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N2521BUW
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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication
Le 05 Juin 2014
Le coeur de la loi en discussion actuellement à l'Assemblée, le noeud gordien qu'il n'est pas certain que majorité et opposition veuillent véritablement délasser au vu des 800 amendements déposés, c'est bien entendu la substitution, à l'appréciation du juge, de la peine d'enfermement au sein d'un établissement pénitencier par une "contrainte pénale".
Concrètement "la contrainte pénale" soumet le condamné à un ensemble d'obligations et d'interdictions et à un accompagnement soutenu pendant une durée qui peut aller jusqu'à 5 ans (selon le projet de loi). La contrainte pénale est immédiatement mise en oeuvre dès le prononcé de la peine. Finalement, que cette "contrainte pénale" soit applicable aux délits punissables, en principe, de moins de 5 ans de prison ou pour l'ensemble des délits, donc sanctionnables de moins de 10 ans de prison, l'essence de la réforme n'est pas là ; il s'agit uniquement d'un point d'équilibre politique.
Car la question que sous-tend l'introduction de la "contrainte pénale", après le sursis avec mise à l'épreuve déjà bien répandu, c'est bien celle de l'utilité de la prison et de sa place dans le "chemin de justice". Or, il n'est rien de moins certain que la prison dût constituer une peine en elle-même. La peine privative de liberté, en effet, n'induit celle de l'enfermement que depuis peu de temps à dire vrai, comme l'a démontré Michel Foucault, dans Surveiller et punir.
On oublie volontiers que la prison est un pis-aller des sociétés démocratiques incapables d'ériger une sanction intelligible et efficace en remplacement de celle des galères, du bagne et de la peine de mort. La prison ne constituait pas, jusqu'au XIXème siècle, une peine en soi, elle n'était pas institutionnalisée ; il s'agissait uniquement d'un lieu d'attente du procès et du prononcé de la véritable sanction pénale : sanction qui, dans l'esprit pragmatique antique, puis éclairé des Lumières philanthropiques, ne pouvait qu'être soit "utile" à la société pour le premier, soit de réhabilitation pour le second. L'embastillement ne correspondait, en fait, qu'à notre détention provisoire si décriée ; à ceci près que le détenu emménageait avec ses propres meubles et payait sa solde pour le couvert ! Mais, à l'époque, il est vrai, les procès ne duraient que quelques jours, voire quelques mois...
Et pourtant : "Je suis en Angleterre : il faut prouver que je n'ai pu me dispenser d'y revenir. Je ne suis plus à la Bastille : il faut prouver que je n'ai jamais mérité d'y être.
Il faut faire plus : il faut démontrer que jamais personne ne l'a mérité : les innocents, parce qu'ils sont innocents ; les coupables, parce qu'ils ne doivent être convaincus, jugés, punis que suivant les lois, et qu'on n'en suit aucune, ou plutôt qu'on les viole toutes à la Bastille ; parce que, si ce n'est en enfer, peut-être, il n'y a pas de supplices qui approchent ceux de la Bastille, et que, s'il est possible de justifier l'institution de la Bastille en elle-même dans certains cas, il ne l'est dans aucun d'en justifier le régime ; il faut faire voir que ce régime, aussi honteux que cruel, répugne également à tous les principes de la justice et de l'humanité, aux moeurs de la nation, à la douceur qui caractérise la maison royale de France, et surtout à la bonté, à l'équité du souverain qui en occupe aujourd'hui le trône", écrivait Simon-Nicolas-Henri Linguet, dans ses Mémoires sur la Bastille.
Aussi, envisager l'enfermement au sein d'une prison comme une sanction pénale en tant que telle, après l'abolition du travail forcé, des châtiments corporels et, bien entendu, de la peine de mort, n'a rien d'évident. Mais la première vertu de la prison est à n'en pas douter l'isolement du malfrat aujourd'hui, comme l'isolement des personnes jugées déviantes -fous, prostituées, homosexuels, etc.- hier. Par cet isolement du délinquant, on tente de protéger la société de ses exactions éventuelles, cachant derrière les hauts murs l'affluence de la misère sociale, tout en espérant que le délinquant fasse pénitence de ses méfaits. La pénitence, voilà le maître mot des tenants de la prison comme sanction pénale, de Toqueville et Lepeletier de Saint-Fargeau à nos jours. Pour l'anecdote historique, encore, il n'y a qu'en droit canon que la prison fut considérée comme une sanction en tant que telle, faute de pouvoir prononcer la condamnation à mort de l'accusé. L'origine de la prison comme sanction est ecclésiastique, jusqu'au nom de "cellule" dans laquelle est enfermée le moine condamné à se repentir, comme le délinquant emprisonné aujourd'hui. Et, le fondement de cette peine privative de liberté est la foi dans la pénitence du délinquant qui, isolé, doit réfléchir à ces actes et être capable de les récrier, de les condamner lui-même pour ne pas les recommencer. La pénitence est, de ce fait, la clé de voûte de l'anti-récidive.
Le problème, c'est bien évidemment que la prison n'empêche pas la récidive ; pire, d'après les dernières études, elle est un facteur d'embrigadement dans les exactions en tout genre. L'oeuvre supposée de pénitence de la prison, mise en exergue dans Les misérables de Victor Hugo, est grippée. Battant record après record de surpopulation carcérale, la France, comme toutes les sociétés démocratiques, est dans l'incapacité de se prémunir contre les "mauvaises fréquentations et influences" de la prison. Dans Du système pénitentiaire aux Etats-Unis et de son application, Tocqueville révèle que la seule manière pour que le délinquant fasse véritablement pénitence et, surtout, ne subisse pas les influences des autres condamnés, éventuellement, impénitents, serait l'isolement cellulaire total. Aussi, partant du constat qu'il nous est impossible d'assurer cet isolement total, l'approche originelle de la prison revient sur le devant de la scène.
Point besoin d'un nouveau Bentham faisant du "tourisme carcéral" pour alerter la société sur les conditions de vie au sein des prisons et sur la nécessité d'en repenser l'organisation ; il s'agit désormais d'établir une peine adaptée au délit pour le condamné, qui, outre la question de sa pénitence bienvenue, doit véritablement être réhabilité. Or, cette réhabilitation dans les codes de la société ne pourrait se faire qu'en son sein, à ses conditions et sous son contrôle. Tel est le pari lancé par la Garde des Sceaux et la majorité des juges et auxiliaires de justice. Et, la laïcisation de notre société pourrait bien, justement, le relever...
"Il y avait eu la veille quinze ans que Thérèse escortée de son avocat était sortie du tribunal de la sous-préfecture, avait traversé la petite place déserte en répétant à mi-voix : Non-lieu ! non-lieu !'. Libre enfin, avait elle cru... Comme s'il appartenait aux hommes de décider qu'un crime n'a pas été accompli, lorsqu'il l'a été en effet ! Elle ne s'était pas doutée, ce soir-là, qu'elle entrait dans une prison pire que le plus étroit sépulcre ; dans la prison de son acte et qu'elle ne s'en évaderait jamais" : François Mauriac, La fin de la nuit.
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Réf. : CE 4° s-s., 7 mai 2014, n° 359076 (N° Lexbase : A9373MKD)
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N2502BU9
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par Adeline Gouttenoire, Professeur à la Faculté de droit de Bordeaux, Directrice de l'Institut des Mineurs de Bordeaux
Le 19 Juin 2014
L'exigence ou non du double consentement parental pour un acte médical accompli sur un mineur est une question complexe qui, en réalité, relève de plusieurs règles comme l'illustre l'arrêt commenté. En effet, outre le fait de savoir si l'acte relevait de la catégorie de ceux qui exigent le consentement des deux parents, il faut se demander si l'on se trouve dans une hypothèse où le médecin peut se passer de ce consentement en raison des circonstances particulières. Enfin, lorsque le mineur concerné est un adolescent, on peut s'interroger sur la possibilité de mettre en oeuvre les règles lui accordant exceptionnellement une certaine autonomie (1), ce que le Conseil d'Etat n'a pas fait dans cette affaire. Dans l'arrêt du 7 mai 2014, le Conseil d'Etat fonde, en effet, son analyse sur le caractère non urgent de la décision (II), après avoir affirmé qu'il ne s'agissait pas d'un acte usuel (I).
I - La qualification l'acte non usuel
Nécessité de la qualification. En réalité la qualification d'acte non usuel n'était pas discutée dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt commenté. Il semble que la chambre disciplinaire ne se soit pas placée sur ce terrain, le Conseil d'Etat affirmant que "pour juger que le psychiatre n'avait commis aucun manquement à la déontologie en s'abstenant de prévenir le père du mineur, la chambre disciplinaire nationale ne s'est pas fondée sur le caractère usuel de l'acte litigieux". Ce silence peut sans doute s'interpréter comme une qualification implicite de l'acte en acte non usuel. Il paraît toutefois préférable de s'interroger au préalable sur cette qualification ; s'il s'agit, en effet, d'un acte usuel la question du double consentement est réglée sans difficulté. En effet, à ce type d'acte, s'applique, comme le rappelle le Conseil d'Etat, l'article 372-2 du Code civil (N° Lexbase : L2902AB4) selon lequel, "à l'égard des tiers de bonne foi, chacun des parents est réputé agir avec l'accord de l'autre, quand il fait seul un acte usuel de l'autorité parentale relativement à la personne de l'enfant" ; il précise, en outre, qu'aux termes de l'article 373-2 du même code (N° Lexbase : L2905AB9) "la séparation des parents est sans incidence sur les règles de dévolution de l'exercice de l'autorité parentale". En conséquence, le consentement d'un seul parent aurait été suffisant si l'acte avait été rangé dans la catégorie des actes usuels.
Actes usuels et soins médicaux. Dans l'arrêt du 7 mars 2014, le Conseil d'Etat précise formellement que l'acte en cause, à savoir la délivrance d'un antidépresseur constitue un acte non usuel, ce qui constitue un premier apport non négligeable de l'arrêt. La qualification d'acte usuel est, en effet, parfois difficile en raison du défaut de précision légale et de la rareté de la jurisprudence. En matière médicale, il semble que les soins obligatoires comme certaines vaccinations, les soins courants (blessures légères, soins dentaires, traitement des maladies infantiles courantes) ou les soins habituels pour tel ou tel enfant, entrent dans la catégorie des actes usuels. Ne peut, en revanche, recevoir cette qualification la décision de soumettre l'enfant à un traitement "lourd" ou à une hospitalisation prolongée. En ce sens, une opération chirurgicale telle qu'une opération de l'appendicite, semble nécessiter le consentement des deux parents. L'enfant ne peut être suivi par un médecin que la mère a pris seule l'initiative de consulter alors que cette décision destinée à protéger la santé de l'enfant appartient aux deux parents titulaires de l'autorité parentale (2). Il semble, également, que la mise en place d'un traitement d'orthodontie, nonobstant son caractère courant voire quasi-systématique, nécessite le consentement des deux parents, son suivi relevant ensuite de la catégorie des actes usuels. Certains actes peuvent alternativement appartenir à l'une ou l'autre catégorie selon le contexte dans lequel ils s'inscrivent. La Cour de cassation a ainsi admis qu'une circoncision pouvait être un acte usuel si elle relève de la nécessité médicale mais il n'en va pas de même s'il s'agit d'une circoncision rituelle (3). La cour d'appel de Lyon, dans une décision du 25 juillet 2007, a ainsi affirmé qu'un tel acte supposait le consentement des parents et celui de l'enfant qui était en l'espèce âgé de onze ans (4). La vaccination peut également relever de l'une ou l'autre des catégories selon qu'elle est ou non obligatoire. Ainsi la vaccination contre la grippe A/H1N1 exige sans aucun doute le consentement des deux parents, comme celui contre l'hépatite B ou encore celui destiné à prévenir le cancer du col de l'utérus (5). En matière psychiatrique, une cour d'appel a pu juger qu'était engagée la responsabilité du médecin psychiatre qui avait délivré des soins auxquels le père s'était opposé (6).
Qualification de l'acte en cause. Si l'on reprend la définition donnée par la cour d'appel d'Aix-en-Provence, dans le contexte de l'assistance éducative, dans un arrêt en date du 28 octobre 2011, selon laquelle les actes usuels seraient "des actes de la vie quotidienne, sans gravité, qui n'engagent pas l'avenir de l'enfant, qui ne donnent pas lieu à une appréciation de principe essentielle et ne présentent aucun risque grave apparent pour l'enfant, ou encore, même s'ils revêtent un caractère important, des actes s'inscrivant dans une pratique antérieure non contestée" (7), il semble bien que la prescription d'antidépresseur ne réponde pas à cette définition. Il s'agit, en effet, d'un acte d'une certaine gravité, qui comporte des risques pour l'enfant et qui implique de la part des parents une appréciation, notamment quant au choix thérapeutique. La même réponse pourrait être faite si l'on utilisait la définition de l'acte important contenue par la proposition de loi relative à l'autorité parentale et à l'intérêt de l'enfant, présentée à l'Assemblée nationale notamment par Marie-Anne Chapdelaine en avril 2014, et selon laquelle "constitue un acte important l'acte qui rompt avec le passé et engage l'avenir de l'enfant ou qui touche à ses droits fondamentaux". La prise d'antidépresseur par une adolescente rompt sans nul doute avec le passé si c'est la première fois qu'elle reçoit ce type de traitement, et engage incontestablement l'avenir médical et psychologique de la jeune fille. Toutefois, la qualification d'acte non usuel n'empêchait pas forcément qu'il soit effectué avec le consentement d'un seul parent, compte tenu des pouvoirs accordés par la loi au médecin dans certaines circonstances.
II - Le pouvoir du médecin d'agir sans consentement parental
Autorisation légale. Selon l'article L. 1111-4, alinéa 6, du Code de la santé publique (N° Lexbase : L9876G8B), "dans le cas où un refus de traitement par la personne titulaire de l'autorité parentale ou le tuteur risque d'entraîner des conséquences graves pour la santé du mineur, le médecin délivre les soins indispensables". Ainsi, la cour administrative d'appel de Bordeaux a pu considérer, dans une décision du 4 mars 2003 (8), que les médecins qui avaient pratiqué une transfusion sanguine sur un mineur malgré le refus des parents ne commettaient pas de faute ; il était, en effet, établi que l'enfant présentait des signes cliniques de péril vital imminent. En outre, l'article R. 4127-42 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L8324GTH), cité par le Conseil d'Etat dans l'arrêt du 7 mai 2014, dispose que, "sous réserve des dispositions de l'article L. 1111-5, un médecin appelé à donner des soins à un mineur ou à un majeur protégé doit s'efforcer de prévenir ses parents ou son représentant légal et d'obtenir leur consentement. En cas d'urgence, même si ceux-ci ne peuvent être joints, le médecin doit donner les soins nécessaires". Ces deux textes se complètent tout en visant des hypothèses différentes. Le premier concerne plutôt le refus de consentement alors que le second vise l'hypothèse dans laquelle les parents ou l'un d'entre eux n'est pas présent lors de la décision médicale.
