se prononcer en connaissance de cause sans porter, directement ou indirectement, atteinte aux secrets garantis par la loi ou imposés par des considérations tenant à la sûreté de l'Etat, à la défense et à la sécurité publique" (7). Cette solution a été reprise depuis, consacrant les pouvoirs généraux de direction de la procédure que détient le juge administratif, et qui lui permettent d'ordonner la communication de tous les éléments utiles à la solution du litige à condition, dans les contentieux relatifs à des documents couverts par le secret, qu'elle ne porte pas atteinte audit secret (8). La solution a été étendue au contrôle du refus de visa fondé sur un motif d'ordre public et la Haute juridiction a estimé que, pour que le juge de l'excès de pouvoir soit en mesure d'apprécier le bien-fondé du motif retenu par l'administration, il appartenait "en conséquence à celle-ci de verser au dossier, dans le respect des exigences liées à la sécurité nationale, les renseignements nécessaires pour que le juge statue en pleine connaissance de cause" (9).
Pour la première fois dans l'arrêt rapporté, qui ne met pas en cause des documents qu'auraient dû produire l'administration mais des documents couverts par le secret, le Conseil d'Etat fait explicitement référence aux "pouvoirs généraux de direction de la procédure" que détient le juge administratif, à destination de la CNDA : "Considérant qu'il appartient au juge administratif, dans l'exercice de ses pouvoirs généraux de direction de la procédure, d'ordonner toutes les mesures d'instruction qu'il estime nécessaires à la solution des litiges qui lui sont soumis, et notamment de requérir des parties ainsi que, le cas échéant, de tiers, en particulier des administrations compétentes, la communication des documents qui lui permettent de vérifier les allégations des requérants et d'établir sa conviction".
L'arrêt du 1er octobre 2014 semble être l'occasion pour le Conseil d'Etat de rappeler qu'un principe général applicable au juge administratif l'est également à la CNDA en sa qualité de juridiction administrative spécialisée : "Considérant qu'il appartient à la Cour nationale du droit d'asile, comme à toute juridiction administrative, d'exercer son pouvoir d'instruction selon les règles rappelées". La Haute juridiction saisit aussi l'occasion de rappeler que ce principe est désormais codifié pour le juge de l'asile dans le Code l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue du décret n° 2013-751 du 16 août 2013, relatif à la procédure applicable devant la Cour nationale du droit d'asile (N° Lexbase : L7246IXN). Aux termes de ces dispositions parfaitement claires, "la cour peut prescrire toute mesure d'instruction qu'elle jugera utile" (10).
Toutefois, le Conseil d'Etat n'intervient pas tant pour lui apprendre que la CNDA est une juridiction administrative qui détient les pouvoirs du juge administratif, ni pour lui rappeler qu'elle dispose de pouvoirs d'instructions spécifiquement prévus par les textes, que pour lui rappeler les devoirs qui lui incombent également dans la conduite du procès.
II - Les devoirs généraux du juge de l'asile dans la conduite du procès
Dans l'affaire en référence, la Cour avait communiqué aux parties un courrier indiquant ce qu'elle estimait être le résultat de la mesure d'instruction ordonnée. Là encore, les visas de la décision de la CNDA nous renseignent sur les griefs dirigés contre cette mesure d'instruction par le requérant, lequel faisait valoir qu'il n'avait pas été en mesure de débattre contradictoirement du résultat obtenu dès lors que le seul élément présent au dossier était un "papier de type post-it sur lequel il est mentionné que le jugement produit par le requérant n'existe pas".
Le Conseil d'Etat est donc venu rappeler qu'aux larges pouvoirs d'instruction dont dispose le juge administratif sont assortis des devoirs dans la conduite du procès. Dans l'arrêt d'Assemblée "Moon Sun Myung" du 6 novembre 2002 précité, le Conseil d'Etat dégageait une solution de principe fixant les pouvoirs du juge dans le cadre d'un refus de communication de pièces en soulignant le rôle de garant de l'égalité des armes qu'endosse le juge, afin de prévenir toute asymétrie d'information. Dans un arrêt "Raoust" du 30 juillet 2003, le Conseil d'Etat faisait une première application de la solution dégagée l'année précédente en précisant que, "conformément au principe du caractère contradictoire de l'instruction, le juge administratif est tenu de ne statuer qu'au vu des seules pièces du dossier qui ont été communiquées aux parties" et en sanctionnant en l'espèce l'absence de communication, par le juge du fond, du mémoire produit par l'administration à la suite à la mesure d'instruction ordonnée (11).
A - Le juge de l'asile est garant du principe de confidentialité
Dans l'arrêt rapporté, le Conseil d'Etat n'a pas seulement rappelé les larges pouvoirs d'instruction dont dispose le juge de l'asile, à l'instar de toute juridiction administrative. Il souligne qu'il lui incombe, "dans la mise en oeuvre de ses pouvoirs d'instruction, de veiller au respect des droits des parties, d'assurer l'égalité des armes entre elles et de garantir, selon les modalités propres à chacun d'entre eux, les secrets protégés par la loi". Ainsi, et en ce qui concerne plus particulièrement les devoirs du juge de l'asile dans la mise en oeuvre de ses pouvoirs d'instruction, la Haute juridiction précise qu'il lui incombe de garantir le respect de la confidentialité des éléments relatifs aux candidats à l'asile. Dans une ordonnance de référé liberté du 6 mars 2008 (12), le Conseil d'Etat avait déjà considéré qu'une telle confidentialité constituait une "une garantie essentielle du droit constitutionnel d'asile". Auparavant, dans sa décision du 22 avril 1997, le Conseil constitutionnel avait, pour sa part, précisé que "la confidentialité des éléments d'information détenus par l'office français de protection des réfugiés et des apatrides relatifs à la personne sollicitant en France la qualité de réfugié est une garantie essentielle du droit d'asile, principe de valeur constitutionnelle qui implique notamment que les demandeurs du statut de réfugié bénéficient d'une protection particulière ; qu'il en résulte que seuls les agents habilités à mettre en oeuvre le droit d'asile, notamment par l'octroi du statut de réfugié, peuvent avoir accès à ces informations [...]" (13).
Dans l'arrêt du 1er octobre 2014, le Conseil d'Etat ajoute que cette exigence découle de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés (N° Lexbase : L6810BHP). Il est vrai que la sollicitation d'informations auprès du pays d'origine peut avoir pour effet direct d'aggraver le risque allégué par le candidat. Toute information relative au dépôt même d'une demande d'asile, sans même qu'en soit divulgué le contenu, présuppose une critique envers l'Etat d'origine. La CNDA reconnaît que la violation du principe de confidentialité aggrave le risque (14) et se réfère au principe de confidentialité, pour censurer la pratique tendant à de solliciter des informations auprès de l'Etat d'origine (15). En outre, notons que toute violation du principe de confidentialité peut également nuire directement aux Etats et c'est la précaution qu'ont prise les Hautes parties contractantes de la Convention lorsqu'elles ont formulé en préambule le voeu que "les Etats, reconnaissant le caractère social et humanitaire du problème des réfugiés [...] fassent tout ce qui est en leur pouvoir pour éviter que ce problème ne devienne une cause de tension entre Etats".
