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N0307BUW
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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication
Le 27 Mars 2014
Il y avait certes quelque chose d'étrange à malmener un vieux corpus législatif de deux cents ans sans contradiction parlementaire, mais il semblait que de débat politique, il n'y en avait point ; et que le seul débat qui vaille concerne finalement les spécialistes de la matière, qui ont pu donner leur avis et qui, année après année, et notamment depuis l'avant projet de loi "Catala", en 2005, sont tout de même, dans leur grande majorité, d'accord pour dire qu'il faut une réforme de simplification au nom de la sécurité juridique et de la compétitivité du droit français. Pourtant, le Sénat prit mal l'affront d'être écarté d'une importante refonte du Code Napoléon, et rejeta l'habilitation. En ce qui concerne la procédure d'adoption, il est à espérer, pour le Gouvernement, que l'Assemblée nationale donne de la voie ; sinon, un projet de loi sera nécessaire à toute avancée sur le sujet.
Sur le fond, contrairement à "la chansonnette" du papet, la réforme envisagée est loin d'être "toute bête". Reprenant "les refrains [du] Paris" de la Doctine, c'est bien l'ensemble des 280 articles du titre III du livre III du Code civil qui sera remanié.
D'abord, c'est la cause qui prend "l´maquis". Exit la cause du contrat, spécificité du droit français, qui était sujette à l'insécurité jurisprudentielle et ne servait, en fait, qu'à justifier un certain nombre d'avancées prétoriennes telle que la contrepartie financière de la clause de non-concurrence dans le contrat de travail ou l'atteinte à l'ordre public et aux bonnes moeurs de certains contrats litigieux... Les forains, et l´orphéon n'y comprenaient rien ; et à l'heure de l'européanisation de notre droit des contrats, car le Règlement de droit commun européen de la vente, de 2011, constitue également une source d'inspiration avouée de cet avant-projet, maintenir un concept abscons pour nos voisins ne relevait pas du sens commun.
Ensuite, serait intégré au Code civil le régime des clauses abusives, celles qui crée "un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat", sortant du carcan de la consommation pour intégrer le droit commun des contrats. Ainsi, l'abus de faiblesse ferait son entrée dans le Code civil, et l'obligation d'information quitterait le seul joug du Code de la consommation. La résiliation judiciaire pour imprévision pourrait chahuter le sacro-saint principe de la force obligatoire des contrats ; c'est que l'imprévision est lot quotidien des affaires, désormais. Et, la cession de dette serait enfin reconnue, après que l'on ait imaginé nombre d'artifices en droit des sociétés, pour permettre la cession d'entreprises en mauvaise santé.
C'est véritablement une sécurisation de la phase précontractuelle qui est recherchée : outre les obligations de conseil, d'information et de renseignement, la rupture des pourparlers pourrait presque s'analyser comme une perte de chance, sur le terrain de la responsabilité.
Enfin, "[venant] revoir les anciens faire [leur] métier", nombre de concepts (l'offre, l'acceptation, les clauses limitatives de responsabilité, etc.) font l'objet d'une heureuse consolidation, après que le Nouveau Code civil aura pris bien soin de définir l'ensemble des notions indispensables à la bonne compréhension de notre droit des contrats du XXIème siècle : une oeuvre pédagogique en somme.
Le tout, sous la houlette d'une réforme du régime de la preuve ! Notamment, les supports de preuve seront mis sur pied d'égalité, et les règles relatives à la charge de la preuve, aux présomptions légales, à l'autorité de chose jugée, aux conventions relatives à la preuve et à l'admissibilité des modes de preuve seront remaniés à l'aune de ce nouveau droit des contrats.
Gageons qu'après deux avant-projets de loi restés sur le parvis de la place Vendôme, celui-ci passera les grilles du palais présidentiel.
"La, la, la, hauts les coeurs / Avec moi tous en choeur..."
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Réf. : Cass. civ. 1, 15 janvier 2014, n° 11-17.196, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A5408KTH)
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N0428BUE
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Le 24 Janvier 2014
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Réf. : Cass. civ. 2, 16 janvier 2014, n° 13-10.134, F-P+B (N° Lexbase : A8062KTR)
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N0417BUY
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Le 29 Janvier 2014
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Réf. : CE 6° s-s., 26 décembre 2013, n° 363310, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A2483KT7)
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N0325BUL
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Le 23 Janvier 2014
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Réf. : Cass. civ. 2, 16 janvier 2014, n° 12-23.967, F-D (N° Lexbase : A7879KTY)
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N0328BUP
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Le 25 Janvier 2014
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Réf. : CE 1° et 6° s-s-r., 13 décembre 2013, n° 361593, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A3722KRB)
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N0302BUQ
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par Jean-Paul Lévy, Ancien membre du conseil de l'Ordre, Ancien membre du Conseil national des barreaux
Le 23 Janvier 2014
La prohibition du démarchage chez les avocats ressort de ce que le Bâtonnier Henri Ader nomme dans son Traité de déontologie (Dalloz 2011) la "déontologie de restriction", basée, elle-même, sur des fondamentaux d'indépendance et d'interdiction de toutes activités commerciales pour le barreau.
Cette conception, née avec le début du XIXème siècle, s'inscrit dans une tradition qui imprègne, encore, les règles de la morale professionnelle : elle renvoie aux principes essentiels de probité, de délicatesse, de dignité, de confraternité, ainsi que de loyauté, figurant à l'article 3 du décret du 12 juillet 2005 précité, et de l'article 1er du règlement intérieur national (N° Lexbase : L4063IP8) ; elle s'inscrit dans le respect du secret professionnel général, d'ordre public et absolu.
La violation de l'interdiction du démarchage était, jusqu'alors, réprimée par l'article 66-4 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 (N° Lexbase : L6343AGZ) qui renvoyait aux peines édictées par l'article 72 du même texte.
Que signifie donc cette décision du Conseil d'Etat ?
Fidèle à leur position, désormais bien inscrite dans leur jurisprudence, les juges du Palais Royal font prévaloir, ici, la norme européenne sur la norme nationale ; ils rappellent, d'ailleurs, dans leur arrêt le texte de la Directive "services", celle -là même qui fit couler beaucoup d'encre lors de son élaboration.
Analysant l'article 4, paragraphe, 12 qui définit la communication commerciale, ils notent que ces dispositions s'opposent à une réglementation nationale qui interdit totalement aux membres de la profession réglementée qu'est le barreau de "recourir au démarchage ou de proposer à leur clients une offre personnalisée de services, quels que soient leur forme, leur contenu et les moyens employés, ou prohibe de manière générale le recours à la publicité dans les médias".
Il s'agit là de la même interprétation qu'en ont faite les juges de Luxembourg en 2011.
Est-ce à dire que tout soit désormais possible et que la dernière digue ait sauté ?
Rien n'est moins sûr, car le Conseil d'Etat prend soin de rappeler les termes de l'article 24 de la Directive qui énoncent que les Etats membres veillent à ce que les communications commerciales faites par les professions réglementées respectent les règles professionnelles conformes au droit communautaire, "qui visent notamment l'indépendance, la dignité et l'intégrité de la profession ainsi que le secret professionnel, en fonction de la spécificité de chaque profession".
Par cette dernière formule, la juridiction fait rentrer la norme déontologique dans le jeu, qu'il s'agisse de la loi, du décret ou du règlement intérieur national.
Mais, dans le même moment, ce faisant, elle renvoie au législateur, au pouvoir réglementaire et aux différents régulateurs de la profession, soit au Conseil national des barreaux et aux Ordres.
Le législateur, tout d'abord, a semblé se préoccuper de cette question bien avant le prononcé de l'arrêt : lors du débat parlementaire consacré au projet de loi sur la consommation, par le biais d'un "cavalier législatif", l'article 3 bis de la loi du 31 décembre 1971 devait être complété par deux alinéas :
"Dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, l'avocat est autorisé à recourir à la publicité ainsi qu'à la sollicitation personnalisée".
"Toute prestation personnalisée à la suite d'une sollicitation personnalisée fait l'objet d'une convention d'honoraires".
Ces dispositions n'ont finalement pas été insérées, elles renvoyaient directement au pouvoir réglementaire le soin de définir les normes au regard des principes essentiels et du secret professionnel.
Celui-ci apparaît donc, aujourd'hui, comme le décisionnaire ultime, même si il a été saisi en ce sens de demandes du Conseil national des barreaux, et notamment lors de son Assemblée générale du 19 octobre 2012. Il convient, d'ailleurs, de relever que le "cavalier législatif" susvisé était un amendement gouvernemental, alors qu'il incombe au Gouvernement, justement, de modifier le décret concerné.
Restent les régulateurs. On a vu ce qu'il en est du CNB, mais la question est aussi posée aux différents conseils de l'Ordre, puisqu'il leur revient d'interpréter la norme déontologique, au cas par cas, et de sanctionner, sous le contrôle des cours d'appel. Pour l'anecdote, on renverra à un arrêt, déjà ancien (CA Aix-en-Provence, 24 octobre 1995, n° 94/20107), par lequel le juge estimait que ne constituait pas le démarchage prohibé la diffusion par voie postale, à partir du cabinet de l'avocat, de plaquettes ayant pour finalités de faire connaître aux usagers concernés que leur auteur était un praticien de la publicité foncière. Il est vrai qu'internet n'en était qu'à ses premiers balbutiements...
Aujourd'hui, la réalité est celle des réseaux sociaux et de leur utilisation à des fins publicitaires par des cabinets d'avocats quelques soient leurs formes.
Dès la fin de l'année 2013, le conseil de l'Ordre des avocats de Paris a mis en ligne, sur l'espace privé réservé aux membres de ce barreau, un vade-mecum de la déontologie du numérique, signe évident que le site internet, le blog et les réseaux sociaux sont les outils de la stratégie de communication des avocats. Il est donc de la responsabilité des conseils de l'Ordre d'être les gardiens des principes essentiels, alors même que la norme européenne fait référence à une "communication commerciale" des professions réglementées, mais dans le respect de ces règles consacrées, également, par le droit communautaire.
Le texte du décret de 1972 a vécu : demeurent donc les fondamentaux de la profession. Il s'agit là, pour les autorités ordinales, d'un nouveau et passionnant champs d'action. A elles, selon les mots de Baudelaire, de "Plonger au fond du gouffre, Enfer ou Ciel, qu'importe ? Au fond de l'Inconnu pour trouver du nouveau !".
Décision
CE 1° et 6° s-s-r., 13 décembre 2013, n° 361593, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A3722KRB) Lien base : (N° Lexbase : E6368ETZ) |
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N0316BUA
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par Pierre-Michel Le Corre, Professeur à l'Université de Nice Sophia Antipolis, Directeur du Master 2 Droit des difficultés d'entreprises et Emmanuelle Le Corre-Broly, Maître de conférences - HDR à l'Université de Nice-Sophia-Antipolis, Membre du CERDP
Le 23 Janvier 2014
La sollicitude de la jurisprudence à l'égard du créancier étranger se poursuit, ainsi que permet de s'en convaincre, une nouvelle fois, un arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation du 17 décembre 2013, appelé à la publication au Bulletin.
La décision est intéressante pour l'interprétation qu'elle donne des dispositions du Règlement CE n° 1349/2000 du 29 mai 2000 (N° Lexbase : L6911AUI). Même si ce dernier est appelé à être prochainement modifié, la solution ici posée conservera, selon toute vraisemblance, son intérêt.
En l'espèce, une procédure collective est ouverte en France. Un créancier étranger, d'un autre Etat membre de l'Union européenne, est confronté à devoir déclarer sa créance au passif. Le mandataire judiciaire français faillit à une obligation qui est la sienne, en vertu de l'article 40 du Règlement précité. Il doit en effet informer le créancier connu ayant sa résidence, son domicile ou son siège dans un autre Etat, de son obligation de produire -déclarer- sa créance. Le Règlement communautaire du 29 mai 2000 est même plus précis, et surtout plus exigeant, puisque l'avertissement personnel d'avoir à déclarer la créance doit être adressé au moyen d'un formulaire, portant dans toutes les langues officielles des institutions de l'Union européenne le titre "invitation à produire une créance. Délais à respecter".
Cette formalité n'a pas été accomplie. Le créancier n'a pas déclaré dans le délai qui lui est imparti, à savoir quatre mois à compter de la publication au Bodacc du jugement d'ouverture, le délai de droit commun étant en effet allongé de deux mois pour les créanciers situés à l'étranger. Il a alors tenté un relevé de forclusion, que les juges du fond lui ont accordé (CA Aix-en-Provence, 5 juillet 2012, n° 10/09549 N° Lexbase : A3719IQS).
Le débiteur et son mandataire judiciaire ont exercé un pourvoi en cassation, en faisant valoir que le créancier ne méritait pas d'être relevé de forclusion. Pourquoi ? Parce que, à l'intérieur du délai de déclaration de créance à lui imparti, le créancier n'ignorait déjà plus l'existence de la procédure collective et l'obligation qui était la sienne de déclarer sa créance, dans la mesure où une instance en paiement était en cours au jour du jugement d'ouverture, qui a été interrompue par l'effet de ce jugement, ce que le créancier a appris à l'intérieur du délai de déclaration de créance, puisqu'il était assisté de son conseil. Les demandeurs au pourvoi faisaient encore valoir que l'article 40 du Règlement CE précité ne prévoit aucune sanction pour le défaut d'avertissement. La cour d'appel mériterait ainsi, selon eux, la censure pour avoir relevé le créancier de forclusion au seul motif qu'il n'a pas été informé par le formulaire prévu à l'article 40 du Règlement CE n° 1346/2000.
La Cour de cassation va pourtant rejeter le pourvoi.
Pour comprendre la solution, il faut d'abord indiquer que l'article 4 § 2-h du Règlement CE n° 1346/2000 du 29 mai 2000 indique que la loi d'ouverture de la procédure d'insolvabilité détermine les conditions d'ouverture, de déroulement et de clôture de la procédure d'insolvabilité, et notamment les règles concernant la production, la vérification et l'admission des créances. Plusieurs conséquences ont déjà été tirées de ce principe.
Le délai de déclaration des créances et son point de départ sont fixés par la loi d'ouverture de la procédure. Il en est de même du délai et du point de départ du délai de l'action en relevé de forclusion (1).
Il a également été jugé que, à défaut d'avertissement du créancier étranger, seule la voie du relevé de forclusion est ouverte à un créancier chirographaire établi dans un autre Etat membre. Il n'y a pas place à un différé du point de départ du délai de forclusion (2).
C'est la solution que reprend ici à son compte la Cour de cassation. Elle commence par observer que la sanction du défaut d'avertissement au moyen du formulaire visé à l'article 40 du Règlement CE n° 1346/2000 n'est pas précisée par les textes. Conformément aux dispositions générales de l'article 4 § 2, point 1, du Règlement CE n° 1346/2000, il appartient à la loi du pays d'ouverture de la procédure collective de déterminer les conséquences d'un défaut d'information d'un créancier. En France, seule la voie du relevé de forclusion est ouverte à un créancier chirographaire établi dans un autre Etat membre.
Sur ce point, la solution énoncée par la Cour de cassation suscite totale approbation.
La Cour de cassation poursuit son raisonnement en énonçant que ce défaut d'avertissement peut constituer un motif de relevé de forclusion, le créancier démontrant que la défaillance à déclarer n'est pas due à son fait.
Autrement dit, une fois que le défaut d'avertissement peut constituer un motif de relevé de forclusion, il convient logiquement d'appliquer les solutions traditionnelles en la matière, spécialement celles intéressant le relevé de forclusion au motif que la défaillance à déclarer dans les délais n'est pas due au fait du créancier.
Quelles sont-elles ?
Pour rejeter la demande de relevé de forclusion, les juges du fond doivent rechercher si la défaillance à déclarer dans les délais n'est pas due au fait du créancier. Les juridictions du fond seront censurées si elles retiennent que la défaillance à déclarer est due "pour partie" au débiteur, par exemple à son comportement volontairement ambigu (3). C'est donc affirmer que la défaillance à déclarer dans les délais doit être totalement extérieure au fait du créancier.
Cette preuve est laissée à l'appréciation souveraine des juges du fond (4), ce qui conduit évidemment à une grande disparité d'appréciation selon les juridictions (5).
Il a été jugé qu'il n'y a pas place à relevé de forclusion s'il est démontré contre le créancier sa connaissance de la procédure collective atteignant son débiteur, spécialement parce que le représentant des créanciers l'a averti d'avoir à déclarer sa créance (6). Il en est de même lorsque son avocat, du fait de sa participation à une procédure d'expertise, a été informé de l'ouverture de la procédure (7). La solution a aussi été posée à l'encontre d'un liquidateur qui avait assigné en paiement un débiteur et qui n'avait pas déclaré la créance au passif de ce débiteur dans les délais, alors que les organes du redressement judiciaire de ce débiteur étaient intervenus volontairement à l'instance en paiement dans le délai de la déclaration de créance (8).
Une jurisprudence constante décide que le créancier retardataire ne pourra se réfugier derrière le fait que le représentant des créanciers -ou le mandataire judiciaire- aurait dû procéder à l'avertissement d'avoir à déclarer sa créance (9), sauf à pouvoir compléter cet argument par d'autres (10). La solution est appliquée à l'encontre d'un créancier en liquidation judiciaire, auquel le relevé de forclusion est refusé, alors que l'avertissement avait été adressé au créancier lui-même, cependant qu'il aurait dû l'être à son liquidateur (11). Est dès lors sans importance le fait que l'avis d'avoir à déclarer la créance ait été envoyé à une adresse ancienne ou erronée (12). Il est à cet égard symptomatique de remarquer le changement de cap de la jurisprudence sur la question (13). Sous l'empire de la loi du 13 juillet 1967 (loi n° 67-563 N° Lexbase : L7803GT8), en effet, le défaut d'avertissement emportait renversement de la charge de la preuve et il incombait à l'adversaire du créancier de démontrer que ce créancier connaissait l'intervention de la procédure collective pour refuser le relevé de forclusion (14). Le revirement de jurisprudence nous semble devoir s'expliquer par la volonté affichée par la loi du 25 janvier 1985 (loi n° 85-98 N° Lexbase : L7852AGW) de sauver les entreprises, le paiement des créanciers étant subsidiaire, dans cette logique.