Urgence. C'est ce dernier texte que le Conseil d'Etat met en oeuvre en l'espèce, considérant ainsi, à juste titre, qu'il était applicable, comme l'article L. 1111-4, alinéa 6, du même code (N° Lexbase : L9876G8B), aux hypothèses dans lesquelles un seul parent avait donné son consentement alors que l'acte impliquait que les deux titulaires de l'autorité parentale autorisent l'acte. En l'espèce, en effet, le médecin qui a reçu la jeune fille après une aggravation de son état, hors de la présence de son père, n'a pas recherché à recueillir le consentement de ce dernier avant de faire cette prescription. Le Conseil d'Etat déduit de ce texte "qu'un acte médical ne constituant pas un acte usuel ne peut être décidé à l'égard d'un mineur qu'après que le médecin s'est efforcé de prévenir les deux parents et de recueillir leur consentement ; qu'il n'en va autrement qu'en cas d'urgence, lorsque l'état de santé du patient exige l'administration de soins immédiats".
Appréciation en l'espèce. La chambre disciplinaire nationale, pour juger que le psychiatre n'avait commis aucun manquement à la déontologie en s'abstenant de prévenir le père du mineur, a estimé que la jeune fille se trouvait dans une situation d'urgence justifiant la prescription d'un antidépresseur en application des dispositions précitées. C'est justement cette analyse que critique le Conseil d'Etat en constatant que "pour statuer ainsi, la chambre disciplinaire nationale s'est bornée à relever que l'état de la patiente s'était aggravé entre le 10 et le 12 novembre 2008 sans relever les éléments précis qui justifiaient en quoi cette aggravation était de nature à caractériser, à elle seule, une situation d'urgence au sens de l'article R. 4127-42 du Code de la santé publique, autorisant l'absence d'information du père de la jeune fille mineure". La Haute juridiction administrative en déduit que la décision de la chambre disciplinaire est entachée d'erreur de droit. Cette critique permet certes de considérer que la seule aggravation de la santé du mineur ne suffit pas à définir l'urgence mais ne permet pas de définir quels éléments auraient permis de la caractériser, ce que l'on peut regretter. Sans doute pourrait-on exiger que le médecin caractérise la nécessité de prodiguer des soins sans attendre pour éviter des conséquences d'une certaine gravité pour la santé de l'enfant et l'impossibilité de joindre le parent dans un délai suffisant. Il paraîtrait conforme aux exigences légales relatives à l'autorité parentale que le médecin, ou le parent présent, tente au moins de contacter le parent absent pour obtenir son consentement.
Décision
CE 4° s-s., 7 mai 2014, n° 359076 (N° Lexbase : A9373MKD). Lien base : (N° Lexbase : E5812EYW). |
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N2519BUT
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Le 05 Juin 2014
- Jeudi 19 juin 2014
9h00 : Accueil des congressistes ; remise des documents et café
9h30 : Ouverture du Congrès
Francis Poirier, Président de la commission Règles et Usages du CNB, représentant le Président Burguburu
Jacques Bouyssou, MCO, Avocat au barreau de Paris, représentant le Bâtonnier Pierre-Olivier Sur
Michel Vauthier, Avocat, Président de l'AAMTI
10h00 Marché de la transaction immobilière : nouveaux intervenants et complémentarité
Henry Buzy-Cazaux, Président de l'IMSI
Michel Vauthier, Avocat, Président de l'AAMTI
Guillaume Vétillard, Directeur associé CTI, ancien Directeur général KEOPS, Groupe Crédit Foncier
11h15 Pause et café
11h30 Etat comparé : rôle de l'avocat dans la transaction chez nos voisins
Dawn Alderson, Solicitor, Avocat aux barreaux de Bordeaux et Londres
Juan-Antonio Cremades, Avocat aux barreaux de Paris et Madrid
12h30 Déjeuner à la Maison du barreau
14h30 Avocat mandataire : déontologie, éthique et sécurité
Jean-Christophe Barjon, Vice-président de l'UNCA, secrétaire général de la CARPA de Paris
William Feugère, Avocat, Président de l'ACE, membre du CNB
Jean-François Péricaud, MCO, Avocat au barreau de Paris
Francis Poirier, membre du CNB, Président de la commission Règles et Usages
16h00 Pause
16h30 Avant-contrat et acte d'avocat
Pierre-Olivier Callaud, Avocat au barreau de Paris
17h30 Assemblée générale (réservée aux adhérents)
20h00 Dîner de Gala - Westin Castiglione
- Vendredi 20 juin 2014
9h30 Accueil des congressistes
10h00 Actualité de la fiscalité des transactions immobilières
René Ouin, Avocat au barreau de Paris, Cabinet Condorcet
Guy Gervais, Notaire
11h00 Pause et café
11h30 Clause pénale et clause de dédit : rédaction et application
Hughes Kenfack, Professeur des Universités, Doyen de la faculté de Droit de Toulouse
12h30 Déjeuner à la Maison du barreau
14h30 Transaction immobilière : Marché ou Marchés ?
Didier Blot, Président FONCIA Transaction Location Paris
Thierry Bonniol, Directeur associé commerce BNP Paribas Real Estate
Geoffroy Doudrich, Directeur général adjoint DTZ
François Le Levier, Directeur investissements industriel & logistique CBRE
15h30 Pause
16h00 Avocat-Immo.fr : une innovation version 2.0
Thibault Prat-Hagler, Gérant associé La Fabrique Moderne
17h00 Clôture et synthèse
Jeudi 19 et vendredi 20 juin 2014
Maison du barreau
2, rue de Harlay
75001 Paris
Sur le site de l'AAMTI
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Réf. : Décision du 7 mai 2014, portant réforme du règlement intérieur national (RIN) de la profession d'avocat (N° Lexbase : L3903I3X)
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N2461BUP
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par Sophie Cazaillet, Rédactrice en chef
Le 05 Juin 2014
Lexbase : Pourquoi le CNB a-t-il souhaité modifier l'article 14 du RIN ? Cette initiative résulte-t-elle des demandes d'avocats ?
Nicolas Sanfelle : En début de mandature, la Commission Collaboration et l'Observatoire du Conseil national des barreaux ont tenu à lancer une enquête auprès des collaborateurs afin de cerner au plus près leurs situations, leurs attentes, leurs difficultés et leurs besoins.
A la question "Aujourd'hui, à propos de la profession, vous diriez que le problème majeur pour les collaborateurs est (deux choix) ?", 22 % des collaborateurs ont répondu que la conciliation entre le travail et la vie personnelle était le "problème majeur" de la profession d'avocat. Seule la précarité du contrat de collaboration inquiète davantage les collaborateurs dans le cadre de l'exercice de leur activité professionnelle, 30 % ayant placé la précarité du contrat de collaboration en tête des problèmes majeurs du collaborateur (Enquête Collaborateurs, Octobre 2012, Observatoire du CNB).
Or, ces deux difficultés peuvent naturellement être rapprochées. Un avocat peut être malade. Une avocate peut être enceinte. Ils peuvent devenir mère, père, adoptant. Pourtant, à ce jour, ces évènements personnels sont trop souvent la source d'une dégradation des conditions de collaboration, d'une évolution professionnelle pénalisée ou d'une rupture abusive du contrat de collaboration.
Considérant, dans la lignée de ses différents travaux, que la nature libérale de notre profession ne s'oppose pas à ce que des remèdes soient apportés à ces difficultés, la Commission Collaboration a donc proposé une modification de l'article 14 du RIN en vue de "mieux concilier vie personnelle / activité professionnelle des collaborateurs".
En matière de maternité, certains barreaux, tels que ceux de Paris, de Toulouse ou de Rouen, avaient initié le mouvement en modifiant leur règlement intérieur en vue d'instituer une protection de la collaboratrice au retour de son congé maternité.
Le Conseil national des barreaux se devait de conforter ces mesures et de les étendre aux autres barreaux, conformément à sa mission institutionnelle.
Par ailleurs, les dispositions de protection au retour du congé maternité ne pouvaient pleinement satisfaire aux attentes des collaborateurs et il convenait d'aller plus loin, en adoptant des dispositifs de protection des collaborateurs à l'occasion d'une grossesse, d'une maternité mais également d'une paternité ou d'une adoption, comme l'y invite le projet de loi pour l'égalité entre les femmes et les hommes, et en créant un dispositif de protection en cas de maladie du collaborateur.
Lexbase : Quelles sont les modifications apportées en matière de maladie et problème de santé ?
Nicolas Sanfelle : Le RIN prévoit désormais, en son nouvel article "14.4.2 Rupture du contrat de collaboration libérale en cas de maladie" que, dans la limite d'une durée de 6 mois, la notification de la rupture du contrat ne peut intervenir pendant une période d'indisponibilité du collaborateur pour raison de santé médicalement constatée, sauf manquement grave aux règles professionnelles non lié à l'état de santé.
Il ne s'agit en aucun cas d'un blanc-seing invitant à la rupture du contrat à l'expiration de ce délai mais une mesure équilibrée de protection des intérêts du collaborateur malade et du cabinet qui doit assurer le maintien de son activité.
Il convient d'ailleurs de rappeler à cette occasion que de nombreux Bâtonniers interdisent purement et simplement la rupture du contrat de collaboration durant le temps de la maladie du collaborateur, considérant que cela heurte nos principes déontologiques de délicatesse et de confraternité.
Nous souhaitions donner une portée nationale à de tels dispositifs protecteurs et unifier les positions divergentes existant au sein des différents ordres, sans pour autant bloquer ou gêner le développement des cabinets qui doivent faire face à une situation d'absence de longue durée.
Nous tenions à l'introduction d'une telle protection afin de préserver la raison d'être du délai de prévenance, qui a vocation à permettre au collaborateur de retrouver une collaboration ou d'envisager son installation, ce qui ne peut être le cas lorsque le contrat est rompu alors même que le collaborateur demeure indisponible pour raison de santé.
Il a finalement été décidé de limiter cette protection à une durée de 6 mois mais très souvent, en cas de maladie de longue durée, le collaborateur demande son omission, ce qui a pour conséquence de mettre fin à son contrat de collaboration.
Lexbase : Et en matière de parentalité ?
Nicolas Sanfelle : La Commission Collaboration a souhaité qu'un article soit entièrement dédié à la parentalité du collaborateur libéral. Désormais, le nouvel article 14.5 du RIN est ainsi dédié à la parentalité. Il rassemble les dispositions applicables aux situations de grossesse, de maternité, de paternité et d'adoption.
L'article 14.5.1 détermine ainsi les périodes de suspension de l'exécution du contrat de collaboration libérale, en cas de maternité, de paternité et d'adoption. Les délais introduits correspondent aux périodes prises en charge par le RSI.
Le nouvel article 14.5.2 traite de l'indemnisation, de la rémunération et du droit à congés rémunérés du collaborateur indisponible pour cause de parentalité. A cet égard, notons que le RIN prévoit désormais expressément que la période de suspension ouvre droit à repos rémunérés.
Enfin, un nouvel article 14.5.3 règlemente la rupture du contrat de collaboration libérale en cas de parentalité. Le dispositif prévoyant l'interdiction de rompre le contrat à compter de la déclaration par la collaboratrice libérale de son état de grossesse jusqu'à l'expiration de la période de suspension de l'exécution du contrat à l'occasion de la maternité, sont étendus à la paternité et à l'adoption.
Par ailleurs, la Commission Collaboration, alertée, à de nombreuses reprises, sur la situation de collaboratrices, qui, après avoir fait état, au sein de leur cabinet, de leur état de grossesse ou de leur paternité prochaine, sans formalité (le plus souvent oralement), ont vu leur contrat de collaboration rompu dans les heures ayant suivi cette annonce, a souhaité mettre un terme à ces pratiques insupportables. C'est ainsi que le RIN permet désormais au collaborateur de justifier sa situation de parentalité dans les 15 jours de la notification de la rupture du contrat de collaboration afin d'en obtenir la nullité de plein droit, sauf manquement grave aux règles professionnelles non lié à la parentalité. Pour s'assurer de la date de déclaration, cette information doit être transmise par lettre recommandée avec avis de réception ou remise en main propre et contresignée.
Enfin, et à l'instar du projet de loi pour l'égalité entre les femmes et les hommes, l'article 15.3 introduit une nouvelle période de protection. Il s'agit d'interdire la rupture du contrat pendant une durée de 8 semaines à compter du retour de la collaboratrice ou du collaborateur de son congé maternité, de son congé parentalité ou de son congé d'adoption.
Lexbase : L'adoption fait son entrée à l'article 14. S'agit-il d'une simple mise en conformité avec la loi ou d'une nécessité pour la profession ?
Nicolas Sanfelle : A l'instar du projet de loi pour l'égalité entre les femmes et les hommes, les dispositifs de protection sont renforcés et étendus à la paternité et à l'adoption. Il était néanmoins surprenant que l'adoption soit exclue de l'article 14 du RIN alors même que, par exemple, le RSI indemnise le congé d'adoption.
Ainsi, le délai de suspension de l'exécution du contrat de collaboration à l'occasion de l'arrivée de l'enfant est de 10 semaines en cas d'adoption concernant un seul enfant et de 16 semaines en cas d'adoption simultanée de plusieurs enfants. Ces périodes correspondent aux périodes prises en charge par le RSI.
Lexbase : Pensez-vous que les modifications de l'article 14 sont suffisantes à apporter de la sérénité aux avocats et avocates malades ou futurs/jeunes parents ?
