Le Quotidien du 12 mars 2025

Le Quotidien

Actualité judiciaire

[A la une] Mort de Nahel : le parquet de Nanterre requiert un procès aux assises pour le policier qui a ouvert le feu sur l’adolescent

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par Vincent Vantighem

Le 11 Mars 2025

« Ouvrir le feu constituait nécessairement et à tout le moins une prise de risque inconsidérée... ». Voilà en substance comment le parquet de Nanterre a réclamé, mardi 4 mars, un procès aux assises pour « meurtre » contre le policier ayant tiré sur Nahel, l’adolescent de 17 ans dont la mort, en juin 2023, avait embrasé la France. Choquant l’opinion, son décès avait entraîné plusieurs nuits d’émeutes à travers tout le pays en lutte contre les violences policières.

Après quasiment deux ans d’enquête, le parquet a donc requis un procès pour l’auteur du tir mortel. Mais aussi un non-lieu pour l’autre policier qui l’accompagnait au moment du contrôle et dont l’action avait été, un temps, sujette à caution. « Il n’y a pas d’élément matérialisant l’acte positif de complicité. Il n’apparaît pas que le tir ait été effectué dans le cadre d’échanges ou interactions ».

Une première version policière contredite par une vidéo amateur.

Le jeune adolescent était mort le 27 juin 2023 d’une balle tirée quasiment à bout portant dans la région du cœur et des poumons par un policier qui contrôlait le véhicule qu’il conduisait sans permis et après avoir été l’auteur de plusieurs embardées dangereuses. Au moment précis des faits, alors que le véhicule était bloqué dans la circulation. « Même s’il tentait de redémarrer lors du contrôle, il n’apparaît pas qu’il ait représenté un danger immédiat pour les policiers », écrit dans son réquisitoire définitif le parquet de Nanterre.

Juste après le drame, une enquête pour meurtre avait été ouverte. Une première version policière, selon laquelle le jeune homme aurait foncé sur le motard, avait été infirmée par une vidéo amateur diffusée, notamment, sur les réseaux sociaux.

« En réalité, selon toute vraisemblance, le déclenchement du tir s’explique essentiellement par l’état de tension extrême dans lequel la scène a eu lieu, mais précisément, en sa qualité de fonctionnaire de police expérimenté, le policier aurait dû conserver son sang-froid », indique encore le réquisitoire qui précise qu’il était « possible [pour lui] de tirer sur le capot ou sur les pneus du véhicule » et qui met en avant la très grande expérience du policier en matière d’armes à feu, notamment en raison de son passé de militaire.

Un « soulagement » pour la mère de Nahel.

« C’est sans surprise que nous avons pris connaissance de la position du parquet dans cette affaire, qui reste identique à celle affichée au moment des faits », a réagi Laurent-Franck Lienard, l’avocat du policier incriminé, pour qui « le tir mortel était parfaitement conforme au cadre légal ».

« Nous espérons que les juges d’instruction chargés de régler le dossier sauront marquer leur indépendance », a-t-il poursuivi, dénonçant des « erreurs juridiques et factuelles du parquet de Nanterre ».

De l’autre côté, c’est évidemment le soulagement qui prédomine. « Pour la mère de Nahel, oui, c’est un vrai soulagement, a ainsi expliqué Frank Berton, son avocat. Cette femme n’avait qu’une crainte, c’est que dans le combat qu’elle menait pour établir que son fils avait été tué volontairement, on arrive par je ne sais pas quelle opération à éviter une comparution devant la cour d’assises des policiers. Il n’y avait pas d’autre qualification envisageable dans cette affaire : le geste est volontaire et l’intention de tuer évidente ».

Les syndicats de policiers dénoncent le réquisitoire du parquet.