Le rappel de ces solutions est éclairant. En l'espèce, il était établi que le créancier connaissait, à l'intérieur du délai de déclaration de créance, la procédure collective de son débiteur. Son conseil avait même participé à l'audience au cours de laquelle il a été indiqué qu'il ne pouvait poursuivre son instance en paiement engagée avant l'ouverture de la procédure collective. Il ne peut donc être sérieusement soutenu que le créancier démontre que la défaillance à déclarer n'est pas due à son fait.
En outre, une jurisprudence constante décide, en droit interne, que le défaut d'avertissement du créancier connu n'est pas un motif de relevé de forclusion.
Les juges du fond, en l'espèce, se sont très singulièrement écartés de cette ligne jurisprudentielle presque trentenaire. La Cour de cassation, elle, ne peut que constater l'appréciation très particulière de la démonstration que la défaillance à déclarer n'était pas due au fait du créancier. Rappelons que, s'agissant d'une appréciation factuelle, elle est abandonnée au pouvoir souverain des juges du fond.
Il faut donc comprendre, en l'espèce, la compassion qu'ont pu avoir les juges du fond français. Ils ont totalement occulté le fait que ce "malheureux" créancier était assisté d'un conseil dont l'histoire ne dit pas, au demeurant, s'il était français. Ce créancier avait la chance d'être hollandais. Eût-il été de l'autre pays du fromage, alors pour rejeter classiquement sa demande de relevé de forclusion, on n'en aurait pas fait tout un... fromage !
Pierre-Michel Le Corre, Professeur à l'Université de Nice Sophia Antipolis, Directeur du Master 2 Droit des difficultés d'entreprises
Le carrefour du droit des entreprises en difficulté et du droit des instruments de crédit est le théâtre d'intéressantes questions. Au rang de celles-ci se pose celle de l'incidence de l'absence de déclaration au passif du cédant, par le débiteur cédé, d'une créance de dommages et intérêts pour malfaçons. Une réponse y est apportée dans un arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 17 décembre 2013, dont l'importance est soulignée par la publication qui en sera faite au Bulletin.
Dans la présente affaire, régie par les dispositions de la loi du 25 janvier 1985, dans le cadre d'une convention de cession de créances professionnelles -dite cession Dailly-, une personne a cédé une créance à un cessionnaire qui a immédiatement notifié la cession au débiteur cédé. Postérieurement à cette notification, le débiteur cédé a cependant procédé à un règlement partiel de la créance entre les mains du cédant, en se gardant d'en régler la totalité dans la mesure où le débiteur cédé reprochait au cédant certaines malfaçons.
Le cédant a ensuite été placé en redressement, puis en liquidation judiciaire. Puisque, dans le mécanisme de la cession de créance Dailly, le cédant demeure garant solidaire du paiement de la créance cédée (15), le cessionnaire a déclaré ses créances incluant les sommes dues par le débiteur cédé. Parallèlement, le cessionnaire a réclamé au cédé le paiement de la créance, mais s'est vu opposer un refus de la part du cédé pour plusieurs motifs. D'une part, le cédé indiquait qu'il avait effectué, postérieurement à la notification de la cession de créances, des paiements directement entre les mains du cédant et, d'autre part, il invoquait des malfaçons ayant entaché les travaux réalisés par le cédant.
Les juges du fond n'avaient que partiellement fait droit à la demande en paiement du cessionnaire à l'encontre du débiteur cédé (CA Reims, 3 juillet 2012, n° 09/02636 N° Lexbase : A2388IQI). L'argument du cédé, tiré de l'existence de malfaçons, avait été balayé par les juges qui avaient considéré que les créances liées aux malfaçons auraient dû faire l'objet d'une déclaration par le cédé au passif du cédant, et qu'en l'absence de déclaration, le débiteur cédé ne pouvait opposer l'existence de malfaçons au cessionnaire et se trouvait donc tenu de régler à ce dernier le montant de la créance que le cédé s'était refusé à payer au regard de l'existence des malfaçons. En revanche, la cour d'appel avait débouté le cessionnaire pour le surplus en considérant que, en l'absence d'acceptation de la cession de créance, le débiteur cédé qui avait déjà effectué des paiements directement entre les mains du cédant n'était pas tenu de réitérer ses paiements auprès du cessionnaire.
C'était là faire une mauvaise application des règles posées par les articles L. 313-28 (N° Lexbase : L2496IXQ) et L. 313-29 (N° Lexbase : L2495IXP) du Code monétaire et financier qui édictent une modularité des effets de la cession de créances professionnelles dans les rapports entre le cessionnaire et le débiteur cédé (I). En conséquence, la Chambre commerciale casse l'arrêt rendu par la cour d'appel. En revanche, elle approuve les juges du fond d'avoir exactement déduit qu'en l'absence de déclaration de la créance de malfaçons au passif du cédant, le débiteur cédé ne pouvait opposer celle-ci au cessionnaire (II). Cette solution, rendue sous l'empire de la loi de 1985, doit être totalement approuvée. Sa reconduction, sous l'empire de la loi de sauvegarde (loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 N° Lexbase : L5150HGT), est cependant douteuse.
I - Caractère non libératoire du paiement, conséquence de la notification de la cession de créance professionnelle
Il apparaît évident que si le cessionnaire ne notifie pas au débiteur cédé la cession de créance intervenue, le débiteur cédé est fondé à croire que son créancier (le cédant) est toujours le titulaire de la créance. C'est la raison pour laquelle, tant qu'il n'y a pas eu de notification au cédé, ce dernier se libère valablement entre les mains du cédant. En vertu du mandat d'encaissement contenu dans la convention cadre régissant les rapports entre le cédant et le cessionnaire, il appartiendra alors au cédant de reverser les sommes perçues au cessionnaire, dès lors du moins, qu'après la perception des fonds de la part du cédé, le cédant n'a pas fait l'objet d'une procédure collective. Dans ce dernier cas, le cessionnaire ne pourra, en tant que créancier antérieur, que prétendre à d'hypothétiques règlements dans le cadre de la procédure collective, dès lors qu'il aura déclaré sa créance au passif.
Afin d'éviter cet écueil, l'article L. 313-28 du Code monétaire et financier prévoit la possibilité, pour le banquier cessionnaire de la créance, de notifier la cession intervenue au débiteur cédé. Par cette technique, il informe ce dernier de la cession et lui fait défense de payer entre les mains du cédant de la créance. Ainsi, seul le cessionnaire pourra désormais être payé de façon libératoire par le débiteur cédé. Si le cédé règle le cédant de la créance postérieurement à la notification, son paiement n'est plus libératoire et le cédé s'expose à devoir régler une deuxième fois entre les mains du cessionnaire. Cela est traduit par l'adage "Qui paye mal paye deux fois".
Cette règle n'avait pas été appliquée, en l'espèce, par la cour d'appel qui avait considéré qu'en l'absence d'acceptation par le débiteur cédé de la cession de créance, il n'était nullement tenu de réitérer le paiement auprès du cessionnaire. C'était là mal connaître les effets respectifs de la notification et de l'acceptation de la cession de créances professionnelles : la notification de la cession emporte défense de payer entre les mains du cédant faite par le cessionnaire au débiteur cédé alors que l'acceptation par le débiteur cédé, dans les prévisions de l'article L. 313-29 du Code monétaire et financier, a pour effet d'empêcher le débiteur cédé d'opposer au cessionnaire des exceptions qu'il aurait pu opposer au cédant. Il y a alors inopposabilité des exceptions fondées sur les rapports personnels du cédant et du débiteur cédé, à moins que le cessionnaire n'ait agi sciemment au détriment du débiteur-cédé (C. mon. fin., art. L 313-29, al. 2 (16)).
Ainsi, peu important que le débiteur cédé n'ait pas accepté la cession de créances professionnelles, celui-ci se voyait dans l'impossibilité d'effectuer un paiement libératoire du seul fait de la notification préalable de la cession de créance. Telle est la règle que rappelle la Chambre commerciale qui casse l'arrêt d'appel au motif qu'"à compter de la notification régulière de la cession de créance au débiteur cédé, celui-ci, même s'il n'accepte pas la cession, ne se libère valablement qu'entre les mains du cessionnaire".
Contrairement à l'acceptation, la seule notification n'emporte pas purge des exceptions et laisse donc intacte la possibilité pour le débiteur cédé de soulever des exceptions inhérentes à la dette qu'il aurait pu opposer au cédant. Une telle exception peut-elle être opposée au cessionnaire, en l'absence de déclaration de créance du cédé au passif du cédant ?
II - Déclaration de la créance par le cédant, condition d'opposabilité de l'exception inhérente à la dette
En l'espèce, le débiteur cédé se prévalait d'une exception tirée de l'existence de malfaçons pour refuser de régler le cessionnaire à hauteur du montant correspondant à la créance née, au profit du cédé, de la mauvaise exécution du contrat par le cédant. Cependant, -et tel est le second intérêt de l'arrêt-, la Chambre commerciale précise que cette exception ne pouvait être opposée au cessionnaire en l'absence de déclaration de la créance du cédé au passif du cédant.
Rappelons, d'abord, que les créances nées de la mauvaise exécution d'un contrat ont pour fait générateur l'exécution défectueuse. Ainsi, pour déterminer le fait générateur de la créance résultant de malfaçons, il convient de rechercher la date à laquelle a été réalisée la prestation arguée de malfaçons (17) : la mauvaise exécution d'un contrat, antérieure au jugement d'ouverture, donne lieu à une créance antérieure au jugement d'ouverture. En l'espèce, la prestation avait été effectuée avant l'ouverture de la procédure collective, de sorte que, la créance de malfaçons, née avant jugement d'ouverture, devait être déclarée au passif (18).
Par principe, la créance née de la mauvaise exécution du contrat peut être compensée avec la créance en sens inverse née de l'exécution du contrat, et ce même après l'ouverture de la procédure collective puisque ces deux créances sont connexes (19). Cependant, tant sous l'empire de la loi du 25 janvier 1985, que sous l'empire de la loi de sauvegarde, pour que cette compensation puisse s'opérer après jugement d'ouverture, encore faut-il, en présence d'une créance née de la mauvaise exécution du contrat antérieure au jugement d'ouverture, que celle-ci ait été déclarée au passif. En effet, sous l'empire de la législation antérieure à la loi de sauvegarde, l'absence de déclaration était sanctionnée par l'extinction de la créance, faisant alors obstacle à toute possibilité de compensation (20). Depuis la loi de sauvegarde des entreprises, l'absence de déclaration de la créance n'est certes plus sanctionnée par son extinction mais par son inopposabilité. Cela n'a cependant pas conduit à une modification de la solution : en effet, en l'absence de déclaration de la créance au passif, la jurisprudence, suivant en cela l'opinion de la doctrine majoritaire (21), a considéré que l'inopposabilité de la créance à la procédure collective rendait impossible la compensation (22).
Si la compensation ne peut être invoquée dans la procédure collective à défaut de déclaration de la créance née de malfaçons, quelle va être l'incidence de cette absence de déclaration à l'égard du cessionnaire Dailly ? En d'autres termes, le débiteur cédé pourra-t-il, nonobstant l'absence de déclaration de cette créance au passif du cédant, opposer au cessionnaire la créance née de malfaçons ? Par cet arrêt du 17 décembre 2013, la Chambre commerciale apporte à cette question une réponse négative en jugeant qu'"après avoir énoncé que les créances liées à des malfaçons devaient faire l'objet d'une déclaration au passif du cédant par application des articles L. 621-43 (N° Lexbase : L6895AI9) et L. 621-46 (N° Lexbase : L6898AIC) anciens du Code de commerce, alors applicables, la cour d'appel en a exactement déduit qu'en l'absence de cette déclaration, le débiteur cédé ne pouvait les opposer au cessionnaire". La solution, posée dans une espèce régie par les dispositions de la loi du 25 janvier 1985, doit être approuvée sans réserve. Puisque la créance née de la malfaçon n'avait pas été déclarée, celle-ci était éteinte. Du fait de cette disparition, très logiquement, plus aucune exception fondée sur l'existence d'une créance née de la malfaçon ne pouvait, en conséquence, être opposée au cessionnaire.
La question se pose de savoir si cette solution est reconductible sous l'empire de la loi de sauvegarde des entreprises. On sait, en effet, que l'absence de déclaration de la créance n'est désormais plus sanctionnée par l'extinction de la créance, mais par une inopposabilité de celle-ci à la procédure collective (23).
La question est épineuse.
Dans le cadre d'une discussion domestique, le Professeur Le Corre nous a indiqué considérer que la solution ne lui semble pas reconductible sous l'empire de la loi de sauvegarde des entreprises. Selon cette doctrine qui nous est très chère, la créance de malfaçons non déclarée est inopposable à la procédure collective mais rien n'interdit au débiteur cédé de s'en prévaloir à l'encontre du cessionnaire, tiers à la procédure collective.
En fidèle "moitié", nous ne partageons cet avis qu'à moitié car la solution mériterait semble-t-il d'être nuancée. En effet, dans l'hypothèse où le débiteur fait l'objet d'un plan de sauvegarde ou de redressement, la créance non déclarée est également "inopposable" (24) au débiteur pendant l'exécution du plan et après complète exécution (C. com., art. L. 622-26, al. 2 N° Lexbase : L2534IEL en sauvegarde, applicable en redressement par renvoi de l'article L. 631-14, al. 1er N° Lexbase : L2453IEL). L'exception de compensation -tenant en l'espèce à l'existence de malfaçons- est une exception qui intéresse les rapports entre débiteurs et créanciers réciproques, en l'occurrence le cédant et le cédé. Il s'agit donc d'une exception inhérente à la dette et non pas d'une exception issue des rapports entre le débiteur cédé et le cessionnaire. En conséquence, dans l'hypothèse où le cédant fait l'objet d'un plan, dès lors que cette exception de compensation ne peut pas être opposée au cédant en l'absence de déclaration de créance du cédé, cette exception ne pourra pas davantage être opposée par le cédé au cessionnaire.
Emmanuelle Le Corre-Broly, Maître de conférences HDR à l'Université de Nice-Sophia Antipolis, membre du CERDP (EA 1201)
(1) Cass. com., 16 novembre 2010, n° 09-16.572, F-P+B (N° Lexbase : A5784GKG), Bull. civ. IV, n° 1794 ; D., 2010, 2832, note A. Lienhard ; Gaz. Pal., éd. sp. Droit des entreprises en difficulté, 7 et 8 janvier 2011, p. 22, note F. Mélin et p. 39, note E. Le Corre-Broly ; Rev. sociétés, 2011, 196, note Ph. Roussel Galle ; LPA, 29 avril 2011, n° 85, p. 13, note P. Nabet ; RTDCom., 2011, 180, n° 12, obs. J.-L. Vallens ; Rev., proc. coll., novembre 2011, comm. 175, note T. Mastrullo.
(2) CA Orléans, 8 octobre 2009, n° 07/02272 (N° Lexbase : A3115GKL), Rev. proc. coll., 2010/6, p. 29, note M. Menjucq ; CA Bordeaux, 1ère ch. civ., 3 janvier 2011, n° 09/04655 (N° Lexbase : A8737IAT), Rev. proc. coll., janvier 2012, comm. 12, p. 39, note F. Legrand et M.-N. Legrand.
(3) Cass. com., 13 février 2007, n° 05-19.095, F-D (N° Lexbase : A2112DUR).
(4) Cass. com., 27 mars 1990, n° 88-19.152, publié (N° Lexbase : A4152AGU), Bull. civ. IV, n° 92, Rev. proc. coll., 1991, RD banc. et bourse, 1990, 173, obs. M.-J Campana et J.-M. Calendini, 357, obs. B. Dureuil ; Cass. com., 27 mai 2003, n° 00-13.465, F-D (N° Lexbase : A6684CKR) ; Cass. com., 7 avril 2004, n° 00-15.254, F-D (N° Lexbase : A9135DBX) ; Cass. com., 16 juin 2004, n° 02-21.665, F-D (N° Lexbase : A8064DCN) ; Cass. com., 21 juin 2005, n° 04-13.711, F-D (N° Lexbase : A8380DI9) ; Cass. com., 4 octobre 2005, n° 04-16.317, F-D (N° Lexbase : A7151DK3) ; Cass. com., 4 octobre 2005, n° 04-15.535, F-P+B (N° Lexbase : A7142DKQ), Bull. civ. IV, n° 200, D., 2005, AJ 2742, obs. A. Lienhard, RTDCom., 2006, 201, n° 2, obs. A. Martin-Serf, Gaz. proc. coll., 2006/1, p. 35, nos obs. ; Cass. com., 21 février 2006, n° 04-19.149, F-D (N° Lexbase : A1798DNW) ; Cass. com., 30 mai 2006, n° 05-11.742, F-D (N° Lexbase : A7566DPW), RTDCom., 2006 672, n° 10, obs. J.-L. Vallens ; Cass. com., 24 avril 2007, n° 06-15.353, F-D (N° Lexbase : A0344DWN) ; Cass. com., 2 octobre 2007, n° 06-15.510, F-D (N° Lexbase : A6556DYH), Gaz. proc. coll., 2008/1, p. 55, note E. Le Corre-Broly ; Cass. com., 10 juin 2008, n° 07-14.017, F-D (N° Lexbase : A0573D94), RTDCom., 2008, 863, n° 13, obs. A. Martin-Serf ; Cass. com., 16 décembre 2008, n° 07-20.059, F-D (N° Lexbase : A9047EBP) ; Cass. com., 30 juin 2009, n° 08-17.534, F-D (N° Lexbase : A5889EIX).
