La lettre juridique n°554 du 16 janvier 2014

La lettre juridique - Édition n°554

Éditorial

Beau-parent : entre bon coeur et mauvaise fortune

Lecture: 3 min

N0212BUE

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication

Le 27 Mars 2014


J'aurais pu vous parler d'une mauvaise cuisine à base de "boulette de pâte" allemande, mais d'autres se chargeront du nauséabond polémiste sauce Nantua, bien mieux que moi...

Aussi, me réfugierai-je dans la prospective, plus juridique que médiatique, à l'annonce d'un possible "statut du beau-parent". 1,5 million d'enfants mineurs et autant de beaux-parents, rien de moins, seraient dès lors concernés par une telle légalisation de leurs relations souvent compliquées au quotidien, parfois difficiles à gérer ou à épanouir.

C'est bien évidemment à l'occasion des réflexions en cours, sur l'élaboration d'une prochaine réforme du droit de la famille, que la question des relations beaux-parentales a ressurgi. "Sécuriser le rôle de l'adulte et le positionnement de l'enfant", tel était la noble ambition avouée de Dominique Bertinotti, ministre déléguée, chargée de la Famille. Levée de boucliers immédiate : le droit de la famille et la famille même en général ne supporteraient pas un tel affront à l'autorité parentale telle qu'elle est traditionnellement admise en France. Cette autorité ne se partage pas, tout juste se délègue-t-elle ; et à quel prix procédural ! La multiparentalité n'est pas de mise ; et le "mariage pour tous" n'y a rien changé : les associations concernées rappelant que l'homoparentalité n'induit pas la notion de beau-parent, mais celle de parent à part entière. Finalement, faire de l'autorité parentale la "conséquence des seuls liens affectifs, introduisant ainsi le trouble et l'ambiguïté dans l'identification de ses parents par l'enfant" serait une gageure ; mieux vaut rester sur le plan strictement juridique. Et, la création d'un statut du "tiers" serait un carcan trop étroit et inefficace pour résoudre les problèmes délicats rencontrés par les familles recomposées.

Alors, bien évidemment, c'est un enterrement de première classe auquel nous assisterons. Le ministère évoque, désormais, à moins d'un mois de la remise du fameux rapport qui donnera lieu à toutes les conjectures sur les prochaines réformes en la matière, "la mise à disposition d'une boîte à outils juridiques", fameuse allégorie que l'on sert, lorsque l'on veut "faire maigre". Une simplification de la délégation partage de l'autorité parentale serait à l'étude. Une délégation que l'on pourrait rompre facilement ; et, surtout, aucun droit de visite ou aucun droit de quelque sorte que ce soit ne perdurerait en cas de séparation entre le parent délégant et le beau-parent délégataire. Une solution de fortune en somme.

Pourtant, la question d'une reconnaissance juridique de la relation entre beau-parent et enfant n'est pas à prendre à la légère. Un mariage sur deux finit par un divorce : et, encore, un quart des couples ne sont pas mariés ! Aussi, la propension à la recomposition familiale est-elle prégnante. A l'heure où une étude de l'Insee, publiée le 9 janvier 2014, montre que les couples anticipent de plus en plus leur rupture en optant, devant notaire et sans tabou, pour le régime matrimonial de la séparation des biens, il ne serait pas inutile de se pencher, outre sur la famille homosexuelle, sur la famille de demain : de plus en plus recomposée, assurément. Si "la séparation des biens s'est décomplexée", peut-être, justement, est-ce parce que le regard porté par les nouvelles générations sur le couple et la famille a changé ? Ce faisant, leur regard sur l'exercice de l'autorité parentale, voire même sur l'exercice de la parentalité, a éventuellement changé, également. Hier, l'homoparentalité était inenvisageable, car juridiquement et sociologiquement "hérétique" ; demain, qu'en sera-t-il de la multiparentalité ?

Attention à ne pas perdre de temps, "avec du bricolage". On sait finalement ce dont le pacte civil de solidarité fut les prémices. En attendant, trois millions de personnes doivent gérer une situation complexe de tous les jours, sans existence légale de leurs relations, souvent, affectives. La vie maritale est un choix ; le Pacs fut un pis-aller pour nombre de couples homosexuels (manifestement) ; quelle amélioration tangible proposer aux beaux-parents et aux enfants élevés, aussi, par ces beaux-parents, ne serait-ce que par leur obligation de contribution au ménage ?

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Avocats

[Evénement] Avocat - Comment ?

Lecture: 14 min

N0042BU4

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par La rédaction

Le 16 Janvier 2014

Jean-Marie Burguburu, nouveau Président du Conseil national des barreaux (CNB) a ouvert les débats de la dixième assemblée générale extraordinaire de l'institution représentative des avocats, le 4 octobre 2013. Le thème de cette AGE était "Avocat, en France, en 2013". Et, le sous-titre "Pourquoi ? - Pour qui ? - Comment ?" : questions que le Président du CNB proposait d'aborder à travers trois tables rondes pour contribuer à y répondre. Les éditions juridiques Lexbase, présentes à cet évènement, vous proposent un compte-rendu de cette troisième table ronde.
Catherine Lesage, ancien membre du Conseil national des barreaux et ancien Bâtonnier du barreau de Nantes introduit cette table ronde en rappelant que c'est la liberté de l'avocat qui suscite la confiance du client, qui institue ce pacte implicite avec lui, qui lui permet de prendre la responsabilité de le renvoyer, après litige, dans un pacte social apaisé. Puis, elle propose un regard croisé, intergénérationnel, sur la pratique de l'avocat d'hier, d'aujourd'hui et de demain ; avec une question tacite : est-ce que les nouvelles technologies vont apporter à l'avocat plus de liberté encore ? Ou, au contraire, vont-elles le rendre dépendant d'une technique qui emporterait trop sur la forme par rapport au fond ?

Gérard Christol, ancien Vice-Président du Conseil national des barreaux et ancien Bâtonnier du barreau de Montpellier a l'impression d'avoir vécu trois siècles de la profession d'avocat. Ayant prêté serment en 1965, le palais de justice n'avait pas changé depuis des décennies, depuis le XIXème siècle, selon ces dires. Les avocats vivaient alors dans la douceur intra-utérine de l'enceinte des palais de justice. La clientèle était captive ; il y avait une culture semblable entre avocats et magistrats, loin des champs de compétences qu'il fallait conquérir ; il ne fallait surtout pas aller rendre visite, mais attendre patiemment que son autorité, sa compétence soient reconnues pour qu'on vienne vous voir. Cela a duré jusqu'à la suppression des avoués, en 1971. Cette réforme constitua, pour l'ancien Bâtonnier, le début du XXème siècle de l'avocat. A partir de la suppression des avoués devant le TGI, beaucoup ont été obligés de gérer leur cabinet, c'est-à-dire de commencer à s'intéresser à leur chiffre d'affaires, au secrétariat, au paiement des honoraires, à des choses "d'une vulgarité sans nom" ! Et, il a fallu commencer à faire de la procédure, s'occuper de payer les secrétaires ; c'était souvent l'avoué qui demandait l'argent ! Certes l'avocat le recevait, mais il ne se commettait pas à le demander ! Cette période s'est terminée avec la fusion entre les professions d'avocat et de conseil juridique en 1991 ; c'est pour, Gérard Christol, le début du XXIème siècle et celui du troisième millénaire.

Désormais, la profession d'avocat est en phase avec la société dans laquelle elle se trouve. Les avocats étaient, jusque là, relativement protégés des grands mouvements économiques, sociologiques, politiques, etc. Ils assuraient une défense depuis toujours, mais ils n'étaient pas encore sortis du palais de justice, selon l'ancien Bâtonnier de Montpellier. La grande difficulté réside alors à faire la difficile synthèse entre les nouveaux golden-boys et les disciples de l'Abbé Pierre ! Gérard Christol espère alors que les nouvelles technologies vont optimiser, vont accompagner ce qui constituait, pour lui, l'enracinement fondamental de l'existence et de l'équité de l'avocat : accompagner les solitudes. Pour lui, la profession va, désormais, aborder des chemins inconnus, sera condamnée à imaginer des avenirs avec des matériaux qu'elle ne possède même pas. Il faudra le faire avec des outils, des institutions, qui ne devront pas être, comme d'ailleurs toutes les institutions de ce pays, hors sol, c'est-à-dire peu ancrées dans la base ; il faudra aussi imaginer des concepts de gouvernance ou de mise en oeuvre des pouvoirs d'une façon radicalement différente de ce qui sont manipulés aujourd'hui ; mais en gardant à l'esprit que, dans les moments les plus difficiles, l'avocat est celui qui dit à l'homme seul : "je suis là et je t'accompagne".

Pour Clarisse Berrebi, Présidente de la Commission intranet et nouvelles technologies du Conseil national des barreaux, la profession connaît véritablement un choc de cultures. La ligne verte et la ligne rouge sont deux symboles très représentatifs de ce que les avocats vivent aujourd'hui. Aux extrêmes se trouvent les ultra-connectés, ceux qui acceptent un monde où finalement on ne voit pas tout ce qui existe et que, peut-être, il existe des choses qu'on ne voit pas, qu'on ne matérialise pas, qu'on ne touche pas ; c'est le monde de la dématérialisation. Ces avocats s'accommodent parfaitement d'un environnement totalement virtuel, immatériel ; ils se sentent tout à fait avocat, tout à fait dans l'exercice de leur profession ; ils travaillent peut-être dans des cabinets virtuels, sur des dossiers virtuels, ils envoient des courriers virtuels, ils ont même quelques fois des clients virtuels, et peut-être bientôt seront-ils payés en monnaie virtuelle. De l'autre côté de ce prisme extrême, il y a les totalement déconnectés, ceux qui ont refusé les technologies, qui ne préfèrent pas en entendre parler, qui ne se sentent pas à l'aise avec ces concepts, qui préfèrent ce qu'ils touchent, ce qui existe, ce qui est concret, et qui sont donc à l'aise dans un environnement différent. Et au milieu, il y a la grande majorité de la profession, qui hésite un peu entre les deux, qui a une boite mail mais qui imprime quand même dans le dossier ; qui a un site internet, mais c'est quand même une plaquette virtuelle assez statique ; qui a un serveur mais qui s'envoie des mails à la maison pour pouvoir travailler sur ses dossiers ; qui a un système de vidéo-conférences, qui l'utilise quand même de temps en temps, mais qui préfère serrer la main de ses clients... Et, c'est ce croisement entre la ligne verte et la ligne rouge que la profession doit faire. Prendre le chemin vert ou le chemin rouge ? Telle est la question, selon Clarisse Berrebi.

Si on imagine bien l'intelligence numérique, on a très peur de la déshumanisation. Or, pour la conférencière, on peut s'approprier les nouvelles technologies sans perdre en Humanité. Au contraire même, elle estime que les avocats seront justement capables d'instiller dans ce système l'Humanité qui lui manque encore. Pour la Présidente de la Commission intranet et nouvelles technologies du Conseil national des barreaux, il y a deux façons de voir les choses. La première est de simplement récupérer les nouvelles technologies comme un simple outil, pour essayer de faire une production maigre, pour gagner un maximum d'argent ; on utilise les nouvelles technologies pour travailler de plus en plus vite, pour accélérer les procédures, créant l'avocat automate. Ce sont les technologies qui sont inspirées de certains ouvrages comme celui de Richard Susskind qui provient du Legal services act de 2007 où l'on dit "il faut rationaliser les services, les productions". En fait, profondément, internet et les nouvelles technologies ont modifié l'approche de l'espace et du temps. Aujourd'hui, c'est le tout, tout de suite, et le tout, tout le temps. Il n'y a pas de jour, il n'y a pas de nuit, il n'y a pas de moment, on fait ce qu'on veut quand on veut, on peut aller acheter des choses sur internet on peut tout faire. Et, c'est cela la véritable révolution de l'économie numérique. C'est dans cette bascule que les avocats doivent s'insérer. Internet est loin d'être un simple outil où l'on pose une plaquette statique, mais est un véritable territoire. Selon l'avocate conférencière, ce territoire a, aujourd'hui, besoin de se réguler et évidemment l'avocat, avec sa déontologie, doit être présent sur ce territoire. C'est cette vision des technologies qu'elle porte.

Très simplement, les nouvelles technologies permettent une véritable circulation de l'information. Aujourd'hui, on sait que ce qu'on croyait autrefois être une forme de pouvoir, la détention de l'information, est totalement perdue. L'information circule sur le web de façon extrêmement rapide, tout le monde y a accès. Cette ouverture à l'information a profondément changé l'approche des clients, des collaborateurs, des stagiaires, des avocats eux-mêmes à l'environnement. C'est la rapidité de circulation de l'information qui va permettre de changer la profession. C'est le concept d'influence sur internet, pour Clarisse Berrebi. La plus-value de l'avocat n'est plus vraiment le savoir, l'information, mais de travailler en équipe, d'être capables de faire du collaboratif, finalement d'être un grand chef de projets qui va être capable de connecter très vite des professions très différentes, voire dans la même profession, de faire travailler des hyper-experts sur des sujets, ou à d'autres moments d'être soi-même hyper-expert dans un autre projet. Les problèmes ne seront plus réglés d'une façon linéaire, mais d'une façon foisonnante. Et foisonnante ne veut pas dire déstructurée, selon la Présidente de la Commission intranet et nouvelles technologies du Conseil national des barreaux. C'est cette peur de la déstructuration qui fait que les avocats ne s'approprient pas les usages des nouvelles technologies ; donc c'est bien l'intelligence collective qui permettra aux clients de résoudre leurs problématiques beaucoup plus vite. Du coup, l'avocat est capable de rendre un service de meilleure qualité, à plus forte valeur ajoutée et de façon moins coûteuse. A titre d'exemple, il existe aujourd'hui déjà des moyens de faire de la prestation juridique en ligne et qui démontre que l'avocat est capable de rendre un service, de prester son exercice en fait de droit directement en ligne avec des clients qui auront préalablement payés sur internet. Donc la prestation juridique en ligne, prévue par l'article 6-6 du RIN, existe déjà et ce genre de prestation qui répond à une demande des justiciables et des personnes va se développer, selon l'avocate.

Enfin, communiquer sur internet a complètement modifié la façon de travailler des avocats. Aujourd'hui les clients viennent encore par relations ; cela n'a pas changé, cela n'a pas évolué. Mais, c'est encore une appréhension de le faire dans un environnement qui n'est pas matérialisé qui pose problème. Pour la conférencière, il faut s'insérer dans les conversations web ; c'est à l'avocat de s'intéresser aux gens, à leur conversation et à leur apporter sa valeur ajoutée au-delà de la simple information, tout en y faisant entrer une part d'humanité, une part de déontologie, une part d'avantage concurrentiel de façon extrêmement forte.

Pour Catherine Lessage, il convient dès lors d'aborder la capacité des avocats à changer de comportement. Et, l'approche des modes alternatifs de règlements de conflits doit justement tester leur capacité à changer. Car avant de pouvoir faire en sorte que les clients acceptent d'aller vers ces modes alternatifs, encore faut-il que les avocats eux-mêmes soient instruits de la chose, selon l'ancien Bâtonnier de Nantes. Or, si la procédure participative est réservée aux avocats, c'est grâce à la capacité de confiance que les avocats peuvent donner à leurs clients au travers notamment de leur déontologie. Aussi, il faut se déshabiller de certaines habitudes, même si c'est plus facile, dans un domaine de compétence que l'on maîtrise, de dicter rapidement une assignation et de satisfaire un client, que d'essayer de le convaincre qu'il y a d'autres modes, qu'il va falloir qu'il se mette à l'intérieur de ce mode pour y participer directement, qu'il s'approprie le litige, qu'il s'approprie la différence.

Pour Andréanne Sacaze, ancien membre du CNB et ancien Bâtonnier du barreau d'Orléans, il faut convaincre les avocats, pour que, la conviction chevillée au corps, ils apportent à leur clientèle, dans les années à venir, les bonnes solutions à leurs conflits. Il faut, dès lors, reconstruire l'économie de l'intelligence et de la créativité. Et, à travers les modes alternatifs de règlement des conflits, l'avocat va faire de l'ingénierie avec de l'humanité, de telle sorte de bien comprendre le fil conducteur de la solution que les clients souhaitent obtenir et, ensuite, dans un dialogue construit et apaisé, essayer de trouver un accord. Le combat que la profession a mené pour obtenir notamment la procédure participative à la suite de la commission "Guinchard" est un plus qui permet d'aller vers les autres, avec toute l'humanité dont les avocats sont capables, avec l'éthique, la déontologie, comme épine dorsale. Enfin, c'est l'acte d'avocat qui viendra concrétiser ce nouvel accord. Finalement, la procédure participative est une technique comme une autre. Elle est régie par un décret, qui donne le cheminement ; et, à partir du moment où l'avocat aura pris ses réflexes comme il l'a fait pour plaider devant une juridiction, il n'aura plus aucune crainte.

Pour Hélène Lacombe, Journaliste à LCI, peut-être l'arbitrage fait-il moins peur. Mais, n'est il pas trop confidentiel, chasse gardée de certains avocats qui le pratiquent ?

Selon Geneviève Augendre, Présidente de l'association française de l'arbitrage, ce dernier est confidentiel et c'est une de ses qualités. Mais de là à considérer qu'il est mystérieux, c'est une erreur. Il est souvent mal connu, il a été ces temps derniers mal mené, mais peut-on pour un avocat parler d'exercer autrement lorsqu'on s'intéresse à l'arbitrage ? Elle ne le pense pas. Parce que c'est tout à fait dans la vocation de l'avocat que d'intervenir dans une procédure d'arbitrage. En tant que conseil, il faut convaincre ; la première conviction à faire passer c'est, lorsque cela apparaît nécessaire, d'introduire dans le contrat lui-même une convention d'arbitrage. Et, cette convention d'arbitrage interviendra d'autant plus facilement dans un domaine international où l'arbitrage est absolument inévitable, puisque qu'aucune des parties n'aura envie d'aller plaider dans le pays de l'autre. Un avocat devant un tribunal arbitral plaide la cause de son client ; son rôle est un tout petit peu différent de celui qui sera le sien devant une juridiction étatique, parce que la procédure est un peu différente ; mais au lieu de rédiger des conclusions et une assignation, il rédigera une demande d'arbitrage et de mémoire, il plaidera. Il plaidera certes d'une manière un peu différente parce que, dans l'arbitrage, la procédure est entièrement écrite. Donc, on ne plaide pas l'affaire devant un tribunal arbitral, on plaide des éléments de l'affaire qui peuvent être de nature à convaincre le tribunal arbitral de la thèse que l'on défend. La Présidente de l'association française de l'arbitrage rappelle, toutefois, qu'il y a un peu de déviation dans le rôle de l'avocat en matière d'arbitrage, c'est l'audition des témoins. On entend plus de témoins devant les juridictions de l'ordre judiciaire ; mais, en arbitrage c'est très important, et il faut savoir faire venir des témoins, les préparer à leur audition, ce qui désormais est autorisé par le règlement intérieur et savoir les "cross examiner". Il suffit simplement de très bien connaître son dossier et de poser aux témoins les questions qui pourront servir la thèse de son client. Même en arbitrage, l'avocat qui intervient a intérêt à s'informer de la procédure d'arbitrage, parce que cela ne s'improvise pas. Mais, pour Geneviève Augendre, ce qui dans l'arbitrage est tout à fait exaltant, c'est d'être arbitre. L'arbitre est généralement choisi par le conseil d'une partie, il peut aussi l'être par une partie, en fonction de sa compétence, de sa disponibilité, de la confiance que les parties vont avoir dans cet arbitre choisi et qui va rendre la justice, exactement comme le rendrait un tribunal étatique. Ce choix se fait de façon tout à fait libre, il n'y a pas de liste d'arbitres. Mais il doit être disponible, il doit aussi faire une déclaration, dès qu'il est nommé, d'indépendance et d'impartialité. Le décret de 1991 qui a à nouveau codifié l'arbitrage, qui une première fois l'avait été en 1980 pour l'arbitrage interne, et en 1981 pour l'arbitrage international, est venu renforcer l'obligation déclarative de l'arbitre au regard de tout ce qui aux yeux des parties pourrait apparaître comme étant susceptible de porter atteinte à son indépendance ou à son impartialité. Il faut révéler tous les liens que l'on a pu avoir avec une partie bien sûr, avec l'avocat d'une partie, avec les autres arbitres, de façon à donner la garantie d'une impartialité et d'une indépendance totales. Si il est révélé que des liens avaient existé, par exemple, entre un arbitre et un avocat, cela est sans importance à partir du moment où les parties le savaient, et où elles ont accepté, qu'en dépit de la révélation de ces liens elles ont pu admettre que l'arbitre soit désigné. L'arbitre doit être à la disposition des parties, c'est-à-dire qu'il doit avoir une disponibilité totale, un agenda libre, pour pouvoir se déplacer souvent dans le monde entier pour assister à des audiences et pour répondre aux besoins de cet arbitrage.