En l'espèce, la CNDA avait précisé dans les visas de sa décision qu'elle avait sollicité des informations auprès de la juridiction turque "sans divulguer l'identité du requérant". Toutefois, le Conseil d'Etat lui rappelle que, s'il lui est "loisible de demander la communication de documents nécessaires pour vérifier les allégations des requérants et établir sa conviction", elle ne pouvait le faire qu'en "suivant des modalités qui assurent pleinement la nécessaire confidentialité des éléments d'information relatifs aux personnes qui sollicitent l'asile". S'il n'est pas certain, ni même sanctionné (ni même allégué), que la Cour ait méconnu le principe de confidentialité, son absence de transparence démontre qu'elle a, en revanche, méconnu le principe du contradictoire.
B - Le juge de l'asile est garant du respect du contradictoire
Aux termes des dispositions de l'article R. 733-18 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (N° Lexbase : L1020IYG), dans sa rédaction issue du décret du 16 août 2013, "la formation de jugement ne peut se fonder sur des éléments d'information extérieurs au dossier relatifs à des circonstances de fait propres au demandeur d'asile ou spécifiques à son récit, sans en avoir préalablement informé les parties". Aussi le juge administratif ne peut-il pas se fonder sur des pièces qui n'auraient pas été préalablement communiquées à chacune des parties.
En l'espèce, le fait pour la Cour de n'avoir pas porté à la connaissance des parties les modalités de sa mesure d'instruction et de s'être bornée à les informer "par un courrier que ne complétait aucune pièce de ce qu'elle estimait être le résultat de la mesure d'instruction ordonnée" est sanctionné par le Conseil d'Etat comme une méconnaissance du principe du caractère contradictoire de l'instruction.
Ce n'est pas la première fois que le Conseil d'Etat rappelle à la cour les exigences du débat contradictoire. Il a récemment censuré l'irrégularité de la procédure du fait d'un refus non justifié d'une demande de report d'audience et rappelé, à cette occasion, que le juge n'a certes aucune obligation de faire droit à une demande de report de l'audience, mais qu'il doit prendre en compte les "motifs exceptionnels tirés des exigences du débat contradictoire", lesquels étaient, en l'espèce, réunis (16). Dans un arrêt du 22 octobre 2012, il annulait une décision de la Cour pour avoir fait reposé sa décision sur "des éléments d'information susceptibles de confirmer ou d'infirmer des circonstances de faits propres au demandeur d'asile ou spécifiques à son récit qui n'avaient pas été soumises au contradictoire" (17). Si les "éléments d'information générale librement accessibles au public" n'ont pas à être versés, les éléments spécifiques au demandeur doivent l'être.
(1) Lire nos obs., De l'office et de la compétence du juge de l'asile sur des questions de nationalité, note sous CE 9° et 10° s-s-r., 26 mai 2014, n° 344265, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A6400MPQ), Lexbase Hebdo n° 336 du 19 juin 2014 - édition publique (N° Lexbase : N2764BUW).
(2) CE 2° et 7° s-s-r., 10 octobre 2013, n° 362798, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A7254KMM) : en l'espèce, la CNDA avait enjoint à l'OFPRA, à titre de mesure d'instruction, de procéder à l'audition du demandeur d'asile. Voir sur ce point C. Brami, Précisions sur le droit processuel applicable à la Cour nationale du droit d'asile, in Lettre "Actualités Droits-Libertés" du CREDOF, 3 décembre 2013.
(3) CNDA, 25 mars 2011, n° 07020987.
(4) CE, Sect., 1er mai 1936, Sieur Couespel du Mesnil, Rec. p. 485.
(5) CJA, art. R. 611-10 (N° Lexbase : L7543IUW) pour les tribunaux administratifs, art. R. 611-17 (N° Lexbase : L5962IGW) pour les cours administratives d'appel et art. R. 611-27 (N° Lexbase : L3122AL9) pour le Conseil d'Etat.
(6) CE, Ass., 11 mars 1955, Secrétaire d'Etat à la guerre c/ Coulon, Rec. p 149.
(7) CE, Ass, 6 novembre 2002, n° 194295, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A7525A34), Rec. p. 380, AJDA, 2 décembre 2002, p. 1337.
(8) CE 9° et 10° s-s-r., 20 février 2012, n° 350382, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A3420IDZ), Rec. p. 54.
(9) CE 2° et 7° s-s-r., 1er juin 2011, n° 337992, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A0409HTC), Rec. p. 265, AJDA, 2011 p. 2182, note L. Delabie.
(10) C. entr. séj. étrang. et asile, art. R. 733-15 (N° Lexbase : L1022IYI). Ce pouvoir d'instruction était auparavant codifié à l'article R. 733-18 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (N° Lexbase : L1020IYG).
(11) CE 9° et 10° s-s-r., 30 juillet 2003, n° 242812, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A2514C9Y), Rec. p. 355.
(12) CE référé, 6 mars 2008, n° 313915, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A3903D7P), p. 775.
(13) Cons. const., décision n° 97-389 DC du 22 avril 1997 (N° Lexbase : A8441ACM).
(14) CNDA, 29 septembre 2011, n° 10009297, jugeant que "ses craintes sont aggravées par la circonstance que les autorités turques ont eu connaissance du dépôt de sa demande d'asile en France, en méconnaissance du principe de confidentialité ; qu'il peut craindre avec raison, dans les circonstances particulières de l'espèce, d'être persécuté, au sens des stipulations précitées de la convention de Genève, en cas de retour dans son pays".
(15) CRR, 1er juin 2007, n° 561440 : "Considérant que la confidentialité des éléments d'information relatifs à la personne sollicitant l'asile en France, constitue une garantie essentielle du droit d'asile, principe de valeur constitutionnelle ; que l'obligation pour les autorités du pays responsable de l'examen des demandes d'asile d'assurer le respect de cette garantie résulte également des dispositions législatives relatives à l'inviolabilité des documents détenus par l'OFPRA, telles qu'interprétées à la lumière de la directive susvisée ; qu'en effet la méconnaissance de cette obligation peut avoir pour conséquence l'aggravation des craintes exprimées par le demandeur, voire peut créer à elle seule les conditions d'une exposition à des persécutions au sens des stipulations de la convention de Genève ou à l'une des menaces graves visées par la loi" ; CNDA, 12 mars 2013, n° 12012125 : "le préfet de l'Eure-et-Loir a, le 10 avril 2012, transmis au consulat de Turquie un procès-verbal d'audition dans lequel il a affirmé avoir fui son pays en 2007 en raison de problèmes politiques et de son refus d'accomplir son service militaire, et avoir introduit une demande d'asile en France ; que, ce faisant, l'autorité préfectorale a méconnu l'obligation de confidentialité s'imposant à elle, ce qui aggrave ses craintes et l'expose à des persécutions en cas de retour en Turquie".