(5) Sur cette question, v. les nombreuses décisions citées in notre ouvrage, Droit et pratique des procédures collectives, Dalloz action, 7ème éd., 2013/2014, n° 665.52.
(6) CA Paris, 3ème ch., sect. B, 20 juin 2003, n° 2002/11518.
(7) CA Douai, 2ème ch., 1ère sect., 7 avril 2005, n° 03/06721 (N° Lexbase : A4766DNT), JCP éd. E, 2005, 1275, p. 1428, note Ch. Delattre.
(8) CA Paris, 3ème ch., sect. A, 26 septembre 2006, n° 05-23490 (N° Lexbase : A5900DSC).
(9) Cass. com., 11 octobre 1988, n° 87-12.791, publié (N° Lexbase : A2813AHN), Bull. civ. IV, n° 267, RTDCom., 1989, 133, obs. A. Martin-Serf, JCP éd. E, 1989, 15478, obs. M. Cabrillac, D., 1989. Somm. 13, obs. F. Derrida ; Cass. com., 29 janvier 1991, n° 89-16.421, publié (N° Lexbase : A4643AHG), Bull. civ. IV, n° 44, D., 1991, Somm. 239, obs. A. Honorat ; Cass. com., 11 octobre 1994, n° 92-14.771, publié (N° Lexbase : A6979AB4), Bull. civ. IV, n° 288, Defrénois, 1995. 977, obs. J.-P. Sénéchal ; Cass. com., 4 février 2003, n° 00-18.110, F-D (N° Lexbase : A9163A47) ; Cass. com., 30 juin 2004, n° 03-11.046, FS-P+B (N° Lexbase : A9047DC3), Bull. civ. IV, n° 139, RD banc. et fin., 2004/5, p. 330, n° 208, obs. F.-X. Lucas ; Cass. com., 10 mai 2005, n° 04-12.504, F-D (N° Lexbase : A3794DID) ; Cass. com., 19 décembre 2006, n° 05-19.257, FS-P+B (N° Lexbase : A1011DTM), Bull. civ. IV, n° 257, D., 2007, AJ 228, obs. A. Lienhard, Gaz. proc. coll., 2007/2, p. 47, note E. Le Corre-Broly ; CA Paris, 3ème ch., sect. A, 2 décembre 2003, n° 2003/07443 (N° Lexbase : A8415DAW) ; CA Paris, 3ème ch., sect. A, 11 mai 2004, n° 2003/10701 (N° Lexbase : A4431DC4) ; CA Paris, 3ème ch., sect. B, 7 avril 2006, n° 05/12965 (N° Lexbase : A1942DQY).
(10) Cass. com., 2 mai 2001, n° 98-14.135, inédit (N° Lexbase : A3377ATA), RJDA? 2001/7, n° 778.
(11) Cass. com., 8 juin 2010, n° 09-15.769, F-P+B (N° Lexbase : A0159EZW), Bull. civ. IV, n° 110, D., 2010, Act. dr. affaires, 1549, note A. Lienhard ; Rev. sociétés, 2010. 410, note Ph. Roussel Galle.
(12) CA Paris, 3ème ch., sect. B, 27 septembre 2007, n° 2006/16343 (N° Lexbase : A4499D3Z).
(13) Sur ce constat, J.-CL. Com., J. Vallansan, fasc. 2352, "Déclaration et admission des créances", éd. 2007, n° 154.
(14) Cass. com., 11 décembre 1979, n° 78-11.820, publié (N° Lexbase : A0992CH9), Bull. civ. IV, n° 322 ; Cass. com., 5 février 1980, n° 78-13.448, publié (N° Lexbase : A1477CGS), Bull. civ. IV, n° 58 ; D., 1980, Jur. 223, note F. Derrida.
(15) V. not. sur la question, R. Bonhomme, Instruments de crédit et de paiement, LGDJ, 10ème éd, n° 262.
(16) Cf. "dans ce cas, le débiteur ne peut opposer à l'établissement de crédit les exceptions fondées sur ses rapports personnels avec le signataire du bordereau, à moins que l'établissement de crédit, en acquérant ou en recevant la créance, n'ait agi sciemment au détriment du débiteur". On retrouve ici la formule de l'article L. 511-12 du Code de commerce (N° Lexbase : L6665AIP) en matière de lettre de change. L'interprétation doit être identique. C'est la conscience du banquier de causer un préjudice au débiteur cédé en obtenant de sa part son acceptation (le banquier connaît l'exception et sait qu'il prive, par cette acceptation, le débiteur cédé, de la possibilité de l'invoquer).
(17) Cass. com., 18 janvier 2005, n° 03-12.849, F-D (N° Lexbase : A0813DG9) ; Cass. com., 13 février 2007, n° 05-20.778, F-D (N° Lexbase : A2136DUN) ; Gaz. proc. coll., 2007/2, p. 34, note L.-C. Henry ; Cass. com., 3 novembre 2009, n° 06-21.881, F-D (N° Lexbase : A8066EMP), Gaz. Pal., 8 à 10 janvier 2010, n° 8 et 9, p. 19, note L.-C. Henry ; CA Grenoble, ch. com., 14 février 2007, n° 05/03834 (N° Lexbase : A1559DXZ), JCP éd. E, 19 juillet 2007, 1902, p. 22. Si les prestations arguées de malfaçons sont, pour certaines, antérieures au jugement d'ouverture et, pour d'autres, postérieures audit jugement, il y a place à dissocier en deux catégories la créance de dommages et intérêts, l'une antérieure, l'autre postérieure au jugement d'ouverture : v. solution implicite, Cass. com., 3 novembre 2009, n° 06-21.881, F-D, préc. et les obs. de L.-C. Henry préc..
(18) Cass. com., 30 mars 2010, n° 09-11.805, F-D (N° Lexbase : A4086EUU) ; CA Paris, 19ème ch., sect. A, 12 septembre 2000, D., 2000, AJ 405.
(19) Sur la compensation après jugement d'ouverture pour dettes connexes, v. not. P.-M. Le Corre, Droit et pratique des procédures collectives, préc., n° 632.41 et s..
(20) Cass. com., 30 mars 2010, n° 09-11.805, F-D (N° Lexbase : A4086EUU) ; Cass. com., 5 octobre 2010, n° 09-16.752, F-D (N° Lexbase : A3721GBG), Gaz. Pal. éd. sp. Dr. entr. en diff., 7 et 8 janvier 2011, p. 34, note L.-C. Henry ; Cass. com., 17 mai 2011, n° 10-14.126, F-D (N° Lexbase : A2587HSM) ; Cass. com., 17 mai 2011, n° 10-15.518, F-D (N° Lexbase : A2592HSS), Gaz. Pal., 7 octobre 2011, n° 280, p. 22, note L.-C. Henry ; Bull. Joly Entrep. en diff., novembre/décembre 2011, comm. 155, p. 321, note Fl. Reille ; Cass. com., 27 mars 2012, n° 11-10.147, F-D (N° Lexbase : A9947IGI).
(21) En ce sens, P.-M. Le Corre, Droit et pratique des procédures collectives, préc., n° 632.47 ; F. Pérochon et R. Bonhomme, Entreprises en difficulté - Instruments de paiement et de crédit, 8ème éd., n° 537-2.
(22) Cass. com., 3 mai 2011, n° 10-16.758, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A7122HPH), D., 2011, AJ 1215, obs. A. Lienhard ; D., 2011, pan. 2076, obs. F.-X. Lucas ; Gaz. pal., 9 juillet 2011, n° 189, p. 30, nos obs. ; JCP éd. E, 2011, chron. 1596, n° 11, obs. Ph. Pétel ; JCP éd. E, 2011, 1656, note Ch. Lebel ; Act. proc. coll., 2011/11, comm. 160, note M.-L. Coquelet ; Bull. Joly Entrep. en diff., septembre/octobre 2011, p. 258, comm. 126, note S. Bréna ; nos obs. in Chronique de droit des entreprises en difficulté - Mai 2011 (1er comm.), Lexbase Hebdo n° 251 du 19 mars 2011 - édition affaires (N° Lexbase : N2759BSY).
(23) "Il résulte de l'article L. 622-26 du Code de commerce dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 18 décembre 2008 que, si les créanciers qui n'ont pas déclaré leur créance ne sont pas, sauf à être relevés de la forclusion encourue, admis dans les répartitions et les dividendes, cette créance n'est pas éteinte ; que la cour d'appel en a déduit à bon droit que la créance de la FCI, qui n'avait pas été déclarée au passif de Mme R. M., était inopposable à sa liquidation judiciaire" : Cass. com., 3 novembre 2010, n° 09-70.312, FS-P+B (N° Lexbase : A5651GDN), D., 2010. 2645, note A. Lienhard ; D., 2011, pan. 2075, note F.-X. Lucas ; Gaz. Pal., éd. sp. Droit des entreprises en difficulté, 7 et 8 janvier 2011, n° 7 et 8, nos obs. ; JCP éd. E, 2011, chron. 1030, n° 10, obs. M. Cabrillac ; Rev. sociétés, 2011, 194, note crit. Ph. Roussel Galle ; Gaz. Pal., 25 et 26 février 2011, p. 45, note Reifegerste ; Bull. Joly Entrep. en diff., juillet/août 2011, comm. 89, p. 186, note C. Saint-Alary Houin ; RTDCom., 2011/2, p. 413, n° 2, obs. A. Martin-Serf ; P.-M Le Corre, in Chronique de droit des entreprises en difficulté - Novembre 2010 (2ème comm.), Lexbase Hebdo n° 417 du 21 novembre 2010 - édition privée (N° Lexbase : N5745BQT).
(24) L'emploi, par le législateur, de cette expression est éminemment critiquable car l'inopposabilité désigne l'inefficacité de l'acte juridique à l'égard de personnes tierces au rapport juridique considéré. Sur cette critique, v. P.-M. Le Corre, Droit et pratique des procédures collectives, préc., n° 665.76, p. 1879.
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Réf. : Cass. com., 14 janvier 2014, n° 12-22.909, F-P+B (N° Lexbase : A7900KTR)
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Le 28 Janvier 2014
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Réf. : Loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013, de finances pour 2014, art. 96 et 100 (N° Lexbase : L7405IYW)
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par Thibaut Massart, Professeur, Directeur du Master 2 fiscalité de l'entreprise de l'Université Paris-Dauphine
Le 30 Janvier 2014
1ère partie - La réforme avortée
2 - La réforme proposée par les parlementaires reposait sur la combinaison inquiétante de deux dispositions du projet de loi de finances pour 2014. Cet assemblage était d'autant plus alarmant pour les professionnels du droit fiscal qu'il s'ajoutait à différentes mesures récemment adoptées par le législateur pour lutter contre la fraude fiscale. Cette dérive législative a été stoppée par l'activisme des avocats.
A - Une combinaison inquiétante de textes
3 - Selon le projet de loi de finances, l'article 96 devait contraindre "toute personne commercialisant un schéma d'optimisation fiscale [...] de déclarer ce schéma à l'administration préalablement à sa commercialisation", sous peine de l'application d'une amende égale à 5 % du montant des revenus perçus au titre de la commercialisation du schéma d'optimisation fiscale. Si les avocats fiscalistes étaient particulièrement visés, les directeurs fiscaux n'échappaient pas à l'obligation de déclaration préalable puisque le texte précisait que toutes les personnes élaborant et mettant en oeuvre un schéma d'optimisation étaient également tenues de déclarer ce schéma à l'administration préalablement à sa mise en oeuvre, sous peine de l'application d'une amende de 5 % du montant de l'avantage fiscal procuré par la mise en oeuvre du schéma d'optimisation fiscale.
Or, le nouveau texte définissait le schéma d'optimisation fiscale comme "toute combinaison de procédés et instruments juridiques, fiscaux, comptables ou financiers dont l'objet principal est de minorer la charge fiscale d'un contribuable, d'en reporter l'exigibilité ou le paiement ou d'obtenir le remboursement d'impôts, taxes ou contributions".
Une telle définition devait être rapprochée de l'article 100 de la loi de finances pour 2014 qui modifiait l'article L. 64 du LPF (N° Lexbase : L4668ICU). La réforme envisagée prévoyait de modifier la définition de l'abus de droit, en substituant à la notion de but "exclusivement" fiscal, celle de but "principalement" fiscal. Cette modification textuelle permettait d'élargir sensiblement le champ d'application de la procédure répressive en y incluant les opérations non fictives qui, bien que motivées par diverses considérations, présentaient un avantage fiscal jugé déterminant pour le contribuable. Le risque était donc grand de voir déclarer abusives de nombreuses opérations parfaitement licites avec à la clé une pénalité de 80 %, car plus qu'un simple changement sémantique, c'était un renversement du mode d'analyse qui était proposé par le législateur, focalisant celle-ci sur l'existence ou non d'un avantage fiscal matériel. Ainsi, "à un principe selon lequel un contribuable est libre de choisir, entre deux solutions, la plus efficiente d'un point de vue fiscal sous réserve de ne pas mettre en place un montage purement artificiel', se substituerait une quasi-obligation de choisir la solution la plus coûteuse fiscalement afin de couper court à tout débat sur le caractère principal dudit avantage fiscal" (T. Audouard et P. Gour, Projet de réforme de l'abus de droit : le mieux est l'ennemi du bien, Option Finance, 2 décembre 2013, p. 37).
4 - Le législateur s'apprêtait à ouvrir la chasse à l'habileté fiscale, puisque pratiquement tous les schémas d'optimisation fiscale étaient susceptibles de constituer des procédés illégaux. La répression aurait été d'autant plus sévère que les fiscalistes trop ingénieux se seraient exposés à des peines pénales très sévères. L'article 1741 du CGI (N° Lexbase : L9491IY8), modifié par la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013, relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière (N° Lexbase : L6136IYW), précise désormais que la fraude fiscale peut être punie d'une peine de 2 000 000 euros et sept ans d'emprisonnement lorsque les faits ont été commis en bande organisée. Et le chef d'orchestre d'une optimisation fiscale devenue délictueuse risquait fort d'être considéré comme le chef de la bande. En effet, si le législateur a introduit à l'article 1741 du CGI comme circonstance aggravante de fraude fiscale le fait de la commettre en bande organisée, il n'a pas modifié la définition même du délit général de fraude fiscale. Rappelons que le CGI se borne à donner une série d'exemples de comportements frauduleux : omission volontaire, dissimulation volontaire, organisation de l'insolvabilité, etc.. Il vise également "toute autre manière frauduleuse" de se soustraire à l'impôt. La définition demeure très floue alors même que le renforcement de la pénalisation des comportements devrait se faire sur la base d'une infraction clairement définie, ce qui supposerait de préciser les éléments constitutifs du délit de fraude fiscale (en ce sens, D. Gutmann, cité par A. Pando, Lutte contre la fraude fiscale : les bonnes armes ?, LPA, 26 août 2013, n° 170, p. 3). D'autant que les nouvelles circonstances aggravantes proposées par le législateur risquent de ramener dans le champ de l'infraction des opérations qui ne sont pas frauduleuses. Le texte incrimine la "domiciliation fiscale fictive ou artificielle à l'étranger" ainsi que "l'interposition d'une entité fictive ou artificielle". La question se posera de savoir, par exemple, si la simple existence d'une holding à l'étranger signifiera nécessairement qu'il y a artifice, donc fraude.
5 - Pour faire bonne figure, la loi organique n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 est venue créer le procureur de la République financier. Selon le communiqué de presse du Conseil des ministres du 7 mai 2013, ce nouveau personnage s'assurera, entre autres, de la lutte contre la fraude fiscale, lorsque l'infraction aura un certain degré de complexité, au regard de l'importance du préjudice causé, de sa dimension internationale ou de la spécificité des techniques de fraude utilisées. Nommé par décret du Président de la République, sur proposition du Garde des Sceaux, après avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature, il disposera ainsi de toute la légitimité requise pour conduire l'action publique en matière de lutte contre la fraude fiscale et la corruption de grande complexité en appliquant les instructions générales de la Garde des Sceaux. Pour assurer le fonctionnement de ce parquet et de l'ensemble de la chaîne pénale, les moyens seront considérablement renforcés, avec la création à terme d'une cinquantaine de postes de magistrats et d'assistants spécialisés. Il disposera également d'enquêteurs spécialisés dans la lutte contre la corruption et la répression de la délinquance fiscale et formés à la technicité des investigations à conduire dans le cadre de ces procédures.
L'ensemble du dispositif est donc impressionnant et vise à lutter efficacement contre la fraude fiscale et, plus généralement, contre l'optimisation fiscale.
6 - En vingt mois, près d'une soixantaine de mesures ont été prises pour combattre l'optimisation et la fraude fiscales. Ces mesures concernent directement les entreprises, qu'il s'agisse de l'encadrement des conditions d'utilisation des déficits reportables réalisés par les entreprises absorbées, de la mise en place de règles anti-"coquillard", de l'interdiction de la déductibilité des abandons de créances à caractère financier, de l'interdiction totale de la déduction de pertes résultant de la recapitalisation d'une filiale, du renversement de la charge de la preuve en matière de taxation des résultats obtenus dans les pays à fiscalité privilégiée, ou de la mesure générale de réduction de la déduction des charges financières. Certains dispositifs ont été centrés sur la lutte contre la fraude des ménages en matière patrimoniale, avec par exemple une taxe à 60 % sur les avoirs déposés sur des comptes à l'étranger dont la traçabilité ne parvient pas à être établie. Depuis l'été 2012, un renforcement sans précédent de l'arsenal législatif de lutte contre la fraude et l'optimisation fiscales a été réalisé, permettant aux caisses de l'Etat de bénéficier de 14 milliards de recettes supplémentaires, auxquels se sont ajoutées 4 milliards d'amendes et de pénalités. Mais un degré supplémentaire fut franchi dans la lutte contre la fraude et l'optimisation fiscales, car la réforme visait clairement à faire pression, non pas sur les entreprises ou les ménages, mais directement sur les conseils fiscaux. Un duel s'ouvrit d'ailleurs entre les avocats fiscalistes et les parlementaires.