Nicolas Sanfelle : Nous aurions aimé pouvoir faire plus. Nous avions proposé en Assemblée générale, l'année passée, la mise oeuvre d'une garantie nationale perte de collaboration obligatoire. A une large majorité, elle a été rejetée. Nous pouvons changer et améliorer les textes mais la profession doit surtout intégrer les mouvements sociétaux, changer sa façon de travailler et de gérer ses collaborateurs. Notre profession se féminise, les maladies dites de longue durée (cancer, dépression, burn-out...) nous frappent comme les autres et nous ne pouvons plus accepter que face à ces évènements heureux ou malheureux la profession abandonne les siens ou les discrimine.
Je pense sincèrement que nos travaux et cette réforme protègent mieux les collaborateurs et constituent un bouleversement textuel qui interdit des pratiques existantes inadmissibles et manifestement discriminatoires mais que les Ordres avaient peine à sanctionner.
L'exercice de notre profession est dénué de toute sérénité, je crois que c'est aussi ce qui fait son charme. Un texte serait bien insuffisant à l'assurer.
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
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Réf. : Cass. civ. 1, 28 mai 2014, n° 13-17.051, F-D (N° Lexbase : A6224MP9)
Lecture: 1 min
N2509BUH
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Le 07 Juin 2014
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Réf. : CA Versailles, 22 mai 2014, n° 12/08574 (N° Lexbase : A2844MMB)
Lecture: 2 min
N2506BUD
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Le 05 Juin 2014
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Réf. : Ordonnance n° 2014-559 du 30 mai 2014, relative au financement participatif (N° Lexbase : L3580I3Y)
Lecture: 2 min
N2479BUD
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Le 06 Juin 2014
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Réf. : Cass. civ. 3, 21 mai 2014, n° 13-10.257, FS-P+B (N° Lexbase : A4944MM3)
Lecture: 9 min
N2566BUL
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par Julien Prigent, avocat à la cour d'appel de Paris, Directeur scientifique de l'Encyclopédie "Baux commerciaux"
Le 06 Juin 2014
Le locataire ayant reconnu avoir pu déplacer son fonds et conserver la majeure partie de sa clientèle, l'indemnité d'éviction à laquelle il avait, sur le principe, droit devait correspondre à une indemnité de transfert ou de déplacement. Pour évaluer cette indemnité, la cour d'appel avait retenu que les frais de réinstallation devaient prendre en compte l'obligation dans laquelle le locataire s'était trouvé, pour se réinstaller, d'édifier un immeuble. Elle avait accordé à ce titre la somme de 750 000 euros correspondant non au prix du nouvel immeuble, mais au prix de l'immeuble initialement construit (975 000 euros) réduit en raison de sa vétusté "qui aurait occasionné des frais d'entretien supérieurs à ceux du nouveau bâtiment". Le bailleur s'est pourvu en cassation notamment sur ce point. Il invoquait la clause du bail qui différait l'accession en fin de jouissance et sans indemnité au profit du preneur et qui faisait obstacle, selon lui, à l'indemnisation du preneur pour l'édification du nouveau bâtiment.
La question était ainsi posée à la Cour de cassation de savoir si l'indemnité d'éviction devait, en présence d'une telle clause d'accession, inclure les frais de réinstallation correspondant au coût de la construction d'un nouveau bâtiment.
I - Régime de l'accession des constructions et ouvrages en matière de bail
L'article 546 du Code civil (N° Lexbase : L3120AB8) dispose que "la propriété d'une chose soit mobilière, soit immobilière, donne droit sur tout ce qu'elle produit, et sur ce qui s'y unit accessoirement soit naturellement, soit artificiellement. Ce droit s'appelle droit d'accession". L'article 551 (N° Lexbase : L1057ABR) précise que "ce qui s'unit et s'incorpore à la chose appartient au propriétaire, suivant les règles qui seront ci-après établies", à savoir les articles 552 (N° Lexbase : L3131ABL) à 564 de ce code en ce qui concerne l'accession en matière immobilière.
Il est admis que l'accession est, en principe, immédiate et qu'elle se produit au fur et à mesure de l'union ou de l'incorporation (voir, par exemple, Cass. civ. 3, 27 mars 2002, n° 00-18.201, FS-P+B N° Lexbase : A3912AYK). Dans le cadre d'un bail, toutefois et en l'état actuel de la jurisprudence, l'accession est en principe différée à la fin de la location. Le preneur reste propriétaire pendant la durée de la location (Cass. civ. 1, 23 octobre 1990, n° 88-20.296 N° Lexbase : A4088AHU ; Cass. civ. 3, 5 janvier 2012, n° 10-26.965, FS-P+B N° Lexbase : A0278H98), si les constructions ont été régulièrement édifiées (Cass. civ. 3, 4 avril 2002, n° 01-70.061, FS-P+B N° Lexbase : A4417AYA) et sauf accord contraire des parties au bail (Cass. civ. 1, 1er décembre 1964, n° 58-11.561 N° Lexbase : A6100ICW). Le bail renouvelé étant un nouveau bail, l'accession ne se produit pas, en principe, à la fin des relations contractuelles, mais au moment du renouvellement (Cass. civ. 3, 27 septembre 2006, n° 05-13.981, FS-P+B+I N° Lexbase : A3478DRA). Les parties peuvent aussi valablement écarter l'accession pendant la durée de leurs rapports contractuels en stipulant une accession "à la sortie du locataire" (Cass. civ. 3, 22 juin 1988, n° 87-13.532 N° Lexbase : A9521ATS ; Cass. civ. 3, 21 mai 2014, n° 13-12.592, FS-P+B N° Lexbase : A4921MM9), "à la fin de la jouissance du locataire" (Cass. civ. 3, 21 mars 2001, n° 99-16.640, FS-P+B N° Lexbase : A9901ASI) ou "à la fin du bail et à défaut de renouvellement" (Cass. civ. 3, 4 avril 2002, n° 01-70.061, FS-P+B N° Lexbase : A4417AYA).
L'article 555, alinéa 1er, du Code civil (N° Lexbase : L3134ABP) régit le sort des "constructions" et "ouvrages" édifiées par un tiers sur le terrain d'un propriétaire et les droits respectifs de chacun quant à ces constructions (droit pour le bailleur d'en conserver la propriété ou de demander leur retrait et indemnisation du tiers). Il a été jugé qu'un preneur était "un tiers" au sens de ce texte qui s'applique en conséquence aux ouvrages et constructions édifiés par le preneur, même autorisés par le bailleur et sauf convention contraire (Cass. civ. 3, 10 novembre 1999, n° 97-21.942 N° Lexbase : A8709AHZ ; Cass. civ. 3, 18 janvier 2011, n° 09-71.933, F-D N° Lexbase : A2885GQW ; Cass. civ. 3, 5 janvier 2012, n° 10-26.965, FS-P+B N° Lexbase : A0278H98 ; Cass. civ. 3, 17 décembre 2013, n° 12-15.916, FS-P+B N° Lexbase : A7627KSB). Le preneur n'est pas en revanche, et en principe, un tiers de "bonne foi" au sens de l'article 555 du Code civil (Cass. civ. 3, 27 novembre 2002, n° 01-02.601, FS-D N° Lexbase : A1221A4Y) qui prévoit que dans cette hypothèse, le propriétaire ne pourra exiger la suppression des ouvrages ou constructions.
L'ensemble de ces règles issues du Code civil et telles qu'interprétées par la jurisprudence, sont supplétives et les parties à un bail commercial peuvent contractuellement décider de la manière dont se produira l'accession, de la possibilité ou non pour le bailleur de demander la destruction des constructions et du droit ou non du preneur à une indemnité s'il décide de les conserver. Ainsi, par exemple, la clause qui fait obligation au preneur de rendre le terrain nu et débarrassé de tous matériaux en fin de location prive le locataire du droit à une indemnisation au titre de la perte de constructions (Cass. civ. 3, 30 mai 2012, n° 11-17.364, F-D N° Lexbase : A5341IMR).
Dans l'arrêt rapporté, et selon les termes du pourvoi, le bail stipulait la clause suivante "les constructions édifiées par le preneur, et les aménagements qui y auront été effectuées, resteront la propriété du preneur pendant toute la durée du bail et de ses éventuels renouvellements. En fin de jouissance du preneur, toutes les constructions édifiées deviendront la propriété du bailleur sans indemnité d'aucune sorte au preneur et sans que cette accession ait besoin d'être constatée par acte". Les parties avaient donc dérogé au droit commun en ce que, d'une part, l'accession ne devait pas avoir lieu en fin de bail mais à la fin de la jouissance du preneur et en ce que, d'autre part, il était prévu que cette accession se ferait sans indemnité.
II - L'indemnisation du coût de la reconstruction au regard des règles de l'accession et de l'indemnisation du preneur au titre de ses constructions
L'indemnité dite d'éviction doit correspondre au préjudice causé par le défaut de renouvellement et si la reconstruction a été rendue nécessaire du fait de l'éviction, elle devrait, en principe, faire l'objet d'une indemnisation.
Toutefois, compte tenu des règles de l'accession et de l'existence d'un bâtiment construit par le preneur, la question se posait préalablement de savoir, afin de déterminer l'indemnité d'éviction, ce que comprenait l'assiette du bail.
Si du fait de l'absence d'accession, le preneur est évincé d'un terrain nu, il peut être soutenu qu'il n'existe pas de raison de l'indemniser du coût de la reconstruction.
La jurisprudence pouvait être invoquée en ce sens. Dans une décision du 30 octobre 1961, la Cour de cassation a approuvé les juges du fond qui, dans le cadre de la fixation d'une indemnité d'éviction, avaient refusé d'indemniser le locataire du coût des constructions qu'il avait édifiées dans la mesure où il avait été autorisé à édifier toutes constructions sur le terrain à charge de rendre les lieux dans leur état primitif (Cass. com., 30 octobre 1961, n° 58-10.883 N° Lexbase : A2903AU3 ; voir également, Cass. civ. 3, 7 avril 1994, n° 92-12.093 N° Lexbase : A1448AU8). La question n'était, toutefois, pas directement celle de l'indemnisation du coût de la reconstruction mais de celle du bâtiment duquel le preneur était évincé. La réponse n'a pas, non plus, été directement et expressément rendue sous l'angle de l'accession, mais plus précisément sous celui, certes lié, de l'indemnisation de constructions édifiées par le preneur.
Dans une décision du 14 décembre 1964, plus proche de l'arrêt rapporté, la Cour de cassation a approuvé les juges du fond de n'avoir pas pris en compte, dans le cadre de l'indemnité d'éviction, le coût de la reconstruction sur le nouvel emplacement, une décision de justice devenue définitive précédemment rendue ayant mis à la charge du preneur l'enlèvement des constructions dont il devait conserver aux termes du bail la propriété exclusive (Cass. com., 14 décembre 1964, n° 62-10.549 N° Lexbase : A6796MPE).
Dans l'arrêt rapporté, le bail prévoyait que les constructions du preneur resteraient sa propriété pendant toute la durée du bail et de ses renouvellements. Le refus de renouvellement du bailleur ayant mis fin au bail, il devrait en être conclu que la construction a fait accession. C'est ce qu'affirme la Cour de cassation en précisant que "le refus de renouvellement avait mis fin au bail et permis au bailleur d'accéder aux constructions sans indemnité". Toutefois, elle précise également qu'il résulte de cette observation que le preneur a été évincé d'un terrain sans bâtiment.
Si ces évènements (éviction/accession) se situent dans un instant de raison, il n'en reste pas moins qu'il semble devoir être compris de cette solution que l'éviction précède chronologiquement l'accession. Le raisonnement de la Cour de cassation interroge néanmoins puisqu'elle semble déduire de l'accession l'éviction d'un terrain nu.
Sur le moment précis de la réalisation de l'accession et ses conséquences par rapport aux droits liés à l'évènement qui la provoque, il a déjà été jugé, par exemple, que :
- l'indemnité d'expropriation du preneur doit inclure les constructions édifiées sur le terrain, même si l'expropriation entraîne la résiliation du bail et en principe l'accession (Cass. civ. 3, 5 janvier 2012, n° 10-26.965, FS-P+B N° Lexbase : A0278H98) ;
- le bailleur ne peut obtenir une indemnisation au titre des aménagements du preneur même si le bail avait pris fin à la suite de la destruction de la chose louée, les biens n'existant plus et ayant appartenu au preneur au jour de la résiliation (Cass. civ. 3, 20 avril 2005, n° 03-20.927, FS-D N° Lexbase : A9635DHC).
C'est à notre connaissance la première fois que la Cour de cassation se prononce de manière aussi claire sur les effets de l'accession sur le montant de l'indemnisation du preneur évincé au titre des frais de réinstallation, même si cette décision soulève des interrogations.
La question se pose en effet, à la lecture de l'arrêt commenté, de savoir si la solution serait identique s'il n'était pas prévu que l'accession intervienne sans indemnisation car la Cour de cassation prend soin de relever cette absence d'indemnisation. Toutefois, même si le bailleur était tenu d'indemniser le preneur, ne faudrait-il pas considérer que le preneur resterait évincé d'un terrain nu ?
En réalité, deux types d'indemnisation semblent devoir être distinguées : l'indemnisation du preneur pour ses constructions et l'indemnisation du preneur au titre des frais de réinstallations pour le coût de la reconstruction. L'arrêt d'appel objet du pourvoi (CA Aix-en-Provence, 5 octobre 2012, n° 10/13730 N° Lexbase : A9431ITH) ayant donné lieu à l'arrêt du 21 mai 2014 avait opéré cette distinction en prétendant accorder une indemnisation non pour le coût du bâtiment construit, mais pour le coût de la reconstruction. Elle avait, toutefois, considéré qu'il fallait comparer non un terrain nu mais un terrain avec bâtiment avec le nouveau local, solution rejetée par la Cour de cassation.
Par ailleurs, il doit être relevé que dans l'arrêt rapporté, l'accession avait été reportée en fin de jouissance et non en fin de bail. Même si lorsqu'elle énonce sa solution, la Cour de cassation ne met pas l'accent sur cette spécificité, la question se pose également de savoir si la règle serait identique en cas d'accession en fin de bail, dès lors que dans ce cas, si le bail était renouvelé, la construction devrait être prise en compte pour le calcul des frais de réinstallation lors de l'éviction à l'issue de ce renouvellement.
