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N2407BUP
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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication
Le 29 Mai 2014
L'arrêt rendu par la Cour de justice de l'Union européenne, le 13 mai 2014, à l'encontre de Google, est évidement de ces batailles là. En pleine négociation sur la réforme de la Directive 95/46/CE, qui fixe le cadre juridique européen applicable aux moteurs de recherche en matière de protection des données à caractère personnel, la Cour consacre le "droit à l'oubli", de manière quasi-absolue, puisque, cette fois, les informations personnelles relayées sur internet via le célèbre moteur de recherche étaient, certes anciennes, mais surtout véridiques. Google est désormais "obligé de supprimer de la liste des résultats, des liens [...] contenant des informations relatives à [toute personne qui en fait la demande]", pour une désindexation permanente. Seule exception concédée par les juges strasbourgeois : le cas des personnes ayant un rôle dans la vie publique et nécessitant que l'on ait accès à leurs informations personnelles.
Le curseur entre le droit à l'oubli et la liberté d'expression ou le droit à l'information était, jusqu'à présent, certes perfectible, mais assez simple d'application, du moins pour l'éditeur comme pour le moteur de recherche : la licéité de la donnée personnelle emportait, par principe, le droit de publier l'information en cause. Il appartenait donc au juge de déterminer si les conditions d'obtention de la donnée étaient condamnables ou non ; l'illicéité entraînant de ce seul fait l'obligation de retirer de la toile, autant que possible, l'accès à l'information que l'on souhaitait effacer de la mémoire numérique collective. Et, le tout était couvert par la mise en oeuvre d'une responsabilité pour préjudice prouvé.
Désormais, la Cour estime que, même vraie, l'information personnelle n'a qu'une pertinence limitée dans le temps ; ce qui induit une durée prédéterminée de la conservation de la donnée : autant dire un non-sens lorsqu'il s'agit de données numériques sensées être imprescriptibles. Cela revient, pour les opérateurs d'internet, à incendier volontairement la Grande bibliothèque d'Alexandrie ! Bien entendu, quid de la durée en cause ? Qui est juge de la pertinence d'une information dans le temps ? Comment le droit à l'oubli se combine-t-il avec le devoir de mémoire ? Ne risque-t-on pas l'uchronie, une réécriture de l'histoire personnelle de l'individu en quête, pas nécessairement d'anonymat, mais d'un oubli collectif de ses actions et exactions ? Sans aller jusqu'au Feld Maréchal von Bonaparte de Jean Dutourd, ne favorise-t-on pas le syndrome "Rocancourt", du nom de ce célèbre escroc contemporain aux dizaines de vies ? Il ne sera rien de plus facile que d'ostraciser telle ou telle partie de sa vie ou information personnelle, pourtant vraie et constitutive de son identité, pour falsifier son histoire, au moins aux yeux des générations futures...
La Cour émet une réserve, sérieuse, concernant les personnes jouant un rôle dans la vie publique désormais encadrée même sur le net. Mais, de la même manière, qui déterminera si l'individu invoquant son droit à l'oubli est une personne publique ? Ce statut dépendra-t-il des fonctions professionnelles, sociales ? Des qualités et compétences artistiques ou physiques de l'individu ? A l'heure des réseaux sociaux déballant la vie de chacun sans pudeur et sans retenue, qu'est-ce qui ne relève pas de la vie publique ? Qui n'y joue aucun rôle ?
Il est à douter que les éditeurs et, encore plus, les moteurs de recherche n'établissent des protocoles de non-publication ou de désindexation automatiques sur la base de "frontières" du permissible aussi floues ; ils préfèreront attendre le verdict d'un juge les intimant de retirer les données en cause de leurs sites ou de leurs résultats. La quête d'humanisation de la machine numérique est un noble combat, mais il engrange une "usine à gaz" sans précédent. Le choc est d'autant plus frontal qu'il provoque tous les industriels de l'internet, donc l'économie du XXIème siècle, mais révèle également la diversité des sociétés occidentales. Quand la vie d'un européen pourra être gommée sur la toile, celle d'un américain sera imprescriptible au nom du premier amendement !
Il fut un temps où l'on pouvait être condamné post mortem à l'oubli. C'était la damnatio memoriae antique. On retirait les honneurs reçus, on effaçait le nom du condamné sur les monuments et stèles. Pharaon interdisait de prononcer le nom même de Moise son frère de lait... Quand Caracalla rayait de la mémoire collective le nom de Geta, son frère assassiné sur ses ordres... L'oubli était sans doute la plus intime des sanctions publiques ; le nom étant le seul bien qui pouvait traverser les âges ; le seul patrimoine imprescriptible.
Mais, on croyait, en ce temps là, à l'au-delà et à la rédemption après la mort. Aujourd'hui, l'individu exige la réhabilitation au cours de sa propre vie terrestre, et que le monde oublie ses crimes comme ses petites imperfections...
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Réf. : Cass. civ. 2, 22 mai 2014, n° 13-20.035, FS-P+B (N° Lexbase : A4958MML)
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N2362BUZ
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Le 29 Mai 2014
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Réf. : CA Rouen, 19 mars 2014, n° 13/04940 (N° Lexbase : A2097MH7)
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N2243BUM
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par Hervé Haxaire, Ancien Bâtonnier, Avocat à la cour d'appel, Président de l'Ecole régionale des avocats du Grand Est (ERAGE)
Le 29 Mai 2014
Le conseil de l'Ordre et le SAF faisaient valoir, notamment, que la délibération était compatible avec la nature libérale de l'activité de l'avocat, les valeurs libérales de la profession d'avocat ne s'attachant pas à une prise de risque ou à un esprit d'entreprise, mais seulement à son mode d'exercice indépendant de son client et à la nature de sa prestation, un service intellectuel.
La cour d'appel de Rouen n'a pas voulu se laisser enfermer dans ce débat sémantique sur les valeurs libérales de la profession d'avocat. Elle a visé, quant à elle, l'article 7 de la loi de 1971 (N° Lexbase : L6343AGZ), renvoyant à l'article 18 de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005, en faveur des petites et moyennes entreprises (N° Lexbase : L7582HEK), dont il résulte que le "collaborateur libéral exerce son activité professionnelle en toute indépendance, sans lien de subordination".
Elle aurait pu utilement viser aussi le V de ce même article 18 qui dispose que "le collaborateur libéral relève du statut social et fiscal du professionnel libéral qui exerce en qualité de professionnel indépendant".
La définition de la qualité de professionnel indépendant du collaborateur libéral y est moins philosophique, mais plus juridique.
Tout aussi déterminant est le motif de la cour tiré de la collectivisation du risque lié à la perte de collaboration, pour le faire supporter par l'ensemble de la profession, alors que le risque de perte de collaboration est inhérent au caractère libéral du statut d'avocat collaborateur.
Les juges du fond, qui n'ont pas à se prononcer sur l'opportunité d'une décision prise par un conseil de l'Ordre, se sont abstenus de dire qui, à défaut de collectivisation du risque de perte de collaboration, devait supporter ce risque. Les réponses possibles méritent toutefois d'être envisagées : le collaborateur, ou l'avocat qui engage un collaborateur ?
Le conseil de l'Ordre de Rouen et le SAF semblaient avoir une préférence pour un partage du risque par l'ensemble des confrères, plutôt que par les avocats directement concernés par la rupture du contrat de collaboration.
Le deuxième motif déterminant de l'arrêt du 19 mars 2014 est le suivant : "Au surplus, l'octroi de cet avantage aux avocats collaborateurs, alors que les autres avocats libéraux, exerçant à titre individuel ou en qualité d'avocats associés, n'en disposent pas, introduit une rupture d'égalité, non prévue par la loi, dans l'exercice de la profession".
Curieusement, ce sont des magistrats qui rappellent et consacrent un principe intangible de la profession d'avocat, celui de l'égalité entre confrères. Mieux, la cour sanctionne, en prononçant l'annulation de la délibération litigieuse, une rupture d'égalité dans l'exercice de la profession d'avocat.
Le conseil de l'Ordre et le SAF contestaient qu'il soit porté atteinte à l'égalité entre avocats et faisaient valoir qu'il s'agissait, durant les premiers mois suivant la perte de la collaboration, de permettre à un confrère avocat, en règle générale débutant dans la profession, d'éviter d'accepter, sous pression professionnelle et financière, une collaboration aux conditions parfois peut-être abusives ou de s'installer sans les ressources nécessaires à assurer la pérennité de son exercice.
Que l'aveu que, "peut-être", une proposition de collaboration pourrait comporter des conditions abusives, est étonnant quand il sera rappelé qu'il entre, évidemment, dans les prérogatives de l'Ordre et de son Bâtonnier de les proscrire et de les empêcher.
L'article 7 de la loi du 31 décembre 1971, en vigueur depuis le 30 mars 2011, énumère les modes d'exercice possibles de la profession d'avocat : "L'avocat peut exercer sa profession soit à titre individuel, soit au sein d'une association dont la responsabilité des membres peut être, dans les conditions définies par décret, limitée aux seuls membres de l'association ayant accompli l'acte professionnel en cause, d'une société civile professionnelle, d'une société d'exercice libéral ou d'une société en participation prévues par la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990, relative à l'exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé (N° Lexbase : L3046AIN), soit en qualité de salarié ou de collaborateur libéral d'un avocat ou d'une association ou société d'avocats. Il peut également être membre d'un groupement d'intérêt économique ou d'un groupement européen d'intérêt économique.
Sans préjudice des dispositions du présent article, l'avocat peut exercer sa profession en qualité de collaborateur libéral d'un avocat selon les modalités prévues par l'article 18 de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005, en faveur des petites et moyennes entreprises".
L'exercice de la profession "en qualité de collaborateur libéral d'un avocat" n'est donc que l'un des innombrables modes d'exercice prévus par la loi.
La sanction d'une discrimination, même si la cour de Rouen n'a pas utilisé ce mot, n'était donc pas dépourvue de tout fondement légal.
L'arrêt de Rouen a écarté un troisième moyen invoqué par le conseil de l'Ordre et par le SAF dans les termes suivants : "Si l'article 17-6 de la loi de 1971 permet au conseil de l'Ordre de traiter de toute question intéressant l'exercice de la profession et de veiller à l'observation des devoirs des avocats ainsi qu'à la protection de leurs droits, et notamment d'administrer et d'utiliser les ressources de l'Ordre pour assurer les secours, allocations ou avantages quelconques attribués à ses membres ou anciens membres, ces pouvoirs ne peuvent être exercés que sous réserve du respect des règles de la profession d'avocat.
La délibération litigieuse, non compatible avec le caractère libéral et indépendant de la profession pour les motifs ci-dessus exposés, sera en conséquence annulée".
La cour d'appel, juge de la légalité ou juge de l'opportunité des décisions d'un conseil de l'Ordre ?
La cour répond clairement que c'est comme juge de la légalité qu'elle prononce l'annulation de la décision du conseil de l'Ordre.
Rappelons que, selon les dispositions de l'article 15 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 (N° Lexbase : L8168AID), visé par la cour de Rouen, un avocat peut exercer un recours contre une délibération ou une décision du conseil de l'Ordre quand il s'estime lésé dans ses intérêts professionnels.
Tous les avocats d'un barreau, notamment par leurs cotisations, concourent aux ressources de l'Ordre.
En l'espèce, ce n'est pas le Procureur général, mais bien deux avocats du barreau de Rouen, qui ont fait valoir que la délibération en date du 11 juin 2013 lésait leurs intérêts professionnels.
La collectivisation du risque lié à la perte de collaboration, en en faisant supporter le coût à l'ensemble du barreau, comme la rupture d'égalité entre avocats (tous libéraux et tous indépendants) au seul profit des avocats collaborateurs (et des avocats qui les recrutent ?) ont été considérés implicitement, mais nécessairement, par la cour d'appel de Rouen comme portant atteinte aux règles légales qui régissent la profession, et aux intérêts professionnels des membres du barreau de Rouen.
Durant des décennies, le statut de collaborateur de l'avocat a été avant tout provisoire. Il coïncidait généralement, sauf les cas plus rares de collaborations durables, avec la période du stage.
Le stage était pour le jeune avocat, nouvellement diplômé, une période transitoire de formation.