Il convient, enfin, de distinguer l'arbitrage ad hoc de l'arbitrage institutionnel. Dans l'arbitrage ad hoc, toute la procédure est organisée entièrement par les parties ; elles peuvent l'organiser conformément à un règlement préexistant, mais il n'y a pas derrière d'institution qui vienne jouer le rôle de filet pour rattraper ce qui pourrait survenir en cours de procédure. L'institution a ce double rôle de nommer le tribunal arbitral, de vérifier les déclarations d'indépendance, éventuellement de procéder à l'examen des demandes de récusations, de suivre la procédure d'arbitrage et surtout, c'est un élément important, de notifier la sentence arbitrale. Cette notification est importante car la cour d'appel de Paris annulera une sentence arbitrale au motif qu'elle a été rendue hors délai. Or, c'est le cas que l'on rencontre le plus fréquemment dans les arbitrages ad hoc : les arbitres font un bel acte de mission, ils décident que la sentence devra être rendue avant telle date, et ils oublient. Et, "une sentence rendue après l'expiration du délai conventionnel encourt l'annulation pour non-respect de sa mission par l'arbitre sans qu'il ait à justifier de grief ".

Pour Catherine Lesage, beaucoup de domaines peuvent être arbitrés par un tribunal arbitral composé d'un avocat, d'un technicien, d'un universitaire au besoin. Un jour, les clients diront à leurs avocats, à juste titre : "dites-moi, vous auriez pu me dire, plutôt que le judiciaire, qu'il y avait l'arbitrage ! Qu'il y avait le droit collaboratif ! Qu'il y avait la médiation ! La procédure participative ! Pourquoi ne me l'avez-vous point dit ?". Ces "nouvelles" procédures doivent faire partie de l'escarcelle de l'avocat, qui doit d'abord essayer de se former.

Selon Andréanne Sacaze, en droit de la famille, dès l'instant où l'on parle aux clients de dialogue, d'apaisement, de recherche d'un accord constructif, qui leur permettent d'avoir une certaine pérennité dans le temps, notamment dans le relationnel avec les enfants, sur le patrimoine à négocier tout de suite, c'est-à-dire dès l'instant où on leur propose une solution clé en main très vite, qui les fait participer, ils adhèrent. Les clients sont informés. Ils vont sur internet et ils ont déjà une approche de leur dossier. Et, ils pensent qu'ils ont derrière la clé pour la solution eux-mêmes. Et l'avantage d'une procédure participative assistée par avocat, ce sera le cadrage juridique de l'homme de loi. L'ancien Bâtonnier du barreau d'Orléans pense également que, demain, la responsabilité des avocats sera engagée parce qu'ils n'auront pas fait de propositions pour un mode alternatif.

Sur l'acte d'avocat, la représentante du Medef a exprimé le fait que les entreprises n'en voyaient pas l'utilité. Elle a opposé deux éléments, enfin surtout un, le prix, alors qu'en réalité ce devrait être le même prix parce que tous nos actes sont des actes d'avocat, selon Clarisse Bérrebi. Pour l'avocat, c'est plutôt un problème de responsabilité. Il s'imagine, là aussi à tort, que ça modifie sa responsabilité, alors que sa responsabilité, à partir du moment où il est rédacteur d'acte, est engagée. Le véritable problème est, selon la Présidente de la commission Nouvelles technologies du CNB, celui de la conservation de l'acte d'avocat. Or, depuis 1980, existe la notion de copie fidèle et durable (C. civ., art. 1348, alinéa 4). Si on numérise un document dans des conditions de fidélité et de durabilité, on peut le conserver et détruire l'original. Et, depuis 2000, l'acte numérique est totalement valable. Donc, l'acte rédigé sur un support numérique, signé numériquement et conservé numériquement est valable. Il y a cadrage juridique aujourd'hui, mais l'entreprise ne se l'est pas encore approprié, parce qu'il y a une confiance dans la matérialité du papier. Pour Clarisse Berrebi, à partir du moment où on va avoir une vague qui dira "on arrête parce que cela coûte trop cher de conserver ce papier", là tout à coup l'acte d'avocat va avoir une autre allure, car aucun autre acte ne pourra s'affranchir des mentions manuscrites.

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Durée du travail

[Brèves] Travail de nuit : transmission d'une QPC

Réf. : Cass. soc., 8 janvier 2014, n° 13-24.851, FS-P+B (N° Lexbase : A2002KTC)

Lecture: 1 min

N0218BUM

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Le 16 Janvier 2014

La Chambre sociale de la Cour de cassation transmet au Conseil constitutionnel, dans un arrêt du 8 janvier 2014 (Cass. soc., 8 janvier 2014, n° 13-24.851, FS-P+B N° Lexbase : A2002KTC), une QPC concernant les conditions légales de recours au travail de nuit.
Dans cette affaire, à la suite de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris le 23 septembre 2013 (CA Paris, n° 12/23124 N° Lexbase : A5341KLE), lui ayant interdit de recourir à l'emploi de salariés après vingt et une heures, faute de satisfaire aux conditions de l'article L. 3122-32 du Code du travail (N° Lexbase : L0388H9A), une société relevant du secteur de la parfumerie et des cosmétiques a, à l'occasion du pourvoi formé contre cette décision, demandé à la Cour de cassation de transmettre au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité. La société demande si les dispositions des articles L. 3122-32, L. 3122-33 (N° Lexbase : L0389H9B) et L. 3122-36 (N° Lexbase : L0392H9E) du Code du travail, en ce qu'elles fixent les conditions légales de recours et de mise en oeuvre du travail de nuit, méconnaissent les principes garantis par la Constitution, notamment le principe constitutionnel de clarté et de précision de la loi.
La Cour de cassation juge que cette question présente un caractère sérieux et décide de la transmettre au Conseil constitutionnel (sur la définition du travail de nuit, cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E0575ETH).

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Fiscalité des entreprises

[Chronique] Chronique de droit fiscal des entreprises - Janvier 2014 (Spéciale loi de finances pour 2014 et loi de finances rectificative pour 2013)

Réf. : Loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013, de finances pour 2014 (N° Lexbase : L7405IYW) et loi n° 2013-1279 du 29 décembre 2013, de finances rectificative pour 2013 (N° Lexbase : L7404IYU)

Lecture: 4 min

N0235BUA

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par Frédéric Dal Vecchio, Avocat à la Cour, Docteur en droit, Chargé d'enseignement à l'Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines

Le 16 Janvier 2014

Lexbase Hebdo - édition fiscale vous propose, cette semaine, de retrouver la chronique d'actualité en droit fiscal des entreprises réalisée par Frédéric Dal Vecchio, Avocat à la Cour, Docteur en droit et Chargé d'enseignement à l'Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, portant sur quelques dispositions de la loi de finances pour 2014 (loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013, de finances pour 2014 N° Lexbase : L7405IYW) et à la loi de finances rectificative pour 2013 (loi n° 2013-1279 du 29 décembre 2013, de finances rectificative pour 2013 N° Lexbase : L7404IYU). Ces derniers textes n'ont pas consacré la contribution sur l'excédent brut d'exploitation (EBE) que Bercy aurait voulu faire adopter eu égard à la volatilité toujours plus importante de la base imposable dans une économie immatérielle. Cette nouvelle imposition, qui aurait dû frapper le solde intermédiaire de gestion le plus représentatif de la santé économique de l'entreprise, puisqu'il porte sur la valeur ajoutée augmentée des subventions mais diminuée des rémunérations, des charges salariales et de certains impôts, a fait l'objet de vives protestations de la part des institutions représentatives des entreprises, dont seules celles ayant un chiffre d'affaires égal ou supérieur à 50 millions d'euros auraient été concernées. Le ballon d'essai s'étant perdu dans les coursives du Parlement, il a finalement été décidé de relever la contribution exceptionnelle à la charge des grandes entreprises -initialement applicable jusqu'au 31 décembre 2013 puis prorogée de deux ans- portée de 5 % à 10,7 % pour les exercices clos à compter du 31 décembre 2013 (CGI, art. 235 ter ZAA N° Lexbase : L0951IZA). Dans le cadre de notre chronique, seront évoqués :

- la taxe exceptionnelle de solidarité sur les hautes rémunérations versées par les entreprises ;
- le soutien au capital-investissement des PME innovantes.

  • Taxe exceptionnelle de solidarité sur les hautes rémunérations en 2013 et 2014 (loi de finances pour 2014, art. 15)

La solidarité est -à nouveau- mise à l'honneur pour justifier l'instauration "temporaire" d'une nouvelle taxe après l'échec, en 2012, de la mise en oeuvre d'une des promesses électorales du candidat François Hollande : la taxe de 75 % sur les rémunérations dépassant le seuil de un million d'euros par an. Précisons toutefois que cet échec était relatif puisque, d'une part, la presse internationale (1) assure une publicité soutenue à cette disposition fiscale dans un monde virtuel où l'information circule librement ; d'autre part, en 2013, le législateur a tiré les enseignements de la précédente censure du juge constitutionnel (Cons. const., décision n° 2012-662 DC du 29 décembre 2012 N° Lexbase : A6288IZW), qui avait considéré que l'égalité devant les charges publiques avait été méconnue puisque l'ancienne mouture ignorait la notion de foyer fiscal que l'on connaît en matière d'impôt sur le revenu.

C'est ainsi que, pour la part des rémunérations individuelles excédant un million d'euros attribuées en 2013 et en 2014, le champ d'application apparaît comme étant particulièrement large puisque sont concernés les entreprises individuelles, les personnes morales et les sociétés, groupements ou organismes non dotés de la personnalité morale qui exploitent une entreprise en France.

Nos lecteurs, qui ont connu le nirvana de la liquidation du droit à restitution des impôts directs, également appelé "bouclier fiscal" (CGI, anc. art. 1er N° Lexbase : L9234HZZ et 1649-0 A N° Lexbase : L4850IQP), se rappellent sans doute des multiples précautions prises par l'administration fiscale lorsqu'il a fallu déterminer la notion de revenu, renvoyant le lecteur à une certaine perplexité, si ce n'est un certain désarroi.

Avec un peu d'infortune, il faudra à nouveau être d'une grande patience, doublée d'une sérénissime sagesse, pour comprendre cette notion de rémunération -indispensable à la liquidation de la taxe- sous la plume de l'administration fiscale, lorsque les commentaires seront publiés au BoFiP.

C'est ainsi, sans être exhaustif, que la taxe sera assise sur le montant brut admis en déduction du résultat imposable :

- des traitements, salaires ou revenus assimilés ainsi que tous les avantages en argent ou en nature ;
- les jetons de présence ;
- les pensions, compléments de retraite, indemnités, allocations ou avantages assimilés attribués en raison du départ à la retraite ;
- l'épargne salariale ;
- les attributions d'options de souscription ou d'achat d'actions ;
- les attributions gratuites d'actions ;
- les attributions de bons de souscription de parts de créateur d'entreprise.

Le taux de la taxe est fixé à 50 % et un plafonnement a été introduit à hauteur de 5 % du chiffre d'affaires réalisé l'année au titre de laquelle cette taxe est due. Exigible au 1er février 2014 et 2015, la taxe sera acquittée lors du dépôt d'une déclaration au plus tard le 30 avril 2014 et 2015.

S'agissant de la déductibilité de la taxe des résultats imposables, la loi a prévu qu'elle n'était pas admise concernant le calcul de la contribution exceptionnelle à la charge des grandes entreprises (CGI, art. 235 ter ZAA ; par ailleurs augmentée). On en déduira alors que cette taxe peut être déduite du résultat imposable des contribuables concernés.

S'agissant de la procédure fiscale, la taxe exceptionnelle sur les hautes rémunérations sera recouvrée et contrôlée selon les procédures, les sanctions, les garanties et privilèges applicables en matière de TVA. Il en sera de même des réclamations quant à leur instruction et le juge compétent sera administratif quant à l'assiette.

  • Capital-investissement dans les PME innovantes : amortissement exceptionnel (loi de finances rectificative pour 2013, art. 15)

Le droit fiscal français comporte certains dispositifs afin de soutenir l'innovation qui fait l'objet d'un enjeu économique de premier plan, notamment :

-le crédit d'impôt recherche (CGI, art. 244 quater B N° Lexbase : L1077IZW) ;
-le crédit d'impôt jeu vidéo (CGI, art. 220 terdecies N° Lexbase : L1153ITU) ;
-le dispositif propre aux jeunes entreprises innovantes (JEI) (CGI, art. 44 sexies-0 A N° Lexbase : L5675IXH ; CGI, art. 44 sexies A N° Lexbase : L1174ITN).

Ces dispositifs sont complétés par la loi de finances rectificative pour 2013, dont l'objectif est de permettre de renforcer le capital-investissement dans les PME innovantes (CGI, art. 217 octies N° Lexbase : L1598IZ9), entendues comme étant des PME (Règlement n° 800/2008 du 6 août 2008 N° Lexbase : L3848IGM) ayant leur siège dans un Etat membre de l'Union européenne (UE) ou dans un Etat membre de l'Espace économique européen (EEE), évitant ainsi toute discrimination entre les entreprises françaises et celles de l'UE ou de l'EEE.

C'est ainsi que les entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés éligibles au dispositif de l'article 217 octies du CGI ne doivent pas détenir directement ou indirectement plus de 20 % du capital ou des droits de vote de la PME innovante pendant toute la période d'amortissement. Il en est de même si ces sociétés sont liées (cf. CGI, art. 39, 12° N° Lexbase : L3894IAH).

Si cette condition est satisfaite notamment, ces entreprises pourront amortir, pendant cinq ans, les sommes versées pour la souscription en numéraire -et non en nature- au capital :

- des PME innovantes ;
- des parts ou actions de fonds communs de placement à risques, de fonds professionnels de capital investissement ou de sociétés de capital-risque.

La loi a toutefois prévu que toute cession, partielle ou totale, des titres amortis dans les deux ans de leur acquisition, ou bien dans l'hypothèse où les conditions requises par la loi ne seraient pas respectées, les amortissements pratiqués seraient réintégrés au bénéfice imposable pour un montant majoré.

Enfin, lors de la cession des titres objets de l'amortissement, la plus-value de cession sera imposée au taux de droit commun de 33,33 % à hauteur du montant de l'amortissement pratiqué.


(1) Newsweek, The fall of France, January 3rd, 2014. Certes, il ne s'agit pas d'une publication scientifique. Mais en s'adressant au plus grand nombre, dont des investisseurs potentiels qui peuvent décider de nous honorer de leur épargne d'un clic de souris, l'effet n'en est pas moins dévastateur auprès d'un public malheureusement ignorant des subtilités de notre législation fiscale, notamment.

newsid:440235

Fonction publique

[Brèves] Régime du placement du fonctionnaire en congé de longue durée après épuisement des droits à congé de longue maladie rémunéré à plein traitement

Réf. : CE 3° et 8° s-s-r., 30 décembre 2013, n° 361946, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A2427KT3)

Lecture: 1 min

N0244BUL

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Le 22 Janvier 2014

Le Conseil d'Etat apporte des précisions sur le régime du placement du fonctionnaire en congé de longue durée après épuisement des droits à congé de longue maladie rémunéré à plein traitement dans un arrêt rendu le 30 décembre 2013 (CE 3° et 8° s-s-r., 30 décembre 2013, n° 361946, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A2427KT3). Il résulte des dispositions du troisième alinéa du 4° de l'article 57 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale (N° Lexbase : L7448AGX), et de l'article 20 du décret n° 87-602 du 30 juillet 1987, relatif à l'organisation des comités médicaux, aux conditions d'aptitude physique et au régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux (N° Lexbase : L4961HD4), qu'un fonctionnaire ne peut être placé en congé de longue durée qu'après avoir épuisé ses droits à congé de longue maladie rémunéré à plein traitement. La période de congé de longue maladie à plein traitement doit être décomptée, lorsque ce congé a été attribué au fonctionnaire au titre de l'affection ouvrant droit ensuite au congé de longue durée, comme une période de congé de longue durée. La circonstance que l'agent ait pu reprendre son activité à l'issue du congé de longue maladie qui a précédé le placement en congé de longue durée est sans influence sur le décompte de la dernière année de congé de longue maladie accordée à plein traitement comme congé de longue durée. Par suite, en jugeant que l'imputation des droits à congé de longue maladie sur les droits à congé de longue durée ne trouvait pas à s'appliquer dans le cas où une période d'activité effective sépare la période de congé de longue maladie de la période du congé de longue durée, le tribunal administratif a commis une erreur de droit (cf. l’Ouvrage "Fonction publique" N° Lexbase : E0458EQZ).

newsid:440244

Libertés publiques

[Brèves] Le Conseil d'Etat valide l'interdiction du spectacle de Dieudonné

Réf. : CE référé, 9 janvier 2014, n° 374508 (N° Lexbase : A0741KTM), 10 janvier 2014, n° 374528 (N° Lexbase : A2082KTB), 11 janvier 2014, n° 374552 (N° Lexbase : A2516KTD)

