Réf. : Cass. crim., 1er avril 2025, n° 24-82.460, F-D N° Lexbase : A04900GA
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N2139B3M
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par Yann Le Foll
Le 22 Avril 2025
La matérialité du délit d'utilisation du titre de conseil juridique est caractérisée dès lors qu’un site internet entretient une confusion entre l'usage du titre de conseil juridique et la présentation de missions propres à la profession réglementée d'avocat.
L'Ordre des avocats du barreau de Nice a cité directement le demandeur devant le tribunal correctionnel notamment pour usurpation du titre de conseil juridique, lui reprochant d'avoir, en tant qu'élève-avocat, exploité un site internet de conseil juridique.
Le tribunal l'a relaxé de ce chef mais la cour d’appel, pour usurpation de titre, l'a condamné à dix ans d'interdiction professionnelle et a prononcé sur les intérêts civils au motif, légitime selon la Cour suprême, que le délit d'usurpation du titre de conseil juridique est toujours en vigueur puisque la lecture même de l'article 74 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 N° Lexbase : L6343AGZ, permet de constater que ce titre n'a pas disparu avec la fusion des professions de conseil juridique et d'avocat en 1992 puisqu'il est expressément visé et protégé par cet article.
La cour d’appel a également relevé que le prévenu a utilisé, sur son site public, le titre de conseil juridique, associé à des missions liées à la profession réglementée d'avocat, ce qui est de nature à créer, dans l'esprit du public, la confusion entre ce titre et cette profession réglementée.
En statuant ainsi, la cour d'appel a constaté à bon droit l'utilisation conjointe de termes de nature à entraîner, dans l'esprit du public, la confusion avec le titre de conseil juridique.
Enfin, les juges d’appel ont aussi pu condamner l’intéressé à dix ans d'interdiction d'exercer la profession d'avocat à titre de peine principale. Ils ont pu retenir que la gravité des faits commis au préjudice d'une profession réglementée, la personnalité de l'intéressé qui admet avoir glissé des mentions erronées dans son curriculum vitae pour faire « plus vendeur » mais peine à remettre en cause son comportement, et le risque important de renouvellement de l'infraction justifient le prononcé de cette peine.
Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : L’admission au tableau de l’Ordre, Le titre d'avocat conditionné à une inscription au tableau de l'Ordre, in La Profession d’avocat N° Lexbase : E33263RM. |
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Réf. : Cass. civ. 2, 20 mars 2025, n° 23-10.061, F-B N° Lexbase : A530668Z
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N2132B3D
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par Juliana Kovac, Avocat associé et Johanna Webert, Avocat counsel, cabinet Flichy Grangé Avocats
Le 18 Avril 2025
► La Cour de cassation, dans un arrêt du 20 mars 2025, vient de juger qu’en cas de contrôle concerté et simultané de plusieurs sociétés d’un groupe, la lettre d’observations adressée à chaque société doit être signée par l’inspecteur ayant personnellement procédé à la vérification de la situation individuelle de chacune d’entre elles.
Cet arrêt est l’occasion de revenir sur les règles applicables à la signature de la lettre d’observations.
Elles sont très importantes, car un manquement de la part de l’URSSAF peut entraîner l’annulation du redressement.
1. Les inspecteurs du recouvrement doivent, à l’issue du contrôle, communiquer au cotisant une lettre d'observations, comportant un certain nombre de mentions obligatoires (CSS, art. R. 243-59 N° Lexbase : L8686IYD). La lettre d’observations doit notamment être signée (CSS, art. R. 243-59).
En pratique, il n’est pas rare que plusieurs inspecteurs soient simultanément mobilisés pour procéder au contrôle d’une société.
Dans cette hypothèse, tous les agents ayant participé au contrôle doivent signer la lettre d’observations. À défaut, la lettre d’observations est irrégulière [1].
Le principe n’est toutefois pas absolu : si l’un des inspecteurs n’a plus qualité pour intervenir au moment de la signature, notamment lorsqu’il a quitté l’organisme de contrôle, sa signature n’est pas requise [2].
2. La Cour de cassation s’est prononcée sur l’application de ces principes en cas de contrôle concerté et simultané de plusieurs sociétés d’un groupe.
En l’espèce, plusieurs sociétés d’un groupe ont fait l’objet d’un contrôle simultané de la part de l’URSSAF Bretagne, réalisé par quatre inspecteurs. Or, seul l’un d’entre deux a signé la lettre d’observations adressée à la société en cause.
Celle-ci a contesté la régularité de la lettre d’observations en faisant valoir que les autres inspecteurs auraient dû également la signer puisqu’ils ont mené le contrôle.