Au-delà de l’aspect purement juridique de ce dossier, l’annonce de ce réquisitoire définitif n’a pas manqué de remettre deux sous dans la machine des syndicats de policiers qui réclament, depuis des années, un statut spécial pour les forces de l’ordre sur le terrain et, surtout, une juridiction spécialisée pour traiter des affaires de ce genre. Dès le mercredi 5 mars, ils ont appelé à des rassemblements devant tous les commissariats de France pour soutenir leurs collègues et dénoncer la décision du parquet de Nanterre, expliquant que, désormais, les policiers craignaient plus que tout les refus d’obtempérer où ils sont mis en danger.

Remis en liberté après cinq mois de détention provisoire, Florian. M. attend lui, désormais, la décision des juges d’instruction de le renvoyer, ou pas, devant une cour d’assises pour des faits qui lui feront encourir la réclusion criminelle à perpétuité. En 2023, 36 personnes sont mortes dans le cadre d’une mission de police, selon le rapport annuel de l’Inspection générale de la police nationale (IGPN).

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Actualité judiciaire

[Dépêches] Opposition de la profession d’avocat à la proposition de loi sur le narcotrafic

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N1852B3Y

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par Yann Le Foll

Le 11 Mars 2025

La proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic doit être débattue à l’Assemblée nationale à partir du 17 mars.

Elle prévoit notamment la création d’un parquet national anticriminalité organisée (Pnaco), un gel judiciaire et administratif des avoirs des trafiquants, l’accès par les services de renseignement aux correspondances des criminels, et la création d’un « procès-verbal distinct » inaccessible aux suspects et à leurs avocats (dossier « coffre »).

Julie Couturier, présidente du Conseil national des barreaux, a fait connaître l’opposition de la profession à ce texte et sur ses « nombreuses et conséquentes atteintes aux libertés et droits fondamentaux ».

Dans une tribune récemment publiée, outre le dossier « coffre », elle dénonce également l’allongement des délais de détention provisoire ou de garde à vue. Selon elle, la création du Pnaco « complexifierait et allongerait le traitement des dossiers (et) entraînerait une rupture avec le principe de proximité de la justice ». Elle rappelle enfin l’importance de la préservation du principe de présomption d’innocence et des droits des justiciables, qu'ils soient victimes, repentis ou mis en cause.

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Marchés publics

[Jurisprudence] Les marchés négociés en raison de « droits exclusifs » : la CJUE « verrouille » les conditions

Réf. : CJUE, 9 janvier 2025, aff. C-578/23, Urad pro ochranu hospodarske souteže N° Lexbase : A67866PZ

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N1803B38

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par Ana Gonzalez, Avocat associé, et Florine Gouvion, ARISTEE AVOCATS

Le 11 Mars 2025

Mots clés : marchés publics • procédure sans publicité ni mise en concurrence • raisons techniques • droits d’exclusivité • pouvoir adjudicateur

Dans un arrêt rendu le 9 janvier 2025, la Cour de justice de l’Union européenne (ci-après « la CJUE ») précise les conditions du recours à la procédure négociée sans publicité ni mise en concurrence, en raison de « droits exclusifs » dans le sens d’une appréhension stricte. Les motifs de cette exclusivité à même de justifier la procédure ne doivent pas être imputables au pouvoir adjudicateur.


 

Dans cette affaire, le ministère des Finances tchèque et la société IBM avaient conclu un contrat en 1992 pour la création d’un système d’information pour l’administration fiscale tchèque dénommé « ADIS ». En 2016, le pouvoir adjudicateur a attribué, dans le cadre d’une procédure négociée sans publication préalable ni mise en concurrence, un marché public relatif à la maintenance du système d’information créé par le contrat de 1992. Cette procédure était justifiée par la continuité technique du système et de sa maintenance et par la protection des droits exclusifs détenus par la société IBM.

Dans cet arrêt, la Cour, saisie d’une question préjudicielle, rappelle que le recours à cette procédure est dérogatoire et s’apprécie de manière stricte (I.), et précise une condition tenant à l’imputabilité des « droits exclusifs » justifiant le recours à cette procédure (II.).