Lecture: 1 min

N0249BUR

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Le 23 Janvier 2014

Le Conseil d'Etat valide l'interdiction du spectacle de Dieudonné par trois décisions rendues successivement les 9, 10 et 11 janvier 2014 (CE référé, 9 janvier 2014, n° 374508 N° Lexbase : A0741KTM, 10 janvier 2014, n° 374528 N° Lexbase : A2082KTB, 11 janvier 2014, n° 374552 N° Lexbase : A2516KTD). Le tribunal administratif de Nantes, saisi en référé par les avocats de l'humoriste, avait annulé l'arrêté du préfet de la Loire-Atlantique (TA Nantes, 9 janvier 2014, n° 1400110 N° Lexbase : A0742KTN) interdisant la représentation, au motif que ce spectacle contenait des propos de caractère antisémite, qui incitent à la haine raciale, et font, en méconnaissance de la dignité de la personne humaine, l'apologie des discriminations, persécutions et exterminations perpétrées au cours de la Seconde Guerre mondiale. L'arrêté se fondait sur le cadre juridique de la circulaire du ministre de l'Intérieur du 6 janvier 2014 (N° Lexbase : L2200IZI) faisant référence, notamment, aux arrêts "Benjamin" (CE, 19 mai 1933, n° 17413, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A3106B8K) et "Morsang-sur-Orge" (CE Ass, 27 octobre 1995, n° 136727, publié au recueil Lebon N° Lexbase : L2200IZI). Le 9 janvier 2014, le Conseil d'Etat avait annulé cette décision, estimant "que la réalité et la gravité des risques de troubles à l'ordre public mentionnés par l'arrêté du préfet étaient établis tant par les pièces du dossier que par les échanges lors de l'audience publique" et que les allégations selon lesquelles les propos pénalement répréhensibles et de nature à mettre en cause la cohésion nationale relevés lors des séances du spectacle "Le Mur" tenues à Paris ne seraient pas repris à Nantes ne suffisaient pas pour écarter le risque sérieux que soient de nouveau portées de graves atteintes au respect des valeurs et principes, notamment de dignité de la personne humaine, consacrés par la DDHC et par la tradition républicaine. Dans les ordonnances des 10 et 11 janvier 2013, le juge des référés a relevé que le risque de trouble à l'ordre public était constitué à Tours et à Orléans, estimant à chaque fois que le maire ne pouvait être regardé comme ayant commis une illégalité manifeste dans l'exercice de ses pouvoirs de police administrative en prononçant l'interdiction contestée.

newsid:440249

Procédure civile

[Brèves] La recevabilité de l'appel incident ou provoqué

Réf. : Cass. civ. 2, 9 janvier 2014, n° 12-27.109, F-P+B (N° Lexbase : A2050KT4)

Lecture: 1 min

N0228BUY

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Le 22 Février 2014

L'appel incident ou provoqué, même formé hors délai pour interjeter appel à titre principal, est recevable dès lors que l'appel principal est recevable, ne fût-ce que pour partie, en vertu de l'article 550 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L0372IGU). Tel est le rappel fait par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, dans un arrêt du 9 janvier 2014 (Cass. civ. 2, 9 janvier 2014, n° 12-27.109, F-P+B N° Lexbase : A2050KT4 ; cf. l’Ouvrage "Procédure civile" N° Lexbase : E5680EYZ). En l'espèce, une SCI a été condamnée par un tribunal de grande instance à payer certaines sommes à Mme P.. M. R. a été condamné par le même jugement à garantir la SCI des condamnations prononcées contre elle. Le jugement a été signifié à la requête de Mme P. à la SCI et à M. R., le 23 février 2011, et de nouveau le 14 mars 2011 à M. R. à la requête de la SCI. Le 4 avril 2011, M. R. a interjeté appel et intimé la SCI et Mme P.. Son recours a été déclaré irrecevable comme tardif en ce qu'il était dirigé contre cette dernière. Ensuite, la SCI a formé un appel incident provoqué contre Mme P.. Pour déclarer l'appel provoqué irrecevable, la cour d'appel a retenu qu'ayant laissé expirer le délai d'appel, ouvert par la signification du jugement effectuée à la requête de Mme P., la SCI ne pouvait plus que défendre contre l'appel principal dirigé contre elle par M. R. sans pouvoir prétendre au maintien dans la cause de Mme P.. A tort, selon la Cour de cassation, qui casse la décision sous le visa de l'article 550 du Code de procédure civile précité.

newsid:440228

Propriété

[Chronique] Chronique de droit des biens - Janvier 2014

Lecture: 19 min

N0217BUL

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par Guillaume Beaussonie, Maître de conférences en droit privé à l'Université François-Rabelais-Tours (CRDP-EA 2116 ; IEJUC-EA 1919), et Séverin Jean, Maître de conférences à l'Université Toulouse 1-Capitole (IEJUC-EA 1919)

Le 16 Janvier 2014

Lexbase Hebdo - édition privée vous propose, cette semaine, de retrouver la chronique trimestrielle en droit des biens, tenue par Guillaume Beaussonie, Maître de conférences en droit privé à l'Université François-Rabelais-Tours (CRDP-EA 2116), et Séverin Jean, Maître de conférences à l'Université Toulouse 1-Capitole (IEJUC-EA 1919). Au sommaire de cette nouvelle chronique de droit des biens, on retrouve classiquement le droit des servitudes, que celui-ci concerne le fonds d'un particulier (Cass. civ. 3, 15 octobre 2013, n° 12-19.563, F-P+B) ou, de façon moins orthodoxe, un monument historique (Cass. crim., 11 décembre 2013, n° 12-11.519, FS-P+B). Tout aussi classiquement, on constate une fois de plus qu'une expropriation peut poser des problèmes d'indemnisation (Cass. civ. 3, 4 décembre 2013, n° 12-28.919, FS-P+B). Quant à la privation de propriété à l'issue d'un procès pénal (peine de confiscation), la Chambre criminelle opère un rappel de bon sens (Cass. crim., 5 décembre 2013, n° 12-87.940, F-P+B). Enfin, dans un arrêt très original, la Cour de cassation a été amenée à se prononcer sur la nature juridique des sépultures (Cass. civ. 2, 17 octobre 2013, n° 12-23.375, F-P+B). I - Servitude et indemnisation
  • Lorsqu'une servitude de passage procède de la division conventionnelle d'un fonds, les propriétaires du fonds servant peuvent bénéficier d'une indemnité à la condition de ne pas avoir renoncé dans l'acte de partage à ladite indemnité (Cass. civ. 3, 15 octobre 2013, n° 12-19.563, F-P+B N° Lexbase : A1050KN9)

Lorsque le propriétaire d'un fonds ne dispose pas d'issue sur la voie publique ou lorsque celle-ci est insuffisante, il est en droit de solliciter une servitude pour cause d'enclave prévue aux articles 682 (N° Lexbase : L3280AB4) à 685-1 du Code civil. Plus encore, lorsque la servitude de passage relève de l'article 682 du code précité -sorte de droit commun-, le propriétaire du fonds servant peut obtenir en sus "une indemnité proportionnée au dommage [qu'il subit]". En revanche, lorsque le passage est fixé eu égard aux dispositions de l'article 684 du même code (N° Lexbase : L3282AB8), il semblait difficile d'admettre une telle indemnisation, faute d'être prévue par ce texte. Pourtant, la Cour de cassation, par un arrêt du 15 octobre 2013, autorise le propriétaire du fonds servant à obtenir ladite indemnité.

En effet, à la suite de la division, par partage, d'un fonds unique, le propriétaire de l'un des deux terrains issus de la division assigna les propriétaires, ainsi que le syndicat des copropriétaires de l'autre terrain, en fixation d'un droit de passage sur le fondement de l'article 684 du Code civil. La cour d'appel de Bastia, par un arrêt du 21 mars 2012, après avoir confirmé la fixation du droit de passage, rejeta la demande d'indemnisation formée par les propriétaires du fonds servant, au motif que l'obligation d'indemnisation n'existe que pour la servitude de passage résultant de l'état d'enclave prévue par l'article 682 du code précité. Dès lors, les magistrats du Quai de l'Horloge devaient s'interroger sur la possibilité d'allouer une indemnité sur le fondement de l'article 684 du Code civil. Ces derniers, au visa des articles 682 et 684 du même code, acceptèrent d'indemniser les propriétaires du fonds servant dans la mesure où "l'acte de partage n'avait pas pour effet de modifier le fondement légal de la servitude et ne contenait aucune renonciation [...] à la perception d'une indemnité".

On sait que l'article 684 du Code civil permet au propriétaire du fonds dominant, lorsque l'état d'enclave résulte de la division conventionnelle d'un fonds, de demander un passage, à la condition que celui-ci intervienne sur les terrains qui ont fait l'objet de la division. Cette disposition procéderait de deux idées : d'une part, il y aurait une sorte de garantie d'éviction entre les parties à l'acte de division, à l'image de celle prévue par l'article 1615 du Code civil (N° Lexbase : L1715AB7), mais qui jouerait au-delà de la vente, puisque la division peut procéder, par exemple, d'un échange ; d'autre part, il ne faut pas oublier, qu'à l'origine, le fonds disposait d'un accès à la voie publique, de sorte qu'il est fort naturel que les tiers à l'acte de division ne subissent pas de servitudes sur leurs terrains. Effectivement, à l'image de l'effet relatif des conventions, il apparaît logique de faire supporter exclusivement une telle charge sur l'une des parcelles issues de la division conventionnelle. Au-delà de l'essence de l'article 684 du code précité, on pourrait parfaitement adhérer à l'analyse de la cour d'appel.

A priori, on aurait ainsi pu penser que la servitude était d'origine conventionnelle, puisqu'elle procédait d'un acte de division d'un fonds unique. Dès lors, on peut comprendre le raisonnement des juges du fond qui refusèrent d'allouer une indemnité au profit des propriétaires du fonds servant au motif que seule la servitude de passage résultant de l'état d'enclave prévu par l'article 682 du Code civil ouvrait droit à indemnisation. Pourtant, les magistrats du Quai de l'Horloge battent en brèche cette analyse, considérant que l'acte de partage n'avait pas pour effet de modifier le fondement légal de cette servitude. En d'autres termes, les servitudes des articles 682 et 684 du code précité sont d'origine légale. En réalité, la nature légale de la servitude instituée par l'article 684 du Code civil n'est pas une nouveauté, puisque, depuis 1976 (1), la jurisprudence n'a pas cessé d'aller en ce sens (2). En se positionnant ainsi, la Cour de cassation offre la possibilité au propriétaire du fonds servant de demander au propriétaire du fonds dominant la perception d'une indemnité à l'image de celle instituée par l'article 682 du Code civil. Autrement dit, le jeu de l'article 684 du code précité permet au propriétaire du fonds servant de bénéficier des dispositions de l'article 682 du même code et notamment d'une indemnité.

En définitive, dès lors que le principe de l'indemnité est acquis, il ne reste plus qu'à en déterminer sa nature. Or, à cet égard, il n'y a pas de raison de considérer qu'elle doit s'entendre par référence à l'article 682 du Code civil. Ainsi, il est raisonnable d'estimer qu'elle devra être proportionnée au préjudice -mais rien qu'au préjudice- subi par le propriétaire du fonds servant. Reste que les magistrats du Quai de l'Horloge prennent soin de préciser que l'acte de partage ne contenait aucune renonciation des propriétaires du fonds servant à la perception d'une indemnité. Cette précision laisse entendre que la Cour de cassation reconnaît implicitement que l'indemnisation -contrairement à l'établissement de la servitude elle-même- relève du contrat. Aussi, il semblerait parfaitement possible de prévoir préalablement dans l'acte de division que le propriétaire du fonds servant renonce à toute indemnité.

Séverin Jean

II - Sépulture et commerce juridique

  • L'existence d'une sépulture n'a pas pour effet de rendre inaliénable et incessible la propriété dans laquelle celle-ci est située, la vente de cette dernière étant possible à la condition qu'il en soit fait mention dans le cahier des charges et qu'un accès soit réservé à la famille (Cass. civ. 2, 17 octobre 2013, n° 12-23.375, F-P+B N° Lexbase : A1010KNQ)

Une saisie immobilière peut-elle porter sur un fonds sur lequel se trouve une sépulture ? Si oui, est-il possible de procéder à son adjudication judiciaire ? Si oui, à quelles conditions ? Si l'on en croit l'arrêt rendu par la Cour cassation le 17 octobre 2013, les réponses à ces questions demeurent délicates en raison de la nature juridique, quelque peu déroutante, de la sépulture édifiée sur une propriété privée.

En l'espèce, à la suite d'une ordonnance prononçant la vente par voie d'exécution forcée portant sur un fonds sur lequel se situe une sépulture, le propriétaire contesta ladite ordonnance. La cour d'appel de Colmar, par un arrêt du 1er juin 2012, confirma l'ordonnance d'adjudication de l'immeuble litigieux. Le propriétaire forma alors un pourvoi en cassation au moyen "que les tombeaux et le sol sur lequel ils sont élevés, que ce soit [dans] un cimetière public ou dans un cimetière privé, sont en dehors des règles du droit sur la propriété et la libre disposition des biens et ne peuvent être considérés comme ayant une valeur appréciable en argent [de sorte qu'un] tombeau et le sol qui le supporte ne peuvent être l'objet d'une saisie immobilière". Par conséquent, l'adjudication judiciaire ne pouvait pas porter sur la totalité du fonds. La Cour de cassation rejeta malgré tout le pourvoi en considérant "que l'existence d'une sépulture n'a pas pour effet de rendre inaliénable et incessible la propriété dans laquelle celle-ci est située dont la vente amiable ou judiciaire est possible sous réserve qu'il soit fait mention dans le cahier des charges et qu'un accès soit réservé à la famille".

Sans vraiment qualifier juridiquement ladite sépulture, la Cour de cassation autorise, sous conditions, la vente du fonds bien que celui-ci soit, d'une certaine manière, grevé d'un bien particulier : une sépulture. Cet arrêt appelle trois séries d'observations : d'abord, sur la nature juridique de la sépulture ; ensuite, sur le régime juridique applicable à celle-ci ; enfin, sur les conditions à remplir pour pouvoir faire l'objet d'une vente.

Quelle est la nature juridique d'une sépulture ? Est-ce une chose ? Une chose hors commerce ? Est-ce un bien ? Peut-être faut-il partir du moyen au pourvoi pour proposer une qualification juridique. En effet, le demandeur au pourvoi arguait du fait que la sépulture n'avait pas de valeur appréciable en argent (3). Cet argument est, en réalité, peu convaincant, dans la mesure où l'extra-patrimonialité d'une chose ne fait pas obstacle à sa qualification de bien. Par ailleurs, l'article 1128 du Code civil (N° Lexbase : L1228AB4), invoqué au soutien du pourvoi, n'est pas plus séduisant puisque les sépultures peuvent très bien faire l'objet d'actes à titre gratuit comme, par exemple, une renonciation. Dès lors, la sépulture ne saurait être qualifiée de chose hors commerce (4). Aussi faut-il sans doute se tourner vers la solution des magistrats du Quai de l'Horloge qui, comme le souligne à juste titre Monsieur Gantschnig (5), en affirmant que "l'existence d'une sépulture n'a pas pour effet de rendre inaliénable et incessible la propriété dans laquelle celle-ci est située [...]", admettent implicitement l'inaliénabilité et l'incessibilité de la sépulture, sans quoi la question de l'aliénabilité du fonds ne se poserait aucunement. En définitive, on peut raisonnablement convenir qu'une sépulture constitue un bien, mais un bien particulier en ce qu'il est inaliénable et incessible. Les caractéristiques de ce bien ne doivent pas surprendre, dans la mesure où la sépulture appartient d'une certaine manière à toute la famille ou, tout du moins, lui profite. Aussi, si la qualification de bien ne fait guère de doute, en revanche, il est bien plus délicat de déterminer son régime juridique.

S'il s'agit d'un bien, alors rien n'interdit qu'il fasse l'objet d'un droit de propriété. Cela étant, un problème survient immédiatement : qui est propriétaire de la sépulture ? La famille, puisqu'un accès doit être réservé à cette dernière. Or, la famille n'a pas encore, en droit positif, de personnalité juridique. En revanche, rien n'interdit de considérer, comme une partie de la doctrine et parfois même la jurisprudence (6), que la sépulture est l'objet d'une copropriété familiale, dès lors qu'elle accueille pour la première fois une dépouille. Pour autant, il semble au signataire que le régime le plus approprié serait davantage l'indivision forcée et perpétuelle. La doctrine a eu l'occasion de démontrer que faute de pouvoir délimiter un bien, il convenait de le soumettre au régime de l'indivision forcée et perpétuelle (7). Le recours à ce régime s'explique en raison de l'impossibilité de délimiter un bien. Dès lors, l'impossibilité d'attribuer une sépulture du fait de sa nature si particulière à un seul membre de la famille, laquelle n'a pas de personnalité juridique, justifierait de recourir à une indivision forcée et perpétuelle. Ce régime aurait le mérite de s'adapter à la nature si originale tant de la sépulture que de la famille. Quoi qu'il en soit, il n'en demeure pas moins qu'il génère une relation peu orthodoxe entre le propriétaire du fonds sur lequel est située la sépulture et les copropriétaires -ou coïndivisaires- de celle-ci. En effet, en reconnaissant un droit d'accès à la famille, les magistrats du Quai de l'Horloge imposent au propriétaire du fonds de supporter les visites de la famille. Par ailleurs, à l'occasion d'une question écrite au Gouvernement, il semblerait que le propriétaire du fonds ne puisse ni détruire, ni transférer la sépulture peu important l'état dans lequel elle se trouve (8). En définitive, la sépulture est un bien, inaliénable et incessible, pouvant faire l'objet d'une copropriété familiale ou d'une indivision forcée et perpétuelle qui n'interdit pas la vente de la propriété dans laquelle elle est située. Toutefois, la Cour de cassation assortit la vente d'une double condition.

D'une part, la présence d'une telle sépulture doit être mentionnée dans le cahier des charges. Destinée à informer les futurs acquéreurs, pour une partie de la doctrine, ce n'est pas tant l'information en elle-même qui devrait compter, mais les conséquences de l'existence d'une telle servitude qui devraient être indiquées (9). On songe alors au notaire qui instrumenterait une vente de ce genre : engagerait-il sa responsabilité civile professionnelle au titre de son devoir de conseil ? Quoi qu'il en soit, les conséquences d'une telle acquisition sont suffisamment importantes pour ne pas se contenter de mentionner seulement l'existence d'une sépulture.

D'autre part, l'acquéreur doit être en mesure d'offrir un accès à la sépulture à la famille. Si l'on en croit la jurisprudence ancienne en la matière, la voie d'accès à une sépulture était considérée comme l'accessoire indispensable à ladite sépulture (10). Pour autant, peut-on parler seulement d'un accès comme semble le penser la Cour de cassation, ou doit-on aller plus loin en consacrant un véritable droit de passage ? La seconde solution devrait selon nous s'imposer, dans la mesure où si la sépulture n'appartient pas au propriétaire du fonds sur lequel elle se situe, il serait logique que les copropriétaires -ou coïndivisaires- de la sépulture puissent y accéder. Pour ce faire, on pourrait alors recourir aux dispositions des articles 682 et suivants du Code civil relatifs au droit de passage. En effet, en vertu de l'article 682 du code précité, dès lors qu'un fonds est enclavé et qu'il ne dispose pas d'une issue sur la voie publique, le propriétaire du fonds servant doit un passage au propriétaire du fonds dominant. Si l'on veut bien voir un fonds constitué par la sépulture et sol lui servant de support, alors cette servitude légale est envisageable d'autant qu'elle n'interdit pas au propriétaire du fonds servant d'obtenir une indemnité proportionnée au préjudice qu'il subit.