De son côté, l’URSSAF faisait valoir que ce même inspecteur avait signé les différents actes de la procédure (avis de contrôle, lettre d’observations, réponse aux observations du cotisant, courrier de réponse de l’inspecteur et procès-verbal de contrôle).
La cour d’appel de Rennes a donné gain de cause à la Société et annulé la lettre d’observations [3].
D’abord, elle considère que, pour apprécier si le contrôle intervenu a été mené conjointement par les quatre inspecteurs, il convient d’examiner :
Sur les documents de contrôle, elle confirme qu’ils ne permettent pas d’établir que le contrôle a été mené par plusieurs inspecteurs.
Sur les modalités concrètes et réelles de mise en œuvre du contrôle, elle considère, en revanche, qu’elles démontrent suffisamment que le contrôle a fait l’objet d’une appréhension globale au niveau du groupe et qu’il n’a pas été opéré de traitement différencié par entité.
Elle retient les éléments suivants :
La Cour de cassation casse l’arrêt.
D’abord, elle rappelle que « lorsque plusieurs inspecteurs participent aux opérations de contrôle, la lettre d’observations doit être revêtue de la signature de chacun d’eux, à peine de nullité ».
Ensuite, elle indique qu’« en cas de contrôles concertés et simultanés de plusieurs sociétés d’un même groupe, la lettre d’observations adressée à chaque société doit être signée par l’inspecteur ayant personnellement procédé à la vérification de la situation individuelle de chacune ».
Enfin, elle en déduit que la cour d’appel aurait dû « vérifier si d’autres inspecteurs que le signataire de la lettre d’observations avaient effectivement participé au contrôle de la situation individuelle de la société ».
La Cour de cassation renvoie donc l’affaire devant la cour d’appel de Rennes autrement composée qui devra procéder à cette vérification.
Le principe posé paraît clair : le contrôle simultané de plusieurs sociétés d’un groupe n’est pas nécessairement un contrôle conjoint et la lettre d’observations devra être signée par le ou les inspecteurs ayant effectivement contrôlé chaque entité.
Sa mise en œuvre est, en revanche, moins aisée.
On peut s’interroger sur la notion de « participation effective » au contrôle.
La simple coordination entre inspecteurs et l’envoi de courriers communs ne sont pas suffisants.
Mais, quel doit être le degré d’implication de l’inspecteur pour considérer qu’il a participé effectivement au contrôle. Des échanges sont-ils suffisants ?
Dans des affaires différentes, les juges ont considéré que l’inspecteur, qui avait élaboré et cosigné des courriers de demande de documents (solidarité financière), doit signer la lettre d’observations [4]. De même, l’inspecteur qui a participé à une audition doit signer la lettre d’observations [5].
Se pose également la question de la preuve de cette « participation effective » au contrôle.
Il faudra être vigilant à la rédaction et au signataire des différents actes de la procédure. Par exemple : est-ce que l’avis est signé par un ou plusieurs inspecteurs ? Est-ce que le pronom « je » ou « nous » est employé ?
Dans certains cas, les éléments de la procédure ne correspondent pas nécessairement à la réalité des opérations de contrôle. Dans ce cas, la preuve pourrait être rapportée par des courriels ou courriers nominatifs de l’inspecteur, des demandes de pièces particulières, ou encore, des comptes-rendus d’entretien. Il est vivement recommandé aux entreprises, à cet égard, de consigner tous les échanges avec les inspecteurs pour identifier celui ou ceux ayant participé au contrôle.
Dans d’autres cas, la preuve sera plus difficile à apporter. L’arrêt de la cour d’appel de Rennes en offre une illustration. Elle rappelle que les quatre inspecteurs ont pu communiquer entre eux, car ils se trouvaient dans la même salle de réunion, mais que la situation n’était étayée par une aucune pièce.
Il sera intéressant d’observer comment la cour d’appel de renvoi appréciera, au vu des éléments produits, quel inspecteur a effectivement participé au contrôle. Si l’un des trois autres inspecteurs a effectivement participé au contrôle, la nullité de la lettre d’observations pourra être retenue.
Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Le contrôle URSSAF - contentieux du recouvrement, Le redressement, in Droit de la protection sociale, Lexbase N° Lexbase : E71413NS. |
[1] Cass. civ. 2, 6 novembre 2014, n° 13-23.990, F-P+B N° Lexbase : A9183MZ7.
[2] Cass. civ. 2, 1er février 2024, n° 22-13.420, F-D N° Lexbase : A23322KL.
[3] CA Rennes, 9 novembre 2022, n° 18/08310 N° Lexbase : A90608SD.
