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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication
Le 22 Mai 2014
Hormis peut-être la réaffirmation de l'exercice conjoint de l'autorité parentale malgré la séparation et la contravention pour non-présentation d'enfant, l'accord exprès de l'autre parent en cas de déménagement d'un parent, le principe de double résidence, le "mandat d'éducation quotidienne" du beau-parent et l'amendement "anti-fessée" ravivent les tensions connues lors de l'adoption de la loi relative au "mariage pour tous", opposant cette fois la voix des défenseurs des droits des pères à celle des associations féministes.
En effet, si la proposition de loi se voulait consensuelle et visait, d'abord, à renforcer l'exercice conjoint de l'autorité parentale en cas de séparation des parents, afin que l'enfant puisse conserver, malgré cette séparation, des relations équilibrées et régulières avec chacun de ses parents, cette recherche de l'équilibre ne se fait pas sans heurts. L'octroi parlementaire de droits supplémentaires aux pères retirerait une partie de leurs droits aux mères, selon certains, et le "mandat d'éducation quotidienne" brouillerait le positionnement du père biologique à l'égard de l'enfant. Il apparaîtrait donc inconcevable d'étendre les droits des pères sans restreindre ceux de la mère, pour obtenir ce fameux équilibre, tout subjectif qu'il soit. Et, c'est précisément la quadrature du cercle que les parlementaires devront résoudre... dans l'intérêt de l'enfant.
L'Assemblée nationale a beau jeu de promouvoir la médiation familiale, symbole d'une pacification, presque décrétée, des relations familiales après une séparation, lorsque le débat se cristallise désormais sur près de 700 amendements dit "d'obstruction", établissant tantôt la majorité sexuelle à 18 ans, tantôt le droit de garde suivant l'investissement du parent dans la prise en charge de l'enfant, tant sur plan personnel que financier. Que dire d'une meilleure prise en considération de la parole de l'enfant notamment dans les procédures judiciaires, alors que des droits de l'enfant, le débat semble n'avoir cure ?
Si, dans Les troqueurs, La Fontaine promouvait déjà le divorce, conséquence inéluctable de l'inconstance humaine, bien que contraire au droit canon :
"Le changement de mets réjouit l'homme :
Quand je dis l'homme, entendez qu'en ceci
La femme doit être comprise aussi :
Et ne sais pas comme il ne vient de Rome
Permission de troquer en hymen ;
Non si souvent qu'on en aurait envie,
Mais tout au moins une fois en sa vie :
Peut-être un jour nous l'obtiendrons, Amen,
Ainsi soit-il ; semblable indult en France
Viendrait fort bien, j'en réponds, car nos gens
Sont grands troqueurs, Dieu nous créa changeants",
la considération de l'enfant peine toujours à primer, près de trois siècles plus tard, au-delà de la seule querelle des rancoeurs ; rancoeurs parfois alimentées, il est vrai, par des violences conjugales, certes en baisse selon une étude publiée le 7 mai 2014 par les ministères de l'Intérieur et des Droits des femmes, mais dévastatrices, et un désengagement personnel et financier de la part du parent qui se sent isolé...
A tout le moins, à 50 000 euros l'heure de discussion parlementaire, il devrait, s'il faut en revenir à des considérations bassement matérielles, échoir aux parlementaires de trouver, plus rapidement, un terrain d'entente, en lieu et place des parents encore endeuillés par leur séparation... Car pendant ce temps là, la Russie et la Chine redessinent l'ordre mondial...
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N2230BU7
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par Didier Krajeski, Professeur à l'Université de Toulouse
Le 17 Mars 2015
Le contentieux de la nullité du contrat d'assurance pour fausse déclaration intentionnelle est un des plus nourris de la matière. Il a d'ailleurs presque exclusivement pour objet l'assurance automobile et les questionnaires de santé. Le début d'année 2014 aura été l'occasion pour la Cour de cassation d'unifier la jurisprudence face à l'opposition de la Chambre criminelle et de la deuxième chambre civile (1). Le présent arrêt est, à cet égard, en parfaite cohérence avec la solution rendue par la Chambre mixte. Cette unification des solutions sera vraisemblablement sans effet sur le volume du contentieux, tant les intérêts en présence sont importants.
Ces intérêts apparaissent dans la façon dont se manifeste ce contentieux. Bien souvent, à l'occasion d'une demande en garantie de l'assuré, l'assureur se rend compte à l'occasion d'investigations qu'il réalise ou fait réaliser, que la situation de l'assuré lors de la souscription du contrat n'est pas celle qu'il a pu indiquer (dans notre espèce, des antécédents en tant que conducteur). L'assureur fonde alors son refus de garantie sur la nullité du contrat pour fausse déclaration intentionnelle. Une partie du contentieux porte sur les éléments à prouver pour obtenir cette nullité. C'est sur ce point que deux chambres de la Cour de cassation s'opposaient. Plus sensible aux réalités du marché de l'assurance (et certainement aussi à l'évidence de certains mensonges) la deuxième chambre admettait que l'assureur produise des conditions particulières récapitulant les informations relatives à la situation de l'assuré et que ce dernier certifiait exactes. Il était donc admis que la preuve du mensonge puisse reposer sur le seul résultat du système imposé depuis 1989 : des renseignements issus de questions précises posées par l'assureur. Comme le souligne un auteur (2), la nullité se fondait sur les seules exigences de l'article L. 113-8 du Code des assurances (N° Lexbase : L0064AAM) : réticence ou fausse déclaration intentionnelle influençant l'opinion de l'assureur. Mais pour la Chambre criminelle, le procédé n'était pas suffisant, c'est d'ailleurs la position de la Cour de cassation. Désormais, il est certain que les exigences s'emboîtent et le présent arrêt vient le confirmer : la preuve de la fausse déclaration intentionnelle n'est admise que s'il est démontré que l'information dont la véracité est discutée est une réponse à une question précise posée lors de la conclusion, notamment dans le formulaire de déclaration du risque. Les exigences de l'article L. 113-2, 2° (N° Lexbase : L0061AAI), se cumulent avec celles de l'article L. 113-8. Dans sa formule ("à défaut de produire les réponses que l'assuré a apportées aux questions précises"), la Chambre criminelle est plus précise que la Chambre mixte qui exigeait que la réticence ou la fausse déclaration intentionnelle procède des réponses apportées aux questions. Ce faisant, elle maintient le niveau d'exigence exprimé dans un arrêt antérieur (3).
La nullité du contrat d'assurance pour réticence ou fausse déclaration intentionnelle repose donc clairement sur la preuve de cinq éléments. On notera, avec intérêt, un arrêt de la deuxième chambre civile du 6 mars 2014 (4) qui les récapitule en quelque sorte :
- une question ;
- une réponse ;
- une réalité contraire à la réponse apportée ;
- une intention de tromper l'assureur ;
- une influence sur l'appréciation du risque par l'assureur.
La question, à l'origine du processus d'information n'est pas n'importe quelle question. Comme le soulignent certains arrêts que nous avons cités, c'est une question précise (claire dans l'arrêt du 6 mars 2014) qui aurait dû conduire l'assuré à déclarer l'information qu'il a cachée. Les juges du fond, dans leur pouvoir souverain d'appréciation de la valeur et de la portée des éléments preuve (5), doivent procéder à une lecture critique du questionnaire à laquelle l'article L. 112-3, alinéa 4, les enjoint (N° Lexbase : L9858HET). Il n'y a pas mensonge si la question posée par l'assureur est vague. S'agissant de la réponse, rien dans les textes n'impose qu'elle figure dans le même corpus que la question. Le formulaire de déclaration des risques n'est, en effet, qu'une possibilité évoquée dans l'article L. 113-2. Le recours à l'écrit semble, en revanche, la seule possibilité de satisfaire le niveau d'exigence requis même si les textes ne sont pas aussi clairs (6). Il ne faut cependant pas oublier que les supports techniques se sont multipliés depuis quelques décennies et que certains sont parfaitement adaptés aux pratiques commerciales actuelles.
La jurisprudence récente n'est cependant pas que contraintes à l'égard de l'assureur. La consolation paraîtra malgré tout assez maigre. En premier lieu, un arrêt du 5 février 2014 rappelle la possibilité de recourir à un enquêteur privé pour prouver la mauvaise foi de l'assuré (7). Le procédé n'est admis que dans la mesure où les éléments que l'assureur invoque ne sont pas "disproportionnés au regard du droit de l'assureur d'établir en justice la nullité du contrat pour le motif retenu". La solution est dans la même logique que celle rendue relativement à la preuve de l'étendue du sinistre (8).
En second lieu, un arrêt du 27 mars 2014 (9) rappelle le pouvoir souverain d'appréciation des juges du fond dans une espèce où les juges du fond déduisaient l'intention de tromper l'assureur de l'énormité du mensonge de l'assuré relativement à son état de santé. Ce faisant, ils semblent faciliter la preuve à apporter en autorisant le lien entre différents éléments dans les circonstances où l'intention de tromper est évidente au regard de la connaissance que l'assuré a de sa situation et de l'importance de celle-ci pour l'assureur (réponse, réalité contraire, intention de tromper et opinion de l'assureur).
La morale de l'histoire est peut-être là. Il ne faut pas se tromper sur l'évidence à mettre en avant. Par le procédé des déclarations pré-rédigées, les assureurs ont voulu brûler l'étape des questions en les faisant passer pour évidentes (ce qu'elles sont d'ailleurs dans certains domaines). Cette évidence, la jurisprudence ne l'admet pas car deux textes du Code des assurances au moins lient les réponses de l'assuré aux questions. Le législateur, en 1989, a enfermé l'information de l'assureur sur le risque dans le système question/réponse auquel les déclarations pré-rédigées dérogent par leur forme et leur temporalité. Ce qu'enseigne, en revanche, la jurisprudence, c'est que lorsque qu'une question précise est produite, le mensonge est d'autant plus facile à établir. Si elles sont soignées, le reste suivra s'il y a lieu. Dans certains cas, ce passage obligé à la formalisation d'une question paraît absurde tant la connaissance de l'importance de l'information par l'assuré va de soi. La position de la Cour de cassation favorise, de ce point de vue, la mauvaise foi de l'assuré. Dans d'autres cas, la technicité des renseignements demandés justifie que l'attention de l'assuré soit attirée par une question forcément précise. Il n'est pas possible de s'en tenir à une déclaration pré-rédigée signée avec d'autres documents. Il y a forcément dans cette affaire un intérêt à sacrifier. La Cour de cassation choisit celui de l'assureur.
II - Prescription
Les constructions jurisprudentielles sont des ouvrages sans fin. La solution rendue par la Cour de cassation est l'occasion de l'illustrer en matière de prescription. La discussion porte ici plus précisément sur la question de la détermination du point de départ du délai de prescription. Il ne s'agit cependant pas de n'importe quelle garantie : on se trouve en présence d'une assurance emprunteur souscrite par deux époux pour garantir un emprunt immobilier. Le contrat couvre l'incapacité de travail, l'invalidité et le décès.
En la matière, la jurisprudence a adopté une position considérée comme audacieuse par beaucoup d'auteurs en décidant "qu'en matière d'assurance de groupe souscrite par un établissement de crédit, et à laquelle adhère un emprunteur pour la couverture de risques pouvant avoir une incidence sur le remboursement de l'emprunt, la prescription de l'action de l'assuré contre l'assureur ne commence à courir qu'à compter du premier des deux événements suivants, soit le refus de garantie de l'assureur, soit la demande en paiement de l'établissement de crédit, bénéficiaire de l'assurance par l'effet de la stipulation faite à son profit" (10). La doctrine reproche à cette position de fixer le point de départ du délai de prescription indépendamment de la date de réalisation du sinistre, contrairement à ce que requiert en principe l'article L. 114-1 (11). Avec un brin de provocation, on serait tenté d'affirmer que le présent arrêt démontre que ce n'est pas tout à fait vrai même si cela ne fait toujours pas les affaires de l'assureur.
En l'espèce, un emprunt est souscrit par deux époux et garanti par une assurance souscrite par les deux. Le mari se trouve en incapacité de travail, demande la garantie, et se voit opposer un refus de l'assureur, en juillet 2007, fondé sur la nullité du contrat. Le mari décède en novembre 2007 et son épouse sollicite la garantie. Sa demande est refusée en juillet 2008 par l'assureur qui indique fort logiquement le même motif de refus. L'épouse assigne l'assureur en juin 2010. Ce dernier prétend que l'action est prescrite. Les juges du fond le suivent dans son argumentation et leur arrêt est cassé par la Cour de cassation.
Elle considère que le délai de l'action ayant pour but d'obtenir la garantie du fait du décès de l'époux ne peut commencer à courir avant cet événement. La solution est logique. Les différents événements pour lesquels l'assurance emprunteur est souscrite sont autant de risques, par conséquent, un délai de prescription court pour chacun d'eux. Ce délai, cela a été précisé plus haut, court soit du fait de la demande en paiement du prêteur, soit du refus de garantie de l'assureur (ici, au mois de juillet 2008) pour chacun des risques couverts. L'action de l'épouse n'était donc pas prescrite (de peu). On pourrait dire que la victoire est ici éphémère puisque l'assureur fera valoir le motif de refus qu'il avait invoqué pour s'opposer à la demande du mari. Il s'agit d'une nullité pour fausse déclaration intentionnelle. Cependant, nous savons que cette démonstration n'aura rien d'évident pour l'assureur. La question de la prescription était donc ici un enjeu fondamental.
De précisions en ajustements, cette première solution de la Cour de cassation peut être rapprochée d'une autre solution rendue en matière d'assurance de protection juridique le 6 mars 2014 (12). En la matière, et s'inspirant certainement des solutions adoptées pour l'assurance emprunteur, la cour de cassation a décidé que la prescription commençait à courir soit au jour où l'assureur a refusé sa garantie, soit le jour où il l'a limitée à un certain montant (13). La question posée par l'arrêt du 6 mars 2014 étant de savoir quand commence à courir le délai lorsque l'assureur n'a pas refusé sa garantie et ne l'a pas limitée à un certain montant, rappelant simplement l'existence des plafonds ? Autrement dit, lorsque l'assureur reconnaît simplement devoir sa garantie et laisse l'affaire suivre son cours !