Mal rémunéré, parfois non rémunéré, l'avocat stagiaire collaborateur qui n'avait pas reçu de formation initiale digne de ce nom était considéré comme "un confrère plein d'avenir", mais au demeurant peu compétent dans l'immédiat. Par sa fréquentation assidue du Palais, celle des juridictions extérieures, l'assistance aux expertises, et en dépit des formatrices et chronophages commissions d'office, il était néanmoins utile au cabinet qui l'employait.
Ce jeune collaborateur apprenait son métier, admirait et enviait son maître de stage, ou pas, et rêvait du jour de son installation prochaine.
Il s'accommodait, ou mal, de sa médiocre rémunération, la sachant temporaire. Le jeune collaborateur parvenait, peu ou prou, à développer une clientèle personnelle qui venait corriger la modicité de sa rétrocession d'honoraires.
Le maître de stage trouvait, lui aussi, des avantages à une rémunération de faible niveau, évidemment, d'autant plus faible qu'elle ne donnait lieu à aucunes charges sociales patronales.
Le stage, et donc la collaboration, terminés, le maître de stage prenait un autre stagiaire, contribuant ainsi à l'accroissement exponentiel de l'effectif du barreau, la notion même de numerus clausus étant alors étrangère à la profession.
Employer un collaborateur était valorisant. C'était un signe de grande activité du cabinet, même s'il n'est pas certain que le collaborateur aurait été embauché avec un statut de salarié, si le statut libéral n'avait pas existé.
L'administration fiscale comme les organismes sociaux ne voyaient rien à redire à ce statut d'avocat "collaborateur libéral et indépendant", puisque c'est de formation dont il était question.
Mais cela, c'était avant.
De transitoire, le statut de l'avocat collaborateur est devenu précaire.
La fusion des anciennes professions d'avocat et de conseil juridique a introduit le salariat dans la nouvelle profession d'avocat, avec la protection qui est attachée au statut de salarié.
La formation de l'avocat a été réformée en profondeur et le stage a disparu. Les difficultés économiques dans l'exercice de la profession d'avocat sont apparues.
Le statut de collaborateur a été maintenu. Amendé, mais maintenu.
Dans les faits, il n'est plus lié aux premières années d'exercice de la profession suivant la prestation de serment. Il est devenu un mode d'exercice qui mériterait de figurer dans l'énoncé de l'article 7 de la loi de 1971, au premier alinéa, parmi les modes les plus usités, et nos pas comme de façon anecdotique, au deuxième alinéa de ce texte.
La collaboration est devenue un statut quasi permanent pour de nombreux avocats, ce qui ajoute à sa précarité.
Les avocats collaborateurs libéraux, censés développer une clientèle personnelle ne le peuvent souvent pas dans un contexte de crise aigüe et persistante.
Faut-il, dès lors, s'étonner, voire feindre de s'émouvoir, que de nombreux avocats collaborateurs, pourtant libéraux et indépendants, revendiquent des droits qui se rapprochent du statut des avocats collaborateurs salariés (dans les domaines de la maternité, de la parentalité, de l'adoption, des conditions d'exercice et de rupture de la collaboration, de rémunération) ?
Le Conseil national des barreaux a modifié en profondeur et à de nombreuses reprises son RIN, notamment lors de sa dernière assemblée générale des 11 et 12 avril 2014, dans le sens d'un rapprochement du statut de l'avocat collaborateur libéral avec celui de l'avocat collaborateur salarié.
Nouvelle étape, l'instauration par la Société de courtage des barreaux d'une assurance liée à la perte de collaboration et à laquelle souscrivent des barreaux, comme celui de Rouen.
Une assurance offre des garanties, c'est son objet même.
Elle est objet de commerce, en l'occurrence par une entreprise qui n'est pas totalement éloignée d'institutions représentatives de la profession et elle génère des bénéfices. Mais elle a également un coût.
Une première question est de s'interroger sur le point de savoir si le contrat de collaboration a encore une justification en 2014, alors qu'il peut être recouru à un contrat de collaboration salarié qui accorde les plus grandes protections aux collaborateurs. N'y aurait-il pas lieu, pour apprécier justement le degré d'indépendance et le caractère libéral de son exercice, de vérifier que l'avocat collaborateur libéral a une activité personnelle notable ?
C'est à l'évidence aux syndicats qu'il appartient de répondre à cette première question.
Une deuxième question est de savoir qui doit supporter le coût d'une assurance pour perte de collaboration ?
Dans le contrat de collaboration salariée, employeur et collaborateur salarié cotisent seuls aux assurances contre le chômage.
Pour ce qui concerne le contrat de collaboration libérale, la cour d'appel de Rouen a proposé une réponse.
Décision
CA Rouen, 19 mars 2014, n° 13/04940 (N° Lexbase : A2097MH7) Lien base : (N° Lexbase : E9310ETY) |
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Réf. : Cass. com., 1er avril 2014, n° 13-16.902, FS-P+B (N° Lexbase : A6291MIT)
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N2363BU3
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par Deen Gibirila, Professeur à la Faculté de droit et science politique (Université Toulouse I Capitole), Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition affaires
Le 29 Mai 2014
I - L'acceptation crée une présomption simple d'existence de la provision
L'acceptation est l'engagement cambiaire que prend le tiré de payer à l'échéance le montant de la traite et par lequel il se reconnaît débiteur principal de celle-ci. Elle ne constitue pas seulement la reconnaissance d'une dette envers le tireur, mais encore donne-t-elle naissance à un engagement cambiaire contre ce dernier. Aussi, fait-elle présumer l'existence de la provision, dans la mesure où, également, le tiré n'est pas censé s'engager sans cause. Elle n'est pas un paiement, mais une garantie supplémentaire de paiement, le tiré étant désormais directement engagé vis-à-vis du porteur, même s'il n'a pas reçu provision de la part du tireur.
Pour statuer sur le présent litige soumis à son appréciation, la Chambre commerciale s'appuie sur le même principe que celui invoqué par l'arrêt d'appel censuré, selon lequel l'acceptation suppose la provision et en établit la preuve à l'égard des endosseurs (5). Celui qui invoque l'existence de la provision est, par conséquent, dispensé de la prouver, dès lors que le tiré a accepté la lettre de change (6).
Si cette règle s'applique quand le motif du tiré accepteur est fondé sur le défaut de provision, en revanche elle est écartée quand il repose sur le défaut de cause ; la charge de la preuve pèse donc sur le tireur (7).
La présomption d'existence de la provision ne joue pas seulement dans les rapports du tiré avec les endosseurs ; elle profite également au tireur et au porteur à l'égard du tiré accepteur (8), sous réserve que celui-ci soit de bonne foi (9). Une distinction s'impose donc selon que la présomption de provision née de l'acceptation du tiré est alléguée à l'encontre de celui-ci par le tireur ou par le porteur ou un endosseur.
En effet, parfois c'est le tireur qui désire rapporter la preuve, soit contre le tiré afin d'écarter son action en remboursement exercée après paiement, soit contre le porteur non payé qui s'est montré négligent, pour lui opposer la déchéance de l'article L. 511-49, II, du Code de commerce (N° Lexbase : L6702AI3). Parfois, c'est le porteur qui a intérêt à établir l'existence de la provision dont il est cessionnaire d'après l'article L. 511-7, alinéa 3, du même code et qu'il revendique dans le cadre d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire ouverte contre le tiré. Enfin, dans d'autres cas, c'est un endosseur qui a la charge de ladite preuve, dans la mesure où, ayant préalablement désintéressé le porteur et étant entré en possession du titre cambiaire, il prétend invoquer à son tour les prérogatives inhérentes à la propriété de la provision.
Dans les rapports des endosseurs ou du porteur avec le tiré, ce qui n'est pas le cas dans l'espèce rapportée, la présomption d'existence de la provision joue également contre ce dernier au profit des premiers rentrés en possession de la traite, après avoir désintéressé le porteur. Certaines décisions du début du siècle qualifiaient d'irréfragable cette présomption, au motif que le porteur et les endosseurs puisaient "dans l'acceptation un droit spécial et plus complet" que celui du tireur (10). Bien qu'isolément reprise (11), leur solution est généralement critiquée par la doctrine moderne (12) et la Cour de cassation ne la reconduit plus (13).
S'agissant en revanche comme dans la présente décision de justice, des rapports entre le tireur et le tiré, une jurisprudence constante, approuvée par la doctrine, révèle que l'acceptation établit dans les relations du tiré et du tireur une présomption d'existence de la provision. Cette présomption qui est simple, subit la preuve contraire, notamment par la mention de découvert contenue dans l'acceptation (14).
Cette solution, remise en cause à une époque, a été consacrée par la Cour de cassation qui, à maintes reprises, a affirmé le caractère simple de la présomption (15). Elle est logique car l'engagement cambiaire du tiré demeure à l'égard du tireur sous la dépendance du rapport fondamental. Aussi, la présomption de provision énoncée par l'ancien article 116 du Code de commerce (devenu l'article L. 511-7 de ce code) peut être écartée par le tiré accepteur, en cas d'inexécution du contrat constituant la cause de la traite (16). Il incombe donc au tiré accepteur d'une lettre de change, assigné en référé à payer une provision sur le montant de cet effet, d'établir que l'obligation invoquée par le tireur est sérieusement contestable (17).
Compte tenu du caractère simple de la présomption d'existence de la provision, laquelle peut être combattue par la preuve contraire quand l'action cambiaire oppose le tireur au tiré accepteur d'une traite, ce dernier demeure tenu dans les liens du change, s'il ne rapporte pas cette preuve (18). Ainsi, faute pour le tiré d'établir l'absence de cause qu'il a invoquée, la Cour de cassation a approuvé la cour d'appel de l'avoir condamné au paiement de la lettre de change qu'il a acceptée (19).
La Haute juridiction a, par ailleurs, censuré un arrêt rendu en matière de référé qui avait rejeté la demande d'allocation d'une provision formée par le tireur sur le montant des traites acceptées, au motif que le tireur ne démontrait pas que l'obligation du tiré n'était pas sérieusement contestable. Il incombait effectivement au tiré de prouver l'absence de provision, alors que la cour d'appel avait renversé le fardeau de la preuve (20).
C'est à peu de chose près, la situation rencontrée dans l'affaire actuelle. La Chambre commerciale, fustigeant l'arrêt de la cour d'appel de Lyon, considère que pour combattre cette présomption, il incombe à l'avaliste tenu de la même manière que le tiré accepteur (21), par conséquent, à l'instar de ce dernier, d'établir le défaut de provision.
II - L'avaliste est tenu dans les mêmes termes que le débiteur garanti
L'aval se définit comme l'engagement que prend une personne de payer tout ou partie du montant d'un effet de commerce à l'échéance, à la place du débiteur principal garanti qui a précédemment apposé sa signature sur le titre. Celui qui garantit le paiement est appelé "donneur d'aval" ou "avaliseur" ou, encore, "avaliste".
L'avaliste est donc la caution solidaire du débiteur principal. Son obligation est de même nature, quelle que soit la manière dont il a acquis les effets avalisés, qu'il s'agisse d'une opération d'escompte ou d'une cession de créance aléatoire.
Il s'ensuit qu'en signant le titre, le donneur d'aval en devient partie (22) et commercialement tenu, comme les autres signataires, quand bien même ne serait-il pas commerçant. Par conséquent, l'action intentée contre lui est de nature cambiaire et relève de la compétence du tribunal de commerce (23).
Le droit commun du cautionnement solidaire entraîne deux séries de conséquences.
D'une part, étant tenu solidairement avec le débiteur principal (le tiré), l'avaliste ne peut se prévaloir ni du bénéfice de discussion, ni du bénéfice de division qui n'appartiennent qu'à la caution simple (24), alors même que la personne garantie serait solvable. Poursuivi en paiement par le porteur, il ne peut contraindre ce dernier à agir contre le débiteur cautionné. Actionné, alors que d'autres donneurs d'aval sont tenus comme lui, il ne peut obliger le demandeur à limiter sa poursuite à la part et à la portion de chacun dans la dette. En effet, la solidarité cambiaire qui caractérise la lettre de change, confère au porteur de celle-ci le droit de rechercher tous ceux qui l'ont tiré, accepté, endossé ou avalisé (25), lesquels sont solidairement tenus envers lui, individuellement ou collectivement, sans avoir à respecter l'ordre dans lequel ils se sont obligés (26).