[4] CA Paris, 6-12, 4 mars 2022, n° 18/05416 N° Lexbase : A63617PB.
[5] TJ Marseille, 12 décembre 2024, n° 22/02340 N° Lexbase : A22046NX.
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Réf. : Cass. civ. 2, 10 avril 2025, n° 23-12.313, F-D N° Lexbase : A95250IM
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N2141B3P
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par Alexandre Autrand, doctorant, Université de Limoges, école doctorale Gouvernance des Institutions et des Organisations, Observatoire des Mutations Institutionnelles et Juridiques
Le 23 Avril 2025
La Cour de cassation rappelle sa jurisprudence au sujet de la signification d’un acte à domicile (V. Cass. civ. 2, 30 juin 1993, n° 91-21.216 N° Lexbase : A5939ABL). Elle considère qu'à peine de nullité, un acte ne peut être délivré à domicile que si la signification à personne s’avère impossible, cette impossibilité devant être constatée dans l’acte lui-même.
Faits et procédure. L’URSSAF a décerné à l’encontre de M. B une contrainte, qui lui a été signifiée le 25 avril 2018. La signification à la personne même du destinataire s’est avérée impossible, car M. B était absent à l’adresse qui avait été communiquée à l’huissier instrumentaire, et que la personne présente refusait de prendre le pli. Le 22 novembre 2018, le cotisant formule une opposition devant un tribunal des affaires de sécurité sociale. Une décision de première instance est rendue, puis un appel est interjeté devant la cour d’appel de Pau. Cette dernière statue sur ce recours, dans un arrêt du 5 mai 2022. Le cotisant décide alors d’attaquer cette décision devant la Cour de cassation.
Pourvoi/Appel. Le demandeur au pourvoi fait grief à l’arrêt de déclarer son opposition irrecevable. Selon lui, il résulte des articles 655 N° Lexbase : L6822H7S et 656 N° Lexbase : L6825H7W du Code de procédure civile, que la signification à domicile par un huissier, n’est possible que s’il a été effectué toutes les diligences pour que l'acte puisse être signifié à personne, et qu'elles soient demeurées infructueuses. Dans cette hypothèse, M. B considère que l’huissier doit impérativement mentionner les circonstances caractérisant l’impossibilité de la signification à personne. Les juges palois constatent que l’huissier instrumentaire a mentionné le domicile du destinataire, lequel n’est pas contesté par le cotisant, et a précisé les raisons qui ont rendu impossible la signification à la personne même du destinataire. Dans le cas d’espèce, il s’agit du fait que M. B n’était pas présent à l’adresse indiquée par l’URSSAF, et que la personne présente refusait de prendre le pli. La cour d’appel relève également que M. B ne justifie pas que l’adresse à laquelle la signification a été faite, ne serait pas la sienne, d’autant que les éléments qu’il produit lui-même mentionnent cette même adresse. De ce fait, la cour d’appel constate que l’acte de signification faisait état de l’intervention de l’huissier au domicile supposé du destinataire où il ne l’a pas trouvé. Au vu de ces éléments, les juges palois déclarent irrecevable l’opposition du cotisant. En statuant ainsi, sans rechercher si l’acte en question précisait les diligences que l'huissier devait procéder pour s'assurer de l'impossibilité d'une signification à personne, M. B considère que la cour d’appel a violé les articles 655 et 656 du Code de procédure civile.
Solution. La Cour de cassation approuve l’argumentation du cotisant, au visa des articles 655, 656, 658 N° Lexbase : L6829H73 et 693 N° Lexbase : L6490MGH du Code de procédure civile. Les juges du droit considèrent qu’il résulte de ces textes qu’un acte ne peut, à peine de nullité, être délivré à domicile que si la signification à personne s’avère impossible, cette impossibilité devant être constatée dans l’acte lui-même. Après avoir rappelé le raisonnement des juges du fond, les juges du quai de l’horloge considèrent que la cour d’appel aurait dû rechercher, si les mentions figurant dans l’acte lui-même étaient propres à justifier du domicile de l’intéressé, et d’une impossibilité de le signifier à personne.
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N2100B38
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Le 18 Avril 2025
Mots clés : ChatGPT • Ghibli • droit d’auteur • propriété Intellectuelle • intelligence artificielle
Intégrée à la dernière version de ChatGPT, une option permet aux utilisateurs de créer des images qui reprennent le style du studio de dessins animés japonais Ghibli, ce qui a provoqué un raz-de-marée sur les réseaux sociaux. Outre les dommages conséquents à l’environnement causés par des data centers en surchauffe, se pose la question de la violation des droits d’auteurs de cette entreprise, son cofondateur Hayao Miyazaki ayant d’ailleurs vertement critiqué cette avancée technologique. Pour en savoir plus sur cette nouvelle polémique, Lexbase a donc interrogé Vanessa Bouchara, avocate et spécialiste en propriété Intellectuelle*.