(16) CE 2° et 7° s-s-r., 18 juin 2014, n° 367725, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A6267MRK).
(17) CE 9° et 10° s-s-r., 22 octobre 2012, n° 328265, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A7601IU3), Rec. p. 367.
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N4636BUA
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par Jules Bellaiche, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition fiscale
Le 20 Novembre 2014
Lexbase : La fiscalité est-elle réellement responsable des prix élevés de l'immobilier en France ?
Jean-Etienne Chatelon : Notre étude est uniquement relative à l'aspect fiscal et n'aborde donc pas l'ensemble des causes conduisant au constat actuel de baisse significative des mises en chantier de logement neuf. S'il existe incontestablement un écart élevé entre ces mises en chantier et les objectifs affichés en matière de logement construit chaque année, les conclusions de notre étude ne permettent pas de déterminer quel est le poids réel de la fiscalité dans le cadre des difficultés constatées en la matière par rapport à l'ensemble des autres éléments habituellement cités (difficultés relatives au foncier, aux aspects réglementaires/permis de construire, coûts de construction, etc.).
Il nous semble toutefois peu contestable que la fiscalité élevée en France, dans le cadre de la production de l'immeuble neuf, en comparaison des principaux autres pays européens, est une difficulté supplémentaire ayant une incidence certaine sur les prix constatés dans l'immobilier neuf même si nous ne pouvons pas chiffrer l'incidence attachée à cette fiscalité élevée.
Lexbase : Après un tel constat (la France a la fiscalité immobilière la plus élevée d'Europe), pourquoi, au lieu de réduire cette imposition, voit-on apparaitre régulièrement des dispositifs d'aménagements fiscaux (les dispositifs "Besson", "de Robien", "Borloo", "TEPA", "Scellier", "Duflot", et maintenant "Pinel"). Quelle serait la meilleure solution : baisser les taxes ou augmenter les aides ?
Jean-Etienne Chatelon : Il convient, au préalable, de noter que c'est parce que la France a la fiscalité immobilière la plus lourde d'Europe que les dispositifs d'aide à l'investissement locatif sont nécessaires pour compenser partiellement la surcharge d'impôt.
La réflexion devrait bien porter sur une réduction des taxes sans forcément augmenter certaines aides fiscales. Assouplir les aides est une nécessité, un début d'assouplissement étant engagé dans le cadre des dispositions fiscales récentes en matière d'investissement locatif Pinel. Le taux de TVA réduits sur le logement intermédiaire ou l'immobilier neuf en zone ANRU ne vise, par définition, que des investissements spécifiques mais est aussi un début de réponse.
Sur ce sujet de relance de la construction, la Fédération des promoteurs immobiliers a émis, durant l'été, différentes propositions combinant des baisses de taxes et la mise en place de certaines aides non fiscales ainsi que l'aménagement des aides fiscales. Ces propositions sont les suivantes :
- une baisse initiale forte de la taxation des plus-values sur les terrains constructibles, suivie d'une inversion des abattements en fonction de la durée de détention ;
- la mise en place d'un prêt de primo-accession sur 25 ans à taux préférentiel ;
- la mise en place, avant la fin de l'année, des 50 premières mesures de simplification technique annoncées en début d'année ;
- en matière d'investissement locatif, au-delà des mesures annoncées ou en projet, la sortie des loyers de l'encadrement et son inclusion parmi les investissements entrant dans le plafond des niches fiscales majorées à 18 000 euros.
Il apparaît donc que, selon l'analyse de la Fédération des promoteurs immobiliers, améliorer la situation suppose entre autres points, d'une part, de favoriser l'accès au foncier pour les promoteurs par la réduction des règles d'imposition spécifiques aux terrains constructibles et, d'autre part, de revoir le dispositif fiscale favorable pour l'investissement locatif et de relancer l'accession.
S'agissant des règles d'imposition spécifiques aux terrains constructibles, en tant que conseils, nous constatons que le régime actuel d'imposition pour les vendeurs particuliers nous conduit à rédiger des consultations particulièrement complexes pour déterminer la fiscalité applicable à la cession des terrains, des distinctions devant, de plus, être faites selon que des terrains peuvent être analysés ou non comme des terrains à bâtir au sens des dispositifs fiscaux. En effet, dans certains cas de terrains qui n'ont pas encore fait l'objet des autorisations nécessaires pour être définis comme des terrains à bâtir, la fiscalité majorée attachée à l'imposition des plus-values sera un frein supplémentaire à la vente par les particuliers. Il nous semble, en outre, que le sujet de l'accès au foncier serait favorisé par une simplification des différents dispositifs fiscaux applicables en la matière. Enfin, les faibles abattements accordés en fonction de la durée de détention des terrains par les particuliers conduisent ces derniers à différer leurs décisions de cession à des dates lointaines permettant de bénéficier d'un espoir de réduction de base imposable. La proposition de la Fédération des promoteurs immobiliers de modification des abattements pour durée de détention des terrains paraît ainsi justifiée, cette proposition pouvant être accompagnée d'une simplification des modalités de calcul des plus-values imposables.
S'agissant de l'investissement locatif, les multiples dispositifs que vous citez ("Besson", "de Robien", "Borloo", "TEPA", "Scellier", "Duflot" et "Pinel") sont nécessaires mais là encore, la situation propre à la France d'une fiscalité plus lourde que les autres pays européens pouvant être atténuée sous condition par des dispositifs spécifiques, peut conduire à des complexités pour la prise de décision des investisseurs.
Lexbase : Selon vous, à quel niveau faudrait-il intervenir pour faire diminuer la fiscalité immobilière : au moment de la construction, de l'acquisition ou de la cession d'un bien ?
Jean-Etienne Chatelon : Les conclusions de notre étude relatives à l'imposition liée à la production et à la vente d'immeubles collectifs sont les suivantes.
S'agissant des taxes indirectes (TVA et différentes taxes liées au dépôt du permis de construire) frappant le cycle de production de l'immeuble, la France présente incontestablement le niveau d'imposition le plus élevé du fait de la conjugaison d'une TVA au taux de 20 % appliquée au prix de vente de l'immeuble et des diverses autres taxes indirectes représentant, quant à elles, de 3 % à 4 % du prix de vente.
Le pays avec la fiscalité la plus favorable est le Royaume-Uni, avec un écart de fiscalité de 12 % à 13 % du prix de vente d'un appartement neuf en comparaison avec la France, soit un écart de fiscalité d'environ 24 000/26 000 euros lors de l'acquisition d'un appartement neuf d'un prix de 200 000 euros TTC par un particulier.