I. Le recours à la procédure négociée sans publicité ni mise en concurrence s’apprécie de manière stricte

A. Les fondements

La Directive (UE) n° 2014/24 du 26 février 2014 [1] prévoit, à son article 32.1.b) la possibilité de passer un marché négocié sans publicité ni mise en concurrence :

« lorsque les travaux, fournitures ou services ne peuvent être fournis que par un opérateur économique particulier, pour l’une quelconque des raisons suivantes :

l’objet du marché est la création ou l’acquisition d’une œuvre d’art ou d’une performance artistique unique ;

il y a absence de concurrence pour des raisons techniques ;

la protection de droits d’exclusivité, notamment de droits de propriété intellectuelle;

Les exceptions indiquées aux points ii) et iii) ne s’appliquent que lorsqu’il n’existe aucune solution alternative ou de remplacement raisonnable et que l’absence de concurrence ne résulte pas d’une restriction artificielle des paramètres du marché »

L’article R. 2122-3 du Code de la commande publique N° Lexbase : L4790LRT envisage le recours à cette procédure pour des raisons artistiques, techniques, ou tenant à la protection de droits d’exclusivité.

Par l’arrêt commenté, la Cour de justice de l’Union européenne rappelle de manière explicite, à travers son point n° 26, que le recours à cette procédure pour des « motifs tenant aux droits d’exclusivité » est doublement conditionné, il faut démontrer à la fois :

  •  « l'existence de raisons techniques, artistiques ou tenant à la protection de droits d’exclusivité » en lien avec l'objet du marché ;
  • Et que « ces raisons rendent absolument nécessaire l’octroi du marché à un opérateur économique déterminé ».

Elle souligne que la dérogation est d’interprétation stricte et elle illustre l’importance du respect de ces deux conditions [2].

B. Une procédure dérogatoire

Cette procédure constitue une dérogation qui fait l’objet d’une interprétation stricte par la CJUE. Il appartient ainsi au pouvoir adjudicateur qui entend s’en prévaloir d’apporter la preuve que les circonstances exceptionnelles justifiant la dérogation existent effectivement.

En ce sens, l’acheteur doit s’assurer que ses besoins ne peuvent être couverts que par le recours à un procédé précis et qu’il lui est impossible, sans inconvénient majeur, de recourir à un autre procédé. Autrement dit, il ne doit exister « aucune solution alternative ou de remplacement raisonnable ».

À l’instar de la Cour européenne, les juges français apprécient strictement le recours à cette procédure. En effet, le Conseil d’État avait déjà strictement circonscrit le recours à une telle procédure tant pour des raisons techniques et que pour la protection de droits exclusifs.

Les raisons techniques invoquées doivent rendre indispensable l’attribution du marché à un prestataire déterminé. L’existence de raisons techniques n’est pas prouvée s’il n’est pas établi que d’autres entreprises n’étaient pas en mesure d’exécuter la prestation en mettant en œuvre des techniques différentes [3].

De la même manière, pour le Conseil d’État, l’existence de droits d’exclusivité est insuffisante, à elle seule, à justifier le recours à la procédure négociée sans publicité ni mise en concurrence préalables, mais il convient que la prestation réponde au besoin défini préalablement par l’acheteur. Cette éventualité n’est, là encore, pas sans limite.

Aussi, le juge administratif a antérieurement précisé que l’acheteur qui entend se prévaloir de l’existence d’un droit d’exclusivité doit alors vérifier :

« que le détenteur de cette méthode, ce procédé ou ces spécifications techniques, puisse effectivement se prévaloir de la possession de droits d'exclusivité » [4].