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Réf. : Cons. const., décision n° 2014-398 QPC du 2 juin 2014 (N° Lexbase : A6403MPT)
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N2466BUU
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Le 05 Juin 2014
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Réf. : CE, Sect., 28 avril 2014, n° 349420, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A5594MKE)
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N2459BUM
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par Samuel Deliancourt, premier conseiller, cour administrative d'appel de Marseille, chargé d'enseignement à l'Ecole de Formation des Avocats de Centre-Sud (EFACS)
Le 06 Juin 2014
I - Les demandes d'autorisation de construire portant sur des terrains appartenant à des personnes publiques
Le maire de Val d'Isère, commune de Savoie d'environ 1 600 habitants, mondialement connue et renommée pour ses stations de ski, a délivré à une SARL un permis de construire le 20 février 2007, suivi de deux permis modificatifs les 11 juillet et 23 novembre 2007, aux fins de construction d'un ensemble bar-restaurant-discothèque pouvant accueillir près de 750 personnes en bas des pistes. Une partie de ce projet devait être enterrée sous une piste de ski, le bar étant, pour sa part, à niveau. La parcelle concernée appartenant à ladite commune, le conseil municipal a approuvé, le 27 février 2006, un projet de bail emphytéotique administratif pour une durée de 40 ans au bénéfice de ladite société. Cette délibération fut contestée par deux syndicats de copropriétaires riverains devant le tribunal administratif de Grenoble, qui a fait droit à leurs demandes d'annulation au motif que la réalisation et l'exploitation d'un tel établissement ne constituait pas l'accomplissement d'une mission de service public pour le compte de la commune, contrairement aux exigences posées par l'article L. 1311-2 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L0988IZM) (5). Ce motif fut confirmé l'année suivante par la cour administrative d'appel de Lyon (6).
Un maire peut être compétent pour délivrer, au nom de la commune, des autorisations d'urbanisme (7), y compris sur une parcelle dont la commune est propriétaire. Ces immeubles relèvent soit du domaine public, soit du domaine privé communal (8). Il est compétent pour statuer sur ces demandes lorsqu'elles émanent de tiers, comme en l'espèce, de même que lorsque la demande concerne un projet communal. Dans ce cas, la demande de permis déposée par le maire au nom de sa commune est subordonnée à l'autorisation expresse et régulière du conseil municipal (9). La circonstance que la commune soit bénéficiaire de l'autorisation d'urbanisme sollicitée et délivrée par le maire n'est pas, à elle seule, de nature à faire regarder l'exécutif comme intéressé, soit en son nom personnel, soit comme mandataire, au sens des dispositions de l'article L. 422-7 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L3436HZB) (10).
Lorsque la demande est présentée par une personne autre que la commune, mais sur un terrain appartenant à cette dernière, l'autorisation devait, en vertu de l'article R. 421-1-1, alinéa 1er, du Code de l'urbanisme, être sollicitée par une personne disposant d'un titre l'habilitant à construire. A été considérée comme justifiant d'un tel titre une personne privée ayant déposé une demande portant sur un terrain communal, bien que le bail n'ait été conclu que postérieurement à l'autorisation délivrée (11). Depuis le 1er octobre 2007, qui est la date d'entrée en vigueur du décret n° 2007-18 du 5 janvier 2007, pris pour l'application de l'ordonnance n° 2005-1527 du 8 décembre 2005, relative au permis de construire et aux autorisations d'urbanisme (N° Lexbase : L0281HUX), le demandeur doit seulement produire une attestation selon laquelle il est autorisé à construire (12), sans avoir à apporter de documents justificatifs, ce qui est beaucoup moins contraignant. L'autorité administrative n'a pas à vérifier la validité de cette attestation (13). Dans le cas où le pétitionnaire procède à une manoeuvre de nature à induire l'administration en erreur, le permis qui lui est délivré doit être regardé comme ayant été frauduleusement obtenu (14).
Lorsque la demande concerne une dépendance du domaine public, l'article R. 421-1-1, alinéa 3, du Code de l'urbanisme exigeait également que soit jointe l'autorisation de l'occuper, sous forme d'un titre unilatéral, permission de voirie ou permis de stationnement, ou d'une convention d'occupation domaniale, avant que l'autorité administrative ne statue (15) et sans qu'il soit possible de la régulariser par la production d'actes postérieurs (16). Le cas échéant, le permis encourt l'annulation (17). L'autorité administrative doit contrôler l'existence de cette autorisation, mais, également, qu'elle a été régulièrement délivrée (18) et qu'elle est appropriée au projet (19). Tel est le principe que rappelle ici le Conseil d'Etat : "une construction est subordonnée à une autorisation appropriée d'occupation du domaine public, laquelle doit alors être jointe à la demande de permis de construire, lorsqu'elle est destinée à occuper le domaine public ou nécessite un aménagement permanent d'une dépendance du domaine public" (cons. n° 13). Le caractère approprié du titre joint à la demande d'urbanisme s'apprécie sur la base d'un faisceau d'indices, notamment la date à laquelle le titre cesse de produire ses effets, les modalités de son renouvellement éventuel, ainsi que la nature et l'importance de l'ouvrage projeté (20). Aussi, un permis ne peut être légalement accordé si la construction envisagée est de nature à créer une emprise définitive sur la dépendance du domaine public (21) : soit le titre doit le permettre, soit la parcelle d'assiette doit être préalablement déclassée (22). Le requérant ne peut, d'ailleurs, pas utilement exciper de l'illégalité de la procédure au terme de laquelle ont été décidés la désaffectation et le déclassement de parcelles appartenant au domaine public communal, puisque le permis de construire en litige ne constitue pas une application de ces décision (23). Lorsqu'un permis de construire est demandé pour l'édification d'un ouvrage sur le domaine public ou le surplombant, l'article R. 431-13 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L7623HZD) exige, depuis le 1er octobre 2007, que soit joint une pièce exprimant l'accord du gestionnaire du domaine pour engager la procédure d'autorisation d'occupation temporaire du domaine public pour l'ouvrage qu'il se propose d'édifier (24).
II - Les pistes de ski peuvent appartenir au domaine public
A - Les positions des juridictions du fond quant à la domanialité de la parcelle concernée
Un des moyens soulevés avait trait à la complétude du dossier de demande d'autorisation. Pour déterminer si le moyen était opérant, il était nécessaire de savoir si la parcelle d'assiette du projet appartenait au domaine public ou privé de la commune.
En vertu de l'article L. 2111-1 du Code général de la propriété des personnes publiques (N° Lexbase : L4505IQW), le domaine public d'une personne publique est constitué des biens lui appartenant qui sont soit affectés à l'usage direct du public, soit affectés à un service public, pourvu, qu'en ce cas, ils fassent l'objet d'un aménagement indispensable à l'exécution des missions de ce service public (25).
En première instance, le tribunal administratif de Grenoble, par jugement (26) lu le 29 janvier 2009, avait estimé que ce terrain ne faisait pas partie du domaine public en l'absence d'affectation permanente à l'usage du public, considérant que "le terrain d'assiette du projet en litige, qui appartient à la commune de Val d'Isère, est partiellement utilisé par une piste de ski ; qu'il est également constant que cet usage n'est pas permanent, puisqu'il est limité à la période d'ouverture des remontées mécaniques et dépend, en outre, des conditions d'enneigement ; que, du fait du caractère non permanent de cet usage, ce terrain ne peut être regardé comme affecté à l'usage direct du public au sens des dispositions précitées ; que, par suite, les syndicats requérants ne sont pas fondés à soutenir que ce terrain constituerait une dépendance du domaine public de la commune de Val d'Isère". La cour administrative d'appel de Lyon a annulé ce jugement sur ce point au motif que, "si cette parcelle qui ne se rattache pas au front de neige' ne peut être regardée comme affectée à l'usage direct du public, elle a, comme il a été dit ci-dessus, fait l'objet d'aménagements spécialement adaptés à l'exploitation du domaine skiable qui, ainsi qu'il est dit à l'article L. 342-13 du Code du tourisme (N° Lexbase : L0179HGQ), constitue un service public industriel et commercial ; que, par suite, au regard tant de la nature et de l'importance desdits aménagements que des caractéristiques du secteur dans lequel elle s'inscrit, la parcelle d'implantation du projet constitue une dépendance du domaine public de la commune de Val d'Isère" (27). Elle a donné raison aux syndicats requérants en annulant les autorisations contestées en l'absence de titre régulier par la société pour déposer la demande d'urbanisme du fait du caractère irrégulier du bail emphytéotique, ce projet ne se rattachant à une mission de service public ou à une opération d'intérêt général. Saisi en cassation, le Conseil d'Etat annule partiellement cette décision au motif que si le sous-sol des pistes comme les pistes peuvent faire partie du domaine public, les conditions ne sont pas remplies en l'espèce.
B - L'affectation des pistes de ski alpin à un service public selon le Conseil d'Etat
Des pistes recouvertes par des mètres de neige ne suivent pas forcément les chemins ou les parcelles dont la commune est propriétaire et peuvent, dans ces conditions, ne pas relever du domaine public, faute de propriétaire public.
Lorsqu'elles sont situées sur des dépendances de la commune, la jurisprudence administrative refusait de les considérer comme étant affectées au public. C'est dans cette lignée que se situe le raisonnement tenu par le tribunal administratif en première instance. La jurisprudence a également dénié cette qualification de dépendance du domaine public, après avoir admis que la condition d'affectation à un service public était remplie, bien que ce ne sont pas les pistes qui sont affectées au service public, mais ce dernier qui est affecté aux pistes (28), au motif que le critère de l'aménagement spécial faisait défaut, en considérant que les aménagements réalisés n'étaient suffisamment conséquents, à l'instar de travaux de nivellement (29).
Ce raisonnement était contestable à deux niveaux. Le premier est que le critère de l'aménagement spécial a toujours été largement interprété par la jurisprudence au point que l'on a pu douter de l'utilité de ce critère qui devait être réducteur de la domanialité publique (30). La jurisprudence a, par exemple, considéré que le simple entretien (31), ou encore la pose d'une chaîne (32) suffisait à regarder cette exigence comme établie. A l'appui de l'existence de tels aménagements, l'article R. 145-4 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L3525HWH) définit une piste de ski alpin comme "un parcours sur neige réglementé, délimité, balisé, contrôlé et protégé des dangers présentant un caractère anormal ou excessif, éventuellement aménagé et préparé, réservé à la pratique du ski alpin et des activités de glisse autorisées". Il est dans ces conditions assez difficile de considérer qu'il n'y a pas d'aménagements. Le second est que toutes les pistes sont tracées, nivelées, entretenues, damées, parfois générées grâce à l'intervention des canons à neige. Il n'y a, en réalité, rien de moins naturel qu'une piste de ski offerte à la descente des touristes et vacanciers. Selon le bon mot du Professeur P. Yolka, "une telle manière de voir est fort discutable, à considérer en quoi consiste la réalisation des pistes de ski, dessinées à l'explosif et au bulldozer : on est passé avec l'industrie des loisirs et les usines à ski -risquons ce raccourci abrupt- de la montagne sacrée à la montagne massacrée" (33).
Ce refus de voir un ouvrage affecté au public ou à un service public est une des conséquences de l'arrêt "Rebora" (34), dans lequel la responsabilité de la commune de Bourg-Saint-Maurice était recherchée sur le fondement du défaut d'entretien normal de la piste de ski. Le refus de qualifier la piste d'ouvrage public, que certains auteurs estiment fondé sur des raisons d'opportunité (35), puisque la victime ne pouvait rechercher la responsabilité de la commune sur le fondement de la responsabilité pour dommages de travaux publics, a eu pour conséquence que les juridictions ont refusé de qualifier les pistes de dépendances du domaine public lorsqu'elles étaient situées sur des terrains appartenant à des personnes publiques, faute d'affectation au public, bien que domaine public et ouvrage public soient deux notions différentes et indépendantes (36).
Les éléments autres des domaines skiables (37) étaient pourtant considérés comme des ouvrages publics et comme relevant du domaine public, en raison, notamment, de leur affectation au service public. Il existe, en effet, un service public du développement économique et touristique (38) dégagé par la jurisprudence administrative et auquel il est possible de rattacher ces activités. L'exploitation des remontées mécaniques a ainsi été qualifiée de service public (39) de nature industrielle et commerciale (40) par la jurisprudence, puis par le législateur. Selon l'article 47 de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985, relative au développement et à la protection de la montagne (N° Lexbase : L7612AGZ), codifié à l'article L. 342-13 du Code du tourisme (41), relatif aux remontées mécaniques et pistes de ski, "l'exécution du service est assurée soit en régie directe, soit en régie par une personne publique sous forme d'un service public industriel et commercial, soit par une entreprise ayant passé à cet effet une convention à durée déterminée avec l'autorité compétente". La jurisprudence judiciaire comme administrative a globalisé le champ d'application de service public en l'étendant aux pistes du domaine skiable (42). Le Conseil d'Etat a ainsi jugé dans l'arrêt "Beaufils" du 19 février 2009 que "l'exploitation des pistes de ski, incluant notamment leur entretien et leur sécurité, constitue un service public industriel et commercial, même lorsque la station de ski est exploitée en régie directe par la commune" (43). Les pistes de ski sont donc affectées à ce service public.
A cela s'ajoute le fait que les aménagements du domaine skiable sont soumis à un régime d'urbanisme particulier (44). Au regard de cette finalité de service public associée à ce régime d'urbanisme destiné à permettre la réalisation de divers travaux des défrichement, terrassement, débroussaillage et autres, le Conseil d'Etat pose le principe selon lequel "une piste de ski alpin qui n'a pu être ouverte qu'en vertu d'une telle autorisation a fait l'objet d'un aménagement indispensable à son affectation au service public de l'exploitation des pistes de ski ; que, par suite, font partie du domaine public de la commune qui est responsable de ce service public les terrains d'assiette d'une telle piste qui sont sa propriété" (cons. n° 10). Cette rédaction semble même induire une présomption de l'existence de ces aménagements. Tel était le cas, en l'espèce, d'une partie de terrains, ceux visés par l'autorisation d'urbanisme, aménagés et utilisés comme pistes de ski. Cette affectation désormais admise, et dès lors que la condition d'affectation à l'utilité générale est plus large que celle de l'affectation au public, les pistes de ski alpin doivent être regardées comme étant des ouvrages publics.