Les pays européens autres que l'Angleterre ont une fiscalité plus favorable que la France avec un avantage financier pour ces autres pays compris entre 3 % et 7 % du prix de vente, soit un avantage financier compris entre 6 000 euros et 14 000 euros dans le cas de la vente d'un appartement neuf de 200 000 euros TTC. Il existe toutefois une exception, celle des Pays-Bas, qui bénéficient d'une imposition certes plus favorable qu'en France mais avec un avantage fiscal par rapport à la France limité à seulement 1 % du prix de vente. Il doit toutefois être précisé que le mécanisme de déduction des frais financiers du revenu global applicable aux Pays-Bas permet à ce pays d'avoir une fiscalité nettement plus attractive que la France sur l'acquisition de résidentiel pendant la période de détention de l'appartement.
S'agissant de la détention de l'immeuble par la personne physique, la France a, là encore, la fiscalité la plus élevée en matière d'impôts locaux (taxe foncière et taxe d'habitation).
La France a également le niveau d'imposition le plus élevé pour l'impôt sur le revenu dans le cadre d'un investissement locatif hors régime Pinel, seul le Royaume-Uni ayant un régime d'imposition des loyers proche de celui de la France. La Belgique, l'Espagne, et les Pays-Bas, ont une imposition très nettement inférieure à la France en la matière.
Enfin, s'agissant des plus-values sur la cession d'une résidence principale et des droits de donation/succession, la France a un régime d'imposition comparable à celui des autres pays étudiés, les cas d'exonération de plus-value sur résidence principale étant similaires à ceux des autres pays. C'est là le seul élément d'imposition pour lequel la France n'est pas pénalisé, même si le régime français n'est pas pour autant plus favorable que celui des autres principaux pays européens.
Dans ce contexte, il serait donc souhaitable de réduire en priorité la fiscalité applicable à la construction et à l'acquisition, puis celle applicable à la détention, et de conserver les régimes applicables en matière de cession d'immeuble achevé tout en simplifiant et en réduisant la fiscalité attachée aux terrains à bâtir et assimilés.
Lexbase : Quelles seront les prochaines mesures prises par le Gouvernement concernant la fiscalité immobilière. Seront-elles efficaces et pour vous quelle serait la mesure la plus urgente à mettre en oeuvre ?
Jean-Etienne Chatelon : Les dernières mesures annoncées sous forme de projet de loi de finances, rectificative pour 2014, consistant en la création d'une taxe sur les logements meublés situés dans une zone tendue non affectés à l'habitation principale, ou encore la majoration de taxe foncière sur les propriétés non bâties, sont des mesures très spécifiques qui ne répondent pas aux problématiques commentées ci-dessus.
Un aménagement de la fiscalité des cessions de terrains à bâtir et assimilés, ainsi que l'amélioration du régime fiscal de l'investissement locatif (sortie des loyers de l'encadrement et inclusion parmi les investissements entrant dans le plafond des niches fiscales majorées à 18 000 euros) nous sembleraient, quant à elles, des mesures plus efficaces.
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par Gaël Piette, Professeur à la Faculté de droit de Bordeaux, Directeur scientifique des Encyclopédies "Droit des sûretés" et "Droit des contrats spéciaux"
Le 20 Novembre 2014
I - Un droit positif favorable à l'application du code de la consommation au cautionnement d'un affrètement maritime
Le cautionnement des obligations résultant d'une charte-partie est relativement rare. Les parties à l'affrètement préfèrent généralement d'autres garanties, plus fiables. Lorsqu'une telle sûreté est toutefois prise, il s'agit le plus souvent d'un cautionnement bancaire : une banque semble, en effet, la plus à même de garantir les obligations financières, souvent élevées, de l'affréteur.
Les établissements bancaires étant nécessairement des personnes morales (C. mon. fin., art. L. 511-1 N° Lexbase : L4936IZT), le cautionnement par une personne physique des obligations découlant d'un contrat d'affrètement est très rare. L'affaire ayant donné lieu aux arrêts précités de la cour d'appel de Rennes et de la Cour de cassation montre cependant que l'hypothèse n'est pas seulement théorique.
Plusieurs objections auraient pu sembler s'opposer à l'application des articles L. 341-2 et L. 341-3 du Code de la consommation à un affrètement maritime : le créancier n'est pas un établissement de crédit, l'opération principale n'est pas un crédit, la caution n'est pas un profane et agit dans le cadre de son activité professionnelle. Aucune de ces objections n'est pourtant valable au regard du droit positif.
En ce qui concerne le créancier, c'est-à-dire le fréteur, il est assez rarement un établissement de crédit (5). Pour autant, les articles L. 341-2 et L. 341-3 ne circonscrivent pas leurs dispositions aux établissements de crédit, mais visent tous les créanciers professionnels. Par cette expression, il faut comprendre "celui dont la créance est née dans l'exercice de sa profession ou se trouve en rapport direct avec l'une de ses activités professionnelles" (6). A l'évidence, l'expression englobe le fréteur.
S'agissant de l'opération principale, l'hypothèse qui nous occupe n'est certes pas un crédit, mais un affrètement. Le contrat d'affrètement, majoritairement analysé par la doctrine en un louage de meuble (7), ne peut en aucun cas être assimilé à une opération de crédit. Mais ceci n'est point un obstacle à l'application des articles L. 341-2 et L. 341-3. Ces textes n'entendent pas limiter leur domaine d'application aux cautionnements d'opérations de crédit. Contrairement aux articles L. 313-7 (N° Lexbase : L1523HIA) et L. 313-8 (N° Lexbase : L1524HIB) du même code, dont ils sont inspirés, les articles L. 341-2 et L. 341-3 sont applicables sans distinction quant à la nature de l'opération principale. L'emploi du terme "préteur" par l'article L. 341-2 ne doit être perçu que comme une coquille législative (8).
Enfin, si la caution, dirigeant de l'affréteur, est incontestablement une caution avertie, il n'en demeure pas moins qu'elle a le droit d'invoquer les articles L. 341-2 et L. 341-3 du Code de la consommation. Ces textes visant la "caution personne physique", sans davantage de précision, la jurisprudence considère que toutes les cautions sont concernées, à la seule condition qu'elles soient des personnes physiques (9).
Appliquer les dispositions du Code de la consommation à la caution d'un affrètement maritime n'a par conséquent rien de surprenant au regard de l'évolution législative et jurisprudentielle du droit français. La solution n'en demeure pas moins inopportune.
II - L'inopportunité d'appliquer le Code de la consommation au cautionnement d'un affrètement maritime
Au regard de la manière dont sont rédigés les articles L. 341-2 et L. 341-3 du Code de la consommation, il n'est guère étonnant que la jurisprudence en fasse application au cautionnement d'un affrètement maritime. En outre, en raison de la proximité de ces textes avec les articles L. 341-4 (N° Lexbase : L8753A7C) et L. 341-6 (N° Lexbase : L5673DLP), il est légitime de penser que ces derniers ont également vocation à s'appliquer en cette matière (10).