B - Une réforme contre les avocats fiscalistes
7 - Lors du débat parlementaire, la députée Karine Berger, qui était à l'origine de ces amendements, n'a pas hésité à affirmer : "Il y a peut-être encore pire que de ne pas vouloir payer son impôt, que l'on soit un particulier ou une entreprise : c'est le fait de conseiller l'un ou l'autre pour qu'il ne paie pas l'impôt". Et la députée de poursuivre : "C'est exactement ce contre quoi cet amendement lutte. Il vise en effet à supprimer toute possibilité dans notre pays d'être rémunéré pour conseiller sur les moyens d'échapper à l'impôt, de ne pas se soumettre à l'impôt quand on est un grand groupe ou quand on est un particulier riche". Le député Pascal Cherki, toujours lors du débat parlementaire, confirma cette orientation : "Cet amendement a évidemment pour objet de responsabiliser les auteurs du conseil juridique. En effet, une stratégie fiscale peut aussi correspondre à une stratégie économique tout à fait légale, mais l'optimisation consiste justement à détourner cela. Elle s'appuie sur le fait que des acteurs souhaitent être aidés, qu'ils disposent de pays d'accueil -c'est l'objet de la lutte contre l'évasion fiscale- et qu'il y ait des véhicules juridiques adaptés à leurs besoins. En l'occurrence, nous nous attaquons ici aux véhicules juridiques, en responsabilisant les personnes ; mais il n'y a pas de responsabilité dans cet univers-là sans un minimum de contraintes".
L'ONG militante Avaaz, dont la campagne de soutien sur internet à cet amendement avait recueilli plus de 100 000 signatures, avait estimé, après le vote sur la modification de la notion d'abus de droit fiscal, que "ce changement d'un seul mot permettrait de forcer les grandes entreprises à s'acquitter de leurs impôts et à contribuer à plus de justice sociale en France" (APFECOFI, Optimisation fiscale: les députés élargissent la notion d'abus de droit, 15 novembre 2013). Poursuivant, Avaaz a souligné que "dans un climat de défiance vis-à-vis de l'injustice fiscale, cette campagne vise à réparer notre système fiscal qui fait la part belle aux grandes entreprises et aux particuliers qui peuvent s'offrir les conseils d'avocats fiscalistes".
8 - Les avocats n'avaient nullement tardé à réagir, puisqu'une motion du Conseil national des barreaux sur le projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale avait été votée en assemblée générale dès le 15 juin 2013. Les avocats commencèrent par indiquer que l'article 1741 du CGI serait modifié afin que soit considérée comme circonstance aggravante le fait que la fraude ait été commise en bande organisée, incluant dans le champ de la prévention les conseils et intermédiaires, et qu'un amendement obligerait les avocats à déclarer à l'administration fiscale l'ensemble des schémas fiscaux qu'ils élaborent pour leurs clients, de tels schémas d'optimisation étant présumés, sauf accord de l'administration, comme des tentatives de fraude. Dans ces conditions, les avocats estimèrent qu'il s'agissait d'une atteinte inacceptable au secret professionnel et à l'exercice de la profession d'avocat. Le Conseil national des barreaux rappela que "les auxiliaires de justice, soumis notamment au principe essentiel de probité, les avocats participent quotidiennement au respect de la loi par leurs clients en leur présentant des schémas, qui sont des options entre les différentes dispositions, proposées par la règlementation fiscale" et que "la présomption de responsabilité pénale d'un contribuable et de ses conseils, sous le prétexte que des avoirs ou intérêts seraient détenus à l'étranger, est intolérable". L'avocat Jérôme Turot avait également pris position dans ce sens dans un article au titre provocateur (J . Turot, Demain, serons-nous tous des Al Capone ? - A propos d'une éventuelle prohibition des actes à but principalement fiscal, Droit fiscal, n° 36, 5 septembre 2013, p. 394). L'inquiétude chez les avocats fiscalistes était particulièrement palpable. Laurence Clot, avocate associée responsable du département fiscal du cabinet Bird & Bird, indiquait dans les colonnes de Lexbase : "Nous connaissons en France un réel climat d'insécurité fiscale qui n'est pas lié à la suspicion de fraude fiscale mais aux incessants changements législatifs souvent rétroactifs de notre loi fiscale, à l'alourdissement des obligations déclaratives pesant sur les acteurs de l'économie, accompagnées maintenant de très lourdes sanctions fiscales et pénales en cas d'omissions ou d'inexactitudes" (lire Manifeste des avocats fiscalistes contre la méfiance dont les pouvoirs publics font preuve à leur égard, Lexbase Hebdo n° 550 du 5 décembre 2013 - édition fiscale N° Lexbase : N9886BTC).
9 - C'est dans ce contexte que le Conseil national des barreaux est à nouveau intervenu dans le débat. Réuni le 14 décembre en assemblée générale, le CNB avait demandé par un vote pris à l'unanimité le retrait de l'article 96 relatif à l'obligation de déclaration préalable des schémas d'optimisation fiscale. Une note très argumentée a même été transmise au Conseil constitutionnel afin d'expliquer que "cette disposition constitue une intrusion très grave dans la vie privée des citoyens et des entreprises sur lesquels elle fait peser un soupçon insupportable, alors que les opérations fiscales visées sont légitimes et autorisées par la loi" (Annonces de la Seine, 6 janvier 2014, p. 32).
Le combat contre la loi fiscale n'était pas gagné, car il avait déjà été décidé par le Conseil constitutionnel que la lutte contre la fraude fiscale était un objectif de valeur constitutionnelle légitime afin de réprimer une atteinte condamnable au pacte social (Cons. const., décision n° 2009-597 DC du 21 janvier 2010 N° Lexbase : A4545EQE, Rec. p. 47 ; Cons. const., décision n° 2010-70 QPC du 26 novembre 2010 N° Lexbase : A3870GLW, Rec. p. 340). D'ailleurs, le Conseil constitutionnel avait, par sa décision n° 2013-680 DC du 4 décembre 2013 (N° Lexbase : A5484KQ8), jugé l'ensemble de ces dispositions conformes à la Constitution. La loi relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière avait également fait l'objet d'un examen par le Conseil constitutionnel et quelques dispositions seulement, celles relatives en particulier à l'aggravation des peines ou au renforcement des pouvoirs d'enquête, avaient été jugées contraires au principe de proportionnalité des peines ou au respect de la vie privée (décision n° 2013-679 DC du 4 décembre 2013 N° Lexbase : A5483KQ7).
La décision du Conseil constitutionnel du 29 décembre 2013, en jugeant inconstitutionnelles les dispositions de la loi de finances pour 2014 relatives à l'obligation de déclaration préalable des schémas d'optimisation fiscale et à la modification de l'abus de droit, semble ainsi marquer une belle victoire pour les avocats fiscalistes. Néanmoins, le Gouvernement et les parlementaires ont fait preuve d'une belle détermination et la question se pose de savoir si un nouveau texte modifié pourrait être adopté par le législateur. Ce qui nous invite à mettre en lumière la ratio decidendi de la décision du Conseil constitutionnel.
2ème partie - Une réforme en suspens ?
10 - Le Conseil constitutionnel a censuré les deux dispositions controversées sur des fondements différents, ce qui nous invite à analyser chacune d'elles.
A - L'obligation de déclaration préalable des schémas d'optimisation fiscale
11 - Les requérants, plus de 60 députés et plus de 60 sénateurs, invoquaient plusieurs arguments contre l'obligation de déclaration préalable des schémas d'optimisation fiscale.
12 - Le premier concernait l'imprécision de la notion du schéma d'optimisation fiscale. Il est vrai que le législateur renvoyait pour partie la notion de schéma d'optimisation fiscale à un décret en Conseil d'Etat. Or, le législateur aurait méconnu sa compétence puisque l'article 34 de la Constitution (N° Lexbase : L0860AHC) précise qu'il appartient au législateur de déterminer les règles relatives à l'assiette, aux taux et aux modalités de recouvrement des impositions de toute nature. D'autant que l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi, qui découle des articles 4 (N° Lexbase : L1368A9K), 5 (N° Lexbase : L1369A9L), 6 (N° Lexbase : L1370A9M) et 16 (N° Lexbase : L1363A9D) de la Déclaration de 1789 lui imposerait d'adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques afin de prémunir les sujets de droit contre une interprétation contraire à la Constitution ou contre le risque d'arbitraire, sans reporter sur des autorités administratives ou juridictionnelles le soin de fixer des règles dont la détermination n'a été confiée par la Constitution qu'à la loi.
13 - En second lieu, en tant que sanction ayant le caractère d'une punition, l'amende prévue par les articles 1378 nonies et 1378 decies du CGI ne semblait pas respecter les principes constitutionnels applicables à ce type de sanctions. Selon le Conseil national des barreaux, dans sa note transmise au Conseil constitutionnel, l'article 96 de la loi de finances pour 2014 portait une atteinte excessive et manifeste aux droits des personnes assujetties, notamment une violation de l'article 8 de la DDHC de 1789 (N° Lexbase : L1372A9P). L'amende prévue paraissait disproportionnée s'agissant d'une simple formalité déclarative. Dans le silence du texte, on pouvait même s'interroger sur le point de savoir s'il y avait cumul de sanctions à partir d'un même fait générateur, celle au titre de l'absence de déclaration du schéma d'optimisation fiscale et celle au titre de l'abus de droit.
14 - En troisième lieu, l'article 96 semblait méconnaître la garantie des droits des contribuables. Selon le Conseil national des barreaux dans sa note, l'article litigieux portait atteinte au droit au respect de la vie privée découlant de l'article 2 de la Déclaration de 1789 (N° Lexbase : L1366A9H). L'obligation de déclaration préalable d'un schéma d'optimisation fiscale constituait, selon les avocats, une intrusion injustifiée et disproportionnée dans la vie privée des contribuables et des entreprises, dès lors que de tels schémas n'étaient pas répréhensibles, car mettant en application des dispositifs autorisés par la loi et dans le respect de celle-ci et qu'aucune condition n'était fixée quant à la finalité de cette communication, ni quant aux droits qui en découlent pour l'administration fiscale. Ainsi, c'était bien la liberté personnelle des contribuables qui était atteinte. D'autant que le droit au respect de la vie privée a pour composante le respect du secret professionnel, qui est un droit pour chaque citoyen et un devoir pour les professionnels qui y sont assujettis. Or, selon les avocats, "l'atteinte portée au secret professionnel par les dispositions de l'article 96 de la loi de finances pour 2014 est non seulement disproportionnée par rapport au but qu'elle veut atteindre, mais réduit à néant un des fondements nécessaires du fonctionnement harmonieux, pacifié et régulé de la société démocratique et de l'ordre public que l'on cherche à y faire régner" (note p. 14). L'atteinte au secret professionnel était d'autant plus grande que la disposition litigieuse n'excluait en aucune manière les avocats de l'obligation de déclaration préalable, les contraignant à violer le secret professionnel, ce qui leur est pourtant interdit par l'article 226-13 du Code pénal (N° Lexbase : L5524AIG). Même si le droit au secret professionnel n'a pas valeur constitutionnelle en droit français, les avocats militaient pour la reconnaissance d'une valeur supra-législative de ce droit. Si cette requête n'a pas été reçue par le Conseil constitutionnel, les avocats obtinrent une belle victoire, car la censure de l'article 96 de la loi de finances pour 2014 s'effectua sur un autre argument, particulièrement corporatiste.
15 - En effet, les requérants prétendaient que l'article litigieux portait atteinte à la liberté d'entreprendre découlant de l'article 4 de la Déclaration de 1789. En particulier, l'obligation de déclaration préalable porterait atteinte à l'exercice normal de la profession d'avocat et plus généralement aux libertés fondamentales : celle d'entreprendre et celle de respecter la loi sans avoir à en avertir l'administration.
Le Conseil constitutionnel reconnaît la légitimité de cet argument dans son considérant n° 91 : "eu égard aux restrictions apportées par les dispositions contestées à la liberté d'entreprendre et, en particulier, aux conditions d'exercice de l'activité de conseil juridique et fiscal, et compte tenu de la gravité des sanctions encourues en cas de méconnaissance de ces dispositions, le législateur ne pouvait, sans méconnaître les exigences constitutionnelles précitées, retenir une définition aussi générale et imprécise de la notion de schéma d'optimisation fiscale'".
16 - Le Conseil constitutionnel s'est ainsi focalisé sur l'atteinte à la liberté d'entreprendre une activité de conseil juridique et fiscal. C'est assurément l'activisme du Conseil national des barreaux qui a porté ses fruits. D'ailleurs, ce dernier a immédiatement revendiqué cette victoire dans un communiqué du même jour que la décision de la Haute juridiction. Le Bâtonnier Jean-Marie Burguburu, Président du CNB, a souligné que l'activité de conseil juridique et fiscal visée par le Conseil constitutionnel ne peut être exercée que par des avocats régulièrement inscrits à un barreau. L'affirmation est certainement excessive, car la loi permet en réalité à d'autres professionnels du droit de développer une activité de conseil juridique et fiscal, à commencer par les notaires. D'ailleurs, les notaires étaient beaucoup plus visés par l'obligation de déclaration préalable des schémas d'optimisation fiscale que les avocats. Les opérations soumises aux notaires par les particuliers et les entreprises ont très généralement des enjeux fiscaux, alors que les affaires soumises aux avocats plaidants non spécialisés en fiscalité n'ont que rarement des tels enjeux. Rappelons qu'une simple vente immobilière suppose pour le notaire le calcul de la plus-value pour le vendeur et des droits d'enregistrement pour l'acquéreur. En incluant ou non des biens mobiliers dans la vente, il est ainsi possible de modifier la plus-value et les droits d'enregistrement et la question se serait posée de savoir si un simple conseil sur cette conséquence pouvait être considéré comme un "schéma d'optimisation fiscale".
17 - Cette focalisation sur l'activité de conseil juridique et fiscal est d'autant plus surprenante que d'autres professionnels dont l'activité principale n'est pas le conseil juridique ou fiscal peuvent développer des schémas d'optimisation fiscale. Nous pensons ici aux banques, qui proposent parfois des montages clé en main, offrant à leurs clients la possibilité d'ouvrir des comptes bancaires dans leurs filiales situées dans des pays à fiscalité privilégiée, et en leur proposant des véhicules juridiques prêts à être activés. Force est d'ailleurs d'admettre que la formulation de l'article 96 de la loi de finances pour 2014 semblait précisément viser les banques puisque l'obligation de déclaration préalable concernait "toute personne commercialisant un schéma d'optimisation fiscale". Or les avocats, comme les notaires, ne commercialisent nullement à proprement parler des schémas d'optimisation fiscale, puisqu'il s'agit de membres de professions libérales qui "vendent" des services sur mesure et pratiquent la haute couture. Seules les banques, en tant que personnes morales commerçantes, peuvent commercialiser, au sens propre, des schémas d'optimisation fiscale, ces schémas apparaissant comme des montages prêts à monter. La définition du schéma d'optimisation fiscale figurant dans la loi accréditait cette approche dans la mesure où l'obligation concernait "toute combinaison de procédés et instruments juridiques, fiscaux, comptables ou financiers". Il en ressort ainsi que tous les professionnels du droit ou du chiffre habilités, par la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, portant réforme de certaines professions juridiques et judiciaires (N° Lexbase : L6343AGZ), à pratiquer des consultations juridiques et fiscales à titre principal ou à titre accessoire étaient concernés par l'obligation de déclaration préalable.
18 - Mais cette obligation nouvelle s'imposait également aux contribuables eux-mêmes. En effet, le texte précisait clairement que "toute personne élaborant et mettant en oeuvre un schéma d'optimisation était également tenue de déclarer un schéma d'optimisation fiscale, au sens de l'article 1378 nonies, déclare ce schéma à l'administration préalablement à sa mise en oeuvre" sous peine de l'application d'une amende de 5 % du montant de l'avantage fiscal procuré par la mise en oeuvre du schéma, l'avantage correspondant à la différence entre le montant de l'impôt effectivement dû par la personne et le montant de l'impôt que cette personne aurait supporté si elle n'avait pas mis en oeuvre ledit schéma. Les entreprises et les particuliers auraient ainsi dû se conformer à cette nouvelle contrainte.
Pourtant, la censure de l'article controversé par le Conseil constitutionnel s'appuie uniquement sur la violation de la liberté d'entreprendre.
19 - Ce fondement est d'autant plus curieux que la liberté d'entreprendre a une valeur constitutionnelle fluctuante.
Ces tâtonnements ne portent pas sur le fondement de cette liberté (article 4 de la Déclaration de 1789, alors que le décret d'Allard des 2 et 17 mars 1791, selon lequel "il sera libre à toute personne d'exercer telle profession, art, ou métier qu'il trouvera bon" est considéré comme le fondement de liberté du commerce et de l'industrie), mais sur son degré de protection, ainsi que sur l'intensité du contrôle de sa limitation par le Conseil constitutionnel. Pour résumer cette évolution, on peut dire qu'à partir d'une formulation initiale protectrice (Cons. const., décision n° 81-132 DC du 16 janvier 1982 N° Lexbase : A8037ACN), le Conseil a eu tendance à minorer progressivement la protection de la liberté d'entreprendre pour ensuite opérer une évolution inverse à partir de la décision de janvier 2001 relative à l'archéologie préventive (Cons. const., décision n° 2000-439 DC du 16 janvier 2001 N° Lexbase : A6745C9P). Désormais, la liberté d'entreprendre n'occupe plus de rang subalterne au sein des libertés et le Conseil vérifie que la conciliation opérée par le législateur entre cette liberté et d'autres exigences constitutionnelles ou des motifs d'intérêt général antagonistes n'est pas excessivement ou inutilement déséquilibrée. Le Conseil constitutionnel a ainsi pu estimer qu'il "est loisible au législateur d'apporter à la liberté d'entreprendre, qui découle de l'article 4 de la Déclaration de 1789, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi" (Cons. const., décision n° 2010-73 QPC du 3 décembre 2010 N° Lexbase : A4387GMG).