Séverin Jean

III - Expropriation, restitution et indemnisation

  • Le propriétaire illégalement exproprié qui n'est pas en mesure de retrouver son bien a droit à une indemnité correspondante à la valeur réelle du bien au jour de la décision constatant l'absence de restitution (Cass. civ. 3, 4 décembre 2013, n° 12-28.919, FS-P+B N° Lexbase : A8439KQM)

L'alinéa 2 de l'article L. 12-5 du Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique (N° Lexbase : L2914HLI) dispose qu'"en cas d'annulation par une décision définitive du juge administratif de la déclaration d'utilité publique ou de l'arrêté de cessibilité, tout exproprié peut faire constater par le juge de l'expropriation que l'ordonnance portant transfert de propriété est dépourvue de base légale". Dès lors que l'exproprié se trouve dans cette situation, il peut espérer retrouver son bien ou, à défaut, obtenir des dommages et intérêts. En effet, l'article R. 12-5-4 du code précité (N° Lexbase : L3093HL7) prévoit deux situations : soit le bien est en état d'être restitué, auquel cas "le juge désigne chaque immeuble ou fraction d'immeuble dont la propriété est restituée", soit le bien n'est pas en mesure d'être restitué, de sorte que "l'action de l'exproprié se résout en dommages et intérêts". Si le texte est clair, il n'en demeure pas moins que la détermination du quantum de ces dommages et intérêts peut conduire à des appréciations divergentes, comme en témoigne l'arrêt rendu par la troisième chambre civile de la Cour de cassation le 4 décembre 2013.

En l'espèce, par ordonnance, le juge de l'expropriation prononça le transfert de propriété d'une parcelle au profit d'une commune dans la perspective de l'agrandissement d'un terrain de sport. Toutefois, les arrêtés portant déclaration d'utilité publique et de cessibilité furent, par la suite, annulés par le juge administratif. Dès lors, la propriétaire expropriée saisit le juge de l'expropriation pour faire constater, conformément à l'alinéa 2 de l'article L. 12-5 du Code précité, la perte de base légale de l'ordonnance, afin d'obtenir la restitution de la parcelle litigieuse, des dommages et intérêts ainsi que la démolition, aux frais de la commune, des ouvrages édifiés. La cour d'appel de Riom considéra que la parcelle n'était pas en mesure d'être restituée en raison de la nature d'ouvrage public des installations de sorte que la commune devait allouer des dommages et intérêts au propriétaire exproprié. La Cour de cassation, par un arrêt du 5 octobre 2011 (11), cassa l'arrêt d'appel au motif que les juges du fond n'avaient pas suffisamment caractérisé que le bien indûment exproprié n'était pas en état d'être restitué. L'affaire fut ainsi renvoyée près la cour d'appel de Lyon qui, par un arrêt du 2 octobre 2012, confirma que seule l'allocation de dommages et intérêts était possible dans la mesure où le bien n'était pas état d'être restitué. En outre, les juges du fond considérèrent que la somme de 60 000 euros, comme montant de l'indemnisation, était largement satisfactoire lorsqu'on la rapporte à celles tirées de ventes de parcelles voisines présentant les mêmes caractéristiques. Dès lors, les magistrats du Quai de l'Horloge devaient répondre à deux questions : d'une part, la parcelle n'était-elle pas en mesure d'être restituée ? D'autre part, le quantum de l'indemnisation devait-il être ainsi calculé ? Si la Cour de cassation, le 4 décembre 2013, confirme que les exigences d'intérêt général s'opposaient à la restitution, en revanche, elle casse l'arrêt d'appel au motif que l'indemnisation doit correspondre à "la valeur réelle de l'immeuble au jour de la décision constatant l'absence de restitution sous la seule déduction de l'indemnité déjà perçue augmentée des intérêts au taux légal".

En réalité, la solution de la Cour de cassation n'est pas nouvelle, mais vient confirmer le principe établi trois ans plus tôt par un arrêt du 17 novembre 2010 (12). En effet, la formulation de l'arrêt commenté est en tout point identique. Lorsque la restitution du bien exproprié illégalement est impossible, les dommages et intérêts doivent permettre de réparer l'intégralité du préjudice subi en déduisant naturellement la somme préalablement versée au titre de l'expropriation. Ainsi, en fixant l'indemnité à la valeur réelle au jour de la décision constatant l'absence de restitution, il devient possible de tenir compte de la plus-value apportée au bien.

Faut-il s'en étonner ? Certainement pas !

D'abord, cette décision obéit à la même logique que celle qui préside en matière de réparation du préjudice subi en raison d'une rétrocession impossible du fait de la vente du bien par l'expropriant à un tiers (13). Ensuite, la solution de la Cour de cassation se rapproche de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) relative à l'absence d'utilisation par l'expropriant du bien exproprié. Dans cette situation, la CEDH a notamment jugé que l'absence de réalisation de l'opération projetée, qui a justifié une expropriation, ne reposait pas sur une quelconque raison d'utilité publique, de sorte que le maintien du bien exproprié en réserve avait engendré une plus-value dont les expropriés avaient été indûment privés. En somme, les expropriés étaient "fondés à soutenir qu'ils ont été indûment privés d'une plus-value engendrée par le bien exproprié et ont, en conséquence, subi une charge excessive du fait de l'expropriation litigieuse" (14). Enfin et surtout, en se positionnant ainsi, la jurisprudence place le propriétaire exproprié dans une situation comparable à celle du propriétaire exproprié pour qui la restitution en nature est possible. En effet, lorsque la restitution est possible, le propriétaire exproprié qui recouvre son bien profite éventuellement de la plus-value, de sorte que l'on voit mal pourquoi il n'en irait pas ainsi du propriétaire exproprié qui n'est pas en mesure de retrouver le sien. Reste à savoir -bien que ce serait tout aussi logique- si la moins-value serait elle aussi supportée par l'exproprié dont le bien ne peut pas être restitué...

Séverin Jean

IV - Confiscation et propriété

  • Le juge d'instruction ne peut ordonner la remise à l'AGRASC d'un bien n'appartenant pas à une personne poursuivie (Cass. crim., 5 décembre 2013, n° 12-87.940, F-P+B N° Lexbase : A8256KQT)

A l'issue d'un procès pénal, la privation de la propriété est une peine envisageable. Mais il n'apparaît pas toujours opportun d'attendre la condamnation d'une personne pour la priver d'un ou de plusieurs de ses biens, de manière provisoire et, parfois, définitive. Encore est-il nécessaire, pour que puisse être de la sorte anticipée une telle privation, que ce soit le propriétaire en personne qui fasse l'objet des poursuites pénales. Tel est le rappel de bon sens effectué par la Chambre criminelle de la Cour de cassation dans cet arrêt.

En l'espèce, un juge d'instruction avait cru trouver dans l'article 99-2 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L7674IPW) le pouvoir d'ordonner la remise à l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC), en vue de son aliénation, d'un trimaran, préalablement saisi et acquis par une société off-shore. Problème : ladite société n'avait à aucun moment été visée par les poursuites ; seul celui qui en avait acquis l'intégralité des parts l'était. Ainsi, en dépit du fait que la société litigieuse avait davantage le caractère d'un instrument au service exclusif de l'auteur physique d'une infraction, elle n'en était pas moins, en tant que personne morale, la seule véritable propriétaire d'un bien dont la confiscation était alors tributaire de sa mise en cause pénale.

La décision pourrait aisément s'expliquer par la seule application de l'article 99-2 du Code de procédure pénale, qui dispose que la remise à l'AGRASC concerne "des biens meubles placés sous main de justice appartenant aux personnes poursuivies" (nous soulignons). Il aurait, en conséquence, suffit de poursuivre la société tout autant que celui qui en possédait les parts, ou il aurait encore été possible de confisquer les parts sociales plutôt que le catamaran.

Toutefois, la décision est surtout intéressante par sa confrontation avec deux autres textes. Le premier est l'article 41-5 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L7676IPY), qui pose, en matière d'enquête, une règle similaire à celle que contient l'article 99-2 en matière d'instruction ; similaire, mais pas identique : nulle référence n'y est effectivement faite à l'appartenance du bien confisqué à la personne poursuivie. Le second est l'article 131-21 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L9506IYQ), qui concerne la peine de confiscation et l'autorise pour des biens dont un condamné a "la libre disposition", ce que, de façon contestable, la Cour de cassation n'assimile pas à la propriété (15). Dès lors, où l'article 99-2 du Code de procédure pénale cantonne la confiscation à la propriété d'un mis en cause, les articles 41-5 et 131-21 du Code de procédure pénale l'ouvrent à la propriété de quiconque, à condition bien sûr que celle-ci ait un lien avec l'infraction poursuivie. Il n'est pas certain, cependant, que ce lien suffise à justifier la privation d'une propriété qui ne serait de la sorte pas justifiée par la sanction du comportement du propriétaire (16)...

Guillaume Beaussonie

V - Prescription, servitude et monuments historiques

  • Il ne serait pas impossible d'acquérir un droit par prescription sur un immeuble inscrit au titre des monuments historiques (Cass. crim., 11 décembre 2013, n° 12-11.519, FS-P+B N° Lexbase : A3492KRR)

Ces biens particulièrement protégés que représentent les monuments historiques se différencient selon qu'ils ont fait l'objet d'un classement ou d'une inscription. La différence réside dans l'exigence : où le classement nécessite la démonstration que la conservation de tels biens présente, au point de vue de l'histoire ou de l'art, un intérêt "public" (17), l'inscription nécessite que soit prouvé un intérêt d'histoire ou d'art simplement "suffisant" pour en rendre désirable la préservation (18). Parallèlement, la différence implique la dissemblance : le régime des biens classés n'est pas tout à fait le même que celui des biens inscrits, l'idée étant que la protection des premiers va justifier encore plus de limitations aux droits de leurs propriétaires que la protection des seconds jusqu'à, éventuellement, permettre le recours à une expropriation (19). L'arrêt du 11 décembre 2013 manifeste bien cette différence, dont la maîtrise par les propriétaires de tels biens s'avère indispensable tant elle conditionne leur emprise sur ces derniers.

En l'espèce (20), une société civile immobilière avait acquis une ancienne salle de jeu de paume, dont au moins deux façades avaient été inscrites à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques le 27 juin 1946. L'ancien propriétaire de cette salle avait obtenu par convention de son voisin, l'Office public d'aménagement et de construction de Tours (OPAC) devenu Tours habitat, la concession d'une servitude de jour, afin qu'il puisse recréer des ouvertures dans l'une des deux façades ayant fait l'objet de l'inscription. Existant originellement, de telles ouvertures avaient en effet été condamnées depuis plus de trente ans, tout droit d'en user de nouveau ayant par là même été anéanti (21). La société souhaitant bénéficier d'une servitude de vue plutôt que d'une servitude de jour, bref voulant installer des vitres translucides plutôt que des vitres dépolies, elle se prévalait pourtant d'une antériorité de vue qui, selon elle, rendait nulle la convention passée avec l'OPAC pour absence de cause. De plus, elle prétendait que la convention avait en réalité grevé son fonds d'une servitude d'affectation, puisqu'il y avait été prévu que seuls des bureaux pourraient êtres installés dans la salle -plus exactement au rez-de-chaussée, qui était exclusivement en cause-. Selon elle, tout cela heurterait alors l'article L. 621-17 du Code du patrimoine (N° Lexbase : L7047DYN), en vertu duquel "nul ne peut acquérir de droit par prescription sur un immeuble classé au titre des monuments historiques".

Contrairement à la cour d'appel, qui a répondu à chacun de ces arguments de façon détaillée, la Cour de cassation a, pour confirmer la décision rendue par les juges du fond, simplement rappelé que le moyen était inopérant, "l'article L. 621-17 du Code du patrimoine ne régissant que les bâtiments classés monuments historiques et non les bâtiments inscrits au titre des monuments historiques". Classement et inscription conduisent bien à deux régimes différents.

Tout raisonnement concernant une inscription menée sur le fondement d'une règle relative au classement était donc inéluctablement tronqué, ce qui n'aurait peut-être pas dû empêcher la Cour de cassation de souligner que, à l'instar de ce qu'a rappelé la cour d'appel, la perte par le propriétaire du fonds dominant du bénéfice d'une servitude ne conduit pas à faire acquérir un droit au propriétaire du fonds servant.

Guillaume Beaussonie


(1) Cass. civ. 3, 23 novembre 1976, n° 75-10.968 (N° Lexbase : A7509CIX), Bull. civ. III, n° 420.
(2) Cass. civ. 3, 7 mars 1990, n° 88-16.340 (N° Lexbase : A9758CNQ). Voir encore, par exemple, Cass. civ. 3, 21 juillet 1999, n° 97-10.900, Bull. civ. III, n° 186 (N° Lexbase : A4466CIA).
(3) Déjà dans ce sens : Cass. Req., 23 janvier 1894, S. 1894, I, 315 ; Cass. civ., 11 avril 1938, DH 1938, 321.
(4) Contrairement au droit à sépulture qui lui, selon la Cour de cassation, est hors du commerce juridique. En ce sens, voir Cass. civ. 1, 17 mai 1993, n° 91-15.780 (N° Lexbase : A3673ACZ), Bull. civ. III, n° 183.
(5) D. Gantschnig, De la sépulture sur terrain privé à la propriété familiale sur le fonds d'autrui (à propos de l'arrêt commenté), Gaz. Pal., à paraître.
(6) Cass. civ. 3, 19 juin 2002, n° 01-01.201 (N° Lexbase : A9398AYQ), Bull. civ. III, n° 145.
(7) G. Beaussonie, L'indivision faute de mieux pour les "biens non délimités", JCP éd. N, 20 mars 2009, n° 12.
(8) QE n° 105719, JOAN, 20 mars 2007, Ministère de l'Intérieur et de l'Aménagement du territoire.
(9) D. Gantschnig, préc. ; JCP éd. G, 2013, 1300, note J.-J. Barbieri.
(10) Cass. Req., 23 janvier 1894, préc. ; Cass. civ., 11 avril 1938, préc..
(11) Cass. civ. 3, 5 octobre 2011, n° 10-30.121 (N° Lexbase : A6050HYQ), Bull. civ. III, n° 163.
(12) Cass. civ. 3, 17 novembre 2010, n° 09-16.797 (N° Lexbase : A5793GKR), Bull. civ. III, n° 203. Voir X. Couton, Propriétaire indûment exproprié : l'indemnisation doit couvrir au moins la perte de la plus-value, Const. et Urb., 2011, n° 1, comm. 2 ; JCP éd. G., 2011, chron. 802 ; R. Hostiou, Perte de base légale de l'ordonnance et impossibilité de restituer un bien exproprié illégalement, RDI, 2011, p. 96 ; A. Lévy, Expropriation irrégulière et impossibilité de restituer le bien, AJDI, 2011, p. 460.
(13) Cass. civ. 3, 19 novembre 2008, n° 07-15.705 (N° Lexbase : A3401EBL), Bull. civ. III, n° 176.
(14) CEDH, 2 juillet 2002, Req. 48161/99, M. c/ France (N° Lexbase : A1464AZA) ; AJDA, 2002, p. 1226, note R. Hostiou ; JCP éd. G, 2003, I, 109, n° 25, obs. F. Sudre.
(15) Cass. crim., 23 mai 2013, n° 12-87.473, FS-P+B+I (N° Lexbase : A8189KDN) ; RPDP 2013-2, p. 385, avec nos obs..
(16) Ces dispositions n'en ont pas moins été déclarées conformes à la Constitution : voir notamment Cons. const., décision n° 2010-66 QPC du 26 novembre 2010 (N° Lexbase : A3868GLT).
(17) C. patrim., art. L. 621-1 (N° Lexbase : L3980HCE) pour les immeubles et art. L. 622-1 (N° Lexbase : L3964HCS) pour les meubles.
(18) C. patrim., art. L. 621-25 (N° Lexbase : L3947HC8) pour les immeubles et art. L. 622-20 (N° Lexbase : L1526IEA) pour les meubles.
(19) C. patrim., art. L. 621-18 (N° Lexbase : L3945HC4).
(20) Passablement complexe, dont la compréhension nécessite par là même la consultation de l'arrêt de cour d'appel : CA Orléans, 24 octobre 2011, n° RG 10/02153 (N° Lexbase : A4237HZX).
(21) C. civ., art. 706 (N° Lexbase : L3315ABE).

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Propriété intellectuelle

[Brèves] Brevet européen : point de départ du délai de prescription triennale de l'action en revendication du titre

Réf. : Cass. com., 7 janvier 2014, n° 12-28.883, F-P+B (N° Lexbase : A1995KT3)

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N0266BUE

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Le 17 Janvier 2014

Dès lors qu'un brevet européen, en ce qu'il désigne la France, s'est substitué totalement au brevet français antérieurement à l'introduction de l'action en revendication, le délai de prescription triennale pour agir en revendication du titre européen n'a commencé à courir qu'à compter du jour de publication de la mention de la délivrance du brevet européen. Tel est le sens d'un arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 7 janvier 2014 (Cass. com., 7 janvier 2014, n° 12-28.883, F-P+B N° Lexbase : A1995KT3). En l'espèce, une personne a déposé, le 24 avril 1998, une demande de brevet français, le désignant comme inventeur, qui a été délivré le 2 juin 2000 et publié. Il a également déposé, le 23 avril 1999, à son nom, une demande de brevet européen, dont mention de la délivrance a été publiée le 3 juillet 2002. Une personne, avec laquelle le déposant a entretenu pendant plusieurs années des relations professionnelles, faisant valoir que celui-ci ne pouvait prétendre être l'inventeur unique et qu'il avait outrepassé les droits qu'il tenait d'une convention conclue entre eux le 21 avril 1998, l'a fait assigner, le 17 novembre 2004, en revendication des brevets français et européen, en annulation de ce contrat et en paiement de diverses sommes. A titre subsidiaire, il a sollicité la nullité du brevet européen et la résiliation du contrat susvisé ainsi que le paiement d'une indemnité provisionnelle. Pour déclarer prescrite l'action en revendication du brevet européen, l'arrêt d'appel a retenu que le délai pour agir avait commencé à courir à compter du jour de la délivrance du brevet français. Mais énonçant le principe précité, la Cour régulatrice casse l'arrêt des seconds juges, au visa des articles L. 611-8 (N° Lexbase : L3559AD8) et L. 614-13 (N° Lexbase : L3627ADP) du Code de la propriété intellectuelle, ensemble les articles 2 et 64 de la Convention de Munich sur le brevet européen : "en statuant ainsi, alors que le brevet européen, en ce qu'il désigne la France, s'étant substitué totalement au brevet français à compter du 3 avril 2003, soit antérieurement à l'introduction de l'action en revendication, le délai de prescription triennale pour agir en revendication du titre européen n'a commencé à courir qu'à compter du 3 juillet 2002, la cour d'appel a violé les textes susvisés".