En revanche, pour les terrains non concernés par l'autorisation d'aménagement, il fallait vérifier si les conditions posées par le Code général de la propriété des personnes publiques étaient remplies. Le Conseil d'Etat considère qu'il n'y avait pas d'aménagements indispensables s'agissant de l'affectation au service public. S'agissant du critère alternatif relatif à l'affectation au public, la Haute juridiction relève que, "si les skieurs l'empruntaient précédemment pour se rendre aux remontées mécaniques situées à proximité, notamment à la gare de départ du télésiège Solaise Express, il ne résulte pas de cette seule circonstance qu'elle aurait été affectée à l'usage direct du public" (cons. n° 11). Est ainsi confirmée la distinction entre ouverture et affectation au public (45). Ce terrain dissociable ne répondant pas aux critères de domanialité publique, il n'y a pas eu violation de l'article R. 421-1-1 du Code de l'urbanisme. Restait la qualification du sous-sol devant abriter la discothèque et le restaurant.
C - Les sous-sols des pistes de ski peuvent être des dépendances du domaine public
Le restaurant et la discothèque devaient être réalisés sous une piste de ski. En droit du domaine public, la question de la divisibilité des volumes dans un immeuble construit, que cette divisibilité soit horizontale, c'est-à-dire par étages, ou verticale avec la question des entrées indépendantes ou non (46), est bien connue. Il est possible de distinguer les affectations et donc de diviser un immeuble appartenant à une personne publique comme relevant de son domaine public ou de son domaine privé, selon la configuration des lieux. Il ne s'agissait pas ici de faire application de la théorie de l'accession de l'article 552 du Code civil (N° Lexbase : L3131ABL), selon lequel "la propriété du sol emporte la propriété du dessus et du dessous". Cette disposition n'a trait qu'à la propriété (47). La question était celle de savoir si cette dépendance communale située sous la piste pouvait faire partie du domaine public en application de la théorie de l'accessoire (48). Il est en effet possible d'avoir des superpositions de dépendances susceptibles d'être différemment qualifiées en fonction de leurs affectations effectives et réelles. Selon l'article L. 2111-2 du Code général de la propriété des personnes publiques (N° Lexbase : L4506IQX), "font également partie du domaine public les biens des personnes publiques mentionnées à l'article L. 1 qui, concourant à l'utilisation d'un bien appartenant au domaine public, en constituent un accessoire indissociable". Deux conditions cumulatives sont exigées. Le Conseil d'Etat juge, ainsi, que, "le sous-sol de ces terrains fait également partie du domaine public de la commune s'il comporte lui-même des aménagements ou des ouvrages qui, concourant à l'utilisation de la piste, en font un accessoire indissociable de celle-ci" (cons. n° 10). Mais, en l'espèce, tel n'est pas le cas, "le sous-sol en cause n'avait pas fait l'objet d'aménagements et ne peut en l'espèce être regardé comme constituant un accessoire indissociable de la piste de ski à l'utilisation de laquelle il concourrait" (cons. n° 13). Il était difficile de voir dans un restaurant et une discothèque une unité fonctionnelle avec les pistes de ski, malgré la superposition physique de ces dépendances. Aussi le moyen tiré de la violation de l'article R. 421-1-1 du Code de l'urbanisme est-il écarté.
D - L'accès au terrain par une dépendance du domaine public ne nécessite pas que soit joint une autorisation d'occuper le domaine public
Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 421-1-1 du Code de l'urbanisme était également invoqué au regard des modalités de réalisation des travaux devant être effectués et pour l'exécution desquels des autorisations de voirie seront par la suite nécessaires. En toute logique, le moyen est également écarté au motif que, "lorsque la construction nécessite seulement une autorisation d'occupation pour les besoins des travaux, une telle autorisation ne constitue pas une condition de légalité du permis de construire" (cons. n° 13). Le maître d'ouvrage devra obtenir les autorisations idoines pour procéder aux travaux, mais une autorisation d'urbanisme n'a pour but que de sanctionner, en principe et en l'absence de renvoi, le seul respect des règles d'urbanisme (49), ainsi que le rappelle l'article L. 421-6 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L3427HZX). Il y a donc une application du principe d'indépendance des législations (50) avec le droit régissant les autorisations domaniales. Par ailleurs, l'autorisation d'urbanisme étant délivrée par rapport à un projet défini, les conditions d'exécution dudit projet, comme le non-respect des prescriptions, sont sans incidence sur la légalité même de cet acte administratif. Le Conseil d'Etat juge ainsi que "la réalisation de la construction autorisée nécessitait seulement des travaux d'affouillement provisoire du sol au niveau de la piste de ski mais aucun aménagement permanent du domaine public, la piste de ski devant être remise dans un état identique à celui existant avant les travaux ; que, par suite, la légalité des permis de construire attaqués n'était pas subordonnée à la production, à l'appui du dossier de demande, d'une autorisation d'occupation du domaine public" (cons. n° 13). Les autres moyens ayant plus spécifiquement trait au droit de l'urbanisme, car tirés de la méconnaissance des prescriptions du règlement du plan d'occupation des sols et de l'article R. 111-4 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L7370HZY) sont écartés. L'arrêt d'annulation rendu par la cour administrative d'appel de Lyon est annulé sur ces points et la requête présentée aux fins d'annulation des permis de construire contestés rejetée.
(1) CE, Sect., 12 décembre 1986, n° 51249, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A4847AMH), p. 281, AJDA, 1987, p. 354, concl. J.-C. Bonichot, CJEG, 1987, p. 601, concl. J.-C. Bonichot, note D. Richer, D. 1987, SC, p. 343, obs. F. moderne et P. Bon, LPA, 6 mars 1987, note F. Moderne, Revue administrative, 1987, p. 35, note P. Terneyre.
(2) CE, Sect., 28 avril 2014, n° 349420, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A5594MKE).
(3) C. urb., art. L. 445-2, devenu art. L. 473-1 (N° Lexbase : L3509HZY).
(4) Voir, par exemple, CAA Nantes, 2ème ch., 15 juin 2012, n° 10NT01698 (N° Lexbase : A0759IQ8).
(5) TA Grenoble, 27 avril 2011, n° 06017947.
(6) CAA Lyon, 3ème ch., 27 novembre 2012, n° 11LY01353 et 11LY01521 (N° Lexbase : A6227IYB).
(7) Voir C. urb., art. L. 422-1 (N° Lexbase : L9324IZD).
(8) Les dépendances du domaine privé peuvent être grevées de servitudes destinées à assurer le passage, l'aménagement et l'équipement des pistes de ski et des sites nordiques destinés à accueillir des loisirs de neige non motorisés (C. tour., art. L. 342-20 N° Lexbase : L3377HNE).
(9) Voir, par exemple, CAA Marseille, 1ère ch., 10 décembre 1998, n° 96MA02238 (N° Lexbase : A2835BMX).
(10) CE 3° et 8° s-s-r., 3 juillet 2009, n° 321634 (N° Lexbase : A5660EIH), BJDU 4/2009, p. 285, concl. E. Geffray, note J.-C. B.
(11) CE 2° et 6° s-s-r., 26 février 1988, n° 73393, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A7585APM), p. 90 ; Dr. adm., 1988, comm. n° 235, D.1988, IR, p. 112. Voir également CE 3° et 5° s-s-r., 29 mai 1985, n° 36087, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A3468AME).
(12) C. urb., art. R. 423-1 (N° Lexbase : L7483HZ8).
(13) CAA Lyon, 1ère ch., 15 février 2011, n° 09LY02155 (N° Lexbase : A3201HNU) ; CE 1° et 6° s-s-r., 6 décembre 2013, n° 354703, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A8510KQA), BJCL, 1/2014, concl. S. Von Coester.
(14) CE 9° et 10° s-s-r., 15 février 2012, n° 333631, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A8522ICM), BJDU, 4/2012, p. 296, concl. F. Aladjidi, BJDU, 6/2012, p. 419, note F. Polizzi ; CE 1° et 6° s-s-r., 6 décembre 2013, n° 354703, mentionné aux tables du recueil Lebon, préc..
(15) CE 7° et 10° s-s-r., 8 avril 1994, n° 132721, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A0335AS9), p. 1250, RDP, 1996, p. 593.
(16) CE, Sect., 23 octobre 1981, n° 19804 (N° Lexbase : A5423AK3) ; CE 3° et 5° s-s-r., 22 novembre 1995, n° 109246, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A6416ANX), BJDU, 1995, p. 492.
(17) Voir, par exemple, CE 3° et 5° s-s-r., 20 mai 1994, n° 106555, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A0799ASE), p. 915-1250, RDP, 1996, p. 593, note G. Lebreton (concernant un projet de construction comportant la création d'un passage piétonnier nécessitant un aménagement permanent d'une dépendance du domaine public et nécessitant que soit jointe à la demande la permission de voirie nécessaire) ; CAA Lyon, 1ère ch., 27 mars 2012, n° 11LY01465 (N° Lexbase : A7857IPP).
(18) Voir, par exemple, CE 12° et 6° s-s-r., 9 mai 1976, n° 96119, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A3166B8R), p. 265 ; CE 3° et 8° s-s-r., 23 septembre 2005, n° 276772, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A6103DKA), BJDU, 1/2006, p. 29, concl. P. Collin, obs. J.-C. Bonichot.
(19) En ce sens, voir CE 2° et 6° s-s-r., 12 mai 1976, n° 85271, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A8661B7W), p. 252 ; CE 3° et 5° s-s-r., 20 mai 1994, n° 106555, mentionné aux tables du recueil Lebon, préc. ; CE 9° et 10° s-s-r., 17 avril 2008, n° 277298, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A6474D8B).
(20) CE 9° et 10° s-s-r., 17 avril 2008, n° 277298, inédit au recueil Lebon, préc..
(21) CAA Bordeaux, 1ère ch., 28 octobre 2010, n° 10BX00075 (N° Lexbase : A6214IKD).
(22) Voir, par exemple, TA 9 février 1977, Syndicat des marchands du Carreau du Temple (N° Lexbase : A9861BSZ), Rec. tables, p. 1004.
(23) Voir, par exemple, CAA Bordeaux, 18 octobre 2011, 5ème ch., n° 10BX03015 (N° Lexbase : A6707MP4).
(24) Voir, par exemple, en ce sens, CAA Marseille, 1ère ch., 14 avril 2011, n° 09MA03433 (N° Lexbase : A2682HPZ) ; CAA Lyon, 31 juillet 2012, n° 10LY01234 (N° Lexbase : A6708MP7) ; CAA Lyon, 9 février 2013, n° 12LY01811 (N° Lexbase : A6709MP8).
(25) C. Ballandras-Rozet, L'aménagement indispensable, un critère discutable de réduction du domaine public, AJDA, 2006, p. 571 ; Les justifications économiques et juridiques au critère de l'aménagement indispensable, JCP éd. A, 2007, n° 2089.
(26) TA Grenoble, 29 janvier 2009, n° 0701992, n° 0704124, n° 0800163 (N° Lexbase : A8155MKA).
(27) CAA Lyon, 1ère ch., 7 mars 2011, n° 09LY00750 (N° Lexbase : A7224HPA).
(28) Lire en ce sens, P. Yolka, Domaines skiables = domaine public ?, JCP éd. A, 2011, Act. 284.
(29) CAA Lyon, 1ère ch., 17 novembre 2005, n° 03LY00492 (N° Lexbase : A0496DMC), JCP éd. A, 2006, n° 1264, note P. Yolka.
(30) F. Hervouet, L'utilité de la notion d'aménagement spécial dans la théorie du domaine public, RDP 1983, p. 135.
(31) Voir, par exemple, CE 30 mai 1975, n° 83245, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A0762B94), p. 325, AJDA, 1975, p. 345, note Franc et Boyon.
(32) CE, Ass., 11 mai 1959, Dauphin, publié au recueil Lebon, p. 294, D. 1959, J., p. 314, concl. H. Mayras, AJDA, 1959, 1, p. 113, chron. M. Combarnous et J.-M. Galabert, AJDA, 1959, II, p. 228, note J. Dufau, JCP éd. G, 1959, II, n° 11269, note J. de Lanversin.
(33) P. Yolka, Le statut des pistes de ski : nouveaux développements, JCP éd. A, 2006, n° 1264.
(34) Par ex., reprenant la même motivation, CAA Lyon, 16 février 1989, n° 89LY00108 (N° Lexbase : A3054A8M) ; CAA Lyon, 8 avril 1992, n° 91LY00152 (N° Lexbase : A2709A8T) ; CAA Nancy, 3ème ch., 14 décembre 2006, n° 05NC01012 (N° Lexbase : A8743DTY) ; CAA Lyon, 6ème ch., 14 octobre 2008, n° 06LY01806 (N° Lexbase : A4086EBX).
(35) Voir J. Petit et G. Eveillard, L'ouvrage public, Lexisnexis, 2009, p. 24, n° 95.
(36) Voir, par exemple, CE 2° et 7° s-s-r., 23 janvier 2012, n° 334360, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A4243IBR) ; lire nos obs., Domaine, travaux et ouvrages publics : propriété, définition et consistance, La Gazette des communes, 17 mars 2008, p. 54.
(37) Reconnaissant la qualité de dépendance du domaine public d'une piste de ski nordique, voir CA Besançon, 18 mars 2009, n° 08/02185 (N° Lexbase : A6261ET3) ; reconnaissant la qualité d'ouvrage public d'un poteau soutenant un filet de protection, voir CE 2° et 6° s-s-r., 13 février 1987, n° 55617, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A3213APP).
(38) CE 3° et 8° s-s-r., 25 janvier 2006, n° 284878, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A5443DMK), p. 743, Collectivités-Intercommunalité, 2006, comm. n° 43, note L. Erstein, Contrats et Marchés publics, 2006, comm. n° 88, note G. Eckert.
(39) CE, Sect., 23 janvier 1959, Commune d'Huez, publié au recueil Lebon, p. 67 ; T. confl., 7 juillet 1980, n° 02165 (N° Lexbase : A8160BDL).
(40) Voir, par exemple, T. confl., 7 décembre 1998, n° 03126 (N° Lexbase : A5515BQC) ; T. confl., 29 octobre 1990, Moyal, D. 1990, IR, p. 289.
(41) Voir également CE, Sect., 23 janvier 1959, Commune d'Huez, n° 39532, préc., concl. M. Braibant, AJDA 1959, p. 65, concl. M. Braibant.
(42) Voir, par exemple, T. confl., 18 juin 2001, n° 3246 (N° Lexbase : A5608BQR) ; T. confl., 15 décembre 2003, n° 3380 ; T. confl., 20 mars 2006, n° 3487 (N° Lexbase : A7777DND), Rec. tables, p. 785.