D'autre part, n'intervenant que pour répondre de l'engagement du débiteur garanti, l'avaliste, débiteur accessoire, est obligé de la même manière que celui dont il s'est porté garant (27). Il s'ensuit que son engagement est toujours de nature cambiaire. De plus, la banque, qui a inscrit le montant d'un billet à ordre au débit du compte courant d'une société mise en liquidation judiciaire et, par conséquent, en a obtenu paiement, a perdu la possibilité d'exercer un recours contre l'avaliste (28).
La solidarité qui unit l'avaliseur au débiteur garanti est parfaite et suppose la représentation mutuelle entre eux. Il s'ensuit que l'interruption de la prescription intervenue contre le tiré vaut également contre son avaliste (29), tout comme une décision passée en force de chose jugée contre l'avalisé est valable contre l'avaliste (30).
Rappelons, comme le précise l'actuelle décision de justice, que l'avaliste tenu de la même manière que la personne garantie, en l'occurrence le tiré, bien que cela puisse être le tireur, faute d'avoir précisé l'identité de cette personne (31), ou un donneur d'aval antérieur (32), peut se heurter à la présomption de provision attachée à l'acceptation. Dès lors, en tant que débiteur accessoire poursuivi par le créancier sans que celui-ci, eu égard à la solidarité cambiaire, ait préalablement cherché le tiré débiteur principal, doit démontrer l'absence de provision pour échapper au paiement de la dette. A défaut, il est obligé de s'en acquitter. S'il paie, il acquiert les droits résultant de la traite (33).
Du principe selon lequel le donneur d'aval est un débiteur accessoire "tenu de la même manière que celui dont il s'est porté garant", il résulte que l'obligation imposée au porteur de notifier le défaut de paiement à son endosseur et, le cas échéant, à l'avaliste de celui-ci, sous peine de dommages, ne s'applique ni au tiré, ni à l'avaliseur de ce dernier (34).
La solidarité qui existe entre le tiré et l'avaliseur et, par conséquent, la représentation mutuelle entre eux ne s'arrête pas là ; l'opposition de la présomption de provision n'en constitue qu'un aspect. Ainsi, l'avaliseur peut invoquer la négligence du porteur, dans la mesure où le débiteur garanti dispose lui-même de cette prérogative. Pareillement, lorsque le donneur d'aval ne peut, en raison d'une disposition spéciale au droit cambiaire, opposer au porteur les causes de nullité affectant l'obligation garantie, il peut invoquer tous les autres moyens de défense dont pourrait se prévaloir le débiteur garanti (35). A l'inverse, le tiré accepteur ne peut se prévaloir de l'absence de provision à l'encontre de l'avaliseur de bonne foi (36).
L'avaliste peut également opposer au porteur les mêmes moyens de défense que le débiteur garanti par lui, notamment toutes les exceptions issues des rapports personnels entre ce dernier et le porteur, en particulier l'absence de provision au tireur demeuré porteur (37). En outre, il peut comme une caution refuser de payer si, par la faute du porteur, il ne peut plus bénéficier utilement du jeu de la subrogation légale dans les droits de celui-ci (38).
Par ailleurs, ce qui est logique, l'avaliste tenu dans les mêmes termes que la personne garantie, ne saurait avoir plus de droits qu'elle ; il ne peut donc invoquer l'article L. 511-49 du Code de commerce, s'il est intervenu pour le tiré accepteur. Ainsi, quand le porteur d'un effet de commerce payable à vue le présente au paiement plus d'un an après sa création, l'avaliste ne peut alléguer sa négligence, car le tiré ne l'aurait pas pu non plus (39).
(1) M. Caverivière, L'aval institution cambiaire, thèse Nice, 1981.
(2) G. Endréo, La provision, garantie du paiement de la lettre de change, thèse Nantes, 1980 ; A. Boujéka, La provision. Essai d'une théorie générale en droit français, 2001, LGDJ.
(3) Voir toutefois dernièrement, CA Paris, Pôle 5, 6ème ch., 9 janvier 2014, n° 12/10185 (N° Lexbase : A1340KTS), note V. Téchené, La nature juridique de l'aval donné sur une lettre de change irrégulière, Lexbase Hebdo n° 367 du 30 janvier 2014 - édition affaires (N° Lexbase : N0473BU3) ; LPA 20 mars 2014, n° 57, p. 6, nos obs. sur le sort de l'aval donné sur une lettre de change nulle.
(4) Selon le moyen annexé au présent arrêt, "Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé le jugement...".
(5) C. com., art. L. 511-7, al. 4 et 5 (N° Lexbase : L6660AII).
(6) Cass. com., 4 janvier 1980, n° 78-12.637, publié (N° Lexbase : A8488AHT), Bull. civ. IV, n° 4.
(7) Cass. com. 8 juin 1982, n° 80-13.767, publié (N° Lexbase : A6179CGX), Bull. civ. IV, n° 223 ; D., 1983, IR 43, obs. M. Cabrillac.
(8) Cass. com. 16 juillet 1951, JCP, 1951, II, 6513, note P. Lescot, RTDCom., 1952, p. 124, obs. J. Becqué et H. Cabrillac ; Cass. com., 25 février 1975, n° 73-13.729, publié (N° Lexbase : A9133CI4), Bull. civ. IV, n° 60 ; Cass. com., 15 juillet 1975, n° 74-11.112 (N° Lexbase : A5891CHN), Bull. civ. IV, n° 201 ; Cass. com., 24 octobre 1977, publié (N° Lexbase : A8638CIR), Bull. civ. IV, n° 241 ; Cass. com., 4 janvier 1980, préc., note. 6 ; Cass. com., 5 mars 1991, n° 89-17.360 (N° Lexbase : A2743AB9), Bull. civ. IV, n° 96, RJDA 7/1991, n° 629, RTDCom., 1991, p. 263, obs. M. Cabrillac et B. Teyssié ; Cass. com., 4 juin 1991, n° 89-18.608, publié (N° Lexbase : A2776ABG), Bull. civ. IV, n° 207, RTDCom., 1991, p. 416, obs. M. Cabrillac et B. Teyssié ; Cass. com., 22 novembre 1994, n° 93-14.752 (N° Lexbase : A4974AC9), Bull. civ. IV, n° 348, RJDA, 3/1995, n° 327.
(9) Cass. com., 4 mai 1999, n° 96-16.050, inédit (N° Lexbase : A4127CMS), RJDA 7/1999, n° 834.
(10) Cass. req., 23 décembre 1903, DP 1905, 1, p. 358 ; Cass. req., 13 février 1928, DP 1929, 1, p. 13, note A. Chéron.
(11) CA Paris, 26 mars 1960, D., 1960, somm. p. 74
(12) R. Roblot, Les effets de commerce, n° 187, Sirey, 1975 ; M. Cabrillac, La lettre de change dans la jurisprudence, Litec 1978, 2ème éd., p. 24 ; C. Gavalda et J. Stoufflet, Instruments de paiement et de crédit, par J. Stoufflet, Litec 2006, 6ème éd., n° 85,
(13) Cass. com. 4 janvier 1980, préc., note 6.
(14) Cass. com., 16 juillet 1951, JCP, 1951, II, 6513, note P. Lescot ; RTDCom., 1952, p. 124, obs. J. Becqué et H. Cabrillac ; Cass. com., 3 mai 1961, n° 58-11.867, publié (N° Lexbase : A7891MNL), Bull. civ. III, n° 191 ; Cass. com., 3 juin 1966, n° 64-12.204, publié (N° Lexbase : A7892MNM), Bull. civ. III, n° 279.
(15) Cass. com., 2 juillet 1974, n° 73-12.4550, publié (N° Lexbase : A7661CEH), Bull. civ. IV, n° 213 ; Cass. com., 2 décembre 1974, n° 73-13.159, publié (N° Lexbase : A6718AX4), Bull. civ. IV, n° 309 ; Cass. com. 15 juillet 1975, préc., note 8 ; Cass. com. 7 octobre 1975, n° 73-11.526, publié (N° Lexbase : A7016AGX), Bull. civ. IV, n° 222 ; Cass. com., 4 janvier 1980, préc. note 6 ; Cass. com., 22 mai 1991, n° 90-10.348, publié (N° Lexbase : A4065AB8), Bull. civ. IV, n° 170, D., 1992, somm. p. 339, obs. M. Cabrillac,, sur le droit du tiré accepteur d'établir le défaut de provision pour écarter l'action du tireur ; Cass. com., 4 mai 1999, n° 96-16.050, préc., note 9.
(16) CA Paris, 19ème ch., sect. B, 1er juin 1994, SA Billot c/ Delibes.
(17) Cass. com., 22 novembre 1994, n° 93-14.752, publié (N° Lexbase : A4974AC9), Bull. civ. IV, n° 348 ; RJDA, 3/1995, n° 327.
(18) Cass. com., 4 juin 1991, n° 89-18.608 (N° Lexbase : A2776ABG), RTDCom., 1991, p. 416, obs. M. Cabrillac et B. Teyssié, selon lequel il incombe au tiré accepteur d'apporter la preuve du défaut de provision. V. initialement la décision posant ce principe, Cass. req., 13 mai 1942, JCP, 1942, note P. Lescot ; DC, 1943, p. 86, note A. Chéron.
(19) Cass. com., 16 novembre 1993, n° 91-13.375 (N° Lexbase : A4303CUW), Rev. huissiers (devenu Droit et procédures), 1994, p. 837, obs. E. Bazin.
(20) Cass. com. 22 novembre 1994, préc. note 17, RJDA 3/1995, n° 327.
(21) Cass. com., 4 mai 1999, n° 96-16.050 (N° Lexbase : A4127CMS), RJDA, 7/1999, n° 834.
(22) Cass. com., 8 mai 1967, n° 65-12.471 (N° Lexbase : A3565AT9), Bull. civ. III, n° 185 ; Banque, 1968, p. 383, obs. X. Marin ; RTDCom., 1967, p. 1106, obs. J. Becqué et H. Cabrillac.
(23) CA Bordeaux, 5 septembre 1950, JCP,1950, II, 5859, note M. P. ; Banque, 1951, p. 305, obs. X. Marin.
(24) C. civ., art. 2298 (N° Lexbase : L1127HIL).
(25) C. com., art. L. 511-44, al. 1er (N° Lexbase : L6697AIU).
(26) C. com., art. L. 511-44, al. 2.
(27) C. com., art. L. 511-21, al. 7 et 9 (N° Lexbase : L6674AIZ), et L. 511-44, al. 1er ; Cass. com., 25 octobre 1994, n° 90-14.030, publié (N° Lexbase : A6296ABS) Bull. civ. IV, n° 312, JCP éd. E, 1994, panor. 1395, RJDA, 3/1995, n° 330, D., 1995, p. 590, note M. Crionnet ; Cass. com., 3 décembre 1996, n° 94-16.745 (N° Lexbase : A2485ABN), RJDA, 4/1997, n° 567, à propos d'un avaliste de billets à ordre.
(28) Cass. com., 30 septembre 2008, n° 07-13.298, F-D (N° Lexbase : A5854EA3), Banque et droit, 2008, n° 122, p. 19, obs. Th. Bonneau.
(29) Cass. com., 10 janvier 1951, D., 1951, p. 310 ; S. 1951, 1, p. 171 ; RTDCom., 1951, p. 552, obs. J. Becqué et H. Cabrillac, et p. 594, obs. R. Houin ; Banque, 1951, p. 576, obs. X. Marin.
(30) CA Paris, 4 avril 1927, DP, 1929, 2, p 89, note A. Chéron.
(31) C. com., art. L. 511-21, al. 6 (N° Lexbase : L6674AIZ) ; Cass. réunies, 8 mars 1960, n° 37-11.088 (N° Lexbase : A6661AXY), D., 1961, p. 209, note J. Hamel ; JCP, 1960, II, 11616, note R. Roblot ; RTDCom., 1960, p. 366, obs. J. Becqué et H. Cabrillac. Cf. également, G. Hubrecht, Le bénéficiaire d'un aval imprécis en matière de lettre de change, Gaz. Pal., 1960, 1, doctr. p. 84 ; Besson, L'aval sans indication du débiteur garanti, RTDCom., 1960, p. 493.