Lexbase : En créant des images inspirées du Studio Ghibli sans accord de licence, ChatGPT a déclenché une fronde parmi les auteurs. Pouvez-vous nous expliquer la polémique ?
Vanessa Bouchara : Le studio Ghibli est un studio d’animation japonais fondé par Hayao Miyazaki et Isao Takahata en 1985 qui produit des longs-métrages et des courts-métrages d’animation, ainsi que des téléfilms, séries et jeux vidéo.
Le Studio Ghibli est notamment connu pour ses longs-métrages dont plusieurs ont remporté des succès auprès de la critique et du public. Par exemple : Mon voisin Totoro (1988), Princesse Mononoké (1997) ou encore plus récemment Le Garçon et le Héron (2023).
Depuis le début de l’année 2025, OpenAI a ouvert au grand public une nouvelle fonctionnalité de génération d’images intégrée à ChatGPT permettant aux utilisateurs de transformer une photographie en image qui reprend les codes visuels et emblématiques du Studio Ghibli, sans autorisation.
Cette nouvelle fonctionnalité a suscité un engouement de la part du public et une fronde parmi les auteurs qui considèrent que cela n’est pas respectueux de la propriété intellectuelle.
Effectivement, si on devait considérer que les œuvres du Studio sont protégeables, les déclinaisons de ces œuvres seraient une atteinte aux œuvres premières. Une œuvre est originale lorsqu’elle porte l’empreinte de la personnalité de son auteur, ce qui signifie qu’on reconnaît une patte, un style spécifique.
Dans cet exemple, les images générées par ChatGPT reprennent des éléments stylistiques propres au Studio Ghibli (thèmes, personnages, univers visuel), qui sont reconnaissables, et la question qui se pose est celle de savoir si cela porte effectivement atteinte aux droits de propriété intellectuelle du Studio, voire si cela ne crée pas des agissements parasitaires déloyaux au préjudice du Studio.
Lexbase : OpenAI a justifié sa position en invoquant le style d'un studio, « plus large » que celui d'un artiste vivant
Vanessa Bouchara : Lorsque OpenAI invoque le style d’un studio « plus large » que celui d’un artiste vivant pour justifier la création des images inspirées du Studio Ghibli, elle semble laisser entendre que le Studio n’aurait pas de droits, et fait référence à sa politique de contenu qui ne lui permet pas de répondre favorablement à une demande visant à copier le style d’un artiste vivant.
En effet, ChatGPT ne permet pas de réalisation « dans le style de (nom d’un artiste contemporain) ». Par exemple, il ne sera pas possible de reprendre des œuvres de Liu Bolin.
En revanche, si vous demandez à ChatGPT de générer une image « dans le style du studio Ghibli », cela fonctionne.
Cette nuance entre artiste et studio pose question dans la mesure où derrière un style se cache en réalité un ou plusieurs artistes comme c’est le cas pour le Studio Ghibli dont Monsieur Hayao Miyazaki est l’artiste et l’âme du studio. Ce n’est pas parce que c’est le style d’un studio qu’il n’y a pas de droits de propriété intellectuelle.
Cette tentative d’OpenAI de procéder à un fonctionnement différent selon l’auteur est surprenante, et ne s’explique pas de manière très cohérente.
Lexbase : Les géants de la tech souhaitent de plus en plus entraîner leurs modèles sur des contenus protégés par les droits d'auteur. Est-ce un danger selon vous ?
Vanessa Bouchara : Le fait que les géants de la tech souhaitent de plus en plus entraîner leurs modèles sur des contenus protégés par les droits d’auteur constitue un danger pour les titulaires de droits.
La problématique de la violation du droit d’auteur ne se pose que pour l’intelligence artificielle générative, c’est-à-dire l’intelligence artificielle utilisée pour créer un nouveau contenu (texte, image), par opposition à l’intelligence artificielle prédictive qui permet de prévoir des tendances.
La phase d’entraînement de l’intelligence artificielle consiste à absorber des données, contenues dans des œuvres, qui sont copiées temporairement lors du traitement de l’œuvre par l’algorithme.
L’utilisation d’œuvres protégées pour l’entraînement d’algorithmes d’intelligence artificielle peut être considérée comme une violation du droit d’auteur si elle est effectuée sans l’autorisation préalable du titulaire de droits.