Récemment, le tribunal administratif de Nice [5], a statué sur une affaire concernant l’attribution d’une commande pour la création d’une statue de Jeanne d’Arc par la Régie Parcs d’Azur. Cette attribution était contestée au motif qu’il n’était pas établi que l’opérateur attributaire « était le seul à pouvoir réaliser l’œuvre d’art en cause ». À cette occasion, le juge a rappelé l’importance du caractère dérogatoire de cette procédure.

Une nouvelle exigence, sinon condition, émerge dans l’arrêt commenté :  le pouvoir adjudicateur ne doit pas être à l’origine des raisons techniques ayant conduit à désigner l’opérateur sans publicité ni mise en concurrence.

II. La CJUE fait émerger une nouvelle condition relative à l’imputabilité des motifs à même de justifier le recours à une procédure sans publicité ni mise en concurrence

A. Le pouvoir adjudicateur n’est pas à l’origine de l’exclusivité 

Cet arrêt offre l’occasion à la CJUE d’éclairer la précision figurant à l’article 32.1.b) in fine de la Directive :

« Les exceptions indiquées aux points ii) et iii) ne s’appliquent que lorsqu’il n’existe aucune solution alternative ou de remplacement raisonnable et que l’absence de concurrence ne résulte pas d’une restriction artificielle des paramètres du marché »

Elle retient que les raisons techniques (ou les raisons liées aux droits exclusifs) ne doivent pas être imputables au pouvoir adjudicateur, autrement dit, elles ne doivent pas lui être imputables, et en ce sens, elles ne résultent pas d’une « restriction artificielle des paramètres du marché ».

La Cour avait déjà jugé que l’acheteur ne justifie pas de la spécificité technique de l’objet du marché dès lors qu’il se contente d’affirmer : « que la fourniture en cause ne pouvait être confiée qu’à un fournisseur déterminé puisque le concurrent présent sur le marché national n’offrait pas un produit satisfaisant aux exigences techniques requises (…). Il ne saurait, en effet, être exclu que, si des recherches sérieuses avaient été menées au niveau européen, des entreprises à même de fournir un logiciel adapté auraient pu être identifiées » [6].

Dans le même ordre d’idées, la Cour avait jugé, s’agissant de produits pharmaceutiques, que : « il ne suffit pas que les produits et spécialités pharmaceutiques en cause soient protégés par des droits d'exclusivité, encore faut-il qu'ils ne puissent être fabriqués ou livrés que par un fournisseur déterminé. Cette condition n'étant remplie que pour ceux des produits et spécialités pour lesquels il n'y a pas de concurrence sur le marché, [la dérogation prévue] ne saurait en aucun cas justifier qu'il soit recouru d'une façon générale et sans distinction à la procédure de gré à gré pour toutes les fournitures de tous les produits et spécialités pharmaceutiques » [7].

En ce sens, l’existence d’un brevet n’autorise pas nécessairement le recours à une procédure négociée sans mise en concurrence [8]. Il faut que l’acheteur démontre en quoi le recours à un produit, tel que couvert par un brevet s’impose à lui pour satisfaire son besoin.

En revanche, l’existence d’un brevet d’invention propriété d’une seule société d’une part, et la volonté (« objective ») de l’acheteur d’acquérir un produit spécifique permettant de répondre à ses besoins d’autre part, ouvre la faculté de négocier un marché sans mise en concurrence préalable [9].

L’acheteur qui entend se prévaloir de l’existence d’un droit d’exclusivité doit alors vérifier « que le détenteur de cette méthode, ce procédé ou ces spécifications techniques, puisse effectivement se prévaloir de la possession de droits d'exclusivité » [10]. L’exclusivité est attestée par un certificat délivré par l’Agence pour la Protection des Programmes [11].

L’arrêt commenté est important car il est rendu dans un domaine où il était habituel de considérer que l’interopérabilité entre une solution technique mise en place par un opérateur (un logiciel) et sa solution de maintenance justifiait (aisément) que la seconde fut confiée à cet opérateur.