En l'espèce, l'assureur accepte le principe de financer la défense de l'un de ses assurés en justice. Une note d'honoraires est émise par son avocat en octobre 2001, l'assuré faisant une demande d'indemnisation à son assureur qui aboutit à un refus de celui-ci (fondé sur la prescription !) en octobre 2010. Les juges du fond considèrent que l'action est prescrite, le délai ayant débuté, selon eux, par l'émission de la note d'honoraires. La Cour de cassation rejette le pourvoi. Ce faisant, elle apporte une précision à la solution de 2004 : "en matière d'assurance de protection juridique, lorsque l'assureur a accepté sa garantie dans les limites des prévisions contractuelles, le point de départ de la prescription de l'action de l'assuré court du jour où il a eu connaissance des éléments qui lui permettaient de réclamer l'indemnité promise". Le délai était donc écoulé lorsque l'assuré a fait une demande à l'assureur. La solution se justifie parfaitement car s'en tenir au refus de garantie, ou la limitation à un montant, revenait à décider que, lorsque l'assureur a la position la plus favorable, aucun délai ne court !
La solution met en évidence le rôle de l'avocat dans cette situation qui, lorsqu'il communique sa note d'honoraires, doit indiquer les conséquences de celle-ci au regard de l'assurance de protection juridique de son client. Il ne saurait que trop lui recommander de faire le plus rapidement possible sa demande de remboursement.
Les solutions rendues en matière d'assurance de protection juridique sont moins critiquées que celles rendues pour l'assurance emprunteur. Il faut dire que cette forme d'assurance s'illustre par la multiplicité des façons de répondre au sinistre : du règlement amiable rapide au contentieux sans fin. L'aléa qui touche l'évènement assuré (différend ou litige) se prolonge par une incertitude durable sur les conséquences financières de cet événement. Au moment où le sinistre survient, il est donc plus difficile que dans d'autres formes d'assurance d'en déterminer son coût global. Ici, la position de la jurisprudence est certainement plus proche du principe de l'article L. 114-1, alinéa, 2°, qui fait partir le délai de la connaissance du sinistre.
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Réf. : Cass. civ. 2, 27 mars 2014, n° 13-11.682, FS-P+B (N° Lexbase : A2469MIB)
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N2242BUL
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par Philippe Duprat, ancien Bâtonnier du barreau de Bordeaux
Le 22 Mai 2014
Dans les relations avec son client, l'avocat peut vouloir rechercher une amélioration du montant de l'honoraire initialement convenu en considération du résultat obtenu (loi n° 71-1130, art. 10 , al. 3).
Le régime juridique de l'honoraire dit "de résultat" est précis. Il s'est peu à peu construit. L'arrêt rendu le 27 mars 2014 participe de cette construction qui vient décider que "l'existence d'un aléa ne constitue pas une condition de validité de la convention prévoyant un honoraire de résultat".
Les conditions de validité de la convention dite "d'honoraire de résultat" se trouvent ainsi précisées (I) Pour autant la régularité formelle d'une convention d'honoraire n'exclut pas tout contrôle du montant de l'honoraire de résultat (II).
I - Les conditions de validité de la convention d'honoraire de résultat
Selon l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971, "est licite la convention qui, outre la rémunération des prestations effectuées, prévoit la fixation d'un honoraire complémentaire en fonction du résultat obtenu ou du service rendu".
Par deux arrêts remarqués en date du 3 mars 1998, la première chambre civile de la Cour de cassation (Cass. civ. 1, 3 mars 1998, deux arrêts, n° 95-21.387 N° Lexbase : A2039ACI et n° 95-21.053 N° Lexbase : A2035ACD) avait énoncé qu'"est licite la convention qui, outre la rémunération des prestations effectuées, prévoit la fixation d'un honoraire complémentaire en fonction du résultat obtenu ou du service rendu ; [...] il en résulte qu'aucun honoraire de résultat n'est dû s'il n'a pas été expressément stipulé dans une convention préalablement conclue entre l'avocat et son client".
L'exigence d'une convention préalable n'a d'autre fondement que la protection du client. Rien ne justifie qu'il soit mis devant le fait accompli une fois la prestation réalisée. La prévisibilité de l'honoraire et des conditions de son acquisition à l'avocat participent efficacement de l'engagement du client de recourir au service d'un avocat. Il est donc légitime d'assurer la protection du client qui s'engagera en connaissance de cause. C'est d'ailleurs ce qui justifie a contrario que la cour de cassation a toujours admis (Cass. civ. 2, 7 mai 2003, n° 01-17.495, FS-P+B N° Lexbase : A8266BSX) que l'exigence de la convention préalable s'effaçait devant le choix du client de régler spontanément, après service rendu, un honoraire complémentaire. Selon la Cour, "le client qui, après service rendu, offre de payer librement à l'avocat un honoraire complémentaire ne peut se prévaloir, pour contester cet engagement, de l'absence de convention préalable à la prestation ainsi rémunérée".
De la même manière le droit pour l'avocat de percevoir effectivement l'honoraire de résultat est subordonné à la nécessité d'obtenir une décision définitive. A défaut la perception de l'honoraire de résultat serait sans cause et devrait être restitué. La Cour de cassation a, plusieurs fois, rappelé cette réalité. Ainsi, par exemple, dans un arrêt du 10 mars 2004, la Cour énonce, au visa de l'article 10 de la loi modifiée du 31 décembre 1971, que "l'honoraire de résultat prévu par convention préalable n'est dû par le client à son avocat que lorsqu'il a été mis fin à l'instance par un acte ou une décision juridictionnelle irrévocable" (Cass. civ. 2, 10 mars 2004, n° 01-16.910, FS-P+B+R N° Lexbase : A4829DBH). Cette règle est, d'ailleurs, bien connue des clients indélicats qui révoquent, en cause d'appel, l'avocat avec lequel ils ont conclu une convention d'honoraire de résultat, et choisissent un nouveau conseil. Ce dernier ne pourra pas prétendre au bénéfice de la convention conclue avec le confrère précédent lequel ne pourra obtenir aucun honoraire de résultat en l'absence de décision irrévocable. Le client devient vite le premier ennemi de son avocat...
Mais, au-delà de la seule existence de la convention de résultat, les textes n'imposent aucune autre condition. La question s'est, cependant, posée de savoir s'il n'était pas de l'essence même de l'honoraire de résultat que de rémunérer un travail dont le résultat était par nature aléatoire. Dit autrement, c'est parce que le résultat obtenu pour le client était sinon imprévisible, du moins inattendu, que l'honoraire complémentaire se justifie. Proposer un honoraire rémunérant un travail dont on connaîtrait par avance le résultat favorable qu'il va automatiquement générer pour le client serait une forme de tromperie. L'aléa deviendrait ainsi une condition de validité de l'honoraire de résultat. Il pourrait aussi servir de justification au montant de l'honoraire.
Dans un précédant arrêt (Cass. civ. 2, 23 mai 2013, n° 12-10.240, F-D N° Lexbase : A9179KDC), la Cour de cassation avait eu l'occasion de se prononcer sur l'aléa comme condition de validité des conventions d'honoraires complémentaires. Elle n'avait, cependant, pas saisi l'opportunité qui lui était offerte de le faire. La cour avait simplement jugé, au visa cumulé de l'article 12 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1127H4I) et 1134 du Code civil (N° Lexbase : L1234ABC) : "que pour dire sans effet les dispositions de la convention [complémentaire d'honoraire de résultat], l'ordonnance énonce, d'une part, que la validité de la convention doit être examinée au regard du droit commun et des vices du consentement, d'autre part, que, si cette convention a été conclue antérieurement au résultat obtenu, elle l'a été après que la commission régionale de conciliation et d'indemnisation de Bretagne eut émis l'avis que Mme X pouvait prétendre à la réparation intégrale de ses préjudices, ce dont il résultait qu'il n'y avait aucun risque d'échec pour l'avocat quant à l'issue de l'affaire à la date à laquelle il faisait signer à sa cliente cette convention d'honoraires ; [...] Qu'en statuant ainsi, sans préciser le fondement juridique de sa décision d'écarter l'application de la convention d'honoraires, le premier président n'a pas satisfait aux exigences du premier de ces textes et n'a pas donné de base légale à sa décision au regard du second". Il apparaissait, pourtant, que le premier président avait pris en considération l'absence manifeste "de risque d'échec pour l'avocat", c'est-à-dire d'aléa, pour dénier tout effet à la convention de résultat.
Selon l'arrêt commenté les choses sont désormais claires : l'aléa n'est pas une condition de validité de l'existence de la convention d'honoraire de résultat. Au cas d'espèce, un légataire universel avait chargé un avocat de diligenter toute procédure pour faire reconnaître ses droits. Une première convention avait été conclue, portant sur un honoraire complémentaire de 10 %. Ultérieurement une seconde convention s'était substituée portant l'honoraire à 30 %. Le premier président, pour annuler la convention, avait retenu qu'au moment de sa signature il n'existait plus d'aléa sur l'existence ou le montant de la créance du client. La cassation intervient car l'aléa n'est une condition de validité de convention de résultat.
Si la validité de la convention n'est pas en cause, cela n'implique pas pour autant que la discussion ne puisse pas s'instaurer sur le montant de l'honoraire lui-même.
II - Le contrôle du montant de l'honoraire de résultat
Le caractère très alléchant de certaines conventions d'honoraires de résultat est une évidence dont les Bâtonniers investis en première instance du contentieux de l'honoraire peuvent témoigner.
Mais précisément, ils sont excellemment bien placés pour rappeler que la validité de la convention ne préjuge pas d'un certain contrôle sur le montant de l'honoraire.
Il est, d'abord, une hypothèse ou l'intervention du Bâtonnier sera déterminante. C'est toutes les fois que n'auront pas été fixées les modalités d'évaluation de la rémunération. La Cour de cassation a, notamment, précisé par un arrêt (Cass. civ. 1, 18 mars 2003, n° 00-11.863, FS-P N° Lexbase : A5483A79) que "l'article 10, dernier alinéa, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 qui admet la licéité de la convention qui, outre la rémunération des prestations effectuées, prévoit la fixation d'un honoraire complémentaire en fonction du résultat obtenu ou du service rendu, n'exige pas que cette convention fixe les modalités d'évaluation de la rémunération des prestations effectuées".
Déjà, par un précédant arrêt de la même chambre (Cass. civ. 1, 6 juin 2000, n° 97-18.188 N° Lexbase : A3472AU7), la Haute juridiction avait admis que "l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 n'exige pas que les modalités de la fixation du complément d'honoraire soient déterminées dans la convention des parties et qu'il appartenait dès lors au premier président d'apprécier le montant de ce complément d'honoraire".
En l'absence de tout critère de détermination il reviendra au Bâtonnier, sous contrôle du premier président, de fixer le montant de l'honoraire, sans qu'il puisse leur être imposé de respecter une quelconque proportion entre l'honoraire de base et l'honoraire complémentaire. La Cour de cassation (Cass. civ. 1, 10 juillet 1995, n° 93-20.290 N° Lexbase : A6140ABZ) a censuré un premier président pour avoir annulé une convention d'honoraire de résultat au motif que le montant de ce dernier était sans rapport avec l'honoraire principal et que l'essentiel de la rémunération d'avocat ne devait pas dépendre du résultat obtenu. Une telle condition n'étant pas prévue par l'article 10, alinéa 3, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971.
Demeure l'hypothèse de l'honoraire de résultat déterminé dans la convention, mais dont le client conteste, par la suite, non le principe, mais le montant. La Cour de cassation nous a rassuré, par un arrêt du 18 septembre 2003 (Cass. civ. 2, 18 septembre 2003, n° 01-16.013, F-P+B N° Lexbase : A5352C94) : l'acceptation de l'honoraire de résultat dans une convention interdit au visa de l'article 1134 du Code civil d'en redéfinir le montant dès lors qu'il a été accepté par le client.
Néanmoins, il est admis que les abus qui pourraient être constatés en matière d'honoraire de résultat relèvent de l'instance disciplinaire seule habilité à juger conformément aux dispositions de l'article 183 du décret du 27 novembre 1991, les infractions déontologiques et, notamment, la violation les principes essentiels de modération et de délicatesse, désormais visés à l'article 3 du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005 (N° Lexbase : L6025IGA).
Dès lors, par un curieux retour des choses, si l'aléa n'est pas une condition de validité de la convention d'honoraire de résultat, l'absence de tout aléa ne pourrait-il pas, en présence d'un honoraire important -30 % comme dans les faits qui sous-tendent l'arrêt commenté- établir ce manque de modération susceptible de fonder des poursuites disciplinaires ? Tout dépendra du point de savoir si la délicatesse et la modération peuvent se laisser enfermer dans une convention...
Décision
Cass. civ. 2, 27 mars 2014, n° 13-11.682, FS-P+B (N° Lexbase : A2469MIB) Cassation, CA Paris, 6 décembre 2012 Lien base : (N° Lexbase : E0079EUH) |
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Réf. : Cass. crim., 6 mai 2014, n° 13-86.824, F-P+B+I (N° Lexbase : A8150MK3)
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N2130BUG
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Réf. : CA Versailles, 14 mai 2014, n° 13/04017 (N° Lexbase : A0487MLM)
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N2229BU4
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N2238BUG
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par Pauline Le More, Avocate au barreau de Paris, Cabinet LeMore Avocat, chargée d'enseignement à l'Université Paris Ouest-Nanterre La Défense
Le 22 Mai 2014
Publié au bulletin et rendu au visa de la loi des 16-24 août 1790 et du décret du 16 fructidor an III, ainsi que des articles L. 410-1 (N° Lexbase : L6581AIL), L. 464-7 (N° Lexbase : L2051ICX) et L. 464-8 (N° Lexbase : L4973IUQ) du Code de commerce, l'arrêt de la Cour de cassation du 8 avril 2014 censure sèchement les analyses des juges du fond quant à la compétence de l'ordre judiciaire pour connaître des actions en réparation intentées contre des établissements publics du fait de pratiques anticoncurrentielles présumées (CA Paris, Pôle 1, 2ème ch. 10 octobre 2012, n° 11/13069 N° Lexbase : A5889IUN ; TGI Paris, 3ème ch., 1er juillet 2011, n° 10/14685 N° Lexbase : A2693IIL).