La cour d'appel de Rennes, dans son arrêt précité du 24 avril 2012, était d'ailleurs saisie d'une demande de la part de la caution sur le fondement de l'article L. 341-4. La cour a rejeté la disproportion, non parce que le texte aurait été inapplicable -cette position n'eut guère été logique à la vue du reste de la décision-, mais parce que la caution ne rapportait pas la preuve de la disproportion.
Est-il opportun de faire application des articles L. 341-2 à L. 341-4 et L. 341-6 du Code de la consommation aux cautionnements garantissant les obligations découlant d'un affrètement maritime ? En d'autres termes, est-il souhaitable que le cautionnement qui garantit un affrètement soit nul si les mentions manuscrites imposées par les articles L. 341-2 et L. 341-3 ne sont pas respectées ? Que le fréteur ne puisse se prévaloir du cautionnement si ce dernier est d'un montant manifestement disproportionné aux biens et revenus de la caution ? Que le fréteur soit tenu de faire connaître à la caution, avant le 31 mars de chaque année, le montant de la dette au 31 décembre précédent ?
Il nous semble que ces textes ne sont guère judicieux en matière d'affrètement maritime, pour des raisons qui diffèrent selon le texte.
D'abord, les mentions manuscrites se fondent particulièrement mal dans le droit de l'affrètement maritime. Il s'agit d'un contrat dans lequel la liberté contractuelle est importante, et où les exigences formalistes sont faibles (11). Dans ce schéma, dans lequel il n'existe pas à proprement parler de partie faible, le pointillisme des mentions manuscrites apparaît décalé (12). En outre, la dimension internationale du droit maritime n'est plus à démontrer. Fréquemment, un ou plusieurs protagonistes, parmi lesquels peut figurer la caution, sera de nationalité étrangère. Les chartes-types sont généralement rédigées en anglais (13). Dans un tel contexte, recopier une formule légale en langue française risque de créer davantage de difficultés qu'en résoudre. Lorsque l'on constate l'ampleur du contentieux engendré par les articles L. 341-2 et L. 341-3, il n'est pas certain que l'exporter au droit maritime soit particulièrement judicieux.
Ensuite, l'obligation d'information annuelle est peu adaptée à l'hypothèse du cautionnement d'un affrètement maritime. L'article L. 341-6 impose au créancier de faire connaître à la caution le montant de la dette restant due, en principal et intérêts, commissions, frais et accessoires. Le contenu de cette information se justifie pleinement s'agissant du cautionnement d'un crédit, pour que la caution sache ce qu'a déjà versé l'emprunteur, et ce qu'il lui reste à rembourser du montant du crédit. En revanche, dans le cadre d'un affrètement maritime, il ne s'agit pas du remboursement d'un capital et de ses accessoires. Il s'agit d'une somme, le fret, due à échéances successives. Il est ainsi difficile d'imaginer les éléments sur lesquels devra porter l'information. Si l'affréteur s'est acquitté du paiement du fret durant l'année précédente, les sommes restant dues sont égales à zéro. Pour l'affrètement au voyage, l'idée est encore plus simple : ces contrats n'excèdent jamais un an. Une information annuelle n'a donc aucun sens.
Enfin, l'exigence de proportionnalité risque de paralyser toute possibilité de cautionnement. Le montant moyen des frets dus par les affréteurs, combinés à la durée des affrètements (surtout coque nue) aboutit à des obligations financières élevées (14). Quelle caution personne physique aura un patrimoine suffisant pour garantir, de manière non disproportionnée, le paiement d'un fret fixé souvent à plusieurs dizaines de milliers de dollars par jour ?
L'application de ces textes au cautionnement d'un affrètement maritime apparaît par conséquent parfaitement inopportune. La question est alors de trouver une manière de laisser le cautionnement d'affrètement maritime à l'abri de ces textes (15).
Plusieurs solutions sont envisageables. Les deux premières supposent une intervention législative, tandis que la dernière peut se contenter d'un revirement jurisprudentiel.
La première solution, et certainement la plus simple, serait d'insérer dans le Code des transports un texte excluant le cautionnement d'affrètement maritime du domaine des articles L. 341-2 à L. 341-6 du Code de la consommation. Cette solution aurait le mérite d'être neutre envers le droit du cautionnement. Seul celui d'affrètement maritime serait concerné.
Une deuxième possibilité serait de réécrire les articles L. 341-2 à L. 341-6, afin d'exclure les cautions averties de leur domaine. Cette solution présenterait, toutefois, l'inconvénient d'aller à l'encontre de l'esprit de la loi n° 2003-721 du 1er août 2003, pour l'initiative économique (N° Lexbase : L3557BLC), qui se voulait une loi de protection des entrepreneurs (16).
Enfin, une troisième possibilité serait de restreindre l'expression "créancier professionnel" aux professionnels de la créance, c'est-à-dire les établissements de crédit. Une telle solution exclurait les fréteurs du domaine de ces textes, et serait de plus conforme à l'esprit de la loi du 1er août 2003 (17).
(1) Cass. civ. 1, 15 octobre 2014, n° 13-18.654, F-D (N° Lexbase : A6589MYP).
(2) CA Rennes, 24 avril 2012, 3ème ch. com., n° 10/04421 (N° Lexbase : A1672IK7).
(3) Pour un résumé de ce contentieux, v. par exemple notre ouvrage, Droit des sûretés, Lextenso Editions, 8ème éd., 2014, p. 45 et s..
(4) Précisons qu'il s'agissait d'un affrètement coque nue, mais que la solution et les propos qui vont suivre sont applicables aux autres formes d'affrètement, à temps (dont l'affrètement coque nue n'est qu'une variante) et au voyage. Il n'y aurait aucune raison valable, sur la question de l'application du Code de la consommation, de ne pas traiter à l'identique les diverses formes d'affrètement.
(5) L'hypothèse peut néanmoins se rencontrer, notamment dans l'affrètement coque nue avec option d'achat, qui devient alors une opération de financement de l'acquisition d'un navire.
(6) Cass. civ. 1, 9 juillet 2009, n° 08-15.910, FS-P+B+I (N° Lexbase : A7351EI4), Droit & Patrimoine, décembre 2009, p. 96, obs. L. Aynès. V. également Cass. civ. 1, 25 juin 2009, n° 07-21.506, FS-P+B (N° Lexbase : A4103EIS) RLDC, décembre 2009, p. 24, note O. Gout.