(43) CE 2° et 7° s-s-r., 19 février 2009, n° 293020, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A2523EDS), p. 61, Dr. Adm., 2009, comm. n° 76, note G. Mollion, JCP éd. A, 2009, n° 2086, note G. Pelissier, AJDA, 2010, p. 430, note O. Févrot, RFDA, 2009, p. 777, note D. Pouyaud, RLCT, juin 2009, p. 27, note P. Tifine.
(44) Voir C. urb., art. L. 473-1 (N° Lexbase : L3509HZY), R. 473-1 (N° Lexbase : L7737HZL) et suivants.
(45) T. confl., 5 juillet 1999, n° 03149 (N° Lexbase : A5487BQB), rec. p. 458.
(46) Voir, par exemple, CE 11 décembre 2008, n° 309260, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A8872EB9), p. 734-852, Dr. adm., 2009, comm. n° 25, AJDA, 2009, p. 828, note O. Fevrot, RJEP, 2009, n° 665, p. 20, note C. Chamard-Heim ; CE, Sect., 28 décembre 2009, n° 290937, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A0255EQI), p. 528 ; CE 2° et 7° s-s-r., 24 février 2011, n° 342621, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A7042GZT).
(47) Voir CE 7 mai 1931, Compagnie nouvelle des chalets de commodité, rec. p. 491.
(48) Voir H. Charles, Accessoire et domaine public en droit administratif français, in Mélanges Siassinopoulos,1974, p. 187. Sur ces notions et leurs rapports, voir notamment P. Allinne, Domanialité publique et ouvrages complexes, AJDA, 1977, p. 523, Y. Gaudemet, La superposition des propriétés privées et du domaine public, D. 1978, Chron., p. 293.
(49) Voir, par exemple, CE 9 octobre 1981, n° 18350 (N° Lexbase : A3625AKH), Dr. adm., 1981, comm. n° 362 ; CE 3° et 5° s-s-r., 20 septembre 1991, n° 84291, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A2305ARS) ; CE 9° et 8° s-s-r., 5 mars 1993, n° 95395, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A8689AMR).
(50) Voir, par exemple, CE 1er juillet 1959, Sieur Piard, rec. p. 413. Voir M.-F. Delhoste, Les polices administratives spéciales et le principe d'indépendance des législations, LGDJ, Bibliothèque de droit public, 2001, Tome n° 214, p. 304.
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Réf. : CE 9° et 10° s-s-r., 28 mai 2014, n° 324852, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A6321MPS)
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Réf. : CE 10° et 9° s-s-r., 26 mai 2014, n° 348574, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A7890MNK)
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Réf. : CE 9° et 10° s-s-r., 28 mai 2014, n° 351935, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A6326MPY)
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par Laurence Vapaille, Maître de conférences à l'Université d'Evry-Val-d'Essonne
Le 05 Juin 2014
Les deux décisions, objets du présent commentaire, présentent des faits similaires. Elles portent sur une question qui ne cesse de se renouveler à propos de l'évaluation de la valeur locative cadastrale. Question toujours d'actualité car, bien que la TP ait été supprimée à compter du 1er janvier 2010 et remplacée par la CET, cette dernière dans sa composante cotisation foncière des entreprises (CFE) n'a pas remis en cause les méthodes d'évaluation de cette valeur. Notamment, l'article 1498 du CGI (N° Lexbase : L0267HMT) reste applicable dans le cadre de la CFE.
Aux termes de cette disposition est instauré un mécanisme d'évaluation des locaux commerciaux dans le cadre de la TP, et aujourd'hui la CFE. La valeur locative doit être évaluée, en principe, par référence au loyer. En cas d'impossibilité d'application de cette première méthode, l'évaluation doit être opérée par comparaison ; enfin, si cette dernière méthode se révèle elle aussi inapplicable, l'évaluation aura lieu par voie d'appréciation directe, c'est-à-dire à partir de la valeur vénale de l'immeuble.
Cependant, l'économie de ce dispositif a été, au fur et à mesure des années, complètement bouleversée du fait de la carence du législateur. Depuis 1970, aucune révision générale des valeurs locatives n'est intervenue ; en conséquence, la méthode prévue en tant que principale est devenue totalement marginale. En 2007, moins de 1 % des locaux étaient loués à des conditions de prix normales en 1970 et n'avaient, depuis cette date, ni changé d'affectation, ni de consistance (1). Actuellement, ce sont les méthodes subsidiaires, plus particulièrement la méthode par comparaison, qui sont devenues les méthodes les plus utilisées. Or, cette évolution n'a pas manqué d'engendrer un contentieux important qui ne peut se résorber du fait de l'inaction du législateur. Les affaires dont il est ici question viennent illustrer cette situation.
Les décisions en cause portent sur les termes de la comparaison nécessaires à la mise en oeuvre de la méthode indiquée du 2° de l'article 1498 du CGI. Aux termes de cette disposition, "a) Pour les biens loués à des conditions de prix anormales ou occupés par leur propriétaire, occupés par un tiers à un autre titre que la location, vacants ou concédés à titre gratuit, la valeur locative est déterminée par comparaison.
Les termes de la comparaison sont choisis dans la commune. Ils peuvent être choisis hors de la commune pour procéder à l'évaluation des immeubles d'un caractère particulier ou exceptionnel ;
b) La valeur locative des termes de comparaison est arrêtée :
Soit en partant du bail en cours à la date de référence de la révision lorsque l'immeuble type était loué normalement à cette date,
Soit, dans le cas contraire, par comparaison avec des immeubles similaires situés dans la commune ou la localité présentant, du point de vue économique, une situation analogue à celle à celle de la commune en cause et qui faisaient l'objet à cette date de locations consenties à des conditions de prix normales".
Depuis un arrêt du 18 juillet 2006 (2), le Conseil d'Etat a confirmé l'analyse extensive de la notion "d'immeuble particulier" au sens du 2 de l'article 1498 du CGI. En l'absence d'un terme de comparaison approprié dans la commune, le local à évaluer peut être regardé comme présentant un caractère particulier de nature à autoriser le recours à un terme de comparaison pris hors de la commune. De manière plus générale, la jurisprudence relative aux problématiques d'évaluation propose une lecture très "souple" de ce dispositif car "la méthode prévue par ces dispositions est mécaniquement condamnée, à terme, à devenir impraticable [...] par une série de décisions [...] le Conseil d'Etat a tenté de retarder cette échéance" (3). Les décisions de ce présent commentaire s'inscrivent dans cette lignée.
Les faits sont relativement simples. Il s'agissait de contribuables -des sociétés exploitant des hôtels en région parisienne- demandant la réduction de leur cotisation de TP en invoquant l'irrégularité de l'évaluation de la valeur locative. Cependant, le tribunal administratif a rejeté ces demandes et la cour administrative d'appel a confirmé cette position. En effet, l'administration fiscale avait reconnu l'irrégularité de son évaluation fondée sur la méthode par comparaison (CGI, art. 1498, 2°) et appliqué la méthode de l'évaluation directe (CGI, art. 1498, 3°). Or, par application de cette dernière méthode, la valeur locative ainsi obtenue était supérieure à celle issue de l'évaluation par comparaison. En conséquence, les juges de première instance et d'appel avaient rejeté les demandes de décharge des contribuables. Notamment, la cour administrative d'appel a considéré que les termes de comparaison rapportés par les contribuables, qui consistaient en la production d'une liste de loyers d'immeubles équivalents situés dans d'autres communes, ne pouvaient être pris en compte. Il aurait été nécessaire de rechercher des loyers pour des immeubles situés dans la même commune.
Dans la droite ligne de la jurisprudence autorisant la prise en considération de termes de comparaison dans d'autres communes, le Conseil d'Etat est venu infirmer les décisions des juges du fond. La Haute juridiction administrative considère "qu'aucune disposition législative ou réglementaire, ni aucun principe ne font obstacle à ce que, en l'absence d'immeubles comparables situés dans la commune d'implantation du bien à évaluer, le caractère normal du loyer soit apprécié au regard des loyers pratiqués, pour des immeubles comparables, dans d'autres communes, dès lors que ces immeubles sont implantés dans des zones géographiques présentant du point de vue du marché locatif pertinent pour le type de bien à évaluer, une situation analogue".
Les présentes décisions viennent amplement confirmer la position du Conseil d'Etat en vertu de laquelle il considère qu'un immeuble peut être considéré comme "particulier" ou "exceptionnel" au sens du 2° de l'article 1498 du CGI, dès lors qu'il est impossible de trouver un immeuble comparable au sein de la commune. Ces décisions sont affirmatives quant au fait qu'aucun texte ne fait obstacle à une telle interprétation du juge de cassation quant à la notion d'immeuble particulier ou exceptionnel. Cette interprétation "est compatible avec la lettre du texte et elle ne prive le contribuable d'aucune garantie" (4). Ainsi, est autorisée la recherche de termes de comparaison dans une autre commune que celle où se situe l'immeuble à évaluer. Pour autant, l'affirmation de ce principe ne met pas fin à toutes les questions car le choix d'une autre commune ne peut être fait au hasard ou en fonction de la seule proximité. Le Conseil d'Etat impose que "cette commune présente du point de vue économique une situation analogue à la commune où est situé l'immeuble à évaluer" (5).
Par ces décisions, le Conseil d'Etat a choisi de faire en sorte que continue de perdurer le mécanisme d'évaluation de l'article 1498 du CGI. Il vient ainsi compenser l'absence d'action du législateur en la matière et mettre de l'huile dans les rouages de ce mécanisme fortement sollicité (6). Malgré cette affirmation quant à l'absence de règles législative ou réglementaire venant contrarier cette analyse jurisprudentielle, il n'en reste pas moins que dans l'esprit du législateur, les méthodes de comparaison et de l'appréciation directe devaient être subsidiaires, or la première est devenue principale et essentielle. En ces temps de réformes, qu'elles soient fiscales ou relatives à la décentralisation et aux projets de redécoupage territorial, à la jonction de ces problématiques, une réflexion réformatrice sur la fiscalité locale serait indispensable, sortant enfin le législateur d'une inaction devenant difficilement compréhensible.
Les deux affaires présentement commentées illustrent le même point de droit portant sur la notion de cession dans le cadre du 3° quater de l'article 1469 du CGI (N° Lexbase : L4903ICL).
Pour rappel, la TP avait notamment pour assiette la valeur locative des immobilisations corporelles (CGI, anc. art. 1467 N° Lexbase : L9822IAZ). Cette valeur locative devait être établie par une des méthodes énoncées à l'article 1469 du CGI selon la catégorie de biens en cause :
- article 1469-1°. S'agissant des biens soumis à une taxe foncière, la valeur locative devait être établie selon les règles applicables à cette imposition ; si le bien était un établissement industriel, la valeur locative était calculée en fonction du prix de revient (CGI, anc. art. 1499) ;
- article 1469-2°. Pour les biens immobiliers dont la durée d'amortissement était supérieure ou égale à 30 ans, la valeur locative était établie en fonction du prix de revient (CGI, anc. art. 1499), car ces biens étaient assimilés à la catégorie des établissements industriels ;
- article 1469-3°. Enfin, pour les autres biens, la valeur locative était égale à 16 % du prix de revient.
La loi de finances rectificative pour 2004 (loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 N° Lexbase : L5204GUB) avait modifié cette dernière disposition ; aux termes du 3° quater de l'article 1469 du CGI, "le prix de revient d'un bien cédé n'est pas modifié lorsque ce bien est rattaché au même établissement avant et après la cession et lorsque, directement ou indirectement :
a) l'entreprise cessionnaire contrôle l'entreprise cédante ou est contrôlée par elle ;
b) ou ces deux entreprises sont contrôlées par la même entreprise".
L'ajout de ces dispositions aurait été motivé par l'existence de montages abusifs dans lesquels les biens loués ou donnés en crédit-bail étaient cédés à de nouveaux propriétaires au sein d'un même groupe sans que les biens changent d'affectation, dans le seul but de diminuer leur valeur locative (7). Il s'agissait de mettre en oeuvre un dispositif permettant le maintien du prix de revient des biens cédés dans le cadre d'opérations intragroupe en complétant le mécanisme de l'ancien article 1518 B du CGI (N° Lexbase : L2757HWZ), qui mettait en oeuvre une valeur locative "plancher".
Très rapidement s'est posée la question de la teneur exacte du terme de "cession" qui est au coeur des deux décisions commentées. L'administration fiscale a considéré qu'étaient des cessions au sens des dispositions du 3° quater de l'article 1469 du CGI "les transferts de propriété, à titre onéreux ou gratuit, qui sont sans incidence sur l'activité exercée au moyen des biens qui font l'objet du transfert de propriété" (8). Cette interprétation extensive de la notion de cession a été une source importante de contentieux, car elle permettait à l'administration fiscale d'appliquer ces dispositions de l'article 1469, 3° quater du CGI aux contribuables demandant à être déchargés d'une partie de leur cotisation de TP à la suite de dissolution sans liquidation, notamment les opérations intragroupes n'entrant pas dans le champ d'application de l'ancien article 1518 B du CGI (9). A savoir si les dispositions du 3° quater de l'article 1469 du CGI ne s'appliquaient qu'aux cessions entendues au seul sens civiliste du terme ou s'il fallait comprendre l'ensemble des opérations impliquant une mutation patrimoniale.
Dans une décision du 28 juillet 2011 (10), la Haute juridiction administrative a considéré que les dispositions de l'article 1469, 3° quater du CGI ne pouvaient pas s'appliquer dans le cas des transmissions universelles de patrimoine, qui ne constituent pas des cessions comprises comme des transferts de propriété entre un cédant et un cessionnaire.