En l'espèce, la manufacture de Sèvres a organisé, en partenariat avec l'artiste ChuTeh-Chun et la galerie américaine Malborough Gallery, la fabrication de vases, décorés par l'artiste, qui ont été exposés, du 10 juin au 7 septembre 2009, au musée Guimet puis, pour partie d'entre eux, remis à la galerie Malborough Gallery qui les a commercialisés sur le marché international de l'art. La galerie new-yorkaise concurrente Navarra et son dirigeant, considérant le jeu de la concurrence faussée par la mise à disposition par le musée Guimet et la manufacture de Sèvres de leurs moyens au service d'un projet commercial privé, initié par la galerie Malborough Gallery, les ont fait assigner en réparation de leur préjudice. Excipant de leur nature d'établissements publics exerçant une mission de service public, la manufacture de Sèvres et le musée Guimet ont été déboutés tant par le juge de la mise en état du TGI que par le conseiller de la mise en état de la cour d'appel de leur argument tiré de l'exception d'incompétence.
Certes, d'une part, selon l'article L. 410-1 du Code de commerce, les dispositions relatives à la liberté des prix et de la concurrence s'appliquent à toutes les activités de production, de distribution et de services, y compris celles qui sont le fait de personnes publiques, notamment dans le cadre de délégations de service public. Certes, d'autre part, dans la mesure où elles exercent de telles activités et sauf en ce qui concerne les décisions ou actes portant sur l'organisation du service public ou mettant en cause des prérogatives de puissance publique, les personnes publiques peuvent être sanctionnées par l'Autorité de la concurrence agissant sous le contrôle de l'autorité judiciaire en matière de pratiques anticoncurrentielles. En effet, compétence exclusive est conférée à la cour d'appel de Paris pour connaître des recours intentés contre les décisions de l'Autorité de la concurrence, conformément aux articles L. 464-7 et L. 464-8 du Code de commerce. Pour autant, peu importe pour déterminer la compétence du juge judiciaire que les agissements de la manufacture de Sèvres et du musée Guimet soient susceptibles de porter atteinte à une saine et libre concurrence et/ou ne relèvent pas d'actes concernant l'organisation du service public ou la mise en oeuvre de prérogatives de puissance publique, dans la mesure où le litige en cause concerne une action judiciaire initiée non par un plaignant devant l'Autorité de la concurrence, mais par une personne de droit privé, en l'occurrence la galerie Navarra et son dirigeant. L'ordre judiciaire ne pouvait donc connaître du litige opposant la galerie Navarra et son dirigeant à la manufacture de Sèvres et au Musée Guimet sans excéder sa compétence.
Il s'agit là d'un rappel des clefs de compétence entre l'ordre judiciaire et l'ordre administratif somme toute classique, même si on peut regretter que le contentieux de l'indemnisation du fait de pratiques anticoncurrentielles soit tributaire de deux ordres distincts, source potentielle de discrimination entre victimes. En tout état de cause et de fait, le juge administratif a eu déjà à maintes reprises l'occasion de sanctionner des personnes de droit public pour des agissements anticoncurrentiels, comme en témoigne par exemple dernièrement l'arrêt du Conseil d'Etat en matière de pratiques d'éviction perpétrées par la communauté d'agglomération de Laval et conduisant à l'indemnisation de la société Ernée Viandes à hauteur de plus de 500 000 euros (CE, 3° s.s., 17 mars 2010, n° 305860 N° Lexbase : A7928ETS).
La programme de clémence français, introduit en droit français par la loi n° 2001-420, relative aux nouvelles régulations économiques (N° Lexbase : L8295ASZ) sous l'impulsion cumulée du droit antitrust américain inventeur de l'outil et de la Commission européenne, a été dernièrement révisé en 2009 (cf. Aut. conc., communiqué de procédure du 2 mars 2009 sur le programme de clémence). Pour autant, ce précieux instrument de l'Autorité de concurrence au service de la détection des cartels, fondée sur la dénonciation auto-incriminante de l'un des participants à une entente, souligne certains des paradoxes de l'application des règles de concurrence française et communautaire en France. En voici quelques uns parmi d'autres.
D'une part, soucieuse de son attractivité, notamment au regard du développement de l'action privée, l'Autorité de la concurrence n'a eu de cesse de défendre son programme de clémence en allant jusqu'à interdire toute transmission des pièces d'un dossier de clémence à une victime d'entente qui en ferait la demande dans le cadre d'une action privée en vertu des articles L. 464-2, IV (N° Lexbase : L4967IUI) et R. 464-5 (N° Lexbase : L8657IBA) du Code de commerce . Or, à la lecture de l'étude, il apparaît que "60% des avocats indiquent ne pas avoir rencontré de suites d'actions civiles ou de poursuites pénales de leurs clients [demandeurs à la clémence]". En revanche, 100 % des entreprises, demanderesses à une action en réparation, sont désormais confrontées, en vertu de la législation en vigueur, au principe d'exclusion de toute communication de pièces, parfois indispensables à l'établissement de leurs préjudices devant le juge.
D'autre part, il semble que, outre la réduction d'amendes qui de ce côté-là de l'Atlantique est surtout le fait de l'Autorité de la concurrence et non des juridictions, c'est surtout à la suite d'une procédure de plainte intentée devant une autre autorité de la concurrence (Commission européenne ou autorité nationale de concurrence) que l'entreprise fait le choix de monter un dossier de clémence en France. Autrement dit, le programme de clémence est ainsi utilisé dans le cadre plus global d'un ensemble de procédures européennes ou internationales, parmi lesquelles la procédure française ne constitue qu'un maillon de la chaîne. Le programme de clémence a donc essentiellement vocation, en pratique, à satisfaire les standards internationaux du droit des ententes et pallie, en matière de détection, l'absence de coopération efficace entre autorités de concurrence.
Faut-il dès lors rendre le programme de clémence français plus attractif pour les membres de cartels dans un contexte qui, comme le monde des affaires, est de plus en plus marqué par la mondialisation ? L'Autorité de la concurrence annonce une "éventuelle" révision du communiqué de procédure du 2 mars 2009. Une étude plus globale à l'échelle européenne, voire mondiale, serait sans doute susceptible de servir également de base aux autorités à une telle réforme qui inclurait le droit des ententes en général.
Par arrêt du 13 mars 2014, la cour d'appel de Paris a réduit à la portion congrue la sanction pécuniaire infligée par l'Autorité de la concurrence au groupe danois Bang & Olufsen par décision n° 12-D-23 du 12 décembre 2012 (Aut. conc., décision n° 12-D-23, 12 décembre 2012 N° Lexbase : X9716ALG ; cf. nos obs. in Chronique de droit de la concurrence et de la distribution - Janvier 2013 (1er comm.), Lexbase Hebdo n° 322 du 10 janvier 2013 - édition affaires N° Lexbase : N5164BTG).
Les faits, relativement classiques, concernaient le réseau de distribution sélective de la société Bang & Olufsen France dans le secteur du matériel hi-fi et home cinéma. Il était reproché à la société et à la maison mère, Bang & Olufsen A/S, d'avoir mis en oeuvre une entente anticoncurrentielle ayant pour objet l'interdiction faite à ses distributeurs agréés, membres de son réseau de distribution sélective, de recourir à Internet pour vendre les produits de sa marque.
Condamné au paiement d'une amende de 900 000 euros, le groupe danois contestait en premier lieu les faits mêmes d'entente, faute pour l'Autorité de la concurrence d'avoir prouvé l'accord de volonté entre le fabricant et ses distributeurs. Certes, depuis l'arrêt Volkswagen (CJCE, 13 juillet 2006, aff. C-74/04 P N° Lexbase : A4768DQN), le concours de volonté ne peut être présumé du seul fait de l'appartenance d'un distributeur à un réseau. Pour autant, l'Autorité de la concurrence se fondait, en l'espèce, non seulement sur la clause du contrat de distribution type interdisant la vente par correspondance et la circulaire du 13 août 2000 y afférente, mais également sur d'autres éléments recueillis au cours de l'enquête et de l'instruction, et notamment les déclarations faites par les représentants des sociétés incriminées et par deux des distributeurs agréés. Aucun des 48 distributeurs n'ayant, de surcroît, eu recours à la vente de leurs produits Bang & Olufsen sur internet, l'acquiescement à la politique du groupe danois en matière de vente sur internet pouvait être considéré comme tacite.
Par ailleurs, cette restriction de concurrence par objet n'est pas indispensable pour atteindre l'objectif de qualité allégué. La cour d'appel reste de marbre face aux arguments du fabricant tiré des phénomènes de parasitismes, selon lesquels la vente en ligne renforcerait l'asymétrie financière entre les distributeurs Bang & Olufsen et déstabiliserait le maillage territorial des magasins Bang & Olufsen. Faute de remplir l'une des quatre conditions cumulatives, la pratique d'interdiction de vente sur Internet ne peut bénéficier de l'exemption prévue par les articles 101 § 3 TFUE (N° Lexbase : L2398IPI) et L. 420-3 du Code de commerce.
C'est sur le terrain de la sanction que l'arrêt est le plus novateur. En raison des incertitudes juridiques entourant la question de la vente sur internet, mis en exergue par la question préjudicielle de l'affaire "Pierre Fabre" (CJUE, 13 octobre 2011, aff. C-439/09 N° Lexbase : A7357HY7) qui avait justifié le sursis à statuer dans la présente affaire, la cour d'appel réduit à 10 000 euros l'amende. C'est moins que les 17 000 euros demandés à titre infiniment subsidiaire par les sociétés Bang & Olufsen. Sans remettre en cause l'infraction commise, la cour procède à la "relativisation" de la gravité de la pratique pour conférer une fonction de symbole à l'amende, dont le montant devient de ce fait dérisoire. Autrement dit, l'incertitude juridique peut désormais être source de circonstance atténuante, dès lors que le montant de la sanction infligée par l'Autorité de la concurrence est contesté.
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Réf. : Cass. soc., 13 mai 2014, n° 12-23.805, FS-P+B (N° Lexbase : A5453MLK)
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Le 02 Août 2017
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Réf. : Cass. civ. 3, 7 mai 2014, deux arrêts, n° 13-11.743 (N° Lexbase : A5473MLB), et n° 12-26.426 (N° Lexbase : A5544MLW), FS-P+B
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Le 27 Mai 2014
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Réf. : Cass. soc., 7 mai 2014, n° 13-14.344, F-D (N° Lexbase : A9129MKC)
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par Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale
Le 17 Mars 2015
Résumé
Les dénonciations, par le salarié, des agissements de harcèlement moral dont il se prétend victime et qui n'ont pas été opérées de bonne foi ne sont pas susceptibles de le faire bénéficier de la protection légale reconnue aux salariés qui dénoncent des faits de harcèlement. |
Commentaire
I - La mauvaise foi mettant en échec la protection des salariés dénonçant des faits de harcèlement
Cadre juridique applicable. La Directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000, portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail (N° Lexbase : L3822AU4) prévoyait, dans son article 11 consacré à la protection contre les rétorsions, l'introduction en droit interne des "mesures nécessaires pour protéger les travailleurs contre tout licenciement ou tout autre traitement défavorable par l'employeur en réaction à une plainte formulée au niveau de l'entreprise ou à une action en justice visant à faire respecter le principe de l'égalité de traitement".
La loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale (N° Lexbase : L1304AW9) a introduit dans le Code du travail un article L. 122-46 (N° Lexbase : L5584ACS), transposant ces dispositions, qui sont aujourd'hui présentes à l'article L. 1153-3 (N° Lexbase : L8843ITP).
Ces dispositions doivent toutefois être interprétées avec celles qui ont été introduites postérieurement par la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations (N° Lexbase : L8986H39) dont l'article 3 a consacré un principe comparable, d'application générale, à la différence près que le législateur a précisé que la protection visait la "personne ayant témoigné de bonne foi d'un agissement discriminatoire ou l'ayant relaté" (1).
On sait que la Cour de cassation a fait une application immédiate de ces dispositions et qu'elle affirme depuis 2009 que "le salarié qui relate des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis" (2). Elle a d'ailleurs précisé que cette mauvaise foi ne pouvait pas non plus être déduite du fait que l'employeur disposerait également, contre le salarié, de griefs sérieux de nature à justifier un licenciement (3).
Le salarié de mauvaise foi perd non seulement le bénéfice de la protection exorbitante que confère la loi à ceux qui dénoncent ou témoignent, mais il s'expose également à un licenciement pour faute grave, compte tenu de l'extrême gravité d'une dénonciation mensongère portant sur de tels faits (4).
Dernièrement, cette solution a reçu une consécration plus générale puisqu'au visa de l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme (N° Lexbase : L7558AIR), la Chambre sociale de la Cour de cassation a consacré la protection du droit de témoigner en justice du salarié, en annulant toute mesure contraire, mais en réservant explicitement l'hypothèse de la mauvaise foi : "en raison de l'atteinte qu'il porte à la liberté fondamentale de témoigner, garantie d'une bonne justice, le licenciement prononcé en raison du contenu d'une attestation délivrée par un salarié au bénéfice d'un autre est atteint de nullité, sauf en cas de mauvaise foi de son auteur" (5).
Modalités d'appréciation de la mauvaise foi. L'examen de la jurisprudence livre trois enseignements sur la manière d'appréhender la mauvaise foi.
La première tient au contrôle qu'exerce la Cour de cassation sur l'appréciation des juges du fond. Si ces derniers sont officiellement souverains pour l'apprécier (6), la Haute juridiction se montre extrêmement vigilante pour éviter des glissements sémantiques assez fréquents qui conduiraient à écarter le critère de la mauvaise foi, au profit d'autres, telle la déloyauté (7).
La deuxième tient à l'importance des règles de preuve, et notamment au fait qu'en vertu du principe selon lequel la bonne foi doit être présumée, c'est à l'employeur qu'il appartient d'établir la mauvaise foi du salarié, ce qui s'avère en pratique particulièrement difficile à caractériser tant les faits peuvent être confus.
La troisième tient aux quelques affaires qui ont retenu la mauvaise foi, caractérisée par la fausseté des allégations et le but poursuivi par le salarié, étranger à toute volonté de dénoncer des faits de harcèlement et qui pense trouver là le moyen d'échapper à une sanction imminente (8) ou à l'exercice légitime du pouvoir de direction (9).
C'est dans ce contexte qu'intervient cette nouvelle décision.