(32) CA Paris, 11 octobre 1967, D., 1968, somm. p. 65 ; Banque, 1968, p. 61, obs. X. Marin.
(33) C. com., art. L. 511-21, al. 9 ; Cass. civ. 1, 1er juin 1983, n° 82-10.749, publié (N° Lexbase : A8126AYM), Bull. civ. I, n° 165 ; Rev. sociétés, 1983, p. 587, note M. Jeantin.
(34) Cass. com., 4 novembre 1970, n° 69-13.353, publié (N° Lexbase : A0847CGH), Banque, 1970, p. 470 ; obs. X. Marin ; RTDCom., 1971, p. 402, obs. H. Cabrillac et J.-L. Rives-Lange ; D., 1971, p. 189.
(35) Cass. req., 20 mars 1882, DP, 1882, 1, p. 244 ; Cass. req., 10 janvier 1944, JCP, 1944, II, 2586, note P. Lescot ; Cass. com., 9 novembre 1970, n° 68-11.866, publié (N° Lexbase : A8184CG9), D., 1971, somm. p. 46. Contra, T. com. Seine, 17 juin 1949, RTDCom., 1949, p. 501, obs. R. Houin ; JCP, 1950, II, 5174, note R. Roblot.
(36) Cass. com., 23 novembre 1959, Bull. civ. III, n° 393.
(37) Cass. com., 7 mars 1961, Bull. civ. III, n° 124 ; Cass. com., 26 janvier 1971, n° 69-12.657, publié (N° Lexbase : A8344AHI), Bull. civ. IV, n° 27.
(38) C. civ., art. 2314 (N° Lexbase : L1373HIP) et 1251, 3° (N° Lexbase : L0268HPM) ; Cass. com., 5 janvier 1957, Bull. civ. III, n° 7 ; Cass. com., 27 juin 1967, n° 64-12.956, publié (N° Lexbase : A7893MNN), Bull. civ. IV, n° 263 ; Cass. com., 12 novembre 1969, n° 67-12.202, publié (N° Lexbase : A2608AU7), Bull. civ. IV, n° 329.
(39) Cass. com., 29 mai 1980, n° 78-16.261, publié (N° Lexbase : A3151CGS), Bull. civ. IV, n° 176 ; Cass. com., 30 novembre 1981, n° 80-11.415, publié (N° Lexbase : A7825AX4), D., 1982, IR p. 211.
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Réf. : Cass. civ. 3, 21 mai 2014, n° 13-10.257, FS-P+B (N° Lexbase : A4944MM3)
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N2442BUY
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Le 30 Mai 2014
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Réf. : CE 2° et 7° s-s-r., 21 mai 2014, n° 376166, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A5145MMI)
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N2422BUA
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Le 31 Mai 2014
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Réf. : Cass. com., 20 mai 2014, n° 13-12.102, FS-P+B (N° Lexbase : A4978MMC)
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N2385BUU
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Le 29 Mai 2014
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Réf. : CE 3° et 8° s-s-r., 12 mai 2014, n° 374730, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A0453MLD)
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N2402BUI
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par Rémy Philippot, Avocat au barreau de Paris, Associé Echo Avocats AARPI, chargé d'enseignements, Faculté libre de droit
Le 29 Mai 2014
Pour rappel, l'article L. 52-4 du Code électoral rend obligatoire la désignation d'un mandataire financier pour tout candidat à une élection "au plus tard à la date à laquelle sa candidature est enregistrée". Aux termes des deuxième et troisième alinéas de cet article, "le mandataire recueille pendant l'année précédant le premier jour du mois de l'élection et jusqu'à la date du dépôt du compte de campagne du candidat, les fonds destinés au financement de la campagne. Il règle les dépenses engagées en vue de l'élection et antérieures à la date du tour de scrutin où elle a été acquise, à l'exception des dépenses prises en charge par un parti ou groupement politique. Les dépenses antérieures à sa désignation payées directement par le candidat ou à son profit font l'objet d'un remboursement par le mandataire et figurent dans son compte bancaire ou postal".
A l'occasion d'une campagne municipale partielle, M. X, tête de liste, avait déclaré son mandataire financier à la préfecture le 6 mars 2013. Pourtant, trois de ses colistiers avaient réglé directement des dépenses d'impression sans recourir à ce mandataire et ce, jusqu'au 18 avril 2013. Par la suite, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) a rejeté le compte de campagne du candidat tête de liste. Saisi par cette commission, le tribunal administratif de Versailles, dans un jugement du 17 décembre 2013 (3), a déclaré M. X inéligible pendant une période d'un an à compter de la date de son jugement et l'a déclaré démissionnaire d'office de ses fonctions de conseiller municipal et de maire de la commune.
Après avoir rappelé les pouvoirs et les limites du juge de l'élection en la matière (I), le Conseil d'Etat adopte une position stricte de l'article L. 118-3 du Code électoral en cas de manquement à l'article 52-4, en jugeant que le règlement de dépenses électorales par des colistiers sans recours à un mandataire financier constitue un manquement d'une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales au sens de l'article L. 118-3 (II).
I - Pouvoirs et limites du juge de l'élection saisi sur le fondement de l'article L. 118-3 du Code électoral
L'article L. 118-3 du Code électoral, en son troisième alinéa, dispose que le juge de l'élection saisi par la CNCCFP "prononce [...] l'inéligibilité du candidat dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit en cas de volonté de fraude ou de manquement d'une particulière gravité aux règles relatives au financement des campagnes électorales".
Le Conseil d'Etat rappelle que, "lorsque la commission, après avoir rejeté le compte d'un candidat, saisit régulièrement le juge de l'élection, cette saisine conduit nécessairement celui-ci à rappeler les motifs de ce rejet, avant de se prononcer sur l'inéligibilité du candidat dont le compte de campagne a été rejeté par la commission et de le déclarer inéligible dans le cas où il a commis un manquement d'une particulière gravité aux règles relatives au financement des campagnes électorales [...] en revanche, il ne relève pas de son office de statuer sur le bien-fondé du rejet de ce compte en l'absence de moyen soulevé en ce sens par le candidat".
Dans le cas présent, le requérant s'était limité à demander au Conseil d'Etat d'annuler le jugement du tribunal administratif en tant qu'il l'avait déclaré inéligible pour la durée d'un an et démissionnaire d'office.
II - Le Conseil d'Etat adopte une position stricte sur la mise en oeuvre de l'article L. 118-3 du Code électoral dans l'hypothèse de règlement de dépenses électorales par des colistiers sans recours à un mandataire financier
A l'occasion de l'arrêt du 23 juillet 2012 précité (4), le Conseil d'Etat avait déjà eu l'occasion de se prononcer sur l'application de l'article L. 118-3 en cas de manquement à la règle du mandataire financier, telle qu'énoncée à l'article L. 52-4.
Cependant, il avait estimé qu'il résultait de l'instruction que, "si le candidat ne pouvait ignorer la portée des dispositions de l'article L. 52-4 du Code électoral, il est constant que cette méconnaissance ne traduit aucune volonté de sa part et que son compte de campagne ne fait pas apparaître d'autres irrégularités de nature à justifier une déclaration d'inéligibilité. Il résulte également de l'instruction que les dépenses directement acquittées par le candidat l'ont été par commodité, uniquement pour l'organisation de collations dans le cadre de sa campagne électorale, et pour un montant global qui, sans être faible par rapport au total des dépenses de compte de campagne ni négligeable au regard du plafond des dépenses autorisées, est demeuré limité. Pour blâmable que ce soit, pareille légèreté de la part du candidat ne peut être qualifiée de manquement d'une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales, de nature à justifier l'inéligibilité du candidat".
Dans le cas présent, l'appréciation de la Haute assemblée est toute autre.
Le Conseil d'Etat rappelle, en premier lieu, que les dispositions de l'article L. 52-4 du Code électoral sont dépourvues d'ambiguïté et présentent un caractère substantiel.
Par ailleurs, il estime que les dépenses électorales réglées sans recours au mandataire financier se sont élevées à 4 643,53 euros et qu'elles sont relatives à l'impression de tracts de propagande électorale, représentant 54,6 % du montant des dépenses à caractère électoral et 13,93 % du plafond des dépenses. Ainsi, le montant de ces dépenses, qui ne sont ni faibles par rapport au total des dépenses de campagnes, ni négligeables au regard des dépenses autorisées, n'est pas demeuré limité.
Ce faisant, le Conseil d'Etat ne retient pas le moyen invoqué par le requérant, certes pour la première fois devant lui, que les manquements auraient été commis à son insu par ses colistiers, que ce dernier avait fait figurer les dépenses litigieuses dans son comptes de campagne par souci de transparence et que le compte de campagne ne faisait pas apparaître d'autres irrégularités de nature à justifier une déclaration d'inéligibilité.
Il ne retient pas davantage le moyen lié à l'urgence de la campagne, s'agissant d'une élection municipale partielle, ainsi que de l'impossibilité pour le mandataire de disposer d'un chéquier avant le 28 mars 2013 pour le règlement de quatre factures.
Le Conseil d'Etat juge donc que, compte tenu des montants en cause et des circonstances de l'espèce, M. X doit être regardé comme ayant commis un manquement d'une particulière gravité aux règles relatives au financement des campagnes électorales.
Morale de l'histoire, dans ce domaine comme dans beaucoup d'autres, la citation suivante s'applique pleinement : "Mon Dieu, gardez moi de mes amis, quant à mes ennemis je m'en charge".
(1) CE Ass, 4 juillet 2011, n° 338033, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A6336HU9).
(2) CE 9° et 10° s-s-r., 23 juillet 2012, n° 357453, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A0776IR8).
(3) TA Versailles, 17 décembre 2013, n° 1306700 (N° Lexbase : A0454MLE).
(4) CE 9° et 10° s-s-r., 23 juillet 2012, n° 357453, mentionné aux tables du recueil Lebon, préc.
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Réf. : Cons. const., décision n° 2014-396 QPC du 23 mai 2014 (N° Lexbase : A5119MMK)
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N2428BUH
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Le 30 Mai 2014
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Réf. : Lire le communiqué de presse du Conseil des ministres du 21 mai 2014
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N2325BUN
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Le 29 Mai 2014
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N2355BUR
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par Frédéric Dal Vecchio, Avocat à la cour, Docteur en droit, Chargé d'enseignement à l'Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines
Le 29 Mai 2014
Les débats exposés lors de l'Asia Tax Forum ont eu trait notamment au projet "BEPS" (A), aux prix de transfert (B), aux litiges fiscaux et aux différents modes de résolution dans un cadre international (C) et au développement inégal de l'e-administration en Asie (D).
A - Base erosion and profit shifting ("BEPS")
L'émergence de l'économie numérique, la mobilité du capital et la crise financière de 2008 ont incité l'OCDE à élaborer quinze propositions permettant aux autorités publiques de limiter l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices (Base erosion and profit shifting -BEPS). A ce jour, ce plan d'action approuvé par les ministres des Finances du G20 et les membres de l'OCDE -parmi lesquels le Japon, la Corée, l'Australie et la Nouvelle-Zélande- doit être mis en oeuvre en trois phases en septembre 2014, septembre 2015 et décembre 2015. D'autres pays asiatiques non membres de l'OCDE y participent, notamment l'Inde, la Chine et l'Indonésie (1).
L'accent est mis sur l'économie numérique, la prévention de l'utilisation abusive du statut d'établissement stable et les prix de transfert, qui doivent être en phase avec la création de valeur. En effet initialement, l'impôt suivait les flux physiques. Or l'essor du numérique remet ce schéma en cause. Si l'objectif du projet "BEPS" est de limiter les abus des entreprises, il reste souhaitable que les discussions portent sur le terrain technique alors que l'on remarque l'émergence d'un débat beaucoup plus politique dans la discipline aujourd'hui qu'il y a vingt ans. On notera également que l'harmonisation des lois domestiques reste impossible.