Dans l'arrêt "SAS Distribution Guy Degrenne" (11), il s'agissait de savoir si un apport partiel d'actifs en contrepartie duquel étaient reçus des droits sociaux pouvait être considéré comme une cession dans le cadre de l'application de 3° quater de l'article 1469 du CGI. Successivement, les juges de première instance (12), puis la cour administrative d'appel de Nantes (13) ont fait droit à la demande de décharge des cotisations supplémentaires de TP du contribuable. Le ministre des Finances s'est pourvu contre la décision des juges d'appel. Le Conseil d'Etat a accueilli favorablement ce pourvoi et infirmé l'arrêt de la cour administrative d'appel. La Haute juridiction administrative rappelle sa position de principe quant à l'interprétation de la notion de cessions, au terme de laquelle il ne s'agit que "des transferts de propriété consentis entre un cédant et un cessionnaire" et ne sont pas inclues "toutes autres opérations qui, sans constituer des cessions' proprement dites, ont pour conséquence une mutation patrimoniale". Néanmoins en l'espèce la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit en ne considérant pas comme un prix la contrepartie constituée de droits sociaux et en déduisant qu'il ne s'agissait pas d'une cession à laquelle étaient applicables les dispositions de 1469, 3° quater du CGI.
De même dans l'arrêt "SAS Magneti Marelli France" (14), les juges du fond (15) comme la juridiction d'appel (16) ont considéré que l'opération de fusion-absorption ne comportait pas de contrepartie assimilable à un prix et qu'en conséquence cette opération ne pouvait être comprise comme une cession au sens de l'article 1469, 3° quater du CGI. Cependant, le Conseil d'Etat a rendu une décision allant dans le même sens que celle relative à l'apport partiel d'actifs, en considérant qu'une opération de restructuration portant sur l'universalité du patrimoine du cédant pouvait constituer une cession imposable à la TP.
La cession peut être effectuée à titre onéreux ou gratuit. Dans les deux affaires commentées, les juridictions d'appel ont considéré que l'absence d'une contrepartie assimilable à un prix avait pour conséquence que l'opération ne pouvait être analysée comme une cession au sens de l'article 1469, 3° quater du CGI. Mais le Conseil d'Etat rappelle que l'opération peut être comprise comme une cession indépendamment de la qualité de la contrepartie, qui peut ne pas être présente notamment dans une cession à titre gratuit.
Indubitablement les dispositions de l'article 1469, 3° quater du CGI auront fait couler beaucoup d'encre quant à leur utilité supposée ou réelle dans le cadre de la lutte contre l'optimisation de la TP (17) et le contentieux est abondant à la fois au regard du champ d'application de cette mesure et sa durée de vie relativement brève. En effet, la loi de finances pour 2010 (loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 N° Lexbase : L1816IGD) a créé la CET et supprimé la TP ainsi que cette disposition. De plus, la nouvelle rédaction de l'article 1518 B du CGI (N° Lexbase : L2932IGP) procède par énumération expresse des opérations, ce qui évitera, pour les opérations réalisées à compter du 1er janvier 2011, les questions relatives à la notion de cession nées du mécanisme antérieur.
Dans cette décision, les faits sont relatifs à la base imposable de la TP, plus particulièrement dans le cadre de la cotisation minimum qui était prévue aux articles 1647 D (N° Lexbase : L1278IZD) et 1647 E (N° Lexbase : L5675H93) du CGI. Cette cotisation avait été instituée en 1980 (18) afin que les redevables les plus modestes à la TP contribuent à la couverture des charges des collectivités locales, de "manière au moins symbolique" (19). Les redevables à la TP étaient assujettis à la cotisation minimum au lieu de leur principal établissement ; elle était calculée de façon forfaitaire selon un mécanisme de conversion en fonction de la taxe d'habitation due à raison d'un logement de référence dans la commune (20). Cette cotisation a été supprimée en même temps que la TP. Cependant, on peut noter que, par la loi de finances pour 2014 (21), il a été crée une cotisation minimum de la CFE.
L'assiette de la TP, et aujourd'hui de la CFE, est énoncée à l'article 1447 du CGI (N° Lexbase : L0819IPZ). Cette base imposable est toujours fondée sur le même principe selon lequel la TP, et depuis 2010, la CFE "est due chaque année par les personnes physiques ou morales qui exercent à titre habituel une activité professionnelle non salariée". Depuis la mise en oeuvre de la CFE, les dispositions de l'article 1447 du CGI ont évolué. Par la loi de finances pour 2010 (22) instaurant la CET, l'article 1447 a été modifié (23). Dans la version de cet article en vigueur du 1er janvier 2010, même si le champ d'application de la CFE reprenait pour l'essentiel celui de la TP, une nouvelle mesure concernait la location d'immeubles nus (24).
A compter du 1er janvier 2010, les activités de location ou de sous-location d'immeubles, autres que celles concernant les immeubles nus à usage d'habitation, sont réputées être exercées à titre professionnel. Antérieurement, cette activité n'entrait pas dans le champ d'application de la TP car elle était considérée comme civile et non professionnelle. En effet, la gestion d'un patrimoine immobilier ou mobilier ne peut être assimilée à l'exercice d'une activité professionnelle.
La question de savoir si la sous-location d'immeubles nus était une activité pouvant être soumise à la TP avait été posée dans une affaire en date du 3 octobre 2003 (25), à laquelle le Conseil d'Etat avait répondu négativement. Il ressort de la jurisprudence relative à cette question que le principe est que la location d'immeuble nu n'est pas considérée comme une activité professionnelle au sens de l'article 1447 du CGI. Néanmoins, ce principe ne peut recevoir application lorsque le bailleur ne se contente pas de gérer son propre patrimoine mais en réalité poursuit une exploitation commerciale antérieure (26) ou participe à l'exploitation du locataire (27). Plus récemment, la Haute juridiction administrative (28) a considéré que le caractère civil de l'activité, et donc sa non-imposition à la TP, était valable dans le cas d'un immeuble nu donné en sous-location par une personne qui en dispose en vertu d'un contrat de crédit-bail.
Dans l'affaire présentement commentée, le tribunal administratif de Montreuil (29) puis la cour administrative d'appel de Versailles (30) ont accueilli la demande du contribuable en vue de le décharger des cotisations minimales de TP pour les années 2004 et 2005. Le ministre s'est pourvu en cassation devant le Conseil d'Etat qui a infirmé la décision des juges du fond. En l'espèce, les juges du Palais-Royal considèrent que la cour administrative d'appel de Versailles n'a pas examiné les clauses des contrats liant le bailleur et deux de ses filiales, "clauses qui traduisent les liens entre ces sociétés et la volonté d'assurer la continuité d'exploitation du groupe". Or, dès lors que le bailleur poursuit une exploitation commerciale antérieure, il ne s'agit plus d'une activité civile, mais professionnelle. Il ressort de cette affaire que l'office du juge ne se limite pas à la simple constatation de l'existence d'un contrat de location mais qu'il doit aussi s'assurer que, par ce contrat, le bailleur gère uniquement son patrimoine. La location d'immeuble nu est présumée être une activité civile, cependant cette présomption n'est pas irréfragable (31). Comme indiqué ci-avant, les dispositions de l'article 1447 du CGI ont évolué et à présent l'ensemble des activités de location est soumis à la CFE.
(1) Yohann Bénard, Valeurs locatives foncières : panorama de jurisprudence 2006 : RJF, 2/07, p. 95.
(2) CE Sect., 18 juillet 2006, n° 267894 et 267895, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A6470DQP : DF, 2007, n° 14, comm. 376, concl. Pierre Collin ; RJF, 11/2006, n° 1378. Antérieurement, le Conseil d'Etat avait déjà amorcé cette lecture extensive des termes de la comparaison pouvant être choisis hors de la commune : CE, 12 janvier 2005, n° 250135, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A0956D3S : DF, 2005, n° 22, comm. 446 ; RJF, 4/2005, n° 340 ; BDCF, 4/2005, n° 46, concl. Laurent Vallée.
(3) Yohann Benard, Valeurs locatives foncières : panorama de jurisprudence 2006 ; op. cit., p. 98.
(4) Concl. Pierre Collin sur CE, 18 juillet 2006, n° 267894 et 267895 : op. cit..
(5) Laurent Olléon, concl. sur CE 8° et 3° s-s-r., 30 décembre 2011, n° 327425, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A8302H8Y) : DF, 2012, n° 16, comm. 267 ; RJF, 4/2012, n° 373.
(6) Vincent Daumas, Valeurs locatives foncières : le mécano jurisprudentiel : RJF, 8-9/2009, p. 634 et suivantes.
(7) DF, 2005, n° 7, comm. 208.
(8) Instruction 10 janvier 2007 (BOI 6 E-1-07 N° Lexbase : X7865ADN) : DF, 2007, n° 4, 13643.
(9) CE, 13 décembre 2006, n° 283914, 283915, 289569, 289806, 289894, 275239 (N° Lexbase : A8277HWH) : DF, 2007, n° 9, comm. 234, concl. Stéphane Verclytte ; RJF, 3/2007, n° 288.
(10) CE 9° et 10° s-s-r., 28 janvier 2011, n° 318285, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A8277HWH), note Betty Toulemont et Caroline Perrin : DF, 2011, n° 40, comm. 545 ; RJF, 11/2011, n° 1161 ; Cécile Raquin, Le statut de la transmission universelle de patrimoine au regard des textes fiscaux, RJF, 11/12, p. 1019 et suivantes ; concl. Pierre Collin : BDCF, 11/11, n° 81.
(11) CE 9° s-s., 30 avril 2014, n° 363345, inédit au recueil Lebon.
(12) TA Caen, 3 mai 2011, n° 1001445 (N° Lexbase : A5523IXT).
(13) CAA Nantes, 1ère ch., 27 septembre 2007, n° 11NT01808 (N° Lexbase : A4417IXU).
(14) CE 9° s-s., 30 avril 2014, n° 369719, inédit au recueil Lebon.
(15) TA Poitiers, 29 mars 2012, n° 1002052.
(16) CAA Bordeaux, 30 avril 2013, n° 12BX01448.
(17) Centre de documentation du Conseil d'Etat, Le législateur peut-il céder sur l optimisation de la taxe professionnelle ? : RJF, 1/08, p. 3 et suivantes.
(18) Loi n° 80-10 du 10 janvier 1980, art. 4 (N° Lexbase : L8271IE3) ; cette disposition n'est entrée en vigueur qu'à compter de 1981.
(19) Note sous CAA, Bordeaux, 22 mars 1990, n° 89BX00924 et 89BX001265 (N° Lexbase : A1436A8P) : DF, 1990, n° 44, comm. 2066.
(20) Note sous CE 9° et 8° s-s-r., 18 mai 1998, n° 117458 et n° 145015, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A6943ASX) : DF 1998, n° 48, comm. 1053.
(21) Loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013, art. 76 (N° Lexbase : L7405IYW) : JO 30 décembre 2013, p. 21829 ; DF, 2014, n° 1-2, comm. 35. Ces dispositions ont été codifiées aux articles 1647 D et 1647 E du CGI.
(22) Loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 (N° Lexbase : L1816IGD) : JO 31 décembre 2009.
(23) Art. 2, 1 et 6.1, op.cit..
(24) Les deux autres modifications étaient relatives aux sociétés dépourvues de personnalité morale et à la territorialité des activités.
(25) CE 9° et 10° s-s-r., 3 mars 2003, n° 246855, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A6503C9Q) : DF, 2004, n° 13, comm. 370, concl. Laurent Vallée ; RJF 12/03, n° 1382 ; obs. H Le Herissel, BGFE, 6/03, p. 13.
(26) Pour un exemple en matière de TVA : CE 7° et 9° s-s-r., 27 juillet 1984, n° 39942, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A3981ALZ), concl. Olivier Fouquet : DF, 1985, n° 6, comm. 244 ; RJF, 11/84, n° 1315.
(27) Pour un exemple en matière d'assujettissement à l'IS d'une SCI : CE 8° et 3° s-s-r., 11 décembre 2009, n° 301504, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A4268EPR), concl. Laurent Olléon : DF, 2010, n° 10, comm. 213 ; RJF, 3/0, n° 211.
(28) CE 9° et 10° s-s-r., 25 septembre 2013, n° 350893, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A9640KLM) : RJF, 12/13, n° 1145.
(29) TA Montreuil, 23 novembre 2010, n° 0809640 (N° Lexbase : A7182MK9) et TA Montreuil, 18 mai 2010, n° 0801134 (N° Lexbase : A9854HZY).
(30) CAA Versailles, 3ème ch., 3 juillet 2012, n° 11VE00278 (N° Lexbase : A0067IRW) et n° 10VE03241 (N° Lexbase : A9831IQ8).
(31) Pour un avis contraire : Julie Burguburu, Taxation de la location immobilière : le trousseau de clefs : RJF, 12/07, p. 1106.
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Réf. : Cass. com., 27 mai 2014, n° 12-28.657, F-P+B (N° Lexbase : A6169MP8)
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Le 10 Juin 2014
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Réf. : Loi n° 2014-535 du 27 mai 2014 (N° Lexbase : L2680I3N), portant transposition de la Directive relative au droit à l'information dans le cadre des procédures pénales (N° Lexbase : L3181ITY)
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N2436BUR
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Le 05 Juin 2014
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Réf. : Cass. soc., 20 mai 2014, n° 12-26.322, FS-P+B+R (N° Lexbase : A5081MM7)
Lecture: 7 min
N2510BUI
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par Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale
Le 05 Juin 2014
Résumé
Lorsqu'un accord collectif ayant le même objet qu'un usage d'entreprise est conclu entre l'employeur et une ou plusieurs organisations représentatives de l'entreprise qui ont vocation à négocier pour l'ensemble des salariés et anciens salariés, cet accord a pour effet de mettre fin à l'usage en vertu duquel l'employeur prenait à sa charge les deux tiers des cotisations à la mutuelle nationale des caisses d'épargne. |
Commentaire
I - Une nouvelle affaire concernant des "avantages de retraite"
Les "avantages de retraite" après l'arrêt "Trefileurope". La question du versement, par l'entreprise, d'avantages à ses anciens salariés, a alimenté ces dernières années un contentieux régulier qui a mis à mal les catégories classiques du droit des obligations, et du droit du travail.
La première pierre de la construction de cette jurisprudence a été posée en 2004 dans l'arrêt "Trefileurope" s'agissant de la poursuite du versement d'une prime à d'anciens salariés de l'entreprise après leur départ en retraite (1). La Chambre sociale de la Cour de cassation y avait en effet affirmé deux principes, le premier concernant la qualification de ce versement en "avantage de retraite" (2), le second concernant le régime de cet avantage, désormais distinct de celui de la prime versée aux actifs de l'entreprise et donc insensible à la dénonciation de l'usage d'entreprise qui en était la source (3).
La Cour de cassation a, par la suite, doublement complété sa jurisprudence.