(7) E. Du Pontavice et P. Cordier, Transport et affrètement maritime, Encyclopédie Delmas pour la vie des affaires, 2ème éd., 1990, p. 267 ; A. Vialard, Droit maritime, Thémis-PUF, 1997, n° 387. V. toutefois G. Ripert, Précis de droit maritime, Dalloz, 4ème éd., 1947, n° 285, pour qui l'affrètement est un contrat de louage de services, et plus spécialement un louage d'industrie.
(8) Cass. civ. 1, 10 avril 2013, n° 12-18.544, F-P+B+I (N° Lexbase : A0814KC7), D., 2013, p. 1460, note J. Lasserre-Capdeville et G. Piette.
(9) Cass. com., 10 janvier 2012, n° 10-26.630, FS-P+B (N° Lexbase : A5284IAX), RTDCom., 2012, p. 177, obs. D. Legeais, RDBF, mars 2012, p. 45, obs. A. Cerles, Rev. sociétés, mai 2012, p. 286, obs. I. Riassetto ; Cass. civ. 1, 8 mars 2012, n° 09-12.246, F-P+B+I (N° Lexbase : A1703IES).
(10) L'article L. 341-4 (N° Lexbase : L8753A7C), qui pose l'exigence de proportionnalité entre le montant du cautionnement et les biens et revenus de la caution, et l'article L. 341-6 (N° Lexbase : L5673DLP), qui prévoit une obligation d'information annuelle de la caution, sont non seulement situés à la suite immédiate des articles L. 341-2 (N° Lexbase : L5668DLI) et L. 341-3 (N° Lexbase : L6326HI7), mais sont de plus issus de la même loi (loi n° 2003-721 du 1er août 2003 N° Lexbase : L3557BLC, JORF du 5 août 2003) et emploient un vocabulaire comparable. La jurisprudence, en règle générale, a tendance à appliquer les mêmes solutions à ces quatre textes.
(11) Même si un écrit est requis comme condition de validité lorsque l'affrètement à temps ou coque nue excède une durée d'un an (C. transports, art. L. 5423-2 (N° Lexbase : L6824IN3).
(12) Sans insister sur le fait que mentionner la durée du cautionnement garantissant un affrètement au voyage peut être délicat.
(13) Même celles édictées par des organismes français, telle la Synacomex 2000.
(14) Dans l'affaire jugée par la cour d'appel de Rennes, le taux de fret s'élevait mensuellement à 9 000 euros HT par navire, soit 45 000 euros HT par mois...
(15) Nous ne reviendrons pas, dans le cadre de cette étude, sur notre proposition d'abroger les articles L. 341-2 et L. 341-3. Pour un exposé de cette proposition, v. nos obs., La mention manuscrite dans le contrat de cautionnement, encore et toujours !, note sous Cass. com., 5 avril 2011, deux arrêts n° 09-14.358, FS-P+B (N° Lexbase : A3426HN9) et n° 10-16.426, FS-P+B (N° Lexbase : A3424HN7), Lexbase Hebdo n° 442 du 2 juin 2011 - édition privée (N° Lexbase : N4166BS4) ; G. Piette et J. Lasserre-Capdeville, Portée des mentions manuscrites requises de la part de la caution, D., 2013, p. 1460. Adde G. Piette et G. Georgijevic, La réforme du droit mauricien des sûretés, RIDC, 2014, n° 4, spéc. n° 59 ; nos obs. De l'art de faire n'importe quoi : l'oeuvre législative en droit des sûretés, Lexbase Hebdo n° 394 du 18 septembre 2014 - édition affaires (N° Lexbase : N3652BUS).
(16) Ceci permettrait néanmoins d'éviter que le Code de la consommation, dont l'objet est en principe bien ciblé, en vienne à protéger des cautions averties (par exemple, dirigeants sociaux) qui garantissent des opérations économiques dans le cadre de leur activité professionnelle.
(17) Les travaux préparatoires de cette loi révèlent sans l'ombre d'un doute que le créancier visé par les articles L. 341-2 et suivants du Code de la consommation est l'établissement de crédit. Les membres de la commission spéciale à l'Assemblée nationale, et notamment son président et son rapporteur, n'ont fait référence qu'aux banques au cours de leurs discussions.
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Réf. : Cass. soc., 13 novembre 2014, n° 13-14.206, FS-P+B (N° Lexbase : A2988M33)
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Réf. : Communiqué du 7 novembre 2014 du ministère des Finances
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Le 21 Novembre 2014
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Réf. : CE 2° et 7° s-s-r., 7 novembre 2014, n° 384014, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A9465MZL)
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Le 22 Novembre 2014
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Réf. : Cons. const., décision n° 2014-427 QPC du 14 novembre 2014 (N° Lexbase : A0179M3Z)
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Le 20 Novembre 2014
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Réf. : Ordonnance n° 2014-1348 du 12 novembre 2014, modifiant les dispositions du Code de la propriété intellectuelle relatives au contrat d'édition (N° Lexbase : L8291I4T)
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Le 20 Novembre 2014
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Réf. : Cass. soc., 5 novembre 2014, n° 13-18.114, FS-P+B (N° Lexbase : A9279MZP)
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par Sébastien Tournaux, Professeur à la Faculté de droit de Bordeaux
Le 20 Novembre 2014
Résumé
La période d'essai, renouvellement inclus, ne peut être prolongée du fait de la durée du délai de prévenance. En cas de rupture pendant la période d'essai, le contrat prend fin au terme du délai de prévenance s'il est exécuté, et, au plus tard, à l'expiration de la période d'essai. La poursuite de la relation de travail, au-delà du terme de l'essai, donne naissance à un nouveau contrat de travail à durée indéterminée qui ne peut être rompu à l'initiative de l'employeur que par un licenciement. |
Commentaire
I - L'encadrement strict des effets du délai de prévenance sur la durée d'essai
L'obligation de respecter un délai de prévenance. Parmi les innovations introduites par la loi du 25 juin 2008 (1) figurait l'apparition de délais légaux de prévenance (2) en cas de rupture du contrat de travail durant la période d'essai, que la rupture soit à l'initiative du salarié (3) ou de l'employeur (4).
S'agissant spécialement du délai devant être respecté par l'employeur, le texte est longtemps demeuré lacunaire. S'il prévoyait bien, en effet, la durée des délais de prévenance en fonction de l'ancienneté du salarié dans l'entreprise, s'il ajoutait que "la période d'essai, renouvellement inclus, ne [pouvait] être prolongée du fait de la durée du délai de prévenance", le texte demeurait silencieux quant aux conséquences du non-respect du délai de prévenance.
La sanction du non-respect du délai de prévenance. Cet oubli a été réparé par une ordonnance n° 2014-699 du 26 juin 2014, portant simplification et adaptation du droit du travail (N° Lexbase : L5689I34), qui a introduit un nouvel alinéa à l'article L. 1221-25 du Code du travail, lequel dispose désormais que "lorsque le délai de prévenance n'a pas été respecté, son inexécution ouvre droit pour le salarié, sauf s'il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice" (5).