Dans le cadre du forum shopping, les travaux de l'OCDE prévoient de redéfinir le préambule du Modèle de convention fiscale de l'OCDE (N° Lexbase : L6769ITU), en limitant son usage en cas d'évasion fiscale.
B - Prix de transfert
Les intervenants de la manifestation ont insisté sur la qualité de la documentation devant être produite par les entreprises concernées par la législation relative aux prix de transfert, sachant que si certains pays vont suivre les recommandations de l'OCDE, d'autres s'en écarteront vraisemblablement.
Dans ce cadre, les directeurs fiscaux de ces entreprises internationales doivent s'interroger sur le futur contentieux qui ne manquera pas de surgir après la clôture de l'exercice. Certaines administrations fiscales sont réputées être très agressives sur ce point : l'Inde en est un exemple topique.
C - Litiges fiscaux : modes de résolution dans un cadre international
Dans la plupart des systèmes fiscaux, la charge de la preuve repose sur le contribuable, ce qui doit l'inciter à présenter à l'appui de sa défense des faits objectifs, crédibles et bien présentés.
Dans ce cadre, les contribuables doivent faire face à des difficultés liées à la prescription, au paiement préalable de l'impôt en litige, au taux d'intérêt appliqué aux rappels d'impôts (10 % à Singapour) beaucoup plus important que le taux d'intérêt servi lorsqu'il y a une restitution d'impôt (0,2 % à Singapour), à la longueur des procédures, à l'existence ou non de chambres spécialisées en matière fiscale au sein des tribunaux, comme par exemple en Thaïlande ou en Indonésie...
Les contribuables, en fonction des pays intéressés, doivent également tenter de cerner les concepts -parfois hautement subjectifs- d'optimisation fiscale, d'évasion fiscale et de fraude fiscale, tout en étant confrontés à des législations anti-évasion fiscale du type Specific anti-avoidance rule (SAAR) ou General anti-avoidance rule (GAAR), que l'on connait à Singapour (Income tax Act, Section 33), d'inspiration australienne et néo-zélandaise. Il y a donc une balance des intérêts à satisfaire entre l'intégrité d'un système fiscal et les demandes légitimes des contribuables qui doivent pouvoir disposer d'une liberté de gestion notamment en matière fiscale.
Dans ce cadre international, une attention doit être portée aux procédures de règlement amiable contenues dans la plupart des conventions fiscales bilatérales modèle OCDE (Modèle OCDE, art. 25 § 1). Si certaines conventions ne prévoient pas de délai de saisine, d'autres mentionnent un délai compris entre trois mois et trois ans, parfois oublié par les entreprises. Beaucoup de demandes de procédures de règlement amiable concernent l'Inde, les administrations japonaises (40 procédures) et coréennes (50 procédures) étant également régulièrement sollicitées.
Enfin, quelques conventions fiscales bilatérales ont prévu un arbitrage (Modèle OCDE, art. 25 § 5). C'est le cas par exemple des traités signés entre les Etats-Unis d'Amérique et la Belgique, le Canada, la France, l'Allemagne et le Japon ; le Japon et Hong-Kong ; le Japon et les Pays-Bas.
D - Développement inégal de l'e-administration selon les Etats
De bonnes politiques publiques doivent reposer sur une bonne administration : la Banque de développement asiatique a étudié le développement de l'e-administration notamment quant à la souscription électronique des formulaires fiscaux. Il est apparu que d'importantes disparités existaient entre les pays de la région.
C'est ainsi qu'en matière d'impôt sur le revenu, Singapour affiche un taux de souscription par voie électronique de 96 %, alors qu'il n'est que de 45 % en Thaïlande.
D'une manière générale, certains Etats sont très en pointe sur cette problématique (Australie, Inde, Corée du Sud, Singapour, Taipei), alors que d'autres sont en retard (Philippines, Indonésie).
II - Evénements majeurs en matière fiscale en Asie depuis 2013 : particularismes propres à quelques Etats
Certains événements majeurs en matière fiscale depuis 2013 font l'objet de développements par la conférence, qui s'appesanti sur la Chine (A), l'Inde (B), la Corée du Sud (C) et la Malaisie (D).
A - Chine
Les impôts indirects représentent 60 % des revenus du Trésor chinois, alors que l'impôt sur les sociétés représente 20 % et l'impôt sur le revenu moins de 6 %. Il est d'ailleurs prévu de réformer l'impôt sur les sociétés et l'impôt sur le revenu et de renforcer les contrôles fiscaux dans un avenir proche.
L'événement majeur de l'année 2013 est certainement l'extension de la TVA à l'ensemble du territoire national. En effet, la Chine a rejoint le club des 140 pays ayant adopté une de nos fiertés nationales et abandonnant la business tax.
C'est ainsi que la TVA est d'abord entrée en vigueur à Shanghai à compter du 1er janvier 2012, puis à Pékin dès le 1er septembre 2012 et enfin à l'ensemble de la Chine à partir du 1er août 2013. Ce processus de mise en oeuvre par étapes successives s'explique par la difficulté à changer les habitudes d'une population estimée à 1,3 milliards d'individus mais également par le fait que la business tax était collectée en local alors que la TVA est collectée par le pouvoir central.
Cependant, trois secteurs d'activité sont toujours en transition : les télécommunications, l'immobilier et la construction, les services financiers et les assurances.
S'agissant des télécommunications, deux régimes sont en vigueur :
- le régime des données audio, entraînant une TVA au taux compris entre 3 et 11 % ;
- le régime des autres données pour lequel la TVA est de 6 %.
Des difficultés d'application sont à prévoir : quid des ventes mixtes ou de la vente de cartes téléphoniques ? S'agissant des fournisseurs étrangers de services immatériels, comment la taxe sera-t-elle collectée ?
Concernant l'immobilier et la construction, la TVA sera-t-elle applicable sur la marge ou sur le prix de vente ? Une exonération de TVA sera-t-elle applicable sur la revente d'une résidence ou sa location ?
S'agissant des services financiers et des assurances, une interrogation subsiste également concernant le taux applicable ou encore les exemptions pour les prêts interbancaires ou internationaux.
Concernant les traités internationaux, la Chine a signé en août 2013 la Convention multilatérale concernant l'assistance administrative mutuelle en matière fiscale, s'associant ainsi aux 56 autres Etats signataires. Elle s'est engagée dans une mise à jour de son réseau conventionnel, riche de 99 traités internationaux bilatéraux et de 10 échanges d'informations. La Chine suit également avec attention les discussions internationales se rapportant au projet "BEPS".
Concernant les prix de transfert, même si cela est assez nouveau depuis une dizaine d'années pour la Chine, qui n'est pas historiquement familière avec les recommandations de l'OCDE dans cette matière, les transactions entre entreprises liées sont scrutées avec de plus en plus d'attention au fur et à mesure que l'administration fiscale chinoise se structure. Les autorités chinoises ont en ligne de mire ces filiales de sociétés qui participent à la chaîne de valeur mais se voient allouer une toute petite part du bénéfice imposable en Chine.
B - Inde
L'administration fiscale indienne poursuit son offensive en matière de prix de transfert dont l'application surprend toujours les entreprises concernées, qui déplorent le temps et les ressources utilisées pour satisfaire une administration très pointilleuse quant à la qualité et la précision des informations demandées. S'agissant des accords préalables en matière de prix de transfert introduits en droit indien depuis le 1er juillet 2012, cinq APA ont été signés depuis lors.
L'Inde réfléchit à l'amélioration de l'efficacité de son système fiscal, notamment par l'instauration d'un impôt sur la consommation (Good and Service Tax), des incitations fiscales pour le secteur informatique ainsi que pour la recherche et le développement, des exonérations fiscales pour favoriser les exportations, la rationalisation du recouvrement de l'impôt, une meilleure utilisation de l'outil informatique...
S'agissant du réseau conventionnel indien, New Delhi a annoncé qu'elle considérait désormais Chypre comme étant un état non coopératif (notification du 1er novembre 2013), pour des raisons liées à l'échange d'informations.
C - Corée du Sud
Les déficits budgétaires et la surveillance des montages du type debt push down ont entraîné une recrudescence des contrôles fiscaux sous l'égide d'une administration fiscale plus agressive. Malgré l'absence de définitions claires et univoques, l'administration fiscale coréenne applique couramment la législation anti-abus en notifiant des droits pour des montants importants. De plus, des demandes d'informations détaillées -notamment quant à la qualité des investisseurs in fine ou encore la production de leurs états comptables- sont exigées de la part de l'administration lorsque les contribuables veulent se prévaloir des stipulations des traités fiscaux bilatéraux.
S'agissant du contentieux fiscal, deux phénomènes remarquables doivent être signalés :
- une fois la procédure administrative terminée, la durée relativement courte du traitement judiciaire d'un conflit fiscal en comparaison avec ce que nous connaissons en France. La juridiction saisie en premier lieu statuera en 6 à 18 mois, puis la Haute cour rendra une décision en moins d'un an, enfin la Cour suprême se prononcera dans un délai compris entre 6 mois et 3 ans selon la complexité du dossier ;
- il est possible de présenter la défense du contribuable au cours d'une audience en recourant à des logiciels de présentation comme Powerpoint, par exemple.
C - Malaisie
Le régime des impôts indirects évolue avec l'introduction, au 1er avril 2015, d'une Good and service tax (GST) au taux de 6 %. Ce prélèvement, que supportera le consommateur final, frappera la consommation locale ainsi que l'importation de biens et de services en Malaisie. Ce nouveau régime a prévu un taux "0", qui autorisera l'imputation d'un crédit d'impôt. Des régimes spéciaux seront introduits concernant notamment les entrepôts et les importations dans le but d'exporter.
L'impact sur les activités des entreprises ne doit pas être sous-estimé notamment quant :
- au cash-flow ;
- aux situations où les factures émises seraient irrécouvrables ;
- aux contrats à long terme ;
- aux coût de conformité sachant que la loi a évidemment prévu des pénalités en cas de violation des obligations des contribuables.
(1) Précisons que la Chine, le Japon, la Corée du Sud, l'Inde, l'Indonésie et l'Australie sont membres du G20.
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par Etienne Vergès, Professeur à l'Université de Grenoble, membre de l'Institut universitaire de France
Le 29 Mai 2014
Après plusieurs décennies de travaux et de débats, l'action de groupe fait son entrée dans le droit français grâce à la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014, relative à la consommation (N° Lexbase : L7504IZX).
Cette loi a introduit l'action de groupe dans le Code de la consommation (C. consom., art. L. 423-1 N° Lexbase : L7589IZ4 et suivants). Il s'agit d'une entrée timide, car cette action, si elle présente les grandes caractéristiques d'une action collective, possède d'importantes limites à la fois pour les justiciables et pour les professionnels du droit. Ainsi, l'action de groupe française se distingue-t-elle nettement du modèle américain de class action. Dans cette chronique, nous avons choisi de proposer une présentation synthétique, qui cherche à répondre aux principales questions pratiques nécessaires à la mise en oeuvre de cette action.
1) Qui peut agir ?
Sur le fond, l'action de groupe est réservée aux consommateurs ayant subi un préjudice individuel qui trouve sa cause dans le manquement d'un professionnel à ses obligations légales ou contractuelles. Le domaine de l'action est doublement limité. Il ne concerne que les préjudices patrimoniaux résultant de dommages matériels. De plus, ces préjudices doivent être nés à l'occasion de la vente d'un bien, de la fourniture d'un service ou ils peuvent résulter d'une pratique anticoncurrentielle (ententes, abus de position dominante, etc.). Ont ainsi été exclus les préjudices personnels (corporels ou moraux), liés notamment aux actions en responsabilités dans le domaine médical ou environnemental. Ont également été exclues les personnes morales.
D'un point de vue procédural, l'exercice de l'action est réservé aux associations de défense des consommateurs représentatives au niveau national et agréées. La qualité pour agir est ainsi restreinte et un particulier ne pourra, même avec l'assistance d'un avocat, exercer l'action de groupe. Cette limitation a été très critiquée par les avocats. Toutefois, la lourdeur de la procédure nécessite des investissements en temps et en argent qui ne correspondent pas réellement aux moyens des consommateurs français.
2) Quelles sont les conditions spécifiques à l'action de groupe ?