En ce sens, le Conseil d’État avait retenu [12] que la continuité technique entre le fournisseur d’un logiciel (protégé par des droits exclusifs) et sa maintenance pouvait justifier la dévolution de la mission de maintenance au même opérateur.

Dans le même sens, il avait retenu que le recours à la procédure négociée était justifié dès lors que :

« la mise en œuvre des normes relatives à la protection de l'environnement et au transport des déchets conduit à faire du centre d'enfouissement technique exploité par la société Sita FD à Roche La Molière le seul où puissent être traités les déchets de la communauté d'agglomération ; que cette circonstance constitue une raison technique au sens des dispositions précitées ; que, si d'autres sociétés sont à même de collecter les déchets de la communauté d'agglomération en vue de leur traitement sur ce site, seule la société Sita FD, propriétaire du centre et titulaire d'une autorisation d'exploitation de celui-ci qu'elle ne saurait déléguer, est en mesure d'assurer la prestation, objet du présent marché, consistant à traiter de tels déchets » [13].

La Cour précise ici, qu’en sus des conditions textuelles, il convient de vérifier que le pouvoir adjudicateur n’est pas à l’origine de la situation d’exclusivité. Il faut en retenir que :

  • le seul fait que le pouvoir adjudicateur ait conclu un précédent contrat ne permet pas de considérer « systématiquement » que la situation d’octroi de droits d’exclusivité lui est imputable ;
  • il importe peu qu’à l’époque de la conclusion du contrat initial la réglementation européenne n’était pas encore applicable ;
  • il importe peu que l’octroi des droits exclusifs soit volontaire ou involontaire de la part du pouvoir adjudicateur ;

Pour déterminer si la situation d’exclusivité est imputable au pouvoir adjudicateur, la Cour précise que : « Une telle imputabilité s’apprécie sur la base non seulement des circonstances de fait et de droit entourant la conclusion d’un contrat portant sur une première prestation, mais également de toutes celles qui caractérisent la période allant de la date de cette conclusion à celle à laquelle le pouvoir adjudicateur choisit la procédure à suivre pour la passation d’un marché public subséquent ».

Le pouvoir adjudicateur doit se tenir prêt à justifier qu’il a tout mis en œuvre pour répondre à son besoin en observant une procédure de publicité et de mise en concurrence ; il se voit confier un rôle actif pour rechercher des moyens alternatifs aux raisons techniques ayant présidé au recours à cette procédure. 

La motivation est très prescriptive :

« Partant, un pouvoir adjudicateur est tenu de faire tout ce qui est susceptible d’être raisonnablement attendu de lui pour éviter l’application de l’article 31, point 1, sous b), de la directive 2004/18, et ce afin de recourir à une procédure plus ouverte à la concurrence. Or, il serait incompatible avec cette exigence de permettre à un tel pouvoir adjudicateur d’appliquer cette disposition alors que la création ou le maintien de la situation d’exclusivité qu’il invoque à cet effet lui est imputable, du fait, notamment, que, afin d’atteindre le résultat visé par le marché concerné, ce pouvoir adjudicateur n’avait pas besoin de générer une telle situation d’exclusivité ou qu’il disposait de moyens réels et raisonnables du point de vue économique pour mettre fin à une telle situation. »

À cet égard, la charge de la preuve pèse sur l’acheteur, qui doit démontrer la réalisation de recherches sérieuses tendant à identifier les différents opérateurs qui sauraient satisfaire à la prestation recherchée.

B. Les marchés de maintenance informatique particulièrement concernés

La Cour avait déjà jugé que le recours à la procédure négociée sans publication préalable d’un avis de marché ne saurait être justifié, en invoquant la spécificité technique d’un logiciel utilisé dans l’administration nationale, constituant l’objet du marché de fournitures, en l’absence d’éléments établissant que des recherches sérieuses ont été menées en vue d’identifier des opérateurs, différents du fournisseur auquel le marché a été attribué, qui sont susceptibles de présenter un logiciel adapté [14].