Cette disposition nouvelle constitue le prolongement de la position qu'avait adoptée la Chambre sociale le 23 janvier 2013, lorsqu'elle jugeait que, "si l'employeur met fin à la période d'essai avant son terme, la rupture ne s'analyse pas en un licenciement, quand bien même cet employeur n'a pas respecté le délai de prévenance" (6). La solution, logique, consacre l'idée selon laquelle le délai de prévenance ne peut proroger la durée de la période d'essai, si bien que le non-respect par l'employeur de cette obligation ne peut aboutir ni à la transformation de l'essai en contrat à durée indéterminée, ni aboutir à ce que la rupture soit qualifiée de licenciement (7).
Il fallait cependant, comme cela avait été suggéré (8), que le salarié soit indemnisé du préjudice subi en raison du caractère brusque de la rupture, ce à quoi le texte aboutit en définitive.
Malgré ces précisions, certaines entreprises ont pu, plus ou moins de bonne foi, considérer que le salarié devait effectivement bénéficier du délai de prévenance et ont choisi de prolonger la période d'essai de la durée du délai de prévenance. C'est à cette situation qu'était confrontée la Chambre sociale de la Cour de cassation, dans une affaire jugée le 5 novembre 2014.
L'affaire. Un salarié avait été engagé en qualité de directeur commercial le 17 janvier 2011, le contrat de travail prévoyant une période d'essai de trois mois renouvelable. Le 8 avril suivant, l'employeur met fin à la période d'essai par une lettre faisant produire effet à la rupture le 22 avril.
Le salarié, considérant que son contrat de travail était devenu définitif, saisit la juridiction prud'homale afin que celle-ci analyse la rupture de son contrat de travail comme un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
La cour d'appel de Metz jugea que le contrat de travail avait été rompu durant la période d'essai (9). En effet, les juges d'appel considéraient que la période d'essai prenait fin le 16 avril, que le salarié avait bénéficié du délai de prévenance de deux semaines auquel il pouvait prétendre entre le 8 et le 22 avril. En définitive, la date du 22 avril, quoique postérieure à l'échéance de la période d'essai, constituait bien, à ses yeux, la date de rupture d'essai, puisqu'elle n'avait été choisie qu'en vue de respecter les règles du Code du travail relatives au délai de prévenance du salarié.
Par un arrêt rendu le 5 novembre 2014, la Chambre sociale de la Cour de cassation casse cette décision au visa de l'article L. 1221-25 du Code du travail. La Chambre sociale juge qu'en vertu de ce texte, "la période d'essai, renouvellement inclus, ne peut être prolongée du fait de la durée du délai de prévenance". Elle en déduit qu'en cas de rupture du contrat de travail durant la période d'essai, "le contrat prend fin au terme du délai de prévenance s'il est exécuté, et au plus tard à l'expiration de la période d'essai". La poursuite du contrat de travail, au-delà du terme de l'essai, donnait donc "naissance à un nouveau contrat de travail à durée indéterminée qui ne peut être rompu à l'initiative de l'employeur que par un licenciement". Les juges d'appel ayant constaté que la relation de travail s'était poursuivie au-delà du terme de la période d'essai ont donc violé le texte visé et auraient dû considérer que la rupture du contrat de travail s'analysait en un licenciement.
II - La naissance d'une nouvelle relation contractuelle en cas de dépassement de la durée d'essai
L'impossible prorogation de la période d'essai. Il n'y a probablement pas grand-chose à redire au raisonnement adopté par la Chambre sociale.
Le deuxième alinéa de l'article L. 1221-25 du Code du travail est en effet dépourvu de toute ambiguïté : le délai de prévenance ne peut conduire à proroger la durée de la période d'essai. Jean Mouly expliquait, fort à propos, que cette règle était destinée à éviter l'instrumentalisation du délai de prévenance par des entreprises qui souhaiteraient profiter de quelques jours d'essai supplémentaires, sans qu'aucun espoir de maintien du salarié dans l'entreprise ne subsiste (10).
L'argumentation de la Chambre sociale semble, en outre, préserver la jurisprudence acquise depuis 2005, aux termes de laquelle la rupture du contrat de travail, pendant la période d'essai, est un acte non-réceptice, si bien que la rupture intervient au moment de l'émission de la volonté de l'employeur de rompre le contrat de travail (11). En effet, en considérant qu'en "cas de rupture durant pendant la période d'essai, le contrat prend fin au terme du délai de prévenance s'il est exécuté et au plus tard à l'expiration de la période d'essai", la Chambre sociale dissocie le moment de la rupture de celui de l'achèvement des effets du contrat, comme elle le fait en matière de préavis de licenciement : le contrat est rompu mais la relation contractuelle perdure pendant le préavis ou ici le délai de prévenance. La limite maximale se situe dans le terme de la période d'essai puisque, le délai de prévenance ne pouvant proroger celle-ci, la continuation de la relation de travail au-delà de l'essai correspond à une relation de travail qui devrait avoir pris fin.
La poursuite de la relation de travail par un nouveau contrat de travail. C'est donc, fort logiquement là aussi, qu'il convient de considérer que c'est un nouveau contrat de travail à durée indéterminée qui existe entre les parties dont la relation se poursuit au-delà de l'essai. Le raisonnement n'allait pourtant pas de soi puisqu'il est d'usage de considérer que la relation de travail qui se poursuit au-delà de la période d'essai emporte la transformation du "contrat à l'essai" en contrat définitif.
Il fallait, toutefois, tenir compte du fait que le contrat de travail avait effectivement été rompu durant l'essai. Dans ces conditions, il ne pouvait plus s'agir du même contrat sauf à considérer que la première rupture soit annulée, ce qui ne peut se justifier, faute de cause d'annulation (12). Le salarié travaille, sans contrat de travail écrit, ce qui n'est pas véritablement un problème puisque, par principe, le contrat de travail demeure un contrat consensuel qui peut être constaté selon les formes qui conviennent aux parties (13).
L'exclusion de toute nouvelle période d'essai. La Chambre sociale ajoute enfin que ce nouveau contrat de travail ne peut être rompu à l'initiative de l'employeur que par un licenciement. Sans le dire aussi clairement, la Chambre sociale considère donc qu'aucune période d'essai ne peut venir assortir ce nouveau contrat de travail, ce qui peut s'appuyer tant sur des raisons de forme que de fond.
Sur la forme, on sait que l'existence d'une période d'essai ne se présume pas, ce qui implique, en pratique, que le principe de la période d'essai ait été prévu dans le contrat de travail (écrit) ou dans la lettre d'engagement (14).