20 - Il en ressort que, pour lutter efficacement et préventivement contre l'habilité fiscale qui diminue les recettes de l'Etat, le législateur pourrait parfaitement imposer une obligation de déclaration préalable des montages défiscalisants.
D'ailleurs, les législations britannique et américaine connaissent une telle obligation. Mais ces mécanismes de déclaration de certains schémas fiscaux s'inscrivent dans ces pays dans une logique sans comparaison avec la France.
Dans ces deux pays étrangers, l'obligation déclarative a pour finalité l'information de l'administration et non la répression du contribuable. Il s'agit ainsi d'informer le législateur pour qu'il soit en mesure, le cas échéant, de modifier la loi, ce que le Royaume-Uni a fait à plusieurs reprises. En outre, la législation anglaise prévoit que, si les avocats anglais sont dans le champ d'application du dispositif, ils ne sont pas tenus de faire une déclaration de montage lorsque le secret professionnel leur interdit de faire une déclaration complète.
Or, l'article 96 de la loi de finances pour 2014 poursuivait un but essentiellement répressif et non documentaire.
Le Conseil constitutionnel insiste d'ailleurs sur la gravité des sanctions encourues pour déclarer le texte non conforme à la Constitution.
Il en ressort qu'il n'est pas exclu que le législateur reprenne son ouvrage et ne tente d'instaurer à nouveau une obligation de déclaration préalable des schémas d'optimisation fiscale. Mais le législateur devra définir lui-même précisément ce qu'il entend par schéma d'optimisation fiscale et il ne pourra prévoir de lourdes sanctions en cas de méconnaissance de l'obligation de déclaration. Il nous semble aussi que le législateur devrait désigner plus clairement le débiteur de cette obligation, pour déterminer si elle concerne les professionnels du droit fiscal et/ou les contribuables.
Compte tenu de ces contraintes, il n'est nullement certain que le législateur se lance dans de nouveaux travaux parlementaires, car l'administration fiscale française dispose d'ores et déjà de moyens considérables pour s'informer sur les pratiques des contribuables (droit de communication, droit de perquisition, déclarations très complètes avec de nombreuses annexes explicatives, enregistrement des actes, vérification permanente des grandes institutions financières...) et des services spécialisés assurent cette mission au sein de la Direction générale des impôts.
B - La réforme de l'abus de droit fiscal
21 - Jusqu'à la loi de finances pour 2014, les notions d'optimisation, de fraude ou d'abus de droit étaient à peu près claires.
L'optimisation fiscale relevait de la mise en oeuvre légitime d'une option ou d'un choix parmi plusieurs autorisés par la loi. Elle était donc effectuée dans le respect de la loi et du règlement qui le permettent. Il s'agissait donc d'une optimisation légale, dès lors que les contribuables respectent la loi fiscale en en tirant le meilleur parti possible. En effet, aucun contribuable n'était tenu de choisir la voie fiscale la plus onéreuse.
La fraude fiscale était une infraction à la loi commise dans le but d'échapper à l'imposition ou d'en réduire le montant. La fraude fiscale, telle que définie à l'article 1741 du CGI, concernait l'omission volontaire de déclaration dans les délais prescrits, la dissimulation volontaire des sommes sujettes à l'impôt, l'organisation d'insolvabilité, l'obstruction au recouvrement de l'impôt par toute autre manoeuvre, ou toute autre manoeuvre frauduleuse.
Quant à l'abus de droit, il revenait à utiliser le droit sous une apparence de légalité pour se soustraire à l'impôt normalement dû, soit par le caractère fictif de l'opération, soit par la recherche du bénéfice de l'application littérale des textes ou par des décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs et la poursuite du but exclusif d'éluder l'impôt.
22 - Mais le législateur entendait remettre en cause ce bel ordonnancement en faisant rentrer l'optimisation fiscale "agressive" dans le champ de l'abus de droit. Les actes ayant pour motif principal, et non plus exclusif, d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé aurait dû normalement supporter pouvaient ainsi constituer des abus de droit sanctionnés par le rétablissement de l'impôt normalement dû et des intérêts de retard, mais également par une majoration de 80 %, ramenée à 40 % "lorsqu'il n'est pas établi que le contribuable a eu l'initiative principale du ou des actes constitutifs de l'abus de droit ou en a été le principal bénéficiaire".
23 - Incontestablement, cette nouvelle formulation créait une grande insécurité juridique, car il devenait très difficile pour un contribuable de déterminer ex ante si l'opération était ou non constitutive d'un abus de droit.
Le Gouvernement, en particulier Bernard Cazeneuve, ministre délégué au Budget, avait parfaitement anticipé les difficultés posées par une telle rédaction. Il avait déjà repoussé un amendement parlementaire dans ce sens dans la loi relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière. Mais, devant l'insistance de sa majorité, le Gouvernement ne s'est pas opposé à l'amendement déposé dans la loi de finances pour 2014. Les parlementaires eux-mêmes étaient parfaitement conscients de l'insécurité juridique qu'ils créaient, mais ils avaient décidé que cette réforme s'appliquerait au 1er janvier 2016, afin de laisser le temps à l'administration fiscale de rédiger une instruction précisant la nouvelle notion d'abus de droit !
Un tel procédé était naturellement contraire à la Constitution, car, comme le rappelle le Conseil constitutionnel, il incombe au législateur d'exercer pleinement la compétence que lui confie la Constitution et, en particulier, son article 34, sans reporter sur des autorités administratives ou juridictionnelles le soin de fixer des règles dont la détermination n'a été confiée par la Constitution qu'à la loi.
La censure par le Conseil constitutionnel est par conséquent sans surprise.
24 - On ajoutera tout de même que le Conseil constitutionnel semble reprendre à son compte l'ensemble des arguments développés par les requérants.
En particulier, ces derniers reprochaient au législateur une violation de l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi. Soulignons que ce n'est que récemment que le Conseil constitutionnel a dégagé un objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi, à l'occasion d'une loi autorisant le Gouvernement à procéder par ordonnance des travaux de codification (Cons. const., décision n° 99-421 DC du 16 décembre 1999 N° Lexbase : A8784ACC). Le Conseil constitutionnel a extrait cet objectif de valeur constitutionnelle des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration de 1789. Il a en effet estimé que l'égalité devant la loi, énoncée par l'article 6 de la Déclaration, et la garantie des droits, requise par son article 16, pourraient ne pas être effectives si les citoyens ne disposaient d'une connaissance suffisante des normes qui leur sont applicables. Il a estimé qu'une telle connaissance était en outre nécessaire à l'exercice des droits et libertés garantis tant par l'article 4 de la Déclaration, en vertu duquel cet exercice n'a de bornes que celles déterminées par la loi, que par son article 5, aux termes duquel "tout ce qui n'est pas défendu par la loi ne peut être empêché et nul ne peut être contraint à faire ce qu'elle n'ordonne pas". En l'espèce, le législateur devait adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques afin de prémunir les sujets de droit contre une interprétation contraire à la Constitution ou contre le risque d'arbitraire, sans reporter sur des autorités administratives ou juridictionnelles le soin de fixer des règles dont la détermination n'a été confiée par la Constitution qu'à la loi. Or, la modification de la rédaction de l'article L. 64 du LPF avait "pour effet de conférer une importante marge d'appréciation à l'administration fiscale".
Par ailleurs, le principe de légalité des délits et des peines, qui résulte de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen de 1789, oblige le législateur à fixer lui-même le champ d'application de la loi pénale et de définir les crimes et délits en termes suffisamment clairs et précis. Or, la procédure de l'abus de droit fiscal, par ses conséquences financières lourdes, est une procédure de répression même si elle est sans incidence sur les poursuites exercées pour fraude fiscale devant la juridiction répressive (Cass. crim., 4 novembre 2009, n° 08-88.446, F-D N° Lexbase : A1724EPK ; Cass. crim., 25 avril 2007 n° 06-85.540, inédit ; Cass. crim., 8 février 2006 n° 05-83.493, F-P-F N° Lexbase : A4338DNY). En conséquence, les termes utilisés devaient être clairs et précis, sans laisser une importante marge d'appréciation à l'administration.
25 - Compte tenu de cette décision, il sera particulièrement difficile pour le législateur de revenir sur son oeuvre, car on ne voit pas quelle rédaction pourrait permettre d'échapper à la censure du Conseil constitutionnel.
Il serait éventuellement possible de maintenir la rédaction souhaitée par le législateur mais en aménageant les sanctions. Tous les actes dont le but consisterait principalement à éluder ou à diminuer l'impôt seraient "sanctionnés" par le rétablissement de l'impôt normalement dû et les intérêts de retard. Mais seuls ceux dont le but serait exclusivement fiscal feraient l'objet des majorations de 80 % ou 40 %. La suppression des majorations pour les actes principalement fiscaux aurait des conséquences importantes, puisque la "sanction" correspondrait uniquement à la réparation du préjudice subi par le Trésor et ne serait plus assimilée à une sanction pénale imposant au législateur de respecter le principe de légalité des délits et des peines (CE, Avis, 12 avril 2002, n° 239693, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A6303AY4). Cependant, un tel mécanisme ne permettrait pas de surmonter le grief de violation de l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi, puisque la notion d'acte principalement fiscal aurait toujours pour effet de conférer une importante marge d'appréciation à l'administration fiscale. Pire, la distinction entre l'acte principalement fiscal et l'acte exclusivement fiscal sera délicate et renforcera le pouvoir d'interprétation de l'administration.
Dans ces conditions, le Gouvernement pourrait avoir tout intérêt à maintenir le texte en l'état et à compter sur un infléchissement de la jurisprudence du Conseil d'Etat. Un tel infléchissement s'est produit récemment et il n'est nullement exclu qu'il se poursuive (CE 9° et 10° s-s-r., 17 juillet 2013, n° 352989, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A9569KIA). Mieux vaut laisser au Conseil d'Etat le soin de faire évoluer, par touches successives, la notion d'abus de droit sans créer de rupture brutale. D'autant que le Comité de l'abus de droit fiscal aborde déjà concrètement les différentes opérations litigieuses et peut esquisser les évolutions souhaitables.
Cette voie nous semble d'autant plus envisageable que le Gouvernement prône une certaine stabilité fiscale afin de renforcer l'attractivité de la France et la compétitivité des entreprises. Or, aujourd'hui, les entreprises et les particuliers veulent s'assurer à la fois qu'ils remplissent l'intégralité de leurs obligations fiscales et que leur charge d'impôt est correctement calculée. Les avocats fiscalistes ont, par conséquent, pour rôle à la fois de renseigner leurs clients sur l'évolution des règles fiscales mais aussi de sécuriser leurs transactions et leurs opérations afin d'éviter toute mauvaise surprise en cas de contrôle fiscal. Au-delà de la nécessité d'instaurer une stabilité fiscale, il faut également maintenir une prévisibilité de l'application des règles fiscales. Force est d'admettre que la nouvelle définition de l'abus de droit ne pouvait qu'engendrer un flou artistique certain, dans un domaine où les sanctions sont si lourdes qu'elles ne devraient être prononcées que sur la base d'une règle claire.
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par Manuel Carius, Maître de conférences à l'Université de Poitiers et avocat à la cour
Le 23 Janvier 2014
L'arrêt n° 365155 du 6 décembre 2013 vient rénover les conditions de l'indemnisation du préjudice subi par un agent public dont l'éviction du service a été jugée illégale. La solution apportée à ce problème n'avait que peu évolué depuis près de quatre-vingts ans ; c'est pourquoi on ne peut que se réjouir du rééquilibrage auquel procède la décision commentée.
Les faits à l'origine du litige étaient tout à fait simples. La requérante avait contesté avec succès la décision d'une commune d'Ajaccio mettant fin à son détachement. Forte de ce jugement, elle a -toute illégalité constituant une faute-, recherché la condamnation de la commune à l'indemniser du préjudice que cette éviction lui avait occasionné. En appel, la cour administrative de Marseille a admis le principe de l'indemnisation et liquidé son montant la somme de 22 286 euros, dont 19 000 euros au titre du préjudice subi par la requérante du fait de la perte de primes liées à l'exercice effectif des fonctions qui étaient les siennes à la commune, outre 3 000 euros au titre de son préjudice moral. L'arrêt du 6 décembre 2013 rejette le pourvoi de la commune. Ce faisant, il étend les possibilités d'indemnisation offertes aux agents illégalement évincés, spécialement au regard du droit au versement des primes accessoires au traitement.
Jusqu'à présent (1), les règles applicables à la matière étaient, pour l'essentiel, fixées par la jurisprudence "Deberles" (2). Selon cet arrêt, si l'agent illégalement évincé ne peut prétendre, en l'absence de service fait, aux rémunérations qu'il aurait dû ou pu percevoir durant la période où il a été illégalement écarté du service ou des fonctions litigieuses, il peut néanmoins réclamer une indemnité à l'administration, en réparation du préjudice causé par l'illégalité fautive de l'éviction. Ainsi, le lucrum cessans est constitué par une somme correspondant à la rémunération (nette (3)) perdue durant la période d'éviction, à laquelle pourra être associée la réparation du préjudice moral, ainsi que des troubles dans les conditions d'existence (4). Par ailleurs, il est de l'office du juge de prendre en considération l'importance respective des irrégularités entachant la décision d'éviction et des fautes ou insuffisances relevées à la charge de l'agent évincé (5), mais également de déduire le montant des rémunérations perçues par l'agent lorsqu'il a été écarté du service (6).
La question de l'indemnisation à hauteur du montant des primes et indemnités accessoires que l'agent n'a pu percevoir pendant la période d'éviction a donné lieu à des réponses jurisprudentielles nuancées, ce que l'arrêt du 6 décembre 2013 vient clarifier. L'intégration de l'indemnité de résidence ainsi que du supplément familial de traitement dans les bases de liquidation du préjudice ne crée pas de difficulté, tant ces éléments sont liés au traitement principal lui-même (7). Il en va de même pour toutes les sommes, quelle que soit leur appellation, qui seront considérées comme un supplément de traitement, rémunérant une "fonction fixe et permanente" (8), et non comme une indemnité liée à l'exercice des fonctions (9). Dans les autres cas, l'agent n'ayant pas été en fonction, la jurisprudence considérait qu'il ne pouvait prétendre au bénéfice d'une indemnisation représentative du montant d'une somme que, par définition, il ne pouvait obtenir (10). La solution pouvait apparaître sévère, dès lors que l'éviction du service avait été imposée à l'agent de manière illégale. De plus, l'arrêt "Stilinovic", rendu en 2008, a pu être jugé comme marquant le début d'une évolution (11).
La décision rapportée prend position de manière tout à fait claire. Le Conseil d'Etat indique "qu'en vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre ; que sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente, compte tenu de l'importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l'encontre de l'intéressé, un lien direct de causalité ; que, pour l'évaluation du montant de l'indemnité due, doit être prise en compte la perte du traitement ainsi que celle des primes et indemnités dont l'intéressé avait, pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier, à l'exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser des frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions".
La réparation à laquelle l'agent a droit ne se limite plus à une sorte de substitut au traitement manqué, mais elle doit correspondre au principe de la réparation in integrum. A l'instar de l'argument développé par le commissaire du Gouvernement Aguila dans l'affaire "Stilinovic", l'indemnisation de primes non perçues doit être regardée à l'aune de la perte de chance de les recevoir. Désormais, il convient de s'assurer de ce que la prime escomptée n'est pas de nature compensatrice d'une charge assumée par l'agent au titre de l'exercice de ses fonctions. Dans cette hypothèse, elle n'entrera pas en ligne de compte dans la liquidation du préjudice, dès lors que l'agent n'a pas subi la contrainte que l'indemnité était censée venir compenser (12). En revanche, quand bien même elle serait conditionnée à l'exercice effectif des fonctions, une prime peut donner lieu à indemnisation dès lors que l'agent disposait de chances sérieuses de la percevoir. En l'espèce, le Conseil d'Etat retient que ni l'indemnité d'exercice des missions de préfecture, ni l'indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires (13) n'ont pour objet de compenser des frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions. Par suite, la cour administrative d'appel de Marseille n'a donc pas commis d'erreur de droit en recherchant, pour évaluer le montant de la somme due à l'intéressée si celle-ci aurait eu, en l'absence de la décision qui a mis fin illégalement à son détachement, une chance sérieuse de continuer à bénéficier de ces indemnités, au taux qu'elle percevait avant cette mesure.
On notera, enfin, que l'arrêt du 6 décembre 2013 est en cohérence avec les décisions récentes qui assurent le versement d'indemnité accessoires à des agents, même en l'absence d'exercice des fonctions (14).
Dans son arrêt n° 359753 du 4 décembre 2013, le Conseil d'Etat procède à une extension du contrôle de cassation dans le domaine des changements d'affectation des fonctionnaires. Plus précisément, il ressort de cette décision que, désormais, la Haute juridiction exerce un contrôle de qualification juridique sur la question de savoir si une décision fait grief et est, en conséquence, susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir.
En l'espèce, un agent de France Télécom avait formé un pourvoi à l'encontre d'un jugement du tribunal administratif d'Orléans ayant rejeté une requête visant à faire annuler la décision de lui confier de nouvelles fonctions. Le jugement avait rejeté la requête pour irrecevabilité au motif qu'eu égard à ses conséquences, la décision attaquée constituait une simple mesure d'ordre intérieur ne faisant pas grief. Le jugement a été annulé par le Conseil d'Etat, après que celui-ci a estimé que le tribunal avait commis une erreur dans la qualification juridique des faits. L'affaire est donc renvoyée devant le même tribunal.