II - La mauvaise foi déduite des circonstances
Les faits. Un salarié avait fait l'objet de deux avertissements avant d'être licencié pour faute grave, et prétendait qu'il avait été sanctionné pour avoir dénoncé des faits de harcèlement moral ; il n'était pas parvenu à en convaincre la cour d'appel de Paris et avait été débouté de ses demandes. Il n'aura pas plus de chance auprès de la Haute juridiction qui rejette son pourvoi.
Pour la Chambre sociale de la Cour de cassation, "la cour d'appel a retenu que les éléments apportés par le salarié n'étaient pas de nature à laisser présumer l'existence d'un harcèlement moral dont il aurait été victime, qu'en particulier, les avertissements qui l'avaient précédemment sanctionné étaient justifiés par ses refus illégitimes de rendre des comptes à sa hiérarchie et par son comportement insolent ; qu'ayant en outre retenu une attitude de dénigrement envers l'entreprise, elle a ainsi fait ressortir que les dénonciations par le salarié des agissements de harcèlement moral dont il se prétendait victime n'avaient pas été opérées de bonne foi".
Une solution justifiée. La solution est justifiée et la manière dont procède la Haute juridiction, parfaitement adaptée à la situation.
La preuve de la mauvaise foi doit être en effet caractérisée par deux éléments : l'un objectif, qui tient à la fausseté des faits dénoncés, l'autre subjectif qui tient à l'intention du sujet qui doit poursuivre un autre intérêt que celui qui est protégé par la règle.
Les faits permettent parfois de prouver avec certitude la mauvaise foi, notamment lorsque le sujet l'admet lui-même et que la preuve en est rapportée, notamment par des témoignages (10).
Mais la plupart du temps, l'intention est présumée sur la base de circonstances pertinentes, généralement de la simultanéité de la dénonciation et de mesures envisagées ou prises par l'employeur et dont le salarié prétend ainsi neutraliser les effets (11).
Dans cette affaire (12), le salarié n'était d'ailleurs pas en mesure d'établir avoir personnellement dénoncé des faits de harcèlement moral le concernant, avant d'avoir saisi le conseil de prud'hommes après son licenciement, et n'évoquait en appel que des dénonciations réalisées par les représentants du personnel "ne le concernant pas personnellement". La solution retenue est donc justifiée, notamment parce que l'on sait qu'en matière de harcèlement la victime doit avoir été exposée "directement et personnellement" aux faits litigieux (13).
(1) Loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations (N° Lexbase : L8986H39), v. nos obs. La nouvelle approche des discriminations en droit du travail, Lexbase Hebdo n° 309 du 19 juin 2008 - édition sociale (N° Lexbase : N3609BGR). La mention de la "bonne foi" figure désormais de manière systématique dans les lois récentes. V. ainsi, la protection des "lanceurs d'alerte", par la loi n° 2013-316 du 16 avril 2013, relative à l'indépendance de l'expertise en matière de santé et d'environnement et à la protection des lanceurs d'alerte (N° Lexbase : L6336IWL), sp. l'article L. 4133-5 du Code du travail (N° Lexbase : L6384IWD) renvoyant à l'article L. 1351-1 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L6385IWE), aux termes duquel "Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation professionnelle, ni être sanctionnée ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de traitement, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, soit à son employeur, soit aux autorités judiciaires ou administratives de faits relatifs à un risque grave pour la santé publique ou l'environnement dont elle aurait eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions". "Toute personne physique ou morale qui lance une alerte de mauvaise foi ou avec l'intention de nuire ou avec la connaissance au moins partielle de l'inexactitude des faits rendus publics ou diffusés sera d'ailleurs éventuellement punie des peines prévues au premier alinéa de l'article 226-10 du Code pénal (N° Lexbase : L7199IML)". Sur cette réforme, lire M. Bacache, RTD civ., 2013, p. 689 ; M. Véricel, RDTCiv., 2013, p. 415. Sur le débat autour de l'opportunité de sanctionner pénalement ceux qui dénoncent des faits de harcèlement, lire P. Adam, Harcèlement sexuel, D., n° 222 à 224.
(2) Cass. soc., 10 mars 2009, n° 07-44.092, FP-P+B+R (N° Lexbase : A7131EDH), Bull. civ. V, n° 66 ; D., 2009, n° 952, obs. L. Perrin ; RDT, 2009, p. 453, obs. P. Adam ; JCP éd. S, 2009, n° 1225, note C. Leborgne-Ingelaere ; Cass. soc., 17 juin 2009, 07-44.629, F-D (N° Lexbase : A2932EIG) ; Cass. soc., 29 septembre 2010, n° 09-42.057, F-D (N° Lexbase : A7644GAD) ; Cass. soc., 27 octobre 2010, n° 08-44.446, FS-D (N° Lexbase : A0297GDD) ; Cass. soc., 17 mai 2011, n° 09-71.882, F-D (N° Lexbase : A2596HSX) ; Cass. soc., 7 février 2012, deux arrêts, n° 10-18.035, FS-P+B+R (N° Lexbase : A3661ICL) et n° 10-17.393, FS-P+B (N° Lexbase : A3635ICM), v. nos obs., Harcèlement dans l'entreprise : dur, dur d'être employeur !, Lexbase Hebdo n° 474 du 23 février 2012 - édition sociale (N° Lexbase : N0396BTT, "dénonciation a en effet été faite après un entretien de recadrage avec son supérieur hiérarchique" ; Cass. soc., 22 janvier 2014, 12-15.430, F-D (N° Lexbase : A9746MCX).
(3) Cassation de la décision qui a écarté la protection après avoir retenu "que si les faits de harcèlement moral invoqués par le salarié ne sont nullement établis, en revanche les griefs retenus à son encontre par l'employeur sont au contraire bien réels" (Cass. soc., 29 mars 2012, 11-13.947, F-D N° Lexbase : A0066IHW).
(4) Cass. soc., 18 février 2003, n° 01-11.734, F-D (N° Lexbase : A1878A7P), v. nos obs., Tel est pris qui croyait prendre - nul ne peut accuser impunément autrui de harcèlement, Lexbase Hebdo n° 60 du 27 février 2003 - édition sociale (N° Lexbase : N6177AAZ) ; Cass. soc., 6 juin 2012, n° 10-28.345, FS-P+B (N° Lexbase : A3898INP), v. nos obs., Harcèlement et discrimination : nouvelle salve de précisions, Lexbase Hebdo n° 490 du 21 juin 2012 - édition sociale (N° Lexbase : N2514BTB).
(5) Cass. soc., 29 octobre 2013, n° 12-22.447, FS-P+B (N° Lexbase : A8165KNQ), Lexbase Hebdo n° 547 du 14 novembre 2013 - édition sociale (N° Lexbase : N9337BTY).
(6) Cass. soc., 18 décembre 2013, n° 12-24.460, F-D (N° Lexbase : A7268KSY) ; Cass. soc., 22 janvier 2014, n° 12-15.430, F-D (N° Lexbase : A9746MCX).
(7) Cass. soc., 10 mai 2012, n° 11-11.916, F-D (N° Lexbase : A1342ILB). Est cassé, pour violation de la loi, l'arrêt qui retient que le salarié "a dénoncé les faits de harcèlement moral effectués par son supérieur hiérarchique qu'il considérait être à l'origine de sa dépression ce qui constitue une déloyauté inacceptable de la part d'un cadre de haut niveau [...] sans caractériser la mauvaise foi du salarié".
(8) Cass. soc., 13 février 2013, n° 11-27.856, F-D (N° Lexbase : A0584I87) "mauvaise foi de la salariée qui avait porté des accusations mensongères de harcèlement à l'encontre de son supérieur hiérarchique pour échapper aux remontrances de ce dernier".
(9) Cass. soc., 22 janvier 2014, n° 12-28.711, F-D (N° Lexbase : A9761MCI) : la salariée avait dénoncé des faits imaginaires alors que son employeur prétendait la changer d'affectation.
(10) Ainsi, s'agissant du salarié qui refuse délibérément de signer son CDD pour se procurer un moyen futur de demander la requalification de son contrat en CDI : Cass. soc., 24 mars 2010, n° 08-45.552, FS-P+B (N° Lexbase : A1563EUG), v. nos obs., La fraude (du salarié) corrompt toute chose, Lexbase Hebdo n° 390 du 8 avril 2010 - édition sociale (N° Lexbase : N7275BNR) ; RDT, 2010, p. 366, obs. G. Auzero.
(11) Cass. soc., 10 mai 2012, n° 11-11.916, F-D et Cass. soc., 13 février 2013, n° 11-27.856, F-D : cf. supra.
(12) CA Paris, Pôle 6, 1ère ch., 15 janvier 2013, n° 11/01179 (N° Lexbase : A1668I38).
(13) Pour le refus de prendre en compte l'exposition à un harcèlement concernant un autre salarié, Cass. soc., 20 octobre 2010, n° 08-19.748, FS-P+B (N° Lexbase : A4140GCC), v. nos obs., Harcèlement et inégalité salariale : la Cour de cassation plus exigeante sur les éléments pertinents à fournir par le demandeur, Lexbase Hebdo n° 415 du 4 novembre 2010 - édition sociale (N° Lexbase : N4485BQ8).
Décision
Cass. soc., 7 mai 2014, n° 13-14.344, F-D (N° Lexbase : A9129MKC). Rejet (CA Paris, Pôle 6, 10ème ch., 15 janvier 2013, n° 11/01179 N° Lexbase : A1668I38). Textes concernés : C. trav., art. L. 1153-3 (N° Lexbase : L8843ITP). Mots clef : harcèlement moral ; dénonciation ; mauvaise foi. Lien base : . |
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Réf. : Cass. com., 13 mai 2014, n° 13-13.745, F-P+B (N° Lexbase : A5578ML8)
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Le 22 Mai 2014
Mardi 24 juin 2014
8h30 - Accueil des participants
9h30 Allocutions d'ouverture
Christian Duval, Professeur, Directeur de l'Institut d'Etudes Politiques d'Aix-en-Provence
Maryse Joissans-Masini, Maire d'Aix-en-Provence et Présidente de la Communauté du Pays d'Aix
Josiane Chaillol, Bâtonnier du Barreau d'Aix-en-Provence
Introduction
Christian Louit, Professeur émérite, Université Aix-Marseille, Avocat au barreau d'Aix-en-Provence
10h - La recherche d'une amélioration des relations
Historique. La recherche d'une fluidification des relations administration fiscale/contribuable...
Gérard Orsini, Avocat au barreau de Paris, Taxlo
Les commissions consultatives : Lieux de débat et d'échanges
Manuel Chastagnaret, Maître de conférences, Centre d'études fiscales et financières, Université Aix-Marseille
Le rôle du politique dans les relations
Eric Woerth, ancien ministre des Finances
Une politique de l'Union européenne
Michel Aujean, ancien Directeur de la politique fiscale de la Commission européenne, Avocat
11h30 - Débat général
12h30 - Déjeuner
14h - Les expériences étrangères
L'expérience britannique
Steven Dale, Avocat
L'Espagne
Juan-José Bayona-Gimenez, Professeur, Université d'Alicante
14h45/15h - Pause café
La Chine
Jin Banggui, Professeur, Directeur de l'Institut de recherches Europe-Asie, Université Aix-Marseille
L'exemple africain. Le Burkina Faso
Brahima Guiré, Avocat et chargé d'enseignement au Burkina faso
Débat général
Mercredi 25 juin 2014
9h30 - Café d'accueil
10h - L'indispensable refondation
Les bases d'une refondation dans la jurisprudence du juge de l'impôt
Gilles Noel, Professeur, Université Nice-Sophia Antipolis
Réflexion et propositions de l'administration fiscale française
Jean-Pierre Lieb, Inspecteur général des finances, ancien Directeur des services juridiques de la DGFIP
L'application du principe de sécurité juridique et de confiance légitime
Jean-Claude Bouchard, Avocat au barreau de Paris
Le rôle essentiel du juge
Bernard Hatoux, Doyen honoraire de la Cour de cassation
Mathieu Sauveplane, Premier Conseiller à la cour adminsitrative d'appel, Marseille
11h30 - Débat général
Synthèse : par Thierry Lambert, Professeur à l'Université Aix-Marseille, Président de l'institut international des sciences fiscales
Mardi 24 juin et mercredi 25 juin 2014
Sciences Po Aix
Amphithéâtre Cassin
25, rue Gaston de Saporta
13625 Aix-en-Provence
L'inscription est obligatoire mais gratuite pour les étudiants et les personnels universitaires.
Elle est obligatoire et payante pour les auditeurs libres : 60 euros (paiement par chèque à l'ordre de l'agent comptable de l'IEP d'Aix-en-Provence ou par bon de commande envoyer à l'IEP d'Aix-en-Provence).
Colloque validé au titre de la formation professionnelle des avocats.
Inscription et paiement à retourner le cas échéant avant le 13 juin 2014 à cette adresse postale :
IEP d'Aix-en-Provence
Morgane Harlé
Service recherche
25, rue Gaston de Saporta
13625 Aix-en-Provence - cedex 1
Ou à cette adresse électronique : morgane.harle@sciencespo-aix.fr
Le bulletin d'inscription est disponible sur le site de l'association 2ISF.
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Réf. : Cass. com., 6 mai 2014, n° 12-21.835, FS-P+B (N° Lexbase : A5482MLM)
Lecture: 2 min
N2330BUT
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Le 23 Mai 2014
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Réf. : Lire le communiqué de presse du Gouvernement du 13 mai 2014
Lecture: 1 min
N2224BUW
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Le 22 Mai 2014
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Réf. : CE 10° et 9° s-s-r., 11 avril 2014, n° 344990, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A1027MKA) et n° 346687 (N° Lexbase : A1029MKC) et n° 359640 (N° Lexbase : A1063MKL), inédits au recueil Lebon
Lecture: 10 min
N2237BUE
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par Simon Ginesty, Avocat, Landwell & associés
Le 22 Mai 2014
Le Conseil d'Etat a été appelé à se prononcer sur l'épineuse question du mode de financement des succursales en France. Et la réponse fut à la hauteur des attentes suscitées par les décisions des juridictions inférieures : "Considérant [...] que ni ces termes, ni ces règles n'autorisaient l'administration fiscale à apprécier le caractère normal du choix opéré par le siège de la société de financer l'activité de sa succursale en la laissant recourir à l'emprunt, plutôt qu'en lui apportant des fonds propres, ni à en tirer, le cas échéant, de quelconques conséquences fiscales".