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Protection sociale

[Brèves] Prévoyance : transmission d'une question préjudicielle à la CJUE concernant le respect de l'obligation de transparence

Réf. : CE, 30 décembre 2013, n° 352901 (N° Lexbase : A9245KS9)

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N0210BUC

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Le 16 Janvier 2014

Par cet arrêt du 30 décembre 2013 (CE, 30 décembre 2013, n° 352901 N° Lexbase : A9245KS9) le Conseil d'Etat transmet à la CJUE une question préjudicielle portant sur le non-respect de l'obligation de transparence résultant de l'arrêté du ministre du Travail du 13 juillet 2011, portant extension des avenants à la convention collective nationale de l'immobilier instituant, pour l'ensemble des salariés de la branche, des régimes complémentaires de prévoyance et de santé, et désignant l'IPGM en tant qu'unique organisme assureur.
Dans cette affaire, un arrêté du 13 juillet 2011 a notamment étendu l'article 17 de l'avenant n° 48 du 23 novembre 2010 à la convention collective nationale de l'immobilier désignant ainsi, pour une période de trois ans, l'Institution de prévoyance IPGM en tant qu'unique organisme assureur des garanties. Un syndicat relevant du secteur de l'immobilier a saisi le Conseil d'Etat pour demander l'annulation de cet arrêté d'extension, pour excès de pouvoir. Le syndicat faisait valoir que l'organisme gestionnaire du régime de prévoyance avait été choisi sans mise en concurrence préalable et que l'obligation de transparence n'avait pas été satisfaite.
Le Conseil d'Etat juge qu'aucune règle, ni aucun principe de droit interne n'imposait que la désignation de l'IGPM soit précédée d'un appel d'offre. Toutefois, s'agissant du non-respect de l'obligation de transparence, le Conseil d'Etat rappelle que cette obligation découle du droit de l'Union européenne. La CJUE, en particulier, par son arrêt du 3 juin 2010, rendu dans l'affaire C-203/08 (N° Lexbase : A9717EX8), a qualifié l'obligation de transparence de condition préalable obligatoire du droit d'un Etat membre d'attribuer à un opérateur le droit exclusif d'exercer une activité économique, quel que soit le mode de sélection de cet opérateur. La Haute juridiction administrative considère que l'IPGM, bien que n'ayant pas de but lucratif et agissant sur le fondement du principe de solidarité, doit être regardée comme une entreprise exerçant une activité économique, qui a été choisie par les partenaires sociaux parmi d'autres entreprises avec lesquelles elle est en concurrence sur le marché des services de prévoyance qu'elle propose. Dès lors, le Conseil d'Etat décide de transmettre à la CJUE la question de savoir si le respect de cette obligation de transparence est une condition préalable obligatoire à l'extension, par un Etat membre, à l'ensemble des entreprises d'une branche, d'un accord collectif confiant à un unique opérateur, choisi par les partenaires sociaux, la gestion d'un régime de prévoyance complémentaire obligatoire institué au profit des salariés .

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Responsabilité médicale

[Brèves] Renvoi de l'affaire de l'hormone de croissance devant la cour d'appel de Paris

Réf. : Cass. crim., 7 janvier 2014, n° 11-84.456, FS-P+B+I (N° Lexbase : A2070KTT)

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Le 16 Janvier 2014

Dans son arrêt rendu le 7 janvier 2014 dans le cadre de l'affaire de l'hormone de croissance, la Chambre criminelle de la Cour de cassation casse l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 5 mai 2011, qui avait débouté les parties civiles de leur demande d'indemnisation après relaxe des prévenus des chefs d'homicides et blessures involontaires et tromperie aggravée (Cass. crim., 7 janvier 2014, n° 11-84.456, FS-P+B+I N° Lexbase : A2070KTT). En l'espèce, pour écarter l'existence d'une faute invoquée par les parties civiles qui faisaient valoir que l'hormone de croissance d'origine humaine était un médicament, la cour d'appel de Paris, dans un arrêt du 5 mai 2011, avait retenu qu'un médicament s'entend comme un produit fini dont la forme permet l'administration à l'homme ou à l'animal et qui a pour objectif d'établir un diagnostic médical, de restaurer, corriger ou modifier leurs fonctions organiques ; les juges avaient relevé que le laboratoire U., dirigé par M. D., en se limitant à extraire des hypophyses, collectées par Mme M., de la poudre d'hormone de croissance insusceptible d'être administrée en l'état, produisait un principe actif qui constituait une matière première à usage pharmaceutique ; ils ajoutaient que, si l'hormone de croissance constituait bien, au final, un médicament, elle ne méritait ce qualificatif qu'après que cette matière première eut été traitée par la Pharmacie centrale des hôpitaux et conditionnée sous forme d'ampoules dont le contenu était administrable par injections sous-cutanées. La cour d'appel en avait déduit que les dispositions relatives aux spécialités pharmaceutiques et aux établissements pharmaceutiques ainsi que les bonnes pratiques de fabrication n'étaient pas applicables. Le raisonnement est censuré par la Cour suprême, rappelant qu'il résulte des articles L. 511 (N° Lexbase : L0120DLZ) et L. 512 (N° Lexbase : L0114DLS) du Code de la santé publique, dans leur version applicable au moment des faits, que relève du monopole pharmaceutique la préparation des médicaments destinés à l'usage de la médecine humaine, notamment de tout produit pouvant être administré à l'homme en vue de restaurer, corriger ou modifier ses fonctions organiques. Aussi, après avoir énoncé que l'extraction et la purification de l'hormone de croissance d'origine humaine entraient dans la préparation du produit pouvant être administré à l'homme et relevaient en conséquence du monopole pharmaceutique, la Cour de cassation retient qu'en se déterminant comme elle l'avait fait, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus énoncé.

newsid:440236

Rupture du contrat de travail

[Jurisprudence] Solde de tout compte : caractère obligatoire et libératoire

Réf. : Cass. soc., 18 décembre 2013, n° 12-24.985, FS-P+B (N° Lexbase : A7339KSM)

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par Sébastien Tournaux, Professeur à l'Université des Antilles et de la Guyane

Le 16 Janvier 2014

Le reçu pour solde de tout compte est une vieille institution du droit du travail qui, comme son nom l'indique, a pour objet de solder les comptes des parties au moment de la rupture du contrat de travail. Son régime juridique a plusieurs fois varié mais semble s'être stabilisé depuis la loi du 25 juin 2008 portant modernisation du marché du travail (N° Lexbase : L4999H7B), en particulier s'agissant de son effet libératoire. Ainsi, comme le confirme la Chambre sociale de la Cour de cassation par un arrêt rendu le 18 décembre 2013, le reçu pour solde de tout compte a retrouvé son effet libératoire mais celui-ci demeure limité aux seules sommes qui y sont mentionnées. Cette confirmation, fort logique au demeurant, s'accompagne cependant d'une nouvelle précision qui fait tout l'intérêt de la décision sous examen. L'établissement d'un inventaire des sommes dues au salarié, d'un solde de tout compte est désormais clairement et certainement imposé à l'employeur sans que l'on perçoive tout l'intérêt d'une telle obligation.
Résumé

L'employeur a l'obligation de faire l'inventaire des sommes versées au salarié lors de la rupture du contrat de travail.

Le reçu pour solde de tout compte n'a d'effet libératoire que pour les seules sommes qui y sont mentionnées, peu important le fait qu'il soit, par ailleurs, rédigé en des termes généraux.

I - La confirmation des effets juridiques du solde de tout compte

  • Effet libératoire du reçu pour solde de tout compte : une histoire mouvementée

Le reçu pour solde de tout compte est une "institution politiquement instable" (1) qui a connu une histoire mouvementée (2). Créé en 1946 (3), il avait à l'origine un très vaste effet libératoire, au-delà des seules sommes qu'il visait.

Temporairement, il a été déclassé en simple document probatoire par la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002, de modernisation sociale du 17 janvier 2002 (N° Lexbase : L1304AW9), avant de retrouver ses fonctions initiales, quoique aménagées, dans la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008, portant modernisation du marché du travail (4). Le reçu pour solde de tout compte a donc à nouveau un effet libératoire pour l'employeur, mais cet effet libératoire est désormais limité.

Avant la loi de 2002, en effet, le reçu pour solde de tout compte avait, après l'écoulement d'un délai de deux mois sans que le salarié ne le dénonce, un effet libératoire pour toutes les sommes dues par l'employeur en raison de l'exécution ou de la rupture du contrat de travail. Ce caractère libératoire avait donc un domaine si vaste que, par certains aspects, il pouvait se confondre avec celui de la transaction (5).

  • L'encadrement du caractère libératoire du reçu pour solde de tout compte

Peu à peu, cet effet très vigoureux fut limité par la Chambre sociale de la Cour de cassation qui jugea que le reçu n'avait d'effet libératoire que pour les sommes qui y étaient mentionnées (6). Étaient ainsi repoussés les reçus pour solde de tout compte rédigés en des termes généraux qui, avant cela, permettaient de dénier au salarié le droit de demander, par exemple, des dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail (7).

Ce domaine prétorien plus restreint a été explicitement repris par la loi de modernisation du marché du travail puisque l'article L. 1234-20 du Code du travail (N° Lexbase : L8044IA8) limite désormais les effets libératoires du reçu "aux sommes qui y sont mentionnées". Quoique rendue en application des dispositions du Code du travail antérieure à la loi de modernisation du marché du travail, une décision de la Chambre sociale de la Cour de cassation semblait déjà montrer, en 2011, la volonté judiciaire de conserver ce domaine relativement restreint (8).

  • L'espèce

Une salariée avait démissionné en 2009 et signé, un mois après sa démission, un reçu pour solde de tout compte qui détaillait un certain nombre de sommes (paiement d'heures de recherche d'emploi, d'heures travaillées, de préavis, d'une indemnité de congés payés, etc.). Le reçu stipulait en outre, par une formule fort générale, que les sommes mentionnées avaient été versées "pour solde de tout compte en paiement des salaires, accessoires de salaires, remboursement de frais et indemnités de toute nature dus au titre de l'exécution et de la cessation de mon contrat de travail" et que "tout compte" entre l'employeur et la salariée se trouvait " entièrement et définitivement apuré et réglé".

Neuf mois plus tard, la salariée saisissait le juge prud'homal pour obtenir la requalification de sa démission en prise d'acte de la rupture de son contrat de travail. Elle obtint, devant le juge, cette requalification et la condamnation de l'employeur au paiement de plusieurs indemnités, en particulier pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour compensation du préjudice subi du fait de l'existence d'un harcèlement moral.

Confirmée par la cour d'appel de Douai, cette solution fit l'objet d'un pourvoi en cassation de l'employeur qui soutenait que le reçu pour solde de tout compte, qui n'avait pas été dénoncé, avait, compte tenu de sa rédaction, un effet libératoire général après l'écoulement d'un délai de six mois et que le juge d'appel en avait dénaturé les termes en refusant de lui faire produire un effet aussi général.

Par un arrêt rendu le 18 décembre 2013, la Chambre sociale de la Cour de cassation rejette le pourvoi. Par un chapeau interne, elle juge que, par application de l'article L. 1234-20 du Code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008, "l'employeur a l'obligation de faire l'inventaire des sommes versées au salarié lors de la rupture du contrat de travail" et "que le reçu pour solde de tout compte n'a d'effet libératoire que pour les seules sommes qui y sont mentionnées, peu important le fait qu'il soit, par ailleurs, rédigé en des termes généraux ".

Si la seconde partie de l'argumentation n'étonne guère, la première est plus audacieuse et innovante.

II - Le renouveau des effets juridiques du solde de tout compte

  • Confirmation des limites de l'effet libératoire du reçu pour solde de tout compte

Cette décision est la première rendue à propos d'un reçu pour solde de tout compte signé après l'entrée en vigueur de la loi de modernisation du marché du travail du 25 juin 2008 (9). Quoique la réponse à cette question ne suscitât que peu de doute, on pouvait donc se demander si l'application de la loi nouvelle allait avoir pour effet de modifier la jurisprudence de la Cour de cassation quant au domaine de l'effet libératoire du reçu pour solde de tout compte.

La Chambre sociale conserve donc la même ligne que celle qu'elle avait adopté avant la loi de 2002, à savoir que seules les sommes mentionnées par le reçu peuvent être considérées comme ayant été payées par l'employeur et le libèrent de toute action du salarié après l'écoulement du délai de repentir de six mois. Sans surprise donc, les reçus pour soldes de tout compte rédigés de manière trop générale restent sans effet.

La solution est parfaitement logique de deux points de vue. D'abord, d'un point de vue théorique, il a déjà été démontré qu'une telle généralité ne peut être obtenue que par le jeu d'une transaction (10). Ensuite, sur le plan textuel, la loi du 25 juin 2008 a précisément pris soin de limiter les effets du caractère libératoire aux seules sommes mentionnées par le reçu. Certainement, le nouvel article L. 1234-20 du Code du travail est-il sur ce point plus restrictif que ne l'était l'ANI du 11 janvier 2008 relatif à la modernisation du marché du travail qui entendait, au nom de la flexicurité, redonner un effet libératoire plus vaste au reçu. Pour autant, la rédaction de l'article L. 1234-20 est d'une grande clarté si bien qu'aucune interprétation, fût-elle téléologique, ne devait être retenue.

  • Le caractère obligatoire du reçu pour solde de tout compte

La décision de la Chambre sociale surprend davantage lorsqu'elle énonce que "l'employeur a l'obligation de faire l'inventaire des sommes versées au salarié lors de la rupture du contrat de travail" (11).

Jusqu'ici, le solde de tout compte pouvait être perçu comme un document rédigé dans l'intérêt de l'employeur dont il aurait pu, par conséquent, librement se dispenser, à condition bien entendu que les sommes dues au salarié soit effectivement versées et constatées par un dernier bulletin de paie.

La rédaction de l'article L. 1234-20 du Code du travail, issue de la loi du 25 juin 2008, dont on perçoit ici l'intérêt que sa mention soit portée dans la décision, comporte cependant une formule bien plus impérative qu'il n'y paraît. Le texte dispose en effet que "le solde de tout compte, établi par l'employeur et dont le salarié lui donne reçu, fait l'inventaire des sommes versées au salarié". Or on sait, en matière de linguistique, que l'usage du présent de l'indicatif implique le caractère obligatoire de la norme prescrite. L'administration du travail avait, en outre, déjà eu l'occasion de se prononcer sur le solde de tout compte et de considérer par circulaire que son établissement par l'employeur était obligatoire (12).

Sur le fond, cette obligation n'est pas très contraignante pour l'employeur puisque celui-ci est ici astreint à établir l'inventaire des sommes dues mais qu'en contrepartie de cette obligation, il sera considéré comme étant libéré des sommes en question si le salarié signe le reçu et ne le conteste pas dans le délai imparti. L'exécution de l'obligation lui confère donc potentiellement un avantage tout en permettant, par la même occasion, d'offrir au salarié une information détaillée sur le calcul des sommes perçues au moment de la rupture et, ainsi, sur l'éventuelle nécessité de contester les manquements de l'employeur qui ne se serait pas acquitté d'autres sommes qui n'y sont pas mentionnées.

  • Portée de l'obligation de dresser le solde de tout compte

Il semble toutefois qu'il ne faille pas donner d'effet exagéré au constat que le texte est rédigé au présent de l'indicatif.

Ainsi, bien que le texte précise que le salarié "donne reçu", il ne peut en être déduit que le salarié soit contraint d'avaliser le contenu du décompte effectué par l'employeur. En effet, le reçu pour solde de tout compte est un acte juridique unilatéral émanant du salarié qui exprime sa volonté, son accord au contenu énoncé par l'employeur. Aucune volonté ne pourrait plus être identifiée si la signature devenait obligatoire.

On peut en revanche s'interroger sur les effets précis de cette obligation pesant sur l'employeur au moment de la rupture du contrat de travail. Bien entendu, aucune sanction n'est envisagée par le texte ni par le juge, en l'espèce, qui apporte cette précision alors même que l'employeur s'était acquitté de son obligation.

Il est fort peu probable, par exemple, que les moyens utilisables en cas d'absence de remise des autres documents obligatoires tels que le certificat de travail ou l'attestation pôle emploi puissent être mobilisés. Si l'urgence et l'absence de contestation sérieuse justifient le recours au référé pour l'obtention de ces deux titres, ils ne permettent pas au contraire de soutenir une action pour obtenir le solde de tout compte alors que, d'une certaine manière, le salarié tirera profit de l'absence de solde de tout compte puisque l'employeur ne sera libéré du paiement d'aucune somme au bout de six mois.

Assez probablement, seule la réparation du préjudice causé du fait de l'absence d'information quant aux sommes dues par l'entreprise au moment de la rupture devrait raisonnablement pouvoir être exigée, à condition toutefois que l'existence de ce préjudice soit démontrée, ce qui sera loin d'être toujours évident.


(1) A. Bugada, Perturbations temporelles autour du reçu pour solde de tout compte, Dr. soc., 2008, p. 1244.
(2) Cette instabilité reste vivace, comme en témoigne une récente question prioritaire de constitutionnalité soulevée devant une juridiction prud'homale quant à la conformité de l'article L. 1234-20 (N° Lexbase : L8044IA8) du Code du travail, question cependant refoulée compte tenu de son absence de caractère sérieux, v. Cass. soc., 18 septembre 2013, n°13-40.042, FS-P+B (N° Lexbase : A4854KLD) et les obs. de Ch. Radé, Refus de transmission d'une QPC mettant en cause la constitutionnalité du droit du salarié de dénoncer le reçu pour solde de tout compte, Lexbase Hebdo n° 542 du 3 octobre 2013 édition sociale (N° Lexbase : N8745BT3).
(3) Loi n° 46-2157 du 8 octobre 1946.
(4) A. Bugada, préc. ; G.- P. Quétant, Le reçu pour solde de tout compte, vraie ou fausse résurrection ? JSL 2010, n° 272-1.
(5) H. Blaise, Reçu pour solde de tout compte et transaction, RJS 1991, 287.
(6) "La signature d'un reçu pour solde de tout compte rédigé en termes généraux ne peut valoir renonciation du salarié au droit de contester la cause réelle et sérieuse de son licenciement", Cass. soc., 30 juin 1998, n° 96-40.394 (N° Lexbase : A5592AC4) ; Dr. soc., 1998, 841, obs. C. Marraud ; Cass. soc., 18 décembre 2001, n° 99-43.632, publié (N° Lexbase : A7231AX4), Dr. soc., 2002, 361, obs. J. Savatier.
(7) Effet libératoire interdisant une demande de dommages et intérêts, Cass. soc., 3 juin 1981, n° 79-41.502, publié (N° Lexbase : A3582AGR) ; Cass. soc., 13 janvier 1983, n° 80-41.473, publié (N° Lexbase : A2544CHP) ; Cass. soc., 7 mars 1990, n° 86-43.944, inédit (N° Lexbase : A4021AGZ).
(8) Cass. soc., 21 juin 2011, n° 10-10.833, F-D (N° Lexbase : A5217HUR).
(9) V. par ex., sous l'empire de la loi ancienne, Cass. soc., 15 janvier 2013, n° 11-17.152, F-D (N° Lexbase : A4834I3G).
(10) H. Blaise, préc.
(11) V. déjà une affaire jugée au mois d'octobre 2013 par laquelle la Chambre sociale refusait d'examiner un moyen qui contestait qu'une juridiction d'appel ait condamné l'employeur à remettre au salarié un solde de tout compte, le moyen n'étant "pas de nature à permettre l'admission du pourvoi", Cass. soc., 23 octobre 2013, n° 12-16.349, F-D (N° Lexbase : A4713KNU).
(12) Circ. DGT, n° 2009-05, du 17 mars 2009, relative à l'application des dispositions législatives et réglementaires concernant la modernisation du marché du travail, art. 5 (N° Lexbase : L0564IDA).