En effet, l’entraînement des modèles d'intelligence artificielle sur des contenus protégés par les droits d'auteur constitue un danger pour les titulaires de droits qui subissent une atteinte injustifiée de leurs droits.
Par ailleurs et en tout état de cause, la reproduction ou l’imitation d’une œuvre existante sans autorisation constitue une contrefaçon selon l’article L. 122-4 du Code de la propriété intellectuelle N° Lexbase : L3360ADS.
Outre les atteintes aux droits de propriété intellectuelle, ces usages non autorisés par le Studio pourraient injustement restreindre la possibilité pour le Studio Ghibli de développer sa propre intelligence artificielle qui générerait ses propres images, étant précisé que les modèles sur lesquelles cette potentielle IA s’entraineraît disposeraient des autorisations pour le faire.
Lexbase : Comment protéger efficacement les droits d'auteur des œuvres cinématographiques et musicales de ces nouvelles technologies ?
Vanessa Bouchara : En Europe, l’utilisation d’œuvres protégées pour entraîner des IA est encadrée par la Directive (UE) n° 2019/790 du 17 avril 2019, sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique et modifiant les Directives 96/9/CE et 2001/29/CE (N° Lexbase : L3222LQE. Son article 4 autorise la fouille de données à des fins d’entraînement, y compris sur des contenus sous droit d’auteur, sauf si les ayants droit exercent leur droit d’opt-out (de s'y opposer).
Cette exception européenne a été transposée en droit français à l’article L. 122-5-3, III du Code de la propriété intellectuelle N° Lexbase : L5287L9P par l’ordonnance n° 2021-1518 du 24 novembre 2021 N° Lexbase : L7654MSB :
« I.-On entend par fouille de textes et de données, au sens du 10° de l'article L. 122-5, la mise en œuvre d'une technique d'analyse automatisée de textes et données sous forme numérique afin d'en dégager des informations, notamment des constantes, des tendances et des corrélations.
II.-Des copies ou reproductions numériques d'œuvres auxquelles il a été accédé de manière licite peuvent être réalisées sans autorisation des auteurs en vue de fouilles de textes et de données menées à bien aux seules fins de la recherche scientifique par les organismes de recherche, les bibliothèques accessibles au public, les musées, les services d'archives ou les institutions dépositaires du patrimoine cinématographique, audiovisuel ou sonore, ou pour leur compte et à leur demande par d'autres personnes, y compris dans le cadre d'un partenariat sans but lucratif avec des acteurs privés.
Les dispositions du précédent alinéa ne sont pas applicables lorsqu'une entreprise, actionnaire ou associée de l'organisme ou de l'institution diligentant les fouilles, dispose d'un accès privilégié à leurs résultats.
Les copies et reproductions numériques effectuées lors d'une fouille de textes et de données sont stockées avec un niveau de sécurité approprié et peuvent être conservées à des fins exclusives de recherche scientifique, y compris pour la vérification des résultats de la recherche.
Les titulaires de droits d'auteur peuvent mettre en œuvre des mesures proportionnées et nécessaires afin d'assurer la sécurité et l'intégrité des réseaux et des bases de données dans lesquels les œuvres sont hébergées.
Un accord conclu entre les organisations représentatives des titulaires de droits d'auteur et les organismes et institutions mentionnés au premier alinéa du présent II peut définir les bonnes pratiques relatives à la mise en œuvre de ses dispositions.
III.-Sans préjudice des dispositions du II, des copies ou reproductions numériques d'œuvres auxquelles il a été accédé de manière licite peuvent être réalisées en vue de fouilles de textes et de données menées à bien par toute personne, quelle que soit la finalité de la fouille, sauf si l'auteur s'y est opposé de manière appropriée, notamment par des procédés lisibles par machine pour les contenus mis à la disposition du public en ligne.
Les copies et reproductions sont stockées avec un niveau de sécurité approprié puis détruites à l'issue de la fouille de textes et de données ».
En d’autres termes, cet article précise que des copies ou reproductions numériques des œuvres peuvent être réalisées en vue de fouilles de textes et de données menées à bien par toute personne, quelle que soit la finalité de la fouille. Il ajoute toutefois que l’auteur peut s’y opposer, notamment par des procédés lisibles par machine pour les contenus mis en ligne à la disposition du public.
Pour OpenAI, cela signifie que l’entraînement de son modèle sur des œuvres de Ghibli pourrait être légal au regard du droit européen, en l’absence d’un opt-out explicite. En revanche, entraînement ne veut pas dire génération…
*Propos recueillis par Yann Le Foll, Rédacteur en chef de Lexbase Public
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