La Haute juridiction a donc consacré la liberté du mode de financement des succursales et écarté les multiples fondements invoqués par l'administration fiscale pour justifier le redressement opéré, preuve s'il en était de la difficulté à appréhender les situations internationales mettant en jeu des succursales. En effet, le choix des trois banques de privilégier le financement de leur succursale par des prêts plutôt que par l'allocation d'une partie de leurs fonds propres posait un problème pour l'administration fiscale, y décelant tour à tour un transfert indirect de bénéfice, puis un acte anormal de gestion, enfin un contournement des principes de territorialité combiné à une mauvaise application des conventions internationales.
Voici donc l'occasion pour nous de revenir sur les impacts fiscaux du mode de financement des succursales dont l'actualité s'avère particulièrement riche (1).
I - La liberté du mode de financement des succursales
L'administration en était intimement convaincue : en s'abstenant de doter les succursales françaises de "capitaux propres" suffisants au profit d'un recours massif à l'emprunt dont les intérêts étaient ensuite déduits de leurs résultats, les contribuables n'avaient pas respecté les règles du jeu. Encore fallait-il trouver le bon argument, étant rappelé que le dispositif de lutte contre la sous-capitalisation tel que prévue à l'article 212 du CGI (N° Lexbase : L2866IXG) n'est pas applicable aux établissements financiers (2).
A - Le financement d'une succursale par l'emprunt peut-il être constitutif d'un transfert indirect de bénéfice ?
Nous rappelons qu'en application de l'article 57 du CGI (N° Lexbase : L3365IGQ), "Pour l'établissement de l'impôt sur le revenu dû par les entreprises qui sont sous la dépendance ou qui possèdent le contrôle d'entreprises situées hors de France, les bénéfices indirectement transférés à ces dernières, soit par voie de majoration ou de diminution des prix d'achat ou de vente, soit par tout autre moyen, sont incorporés aux résultats accusés par les comptabilités".
Le choix de l'article 57 du CGI était donc tentant en l'espèce ; de plus, et sur un plan économique tout au moins, un transfert de "bénéfice" pouvait fort bien correspondre à une certaine réalité opérationnelle.
C'est d'ailleurs ce qu'estime la doctrine administrative, qui précise que "les versements effectués, sous la dénomination d'intérêts ou de redevances, par la succursale française d'une société étrangère en rémunération des sommes que cette société a prélevées sur ses fonds propres et met sous quelque forme que ce soit à la disposition de sa succursale, ne peuvent être admis en déduction du bénéfice imposable en France. En effet, la succursale n'ayant pas de personnalité juridique distincte ni d'autonomie patrimoniale, ces versements représentent en réalité une partie d'un bénéfice réalisé en France par la société étrangère. Concrètement, d'ailleurs, ils ne peuvent s'analyser qu'en des versements que la société se fait à elle-même. Cette règle s'applique également aux versements rémunérant les bénéfices réalisés par la succursale et laissés à sa disposition puisque ces bénéfices doivent être regardés comme des fonds propres de la société étrangère" (3).
L'administration a donc rehaussé les résultats imposables en France des succursales en estimant qu'eu égard à la nature et à l'importance de leur activité, elles n'avaient pas été dotées par les sièges d'un capital suffisant pour leur permettre d'exercer leur activité dans des conditions concurrentielles normales et que cette insuffisance de dotation avait nécessité le recours des succursales à l'emprunt ; en conséquence, les intérêts versés par les succursales sur les sommes empruntées auprès de leurs sièges respectifs constituaient bien un transfert de bénéfices au profit de ces derniers, au sens de l'article 57 du CGI.
L'argumentation de l'administration souffre néanmoins la critique : en effet, l'application de l'article 57 du CGI dans les relations entre une société et sa succursale s'avère pour le moins complexe (4) et la jurisprudence indécise (5). Si juridiquement, et en l'absence de toute personnalité morale, la succursale ne peut contracter de prêt (on parle alors d'avances de trésorerie), fiscalement, la succursale est assimilée à une entité distincte de son siège, et devrait donc pouvoir bénéficier des mêmes règles que les filiales en déduisant -sous les réserves indiquées ci-après- les intérêts versés à un tiers, soit en l'occurrence à son siège.
Consciente des difficultés auxquelles elle ferait face, l'administration substitua au cours des débats contentieux un fondement autrement plus convaincant.
B - Le financement par l'emprunt d'une succursale est-il par principe constitutif d'un acte anormal de gestion ?
Au stade du contentieux, l'administration fiscale invoqua ainsi l'acte anormal de gestion pour justifier du redressement des trois succursales. L'argument est intéressant et mérite de s'y arrêter.
Pour rappel, la théorie de l'acte anormal a été développée dans le cadre d'une interprétation de l'article 39, 1, 1° du CGI (N° Lexbase : L3894IAH) et permet à l'administration fiscale d'ignorer les charges contraires à l'intérêt de l'exploitation ou de réintégrer les profits qu'aurait dû réaliser l'entreprise.
Il ne fait nul doute que cette théorie puisse jouer dans le cadre d'une succursale, étant entendu que l'article 39 du CGI lui est applicable. La question était donc de savoir si le choix des banques étrangères de recourir à l'emprunt pour le financement de leurs succursales pouvait constituer un acte anormal.
L'argument de l'administration fiscale, pour étayer son raisonnement, était schématiquement le suivant : les succursales n'étaient pas dotées d'un capital suffisant pour leur permettre d'exercer leur activité dans des conditions concurrentielles normales. Or, il n'existe aucune réglementation obligeant les succursales françaises de banques de l'Union européenne à respecter un quelconque ratio de fonds propres à leur niveau. Plus précisément, les obligations prudentielles relatives aux fonds propres et au ratio de solvabilité des établissements financiers excluent expressément les succursales de banques établies dans un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou dans un Etat membre de l'Union européenne (6).
En effet, l'article 16 de la Directive 2006/48/CE du 14 juin 2006 (N° Lexbase : L1385HKI) dispose qu'aucun capital de dotation ne peut être exigé par les Etats membres d'accueil, en ce qui concerne les succursales d'établissements de crédit agréées dans d'autres Etats membres, le calcul des ratios de risque s'effectuant au niveau du siège (7). Il n'y a ainsi au niveau européen aucune disposition réglementaire spécifique encadrant le financement et la capitalisation des succursales françaises de banques européennes. L'administration ne pouvait donc pas s'appuyer sur la règlementation bancaire pour justifier le redressement des succursales ; dès lors qu'aucune obligation légale ne pesait sur ces dernières, l'argument de l'acte anormal de gestion ne pouvait prospérer.
Il en aurait été autrement si l'administration avait pu justifier que le niveau d'endettement de la succursale était si élevé qu'il était de nature à compromettre la poursuite de ses activités, ou que le niveau des taux d'intérêt retenus était plus élevé que celui du marché. Mais aucun de ces éléments en ce sens n'avait été invoqué devant le tribunal administratif (TA Paris, 27 mars 2008, n° 0206852/2 ; 5 juin 2008, n° 0209878/2-3 et 16 novembre 2009, n° 0502777/2) puis la cour administrative d'appel (CAA Paris, 7ème ch., 8 octobre 2010, n° 08PA03819 N° Lexbase : A3653GNM ; 16 décembre 2010, n° 08PA05096 N° Lexbase : A6967GQ4 et 22 mars 2012, n° 10PA01140 N° Lexbase : A6616IIU).
Le considérant de principe de la Haute cour, identique dans les trois arrêts et indiqué ci-avant, fut donc le bienvenu pour rappeler le principe de non-immixtion de l'administration dans la gestion d'une entreprise (8). L'administration, loin de s'avouer vaincue, invoqua finalement un troisième fondement, celui du principe de territorialité de l'impôt.
II - Le principe de territorialité de l'impôt français inopérant... pour l'instant
Nous rappelons que le principe de territorialité de l'impôt en France repose sur les termes de l'article 209-1 du CGI (N° Lexbase : L1413IZD), lequel prévoit que les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés d'après les règles fixées notamment par l'article 38 (N° Lexbase : L2882IXZ), et "en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions".
Ainsi, les bénéfices réalisés par une entreprise ayant son siège hors de France sont imposables dans notre pays, notamment lorsqu'ils résultent d'opérations constituant l'exercice habituel en France d'une activité. Selon cette conception, sont exclus de la base imposable en France tous les bénéfices afférents à une activité étrangère, que celle-ci soit établie sous forme de succursale ou de filiale. La succursale française d'une société étrangère est donc considérée comme une entité fiscalement indépendante, au même titre que s'il s'agissait d'une société.
C'est finalement en s'appuyant sur cette dernière notion que l'administration fiscale a justifié le redressement des succursales, en conjonction avec les dispositions des conventions fiscales de lutte contre la double imposition signées avec les Etats dont les établissements financiers étaient résidents (à savoir le Portugal, l'Italie et l'Allemagne).
En effet, lesdites conventions fiscales, établies sur le modèle de convention OCDE (9), prévoient que "Lorsqu'une entreprise d'un Etat contractant exerce son activité dans l'autre Etat contractant par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé, il est imputé, dans chaque Etat contractant, à cet établissement stable, les bénéfices qu'il aurait pu réaliser s'il avait constitué une entreprise distincte et séparée exerçant des activités identiques ou analogues dans des conditions identiques ou analogues et traitant en toute indépendance avec l'entreprise dont il constitue un établissement stable" (10).
Pour l'administration fiscale, cet article justifie le redressement opéré : en s'abstenant de doter les succursales françaises d'un capital suffisant, les sociétés étrangères n'ont pas respecté les règles qu'une entreprise distincte et séparée exerçant des activités identiques ou analogues aurait dû respecter.
C'est d'ailleurs ce que sa propre doctrine avait établi à l'issue des arrêts "Coréal gestion" et "SA Andritz" (11) : "La répartition des charges financières entre établissement français et siège étranger doit en tout état de cause rester conforme au principe de territorialité, tel qu'il est posé par l'article 209-1 du CGI et l'article Bénéfice des entreprises' des conventions fiscales. Compte tenu de ce seul principe, et sans qu'il soit nécessaire pour parvenir à une telle conclusion de faire référence à l'article 57 du CGI, les avances consenties par une banque étrangère à son établissement français ne sauraient être génératrices d'intérêt, lorsqu'elles couvrent la dotation en capital dont aurait besoin une entreprise indépendante" (12).
Mais les conventions fiscales ne peuvent pas servir de fondement -en soi- à une imposition, mais simplement donner à un Etat la possibilité d'imposer le revenu. Il faut ensuite, et nécessairement, que la législation interne de l'Etat prévoit l'imposition : c'est le principe de subsidiarité (13). Et sur ce terrain, l'article 209-I du CGI n'impose pas de mode d'organisation d'une activité en France ; en particulier, cet article ne prescrit pas de choisir entre exercer sous forme de société ou de succursale, et d'en tirer de conclusions sur un plan fiscal (14).
La décision du Conseil d'Etat ne faisait dès lors plus de doute : "le principe de territorialité découlant des dispositions du I de l'article 209 du CGI combinées aux stipulations de l'article 7 de la Convention fiscale franco-portugaise, ne pouvait avoir pour objet ou pour effet de permettre à l'administration fiscale d'apprécier le caractère normal du choix opéré par le siège d'une société étrangère et consistant à financer l'activité de sa succursale française en laissant cette dernière recourir pour partie à l'emprunt, plutôt que d'assurer la totalité de ce financement par un apport de fonds propres, ni de tirer de cette appréciation de quelconques conséquences fiscales".
Si les trois décisions de la Haute cour satisferont donc les contribuables concernés ainsi que tous les pourfendeurs d'une administration fiscale qui tente de s'immiscer subrepticement dans la gestion de l'entreprise (15), il n'en demeure pas moins que l'avenir de ces décisions pourrait s'assombrir au cours des prochaines années.
Il convient en effet de rappeler l'inflexion notable de l'OCDE sur ce sujet dont le nouvel article 7 issu de la révision du 22 juillet 2010 prévoit désormais que "les bénéfices qui sont attribuables dans chaque Etat contractant à l'établissement stable mentionné au paragraphe 1 sont ceux qu'il aurait pu réaliser, en particulier dans ses opérations internes avec d'autres parties de l'entreprise, s'il avait constitué une entreprise distincte et indépendante exerçant des activités identiques ou analogues dans des conditions identiques ou analogues, compte tenu des fonctions exercées, des actifs utilisés et des risques assumés par l'entreprise par l'intermédiaire de l'établissement stable et des autres parties de l'entreprise". Plus encore, les commentaires de cet article sont à ce sujet particulièrement éclairants, puisqu'ils énoncent qu'il serait "souhaitable" que l'établissement stable dispose du même montant de capital libre qu'une entreprise indépendante, lequel se définit comme le financement ne donnant pas lieu à un rendement déductible de l'impôt.
Si cette évolution doctrinale de l'OCDE ne pouvait s'appliquer directement au cas d'espèce car postérieure aux faits litigieux, il sera intéressant d'observer au cours des années futures la position du Conseil d'Etat sur la question. On notera d'ailleurs au passage que, si les commentaires OCDE n'ont pas force de loi (16), les juges de la Haute assemblée en ont pourtant fait expressément mention, dans les trois arrêts, comme source d'interprétation des stipulations des conventions internationales susmentionnées.
(1) V. notamment sur ce sujet, nos obs., La succursale, une société (presque) comme les autres, Lexbase Hebdo n° 546 du 7 novembre 2013 - édition fiscale (N° Lexbase : N9172BTU). Outre l'actualité jurisprudentielle, on relèvera une actualité administrative "doctrinale" importante, dont notamment l'exonération de taxe de 3 % sur les revenus distribués (dès lors que le siège se situe dans l'Union européenne - BOFIP-BOI-IS-AUT-30-20140306, n° 120 N° Lexbase : X2468AMD), mais également une adaptation à l'obligation de présenter un fichier des écritures comptables ("FEC" - BOFIP-BOI-CF-IOR-60-40-10-20140218, n° 60 N° Lexbase : X4348ALM).
(2) Le secteur bancaire bénéficie en effet d'une exonération expresse prévu par l'article 212 du CGI : "sont placés hors du champ d'application du dispositif de sous-capitalisation, les établissements de crédit mentionnés à l'article L. 511-9 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L2546IXL), c'est-à-dire les établissements de crédit agréés en qualité de banque, de banque mutualiste ou coopérative, de caisse municipale, de société financière ou d'institution financière spécialisée".