Au plan de la procédure contentieuse, cette décision marque l'abandon de la jurisprudence "Blain" du 3 octobre 2001 (15), suivant laquelle les juridictions du fond portaient une appréciation souveraine sur le point de savoir si un changement d'affectation était susceptible de faire grief. Ainsi, seule la dénaturation des pièces du dossier était de nature à justifier la cassation.
Cette position est révolue. L'évolution qui résulte de l'arrêt du 4 décembre 2013 apparaît utile dès lors qu'elle va certainement permettre d'unifier la jurisprudence applicable à la matière. Les changements d'affectation relèvent du pouvoir d'organisation du service et, en tant que tels, ils constituent des mesures d'ordre intérieur ne faisant pas grief (16). Les recours contentieux formés par les agents seront donc irrecevables, à moins que les droits qu'ils tiennent de leur statut soient atteints ou que leur situation financière ou professionnelle se trouve modifiée (17). Il appartient donc au juge administratif de vérifier, à ce titre, si l'agent subit une diminution de ses attributions ou de ses responsabilités professionnelles. Le critère tiré de la diminution des attributions suffit à rendre recevable le recours de l'agent. En jugeant en ce sens, le Conseil d'Etat semble assouplir la position adoptée dans un arrêt du 6 mai 2009 (18), et revenir à une orientation plus classique de la jurisprudence (19). Le critère de la diminution des attributions peut prêter à discussion et il est heureux que le Conseil d'Etat ait décidé d'accroître son contrôle. Dans l'arrêt commenté, le Conseil relève que les nouvelles missions confiées à l'agent n'entraînaient plus aucun déplacement sur les chantiers et n'impliquaient plus ni la réalisation de projets de génie civil, ni de contact avec des agents ou élus des collectivités territoriales. Par suite, le tribunal aurait dû juger la requête recevable. Comparativement, a été déclaré irrecevable le recours contre une décision affectant le directeur d'un restaurant universitaire à la direction d'une résidence universitaire (20) ou à la mutation d'un agent d'un secrétariat à un autre, sans modification géographique (21).
Le droit de grève des fonctionnaires est, à l'instar de celui des salariés du secteur privé, consacré par l'alinéa 7 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946. Ce texte précise, toutefois, qu'il s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent. Le célèbre arrêt "Dehaene" (22) a admis, pour sa part, que le législateur ou, le cas échéant, les chefs de service disposent du pouvoir de fixer les limites au droit de grève qu'imposent la sauvegarde de l'intérêt général et le bon fonctionnement des services publics. Ces données n'ont pas été remises en cause par l'entrée en vigueur de la Constitution du 4 octobre 1958, le Conseil constitutionnel assurant que "la reconnaissance du droit de grève ne saurait avoir pour effet de faire obstacle au pouvoir du législateur d'apporter à ce droit les limitations nécessaires en vue d'assurer la continuité du service public qui, tout comme le droit de grève, a le caractère d'un principe de valeur constitutionnelle" (23). S'agissant des fonctionnaires titulaires, le titre I du statut général de la fonction publique (loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, portant droits et obligations des fonctionnaires N° Lexbase : L6938AG3) rappelle -en son article 10- la règle posée par l'alinéa 7 du préambule de la Constitution de 1946.
L'exercice -licite- du droit de grève par un fonctionnaire emporte une conséquence financière. Faute d'avoir occupé ses fonctions, l'agent ne pourra obtenir le versement de son traitement. Le principe de cette retenue pour absence de service fait ressort des dispositions de l'article 20 du titre I du statut général des fonctionnaires, suivant lequel "les fonctionnaires ont droit, après service fait (24), à une rémunération comprenant le traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement ainsi que les indemnités instituées par un texte législatif ou réglementaire". La question de la liquidation des retenues pour service non fait est sensible. Elle s'articule au travers de dispositions législatives -sans pour autant qu'il y ait harmonisation entre les différentes branches de la fonction publique- et une importante jurisprudence (25). L'affaire jugée par le Conseil d'Etat le 4 décembre 2013 se rapporte à la situation d'un fonctionnaire de Météo-France, établissement public administratif sous la tutelle du ministère du Développement durable, soumis aux dispositions applicables aux agents titulaires de l'Etat.
Le litige était né de la présence de l'agent en question dans un "piquet" de grève, le 17 octobre 2008, alors que, ce jour-là, ledit agent bénéficiait d'une journée de récupération qui lui avait été accordée par son chef de service. L'administration ayant décidé de procéder à une retenue sur traitement, l'agent a contesté cette décision devant la juridiction administrative.
Pour confirmer le jugement du tribunal administratif de Marseille qui a rejeté la requête, le Conseil d'Etat fait application des évolutions les plus récentes de sa jurisprudence en la matière. En premier lieu, il rappelle les modalités de calcul de la base de liquidation de la retenue, à savoir le "trentième indivisible". Cette base résulte des dispositions combinées de l'article 4 de la loi de finances rectificative n° 61-825 du 29 juillet 1961 (N° Lexbase : L1164G8M), complété par la loi n° 77-826 du 22 juillet 1977, et de l'article 1er du décret 62-765 du 6 juillet 1962, portant règlement sur la comptabilité publique en ce qui concerne la liquidation des traitements des personnels de l'Etat (N° Lexbase : L7201G89).
En application de ces textes, l'arrêt du 4 décembre 2013 indique que "l'absence de service fait, due en particulier à la participation à une grève, pendant une fraction quelconque de la journée, donne lieu à une retenue dont le montant est égal à la fraction du traitement frappé d'indivisibilité, c'est-à-dire au trentième de la rémunération mensuelle ; qu'en outre, eu égard au caractère mensuel et forfaitaire du traitement tel que défini à l'article 1er du décret du 6 juillet 1962, le décompte des retenues à opérer sur le traitement mensuel d'un agent public s'élève, en principe, à autant de trentièmes qu'il y a de journées où cette absence de service fait a été constatée, même si, durant certaines de ces journées, cet agent n'avait aucun service à accomplir". Cette formulation est classique (26).
L'agent de Météo-France cherchait toutefois à obtenir le bénéfice de l'assouplissement résultant de l'arrêt "Morand" du 27 juin 2008 (27) (préc.). Par cette décision, le Conseil d'Etat a admis que "l'application des règles de décompte des retenues sur le traitement mensuel de l'agent en grève ne saurait porter atteinte à son droit au congé annuel lorsque cet agent a été au préalable autorisé par le chef de service à prendre ses congés au cours d'une période déterminée". Ainsi, bien qu'il se soit associé à un mouvement de grève, le fonctionnaire ne pourra se voir infliger une retenue pour les journées qui, bien qu'incluses dans la période de grève, correspondent à des congés annuels dûment autorisés. Dans l'affaire jugée le 4 décembre 2013, le Conseil d'Etat refuse d'étendre cette exception aux journées de récupération. En l'espèce, le requérant avait été autorisé par son chef de service à récupérer la journée du 17 octobre 2008 ; il n'avait donc aucun service à accomplir ce jour-là et avait décidé de participer à un "piquet" de grève bloquant l'accès à l'entrée du service. Conformément à la jurisprudence "Omont" du 7 juillet 1978 (28) (préc.), l'absence d'obligation de service n'induit pas l'impossibilité d'une absence de service fait.
Ce faisant, le Conseil d'Etat marque le caractère spécifique des congés annuels, qui constituent un véritable droit pour les fonctionnaires (29) et dont la jurisprudence de la CJUE précise qu'ils revêtent une "importance particulière" (30) en droit social communautaire. Il complète également la jurisprudence "Morand" en indiquant que les congés annuels demeurent rémunérés à condition qu'ils aient été autorisés préalablement au dépôt d'un préavis de grève et non simplement avant le début du mouvement social.
(1) Voir, J. Berthoud, Chances d'indemnisation et bases d'évaluation du préjudice résultant d'une éviction illégale : AJFP, 2013, p. 235.
(2) CE, Ass., 7 avril 1933, n° 04711, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A4938B7Z), p. 439, RD publ., 1933, p. 624, concl. Parodi, GAJA, 19ème éd., 2013, n° 43.
(3) CE 7° et 10° s-s-r., 7 octobre 1998, n° 186909, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A8447ASN).
(4) CE, S., 18 juillet 2008, n° 304962, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A7353D99), Rec. 306, AJDA, 2008, p. 1906, concl. Y. Aguila, AJFP, 2009, p. 137, note R. Fontier.
(5) CE, S., 6 novembre 2002, n° 227147, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A7481A3H), AJDA, 2002, p. 1440, chron. F. Donnat et D. Casas ; CE 3° et 8° s-s-r., 20 décembre 2000, n° 189264, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A4130B8H).
(6) CE, Ass., 7 juillet 1989, n° 56627, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A1691AQP).
(7) Loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, portant droits et obligations des fonctionnaires, art. 20.
(8) D. Botteghi, conclusions sur CE 2° et 7° s-s-r., 10 juin 2011, n° 326870, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A5425HT4), AJDA, 2011, p. 1901.
(9) CE 3° et 5° s-s-r., 19 juin 1992, n° 102443, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A7108ARP).
(10) CE, S., 24 juin 1977, n° 93480, 93481 et n° 93482, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A6733B8U), Rec. 294.
(11) D. Botteghi, conclusions précitées.
(12) Voir CE 2° et 7° s-s-r., 10 juin 2011, n° 335142, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A6476HTZ), AJDA, 2011, p. 1901, concl. Botteghi.
(13) Dans l'arrêt "Guisset" précité (CE, S., 6 novembre 2002, n° 227147, publié au recueil Lebon), l'indemnité pour travaux supplémentaires avait été exclue de la base de liquidation du préjudice.
(14) CE, S., 27 juin 2012, n° 344801, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A0737IRQ), Rec. 316 (représentant syndical bénéficiant d'une décharge totale de service) ; CE 9° et 10° s-s-r., 26 juin 2007, n° 281061, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A7069DTY) (refus illégal de verser la nouvelle bonification indiciaire à un agent pouvant y prétendre).
(15) CE 3° et 8° s-s-r., 3 octobre 2001, n° 215340, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A4415AWG).
(16) CE 1° et 6° s-s-r., 17 décembre 2008, n° 294362, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A8813EBZ), AJDA, 2009, p. 1504, note Deliancourt ; CE 4° et 5° s-s-r., 19 octobre 2005, n° 269334, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A0057DLP), Rec. 691.
(17) CE 1° et 6° s-s-r., 4 février 2011, n° 335098, mentionné aux tables du Lebon (N° Lexbase : A2645GRE) (perte de la nouvelle bonification indiciaire).
(18) CE 1° et 6° s-s-r., 6 mai 2009, n° 304977, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A7715EGT), AJDA, 2009, p. 1510.
(19) CE 2° et 6° s-s-r., 5 avril 1991, n° 96513, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A0303ARN), Rec., 999, AJDA, 1991, p. 509, chron. C. Maugüé et R. Schwartz ; CE 1° et 4° s-s-r., 10 février 1978, n° 06426, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A4513AIY).
(20) CE 2° et 6° s-s-r., 18 mars 1996, n° 141089, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A8134ANL).
(21) CE 2° et 6° s-s-r., 8 mars 1999, n° 171341, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A4742AXW).
(22) CE, Ass., 7 juillet 1950, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A5106B7A), Rec. 426, RDP, 1950, p. 691, concl. Gazier, GAJA.
(23) Cons. const., décision n° 79-105 DC du 25 juillet 1979 (N° Lexbase : A7991ACX), Rec. 33 ; Cons. const., décision n° 2007-556 DC du 16 août 2007 (N° Lexbase : A6455DXD), RFDA, 2007, p. 1284, note T. Rambaud et A. Roblot-Rozier.
(24) C'est nous qui soulignons.
(25) Voir H. Muscat, Les retenues sur traitement pour fait de grève ou l'hétérogénéité anachronique d'un régime juridique, JCP éd. A, 2010, n° 2300.
(26) CE 1° et 4° s-s-r., 7 juillet 1978, n° 3918, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A5124AIM), Rec. 304 ; CE 1° et 6° s-s-r., 27 juin 2008, n° 305350 (N° Lexbase : A3556D9L), Rec. 250, JCP éd. A, 2008, act. 612, AJDA, 2008, p. 1667, note P. Soubirous ; CE 1° et 6° s-s-r., 7 avril 2010, n° 320538, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A5677EUS) ; CE 2° s-s., 24 juin 2011, n° 336908, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A3531HUC).
(27) Loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, portant droits et obligations des fonctionnaires, art. 21.
(28) CJUE, 20 janvier 2009, aff. C-350/06 (N° Lexbase : A3596EC8) ; CJUE, 24 janvier 2012, aff. C 282/10 (N° Lexbase : A2471IB7).
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Réf. : CE 2° et 7° s-s-r., 15 janvier 2014, n° 362495, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A5407KTG)
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Réf. : CE, S., 17 janvier 2014, n° 352710, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A8078KTD)
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Le 23 Janvier 2014
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Réf. : Loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014, garantissant l'avenir et la justice du système de retraites (N° Lexbase : L2496IZH)
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N0352BUL
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Le 23 Janvier 2014
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Réf. : Cass. soc., 8 janvier 2014, deux arrêts, n° 13-24.851, arrêt n° 232 (N° Lexbase : A8473KTY) et n° 13-24.851, arrêt n° 233 (N° Lexbase : A2002KTC), FS-P+B
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par Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale
Le 30 Janvier 2014
Résumé
La QPC mettant en cause la conformité des articles L. 3122-32 (N° Lexbase : L0388H9A), L. 3122-33 (N° Lexbase : L0389H9B) et L. 3122-36 (N° Lexbase : L0392H9E) du Code du travail, relatives au travail de nuit, au regard des principes de liberté d'entreprendre et du travail, d'égalité devant la loi et de légalité des délits et des peines, est transmise au Conseil constitutionnel. La QPC mettant en cause les articles L. 3132-20 (N° Lexbase : L0473H9E), L. 3132-23 (N° Lexbase : L6297IEX) et L. 3132-24 (N° Lexbase : L0479H9M) du Code du travail, relatifs aux dérogations préfectorales à l'interdiction du travail dominical, au regard des principes de clarté et de précision de la loi, de l'exigence de sécurité juridique, du principe d'égalité, de la liberté du travail, de la liberté d'entreprendre et du droit à l'emploi, ainsi que de légalité des délits et des peines, est transmise au Conseil constitutionnel. |
Commentaire
1 - Contestation des dispositions relatives au travail de nuit
Dispositions contestées. L'article L. 3122-32 du Code du travail, issu de la loi du 9 mai 2001 qui a redéfini le régime du travail de nuit, dispose que "le recours au travail de nuit est exceptionnel. Il prend en compte les impératifs de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs et est justifié par la nécessité d'assurer la continuité de l'activité économique ou des services d'utilité sociale".
La loi subordonne la mise en oeuvre exceptionnelle du travail de nuit, tel que défini par l'article L. 3122-29 du Code du travail (N° Lexbase : L0385H97), à la conclusion préalable d'un accord de branche étendu, ou d'un accord d'entreprise ou d'établissement. A défaut, et sous les réserves formulées par l'article L. 3122-36, le recours au travail de nuit peut être autorisé par l'inspecteur du travail.
Ce régime autorisant de nombreuses dérogations a suscité un vif contentieux, tant judiciaire qu'administratif, et l'imprécision du critère légal visé par l'article L. 3122-32 a été, à maintes reprises, dénoncé (1).
C'est ainsi que l'enseigne Séphora des Champs-Elysées s'est vu interdire d'ouvrir le soir après 21 heures par la cour d'appel de Paris qui a considéré que les conditions de recours au travail de nuit, telles que définies à l'article L. 3122-32 du Code du travail, n'étaient pas satisfaites (2).
Objectif de la QPC. L'objectif de Séphora, dans cette affaire, est des plus clairs : abattre les conditions restrictives de recours au travail de nuit et permettre aux salariés de consentir directement, sans préalable collectif (éventuellement un référendum), au travail au-delà de 21 heures.
Une QPC avait été formulée lors du contentieux en appel, mais dans des termes qui la rendaient irrecevable. Les demandeurs considéraient, en effet, que la définition des conditions générales du recours au travail de nuit, telles qu'elles sont définies par l'article L. 3122-32, portait, notamment, par son imprécision, atteinte au principe de légalité. La cour d'appel de Paris avait logiquement considéré que ce principe, qui ne peut s'appliquer qu'en matière pénale, ne pouvait être invoqué ici dans le seul volet civil de l'affaire, ce qui rendait par conséquent la QPC mal fondée dans la mesure où les dispositions pénales discutables n'étaient pas, dans cette affaire, le fondement des poursuites (3).
C'est donc à l'occasion du pourvoi formé devant la Chambre sociale de la Cour de cassation qu'une nouvelle demande de QPC a été reformulée, cette fois-ci en des termes plus compatibles avec les exigences posées par la procédure (4).
Contestation de l'article L. 3122-32. Le premier argument conteste la conformité des dispositions de l'article L. 3122-32 du Code du travail, "en ce qu'elles fixent les conditions légales de recours au travail de nuit", car elles méconnaîtraient "le principe constitutionnel de clarté et de précision de la loi et les exigences de compétence législative et de sécurité juridique garantis par l'article 34 de la Constitution de 1958 (N° Lexbase : L0860AHC) et par les articles 4 (N° Lexbase : L1368A9K), 5 (N° Lexbase : L1369A9L), 6 (N° Lexbase : L1370A9M) et 16 (N° Lexbase : L1363A9D) de la Déclaration des droits de l'Homme, et à ce titre [...] les libertés d'entreprendre et du travail et le principe d'égalité devant la loi garantis par les articles 4 et 6 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen et par le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946".
Le second conteste les mêmes dispositions "en ce qu'elles fixent les conditions légales de recours au travail de nuit" parce qu'elles méconnaîtraient "le principe constitutionnel de légalité des délits et des peines garanti par l'article 34 de la Constitution de 1958 et par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'Homme (N° Lexbase : L1372A9P)".