Le Conseil d’État avait admis que lorsque l’opérateur a préalablement installé des équipements, tel qu’un logiciel informatique, l’existence d’une continuité technique puisse autoriser le recours à une procédure négociée sans publicité ni mise en concurrence, compte tenu des nécessités techniques liées au maintien de l’homogénéité du réseau [15].

En matière de maintenance informatique, le Conseil d’État a considéré que la continuité technique pouvait résulter de la nécessité de conserver une solution déjà mise en place plutôt que d’acquérir un nouveau dispositif et ainsi justifier le recours à un même prestataire : « il ne résulte pas de l'instruction qu'en choisissant de conserver l'espace numérique de travail mis en place en 2009 avec le logiciel "NetCollège" et de lancer une procédure de passation d'un marché public afin de répondre au besoin d'assurer son exploitation et sa maintenance, plutôt que d'acquérir un nouveau dispositif, le département ait entaché d'une erreur manifeste la définition de son besoin » [16].

Cet arrêt de la CJUE appréhende de manière beaucoup plus stricte les justifications à apporter. Il pourrait faire évoluer la jurisprudence en droit interne. La même évolution s’observe déjà en concernant les « motifs artistiques » [17].

Une vigilance particulière s’impose donc lors de la conclusion de marchés en matière informatique : fourniture de logiciels, prestations d’exploitation ou de maintenance. Les acheteurs devront veiller à une « remise en concurrence périodique » [18] des opérateurs, même dans ces domaines complexes aux prestations souvent protégées par des droits exclusifs.


[1] Directive (UE) n° 2014/24 du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014, sur la passation des marchés publics N° Lexbase : L8592IZA (texte présentant de l'intérêt pour l'EEE).

[2] CJCE, 10 mars 1987, aff. C-199/85, Commission c/ Italie N° Lexbase : A7655AU3, EU :C :1987 :115 ; CJCE, 15 octobre 2009, aff. C-275/08, Commission c/ Allemagne N° Lexbase : A9999ELW, EU :C :2009 :632.

[3] CE, 11 octobre 1999, n° 165510 N° Lexbase : A4595AXH.

[4] TA Paris, 16 avril 2014, n° 1404616.

[5] TA Nice, 14 janvier 2025, n° 2400419 N° Lexbase : A39356R8.

[6] CJCE, 15 octobre 2009, aff. C-275/08, Commission c/ Allemagne, préc.

[7] CJCE, 3 mai 1994, aff. C-328/92, Commission c/ Espagne N° Lexbase : A9705AUY.

[8] CE, 11 octobre 1999, n° 165510, préc.

[9] CE, 14 janvier 1987, n° 58557 N° Lexbase : A3567APS.

[10] TA Paris, 16 avril 2014, n° 1404616, préc.

[11] CE, 2 octobre 2013, n° 368846 N° Lexbase : A3426KMT.

[12] CE, 2 octobre 2013, n°368846, préc.

[13] CE, 19 septembre 2007, n° 296192 N° Lexbase : A4141DYZ.

[14] CJCE, 15 octobre 2009, aff. C-275/08, Commission c/ Allemagne, préc., points n°s 57 à 64.

[15] CE, 21 mai 1986, n° 56848 N° Lexbase : A6055AM9.

[16] CE, 2 octobre 2013, n° 368846, préc.

[17] TA Nice, 14 janvier 2025, n° 2400419, préc.

[18] CCP, art. L. 2112-5 N° Lexbase : L4355LRQ.

newsid:491803

Propriété intellectuelle

[Podcast] Erreur sur les qualités substantielles d’une œuvre d’art et rôle de la médiation

Lecture: 1 min

N1851B3X

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Le 11 Mars 2025

Emmanuel d’Antin, avocat associé chez FTPA, nous éclaire sur l’intérêt du recours à la médiation en droit du marché de l’art. La médiation se révèle être un outil essentiel pour la résolution des différends dans ce domaine, où les enjeux financiers sont considérables et où les acteurs méconnaissent souvent les modes alternatifs de règlement des litiges. Grâce à la médiation, il est possible de parvenir à des solutions amiables et efficaces, adaptées aux spécificités du marché de l’art.