L'action de groupe doit concerner des préjudices individuels subis par des consommateurs placés dans une situation "similaire ou identique". Par ailleurs, tous ces préjudices doivent trouver leur "cause commune" dans le manquement d'un même professionnel. Il s'agit de conditions particulières qui alourdissent la charge de la preuve reposant sur l'association de consommateurs. Celle-ci doit démontrer l'existence de préjudices similaires subis par les consommateurs ; mais également le fait que ces préjudices trouvent leur source dans un manquement unique d'un professionnel.
L'effet de groupe constitue ainsi tout à la fois la force et la faiblesse de cette action. Elle est adaptée aux litiges impliquant les opérateurs de téléphonie mobile ou aux actions en garantie des vices cachés, lorsque des préjudices sériels peuvent être prouvés sans difficulté. En revanche, elle correspond mal aux actions en responsabilités dans lesquelles les données personnelles de la victime sont importantes (participation de la victime au dommage, combinaisons de plusieurs causes, etc.).
Pour adapter les techniques probatoires à cette action, l'article L. 423-3 du Code de la consommation (N° Lexbase : L7591IZ8) prévoit que le juge se détermine "au vu des cas individuels présentés par l'association". C'est une nouveauté probatoire qui consiste à présenter en justice des cas typiques pour mettre en évidence des préjudices standardisés. Ces cas typiques doivent être représentatifs des préjudices subis par tous les membres du groupe.
3) Quelles sont les grandes étapes de la procédure ?
Le droit français a compressé la procédure de l'action de groupe, de sorte que le juge est amené à se prononcer dans le même jugement sur la recevabilité et sur le bien-fondé de l'action. Il s'agit là d'une différence majeure avec la class action, qui se décompose en deux temps : la phase de certification (recevabilité) et la phase sur le bien-fondé de l'action.
Dans le modèle français, le juge statue dans un même jugement sur :
- la responsabilité du professionnel ;
- la définition des préjudices réparables. Il peut s'agir du montant des préjudices ou des critères permettant leur évaluation ; il peut également s'agir d'une réparation en nature dont le juge fixe les modalités ;
- la définition du groupe de consommateurs victimes et les critères de rattachement à ce groupe ;
- le délai d'adhésion au groupe (2 à 6 mois) : le législateur a choisi le système dit de "l'opt-in" qui consiste à inclure dans le groupe uniquement les consommateurs qui en font la demande ;
- les modalités d'information des consommateurs potentiellement visés par la procédure. Cette information ne peut être mise en oeuvre que lorsque les voies de recours sont épuisées (ordinaires et pourvoi en cassation) ;
- le délai dans lequel le professionnel doit avoir indemnisé les consommateurs.
Comme dans une procédure ordinaire, une fois la condamnation du professionnel acquise, celui-ci doit exécuter la décision de justice. Ce qui n'ira pas sans difficulté, puisque le préjudice peut n'avoir été déterminé que de façon abstraite. En effet, dès lors que les membres du groupe n'ont pas été identifiés lors de la phase de jugement, il est possible que la juridiction définisse seulement une clé de calcul des dommages et intérêts (une équation mathématique) (1). Par ailleurs, il est possible que le professionnel conteste le dommage subi par le consommateur qui se prétend victime (son existence ou son montant).
Pour résoudre les problèmes d'exécution, le législateur a institué une seconde phase contentieuse. L'article L. 423-12 du Code de la consommation (N° Lexbase : L7599IZH) dispose que "le juge ayant statué sur la responsabilité tranche les difficultés qui s'élèvent à l'occasion de la mise en oeuvre du jugement". La formule est laconique et le code n'indique pas si le juge doit être saisi par les consommateurs (solution qui semble logique) ou par le professionnel (solution qui découle de sa qualité de personne condamnée qui soulève une difficulté d'exécution). En revanche, le code précise que le juge "statue dans un même jugement sur toutes les demandes d'indemnisation auxquelles le professionnel n'a pas fait droit". Cette précision est importante, car elle évite une dissociation des instances et un allongement de la procédure d'indemnisation. Les consommateurs sont alors représentés par l'association.
En conclusion, l'action de groupe est une avancée modeste. Certes, d'un point de vue procédural, il s'agit d'une réelle innovation ; mais du point de vue de la responsabilité civile, la limitation des préjudices réparables réduit le champ d'application de l'action de groupe aux petits litiges de la consommation. C'est d'ailleurs essentiellement ces litiges qui ont été visés par le législateur. Toutefois, l'action de groupe pourrait étendre son application au domaine de la responsabilité médicale, si l'on s'en tient aux récentes déclarations de la ministre de la Santé. Cette dernière a annoncé en février 2014 que la prochaine loi relative à la santé inclurait une action de groupe au profit des patients.
II - Clauses de conciliation
Depuis un célèbre arrêt rendu en Chambre mixte, la Cour de cassation a affirmé qu'une clause de conciliation introduite dans un contrat "constitue une fin de non-recevoir qui s'impose au juge si les parties l'invoquent"(2). Depuis, la Haute juridiction a eu l'occasion de préciser les conditions de mises en oeuvre de cette fin de non-recevoir. Par exemple, la clause de conciliation ne fait pas obstacle à la saisine du juge sur le fondement de l'article 145 du Code de procédure civile, dans le but de réunir des preuves, ou d'interrompre un délai (3). De surcroît, la Cour de cassation a précisé que lorsque la clause instituait une procédure de conciliation spécifique, cette procédure ne pouvait être contournée par les parties. Le simple constat de l'échec du règlement amiable ne permettait pas d'ouvrir la voie de l'action en justice ; encore fallait-il se plier à la procédure définie par le contrat (4).
Cette évolution jurisprudentielle a donné une très grande force juridique aux clauses de conciliation et il est apparu que la fin de non-recevoir sanctionnait l'ensemble de ces clauses.
L'arrêt commenté du 29 avril 2014 opère une mise au point importante et atténue la portée que l'on avait attribuée à cette jurisprudence. En l'espèce, un litige était né à propos de l'exécution d'un contrat de prestation informatique. Le contrat contenait une clause qui prévoyait que les parties soumettraient leur différend à un règlement amiable préalable. Il s'agissait d'une clause standard qui n'aménageait aucune procédure de conciliation. Le client n'avait pas respecté la clause. Il avait simplement mis en demeure le prestataire de s'exécuter, puis avait eu recours à un autre prestataire, faisant ainsi échec à toute perspective d'entente amiable. Il avait ensuite agi en responsabilité contre le prestataire défaillant.
L'attitude du client constituait une violation de la clause de conciliation, et il semblait évident que ce dernier allait se heurter à la fin de non-recevoir instituée par la jurisprudence. C'est d'ailleurs dans ce sens qu'a statué la cour d'appel en déclarant le demandeur irrecevable en toutes ses demandes.
Devant la Cour de cassation, l'auteur du pourvoi invoquait une distinction entre les clauses qui instituent une procédure obligatoire de conciliation et celles qui prévoient simplement l'obligation pour les parties de tenter un règlement amiable de leur différend. La Cour de cassation a repris cette distinction en affirmant que :
"la clause contractuelle prévoyant une tentative de règlement amiable, non assortie de conditions particulières de mise en oeuvre, ne constitue pas une procédure de conciliation obligatoire préalable à la saisine du juge, dont le non-respect caractérise une fin de non-recevoir s'imposant à celui-ci".
A première vue, la solution semble marquer un net retrait par rapport à la jurisprudence développée depuis 2003. En réalité, il ne s'agit que d'un rappel sous la forme d'une mise au point. En effet, dans son arrêt de principe de 2003, la Chambre mixte affirmait déjà que :
"la clause d'un contrat instituant une procédure de conciliation obligatoire et préalable à la saisine du juge [...] constitue une fin de non-recevoir qui s'impose au juge si les parties l'invoquent".
L'arrêt du 9 avril 2014 ne fait donc que reprendre cette solution en précisant sa portée. Dès 2003, pour être sanctionnée par une fin de non-recevoir, la clause devait "instituer une procédure de conciliation obligatoire". En 2014, la formule est plus large. La clause doit être "assortie de conditions particulières de mise en oeuvre". Pour produire son effet procédural, la clause ne doit donc pas nécessairement aménager une "procédure de conciliation". Selon certains auteurs, elle doit définir a minima un délai dans lequel les parties doivent tenter de se concilier (5). On peut également imaginer que la clause peut prévoir la rencontre préalable des parties, la résolution du différend par le service juridique de chacune des entreprises, le recours à un médiateur, la désignation d'un expert, etc.
Il reste à savoir quel est l'effet d'une clause qui se contente de prévoir qu'en cas de différend, les parties tenteront de se concilier. En l'absence d'effet procédural, la portée juridique de la clause est faible, mais elle n'est pas inexistante. Le contractant qui contourne la clause en agissant directement devant les juridictions, engagera sa responsabilité contractuelle et s'exposera à des dommages et intérêts.
III - Principes directeurs du procès
L'impartialité des juridictions civiles, qui est imposé par l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme (N° Lexbase : L7558AIR) suscite des difficultés fréquentes liées au cumul de fonctions. Un magistrat est souvent amené à occuper des fonctions différentes et, parfois, à connaître une même affaire à deux reprises. La méthode pour savoir si le magistrat demeure impartial consiste à apprécier s'il a acquis un parti-pris, lors du premier examen de l'affaire.
Une nouvelle espèce illustre cette question à propos d'une affaire dans laquelle un couple a été condamné au fond par une cour d'appel. La juridiction du fond a délivré un titre exécutoire. Les époux ont alors saisi le juge de l'exécution, puis ils ont contesté la décision du juge de l'exécution. Le litige sur l'exécution a alors été soumis à la cour d'appel, composée des mêmes magistrats que ceux qui avaient prononcé la décision au fond. Le couple a sollicité leur récusation et cette demande a été portée devant la Cour de cassation.
La Haute juridiction rend un arrêt très clair, dans lequel elle affirme que :
"le défaut d'impartialité d'une juridiction appelée à connaître de la contestation de la mesure d'exécution forcée d'une décision de justice ne peut résulter du seul fait qu'elle ait précédemment connu de l'appel formé contre cette décision".
Cette solution se situe dans la continuité des principes jurisprudentiels applicables à l'impartialité des juridictions. Le cumul de fonctions n'est pas, en lui-même, une source de partialité. Pour établir le défaut d'impartialité, il faut montrer que le magistrat a acquis un parti-pris selon une appréciation in concreto. En l'espèce, le premier contentieux portait sur le fond de l'affaire et le second sur l'exécution de la décision. Les problèmes juridiques étaient ainsi nettement différents.
Voici un arrêt déjà largement commenté (6), qui illustre le large spectre du principe du contradictoire et la manière dont la Cour de cassation veille à son application effective, en créant des obligations qui ne sont pas expressément prévues dans les textes.
Les faits de l'espèce étaient assez simples. Un majeur avait été placé sous curatelle renforcée et la procédure querellée portait sur le maintien de cette mesure pour une durée de 5 ans. Dans son pourvoi, le majeur protégé reprochait au juge des tutelles de ne l'avoir pas informé de son droit de consulter le dossier de la procédure, et particulièrement d'avoir accès aux expertises médicales.
Pourtant, le Code de procédure civile aménage un libre accès au dossier directement au profit du majeur protégé. L'article 1222-1 dudit code (N° Lexbase : L4025IC3) dispose ainsi que le dossier peut être consulté au greffe "à tout moment de la procédure" et "par le majeur à protéger ou protégé". L'accès au dossier n'était donc pas en cause dans cette affaire. En revanche, le majeur n'ayant pas été assisté d'un avocat, il n'avait pas eu connaissance de son droit d'accès, et il reprochait au juge de ne pas lui avoir délivré cette information.