Décision

Cass. soc., 18 décembre 2013, n° 12-24.985, FS-P+B (N° Lexbase : A7339KSM).

Rejet, CA Douai, 29 juin 2012, n° 11/02744 (N° Lexbase : A2600IQD).

Textes concernés : C. trav., art. L. 1234-20 (N° Lexbase : L8044IA8) dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008, portant modernisation du marché du travail (N° Lexbase : L4999H7B).

Mots-clés : solde de tout compte, obligation, reçu pour solde de tout compte, effet libératoire.

Liens base : (N° Lexbase : E9987ESP).

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Sociétés

[Jurisprudence] Transmission universelle du patrimoine en cas de fusion : transmission du cautionnement aussi !

Réf. : Cass. com., 7 janvier 2014, n° 12-20.204, FS+P+B+R+I (N° Lexbase : A0244KT9)

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N0227BUX

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par Christine Lebel, Maître de conférences HDR à la Faculté de Droit de Nancy (Université de Lorraine, Institut François Gény, EA 7301, Nancy)

Le 17 Janvier 2014

La Cour de cassation démontre, une fois encore, le dynamisme du droit des affaires, en rendant le 7 janvier 2014 un arrêt promis au prochain Rapport (1), alors que la nouvelle année n'a que quelques jours et que l'on ne parle pas encore du précédent Rapport pour l'année qui vient juste de se terminer ! C'est l'effervescence du droit des affaires, et en l'occurrence tout spécialement du droit des sociétés, en dépit du signalement fait de cette décision sur le site de la Cour de cassation sous la thématique "cautionnement" ! Car il s'agit bien de l'application d'une règle de droit des sociétés et non d'une règle spéciale au cautionnement. Dans cette affaire, une société exploitant un débit de tabac a bénéficié de la part de son fournisseur d'un crédit de stock, encore dénommé un crédit permanent, d'un montant égal à un pourcentage de la valeur moyenne des livraisons à crédit effectuées par ce fournisseur au cours de l'année précédente (2). Par acte sous seing privé du 7 octobre 2002, une société s'est porté caution du débitant de tabac pour le paiement des factures qu'il pourrait devoir à son fournisseur (3). Suivant un second acte sous seing privé du 3 décembre 2002, une banque s'est porté caution du débitant de tabac à hauteur de 30 000 euros pour le paiement des sommes qui seraient dues à la société caution. Ainsi la banque a la qualité de sous-caution. Par la suite, le 9 novembre 2004, celle-ci a fait apport de l'universalité de son patrimoine à une autre banque avec effet rétroactif (4) au 1er janvier 2004. Le 10 octobre 2006, le fournisseur de tabac a appelé en garantie la société caution pour un montant de 45 896 euros représentant le solde des factures impayées. Après avoir réglé la somme de 29 617 euros au fournisseur, cette société a sollicité ensuite la garantie de la banque, sous-caution. Cette dernière soutenant ne pas être tenue des engagements souscrits antérieurement à la fusion, a refusé d'exécuter le sous-cautionnement au profit de la caution. C'est dans ce contexte que la caution a assigné la sous-caution pour faire droit à sa demande de garantie. La cour d'appel de Paris, dans un arrêt du 11 avril 2012 (5), a considéré que la transmission universelle du patrimoine de la société absorbée à la société absorbante comprend la transmission des dettes existantes à la date de prise d'effets de l'opération de fusion. Par conséquent, l'obligation née du cautionnement étant née le jour de la conclusion du contrat, soit le 3 décembre 2002, la banque absorbante est tenue d'exécuter l'engagement de caution de la banque absorbée. Dans son pourvoi, la banque prétend que la créance de la société caution était née au jour où celle-ci avait réglé le fournisseur de tabac et non au jour de la conclusion du cautionnement. Elle ajoute que la transmission universelle du patrimoine de la société absorbée dissoute se réalisant dans l'état où il se trouve à la date de la réalisation définitive de l'opération, le cautionnement donné par la société fusionnée ne couvre pas les dettes nées antérieurement à la fusion. Par un arrêt du 7 janvier 2014, la Chambre commerciale de la Cour de cassation rejette les deux points de cette argumentation. La Haute juridiction rappelle qu'aux termes de l'article L. 236-3, I, du Code de commerce (N° Lexbase : L6353AI7), la fusion entraîne la dissolution sans liquidation des sociétés qui disparaissent et la transmission universelle de leur patrimoine aux sociétés bénéficiaires, dans l'état où il se trouve à la date de la réalisation définitive de l'opération (I). Ainsi, en cas d'absorption d'une société ayant souscrit un engagement de sous-caution, la société absorbante est tenue d'exécuter ce dernier (II)

I - La dissolution de la société absorbée, préalable à la transmission universelle du patrimoine pour cause de fusion

A la lecture de l'article L. 236-1 du Code de commerce (N° Lexbase : L6351AI3), il est possible d'affirmer que la fusion (6) est l'opération juridique consistant en la transmission universelle du patrimoine d'une société à une autre société (7), aboutissant à l'existence d'une seule et unique société (8). Dans le cas de la fusion-absorption, cette opération provoque une augmentation du capital social de la société absorbante (la banque assignée par la société de caution, dans notre affaire) et la dissolution de la société absorbée (la banque qui s'était engagée en qualité de sous-caution). De la sorte, la société absorbante s'enrichit de la valeur de la société absorbée.

Ainsi, la dissolution de la société absorbée doit intervenir préalablement (9) pour que la transmission universelle puisse être réalisée dans un second temps, car il s'agit d'une hypothèse de dissolution sans liquidation de la personne morale. Par conséquent, cette modification de la société doit avoir été votée par les associés réunis en assemblée générale. La décision de dissolution dans le cadre d'une opération de fusion-absorption peut poser parfois quelques difficultés, notamment en raison de l'existence d'une clause d'agrément insérée dans les statuts de la société (10).

La transmission universelle du patrimoine est certainement la principale conséquence de la fusion (11) car elle est affirmée tant par l'article L. 236-1 du Code de commerce pour les sociétés commerciales, texte dont la rédaction est issue de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 (N° Lexbase : L6202AGS) que par l'article 1844-4 du Code civil (N° Lexbase : L2024ABL), texte applicable à toutes les sociétés. Elle porte aussi bien sur l'actif du patrimoine de la société absorbée que sur son passif. Pour cette raison, les règles de publicité légale relatives à certaines cessions, telles la cession des créances (12) et la cession de fonds de commerce (13), n'ont pas à être réalisées afin d'informer les tiers (14). Il en est de même pour les instances en justice (15) : à compter de la publication au registre du commerce et des sociétés de la fusion, les actions en cours sont interrompues et ne peuvent être reprises que par la seule société absorbante, laquelle est donc habilitée à interjeter appel dans le cadre d'une procédure relative à la société absorbée (16), comme dans la présente affaire. La solution n'est pas nouvelle (17), la société absorbante devenant partie à l'instance (18). Pour les mêmes raisons, les contrats conclus par la société absorbée sont transmis à la société absorbante. Toutefois, certaines difficultés surgissent à propos de la transmission des contrats conclus intuitu personae.

II - Transmission universelle du patrimoine et transmission de l'engagement de caution souscrit par la société absorbée

En principe, et par application du caractère universel de la transmission du patrimoine de la société dissoute absorbée, tous les contrats conclus par cette dernière devraient être transmis à la société absorbante. Il en a été jugé ainsi notamment à propos du bail commercial (19) ou bien encore à propos de la propriété d'un navire (20). Toutefois, l'universalité de la transmission trouverait une exception (21) pour les contrats conclus intuitu personae (22). Ainsi doctrine et jurisprudence considèrent que lorsque la qualité du cocontractant est un élément essentiel, la fusion serait une cause de caducité du contrat à défaut de clause prévoyant expressément la transmission du contrat à la société absorbante (23).

Qu'en est-il du cautionnement ? Tout dépend de quel côté intervient la fusion !

En effet, dans un premier temps, la Cour de cassation a considéré, dans un arrêt du 8 novembre 2005, signalé au Rapport annuel (24), qu'en cas de fusion absorption de la société créancière, le cautionnement garantissant le paiement des loyers dus à celle-ci est, sauf stipulation contraire, transmis de plein droit à la société absorbante. Par conséquent, le cautionnement est transmis à la société absorbante créancière. Toutefois, cette solution ne semble pas avoir convaincu la doctrine, qui depuis cette date était partagée.

Ainsi, en cas de fusion de société débitrice, il conviendrait de distinguer entre obligation de règlement et obligation de couverture, appliquant ainsi à l'hypothèse de la fusion, la solution dégagée dans l'hypothèse du décès de la caution, personne physique, selon laquelle l'engagement de caution n'est pas transmis aux héritiers (25). Cette analyse n'est toutefois pas partagée par la totalité de la doctrine, car, selon un autre courant, la fusion entre personnes morales est d'une nature différente de l'engagement de caution donné par une personne physique. Tout d'abord, les engagements de caution d'une société doivent figurer dans son bilan comptable, plus exactement dans l'une des annexes à ce bilan (26). Dans ces conditions, la société absorbante a connaissance de l'étendue des engagements de caution souscrits par la société qu'elle projette d'absorber et pour lesquels elle sera tenue, éventuellement, à l'issue des opérations de fusion et de transmission universelle du patrimoine. Ensuite, la finalité de protection des héritiers de la caution, personne physique, ne se retrouve pas, dès lors que l'on est en présence d'une opération de rapprochement d'entreprises exploitées sous forme sociétaire. Ainsi, la transmission universelle du patrimoine de la société absorbée dans celui de la société absorbante ne produisant aucune novation à l'égard de l'engagement de caution (27), il semble logique d'en déduire que tant l'obligation de règlement, que l'obligation de couverture sont maintenues à la charge de la société absorbante et aux bénéfices des créanciers de la société absorbée. L'arrêt du 7 janvier 2014 clarifie ainsi la situation sur cette question en consacrant une vision entrepreneuriale des opérations de fusion et laissant de côté la transposition à la dissolution d'une société de la solution énoncée pour le décès de la personne physique, et ce, contrairement à ce que certaines décisions encore récemment rendues mettaient en oeuvre en distinguant l'obligation de couverture de l'obligation de règlement (28). Ainsi, après de nombreuses années d'hésitation, la Cour de cassation marque solennellement sa volonté de mettre en oeuvre une solution dégagée depuis plusieurs dizaines d'années (29). Reste alors à savoir, si celle solution ne vaut que pour les sociétés commerciales, l'arrêt du 7 janvier étant rendu à l'appui de l'article L. 236-3 du Code de commerce, ou bien si ce principe est d'application générale pour toutes les sociétés, interprétant a fortiori la présente solution (30) ?


(1) Cf. Lexbase - édition Le Quotidien du 9 janvier 2014 (N° Lexbase : N0204BU4).
(2) Définition donnée à l'article 56 AF de l'annexe IV au CGI (N° Lexbase : L9298HKL).
(3) Conformément à l'article 56 AD de l'annexe IV au CGI (N° Lexbase : L9294HKG).
(4) S. Schiller, La rétroactivité des fusions, JCP éd. E, 2013, 1508.
(5) CA Paris, 11 avril 2012, Pôle 5, 4ème ch., n° 10/0678 .
(6) M. Chadefaux, Les fusions de sociétés, Régime juridique et fiscal, éd. La Revue Fiduciaire, 2012
(7) R. Raffray, La transmission universelle du patrimoine des personnes morales, Nouvelle Bibl. des thèses, Dalloz, préf. Fl. Deboissy, 2011.
(8) M. Cozian, A. Viandier et Fl. Deboissy, Droit des sociétés, 26ème éd., LexisNexis 2013, n° 1438 et s..
(9) Cass. com., 12 juillet 2004, n° 03-12.672, FS-P+B+I (N° Lexbase : A1139DDK), Bull. Joly Sociétés, 2004, p. 1554, note C. M. Bernard, D., 2005, somm. p. 2959 , obs. J.-Cl. Hallouin et E. Lamaezrolles, Dr. Sociétés, 2004, n° 205, obs. F.-G. Trébulle, JCP éd. E, 2005, 13, n° 8, obs. J.-J. Caussain, Fl. Deboissy et G. Wicker ; Cass. com. 31 janvier 2006, n° 04-14.576, F-D (N° Lexbase : A6543DMB), Bull. Joly sociétés, 2006, p. 814, note J.-J. Daigre.
(10) M. Jeantin, Clauses d'agrément et fusion de sociétés commerciales, Dr sociétés, 1988, n° 5, p. 2 ; A. Constantin, L'application des clauses d'agrément en cas de fusion ou de scission : le poids des mots, le choc des principes, Bull. Joly Sociétés, 2003, p. 742 ; I. Urbain-Parléani, La fusion-absorption à l'épreuve des clauses d'agrément, Mél. Y. Guyon, Dalloz, 2003, p. 1061.
(11) CA Versailles, 24 juin 1993, n° 4692/91 (N° Lexbase : A1994AUE), Bull. Joly Sociétés, 1993, p. 1013, note P. Le Cannu.
(12) Cass. civ. 1, 7 mars 1972, JCP, 1972, II, 17270, note Y. Guyon ; Cass. civ. 1, 25 avril 1974, Gaz. Pal., 1974, 2, p. 635, note A. Plancqueel : il n'est donc pas nécessaire de respecter les prescriptions de l'article 1690 du Code civil (N° Lexbase : L1800ABB) relatives à la cession de créance.
(13) CA Paris, 25ème ch., sect. B, 10 avril 1986, n° 04080 (N° Lexbase : A2867KTD), considérant que la fusion-absorption n'était pas une vente de fonds de commerce
(14) P. Mousseron et L. Chatain-Autajon, Droit des sociétés, Les Précis Joly, 2ème éd., Joly éditions, 2013, spéc. n° 386.
(15) M.-L. Coquelet, Le sort des actions en justice en cas de transmission universelle du patrimoine, Bull. Joly Sociétés, 2007, p. 783.
(16) CA Paris, Pôle 5, 6ème ch., 17 décembre 2010, n° 10/20747 (N° Lexbase : A9840GNR), Bull. Joly Sociétés, 2011, p. 294, obs. M.-L. Coquelet.
(17) Cass. civ. 2, 9 novembre 2006, n° 05-18.047, FS-D (N° Lexbase : A3642DSP) ; D., 2007, p. 702, note G. Kessler.
(18) Cass. com., 21 octobre 2008, n° 07-19.102, F-P+B (N° Lexbase : A9437EAR), J.-B Lenhof, La qualité de partie à une instance de l'ayant cause à titre universel, société absorbante ou "quand le mort saisit le vif", Lexbase Hebdo n° 326 du 13 novembre 2008 - édition privée (N° Lexbase : N7004BHU), Bull. Joly Sociétés, 2009, p. 114, note X. Vamparys, JCP éd. E, 2009, n° 3, obs. J.-J. Caussain, Fl. Deboissy et F. Wicker, D., 2008, p. 2792, obs. A. Lienhard.
(19) Cass. com., 1er juin 1993, n° 91-14.740 (N° Lexbase : A5695ABK), JCP éd. E, 1994, I, 363, obs. A. Viandier et J.-J. Caussain.
(20) Cass. com., 11 décembre 2007, n° 06-17.260, F-P+B (N° Lexbase : A0748D34) Bull. Joly Sociétés, 2008, p. 281 note Ph. Delebecque.
(21) Cass. com., 30 mai 2000, n° 97-18.457 (N° Lexbase : A5254AWI), JCP éd. E, 2000, II, 10401, note A. Viandier ; Bull. Joly Sociétés, 2000, p. 841, note M.-L. Coquelet et Cass. civ. 3, 29 février 2012, n° 10-27.259, FS-P+B (N° Lexbase : A8759IDR pour une mission de syndic de copropriété) ; également Cass. com., 29 octobre 2002, n° 01-03.987, F-D (N° Lexbase : A4127A3A), Bull. Joly Sociétés, 2003, p. 192, note D. Krajeski ; Cass. com., 3 juin 2008, n° 06-18.007, FS-P+B (N° Lexbase : A9219D8X), Bull. Joly Sociétés, 2008, p. 904, note B. Saintourens, D., 2008, p. 1623, obs. A. Lienhard, G. de Foresta, La transmission de contrats de franchise dans le cadre d'une fusion-absorption et d'opérations assimilées : le problème de l'intuitu personae, Lexbase Hebdo n° 315 du 8 novembre 2012 - édition affaires (N° Lexbase : N7030BGH) ; Cass. com., 24 novembre 2009, n° 08-16.428, F-D (N° Lexbase : A1539EPP pour un contrat de franchise) ; Cass. com., 13 décembre 2005, n° 03-16.878, F-P+B (N° Lexbase : A9814DL3), Bull. Joly Sociétés, 2005, p. 591, note X. Vamparys, Dr. Sociétés, février 2006, n° 23, obs. J. Monnet (pour un contrat de concession automobile).
(22) A. Viandier, Les contrats conclus intuitu personae face à la fusion des sociétés, Mél. Ch. Mouly, Litec, 1998, tome II, p. 193 ; P.-Y. Bérard, Les fusions face à l'épreuve de l'intuitu personae, RTDCom., 2007, p. 279, M. Dubertet, L'intuitu personae dans les fusions, Rev. sociétés 2006, p. 721.
(23) M. Cozian, A. Viandier et Fl. Deboissy, précités, n° 1485 ; P. Mousseron et L. Chatain-Autajon précités, n° 386 ; M. Dubertet, précité.
(24) Cass. com., 8 novembre 2005, n° 01-12.896, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A4830DLH).
(25) Cass. com., 29 juin 1982, n° 80-14.160, publié (N° Lexbase : A3633AGN), Bull. civ. IV, n° 258, D., 1983, p. 360, note Ch. Mouly. Ph. Simler, Cautionnement, garanties autonomes et garanties indemnitaires, 4ème éd., Litec, 2008 ; Ph. Simler et Ph. Delebecque, Les sûretés, la publicité foncière, 6ème éd., Précis Dalloz, 2012, n° 252.
(26) C. com., art. R. 123-195 (N° Lexbase : L9948HY4).
(27) A. Bonnasse et N. Jüllich, J.Cl. Traité Sociétés, Fasc. 162-20, Fusion-Scission, Effets, Actions en contestation, n° 128.
(28) Cass. com. 13 septembre 2011, n° 10-21.370, F-D (N° Lexbase : A7513HXK), Rev. sociétés, 2012, p. 500 note J.-F. Barbièri.
(29) Cass. com. 7 novembre 1966 (N° Lexbase : A9778AYS), Bull. civ. III, n° 421.
(30) A. Lienhard, L'interprétation a fortiori des arrêts I' de la Cour de cassation, Mél. D. Tricot, Dalloz-Litec, 2011, p. 521.

Décision

Cass. com., 7 janvier 2014, n° 12-20.204, FS+P+B+R+I (N° Lexbase : A0244KT9).

Rejet (CA Paris, 11 avril 2012, Pôle 5, 4ème ch., n° 10/09678 N° Lexbase : A3619IIU).