Contestation globale des articles L. 3122-32, L. 3122-33 et L. 3122-36. Le demandeur contestait également "les dispositions des articles L. 3122-32, L. 3122-33 et L. 3122-36 du Code du travail, prises en leur ensemble, en ce qu'elles fixent les conditions légales de recours et de mise en oeuvre du travail de nuit", dans la mesure où elles méconnaîtraient "le principe constitutionnel de clarté et de précision de la loi et les exigences de compétence législative et de sécurité juridique garantis par l'article 34 de la Constitution de 1958 et par les articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'Homme, et à ce titre [...] les libertés d'entreprendre et du travail et le principe d'égalité devant la loi garantis par les articles 4 et 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et par le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946".
Transmission minimaliste. La Cour de cassation considère les arguments comme étant suffisamment sérieux pour justifier la transmission de la QPC au Conseil constitutionnel, mais ne donne strictement aucune indication sur ce qui lui paraît sérieux dans les arguments développés, contrairement à la motivation donnée en cas de refus de transmission (5) et à la pratique de la Cour lors de ses précédents refus de transmissions (6).
Des chances de succès limitées. Au regard de la jurisprudence actuelle du Conseil constitutionnel, qui n'a d'ailleurs jamais eu à se prononcer sur la question du travail de nuit (7), il ne nous semble pas que ces textes soient véritablement menacés.
La QPC met en cause l'absence de "clarté et de précision" du texte qui affecterait la liberté d'entreprendre (des employeurs) et du travail (des salariés).
On passera, tout d'abord, sur le caractère passablement anachronique de la formulation de cet argument puisque le Conseil constitutionnel a abandonné, depuis 2006, la référence à la clarté et la précision de la loi au profit de l'intelligibilité et l'accessibilité (8).
On observera, ensuite, que, même si les deux décisions ayant directement modifié le Code du travail (métropolitain) ont été fondées sur le non-respect du principe de liberté d'entreprendre (9), et que dernièrement le Conseil constitutionnel a également censuré certaines dispositions de la loi de finances 2014 sur ce fondement, compte tenu de l'imprécision des dispositions y portant atteinte (10), d'assez nombreux arguments peuvent être avancés, ici, pour contredire cette accusation.
Des dérogations suffisamment précises. En premier lieu, il ne faut pas séparer l'article L. 3122-32 du Code du travail de son interprétation jurisprudentielle tant par la Cour de cassation que par le Conseil d'Etat, aidé en cela par la circulaire du 5 mai 2012 (11), ni d'ailleurs de l'ensemble du régime qui renvoie la détermination des dérogations à la conclusion d'un accord collectif ou d'une autorisation de l'autorité administrative, le tout sous le contrôle des juges naturels, et sous réserve d'un certain nombre d'aménagements préservant la santé des salariés (12).
Sur le plan civil, le grief d'un défaut d'intelligibilité ne nous semble pas établi, pas plus que n'est établi, s'agissant des sanctions pénales, le défaut tiré d'une atteinte au principe de légalité, et ce pour les mêmes raisons.
La conciliation entre liberté et préservation de la santé. En deuxième lieu, la conciliation que le texte réalise entre la liberté de l'activité professionnelle (des employeurs comme des salariés) et l'impératif de protection de la santé, dont le Conseil constitutionnel considère, à juste titre, qu'il peut y apporter des atteintes proportionnées (13), semble satisfaisante. La Cour de cassation a considéré que la préservation du droit à la santé justifiait que le jour de repos hebdomadaire soit fixé collectivement le dimanche, jour usuel d'arrêt des activités sociales (14). Le Conseil a également montré, à d'autres occasions, qu'il entendait laisser au législateur une certaine latitude pour concilier la liberté d'entreprendre et l'exigence de protection de la santé (15).
Comme l'indiquait, d'ailleurs, dernièrement le commentaire aux Cahiers de la décision QPC, "Obligation d'affiliation à une corporation d'artisans en Alsace-Moselle" (16), "lorsque la conciliation met en cause non un principe constitutionnel mais un motif d'intérêt général, le contrôle du Conseil constitutionnel tend à se renforcer. Il reste que, dans la quasi-totalité des cas qu'il a examinés, le Conseil a jugé conforme à la Constitution la conciliation opérée par le législateur entre, d'une part, la liberté d'entreprendre et, d'autre part, [...] l'ordre public et la protection de la santé (décision du 24 juin 2011 pour les exigences de qualification professionnelle nécessaires pour exercer certaines activités [17])".
L'atteinte au principe d'égalité non réalisée. En troisième lieu, l'argument tiré d'une prétendue atteinte au principe d'égalité ne devrait pas non plus prospérer dans la mesure où les textes incriminés ne préjugent pas "par eux-mêmes" des entreprises qui peuvent ou non faire travailler leurs salariés la nuit, mais les désignent "indirectement" au travers des critères qui justifient les dérogations. Si ces critères sont justifiés, et nous pensons qu'ils le sont suffisamment, alors il n'y a pas d'atteinte au principe d'égalité dans la mesure où les entreprises autorisées à faire travailler leurs salariés après 21 heures ne sont pas dans la même situation au regard des règles en cause (18).
2 - Contestation des dispositions relatives au repos dominical
Contexte. Séphora s'était, également, illustrée par une ouverture non autorisée le dimanche de sa boutique située dans le 12ème arrondissement de Paris, et la cour d'appel de Paris avait également été saisie sur ce point.
Dans cette affaire, Séphora contestait certains éléments du régime des dérogations préfectorales, et singulièrement le fait qu'en cas de recours contre l'arrêté autorisant l'ouverture des magasins le dimanche, celui-ci se trouve suspendu, de telle sorte que la dérogation temporaire ne s'applique plus et que les magasins concernés doivent respecter le principe du repos hebdomadaire (19).
Devant la cour d'appel de Paris, l'enseigne avait formulé une demande de QPC, considérant que ce caractère suspensif serait contraire au droit à un procès dans un délai raisonnable, à la liberté d'entreprendre et à la liberté du travail, au principe de légalité des délits et des peines et des droits de la défense.
De manière assez surprenante, la cour d'appel de Paris, outrepassant les prérogatives réservées aux juges du fond dans la procédure de transmission des QPC, l'avait considérée comme "non sérieuse" (20) et refusé de la transmettre à la Cour de cassation.
On ne sera donc pas surpris que, dans le cadre du pourvoi en cassation, la même demande de QPC soit présentée, sous une forme plus élaborée.
QPC posée. Le demandeur pose, ici, une question en quatre branches mettant toutes en cause le caractère suspensif du recours contre l'arrêté préfectoral autorisant une dérogation temporaire à l'interdiction du travail le dimanche.
La première la contestait au regard du principe d'égalité devant la loi, des droits de la défense, du droit au procès équitable et à un recours juridictionnel effectif respectivement garantis par les articles 1er, 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'Homme et par l'article 1er de la Constitution de 1958, "compte tenu des délais nécessaires à l'examen de ce recours par le juge administratif couplés au caractère temporaire de l'autorisation du préfet".
La deuxième contestait le régime même de la dérogation préfectorale (ces dispositions, combinées à celles des articles L. 3132-20, siège de la faculté préfectorale de dérogation, et L. 3132-23 du Code du travail concernant l'extension de la dérogation), en ce qu'elles imposent sans contrôle du juge la suspension de l'autorisation préfectorale temporaire d'emploi le dimanche, car elles méconnaîtraient le principe constitutionnel de clarté et de précision de la loi, l'exigence de sécurité juridique et le principe d'égalité devant la loi garantis par les articles 1er et 34 de la Constitution de 1958 et par les articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'Homme.
La troisième branche prétendait que ce caractère suspensif méconnaîtrait la liberté du travail, la liberté d'entreprendre et le droit à l'emploi garantis par les articles 2, 4 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et par le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946.
La quatrième et dernière branche contestait le même texte et le fait que, dans le cadre de cette procédure de suspension, il n'y a pas de mise en cause du ou des bénéficiaires de l'autorisation, ce qui méconnaîtrait le principe constitutionnel de légalité des délits et des peines garanti par l'article 34 de la Constitution de 1958 et par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'Homme.
Rejet prévisible des trois premières branches. Les trois premières branches de la question ne nous semblent pas susceptibles d'emporter la conviction du Conseil constitutionnel.
La première postule que les délais d'examens du recours administratif (dirigé contre l'arrêté préfectoral autorisant une dérogation) seraient trop longs au regard du caractère temporaire de la dérogation préfectorale. Il s'agit, ici, d'une simple conjecture qui relève, par ailleurs, d'éléments extérieurs à la norme contestée, cette dernière ne portant donc pas en elle-même l'atteinte alléguée.
La deuxième, qui considère que les éléments du régime ne seraient pas définis avec suffisamment de clarté, appelle les mêmes réserves que celles qui ont été exprimées pour l'autre QPC transmise et portant sur les dérogations à l'interdiction du travail de nuit. Non seulement les termes utilisés par le législateur ne nous semblent pas obscurs, ou ambigus, mais ils donnent lieu à une interprétation réalisée par l'autorité administrative, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, et se trouvent explicitées par une jurisprudence abondante du Conseil d'Etat (21) qui concerne l'interprétation des conditions posées pour admettre les dérogations, voire de la Cour de cassation concernant les pouvoirs accordés au juge des référés en cas d'ouverture en dépit de la suspension de l'arrêté (22).
La troisième devrait, également, être rejetée dans la mesure où le caractère suspensif du recours ne porte pas non plus en lui-même les atteintes alléguées.
De la notification du recours à son bénéficiaire. Un seul des arguments nous semble de nature à entraîner si ce n'est une censure du texte, à tout le moins une réserve d'interprétation.
On sait, en effet, que l'arrêté préfectoral est suspendu dès la saisine du greffe du tribunal administratif saisi du recours pour excès de pouvoir, et que cet effet n'est pas subordonné à la notification qui aurait pu en être faite à l'entreprise bénéficiaire de cette dérogation temporaire (22).
En théorie, et en l'absence de procédure imposant l'information de l'entreprise bénéficiaire, celle-ci peut se retrouver, en toute bonne foi, en situation d'illégalité, et s'exposer à des sanctions pénales. L'argument tiré d'une violation du principe de légalité semble alors justifié puisque l'entreprise peut se voir poursuivie alors qu'elle ne pouvait connaître l'existence du fait (la saisine du juge) qui suspendait le bénéfice d'une dérogation pourtant régulièrement obtenue.
Toute chose étant égale par ailleurs, l'entreprise est dans une situation assez proche de celle dans laquelle elle prononce le licenciement d'un salarié protégé en vertu d'un mandat extérieur, dont elle ignorait l'existence, et ce alors que le principal intéressé ne l'en avait pas informé au moment de la rupture de son contrat de travail. Or, dans ce dernier cas de figure, on se rappellera que le Conseil constitutionnel avait formulé une réserve d'interprétation pour sauvegarder, au nom du respect de la liberté d'entreprendre, les droits de l'entreprise de bonne foi (23).
Sans aller jusqu'à censurer le principe de la suspension, qui, en lui-même, est destiné à garantir l'effectivité de l'interdiction du travail de nuit et donc l'impératif constitutionnel de protection de la santé des travailleurs, le Conseil pourrait être conduit à émettre une réserve d'interprétation imposant au demandeur d'informer l'entreprise de l'existence du recours en excès de pouvoir.
(1) Lire L'actualité du travail de nuit ou la nécessité de réformer le cadre législatif actuellement en vigueur - Questions à Maître Olivier Angotti, avocat à la Cour, Cabinet Jeantet Associés, Lexbase Hebdo n° 543 du 10 octobre 2013 - édition sociale (N° Lexbase : N8924BTP). D'autres enseignes bravent aujourd'hui la loi, comme le magasin Carrefour de Villiers-en-Bière (le plus grand de l'enseigne en France) qui sera fixé sur son sort judiciaire par le tribunal de grande instance de Melun le 31 janvier 2014.
(2) CA Paris, Pôle 6, 1ère ch. 23 septembre 2013, n° 12/23124 (N° Lexbase : A5341KLE).
(3) Le même motif avait conduit au refus de transmission d'une QPC portant sur l'ancienne définition du harcèlement sexuel dans le Code du travail : Cass. QPC, 11 octobre 2012, n° 12-40.066, F-P+B (N° Lexbase : A3378IUN) et nos obs., La Cour de cassation et les QPC relatives au harcèlement, Lexbase Hebdo n° 504 du 8 novembre 2012 - édition sociale (N° Lexbase : N4225BTN).
(4) Ainsi, en matière civile, les demandeurs doivent privilégier le grief tiré du défaut d'intelligibilité de la loi sur le principe de légalité, limité à la matière pénale. S'agissant des QPC relatives à la définition civile du harcèlement sexuel : Cass. soc., 11 octobre 2012, n° 12-40.059, FS-P+B, préc..
(5) Dernièrement, Cass. soc., 9 octobre 2013, n° 13-40.052, F-P+B (N° Lexbase : A6871KMG ; lire N° Lexbase : N9014BTZ) ; Cass. soc., 13 décembre 2013, n° 13-18.148, FS-P+B (N° Lexbase : A3591KRG ; lire N° Lexbase : N9958BTY).
(6) Ainsi, Cass. soc., 11 juillet 2013, n° 13-40.021, F-P+B (N° Lexbase : A6677KI7) ; v. nos obs., Le législateur peut-il confier à un accord d'entreprise le soin de prévoir le recours à la messagerie électronique et à l'intranet de l'entreprise ?, Lexbase Hebdo n° 537 du 25 juillet 2013 - édition sociale (N° Lexbase : N8164BTK).
(7) Il avait une fois censuré des dispositions qui pouvaient le concerner, mais uniquement pour des raisons procédurales : décision n° 86-225 DC du 23 janvier 1987, consid. 10 et 25 (N° Lexbase : A8154ACY). La loi du 9 mai 2001 n'avait pas été déférée au contrôle du Conseil à l'époque, certainement parce qu'il s'agissait d'une loi de transposition.
(8) Décision n° 2006-540 DC du 27 juillet 2006 (N° Lexbase : A5780DQ7), cons. 9.
(9) Il s'agit de la réserve faite sur la protection des salariés bénéficiaires d'un mandat extérieur (cf. Cons. const., 14 mai 2012, n° 2012-242 QPC N° Lexbase : A1878IL7 ; lire nos obs., Le Conseil constitutionnel et les salariés mandatés extérieurs à l'entreprise : premier impact (limité) de la QPC sur le Code du travail, Lexbase Hebdo n° 488 du 7 juin 2012 - édition sociale N° Lexbase : N2251BTK) ; et des dispositions concernant la participation dans les entreprises publiques (Cons. const., décision n° 2013-336 QPC du 1er août 2013 (N° Lexbase : A1823KKQ) ; lire nos obs., Première (et modeste) abrogation d'une disposition du Code du travail dans le cadre de la procédure de QPC, Lexbase Hebdo n° 538 du 5 septembre 2013 - édition sociale (N° Lexbase : N8339BTZ).
(10) Cons. 91 : "Considérant qu'eu égard aux restrictions apportées par les dispositions contestées à la liberté d'entreprendre et, en particulier, aux conditions d'exercice de l'activité de conseil juridique et fiscal, et compte tenu de la gravité des sanctions encourues en cas de méconnaissance de ces dispositions, le législateur ne pouvait, sans méconnaître les exigences constitutionnelles précitées, retenir une définition aussi générale et imprécise de la notion de 'schéma d'optimisation fiscale'".
(11) Selon l'Administration : "le caractère exceptionnel peut être regardé par rapport à un secteur particulier (par exemple, les discothèques, les casinos, les hôpitaux...) pour lequel le travail de nuit est inhérent à l'activité. Pour les autres secteurs, le travail de nuit ne devrait être qu'exceptionnel. En effet, le recours au travail de nuit doit être lié à l'examen préalable des autres possibilités d'aménagement du temps de travail. De plus, les impératifs de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs devront être pris en compte. Ainsi, des critères de rentabilité d'investissement ne pourront être retenus" (circ. DRT n° 2002-09, 5 mai 2002 N° Lexbase : L9185AZ9).
(12) Réduction des durées de travail, surveillance médicale renforcée, etc..
(13) Il en va ainsi du licenciement des assistants maternels en cas de perte d'agrément : Cons. const., décision n° 2011-119 QPC, du 1er avril 2011 [Licenciement des assistants maternels] (N° Lexbase : A1899HMB) et nos obs., Le Conseil constitutionnel et les assistants maternels et familiaux, Lexbase Hebdo n° 437 du 28 avril 2011 - édition sociale (N° Lexbase : N0628BS3). Le Conseil a également admis que la protection de la santé pouvait justifier des atteintes au droit de grève : décision n° 80-117 DC du 22 juillet 1980 (N° Lexbase : A8014ACS), D. 1981, p. 65, concl. C. Franck, Dr. soc. 1981, p. 452, obs. D. Turpin.
(14) Cons. const., décision n° 2002-465, du 13 janvier 2003 N° Lexbase : A6295A4W ; Cons. const., décision n° 2009-588 DC, du 6 août 2009 (N° Lexbase : A2113EKH) ; Cass. soc., 5 juin 2013, trois arrêts, n° 12-27.478, FS-P+B (N° Lexbase : A4670KG3), n° 12-27.478, FS-P (N° Lexbase : A4671KG4) et n° 12-27.478, FS-P+B (N° Lexbase : A4672KG7), et nos obs., Repos dominical et QPC : halte au feu !, Lexbase Hebdo n° 532 du 20 juin 2013 - édition sociale (N° Lexbase : N7602BTQ).