Elle a, dans un premier temps, précisé ce qu'il fallait entendre par avantage de retraite, dans un sens d'ailleurs assez restrictif, et considéré ainsi, dans une affaire concernant la Caisse d'Epargne d'Ile-de-France, que "ne constitue pas un avantage de retraite le maintien à d'anciens salariés devenus retraités de conditions tarifaires préférentielles attachées à leur qualité de clients éventuels de la Caisse d'épargne" (4).
Elle a, dans un second temps, précisé le régime des avantages de retraite, dans le sens d'une intangibilité absolue puisque, selon la Haute juridiction, "dès lors que la prime exceptionnelle, qui était versée postérieurement au départ à la retraite du salarié, constituait un avantage de retraite, la dénonciation de l'engagement unilatéral instituant la prime ne remettait pas en cause cet avantage après la liquidation de la retraite" (5).
C'est dans ce contexte qu'intervient cette nouvelle décision qui admet une solution différente lorsque la suppression résulte d'un accord collectif d'entreprise.
Les faits. Cette affaire concernait de nouveau la Caisse d'épargne d'Ile-de-France et la prise en charge par l'employeur des deux tiers de la cotisation à la Mutuelle nationale des caisses d'épargne (MNCE) de ses anciens salariés. A la suite d'un accord conclu entre partenaires sociaux, la Caisse avait, en effet, décidé de cesser tout versement pour les salariés liquidant leur retraite postérieurement au 1er janvier 2007, les salariés ayant liquidé leur retraite avant cette date conservant dans un premier temps le bénéfice de la participation de l'employeur, puis avait adressé à ces derniers, le 27 mars 2009, une lettre les informant personnellement de la décision prise de mettre fin à l'engagement unilatéral relatif à cette prise en charge, à compter du 1er juillet 2009.
Le tribunal de grande instance de Paris avait été saisi d'une demande visant à ce que soit reconnu le caractère irrégulier de cette dénonciation et que la Caisse d'épargne soit condamnée à poursuivre la prise en charge des deux tiers de la cotisation. Les syndicats demandeurs faisaient valoir que cette prise en charge s'analysait en un avantage de retraite, partant non susceptible d'être dénoncé par l'employeur.
Cette qualification n'avait pas été retenue, ni en première instance, ni par la cour d'appel pour qui la Caisse d'Epargne versait directement la cotisation à la Mutuelle et non directement entre les mains des salariés, étant observé, par ailleurs, que cette prise en charge n'avait profité qu'aux adhérents de la Mutuelle, que l'adhésion à celle-ci par les anciens salariés de la Caisse d'Epargne Ile-de-France au moment de leur départ à la retraite présentait un caractère facultatif et pouvait, dès lors, être remise en cause chaque année.
Le pourvoi. Pour obtenir la cassation de l'arrêt d'appel, les demandeurs faisait valoir que devait être qualifié d'avantage de retraite "l'avantage versé postérieurement à la liquidation de sa retraite par le salarié [...] indépendamment de la technique de paiement utilisé", qu'il s'agisse donc d'une somme versée entre les mains du salarié ou directement à la mutuelle.
Le rejet. L'arrêt d'appel est confirmé par le rejet du pourvoi, mais au prix d'une substitution de motif. Après avoir, dans un attendu de principe, indiqué que "lorsqu'un accord collectif ayant le même objet qu'un usage d'entreprise est conclu entre l'employeur et une ou plusieurs organisations représentatives de l'entreprise qui ont vocation à négocier pour l'ensemble des salariés et anciens salariés, cet accord a pour effet de mettre fin à cet usage", la Cour affirme, par substitution de motif, que la "dénonciation de l'usage dont bénéficiaient auparavant les anciens salariés de la caisse d'épargne Ile-de-France de prise en charge des deux tiers des cotisations à la Mutuelle nationale des caisses d'épargne résultait de l'accord de substitution conclu le 9 février 2007 avec les organisations syndicales représentatives, lequel se substituait à l'ensemble des usages et mesures unilatérales ayant le même objet".
L'intérêt de la décision. Cette décision, qui sera commentée au rapport annuel, est doublement intéressante et doit être appréciée au regard de la notion d'avantage de retraite, et du régime de l'avantage en cause.
II - Un coup d'arrêt à la reconnaissance de l'intangibilité des " avantages de retraite "
Le sort de la qualification d' "avantage de retraite". Le débat devant les juges du fond était clairement centré sur la notion d'avantage de retraite, et le pourvoi invitait, d'ailleurs, la Haute juridiction à se déterminer sur cette qualification, compte tenu du fait que l'avantage en cause était versé directement à la mutuelle et non directement aux salariés.
Or, la Chambre sociale de la Cour de cassation élude le débat en se fondant sur le régime de l'avantage, sans prendre parti sur sa qualification.
Comment faut-il interpréter cette substitution de motif ?
On sait que parmi les techniques dont dispose le juge de cassation, la substitution de motifs constitue un procédé dit de "sauvetage" lorsque "la motivation de la décision attaquée donne lieu à critique", et qu'on "peut s'interroger" "sur la pertinence" des motifs retenus en appel (6). La Cour de cassation approuve, ainsi, la solution retenue (un accord collectif pouvait mettre un terme à l'avantage), mais pas le refus de qualifier celui-ci d'avantage de retraite en raison des modalités de son versement.
Deux interprétations peuvent dès lors être proposées.
La première conduirait à fonder la substitution de motif sur la qualification même d'avantage de retraite qui serait ici, purement et simplement, abandonnée. Même si cette explication nous conviendrait parfaitement, tant il nous semble que cette qualification est inappropriée en dehors des prestations servies dans le cadre des régimes de retraite (7), il nous semble que la Cour se serait montrée plus explicite. Par ailleurs, ayant confirmé l'existence même de cette catégorie juridique en 2011, un tel revirement serait surprenant.
Une seconde explication, plus raisonnable, doit certainement être privilégiée. La substitution tiendrait au fait que, pour la Chambre sociale, un avantage de retraite peut être qualifié, même s'il est procuré indirectement au salarié par le biais de la prise en charge, directement auprès de l'organisme, d'une cotisation. L'argument soulevé par le demandeur était donc exact, et nous pensons qu'il l'était, mais la Cour était soucieuse de revenir sur le principe d'intangibilité, d'où le sauvetage de l'arrêt.
Du sort du prétendu principe d'intangibilité des avantages de retraite. Si la Cour a ressenti le besoin de procéder par substitution de motif, c'est donc pour conforter la solution et permettre aux partenaires sociaux de supprimer de tels avantages.
Il ne s'agit pas, à proprement parler, d'un revirement de jurisprudence, dans la mesure où la Haute juridiction n'avait pas clairement affirmé le contraire. Elle avait simplement indiqué qu'une fois les retraites liquidées, l'avantage ne pouvait plus être dénoncé unilatéralement par l'employeur, celui-ci s'étant, en quelque sorte, engagé à les verser à titre viager (8). Cette fois-ci, la solution conduit à valider la suppression de ces avantages, par application du régime général des usages et de la règle qui veut qu'un accord collectif d'entreprise conclu postérieurement sur le même objet, se substitue de plein droit aux dispositions prévues par l'usage (9), y compris lorsqu'il instaure un régime de retraite complémentaire (10).
Il est, d'ailleurs, intéressant d'observer que dans ses motifs, la Cour de cassation prend la peine de rappeler que les syndicats ont vocation à défendre aussi les intérêts des retraités, en tant qu'anciens salariés, ce qui justifie que les accords puissent produire des effets également à leur égard (11). Les partenaires sociaux ayant choisi de mettre un terme à l'avantage consenti par l'employeur à tous, actifs comme retraités, il aurait, par ailleurs, été incongru que l'accord produise effet pour les uns, et pas pour les autres (12).
Portée de l'affirmation. S'il apparaît nettement que ce genre d'avantages de retraite peuvent désormais être modifiés, ou supprimés, par voie d'accord d'entreprise et en même temps que ceux qui sont accordés aux actifs, on peut s'interroger sur le droit qu'aurait l'employeur de les dénoncer unilatéralement, comme il peut le faire pour tout avantage résultant d'un usage ou d'un engagement unilatéral.
La solution admise dans cette décision ne concerne certainement que l'hypothèse de la suppression des avantages résultant de la négociation collective, et du pouvoir normatif reconnu à des partenaires sociaux revigorés par la réforme de la démocratie sociale, à défaut de règle posée par la Haute juridiction ayant un spectre plus large (13). Il faudra toutefois attendre d'autres décisions pour s'en assurer.
Reste qu'on ne comprendrait pas que la Cour ne revienne pas sur les solutions refusant la dénonciation unilatérale des avantages. La seule explication rationnelle admise antérieurement était tirée du caractère viager de l'avantage, ce qui interdirait la résiliation anticipée. Dès lors qu'un accord collectif peut y mettre un terme anticipé, conformément aux règles du régime commun des usages, alors pourquoi ne pas le permettre par décision unilatérale, comme pour tout usage ou engagement unilatéral ?
(1) Cass. soc., 30 novembre 2004, n° 02-45.367, FS-P+B (N° Lexbase : A1245DET) ; Dr. soc., 2005, p. 327, et nos obs. ; Travail et Protection sociale, 2005, comm. 7 ; RJS, 2005, n° 246 ; SSL, n° 170 du 21 juin 2005, note S. Pélicier-Loevenbruck ; Les échos, 2 juin 2005.
(2) "Le versement volontaire par l'employeur d'une prime dite de milieu d'année postérieurement à la mise en retraite du salarié entraîne la transformation de la prime versée pendant la période d'activité en un avantage de retraite".
(3) "Dès lors, la dénonciation de l'usage instituant la prime ne remet pas en cause cet avantage après la liquidation de la retraite".
(4) Cass. soc., 17 mai 2011, n° 10-17.228, FS-P+B (N° Lexbase : A2560HSM) : v. nos obs, Contribution en clair-obscur de la Cour de cassation à l'identification des avantages de retraite, Lexbase Hebdo n° 442 du 2 juin 2011 - édition sociale (N° Lexbase : N3036BSA) ; JCP éd. S, n° 31, 2 août 2011, p. 1378, note A. Jeansen.
(5) Cass. soc., 12 mai 2009, n° 07-44.625, F-D (N° Lexbase : A9716EGX) : v. nos obs., De la prétendue intangibilité des avantages de retraite, Lexbase Hebdo n° 353 du 4 juin 2009 - édition sociale (N° Lexbase : N6315BK4) ; Dr. soc., 2009, p. 1262, obs. P. Langlois ; JCP éd. S, n° 38, 15 septembre 2009, p. 1409, note G. Vachet.
(6) A. Perdriau, "La pratique des arrêts civils de la Cour de cassation. Principes et méthodes de rédaction", Litec, 1993, n° 1007 et 1008.
(7) En ce sens, notre étude dans Lexbase Hebdo n° 442 du 2 juin 2011 - édition sociale, préc..
(8) Cass. soc., 30 novembre 2004, n° 02-45.367, FS-P+B, préc. ; Cass. soc., 12 mai 2009, n° 07-44.625, F-D, préc.. Lire l'analyse de S. Pélicier-Loevenbruck, préc..
(9) Cass. soc., 25 janvier 1995, n° 90-45.796 (N° Lexbase : A1809AAA) ; Cass. soc., 9 juillet 1996, n° 94-42.773 (N° Lexbase : A2144AAN) ; Cass. soc., 14 mars 2000, n° 98-40.545, publié (N° Lexbase : A6326AGE) (usage) ; Cass. soc., 8 janvier 2002, n° 00-12.252, FS-P (N° Lexbase : A7654AXR) (usage) ; Cass. soc., 26 janvier 2005, n° 02-47.507, F-P+B (N° Lexbase : A2964DGU).
(10) Cass. soc., 1er octobre 2003, n° 02-30.337, FS-D (N° Lexbase : A6694C9S).
(11) Cass. soc., 23 novembre 1999, n° 97-18.980, publié (N° Lexbase : A7031DTL) : "selon l'article L. 411-7 du Code du travail [alors applicable N° Lexbase : L6309ACN], les personnes qui ont cessé l'exercice de leurs fonctions peuvent adhérer à un syndicat professionnel, et retenu à bon droit, d'une part, qu'en vertu des dispositions combinées des articles L. 131-2 (N° Lexbase : L6963G9R) et L. 132-1 (N° Lexbase : L5292ACY) du même Code, la convention collective a vocation à traiter de l'ensemble des conditions d'emploi et de travail des salariés et de leurs garanties sociales, ce qui inclut leurs retraites, d'autre part, qu'en application de l'article L. 731-1 du Code de la Sécurité sociale alors applicable (N° Lexbase : L8115C4C), les régimes complémentaires de retraite ou de prévoyance sont créés et modifiés par voie d'accord collectif interprofessionnel, professionnel ou d'entreprise, la cour d'appel en a justement déduit que les syndicats professionnels, qui ont qualité pour représenter les retraités, ont, dans la limite des pouvoirs qu'ils tiennent des textes précités, valablement conclu les accords litigieux".
(12) La question de la conformité au principe d'égalité de traitement pourrait même se poser, au regard de la nature de l'avantage en cause, même s'il faut admettre qu'actifs et retraités ne se trouvent pas dans la même situation.
(13) Cass. soc., 30 novembre 2004, n° 02-45.367, FS-P+B, préc. ; Cass. soc., 12 mai 2009, n° 07-44.625, F-D, préc. : "dès lors que la prime exceptionnelle, qui était versée postérieurement au départ à la retraite du salarié, constituait un avantage de retraite, la dénonciation de l'engagement unilatéral instituant la prime ne remettait pas en cause cet avantage après la liquidation de la retraite".
Décision
Cass. soc., 20 mai 2014, n° 12-26.322, FS-P+B+R (N° Lexbase : A5081MM7). Rejet (CA Paris, Pôle 2, 2ème ch., 6 avril 2012, n° 10/03135 N° Lexbase : A0990III). Textes concernés : régime des usages. Mots clef : avantage de retraite ; cotisations patronales ; usage. |
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Réf. : Cass. soc., 28 mai 2014, n° 12-28.082, FS-P+B (N° Lexbase : A6192MPZ)
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N2477BUB
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Le 10 Juin 2014
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Réf. : CE 5° s-s., 28 mai 2014, n° 369456, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A6370MPM)
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Le 07 Juin 2014
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