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Voies d'exécution

[Dépêches] La radiation du rôle de l’appel n’empêche pas de solliciter l’arrêt de l’exécution provisoire !

Réf. : Cass. civ. 2, 6 mars 2025, n° 22-23.093, F-B N° Lexbase : A4421637

Lecture: 3 min

N1848B3T

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par Alexandre Autrand, doctorant, Université de Limoges, école doctorale Gouvernance des Institutions et des Organisations, Observatoire des Mutations Institutionnelles et Juridiques

Le 26 Mars 2025

La Cour de cassation rappelle sa jurisprudence au sujet de l’articulation entre la radiation de l’affaire et la demande d’arrêt de l’exécution provisoire (V. Cass. civ. 2, 9 juillet 2009, n° 08-13.451 et n° 08-15.176 N° Lexbase : A7277EID). Elle considère que la radiation du rôle de l’affaire par un conseiller de la mise en état, en raison de l’inexécution par l’appelant de la décision attaquée, ne fait pas obstacle à ce que soit prononcé, postérieurement à cette sanction, l’arrêt de l’exécution provisoire.

Faits et procédure. M. G a interjeté appel du jugement d’un tribunal d’instance, qui est assorti de l’exécution provisoire. Au sein de cette décision, M. G a été condamné à verser des sommes à M. et Mme O. Par une ordonnance du 9 février 2021, un conseiller de la mise en état de la cour d’appel, a ordonné la radiation du rôle de l’affaire, en raison de l’inexécution de la décision de première instance par M. G. Le 4 novembre 2021, l’appelant a sollicité auprès du premier président de la cour d’appel, l’arrêt de l’exécution provisoire attachée au jugement pour lequel il a formulé un appel. Or, dans une ordonnance du 15 février 2022, le premier président refuse de faire droit à cette demande. M. G décide alors d’attaquer cette décision auprès de la Cour de cassation.

Pourvoi / Appel. Le demandeur au pourvoi fait grief à l’ordonnance de déclarer irrecevable, sa demande d’arrêt de l’exécution provisoire attachée au jugement, qui le condamne à verser des sommes à M. et Mme O. Selon M. G, la radiation du rôle de l’affaire ne fait que suspendre l’instance, et elle ne fait pas obstacle à l’arrêt de l’exécution provisoire, dans les conditions prévues par l’article 524 du Code de procédure civile N° Lexbase : L2379MLP. Or, dans son ordonnance, le premier président considère que la demande d’arrêt de l’exécution provisoire est sans objet, lorsqu’elle intervient après que le conseiller de la mise en état ait décidé de radier du rôle l’affaire, en raison de l’inexécution par l’appelant de la décision attaquée. En statuant ainsi, le demandeur au pourvoi considère que le premier président a méconnu ses pouvoirs et qu’il a violé l’article 524 du Code de procédure civile.

Solution. Au visa des articles 524 et 526 N° Lexbase : L7263LEQ du Code de procédure civile, dans leur rédaction antérieure au décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, réformant la procédure civile N° Lexbase : L1923MYU, la Cour de cassation approuve l’argumentation de M. G. Après avoir rappelé la substance de ces articles et le raisonnement du premier président, la Haute juridiction précise que la radiation du rôle de l’affaire ne fait que suspendre l’instance. Dès lors, le prononcé de cette sanction, ne fait pas obstacle à ce qu’il soit ordonné ensuite, l’arrêt de l’exécution provisoire en application des dispositions de l’article 524 du Code de procédure civile.

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