(3) BOFIP-BOI-BIC-CHG-50-10-20120912 n°40, citant la réponse "Mesmin", JOAN du 19 janvier 1981, p. 245 (N° Lexbase : X9134ALU).
(4) On notera néanmoins que l'article 57 du CGI pourrait être applicable aux succursales, le texte visant indistinctement les "entreprises qui sont sous la dépendance d'entreprises situées hors de France".
(5) V. notamment CAA Douai, 2ème ch., 4 juin 2013, n° 12DA00907 (N° Lexbase : A8194KKP), Lexbase Hebdo - édition fiscale n° 546 du 7 novembre 2013 préc. Contra, V. par ex. TA Lille, 4ème ch., 20 décembre 2007, n° 0600276 et n° 0600277.
(6) Règlements du Comité de la réglementation bancaire n° 90-02 du 23 février 1990 et n° 91-05 du 15 février 1991, article 13 bis. C. mon. fin., art. L. 511-24 (N° Lexbase : L4945IZ8).
(7) La surveillance des exigences de fonds propre relèvent en effet de la compétence du régulateur ayant donné l'agrément à l'établissement bancaire. En effet, l'agrément donné dans une banque de l'Union européenne la dispense d'agrément pour exercer l'activité dans d'autres Etats membres (on parle de "passeport bancaire").
(8) Jurisprudence constante depuis CE 8° s-s., 20 décembre 1963, n° 52308 (N° Lexbase : A6946ALT).
(9) Article 7 du modèle de convention OCDE, avant la révision du 22 juillet 2010.
(10) Convention franco-italienne signée du 5 octobre 1989, art. 7 (N° Lexbase : L6706BHT) ; Convention franco-allemande du 21 juillet 1959, art. 4 (N° Lexbase : L6660BH7) ; Convention franco-portugaise du 14 janvier 1971, art. 7 (N° Lexbase : L6739BH3).
(11) CE Sect., 30 décembre 2003, n° 249047 (Coréal gestion) (N° Lexbase : A6490DAM) et n° 233894 (SA Andritz) (N° Lexbase : A6487DAI), publié au recueil Lebon.
(12) BOI 13 O-2-05 du 12 janvier 2005. En ce sens, BOFIP-BOI-IS-BASE-35-20-10-20140415, n° 10 (N° Lexbase : X2965AMR).
(13) Le principe de subsidiarité des conventions fiscales internationales a été consacré par le Conseil d'Etat dans un arrêt du 28 juin 2002 (CE Ass., 28 juin 2002, n° 232276, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A0219AZ7).
(14) V. par exemple, CE, 20 décembre 1963, n° 52308, précité.
(15) V. par exemple, Le risque manifestement excessif : immixtion rampante dans la gestion de l'entreprise ou simple garde-fou ?, Droit fiscal, n° 45, 8 novembre 2012, 500.
(16) V. notamment CE, 30 décembre 2003, n° 233894, précité.
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Réf. : CE 1° et 6° s-s-r., 14 mai 2014, n° 365462, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A3784MLQ)
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N2278BUW
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Le 27 Mai 2014
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Réf. : Cass. soc., 7 mai 2014, n° 13-14.344, F-D (N° Lexbase : A9129MKC)
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N2236BUD
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par Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale
Le 17 Mars 2015
Résumé
Les dénonciations, par le salarié, des agissements de harcèlement moral dont il se prétend victime et qui n'ont pas été opérées de bonne foi ne sont pas susceptibles de le faire bénéficier de la protection légale reconnue aux salariés qui dénoncent des faits de harcèlement. |
Commentaire
I - La mauvaise foi mettant en échec la protection des salariés dénonçant des faits de harcèlement
Cadre juridique applicable. La Directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000, portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail (N° Lexbase : L3822AU4) prévoyait, dans son article 11 consacré à la protection contre les rétorsions, l'introduction en droit interne des "mesures nécessaires pour protéger les travailleurs contre tout licenciement ou tout autre traitement défavorable par l'employeur en réaction à une plainte formulée au niveau de l'entreprise ou à une action en justice visant à faire respecter le principe de l'égalité de traitement".
La loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale (N° Lexbase : L1304AW9) a introduit dans le Code du travail un article L. 122-46 (N° Lexbase : L5584ACS), transposant ces dispositions, qui sont aujourd'hui présentes à l'article L. 1153-3 (N° Lexbase : L8843ITP).
Ces dispositions doivent toutefois être interprétées avec celles qui ont été introduites postérieurement par la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations (N° Lexbase : L8986H39) dont l'article 3 a consacré un principe comparable, d'application générale, à la différence près que le législateur a précisé que la protection visait la "personne ayant témoigné de bonne foi d'un agissement discriminatoire ou l'ayant relaté" (1).
On sait que la Cour de cassation a fait une application immédiate de ces dispositions et qu'elle affirme depuis 2009 que "le salarié qui relate des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis" (2). Elle a d'ailleurs précisé que cette mauvaise foi ne pouvait pas non plus être déduite du fait que l'employeur disposerait également, contre le salarié, de griefs sérieux de nature à justifier un licenciement (3).
Le salarié de mauvaise foi perd non seulement le bénéfice de la protection exorbitante que confère la loi à ceux qui dénoncent ou témoignent, mais il s'expose également à un licenciement pour faute grave, compte tenu de l'extrême gravité d'une dénonciation mensongère portant sur de tels faits (4).
Dernièrement, cette solution a reçu une consécration plus générale puisqu'au visa de l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme (N° Lexbase : L7558AIR), la Chambre sociale de la Cour de cassation a consacré la protection du droit de témoigner en justice du salarié, en annulant toute mesure contraire, mais en réservant explicitement l'hypothèse de la mauvaise foi : "en raison de l'atteinte qu'il porte à la liberté fondamentale de témoigner, garantie d'une bonne justice, le licenciement prononcé en raison du contenu d'une attestation délivrée par un salarié au bénéfice d'un autre est atteint de nullité, sauf en cas de mauvaise foi de son auteur" (5).
Modalités d'appréciation de la mauvaise foi. L'examen de la jurisprudence livre trois enseignements sur la manière d'appréhender la mauvaise foi.
La première tient au contrôle qu'exerce la Cour de cassation sur l'appréciation des juges du fond. Si ces derniers sont officiellement souverains pour l'apprécier (6), la Haute juridiction se montre extrêmement vigilante pour éviter des glissements sémantiques assez fréquents qui conduiraient à écarter le critère de la mauvaise foi, au profit d'autres, telle la déloyauté (7).
La deuxième tient à l'importance des règles de preuve, et notamment au fait qu'en vertu du principe selon lequel la bonne foi doit être présumée, c'est à l'employeur qu'il appartient d'établir la mauvaise foi du salarié, ce qui s'avère en pratique particulièrement difficile à caractériser tant les faits peuvent être confus.
La troisième tient aux quelques affaires qui ont retenu la mauvaise foi, caractérisée par la fausseté des allégations et le but poursuivi par le salarié, étranger à toute volonté de dénoncer des faits de harcèlement et qui pense trouver là le moyen d'échapper à une sanction imminente (8) ou à l'exercice légitime du pouvoir de direction (9).
C'est dans ce contexte qu'intervient cette nouvelle décision.
II - La mauvaise foi déduite des circonstances
Les faits. Un salarié avait fait l'objet de deux avertissements avant d'être licencié pour faute grave, et prétendait qu'il avait été sanctionné pour avoir dénoncé des faits de harcèlement moral ; il n'était pas parvenu à en convaincre la cour d'appel de Paris et avait été débouté de ses demandes. Il n'aura pas plus de chance auprès de la Haute juridiction qui rejette son pourvoi.
Pour la Chambre sociale de la Cour de cassation, "la cour d'appel a retenu que les éléments apportés par le salarié n'étaient pas de nature à laisser présumer l'existence d'un harcèlement moral dont il aurait été victime, qu'en particulier, les avertissements qui l'avaient précédemment sanctionné étaient justifiés par ses refus illégitimes de rendre des comptes à sa hiérarchie et par son comportement insolent ; qu'ayant en outre retenu une attitude de dénigrement envers l'entreprise, elle a ainsi fait ressortir que les dénonciations par le salarié des agissements de harcèlement moral dont il se prétendait victime n'avaient pas été opérées de bonne foi".
Une solution justifiée. La solution est justifiée et la manière dont procède la Haute juridiction, parfaitement adaptée à la situation.
La preuve de la mauvaise foi doit être en effet caractérisée par deux éléments : l'un objectif, qui tient à la fausseté des faits dénoncés, l'autre subjectif qui tient à l'intention du sujet qui doit poursuivre un autre intérêt que celui qui est protégé par la règle.
Les faits permettent parfois de prouver avec certitude la mauvaise foi, notamment lorsque le sujet l'admet lui-même et que la preuve en est rapportée, notamment par des témoignages (10).
Mais la plupart du temps, l'intention est présumée sur la base de circonstances pertinentes, généralement de la simultanéité de la dénonciation et de mesures envisagées ou prises par l'employeur et dont le salarié prétend ainsi neutraliser les effets (11).
Dans cette affaire (12), le salarié n'était d'ailleurs pas en mesure d'établir avoir personnellement dénoncé des faits de harcèlement moral le concernant, avant d'avoir saisi le conseil de prud'hommes après son licenciement, et n'évoquait en appel que des dénonciations réalisées par les représentants du personnel "ne le concernant pas personnellement". La solution retenue est donc justifiée, notamment parce que l'on sait qu'en matière de harcèlement la victime doit avoir été exposée "directement et personnellement" aux faits litigieux (13).
(1) Loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations (N° Lexbase : L8986H39), v. nos obs. La nouvelle approche des discriminations en droit du travail, Lexbase Hebdo n° 309 du 19 juin 2008 - édition sociale (N° Lexbase : N3609BGR). La mention de la "bonne foi" figure désormais de manière systématique dans les lois récentes. V. ainsi, la protection des "lanceurs d'alerte", par la loi n° 2013-316 du 16 avril 2013, relative à l'indépendance de l'expertise en matière de santé et d'environnement et à la protection des lanceurs d'alerte (N° Lexbase : L6336IWL), sp. l'article L. 4133-5 du Code du travail (N° Lexbase : L6384IWD) renvoyant à l'article L. 1351-1 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L6385IWE), aux termes duquel "Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation professionnelle, ni être sanctionnée ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de traitement, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, soit à son employeur, soit aux autorités judiciaires ou administratives de faits relatifs à un risque grave pour la santé publique ou l'environnement dont elle aurait eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions". "Toute personne physique ou morale qui lance une alerte de mauvaise foi ou avec l'intention de nuire ou avec la connaissance au moins partielle de l'inexactitude des faits rendus publics ou diffusés sera d'ailleurs éventuellement punie des peines prévues au premier alinéa de l'article 226-10 du Code pénal (N° Lexbase : L7199IML)". Sur cette réforme, lire M. Bacache, RTD civ., 2013, p. 689 ; M. Véricel, RDTCiv., 2013, p. 415. Sur le débat autour de l'opportunité de sanctionner pénalement ceux qui dénoncent des faits de harcèlement, lire P. Adam, Harcèlement sexuel, D., n° 222 à 224.
(2) Cass. soc., 10 mars 2009, n° 07-44.092, FP-P+B+R (N° Lexbase : A7131EDH), Bull. civ. V, n° 66 ; D., 2009, n° 952, obs. L. Perrin ; RDT, 2009, p. 453, obs. P. Adam ; JCP éd. S, 2009, n° 1225, note C. Leborgne-Ingelaere ; Cass. soc., 17 juin 2009, 07-44.629, F-D (N° Lexbase : A2932EIG) ; Cass. soc., 29 septembre 2010, n° 09-42.057, F-D (N° Lexbase : A7644GAD) ; Cass. soc., 27 octobre 2010, n° 08-44.446, FS-D (N° Lexbase : A0297GDD) ; Cass. soc., 17 mai 2011, n° 09-71.882, F-D (N° Lexbase : A2596HSX) ; Cass. soc., 7 février 2012, deux arrêts, n° 10-18.035, FS-P+B+R (N° Lexbase : A3661ICL) et n° 10-17.393, FS-P+B (N° Lexbase : A3635ICM), v. nos obs., Harcèlement dans l'entreprise : dur, dur d'être employeur !, Lexbase Hebdo n° 474 du 23 février 2012 - édition sociale (N° Lexbase : N0396BTT, "dénonciation a en effet été faite après un entretien de recadrage avec son supérieur hiérarchique" ; Cass. soc., 22 janvier 2014, 12-15.430, F-D (N° Lexbase : A9746MCX).
(3) Cassation de la décision qui a écarté la protection après avoir retenu "que si les faits de harcèlement moral invoqués par le salarié ne sont nullement établis, en revanche les griefs retenus à son encontre par l'employeur sont au contraire bien réels" (Cass. soc., 29 mars 2012, 11-13.947, F-D N° Lexbase : A0066IHW).
(4) Cass. soc., 18 février 2003, n° 01-11.734, F-D (N° Lexbase : A1878A7P), v. nos obs., Tel est pris qui croyait prendre - nul ne peut accuser impunément autrui de harcèlement, Lexbase Hebdo n° 60 du 27 février 2003 - édition sociale (N° Lexbase : N6177AAZ) ; Cass. soc., 6 juin 2012, n° 10-28.345, FS-P+B (N° Lexbase : A3898INP), v. nos obs., Harcèlement et discrimination : nouvelle salve de précisions, Lexbase Hebdo n° 490 du 21 juin 2012 - édition sociale (N° Lexbase : N2514BTB).
(5) Cass. soc., 29 octobre 2013, n° 12-22.447, FS-P+B (N° Lexbase : A8165KNQ), Lexbase Hebdo n° 547 du 14 novembre 2013 - édition sociale (N° Lexbase : N9337BTY).
(6) Cass. soc., 18 décembre 2013, n° 12-24.460, F-D (N° Lexbase : A7268KSY) ; Cass. soc., 22 janvier 2014, n° 12-15.430, F-D (N° Lexbase : A9746MCX).
(7) Cass. soc., 10 mai 2012, n° 11-11.916, F-D (N° Lexbase : A1342ILB). Est cassé, pour violation de la loi, l'arrêt qui retient que le salarié "a dénoncé les faits de harcèlement moral effectués par son supérieur hiérarchique qu'il considérait être à l'origine de sa dépression ce qui constitue une déloyauté inacceptable de la part d'un cadre de haut niveau [...] sans caractériser la mauvaise foi du salarié".