Dans des circonstances ordinaires, une partie peut difficilement reprocher à un juge de ne pas l'informer de l'ensemble de ses droits procéduraux. Toutefois, dans les circonstances de l'espèce, il s'agissait d'une personne vulnérable qui méritait une assistance particulière de la part de l'institution judiciaire. Un auteur rappelle d'ailleurs que dans une rédaction antérieure, le Code de procédure civile prévoyait que le juge devait faire connaître à la personne à protéger la possibilité qui lui était offerte de consulter son dossier au greffe (7). Cette obligation d'information a disparu du code, mais la Cour de cassation la réintroduit par cet arrêt en affirmant qu'"il ne résulte ni des énonciations de l'arrêt, ni des pièces de la procédure, que M. X..., qui n'était pas assisté lors de l'audience, ait été avisé de la faculté qui lui était ouverte de consulter le dossier au greffe, de sorte qu'il n'est pas établi qu'il ait été mis en mesure de prendre connaissance, avant l'audience, des pièces présentées à la juridiction, partant de les discuter utilement".
L'arrêt est intéressant, car il montre que si le contradictoire se limite ordinairement dans la faculté de prendre connaissance des pièces présentées au juge et de les discuter, les exigences sont plus élevées lorsqu'une partie est une personne vulnérable qui a choisi de se défendre seule. Dans cette circonstance, le juge a également l'obligation d'informer le justiciable de l'existence du droit d'accéder au dossier.
IV - Exécution provisoire
L'arrêt du 27 février 2014 apporte une précision importante qui, sans être tout à fait nouvelle, semble ne pas avoir retenu une grande attention en doctrine. Il s'agit du premier arrêt publié au bulletin affirmant de façon générale que l'aménagement de l'exécution provisoire relève du pouvoir discrétionnaire du premier président de la cour d'appel.
En l'espèce, une partie avait été condamnée en première instance et elle demandait au premier président de la cour d'appel d'aménager cette exécution en consignant le montant des condamnations prononcées à son encontre, comme le permet l'article 521 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6662H7U). L'appelant prétendait que l'intimé ne serait pas en mesure de lui rembourser ces sommes en cas de succès de son appel. Le rejet de cette demande fut accompagné d'une motivation sommaire. Cette décision fut attaquée devant la Cour de cassation sur le fondement de l'obligation de motivation, l'auteur rappelant qu'une motivation par voie de simple affirmation équivaut à une absence de motivation.
Le pourvoi est néanmoins rejeté et la Cour de cassation affirme que "le pouvoir, prévu à l'article 521 du Code de procédure civile, d'aménager l'exécution provisoire étant laissé à la discrétion du premier président, le grief s'attaque à des motifs surabondants".
La solution est conforme à une jurisprudence aussi discrète que constante. Dans un arrêt de 1995, la Haute juridiction a affirmé que le fait de ne pas subordonner l'exécution provisoire à la constitution d'une garantie était un pouvoir laissé à la discrétion du premier président (8). Certains auteurs ont affirmé que la solution ne pouvait être la même lorsque le juge décidait d'aménager l'exécution provisoire, car cet aménagement repose sur les conséquences manifestement excessives que risque d'entraîner l'exécution (C. pr. civ., art. 524, 2° N° Lexbase : L6668H74). Il y a là un motif à contrôler par la Cour de cassation (9). Pourtant, la Haute juridiction n'a pas suivi cette ligne de conduite. Au visa des articles 521 (N° Lexbase : L6662H7U) et 524, 2°, du Code de procédure civile, elle a affirmé que le pouvoir d'aménager une exécution provisoire était discrétionnaire et qu'il n'était pas subordonné à la constatation préalable des conséquences manifestement excessive de l'exécution (10). La solution a été confirmée par un autre arrêt dans lequel la deuxième chambre civile affirme clairement que "c'est dans l'exercice des pouvoirs laissés à sa discrétion par les articles 521 et 524-2° du Code de procédure civile que le premier président a décidé d'aménager l'exécution provisoire" (11).
En définitive, c'est donc dans son ensemble (C. pr. civ., art. 517 [LXB=L6654H7L ] à 522), que le pouvoir d'aménager l'exécution provisoire est laissé à la discrétion du juge, qui n'a, dès lors, pas à motiver sa décision.
V - Procédure devant la cour d'appel
Plusieurs arrêts récents rendus à propos de la procédure d'appel méritent d'être signalés rapidement.
Le premier concerne la question toujours sensible de la communication des conclusions. L'article 911 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L0351IT8), tel qu'il a été interprété par la jurisprudence, prévoit que les conclusions sont signifiées aux parties qui n'ont pas constitué avocat dans les quatre mois à compter de la déclaration d'appel (12). Le même article ajoute que si une partie a constitué avocat avant la signification des conclusions, il est procédé par voie de notification entre avocats.
Cette combinaison entre signification à partie et notification entre avocats a donné lieu à une difficulté d'interprétation tranchée par l'arrêt commenté du 10 avril 2014. Dans cette affaire, l'appelant avait signifié dans les délais ses conclusions à son adversaire, qui n'avait pas encore constitué avocat. Toutefois, dans un délai d'un mois -inférieur à celui prévu pour la remise au greffe des conclusions- l'intimé avait constitué avocat. Par une interprétation audacieuse, la cour d'appel a prononcé la caducité de l'appel en affirmant "qu'il résulte des dispositions des articles 908 et 911 du Code de procédure civile que les conclusions de l'appelant doivent être notifiées aux avocats constitués dans les trois mois de la déclaration d'appel". En d'autres termes, la juridiction du second degré imposait l'obligation de notification à l'avocat, alors même que l'appelant avait préalablement signifié ses conclusions à son adversaire. Selon cette interprétation, la validité de l'appel était soumise à une double condition : signification et notification.
La Cour de cassation n'a pas été convaincue par cet argumentation et elle a cassé l'arrêt d'appel en affirmant que "l'appelant ayant remis au greffe et signifié ses conclusions à partie n'est pas tenu de les notifier à l'avocat de cette partie constitué postérieurement à la signification"
Cette clarification est bienvenue, car la communication des conclusions, si elle est une condition indispensable au respect du contradictoire, ne doit pas se muer en un formalisme administratif aussi inutile que coûteux. A partir du moment où l'intimé a reçu des conclusions par voie de signification, on imagine qu'il aura l'idée judicieuse de les communiquer à son avocat.
Le second arrêt à signaler est intéressant, car il résout une contradiction délicate entre la position de demandeur en première instance et d'intimé dans l'instance d'appel. Dans cette affaire, le liquidateur d'une société a assigné les anciens dirigeants en responsabilité pour insuffisance d'actif. Les défendeurs ont été condamnés en première instance et ont fait appel. Avant que ces derniers ne présentent une argumentation au fond, le liquidateur a procédé à un désistement d'instance. La cour d'appel a constaté ce désistement et a donné au liquidateur acte de sa renonciation au bénéfice du jugement frappé d'appel. Les anciens dirigeants de la société ont alors formé un pourvoi en cassation et la Haute juridiction s'est trouvée face à une contradiction interne au Code de procédure civile. En effet, l'article 394 (N° Lexbase : L6495H7P) dispose que le demandeur peut en toute matière se désister de sa demande en vue de mettre fin à l'instance. Mais cet article ne concerne que le désistement en première instance. En effet, le demandeur en première instance ne conserve pas nécessairement cette position tout au long du procès. Tel était le cas dans l'affaire étudiée. Les défendeurs condamnés en première instance avaient formé un appel et le demandeur initial avait alors pris la position d'intimé. Il ne pouvait plus se prévaloir du bénéfice du désistement d'instance. C'est d'ailleurs en ce sens que tranche la Cour de cassation, en affirmant "qu'étant intimé en cause d'appel, [le liquidateur] ne pouvait pas se désister de l'instance".
La solution est tout à la fois logique et souhaitable. D'une part, la position de demandeur n'est pas immuable dans un procès qui se décompose de plusieurs instances. D'autre part, les appelants ont un intérêt à voir réformer un jugement qui les condamne, même si l'intimé a renoncé au bénéfice de ce jugement.
(1) Lorsque les consommateurs lésés sont connus, il est possible de recourir à une procédure d'action de groupe simplifiée prévue à l'article L. 423-10 du Code de la consommation (N° Lexbase : L7615IZ3).
(2) Cass. mixte, 14 février 2003, n° 00-19.423 (N° Lexbase : A1830A7W).
(3) Cass. civ. 3, 28 mars 2007, n° 06-13.209, FS-P+B (N° Lexbase : A8065DUA), cf. nos obs. in Chronique de procédure civile, Lexbase Hebdo n° 259 du 10 mai 2007 - édition privée (N° Lexbase : N0426BBE).
(4) Cass. civ. 1, 30 octobre 2007, n° 06-13.366, F-P+B (N° Lexbase : A2306DZG).
(5) H. Croze, Notion de procédure de conciliation obligatoire préalable à la saisine du juge, JCP éd. G, 2014, n° 607.
(6) AJ Famille, n° 3, mars 2014, p. 189-190, note Th. Verheyde, Procédures, n° 4, avril 2014, comm. n° 111, p. 25-26, note M. Douchy-Oudot, Droit de la famille, n° 4, avril 2014, comm. n° 65, p. 33-34, note I. Maria.
(7) I. Maria, Contrôle drastique du principe du contradictoire en matière de protection juridique des majeurs, Droit de la famille 2014, précité.
(8) Cass. civ. 2, 29 mars 1995, n° 93-16.252 (N° Lexbase : A7851ABE).
(9) En ce sens, L. Cadiet, E. Jeuland, Droit judiciaire privé, 8ème éd., n° 835.
(10) Cass. civ. 2, 9 septembre 2010, n° 09-67.291, F-D (N° Lexbase : A9595E8U).
(11) Cass. civ. 2, 12 juillet 2012, n° 11-25.349, F-D (N° Lexbase : A8147IQS).
(12) Cass. civ. 2, 27 juin 2013, n° 12-20.529, FS-P+B (N° Lexbase : A2974KIY).
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Réf. : CJUE, 27 mai 2014, aff. C-129/14, PPU (N° Lexbase : A5487MM8)
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Le 31 Mai 2014
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Réf. : CE 8° et 3° s-s-r., 21 mai 2014, n° 364610, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A6275MLY)
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N2352BUN
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Le 29 Mai 2014
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Réf. : Loi n° 2014-529 du 26 mai 2014 visant à mettre en place un dispositif de réduction d'activité des moniteurs de ski ayant atteint l'âge d'ouverture du droit à une pension de retraite, afin de favoriser l'activité des nouveaux moniteurs (N° Lexbase : L2633I3W)
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N2380BUP
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Le 29 Mai 2014
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Réf. : Décrets n° 2014-493 (N° Lexbase : L1997I3D), n° 2014-494 (N° Lexbase : L2000I3H) et n° 2014-495 (N° Lexbase : L1999I3G) du 16 mai 2014
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Le 29 Mai 2014
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Réf. : Cass. soc., 14 mai 2014, n° 12-35.033, FS-P+B (N° Lexbase : A5582MLC)
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N2378BUM
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par Sébastien Tournaux, Professeur à Université des Antilles et de la Guyane
Le 29 Mai 2014
Résumé
Les dispositions de la Convention collective nationale des cabinets d'experts-comptables et de commissaires aux comptes du 9 décembre 1974 ne sont pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressé, et, donc, à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié si bien que la convention de forfait en jours conclue en application de ce texte est nulle. |
Commentaire
I - Rappel des exigences relatives au contenu des accords collectifs en matière de forfait-jours
Cette question a si souvent été traitée dans ces colonnes qu'il ne sera pas question de revenir trop longuement sur les nouvelles conditions de validité et de mise en oeuvre de forfait en jours.
Depuis 2011, la Chambre sociale de la Cour de cassation exige que la convention de forfait en jours, outre qu'elle doit être conforme aux dispositions des articles L. 3121-43 et suivants du Code du travail (N° Lexbase : L3869IBW) (3), respecte les conditions prévues par l'accord collectif d'entreprise, d'établissement ou de branche imposé par l'article L. 3121-39 du Code (N° Lexbase : L3942IBM).
A côté de ces conditions tenant au contenu de la convention de forfait elle-même, la Chambre sociale exige également que l'accord collectif en question comporte des stipulations destinées à permettre le respect des durées minimales de repos et des durées maximales de travail (4).
Enfin, ce sont les conditions de mise en oeuvre de la convention qui ont finalement attiré l'attention de la Chambre sociale : quand bien même l'accord collectif et la convention de forfait seraient valables, l'employeur doit en respecter les prescriptions, par exemple en matière de contrôle des temps de repos ou d'entretien régulier avec le salarié (5).