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Surendettement

[Brèves] Plan conventionnel de redressement : interruption de la prescription des créances

Réf. : Cass. civ. 2, 9 janvier 2014, n° 12-28.272, F-P+B (N° Lexbase : A1989KTT)

Lecture: 2 min

N0265BUD

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Le 21 Janvier 2014

En sollicitant un plan conventionnel par lequel sa dette est aménagée, le débiteur reconnaît la créance litigieuse, de sorte que le délai de prescription de ladite créance a été interrompu en application de l'article 2240 du Code civil (N° Lexbase : L7225IAT). Tel est le sens d'un arrêt rendu par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation le 7 janvier 2014 (Cass. civ. 2, 9 janvier 2014, n° 12-28.272, F-P+B N° Lexbase : A1989KTT). En l'espèce, une personne physique (la débitrice) a souscrit auprès d'une banque, un prêt immobilier dont les échéances, prises en charge par la Caisse nationale de prévoyance jusqu'à ce que la débitrice eût atteint l'âge de soixante ans, sont demeurées impayées à compter du 28 novembre 1999. La débitrice ayant formé une demande de traitement de sa situation de surendettement, un plan amiable lui a accordé un moratoire d'une année, débutant le 9 novembre 2001. La banque ayant fait pratiquer diverses mesures de saisie par acte du 31 mai 2010 dénoncé le 7 juin suivant, la débitrice a saisi un juge de l'exécution d'une demande de mainlevée en invoquant la prescription de la créance de la banque. La cour d'appel d'Aix-en-Provence ayant écarté la fin de non-recevoir tirée de la prescription, la débitrice a formé un pourvoi en cassation. Elle soutenait que le plan conventionnel de redressement élaboré par la commission de surendettement dans le cadre de sa mission de conciliation et approuvé par le débiteur n'a pas d'effet interruptif de prescription et que seule interrompt la prescription et les délais pour agir, la demande de mesures de redressement adressée par le débiteur à la commission de surendettement en cas d'échec de sa mission de conciliation, valant reconnaissance de dette. Ainsi, en énonçant que le plan conventionnel d'aménagement sollicité par la débitrice valait reconnaissance de la créance de la banque en exécution du prêt notarié du 3 juin 1991, avec effet du 9 novembre 2001 au 9 novembre 2002, date à laquelle un nouveau délai décennal avait commencé à courir, alors que le plan conventionnel de redressement avait été élaboré par la commission de surendettement dans le cadre de sa mission de conciliation, et non après échec de cette mission, de sorte qu'il n'avait pas d'effet interruptif de prescription, la cour aurait violé les articles L. 331-6 (N° Lexbase : L5250IXQ) et L. 331-7 (N° Lexbase : L5251IXR) du Code de la consommation. Mais la Cour de cassation rejette le pourvoi : "ayant souverainement retenu qu'en sollicitant le plan conventionnel par lequel sa dette avait été aménagée, la débitrice avait reconnu la créance de la banque, de sorte que le délai de prescription avait été interrompu en application de l'article 2240 du Code civil, c'est sans méconnaître les dispositions des articles L. 331-6 et L. 331-7 du Code de la consommation que la cour d'appel a statué comme elle l'a fait" .

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Urbanisme

[Chronique] Chronique de droit de l'urbanisme - Janvier 2014

Lecture: 23 min

N0211BUD

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par Arnaud Le Gall, Maître de conférences à l'Université de Caen

Le 23 Octobre 2014

Lexbase Hebdo - édition publique vous propose de retrouver cette semaine la chronique de droit de l'urbanisme d'Arnaud Le Gall, Maître de conférences à l'Université de Caen. Le premier arrêt commenté apporte de nouvelles précisions sur les conditions d'application de l'article L. 600-5 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L4354IXK) relatif aux annulations partielles d'autorisations (CE 1° et 6° s-s-r., 27 novembre 2013, n° 358765, mentionné aux tables du recueil Lebon). Le deuxième arrêt précise les conditions d'application de l'article R. 600-3 (CE 1° et 6° s-s-r., 4 décembre 2013, n° 358843, mentionné aux tables du recueil Lebon). Enfin, le troisième arrêt concerne les fraudes susceptibles d'entacher les permis de construire (CE 1° et 6° s-s-r., 6 décembre 2013, n° 354703, mentionné aux tables du recueil Lebon).
  • L'annulation partielle d'un permis est possible même en cas d'illégalité externe (CE 1° et 6° s-s-r., 27 novembre 2013, n° 358765, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A4493KQH)

Le Conseil d'Etat continue de préciser les conditions d'application de l'article L. 600-5 (N° Lexbase : L1048HPI) dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2013-638 du 18 juillet 2013, relative au contentieux de l'urbanisme (N° Lexbase : L4499IXW). Cet article permet au juge administratif de ne prononcer, dans certains, cas, que l'annulation partielle des autorisations d'urbanisme qui lui sont déférées. En l'occurrence, un permis de lotir accordé à un syndicat intercommunal avait fait l'objet d'une annulation partielle liée à son champ d'application territorial. Une association locale de défense de l'environnement avait attaqué le permis devant le tribunal administratif. La cour administrative d'appel n'ayant prononcé qu'une annulation partielle de l'arrêté, l'association avait saisi le Conseil d'Etat d'un pourvoi tandis que le syndicat et la commune d'implantation avaient formé un pourvoi incident. L'arrêt du 27 novembre 2013 fait suite à une série récente d'arrêt en la matière. Sans reprendre la totalité de la jurisprudence antérieure relative à l'annulation partielle des autorisations d'urbanisme (I), il complète le régime de l'article L. 600-5 (II).

I - L'annulation partielle des autorisations d'urbanisme

Depuis la loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006, portant engagement national pour le logement (N° Lexbase : L2466HKK), l'article L. 600-5 autorise le juge administratif à ne prononcer que des annulations partielles. Dans l'état du droit antérieur, en effet, l'illégalité d'une partie des dispositions du permis de construire emportait, en principe, l'annulation totale de l'autorisation (1). La jurisprudence n'avait admis que quelques exceptions liées à la divisibilité du projet. L'annulation partielle a ainsi été prononcée pour un permis de construire portant sur des corps de bâtiment distincts (2), ou lorsqu'elle portait sur les prescriptions financières du permis (3).

L'article L. 600-5, issu de la loi du 13 juillet 2006 a donc prévu que : "lorsqu'elle constate que seule une partie d'un projet de construction ou d'aménagement ayant fait l'objet d'une autorisation d'urbanisme est illégale, la juridiction administrative peut prononcer une annulation partielle de cette autorisation. L'autorité compétente prend, à la demande du bénéficiaire de l'autorisation, un arrêté modificatif tenant compte de la décision juridictionnelle devenue définitive". Cette formulation, dont on a souligné les lacunes dans notre précédente chronique, a été précisée par une jurisprudence désormais bien établie (4).

Un arrêt du 4 octobre 2013 confirme ainsi la jurisprudence "Fritot" (5), en indiquant "que, d'une part, lorsque les éléments d'un projet de construction ou d'aménagement ayant une vocation fonctionnelle autonome auraient pu faire, en raison de l'ampleur et de la complexité du projet, l'objet d'autorisations distinctes, le juge de l'excès de pouvoir peut prononcer une annulation partielle de l'arrêté attaqué en raison de la divisibilité des éléments composant le projet litigieux [...] d'autre part, il résulte des dispositions de l'article L. 600-5 [...] qu'en dehors de cette hypothèse, le juge administratif peut également procéder à l'annulation partielle d'une autorisation d'urbanisme dans le cas où une illégalité affecte une partie identifiable du projet et où cette illégalité est susceptible d'être régularisée par un arrêté modificatif de l'autorité compétente, sans qu'il soit nécessaire que la partie illégale du projet soit divisible du reste de ce projet". A titre d'exemple, on relèvera que le lien fonctionnel existant entre une éolienne et son poste de livraison interdit l'annulation partielle du permis de construire (6).

Prenant en considération les lacunes de la rédaction du texte issue de la loi du 13 juillet 2006, l'ordonnance n° 2013-638 du 18 juillet 2013, entrée en vigueur le 19 août 2013 a modifié la rédaction de l'article L. 600-5. Celui-ci dispose désormais que "le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice n'affectant qu'une partie du projet peut être régularisé par un permis modificatif, peut limiter à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et, le cas échéant, fixer le délai dans lequel le titulaire du permis pourra en demander la régularisation".

La divisibilité du projet n'est donc plus le seul critère permettant au juge de prononcer des annulations partielles, ce qui étend évidemment le champ d'application de l'article L. 600-5. L'arrêt du 27 novembre 2013 reprend donc partiellement la jurisprudence antérieure en relevant "qu'il résulte de ces dispositions que le juge administratif peut procéder à l'annulation partielle d'une autorisation d'urbanisme dans le cas où une illégalité affecte une partie identifiable d'un projet de construction ou d'aménagement et où cette illégalité est susceptible d'être régularisée par un arrêté modificatif de l'autorité compétente, sans qu'il soit nécessaire que la partie illégale du projet soit divisible du reste de ce projet [...] le juge peut, le cas échéant, s'il l'estime nécessaire, assortir sa décision d'un délai pour que le pétitionnaire dépose une demande d'autorisation modificative afin de régulariser l'autorisation partiellement annulée". L'apport essentiel de l'arrêt réside toutefois dans la détermination de l'illégalité.

II - L'application de l'article L. 600-5 et l'illégalité externe

Jusqu'à présent, le Conseil d'Etat n'avait pas eu l'occasion de préciser la nature exacte de l'illégalité visée à l'article L. 600-5. La lettre du texte ne faisait aucune distinction entre illégalité externe et illégalité interne. Toutefois, les cas d'annulation partielle ne reposaient que sur des illégalités internes, ce qui n'a rien de surprenant. En effet, le principe même d'une telle annulation, qui ne vise qu'une partie du projet, suppose que celle-ci est matériellement contraire à des dispositions d'urbanisme. En revanche, une illégalité externe affecte, par nature, la totalité de l'acte et n'est donc pas liée à l'un des aspects matériels du projet. Elle n'est donc pas, a priori, susceptible d'emporter une annulation partielle.

L'arrêt du 27 novembre 2013 vient contredire cette première approche. Cette décision a, en effet, été rendue dans un contexte très particulier et relativement rare. Le permis de lotir avait été signé en 2007 par le maire de la commune qui a fusionné en 2012 avec la commune voisine. Or, le projet portant sur le territoire des deux communes aurait donc dû être signé par les deux maires. La cour administrative d'appel avait donc retenu ce motif pour en conclure que le maire était incompétent pour autoriser la partie du projet portant sur le territoire de la commune voisine et pour prononcer l'annulation de l'arrêté de lotir qu'en ce qu'il portait sur le territoire de cette dernière. La compétence de l'autorité signataire d'une décision s'appréciant à la date de signature de l'acte, la fusion ultérieure des deux communes était sans influence sur l'incompétence partielle du maire. Rien n'interdisait donc à la Cour de recourir à l'article L. 600-5, pourvu que les conditions jurisprudentielles fussent remplies.

Le Conseil d'Etat profite donc de l'occasion pour édicter une règle générale et préciser que "la circonstance qu'une autorisation d'urbanisme soit entachée d'une illégalité externe, notamment d'incompétence, ne fait pas obstacle à l'application des dispositions de l'article L. 600-5". La cour administrative d'appel était donc bien fondée à annuler l'arrêté en ce qu'il portait sur le territoire de la commune voisine. De surcroît, les conditions posées par la jurisprudence étaient respectées au motif "qu'il ressort par ailleurs des énonciations de l'arrêt attaqué qu'avant de prononcer l'annulation partielle du permis de lotir, la cour a relevé que l'illégalité invoquée affectait la partie identifiable du projet relative à l'aménagement d'une voie d'accès au lotissement et que cette irrégularité pouvait être régularisée". Il faut souligner le caractère assez exceptionnel de la conjonction entre l'illégalité externe de l'arrêté de lotir et les dispositions de fond applicables au territoire de la commune : par chance pour le pétitionnaire, celui-ci ne devait accueillir qu'une partie très limitée du projet, susceptible de faire l'objet d'une régularisation. Il en serait allé autrement si le lotissement avait été franchement à cheval sur les deux territoires, mais dans cette hypothèse, on peut penser que l'arrêté aurait été initialement signé par les deux exécutifs. Il faut d'ailleurs relever que dans les circonstances de l'espèce, du fait de la fusion des deux communes, la régularisation de l'incompétence partielle du maire sera réalisée par... le maire lui-même.

On relèvera, en guise de conclusion, qu'en l'absence de toute exclusion expresse de la part de la rédaction de l'article L. 600-5 issue de l'ordonnance du 18 juillet 2013, la solution retenue par l'arrêt du 27 novembre 2013 s'applique au nouveau régime de l'annulation partielle.

  • La date d'achèvement des travaux peut être établie par tous moyens lorsqu'elle est antérieure au 1er octobre 2007 (CE 1° et 6° s-s-r., 4 décembre 2013, n° 358843, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A8526KQT)

Le Code de l'urbanisme contient des dispositions bien connues qui ont pour objet de limiter le contentieux. Parmi elles, figure l'article R. 600-3 (N° Lexbase : L7751HZ4) qui limite à un an le délai de recours ouvert contre les autorisations d'urbanisme à compter de l'achèvement de la construction. L'arrêt du 6 décembre 2013 apporte des éléments utiles à la définition du régime de cet article. En l'occurrence, un maire avait délivré le 14 octobre 2003 un permis de construire concernant une maison d'habitation. Celle-ci avait fait l'objet d'un permis modificatif du 9 juillet 2007. A la demande d'un tiers, le tribunal administratif avait annulé les deux décisions, mais la cour administrative d'appel était revenue sur ces annulations. La requérante a donc saisi le Conseil d'Etat qui profite de l'occasion pour fixer le régime de l'article R. 600-3 à propos des constructions achevées avant le 1er octobre 2007. Il est nécessaire de rappeler les conditions d'ouverture des recours (I) avant de mesurer l'apport de l'arrêt au régime de l'article R. 600-3 (II).

I - La date d'achèvement des constructions et la recevabilité des recours

La recevabilité des recours des tiers contre les autorisations d'urbanisme est, au regard des délais, soumise à deux barrages successifs éventuels.

En premier lieu, la recevabilité est conditionnée par la date de départ du recours. Faisant disparaître la règle du double affichage, l'article R. 600-2 (N° Lexbase : L7750HZ3) dispose, depuis le 1er octobre 2007, que "le délai de recours contentieux à l'encontre d'une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou d'un permis de construire, d'aménager ou de démolir court à l'égard des tiers à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain des pièces mentionnées à l'article R. 424-15 (N° Lexbase : L7571HZG)". La jurisprudence a abondamment précisé le régime de cet article. Un recours introduit après l'expiration du délai d'affichage est tardif et donc irrecevable. Toutefois, le délai peut être interrompu par l'exercice d'un recours gracieux, notifié conformément à l'art. R. 600-1 (N° Lexbase : L7749HZZ) (7).

L'affichage est soumis à plusieurs contraintes particulières. Il doit notamment comporter les dispositions des articles R. 600-1 et R. 600-2 et doit, bien entendu, être visible depuis la voie publique. La tardiveté des recours est fréquemment invoquée, à tort ou à raison, par les pétitionnaires mais, devant les juges du fond, le doute profite souvent aux requérants. C'est le cas lorsque les bénéficiaires de l'autorisation n'ont pas pris les précautions nécessaires pour établir l'existence de la période continue d'affichage, par voie de constats d'huissier répétés le plus souvent, ou lorsqu'ils n'ont pas pris garde au maintien du caractère lisible des mentions de l'affichage pendant toute sa durée, circonstance qui est particulièrement fréquente. Il n'est donc pas rare que le délai de deux mois ne court pas, faute d'un affichage conforme aux dispositions réglementaires. L'affichage insuffisant n'est cependant pas synonyme d'absence de délai de recours, du fait de l'existence d'un second barrage pour les tiers.

En second lieu, en effet, et indépendamment du délai d'affichage, l'article R. 600-3, afin de garantir une sécurité juridique relative, a institué une limite au dépôt des actions introduites à compter du 1er octobre 2007. Il prévoit ainsi qu'"aucune action en vue de l'annulation d'un permis de construire ou d'aménager ou d'une décision de non-opposition à une déclaration préalable n'est recevable à l'expiration d'un délai d'un an à compter de l'achèvement de la construction ou de l'aménagement. Sauf preuve contraire, la date de cet achèvement est celle de la réception de la déclaration d'achèvement mentionnée à l'article R. 462-1 (N° Lexbase : L7701HZA)". Une telle disposition ne se suffit pas à elle-même et la référence à l'achèvement de la construction est évidemment source de contentieux.

L'article R. 462-1 dispose pour sa part que "la déclaration attestant l'achèvement et la conformité des travaux est signée par le bénéficiaire du permis de construire ou d'aménager ou de la décision de non-opposition à la déclaration préalable ou par l'architecte ou l'agréé en architecture, dans le cas où ils ont dirigé les travaux. / Elle est adressée par pli recommandé avec demande d'avis de réception postal au maire de la commune ou déposée contre décharge à la mairie. Lorsque la commune est dotée des équipements répondant aux normes fixées par l'arrêté du ministre chargé de l'urbanisme prévu à l'article R. 423-49 (N° Lexbase : L7531HZX), la déclaration peut être adressée par courrier électronique dans les conditions définies par cet article [...]". Cette rédaction est applicable aux constructions achevées à compter du 1er octobre 2007.

Le recours des tiers contre les permis de construire est donc limité par l'affichage et par l'achèvement des travaux. En principe, les deux délais n'ont pas vocation à se cumuler. Toutefois, aucune disposition du Code de l'urbanisme ne soumet la légalité de l'autorisation, et donc de la construction, à son affichage régulier lequel, bien qu'obligatoire en vertu de l'article R. 424-15 (N° Lexbase : L7571HZG), ne conditionne que le déclenchement du délai de recours. Le pétitionnaire peut ainsi, à ses risques et périls, afficher tardivement son permis, voire s'abstenir totalement. Dans le premier cas, on peut théoriquement envisager que le délai de deux mois disparaisse avant terme, couvert par le délai d'un an, même si on imagine mal le pétitionnaire afficher son permis aussi tardivement. Dans le second cas, l'expiration de l'année suivant l'achèvement le met définitivement à l'abri des recours des tiers. Toutefois, la difficulté du dispositif tient essentiellement à son application dans le temps.

II - L'application dans le temps de l'article R. 600-3

Le Conseil d'Etat précise, tout d'abord, le régime de l'article R. 600-3 lorsque l'achèvement des travaux et l'introduction de l'action sont postérieurs au 1er octobre 2007. En effet, l'arrêt relève "qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que, lorsqu'une autorisation de construire relative à des travaux achevés à compter du 1er octobre 2007 est contestée par une action introduite à compter de la même date, celle-ci n'est recevable que si elle a été formée dans un délai d'un an à compter de la réception par le maire de la commune de la déclaration attestant l'achèvement et la conformité des travaux". Dans ce cas, les difficultés particulières ne peuvent surgir que dans l'application de l'article R. 462-1, indépendamment de toute considération de date. C'est la raison pour laquelle le Conseil précise les conditions de mise en oeuvre de la présomption résultant de la procédure prévue à cet article : "une telle tardiveté ne peut être opposée à une demande d'annulation que si le bénéficiaire de l'autorisation produit devant le juge l'avis de réception de la déclaration prévue par les dispositions précitées de l'article R. 462-1 du Code de l'urbanisme [...] pour combattre la présomption qui résulte de la production par le bénéficiaire de cet avis de réception, le demandeur peut, par tous moyens, apporter devant le juge la preuve que les travaux ont été achevés à une date postérieure à celle de la réception de la déclaration". Le principe du mécanisme est donc relativement simple : la production de l'accusé de réception de la déclaration de travaux constitue une présomption simple quant à la date d'achèvement, présomption qui peut être combattue, de la part du tiers, par tous moyens. Le Conseil fixe ainsi la jurisprudence, confirmant quelques rares décisions des juges de première instance (8).