(8) Cass. soc., 13 février 2013, n° 11-27.856, F-D (N° Lexbase : A0584I87) "mauvaise foi de la salariée qui avait porté des accusations mensongères de harcèlement à l'encontre de son supérieur hiérarchique pour échapper aux remontrances de ce dernier".
(9) Cass. soc., 22 janvier 2014, n° 12-28.711, F-D (N° Lexbase : A9761MCI) : la salariée avait dénoncé des faits imaginaires alors que son employeur prétendait la changer d'affectation.
(10) Ainsi, s'agissant du salarié qui refuse délibérément de signer son CDD pour se procurer un moyen futur de demander la requalification de son contrat en CDI : Cass. soc., 24 mars 2010, n° 08-45.552, FS-P+B (N° Lexbase : A1563EUG), v. nos obs., La fraude (du salarié) corrompt toute chose, Lexbase Hebdo n° 390 du 8 avril 2010 - édition sociale (N° Lexbase : N7275BNR) ; RDT, 2010, p. 366, obs. G. Auzero.
(11) Cass. soc., 10 mai 2012, n° 11-11.916, F-D et Cass. soc., 13 février 2013, n° 11-27.856, F-D : cf. supra.
(12) CA Paris, Pôle 6, 1ère ch., 15 janvier 2013, n° 11/01179 (N° Lexbase : A1668I38).
(13) Pour le refus de prendre en compte l'exposition à un harcèlement concernant un autre salarié, Cass. soc., 20 octobre 2010, n° 08-19.748, FS-P+B (N° Lexbase : A4140GCC), v. nos obs., Harcèlement et inégalité salariale : la Cour de cassation plus exigeante sur les éléments pertinents à fournir par le demandeur, Lexbase Hebdo n° 415 du 4 novembre 2010 - édition sociale (N° Lexbase : N4485BQ8).
Décision
Cass. soc., 7 mai 2014, n° 13-14.344, F-D (N° Lexbase : A9129MKC). Rejet (CA Paris, Pôle 6, 10ème ch., 15 janvier 2013, n° 11/01179 N° Lexbase : A1668I38). Textes concernés : C. trav., art. L. 1153-3 (N° Lexbase : L8843ITP). Mots clef : harcèlement moral ; dénonciation ; mauvaise foi. Lien base : . |
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Réf. : CE 1° et 6° s-s-r., 26 mars 2014, n° 370300, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A6452MIS)
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par Christophe De Bernardinis, Maître de conférences à l'Université de Lorraine et Directeur scientifique de l'Encyclopédie "Procédure administrative"
Le 28 Août 2014
Le troisième est le sursis d'un jugement prononçant l'annulation d'une décision administrative et c'est celui qui nous intéresse en l'espèce. Aux termes de l'article R. 811-15 (N° Lexbase : L3292ALI), le juge d'appel peut ordonner le sursis à exécution d'un jugement prononçant l'annulation d'une décision administrative, pourvu que les moyens de l'appelant paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation ou la réformation du jugement, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement. La nouvelle rédaction du texte, issue du décret du 22 novembre 2000 (3), n'a pas aligné la condition relative au sérieux des moyens sur le régime du référé suspension des actes administratifs pour lesquels un "doute sérieux sur la légalité" est désormais suffisant pour en permettre l'octroi. Cela montre bien qu'il existe à l'égard des jugements une présomption de régularité qui ne peut pas être renversée sur la foi d'un simple doute, mais nécessite une démonstration assurée y compris au stade de l'examen du sursis. De surcroît, et cela cette fois de manière traditionnelle, le sursis à exécution ne peut être obtenu pour un simple motif d'irrégularité du jugement qui conduirait le juge d'appel, statuant par la voie de l'évocation, à confirmer la solution des premiers juges. Il faut que la solution retenue au fond doive véritablement être inversée pour que le sursis puisse être accordé. Enfin, comme pour les autre sursis ou suspensions, l'octroi de ce sursis constitue seulement une faculté et non pas une obligation pour le juge d'appel.
La prohibition de l'effet suspensif doit toujours être considérée comme indispensable mais la perception du droit au recours qui prévalait naguère en droit interne semble avoir progressivement évolué. Selon une présentation traditionnelle, ce droit spécifique n'était guère conçu comme un droit subjectif. En définitive, il s'agissait de donner au juge les moyens de faire respecter le principe de légalité. Cette mission bénéficiait également, il est vrai, aux justiciables. Mais l'approche du juge était perçue comme fondamentalement objective. Elle semblait dirigée par le souci d'exercer de la façon la plus satisfaisante possible un contrôle d'ordre normatif. Désormais, cette présentation s'avère trop radicale pour être admise car, notamment sous l'influence des jurisprudences européennes, l'office du juge administratif se transforme. Et surtout, les traditions procédurales françaises, dont les origines ne sont pas sans équivoques, sont perturbées. C'est dans cette logique que le Conseil d'Etat a précisé, dans l'arrêt d'espèce, le raisonnement que doit tenir le juge d'appel lorsqu'il est saisi d'une demande de sursis à exécution d'un jugement.
Il ressort des pièces du dossier que le tribunal administratif de Besançon a annulé, à la demande de la Commission de protection des eaux de Franche-Comté et de la Ligue pour la protection des oiseaux de Franche-Comté, une délibération du conseil communautaire de la communauté de communes du pays de Lure (Haute-Saône) approuvant la création d'une zone d'aménagement concerté. Cette ZAC était d'une superficie de 240 hectares et était située sur le site d'un ancien aérodrome militaire présentant, sur plus de 200 hectares, un intérêt écologique de premier ordre, confirmé par son inscription en ZNIEFF (zone naturelle d'intérêt écologique, faunistique et floristique) de type 1 depuis 2002. Pour les requérants, le positionnement, la dispersion et le morcellement des hectares de zones naturelles préservées sur le site ne présentent pas les garanties nécessaires à la préservation des habitats naturels, de la flore et de la faune et le morcellement des milieux naturels va conduire à un appauvrissement irrémédiable de la diversité biologique. La cour administrative d'appel de Nancy a prononcé, à la demande de la communauté de communes, le sursis à exécution de ce jugement (4). Les personnes morales qui avaient saisi le premier juge se sont alors pourvues en cassation.
La Haute juridiction précise, qu'en application des dispositions de l'article R. 811-15, "lorsque le juge d'appel est saisi d'une demande de sursis à exécution d'un jugement prononçant l'annulation d'une décision administrative, il lui incombe de statuer au vu de l'argumentation développée devant lui par l'appelant et par le défendeur et en tenant compte, le cas échéant, des moyens qu'il est tenu de soulever d'office". Pour le juge, le juge d'appel "peut se borner à relever qu'aucun des moyens n'est de nature, en l'état de l'instruction, à justifier l'annulation ou la réformation du jugement attaqué et rejeter, pour ce motif, la demande de sursis" ; mais il doit "avoir analysé dans les visas ou les motifs de sa décision les moyens des parties". Le Conseil d'Etat rajoute enfin que, "si un moyen lui paraît, en l'état de l'instruction, de nature à justifier l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, il lui appartient de vérifier si un des moyens soulevés devant lui ou un moyen relevé d'office est de nature, en l'état de l'instruction, à infirmer ou à confirmer l'annulation de la décision administrative en litige, avant, selon le cas, de faire droit à la demande de sursis ou de la rejeter".
En l'espèce, la cour administrative d'appel avait estimé qu'en l'état de l'instruction, les moyens soulevés devant elle à l'encontre du jugement étaient de nature à en justifier l'annulation. Le tribunal administratif de Besançon ayant commis une erreur de fait en retenant dans le jugement attaqué une superficie totale des aménagements de 200 hectares, alors qu'elle n'est que de 131 hectares, et, eu égard aux diverses précautions prises et dont fait état l'étude d'impact, la création de la ZAC, qui laisse subsister 105 hectares de zones naturelles sur les 236 hectares que comptera cette zone, n'est pas entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la richesse de la faune et de la flore du site de l'ancien aérodrome. Puis, les juges d'appel ont relevé que les intimées ne soulevaient devant eux aucun autre moyen de nature à confirmer l'annulation de la délibération. Ce faisant, la cour administrative d'appel n'a ni méconnu son office, ni commis d'erreur de droit, juge le Conseil d'Etat.
En précisant ainsi le raisonnement que doit tenir le juge d'appel lorsqu'il est saisi d'une demande de sursis à exécution d'un jugement, le juge suprême adopte une approche qui s'inscrit tout à la fois dans l'optique de la "bonne administration de la justice", mais aussi dans la nouvelle vision qu'il opère de la procédure du sursis à exécution. Cette dernière a déjà été exprimée précédemment mais elle confirme cette approche plus inspirée de la défense des droits des administrés que de la préservation de la légalité et se révèle ainsi plus subjective (II). Ce n'est pas toujours cette vision là qui a prédominé, le juge lui préférant souvent jusqu'à récemment une approche plus objective (I).
I - Un sursis à exécution principalement conçu à travers une approche objective
En précisant le raisonnement que doit tenir le juge d'appel lorsqu'il est saisi d'une demande de sursis à exécution, le Conseil d'Etat montre qu'il faut dépasser l'approche objective qui a toujours prévalu en la matière dans la façon d'appréhender le sursis à exécution et plus généralement les recours suspensifs. Ces derniers ont toujours été utilisés pour donner au juge les moyens de faire respecter le principe de légalité (A). Cette approche est trop radicale aujourd'hui et le raisonnement du juge est bien plus tourné vers la défense des droits des administrés ou de l'administration d'ailleurs, comme c'est le cas en l'espèce, dans l'utilisation qu'il fait du sursis à exécution (B).
A - Un moyen classique de faire respecter le principe de légalité
En procédure administrative contentieuse, l'effet non suspensif des recours semble s'imposer avec la force de l'évidence. La nécessité de ce principe se mesure au regard des garanties qu'il emporte. Ce droit spécifique a, en ce sens, toujours été perçu comme un droit objectif permettant de donner au juge les moyens de faire respecter le principe de légalité. Si ce respect profite aussi, il est vrai, au justiciable, il a toujours été dirigé par le souci d'exercer de la façon la plus satisfaisante possible un contrôle d'ordre normatif. Tous les arrêts relatifs en la matière qui ont, soit refusé, soit admis des exceptions à l'effet non suspensif des recours, ont toujours été plus inspirés par la préservation de la légalité que par la défense des droits d'un individu. L'absence d'effet suspensif est attachée à une conception prônant, avant tout, l'efficacité de l'action administrative, en considération de la primauté de l'intérêt général. Ce dernier, qui s'attache à la mise en oeuvre des décisions administratives doit, en effet, toujours prévaloir sur l'éventuel intérêt privé qui en justifierait la suspension. C'est une limite liée à la conception française de l'administration, historiquement moins soucieuse de l'administré que d'administrer. On ne conçoit pas que n'importe quel recours, animé par un intérêt strictement privé, puisse tenir en échec l'action administrative sous-tendue par l'intérêt général.
Dans cette logique et pour des considérations plus pratiques, le juge doit aussi statuer rapidement dans les demandes de sursis à exécution. Ainsi, pour l'appréciation de la condition tenant au "moyen sérieux" et pour tous les arrêts rejetant une demande de sursis, la cour peut se limiter à la motivation traditionnelle selon laquelle aucun moyen n'est sérieux. Procéder différemment aboutirait à priver la procédure de sursis de toute efficacité, en empêchant le juge de statuer rapidement. Une motivation plus complète pourrait prendre la forme de l'énoncé de chacun des moyens invoqués, c'est-à-dire la reprise longue, fastidieuse et assez inutile des visas, pour conclure qu'aucun d'entre eux ne présente de caractère sérieux. Une telle rédaction des arrêts de la cour n'apporte aucune motivation supplémentaire à la formulation habituelle.
Une motivation plus complète pourrait aussi prendre la forme d'une argumentation plus détaillée des raisons pour lesquelles le juge d'appel n'a pas considéré les moyens, pris successivement, comme sérieux. Mais une telle exigence serait en contradiction tant avec la nature du juge de cassation, alors contraint de vérifier en détail l'argumentation du juge d'appel et de se transformer en troisième degré de juridiction, qu'avec la raison d'être de la procédure de sursis qui deviendrait aussi lourde que l'examen au fond de l'affaire, rendant inutile le maintien des deux procédures distinctes. En revanche, pour les arrêts accordant ou confirmant un sursis, la cour administrative d'appel doit désigner le moyen considéré comme sérieux. Le juge de la cassation pourra, ainsi, censurer une éventuelle erreur de droit. L'exigence de désignation du moyen sérieux permet au juge de cassation d'exercer son contrôle sans mettre en cause l'appréciation du caractère sérieux du moyen portée par la cour d'appel. Mais il doit exercer son contrôle en tenant compte de l'office qu'attribue à la juridiction d'appel l'article R. 811-15 du Code de justice administrative (5). Cette solution transpose celle retenue pour le juge du référé-suspension (CJA, art. L. 521-1) (6).
B - Un moyen aujourd'hui surtout de préserver les droits des administrés ou de l'administration
Aujourd'hui, la présentation du sursis à exécution fondée essentiellement sur le contrôle de légalité apparaît trop radicale pour être admise, notamment sous l'influence des jurisprudences européennes. Une brève mise en équation des jurisprudences européennes invite à s'interroger sur l'utilisation de l'effet suspensif en droit administratif français. Il arrive que celle-ci soit condamnée par la Cour de justice de l'Union européenne lorsqu'elle prive d'effet utile la décision de récupération d'une aide d'Etat (7). La Cour y remet en cause, sans ambiguïté, la particularité du droit procédural administratif français qu'est l'effet suspensif des recours contre les titres de perception dans le cadre tout de même circonscrit de la mise en oeuvre d'une décision de la Commission imposant la récupération d'une aide d'Etat auprès de l'entreprise bénéficiaire. Selon la Cour, l'effet suspensif des recours exercés contre les titres de perception destinés à mettre en oeuvre cette décision ne saurait permettre de justifier cette situation. A cet égard, elle souligne qu'une jurisprudence constante subordonne l'application des procédures nationales à la condition que celles-ci permettent l'exécution immédiate et effective des décisions de la Commission imposant la récupération d'aides d'Etat et que cette règle reflète les exigences du principe d'effectivité du droit communautaire.