(15) Décision n° 2012-290/291 QPC du 25 janvier 2013 (N° Lexbase : A8253I33), consid. 16 : "en permettant que soit fixé un minimum de prix de vente des produits du tabac et en encadrant la détermination de ce minimum par les conseils généraux, le législateur a assuré une conciliation, qui n'est pas manifestement déséquilibrée, entre l'exercice de la liberté d'entreprendre et les exigences du onzième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 relatives à la protection de la santé".
(16) Décision n° 2012-285 QPC du 30 novembre 2012 (N° Lexbase : A7023IXE), sur l'obligation d'affiliation à une corporation d'artisans en Alsace-Moselle.
(17) Décision n° 2011-139 QPC du 24 juin 2011 (N° Lexbase : A2999HUM), cons. 3 à 8, sur les conditions d'exercice de certaines activités artisanales.
(18) En ce sens, les recommandations de la circulaire préc. du 5 mai 2002.
(19) C. trav., art. L. 3132-24.
(20) Ce qui implique un contrôle "a minima" de l'argument.
(21) Ainsi, l'affirmation selon laquelle la circonstance que la fermeture le dimanche des établissements d'un centre commercial risquerait d'entraîner des licenciements n'est pas, en l'absence d'atteinte au fonctionnement normal, de nature à justifier la dérogation au repos dominical : CE 1° et 6° s-s-r., 9 décembre 2005, n° 265553 (N° Lexbase : A1012DMG). Au contraire, pour un exemple de fermeture qui compromettrait le fonctionnement normal d'un établissement : CE contentieux, 28 juillet 2004, n° 254388 (N° Lexbase : A4125DD7).
(22) Cass. soc., 16 juin 2010, n° 09-11.214, FS-P+B (N° Lexbase : A0932E3W ; lire N° Lexbase : N4352BPU).
(23) Cass. soc., 16 juin 2010, préc. Dans le cadre du pourvoi, le demandeur avait soulevé cet argument pour obtenir la cassation de l'arrêt d'appel qui avait jugé du contraire, mais en vain ("l'effet suspensif du recours formé contre une autorisation donnée par le préfet d'ouvrir un magasin le dimanche ne peut être opposé au bénéficiaire de cette autorisation que si ledit recours lui a été notifié ; qu'en décidant du contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 3132-20, et L. 3124 du Code du travail, ensemble l'article du 809 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L0696H4K)").
(24) Cons. const., décision n° 2012-242 QPC, du 14 mai 2012, préc..
Décision
1° Cass. soc., 8 janvier 2014, n° 13-24.851, arrêt n° 232, FS-P+B (N° Lexbase : A8473KTY) Renvoi Texte concerné : C. trav., art. L. 3122-32 (N° Lexbase : L0388H9A), L. 3122-33 (N° Lexbase : L0389H9B) et L. 3122-36 (N° Lexbase : L0392H9E) Mots clef : travail de nuit ; QPC ; Liens base : (N° Lexbase : E0575ETH) 2° Cass. soc., 8 janvier 2014, n° 13-24.851, arrêt n° 233, FS-P+B (N° Lexbase : A2002KTC) Renvoi Textes concernés : C. trav., art. L. 3132-20 (N° Lexbase : L0473H9E), L. 3132-23 (N° Lexbase : L6297IEX) et L. 3132-24 (N° Lexbase : L0479H9M) Mots clef : repos dominical ; QPC Liens base : (N° Lexbase : E0575ETH) |
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Réf. : Loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014, garantissant l'avenir et la justice du système de retraites (N° Lexbase : L2496IZH)
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N0352BUL
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Le 23 Janvier 2014
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Réf. : Cass. soc., 14 janvier 2014, n° 12-23.942, FS-P+B (N° Lexbase : A8012KTW)
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Le 24 Janvier 2014
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Réf. : Cass. civ. 1, 20 novembre 2013, n° 12-25.681, FS-P+B+I (N° Lexbase : A7761KP7)
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par Sophie Deville, Maître de conférences en droit privé, Institut de droit privé EA 1920, Université Toulouse 1 Capitole
Le 23 Janvier 2014
3. Par cette décision, la Cour de cassation réaffirme l'appréhension rigoureuse de la notion de donation-partage qu'elle avait défendue dans l'arrêt du 6 mars 2013 (I), en même temps qu'elle exclut en l'espèce, de manière discutable, la qualification de partage anticipé partiel en envisageant l'ensemble des dispositions comme une série de donations ordinaires (II).
I - L'absence d'allotissements en seuls droits indivis, critère déterminant de la donation-partage
4. La donation-partage, dont le domaine a été étendu par la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 (N° Lexbase : L0807HK4) en ce qu'elle peut désormais être consentie aux héritiers présomptifs du disposant et non plus seulement à ses descendants (C. civ., art. 1075), ainsi qu'allotir des descendants de degrés différents dans le cadre d'une transmission transgénérationnelle (C. civ., art. 1075-1 N° Lexbase : L0223HPX), constitue un instrument d'anticipation successorale particulièrement efficace, qui se caractérise par sa mixité. Elle est l'acte qui réalise dans le même temps une disposition de biens présents et un partage de succession placé sous l'autorité de son auteur. De cette dualité, il résulte que la donation-partage est un acte complexe qui emporte, par ailleurs, d'importantes conséquences liquidatives et bénéficie d'un régime juridique spécifique, adapté à sa finalité (pour l'essentiel, les bénéficiaires copartagés ne sont logiquement pas tenus au rapport des libéralités ainsi reçues car l'acte vaut partage pour les biens concernés, et la réduction n'est possible, selon l'article 1077-1 du Code civil N° Lexbase : L0231HPA, que lorsque les biens successoraux subsistants ne permettent pas de remplir un réservataire omis ou insuffisamment alloti de ses droits impératifs ; les copartagés peuvent encore bénéficier, si les conditions posées par l'article 1078 du Code civil N° Lexbase : L0233HPC sont réunies, d'une évaluation des biens donnés au jour de l'acte pour la composition de la masse de calcul).
5. L'existence de règles particulières applicables à la libéralité-partage est un facteur de conflits catégoriques qui encourage les plaideurs à remettre en cause la qualification donnée à l'acte par les parties, cette dernière ne liant pas les juges qui doivent opérer un contrôle à la lumière d'éléments pertinents de nature à distinguer le partage anticipé de la donation ordinaire. L'espèce tranchée illustre parfaitement le propos ; l'auteur du pourvoi contestait la nature de donation-partage cumulative afin d'obtenir de ses frère et soeur le rapport des libéralités à eux consenties par l'ascendante.
6. Certaines difficultés se concentrent sur le caractère répartiteur que doit nécessairement revêtir la donation portant partage anticipé. Cette exigence est expressément visée par la loi, qui énonce que "toute personne peut faire, entre ses héritiers présomptifs, la distribution et le partage de ses biens et de ses droits". Au demeurant, la dénomination de "partage d'ascendant", antérieure à la loi du 23 juin 2006, exprimait très clairement cet aspect qui était à l'origine prépondérant, avant que les réformes n'accentuent la dimension dévolutive de l'opération en permettant notamment au disposant d'avantager certains descendants (4). Quoi qu'il en soit, ni l'abandon de l'appellation, ni l'accentuation de l'aspect libéral n'ont eu pour effet d'amoindrir la dimension répartitrice qui demeure un critère déterminant.
7. Les deux dernières décisions rendues sur le sujet par la première chambre civile en témoignent, en même temps qu'elles expriment la volonté des Hauts magistrats d'exercer, en la matière, un contrôle rigoureux. On se souvient que, par un arrêt du 6 février 2007, la Cour avait déjà manifesté une certaine rigueur quant au formalisme de la donation-partage en refusant cette qualification -alors même qu'elle l'avait auparavant admise (5)- à une pluralité de donations successives, au motif que le partage anticipé ne peut résulter que d'un acte unique réalisant l'ensemble des attributions, sous réserve d'une décomposition respectueuse de l'article 1076, alinéa 2, du Code civil (N° Lexbase : L0228HP7) (6).
8. La sévérité se manifeste désormais à l'égard de la composition des lots, résultat de la répartition organisée par l'auteur de la libéralité-partage. Si le rejet de la qualification de donation-partage est de longue date acquis -à bon droit (7) - à l'encontre d'actes allotissant chaque bénéficiaire de portions indivises ou de quotes-parts sur l'ensemble des biens, voire sur un bien déterminé, au motif que de telles stipulations ne satisfont pas à la logique répartitrice, la faculté d'allotir certains bénéficiaires en seules quotités indivises demeurait discutée, et la pratique recourrait fréquemment à ce genre de procédés. La Cour de cassation vient manifestement condamner ce type de conventions en refusant d'y voir une libéralité-partage, au motif que le partage anticipé suppose "une répartition matérielle des biens donnés entre les descendants". En l'espèce, les dispositions consenties aux enfants de l'ascendant ne constituent que des donations ordinaires, en ce sens que "l'acte litigieux [...], qui n'attribuait que des droits indivis à deux des trois gratifiés n'avait pu opérer un partage [...]" (la qualification a, de la même manière, été exclue par l'arrêt du 6 mars 2013, au motif que la convention n'attribuait que des droits indivis à cinq des gratifiés, de sorte qu'à défaut de répartition subséquente consentie par l'ascendant, il n'avait pu, à leur égard, constituer un partage).
9. La position de la Cour invite à revenir sur la teneur de la dimension répartitrice naturellement imposée à la donation-partage. En tant que partage anticipé, elle doit assurément réaliser une répartition du patrimoine successoral, de sorte qu'un acte qui ne modifierait aucunement la teneur des droits de chacun des bénéficiaires sur l'actif de la succession ne saurait prétendre à cette qualification. Pour cette raison, une convention qui ne prévoit que des allotissements indivis au profit de tous les bénéficiaires ne constitue en rien une donation-partage. Mais l'appréhension de la notion de partage doit encore être plus strictement entendue ; l'acte ne satisfera à la logique répartitrice que s'il opère un allotissement -au moins pour partie- en droits privatifs de chacun des copartagés. En d'autres termes, il y a donation-partage lorsque tous les lots sont constitués, en tout ou partie, de droits divis. Dans la présente affaire, les stipulations avaient pour effet d'allotir l'un des enfants de droits privatifs (ce dernier recueillant un lot constitué de fonds représentant le prix de vente de sa part, versé par les deux autres bénéficiaires, en vertu de la condition dont était affectée l'opération), et les deux autres de droits simplement indivis sur l'ensemble des biens. Concrètement, l'acte consiste bien dans un partage de la succession entre les bénéficiaires. L'enfant alloti en deniers ne conserve aucun droit sur les biens indivis constituant le lot des autres et inversement (8). Mais, parce qu'elle n'opère aucun lotissement privatif au profit des deux enfants recevant l'ensemble des biens en indivision, la convention se voit refuser la qualification de partage anticipé. La Cour de cassation semble faire sienne l'affirmation d'un auteur, selon laquelle "[...] partager n'est pas seulement distribuer, séparer, mais donner séparément".
10. De ce fait, les actes se présentant comme des donations-partages mais allotissant certains bénéficiaires de seules quotités indivises risquent désormais la disqualification si un litige conduit l'une des parties à recourir à un juge. A contrario, il semble que l'existence d'attributions privatives partielles au profit de chacun des copartagés soit suffisante pour satisfaire au caractère répartiteur de la donation-partage. Reste que la position, déjà défendue par un intéressant arrêt d'appel (10), conduit à s'interroger sur le domaine du partage anticipé alors réalisé (voir infra, II).
11. Ceci étant, en présence de certains lots exclusivement composés de quotités indivises, la qualification en donation ordinaire peut être évitée, si le disposant procède ultérieurement à des allotissements privatifs (C. civ., art. 1076, alinéa 2). La loi permet une décomposition de l'opération à la condition que la convention opérant partage, réalisée postérieurement à celle qui abrite la disposition des biens, soit l'oeuvre du disposant, non celle des gratifiés (11). En ce sens, il lui est loisible de parfaire l'acte en procédant à un partage entre les gratifiés restés en indivision. Bien entendu, un tel sauvetage n'est envisageable que du vivant de l'ascendant, ce qui rendait, en l'espèce, la disqualification inéluctable.
12. Il importe de préciser que la position prétorienne a vocation à s'appliquer à l'ensemble des partages anticipés, y compris ceux qui épousent une physionomie plus complexe, conjonctive, cumulative ou transgénérationnelle (12). La dimension répartitrice fédère, malgré leurs différences, toutes les espèces de donations-partages. Ainsi, bien que le partage cumulatif -directement visé par l'arrêt- se caractérise par sa mixité, en ce qu'une partie des droits qui en est l'objet est issue de la succession de l'ascendant prédécédé, et réunie, avec l'accord de tous les ayants-droit, aux biens donnés par le survivant, sa finalité n'est autre qu'une répartition globale de l'ensemble par un partage unique allotissant chacun d'entre eux. En donnant leur assentiment à l'acte, les descendants consentent à ce que la répartition des biens dont ils ont hérité ait lieu sous l'autorité du survivant. Dès lors, les exigences imposées par la Haute juridiction quant à la composition des lots doivent être respectées.
13. L'enseignement de l'arrêt ne s'arrête pas là. La portée de la disqualification ici prononcée tend à exclure, de manière contestable, l'existence d'un partage anticipé partiel in personam.
II - Le refus discutable de la qualification en donation-partage partielle
14. Alors que la décision rendue le 6 mars 2013 pouvait autoriser à penser que le refus de percevoir les attributaires de lots indivis comme des copartagés laissait subsister la qualification de donation-partage à l'égard du bénéficiaire alloti en droits divis, le présent arrêt semble proscrire toute reconnaissance d'un partage anticipé partiel quant aux personnes. Si la Cour avait pris le soin, dans l'espèce précédente, de préciser que les allotissements indivis ne pouvaient, à l'égard des seuls descendants demeurés en indivision, constituer un partage, il n'en est pas de même dans la présente affaire. Les juges énoncent que l'acte n'a pu satisfaire, à l'égard de l'ensemble des gratifiés, à sa fonction répartitrice, de sorte que toutes les dispositions doivent s'analyser comme une série de donations ordinaires.
15. La solution peut ne pas emporter la conviction. Les règles organisant le droit commun du partage amiable autorisent le recours à un partage partiel. En ce sens, l'article 838 du Code civil (N° Lexbase : L9977HNT) dispose qu'"il [le partage] est partiel lorsqu'il laisse subsister l'indivision à l'égard de certains biens ou de certaines personnes". La donation-partage ne réalisant pas autre chose qu'un partage anticipé de la succession du disposant, rien ne justifie, à notre sens, une exclusion des dispositions précitées (13). Il semble ainsi inopportun d'évincer la qualification de partage anticipé au bénéfice du ou des gratifiés en droits privatifs. Certaines justifications ont toutefois pu être émises au soutien de la position prétorienne ; notamment, il a été soulevé qu'à la différence du partage de droit commun qui a pour finalité de faire cesser une indivision existante, le partage anticipé composé de certains lots indivis aurait pour effet d'en créer une, rompant ainsi avec la logique répartitrice innervant l'institution (14). Il n'en demeure pas moins que, du point de vue des bénéficiaires allotis en droits divis, l'acte a bel et bien opéré un partage ; propriétaires exclusifs des biens placés dans leurs lots, ils ne peuvent plus prétendre à ceux ayant fait l'objet des allotissements indivis. Dès lors, ils devraient pouvoir bénéficier de la dispense de rapport inhérente à la qualification de libéralité-partage (la donation-partage partielle conduit, dans cette hypothèse, à considérer que les bénéficiaires allotis en quotités indivises ont été omis ; l'évaluation dérogatoire prévue à l'article 1078 du Code civil et visant les biens objets de la réunion fictive ne saurait, bien entendu, être appliquée).
16. Quoi qu'il en soit, l'argument invoqué par l'auteur devrait également conduire à interdire la qualification de donation-partage partielle in rem, parce qu'elle institue une indivision à l'encontre de certains biens. Les juges semblent pourtant l'admettre en exigeant seulement que chacun des copartagés soit alloti -au moins pour partie- de droits privatifs, alors même que cette figure suscite des difficultés liquidatives plus importantes que le partage partiel quant aux personnes. Avant toute chose, il est possible de s'interroger sur le domaine de la donation-partage ainsi reconnue. A la différence de l'hypothèse du partage partiel classique qui résulte de ce que le disposant ne s'est pas dessaisi de l'ensemble de ses biens, la donation-partage conférant des lots panachés emporte tout à la fois transmission de droits privatifs et de quotités indivises aux bénéficiaires. L'importance accordée par la Cour au caractère privatif du droit conféré incite à réserver la qualification de donation-partage -qui conditionne l'application de dispositions successorales spécifiques- aux seules portions de droits divis cédées aux copartagés, le reste constituant des libéralités ordinaires. On perçoit tout de suite la complexité d'une telle opération qui nécessitera une application distributive des principes des partages anticipés et des donations classiques à l'égard de chacun des gratifiés. Cette analyse invite les praticiens, qui élaborent ces actes et liquident les successions afférentes, à une certaine prudence au stade de la composition des lots. Peut-être l'occasion sera-t-elle prochainement donnée à la Cour de préciser sa jurisprudence sur cette question et, plus généralement, sur le caractère dérogatoire de la mise en oeuvre des principes gouvernant le partage partiel en matière de donation-partage.
17. Pour l'heure, une idée semble néanmoins acquise : un acte consenti à titre de partage anticipé mais allotissant certains bénéficiaires en seuls droits indivis n'est pas une donation-partage et dégénère en série de libéralités ordinaires (à moins qu'un partage ultérieur ne soit réalisé par le disposant, en vertu de l'article 1076, alinéa 2, du Code civil). Il appartient donc aux notaires d'être, à l'avenir, particulièrement vigilants sur ce point et d'informer très clairement les parties des risques de disqualification et des conséquences liquidatives qu'elle est susceptible d'entraîner.
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Réf. : Cass. civ. 1, 15 janvier 2014, n° 11-21.394, F-P+B+I (N° Lexbase : A5409KTI)
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Le 23 Janvier 2014
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