Ensuite, et en revanche, lorsque les travaux ont été achevés avant le 1er octobre 2007, le pétitionnaire ne peut se limiter à produire l'accusé de réception prévu par une procédure qui n'était pas encore applicable. Cette situation est moins confortable pour lui. Ne pouvant bénéficier de la présomption simple par la production de l'accusé de réception de la déclaration d'achèvement, il lui revient désormais d'établir la date de cet achèvement par tous moyens. L'arrêt précise "que lorsqu'une action introduite à compter du 1er octobre 2007 est dirigée contre une autorisation de construire relative à des travaux achevés avant le 1er octobre 2007, auxquels les dispositions de l'article R. 462-1 du code issues du décret du 5 janvier 2007 ne sont pas applicables, le bénéficiaire de l'autorisation, comme le requérant qui en demande l'annulation, peut, pour l'application de l'article R. 600-3, établir devant le juge la date d'achèvement des travaux par tous moyens". Les deux parties se retrouvent ainsi à égalité parfaite.

Dans la foulée, le Conseil annule donc l'arrêt d'appel, non pour le fond de la solution qu'elle a adoptée, mais parce qu'elle a fondé, à tort, cette solution sur l'article R. 462-1 qui n'était pas applicable. L'arrêt précise en effet "qu'en se fondant, pour l'application de l'article R. 600-3 du Code de l'urbanisme, sur les dispositions de l'article R. 462-1 du même code, dans leur rédaction issue du décret du 5 janvier 2007, pour juger que la preuve de la date d'achèvement des travaux litigieux pouvait être apportée par le bénéficiaire de l'autorisation par tous moyens, alors qu'il ressortait des pièces du dossier qui lui était soumis et qu'il n'était pas contesté devant elle que la construction avait été achevée avant le 1er octobre 2007, la cour administrative d'appel de Marseille a commis une erreur de droit". Toutefois, recourant à une substitution de motifs, le juge de cassation relève que "le bénéficiaire de l'autorisation de construire pouvait, pour l'application de l'article R. 600-3, établir devant le juge la date d'achèvement des travaux par tous moyens", ce qui lui permet de confirmer le sens de la décision de la cour.

Enfin, et en l'espèce, le Conseil précise ce que recouvre l'expression "par tous moyens", éclairant ainsi les possibilités qui s'offrent au pétitionnaire. Celui-ci peut ainsi établir la date d'achèvement des travaux en démontrant que la construction était habitée à une date certaine. Cette preuve est apportée, en l'espèce, par la production de factures d'eau, d'électricité et de téléphone, ainsi que par la mention d'une date d'achèvement, en l'occurrence le 1er février 2006, sur la déclaration prévue à l'article 1406 du Code général des impôts (N° Lexbase : L0464IPU). Cette déclaration est souscrite, notamment, en cas de construction nouvelle ou en cas de changement de consistance ou d'affectation des propriétés bâties ou non bâties dans un délai de quatre-vingt-dix jours à compter des modifications intervenues.

D'une part, et sans qu'il y ait lieu de s'en étonner, la valeur probante des éléments apportés par le pétitionnaire relève de l'appréciation souveraine des juges du fond, le juge de cassation limitant son contrôle à la dénaturation. D'autre part, et cependant, il convient de relativiser l'énoncé de l'arrêt relatif aux éléments de preuve. En effet, la simple production de factures démontrant la mise en service de l'immeuble ne semble pas suffisante puisque le Conseil y adjoint expressément, comme un élément complémentaire qui semblerait indispensable, la production de la déclaration fiscale. Ceci laisse supposer que la seule production de factures serait insuffisante ce qui ne saurait étonner. On a vu, bien souvent, le Conseil d'Etat écarter le grief tiré de la dénaturation alors que les factures produites, prouvant les faits invoqués étaient établies par des personnes publiques ou que leur authenticité n'était aucunement mise en doute. De là à dire que le Conseil apprécie à sa guise ces éléments et n'hésite pas à les écarter lorsqu'il le juge nécessaire, il n'y a qu'un pas qu'on franchira sans hésiter. D'autant plus que le fait de s'appuyer sur une déclaration fiscale est franchement ironique. En effet, le contentieux fiscal démontre à lui seul le peu de crédit que le Conseil d'Etat apporte au contenu des déclarations des contribuables. En matière fiscale, elles pourraient donc être librement contestées par l'administration, alors qu'en dehors du domaine fiscal, leurs mentions, pourtant établies sous la seule responsabilité du contribuable, auraient une valeur probante. La géométrie du mécanisme est un peu trop variable pour qu'on lui apporte un véritable crédit.

Le Conseil confirme donc le caractère tardif du recours dirigé contre le permis de construire initial et rejette le pourvoi. En ce qui concerne le permis de construire modificatif, on relèvera, en conclusion, que le Conseil d'Etat confirme qu'une lettre de l'avocat de la commune, adressée après l'apparition d'une décision implicite de rejet à la suite d'un recours gracieux, ne constitue pas une décision de rejet de ce recours et ne peut, en tout état de cause réouvrir le délai de recours contentieux courant contre cette décision implicite.

  • Un permis dont le bénéficiaire a faussement attesté remplir les conditions de demande a été obtenu par fraude et doit être annulé (CE 1° et 6° s-s-r., 6 décembre 2013, n° 354703, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A8510KQA)

L'arrêt du 6 décembre 2013 a été rendu dans le cadre d'une affaire ayant pour toile de fond un contentieux privé. Une ferme, donnée à bail par des propriétaires indivis, avait été partiellement détruite par un incendie. A cette occasion, un litige entre preneur et bailleurs a surgi et a donné lieu à un contentieux devant le tribunal paritaire des baux ruraux, les bailleurs s'opposant à la reconstruction de l'immeuble. Les locataires ont alors procédé à la reconstruction en l'absence de permis de construire, ce qui leur a valu une condamnation pénale à détruire l'immeuble. Enfin, le maire a accordé le permis demandé par les preneurs par un arrêté du 6 mars 2009. Saisi par les bailleurs, le tribunal administratif de Nancy a annulé ledit permis au motif qu'il avait été obtenu par des manoeuvres frauduleuses. La cour administrative d'appel ayant annulé le jugement de première instance, le Conseil a donc été saisi par les bailleurs. L'arrêt précise la notion de manoeuvre frauduleuse (I) et apporte quelques précisions de procédure (II).

I - Les manoeuvres frauduleuses et les demandes de permis de construire

Il est de jurisprudence constante que les autorisations administratives obtenues sur la base de manoeuvres frauduleuses de la part de leurs bénéficiaires sont entachées d'un vice rédhibitoire qui justifie leur annulation. Il n'existe pas de définition précise de ce type de comportement. Il est certain que la fraude diffère de la simple mauvaise foi et nécessite, pour être reconnue, des comportements précis et identifiés destinés à induire en erreur l'administration sur la qualité à déposer la demande ou sur les caractéristiques de son projet. Elle se distingue ainsi de la simple erreur telle que l'omission, par la pétitionnaire, du fait que l'immeuble concerné par le projet était soumis au régime de la copropriété (9). Des mentions erronées ne suffisent pas à caractériser une fraude (10). La fraude doit être le fait du pétitionnaire et n'est pas reconnue lorsque ce dernier a bénéficié du détournement de pouvoir entachant la suppression d'un emplacement réservé (11).

La fraude, qui doit être établie à la date de la décision, emporte la nullité de l'autorisation (12). Elle peut porter sur les conditions d'acquisition du terrain d'assiette du projet par une commune (13). Le pétitionnaire qui ne peut ignorer l'opposition des copropriétaires à la réalisation des travaux se rend coupable de fraude en produisant une attestation mensongère à l'appui de sa demande de permis (14). De même, une commune s'attribue une autorisation par fraude dès lors qu'elle ne peut ignorer que les travaux qu'elle envisage nécessitent l'accord des autres copropriétaires, accord qu'elle n'a pas demandé (15). Il faut également rappeler qu'un permis de construire obtenu par fraude ne peut créer de droits acquis et peut donc être retiré à tout moment (16).

En l'espèce, la fraude invoquée portait sur la qualité permettant au pétitionnaire de déposer une demande de permis. La rédaction de l'article R. 431-5 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L7615HZ3) issue de la réforme de l'urbanisme de 2006 a supprimé l'obligation faite au pétitionnaire, lorsqu'il n'est pas propriétaire, de produire, à l'appui de sa demande, un titre l'autorisant à construire sur le terrain. Désormais, en effet, en application de l'article R. 423-1 (N° Lexbase : L7483HZ8), "les demandes de permis de construire, d'aménager ou de démolir et les déclarations préalables sont adressées par pli recommandé avec demande d'avis de réception ou déposées à la mairie de la commune dans laquelle les travaux sont envisagés : / a) Soit par le ou les propriétaires du ou des terrains, leur mandataire ou par une ou plusieurs personnes attestant être autorisées par eux à exécuter les travaux ; / b) Soit, en cas d'indivision, par un ou plusieurs co-indivisaires ou leur mandataire ; / c) Soit par une personne ayant qualité pour bénéficier de l'expropriation pour cause d'utilité publique". L'article R. 431-5 précise que "la demande de permis de construire précise : a) L'identité du ou des demandeurs [..] La demande comporte également l'attestation du ou des demandeurs qu'ils remplissent les conditions définies à l'article R. 423-1 pour déposer une demande de permis". Ainsi que le relève l'arrêt, l'attestation, qui est incluse dans le dossier de permis de construire, suffit à remplir la condition d'identité imposée par l'article R. 423-1. Le service instructeur se limite donc à contrôler la présence et la régularité purement externe de l'attestation mais ne procède à aucun contrôle de fond, l'objectif étant de réduire les formalités. L'administration ne peut donc imposer la production de justificatifs complémentaires à l'attestation prévue par le code (17).

La qualité du demandeur n'est susceptible de faire naître que deux types de contentieux. Le premier est un contentieux civil, les autorisations administratives n'étant toujours délivrées que sous réserve des droits des tiers. Les autorités administratives ne peuvent s'immiscer dans ces contentieux qui relèvent, bien entendu, des seules juridictions judiciaires (18).

Le second contentieux est assez rare et l'arrêt commenté en est une illustration intéressante puisqu'il reconnaît l'existence d'une fraude. Ainsi que le souligne le Conseil d'Etat, "dans le cas où, en attestant remplir les conditions définies à l'article R. 423-1, le pétitionnaire procède à une manoeuvre de nature à induire l'administration en erreur, le permis qui lui est délivré doit être regardé comme ayant été frauduleusement obtenu". La charge de la preuve repose évidemment sur le requérant qui doit faire état, non de la simple intention du demandeur, mais de faits objectifs, ce qui est assez délicat, notamment lorsque ces faits ne découlent pas des pièces du dossier (19).

En l'occurrence, les faits de l'espèce ne laissaient guère de doutes sur l'existence de la fraude. Le Conseil d'Etat, dans un premier temps, relève que le pétitionnaire ne pouvait se prévaloir d'aucun texte susceptible de l'autoriser à présenter une demande de permis de construire. D'une part, aucune disposition du Code rural relative aux baux ruraux n'accorde ce droit au preneur, ce qui, vu l'indépendance des législations, ne peut surprendre. D'autre part, le bail rural conclu entre les parties n'accordait pas non plus ce droit au preneur. Dans un second temps, le juge de cassation ne peut que constater que l'opposition manifeste de l'un des propriétaires indivis au dépôt d'une demande de permis de construire découlait des pièces du dossier. En effet, le litige intervenu entre les bailleurs et le preneur, porté devant le tribunal paritaire des baux ruraux, concernait précisément la reconstruction des bâtiments détruits par le sinistre. Le locataire ne pouvait donc soutenir sérieusement qu'il avait la qualité pour déposer une demande de permis, dès lors qu'il ne pouvait ignorer que l'un des propriétaires du terrain s'y opposait expressément. C'est ce que le Conseil d'Etat se contente de relever pour conclure à l'existence d'une fraude, l'attestation produite par le pétitionnaire étant manifestement mensongère, celle-ci devant "être regardée comme s'étant livrée à une manoeuvre de nature à induire l'administration en erreur". Le juge de cassation ne peut donc que confirmer le jugement de première instance annulant le permis de construire.

II - L'intérêt à agir et la notification des appels

L'arrêt du 6 décembre 2013 apporte également des précisions sur deux aspects procéduraux.

En premier lieu, l'intérêt à agir contre une autorisation d'urbanisme dépend exclusivement de la qualité de la personne en question et ne peut être apprécié en fonction de considérations subjectives. C'est ainsi que les éventuelles fautes commises par le requérant ne peuvent, en aucun cas, interférer avec l'appréciation de l'intérêt qui lui donne droit à agir. L'intérêt à agir du propriétaire ou du copropriétaire du terrain d'assiette du projet est reconnu depuis longtemps (20). Il est évident que cette qualité lui donne un intérêt légitime et personnel à agir contre une autorisation d'urbanisme portant sur ce terrain.

Il faut noter, sur ce point, que le nouvel article L. 600-1-2 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L4348IXC) a réduit le champ d'application de l'intérêt à agir. Le texte, issu de l'ordonnance n° 2013-638 du 18 juillet 2013, relative au contentieux de l'urbanisme ([LXB=]), dispose qu'"une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du Code de la construction et de l'habitation (N° Lexbase : L1971HPP)". Selon le Gouvernement, cette disposition s'appliquerait aux contentieux en cours. Toutefois, et même si la présente espèce rentre dans ce nouveau champ d'application, il faut noter que le Conseil d'Etat n'a pas visé ce texte, ce qui laisse supposer qu'il estime qu'il ne serait applicable qu'aux litiges engagés à compter de sa date de publication.

En tout état de cause, le Conseil d'Etat rappelle que l'intérêt du requérant, qui découle de sa seule qualité de propriétaire du terrain, prévaut sur toute autre considération. En l'espèce, il relève qu'en jugeant que l'un des propriétaires indivis du terrain d'assiette du projet litigieux, "ne justifiait d'aucun intérêt lui donnant qualité pour contester le permis de construire délivré le 6 mars 2009, au motif qu'elle aurait méconnu les obligations imposées au bailleur par la législation des baux ruraux relative à la reconstruction des biens détruits, la cour a commis une erreur de droit". Une telle solution ne doit pas surprendre. D'une part, le comportement antérieur du demandeur ne modifie pas sa qualité intrinsèque. D'autre part, si un obstacle surgit dans l'exercice du recours contentieux, ce dernier, en application du principe d'indépendance des législations, ne peut s'apprécier qu'au regard des dispositions du Code de justice administrative. Dès lors, à supposer même que le propriétaire ait méconnu les dispositions applicables aux baux ruraux, cette seule circonstance ne peut emporter le moindre effet juridique dans le cadre du contentieux administratif. C'est donc sur ce fondement que le Conseil d'Etat annule l'arrêt d'appel.

En second lieu, le Conseil, décidant de statuer au fond, rappelle que l'obligation de notification des recours ne s'impose pas au pétitionnaire lorsque celui-ci fait appel d'un jugement de première instance ayant annulé l'autorisation d'urbanisme. Après avoir rappelé les dispositions de l'article R. 600-1, l'arrêt précise, en effet, "que ces dispositions n'imposent pas à l'auteur du permis ou à son bénéficiaire, ni d'ailleurs à aucune autre personne ayant qualité pour faire appel d'un jugement annulant en tout ou partie un permis de construire, de notifier l'appel dirigé contre un tel jugement". Cette solution se justifie par le fait, qu'en cas d'annulation, il n'existe plus d'acte administratif et que la notification imposée par l'article R. 600-1 vise les recours dirigés contre les autorisations. Le Conseil d'Etat réitère ainsi une solution classique (21) et écarte le moyen invoqué par le propriétaire.


(1) CE 1° et 5° s-s-r., 16 janvier 1970, n° 75776, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A0907B84) ; CE 2° et 6° s-s-r., 20 novembre 1981, n° 22024, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A5466AKN) ; CE 1° et 6° s-s-r., 9 juillet 2008, n° 284831, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A6043D9P).
(2) CE 3° et 5° s-s-r., 2 février 1979, n° 05808, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A1549B7I) ; CE 4° et 5° s-s-r., 18 février 2005, n° 261171, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A7082DGE).
(3) CE, 13 novembre 1981, n° 16504, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A5455AKA) ; CE 8° et 9° s-s-r., 8 octobre 1993, n° 61621, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A0980ANM).
(4) CE 1° et 6° s-s-r., 23 février 2011, n° 325179, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A6982GZM), T. 1068-1104-1200 ; CE 1° et 6° s-s-r., 1er mars 2013, n° 350306, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A9297I8T).
(5) CE 1° et 6° s-s-r., 1er mars 2013, n° 350306, publié au recueil Lebon, préc..
(6) CE 1° et 6° s-s-r., 1er mars 2013, n° 350306, publié au recueil Lebon, préc. ; CE 1° et 6° s-s-r., 20 juin 2012, n° 344646, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A9101IQ7).
(7) CE 1° s-s., 20 novembre 2009, n° 326236, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A7334ENX).
(8) TA Clermont-Ferrand, 29 mars 2011, n° 1001206 ; TA Melun, 16 décembre 2010, n° 0708247/4.
(9) CE 4° et 1° s-s-r., 12 février 1988, n° 60341, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A8670APS).
(10) CE 6° s-s., 21 novembre 2012, n° 350684, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A2650IXG).
(11)  CAA Bordeaux, 6ème ch., 1er février 2011, 10BX00938, inédit au recueil Lebon ([LXB=]).
(12) CE 4° et 1° s-s-r., 25 janvier 1993, n° 78242 (N° Lexbase : A8202AMQ) ; CE 5° et 3° s-s-r., 18 mai 1998, n° 168893, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A7351AS3).
(13) CE 1° s-s., 25 juillet 2013, n° 359652, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A1236KKY).
(14) TA Paris, 3 novembre 2011, n° 1003390.
(15) TA Nice, 16 octobre 2012, n° 0904349.
(16) CE 2° et 6° s-s-r., 10 octobre 1990, n° 86379, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A6081AQB) ; CE 7° et 10° s-s-r., 23 juillet 1993, n° 129391, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A0350ANB)
(17) CAA Lyon, 1ère ch., 18 décembre 2012, n° 12LY00657, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A5170I3U).
(18) CE 9° et 10° s-s-r., 15 février 2012, n° 333631, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A8522ICM).
(19) CAA Versailles, 2e ch., 7 févr. 2013, n° 11VE02922, inédit au recueil Lebon.
(20) CE 1° et 4° s-s-r., 29 mai 1985, n° 42978.
(21) CE , S., 26 juillet 1996, n° 180373, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A0655APX) ; CE 9° et 10° s-s-r., 9 juillet 2003, n° 235325 et 235386, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A2440C9A).

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