Mais surtout, dans certaines hypothèses, l'effet suspensif est exigé par la Cour européenne des droits de l'Homme quand son absence empêche le demandeur de disposer d'un recours effectif (CESDH, art. 13 N° Lexbase : L4746AQT) (8). De ce point de vue, la perception du droit au recours qui prévalait naguère en droit interne semble avoir progressivement évolué. La Cour juge notamment que lorsqu'un requérant fonde ses prétentions sur l'article 3 CESDH (N° Lexbase : L4764AQI), "l'article 13 exige que l'intéressé ait accès à un recours de plein droit suspensif" (9). Bien que l'administration s'abstienne le plus souvent d'exécuter ses décisions lorsqu'elles font l'objet d'un recours, les juges européens se montrent plus exigeants. Ils estiment insuffisante cette garantie de facto et lui substituent une garantie de jure. Sur ce point, comme sur quelques autres, l'interprétation de la Convention EDH adoptée par la Cour européenne remet en question les principes du contentieux administratif. Dans l'arrêt "Gebremedhin" (10), la Cour a mis en lumière, par là même, l'une des failles de la procédure de référé-liberté, à savoir son absence d'effet suspensif de plein droit. Il est en effet apparu à la Cour que, dans le laps de temps durant lequel le juge des référés est saisi, mais n'a pas encore statué, à savoir, en principe, quarante-huit heures, le requérant court le risque que la décision qu'il conteste soit exécutée. De ce fait, la procédure de référé-liberté n'est pas un recours effectif au sens des dispositions de l'article 13. C'est là un sérieux camouflet pour une procédure jusqu'ici considérée comme exemplaire.
Pour l'heure, la jurisprudence européenne paraît assurément très circonscrite et variable en fonction des droits et libertés en cause. La Cour rappelle notamment que la portée de l'obligation que l'article 13 fait peser sur les Etats contractants varie en fonction de la nature du grief (11). La faiblesse constatée du mécanisme des référés dans l'arrêt "Gebremedhin" a conduit le législateur à intervenir, mais selon une logique ciblée proche de celle défendue par la Cour européenne. En effet, l'introduction d'un recours d'urgence n'a pas automatiquement été dotée d'un effet suspensif. A été préférée une réforme plus restreinte, laquelle crée un recours suspensif codifié à l'article L.213-9 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (N° Lexbase : L5103IPP).
On peut néanmoins douter que l'exigence d'un recours effectif, entendu ici comme recours suspensif, ne gagne d'autres domaines. Car la rédaction évasive de l'article 13 autorise une interprétation constructive de la Convention. Elle pourrait même être, à terme, le socle d'une standardisation de l'effet suspensif des recours dans plusieurs domaines justifiant une préservation particulière des droits subjectifs. Le juge administratif ne peut plus ignorer l'influence grandissante des juges européens dans le domaine des mesures provisoires et cela l'oblige à transformer immanquablement son office, ainsi que certaines traditions procédurales françaises dont les origines ne sont pas sans équivoques.
II - Un sursis à exécution conçu maintenant plutôt comme un droit subjectif
L'objectivité des droits dans le contentieux de la légalité administrative cède de plus en plus de place à leur "subjectivisation". L'office du juge se transforme, en conséquence, avec une prise en compte plus subjective des droits des individus. Le rappel au juge d'appel quant au raisonnement à suivre lorsqu'il est saisi d'une demande de sursis à exécution va en ce sens en l'espèce (A). Il y a là aussi, au final, la marque de l'importance prise par la notion de bonne administration de la justice en la matière (B).
A - Un office du juge administratif qui se transforme
Le juge de l'excès de pouvoir n'est plus seulement en charge du contrôle objectif de la légalité des actes administratifs. La prise en compte des droits subjectifs des individus relève désormais aussi de son office. Cette profonde mutation est fondée sur la recherche d'une plus grande efficacité dans la conduite du procès et ne conduit pas à une omnipotence du juge de nature à mettre en cause sa légitimité. Fort opportunément, les nouvelles prérogatives du juge, qui s'exercent à la fois en amont, dans le cadre et en aval du recours pour excès de pouvoir, se sont accompagnées de nouveaux devoirs. Les cas d'application de l'article R. 611-7 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L3102ALH), comme l'obligation faite au juge de verser au débat contradictoire sa propre initiative de recourir à la substitution de base légale ou à la modulation des effets dans le temps de l'annulation témoignent de l'augmentation constante des garanties de procédure dont bénéficient les parties. Elles sont d'autant plus associées au déroulement du procès, dans le respect de l'égalité des armes, que le juge y intervient de manière proactive.
Plus généralement, l'exigence d'une motivation plus détaillée et de décisions plus lisibles reflète le soin mis par le juge de l'excès de pouvoir à se faire pédagogue afin que ses décisions soient plus correctement exécutées. Il s'agit aussi d'une manière de mieux rendre compte de l'usage de ses pouvoirs afin que l'enrichissement de son office s'accompagne d'un renforcement de sa légitimité. Ainsi, et comme le confirme l'arrêt d'espèce, pour rejeter une demande tendant au sursis à exécution d'un jugement d'un tribunal administratif prononçant l'annulation d'une décision administrative en application des dispositions de l'art. R. 811-15 du Code de justice administrative, le juge d'appel, afin de mettre le juge de cassation à même d'exercer son contrôle, doit faire apparaître le raisonnement qu'il a suivi. A cet effet, il peut se borner à relever qu'aucun des moyens de l'appelant mettant en cause la régularité du jugement attaqué ou le bien-fondé du (ou des) moyen(s) d'annulation retenu(s) par les premiers juges ne paraît, en l'état de l'instruction, sérieux, dès lors qu'il a procédé à l'analyse, dans les visas ou les motifs de sa décision, des moyens invoqués par l'appelant. En revanche, si l'un des moyens invoqués en appel apparaît sérieux mais que la demande de sursis doit en définitive être rejetée au motif qu'un des moyens soulevés par le demandeur de première instance ou qu'un moyen d'ordre public semble de nature à confirmer, en l'état de l'instruction, l'annulation de la décision administrative en litige, il incombe au juge d'appel de désigner avec précision tant le moyen d'appel regardé comme sérieux que celui qu'il estime, en l'état du dossier, de nature à confirmer l'annulation prononcée par les premiers juges (12).
Une cour ne peut, par exemple, se borner à affirmer que le moyen tiré de la nullité d'un contrat paraît de nature à entraîner l'annulation du jugement attaqué, alors que plusieurs causes de nullité de ce contrat avaient été évoquées devant elle (13). Par contre, en jugeant, pour accorder le sursis à exécution partiel d'un jugement qui déchargeait une société des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle avait été assujettie, que l'exécution de ce jugement risquait d'exposer l'Etat à la perte définitive d'une partie au moins de la somme qui serait due par cette société au cas où les conclusions du ministre seraient reconnues fondées, la cour administrative d'appel a suffisamment motivé son arrêt (14). En l'espèce, le Conseil d'Etat juge que la cour administrative d'appel de Nancy n'a pas méconnu son office en relevant "que les moyens de l'appelante tirés de ce que le tribunal administratif aurait commis une erreur de fait sur la superficie des aménagements litigieux et estimé à tort que la délibération approuvant la création de la ZAC Arémis-Lure était entachée d'une erreur manifeste d'appréciation paraissaient, en l'état de l'instruction, de nature à justifier l'annulation du jugement attaqué et le rejet des conclusions aux fins d'annulation présentées devant les premiers juges" . En relevant, ensuite, "qu'aucun autre moyen n'a été invoqué par les parties défenderesses", la cour n'a également pas méconnu son office et s'est bornée à constater que celles-ci n'avaient soulevé devant elle aucun moyen de nature, en l'état de l'instruction, à confirmer l'annulation de la délibération litigieuse.
B - Le respect de la bonne administration de la justice
L'arrêt d'espèce reflète le soin mis par le juge de l'excès de pouvoir à se faire pédagogue afin que ses décisions soient plus correctement exécutées. Il y a là, ainsi, un témoignage de ce qui peut relever de l'application de la notion de "bonne administration de la justice". Si cette dernière apparaît comme "une notion gigogne" qui implique plusieurs exigences, voire principes, mais elle a été difficile à classer dans une catégorie du fait des nombreux termes utilisés pour la caractériser. Le Conseil d'Etat parle indifféremment de "l'intérêt d'une bonne justice", de "motifs de bonne administration de la justice", de "bonne administration de la justice", voire de "bon fonctionnement du service public de la justice". Le Conseil constitutionnel, quant à lui, évoque "l'intérêt de la bonne administration de la justice" (15), tout en employant également l'expression "brute" de "bonne administration de la justice" (16).
Mais l'utilité de la bonne administration de la justice ne peut donc être remise en cause. Il est évident qu'elle fait partie des exigences attendues par l'Etat de droit. Elle est à la fois perçue comme ayant une utilité pratique et en même temps comme une fin en soi. Ainsi, par exemple, l'article L. 311-1 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L3886IRD) la considère comme l'un des principes directeurs de l'organisation du contentieux administratif et il faut aussi tenir compte de la jurisprudence européenne. La Cour européenne des droits de l'Homme rappelle, à cet égard, que l'article 6 de la Convention (N° Lexbase : L7558AIR) consacre aussi le principe, plus général, d'une bonne administration de la justice (17). La bonne administration contient certaines exigences comme l'impartialité et l'indépendance des juges, mais aussi la célérité de la justice mais le juge européen va encore plus loin en relevant la sensibilité accrue du public aux garanties d'une bonne administration de la justice. Ainsi, elle n'exige pas seulement que justice soit rendue, mais aussi que la justice soit perçue (par les justiciables) comme ayant été rendue (18).
Comme le dit le professeur Jacques Robert, la justice "est faite pour les justiciables" et il estime qu'"une justice bien administrée est une justice à la fois accessible, sereine et efficace" (19). Par accessibilité, il entend une justice facile à comprendre et à saisir. Il insiste particulièrement sur la connaissance, que devraient avoir les justiciables, du système juridictionnel français, or il constate qu'ils ne maîtrisent pas l'appareil judiciaire. L'auteur rappelle pourtant que la justice est rendue en leur nom. De même, il évoque que les décisions de justice doivent être compréhensibles. Pourtant, il distingue deux tendances opposées qui ne facilitent pas leur entendement à savoir, d'une part, le style parfois trop pointilleux de magistrats soucieux pourtant d'exprimer le plus clairement possible leur raisonnement et, d'autre part, les décisions trop épurées qui ne sont plus, du coup, si explicites. Enfin, il avance aussi qu'"un bon juge doit rendre à chacun son dû". Il est ainsi toujours souhaitable, comme en l'espèce, de voir le juge jouer quelque part le rôle de pédagogue pour voir ces décisions plus correctement exécutées. Si l'office du juge se transforme et s'enrichit, autant que l'application de ses nouveaux pouvoirs soit ainsi utile à renforcer sa légitimité.
(1) CE 1° et 4° s-s-r., 27 juin 1980, n° 17764, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A7332AIE), p. 852.
(2) Loi n° 2000-597 du 30 juin 2000, relative au référé devant les juridictions administratives (N° Lexbase : L0703AIU), JO, 1er juillet 2000, p. 9948.
(3) Décret n° 2000-1115 du 22 novembre 2000 (N° Lexbase : L1856A4I), pris pour l'application de la loi n° 2000-597 du 30 juin 2000, relative au référé devant les juridictions administratives et modifiant le Code de justice administrative, JO, 23 novembre 2000, p. 18611.
(4) CAA Nancy, 1ère ch., 27 juin 2013, n° 13NC00245 (N° Lexbase : A7328MLY).
(5) CE 3° et 8° s-s-r., 12 mars 2007, n° 277452, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A6792DU4), ou CE 1° et 2° s-s-r., 2 avril 2003, n° 247692, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A0368DAU).
(6) CE, Sect, 29 novembre 2002, n° 244727, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A5285A4I), p. 421.
(7) CJCE, 5 octobre 2006, aff. C-232-05 (N° Lexbase : A3992DRB), Rec. CJCE, 2006, I, p. 10071, AJDA, 2006, p. 2279, chron. E. Broussy, F. Donnat et Ch. Lambert.
(8) CEDH, 26 avril 2007, Req. 25389/05 (N° Lexbase : A9539DUT), Rev. Procédures, 2007, comm. S. Deygas, n° 150, Rec. CEDH, 2007, IV, D., 2007, p. 2780, note J.-P. Marguenaud.
(9) Ibid.
(10) Ibid.
(11) Voir, notamment, CEDH, 30 mars 2006, Req. 64178/00 (N° Lexbase : A8298DNN), § 90.
(12) Voir, en ce sens, outre l'arrêt d'espèce, CE 1° et 6° s-s-r., 6 juillet 2007, n° 298032, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A1307DXP).
(13) CE 2° et 7° s-s-r., 2 juin 2004, n° 228568, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A9402MKG), p. 813.
(14) CE 3° et 8° s-s-r., 17 mai 2000, n° 209102, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A9508AGA), p. 1170.
(15) Cons. const., décision n° 2009-580 DC du 10 juin 2009 (N° Lexbase : A0503EIH), AJDA, 2009, p.1132.
(16) Cons. const., décision n° 2006-545 DC du 28 décembre 2006 (N° Lexbase : A1487DTA), D., 2007, p. 1166, obs. V. Bernaud, L. Gay et C. Severino.
(17) Voir notamment CEDH, 10 avril 2001, Req. 36445/97 (N° Lexbase : A7377AW7), §. 96.
(18) Selon l'adage anglais, "Justice must not only be done ; it must be seen to be done", qu'elle cite notamment dans sa décision : CEDH, 17 janvier 1970, Req. 2689/65 (N° Lexbase : A9403MKH), § 31.
(19) J. Robert, La bonne administration de la justice, AJDA 1995, p. 117, spécialement. p. 118.
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Réf. : Cass. crim., 30 avril 2014, n° 14-81.201, FS-P+B+I (N° Lexbase : A5746MLE)
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Réf. : Lire le communiqué de presse du 14 mai 2014
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Réf. : Cass. soc., 14 mai 2014, n° 12-35.033, FS-P+B (N° Lexbase : A5582MLC)
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