Sur le fond, les juridictions judiciaires semblent de plus en plus rétives à admettre qu'une période d'essai figure dans un contrat de travail conclu entre un employeur et un salarié qui se connaissent déjà. D'une manière générale, la Chambre sociale refuse, depuis 2005, qu'une nouvelle période d'essai intervienne en cours de relations contractuelles entre les parties, là où, jusqu'alors, elle l'acceptait à condition que soit démontrée une novation du contrat de travail (15). Quand bien même un nouveau contrat de travail est donc conclu, c'est la même relation contractuelle qui s'est poursuivie après l'échéance de l'essai du premier contrat, si bien qu'en principe, aucune nouvelle période d'essai ne pourrait être stipulée. A cela s'ajoute que la Chambre sociale accepte de déduire de la période d'essai du contrat conclu entre les parties la durée des contrats à durée déterminée antérieurs (16), quand bien même les fonctions exercées par le salarié ne seraient pas les mêmes (17). Des juridictions du fond vont plus loin, acceptant de prendre en compte d'anciennes relations déjà entretenues plusieurs années auparavant entre les mêmes parties pour réduire la durée de l'essai du contrat conclu (18). Puisque le contrat de travail ne peut vraisemblablement pas être assorti d'une période d'essai, la rupture à l'initiative de l'employeur constitue un licenciement qui, faute qu'une procédure ait été respectée, est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
(1) Loi n° 2008-596 du 25 juin 2008, portant modernisation du marché du travail (N° Lexbase : L4999H7B), et les obs. de G. Auzero, Article 2 de la loi portant modernisation du marché du travail : les nouvelles périodes d'essai,, Lexbase Hebdo n° 312 du 10 juillet 2008 - édition sociale (N° Lexbase : N5224BGL).
(2) Des délais de prévenance conventionnels existaient parfois déjà, v. J. Ribettes-Tillhet, J.-L. Wibault, La période d'essai dans les conventions collectives, Dr. soc., 1968, p. 305.
(3) C. trav., art. L. 1221-26 (N° Lexbase : L8221IAQ).
(4) C. trav., art. L. 1221-25 (N° Lexbase : L5804I3D).
(5) Le texte poursuit en énonçant que "cette indemnité est égale au montant des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s'il avait accompli son travail jusqu'à l'expiration du délai de prévenance, indemnité compensatrice de congés payés comprise".
(6) Cass. soc., 23 janvier 2013, n° 11-23.428, FS-P+B (N° Lexbase : A8729I3P) et nos obs., Délai de prévenance et rupture d'essai, Lexbase Hebdo n° 515 du 7 février 2013 - édition sociale (N° Lexbase : N5648BTD) ; D., 2013, n° 313, obs. L. Perrin ; Dr. soc., 2013, p. 275, note J. Mouly.
(7) V. l'argumentation très convaincante de J. Mouly, préc..
(8) V. en particulier L. Perrin, préc..
(9) CA Metz, 26 mars 2013, n° 12/01998 (N° Lexbase : A9494KBA).
(10) J. Mouly, préc..
(11) Cass. soc., 11 mai 2005, n° 03-40.650, F-P+B+R+I (N° Lexbase : A2303DI7) et les obs. de G. Auzero, Revirement quant à la date de la rupture du contrat de travail en période d'essai, Lexbase Hebdo n° 169 du 26 mai 2005 - édition sociale (N° Lexbase : N4538AIW) ; D., 2006, p. 701, note B. Reynès ; Dr. soc., 2005, p. 920, obs. J. Mouly.
(12) Contrairement à ce que l'on pourrait imaginer, par exemple, en cas de rupture de la période d'essai fondée sur un motif discriminatoire, v. Cass. soc., 16 février 2005, n° 02-43.402, FS-P+B (N° Lexbase : L5583ACR) et les obs. de G. Auzero, La rupture du contrat de travail pendant la période d'essai ne peut être fondée sur un motif discriminatoire !, Lexbase Hebdo n° 157 du 3 mars 2005 - édition sociale (N° Lexbase : N4803ABI).
(13) C. trav., art. L. 1221-1 (N° Lexbase : L0767H9B).
(14) C. trav., art. L. 1221-23 (N° Lexbase : L8368IA8) ; il resterait, toutefois, la possibilité que le principe de la période d'essai soit prévu par une convention collective de travail applicable à l'entreprise et que l'employeur aurait pris soin de porter à la connaissance du salarié, comme semblait encore l'admettre récemment la Chambre sociale de la Cour de cassation, v. Cass. soc., 20 février 2013, n° 11-23.605, F-D (N° Lexbase : A4267I8K) ; Dr. soc., 2013, p. 583 et nos obs.
(15) Cass. soc., 30 mars 2005, n° 02-46.103, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A4304DHU) ; Cass. soc., 30 mars 2005, n° 03-41.797, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A4306DHX) ; Cass. soc., 30 mars 2005, n° 02-46.338, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A4305DHW) et les obs. de N. Mingant, Définition et régime juridique de la période probatoire, Lexbase Hebdo n° 163 du 13 avril 2005 - édition sociale (N° Lexbase : N3108AIX) ; RJS, 2005, p. 423, note J.-Y. Frouin ; SSL, 11 avril 2005, n° 1210, p. 5, concl. J. Duplat.
(16) Application de la règle posée par l'article L. 1243-11 du Code du travail (N° Lexbase : L1475H9I).
(17) Cass. soc., 9 octobre 2013, n° 12-12.113, FS-P+B (N° Lexbase : A6759KMB) et nos obs., Succession de contrats de travail et période d'essai, Lexbase Hebdo n° 545 du 24 octobre 2013 - édition sociale (N° Lexbase : N9074BTA) ; JCP éd. G, 2013, 1135, obs. D. Corrignan-Carsin ; JSL, 2013, n° 354-4, note J.-E. Tourreil.
(18) V. par ex. CA Aix-en-Provence, 14 juin 2013, n° 12/04985 (N° Lexbase : A0554KKQ) ; Cah. soc., 2013, n° 255. 327, note A. Martinon. Par cette décision, les juges d'appel prennent en compte un ancien contrat qui, pourtant, avait été rompu depuis plus d'un an, en s'appuyant sur le fait que cette ancienne relation contractuelle avait duré huit années.
Décision
Cass. soc., 5 novembre 2014, n° 13-18.114, FS-P+B (N° Lexbase : A9279MZP). Cassation partielle (CA Metz, 26 mars 2013, n° 12/01998 N° Lexbase : A9494KBA). Textes visés : C. trav., L. 1221-25 (N° Lexbase : L5804I3D). Mots-clés : période d'essai ; délai de prévenance ; prorogation (non) ; nouveau contrat de travail. Lien base : . |
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Réf. : Cons. const., 14 novembre 2014, n° 2014-425 QPC (N° Lexbase : A0177M3X)
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Le 20 Novembre 2014
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Réf. : Cass. civ. 3, 13 novembre 2014, n° 13-24.027, FS-P+B+R (N° Lexbase : A3015M33)
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Le 21 Novembre 2014
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