Trois types de sanction ont jusqu'ici été prononcées par le juge judiciaire lorsque l'une de ces conditions de validité ou de mise en oeuvre faisait défaut.
S'agissant du non-respect par la convention de forfait des dispositions conventionnelles (6) ou légales d'une part, de l'insuffisance des dispositions de l'accord collectif en matière de respect des durées de repos et de travail d'autre part (7), la Chambre sociale a plusieurs fois considéré que, dans ces hypothèses, la convention de forfait devait être "privée d'effets".
S'agissant du non-respect par l'employeur des obligations imposées par la convention de forfait ou l'accord collectif, la Chambre sociale a récemment considéré que ce manquement donnait droit à l'octroi au salarié d'une indemnisation pour exécution déloyale de la convention de forfait (8).
Depuis quelques semaines, une nouvelle sanction, appelée de ses voeux par la doctrine (9), semble être utilisée par le juge judiciaire dans certaines situations : l'annulation de la convention de forfait.
Ainsi, dans une affaire jugée le 24 avril 2014, la Chambre sociale reprochait aux juges d'appel de ne pas avoir recherché l'annulation d'une convention de forfait conclue en application d'un accord collectif qui n'était pas "de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressé, et, donc, à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié" (10) . De façon moins claire, la Chambre sociale cassait une décision d'appel qui avait refusé d'annuler une convention de forfait qui ne déterminait pas avec précision le nombre de jours de travail annuel, ce dont on pouvait implicitement déduire que la sanction adéquate aurait justement consisté dans l'annulation (11).
L'intérêt de la décision sous examen est de confirmer cette tendance à l'extension de l'usage de la nullité.
Une salariée, engagée par un cabinet d'expert-comptable, conclut avec son employeur une convention de forfait en jours pour une durée de deux cent dix sept jours annuels. Après avoir démissionné, la salariée saisit le juge prud'homal de demandes en paiement de différentes sommes au titre d'heures supplémentaires, de repos compensateurs, de congés payés et de travail dissimulé. Elle fut déboutée par la cour d'appel de Paris qui considéra que la convention de forfait était conforme aux stipulations de l'accord collectif, lequel répondait au besoin d'autonomie des cadres de la branche (12).
La salariée forma un pourvoi en cassation en contestant essentiellement la condition d'autonomie exigée par l'article L. 3121-43 du Code du travail qui, selon elle, n'était pas assouvie. La Chambre sociale de la Cour de cassation se désintéresse totalement de cette argumentation. Elle casse la décision d'appel sur un moyen soulevé d'office au visa de la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux, de la Directive 1993/104/CE du Conseil du 23 novembre 1993, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail (N° Lexbase : L7793AU8), de la Directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail (N° Lexbase : L5806DLM), et de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne (N° Lexbase : L8117ANX).
La Chambre sociale commence par rappeler les règles posées depuis 2011, à savoir que "le droit à la santé et au repos est au nombre des exigences constitutionnelles", que "les Etats membres ne peuvent déroger aux dispositions relatives à la durée du temps de travail que dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé du travailleur" et, enfin, que "toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires".
Elle procède, ensuite, à une analyse des dispositions de la convention collective nationale des cabinets d'experts-comptables et de commissaires aux comptes pour relever que ce texte se contente de prévoir que les temps de repos et de travail légaux doivent être respectés, "que le dépassement doit être exceptionnel et justifié par le cadre", que la convention laisse à l'employeur le soin de prendre les mesures nécessaires pour s'assurer du respect des temps de repos et que "le cadre et l'employeur examinent ensemble, afin d'y remédier, les situations dans lesquelles ces dispositions prises par l'employeur pour assurer le respect des repos journaliers et hebdomadaires n'ont pu être respectées". La Chambre sociale considère que ces dispositions "ne sont pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressé, et, donc, à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié". La cour d'appel aurait, en conséquence, dû annuler la convention de forfait en jours.
II - Systématisation des sanctions applicables aux conventions de forfait-jours
Il peut, d'abord, être dit quelques mots du visa. Si celui-ci est identique à celui utilisé pour l'affaire jugée le 24 avril dernier, il diffère en revanche du visa originel de l'arrêt du 29 juin 2011. Les références au Préambule de la Constitution de 1946 et à la Charte sociale européenne ont en effet été abandonnées. Il ne faut probablement pas tirer de conclusions trop définitives de ces changements.
S'agissant du texte constitutionnel, on constate en effet que la Chambre sociale maintient une motivation se référant au droit à la santé et au repos et à leur valeur "constitutionnelle" (14). Le changement n'est donc probablement que formel. S'agissant de l'absence de référence à la Charte sociale européenne, on peut penser en revanche que la Chambre sociale entend prendre quelques distances avec les décisions du Comité européen des droits sociaux qui semblaient considérer que les conventions de forfait françaises étaient contraires à la Charte mais dont la portée reste, on le sait, très limitée (15).
On peut, ensuite, remarquer que la Chambre sociale reprend l'exigence que les stipulations de la convention collective soient de nature "à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressé".
Cette formule semble tout droit tirée de l'accord du 28 juillet 1998 sur l'organisation du travail dans la métallurgie qui stipule précisément cette exigence et qui était en cause dans l'affaire fondatrice jugée en juin 2011. La stipulation conventionnelle pourrait donc avoir été promue au rang de règle prétorienne.
C'est probablement s'agissant de la sanction que l'affaire sous examen est la plus intéressante. C'est, en effet, la première fois que la Chambre sociale se prononce aussi clairement en faveur de l'annulation de la convention de forfait conclue en application d'un accord collectif comportant des dispositions insuffisantes.
Comme nous avions déjà eu l'occasion de le démontrer, cette sanction est autrement mieux adaptée sur le plan théorique puisque la convention de forfait est dans cette hypothèse conclue au mépris d'une de ses conditions de validité (16).
En parallèle, comme le suggérait le Professeur A. Fabre, la Chambre sociale semble conserver la sanction consistant à priver la convention de forfait de ses effets pour les cas dans lesquels l'employeur ne respecterait pas les obligations de contrôle imposées par le texte conventionnel ou par la convention de forfait (17).
Le système des sanctions applicables aux conventions de forfait irrégulières ou dont les dispositions ne sont pas respectées semble donc se perfectionner.
Il faut cependant le reconnaître, les conséquences de la nullité sont plus vigoureuses que celles de la privation d'effet (18). Il devient, par conséquent, urgent que les accords de branche ou d'entreprise autorisant la conclusion de conventions de forfait soient renégociés, car le contentieux, déjà important devant les juridictions du fond, pourrait encore prendre de l'ampleur.
(1) Cass. soc., 29 juin 2011, n° 09-71.107, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A5499HU9) et nos obs., Forfaits-jours : compromis à la française !, Lexbase Hebdo n° 447 du 7 juillet 2011 - édition sociale (N° Lexbase : N6810BSZ). Parmi une littérature pléthorique, v. RDT, 2011, p. 481, note M.-F. Mazars, S. Laulom et C. Dejours ; JCP éd. S, 2011, 1333, note P. Morvan ; RJS, 2011, p. 587, note F. Favennec-Héry ; Dr. ouvrier 2011, p. 171, obs. A. Lyon-Caen.
(2) Les turbulences de ce régime ont d'ailleurs rendu nécessaire la renégociation de différentes conventions collectives de branche. C'est récemment la Convention collective Syntec (à propos de laquelle v. Cass. soc., 24 avril 2013, n° 11-28.398, FS-P+B N° Lexbase : A6800KCT) qui a été mis sur le devant de la scène, en particulier en raison de l'obligation de "déconnexion" que l'accord entend imposer aux cadres afin que les temps de repos soient respectés. V. aussi M. Balensi, Sécuriser le forfait-jours, SSL, 2014, n° 1626, p. 3. L'ampleur symbolique de la mesure est telle qu'elle a été reprise par les médias généralistes : v. Le Monde du 11 avril 2014, La légende de l'interdiction des courriels professionnels après 18 heures.
(3) Cass. soc. 12 mars 2014, n° 12-29.141, FS-P+B (N° Lexbase : A9489MGK) et les obs. d'A. Fabre, Le forfait-jours sous le contrôle du juge : entre exigence de précision de la convention individuelle et respect des mesures de protection du salarié, Lexbase Hebdo n° 566 du 10 avril 2014 - édition sociale (N° Lexbase : N1702BUL) s'agissant de la détermination du nombre de jours travaillés.
(4) Cass. soc., 31 janvier 2012, n° 10-19.807, FS-P+B+R (N° Lexbase : A8942IBS) et nos obs., Conventions de forfait en jours : de l'importance du contenu des accords collectifs, Lexbase Hebdo n° 473 du 16 février 2013 - édition sociale (N° Lexbase : N0230BTP) ; RDS, 2012, p. 537, obs. P. H. Antonmattéi ; JSL 2012, n° 318-4, obs. Ph. Lhernould.V. également Cass. soc., 26 septembre 2012, n° 11-14.540, FS-P+B (N° Lexbase : A6248ITL) et les obs. de Ch. Radé, Nouveau tour de vis concernant l'encadrement conventionnel des conventions de forfait en jours, Lexbase Hebdo, n° 501 du 11 octobre 2012 - édition sociale (N° Lexbase : N3859BT4) ; RDT, 2013, p. 273, obs. S. Amalric. Et encore Cass. soc., 24 avril 2013, n° 11-28.398, FS-P+B, préc..
(5) V. Cass. soc. 12 mars 2014, n° 12-29.141, FS-P+B, préc..
(6) Par ex., Cass. soc., 29 juin 2011, n° 09-71.107, FS-P+B+R+I, préc..
(7) Par ex., Cass. soc., 31 janvier 2012, n° 10-19.807, FS-P+B+R, préc..
(8) Cass. soc., 12 mars 2014, n° 12-29.141, FS-P+B, préc..
(9) S. Laulom, Conventions de forfait en jours : de l'importance du contenu des accords collectifs, préc..
(10) Cass. soc., 24 avril 2014, n° 11-28.398, FS-P+B, préc..
(11) Cass. soc., 12 mars 2014, n° 12-29.141, FS-P+B, sur le second moyen, préc..
(12) CA Paris, 30 octobre 2012, Pôle 6, 3ème ch., n° 12/01884 (N° Lexbase : A1964IWN).
(13) V. une autre décision du même jour comportant le même visa et la même motivation, Cass. soc., 14 mai 2014, n° 13-10.637, FS-D (N° Lexbase : A5654MLY).
(14) Le texte était cependant encore visé dans un arrêt rendu quelques jours plus tôt, v. Cass. soc., 30 avril 2014, n° 13-11.034, F-D (N° Lexbase : A7020MK9).
(15) Sur cette question, v. nos obs., Forfait-jours : compromis à la française !, préc..
(16) V. note n° 9.
(17) V. Cass. soc., 19 février 2014, n° 12-22.174, F-D (N° Lexbase : A7675MEY) ; Cass. soc., 30 avril 2014, n° 13-11.034, F-D (N° Lexbase : A7020MK9).
(18) Sur cette question, v. A. Fabre, préc..
Décision
Cass. soc., 14 mai 2014, n° 12-35.033, FS-P+B (N° Lexbase : A5582MLC) Cassation partielle (CA Paris, Pôle 6, 3ème ch., 30 octobre 2012, n° 12/01884 N° Lexbase : A1964IWN). Textes visés : Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, art. 151 ; Charte sociale européenne (N° Lexbase : L1676HDG) ; Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs ; C. trav., art. L. 212-15-3, ancien (N° Lexbase : L7755HBT); Directive 1993/104/CE du Conseil du 23 novembre 1993, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, art. 17 § 1 et § 4 (N° Lexbase : L7793AU8) ; Directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, art. 17 § 1 et art. 19 (N° Lexbase : L5806DLM) ; Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, art. 3 (N° Lexbase : L8117ANX). Mots-clés : Convention de forfait en jours ; convention collective ; sanction. Liens base : (N° Lexbase : E4318EX9). |
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Réf. : Cass. civ. 3, 21 mai 2013, n° 13-14.891, FS-P+B+I (N° Lexbase : A2533MMR)
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