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par Anne-Lise Lonné-Clément, Rédactrice en chef
Le 12 Mars 2025
La revue Lexbase Famille Patrimoine Personnes (FPP), vous propose de retrouver dans un plan thématique, une sélection de l’actualité jurisprudentielle et normative, en droit des personnes et de la famille, classée par matières sous plusieurs thèmes/mots-clés.
Sommaire
III. Droit international privé
XI. Soins psychiatriques sans consentement
XIII. Violences intrafamiliales
♦ Assistance éducative – Juge des enfants – Procédure – Demande de récusation – Impartialité
Cass. civ. 2, 6 février 2025, n° 22-18.078, F-B N° Lexbase : A60576TI : la Cour de cassation confirme l’appréciation de la juridiction d’appel qui refuse la récusation d’un juge des enfants dont l’impartialité était contestée en raison de l’inimitié que soulevait le requérant dans le cadre d’une procédure d’assistance éducative.
Pour aller plus loin : M. Damy, L’impossible récusation du juge des enfants pour inimitié notoire ?, Lexbase Famille Patrimoine Personnes (FPP), mars 2025 N° Lexbase : N1812B3I. |
♦ Ordonnance de protection – Pouvoirs du JAF – Attribution exclusive de l'autorité parentale à l’un des deux parents
Cass. civ. 1, 5 février 2025, n° 23-13.181, F-D N° Lexbase : A81096TI : Le juge aux affaires familiales saisi d’une demande de protection est compétent pour attribuer l’exercice exclusif de l’autorité parentale à l’un des parent.
Pour aller plus loin : cf. M. Damy, Le JAF peut attribuer l’exercice exclusif de l’autorité parentale lorsqu’il est saisi d’une demande de protection, Lexbase Famille Patrimoine Personnes (FPP), mars 2025 N° Lexbase : N1813B3K. |
♦ Prestation compensatoire – Conversion en capital du droit d'usage et d'habitation en cas de vente de l’immeuble indivis dans un délai de cinq ans - Promesse de vente valant engagement ferme et irrévocable
Cass. civ. 3, 13 février 2025, n° 23-18.749, F-D N° Lexbase : A25476WA : La cour d'appel, qui n'a pas énoncé que la vente avait été définitivement conclue à une date donnée, ni que la promesse valait vente à cette date, a, par une interprétation souveraine des termes de la promesse et de la convention de divorce, retenu que la promesse valait engagement ferme et irrévocable des époux de vendre l'immeuble indivis et que, cet engagement étant intervenu dans les cinq ans de l'homologation de la convention de divorce, les conditions de la conversion en capital du droit d'usage et d'habitation de l’épouse étaient réunies.
Pour aller plus loin : J. Casey, Clause relative au paiement de la prestation compensatoire : ce que l’avocat ne doit pas déléguer au notaire, Lexbase Famille Patrimoine Personnes (FPP), mars 2025 N° Lexbase : N1823B3W. |
III. Droit international privé
♦ Convention franco-marocaine – Exception de litispendance internationale
Cass. civ. 1, 5 février 2025, n° 22-22.729, FS-B+R N° Lexbase : A60586TK : L'accueil de l'exception de litispendance internationale prévue au troisième alinéa de l'article 11 de la Convention franco-marocaine du 10 août 1981 relative au statut des personnes et de la famille et à la coopération judiciaire est exclu si la décision à intervenir du juge marocain n'est pas susceptible d'être reconnue en France. Au nombre des conditions de cette reconnaissance, que le juge français doit vérifier avant de surseoir à statuer, figure la compétence indirecte du juge marocain, telle qu'elle est définie aux premier et deuxième alinéas du même article
Pour aller plus loin : v. J. Sagot-Duvauroux, Précisions sur les conditions d’accueil de l’exception de litispendance internationale dans le cadre de la Convention franco-marocaine du 10 août 1981, Lexbase Famille Patrimoine Personnes (FPP), mars 2025 N° Lexbase : N1826B3Z. |
♦ Accès à l'assistance médicale à la procréation (AMP) – Conjoint décédé – QPC
CE 1 ch., 25 février 2025, n° 499498 N° Lexbase : A41796ZS : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité transmise par le tribunal administratif de Caen, formulée à l’encontre des dispositions du 1° du quatrième alinéa de l'article L. 2141-2 du Code de la santé publique N° Lexbase : L4562L74, applicables au litige, prévoyant l'interdiction, pour la femme d'un couple dont le conjoint est décédé, de poursuivre, par transfert des embryons du couple, le projet parental du couple que l'assistance médicale à la procréation était destinée à mettre en œuvre.
Pour aller plus loin : V. A.-L. Lonné-Clément, Lexbase Famille Patrimoine Personnes (FPP), mars 2025 N° Lexbase : N1835B3D. |
♦ Demande de licitation – Preuve du caractère partageable en nature – Office du juge
Cass. civ. 1, 5 février 2025, n° 21-15.932, F-B N° Lexbase : A60616TN : En application de l'article 1377, alinéa 1, du Code de procédure civile N° Lexbase : L1631IUX, il appartient au juge saisi d'une demande de licitation de biens indivis de vérifier, au besoin d'office, s'ils sont ou non commodément partageables en nature. En se bornant à relever, pour ordonner la licitation des biens immobiliers indivis, que les indivisaires n'étaient pas d'accord sur la manière de procéder au partage de la succession, sans constater que ces biens n'étaient pas facilement partageables ou attribuables, la cour d'appel a violé l'article 1377 du Code de procédure civile.
Jérôme Casey, La licitation judiciaire des biens est subsidiaire : rappel, Lexbase Famille Patrimoine Personnes (FPP), mars 2025 N° Lexbase : N1818B3Q. |
♦ Curatelle – Action en justice – Assistance du curateur
Cass. civ. 1, 5 février 2025, n° 23-14.185, F-D N° Lexbase : A81296TA : Selon l'article 468, alinéa 3, du Code civil N° Lexbase : L2334IB3, la personne sous curatelle ne peut introduire une action en justice ou y défendre sans l'assistance de son curateur. Doit dès lors être censuré pour violation du texte précité l'arrêt qui, rendu postérieurement à l'ouverture de la mesure de protection de l’intéressée, déboute cette dernière de ses demandes en annulation de l'arrêté portant admission de son enfant en qualité de pupille de l'État sans qu'il résulte des énonciations de l'arrêt ni d'aucune pièce de la procédure que celle-ci ait été assistée de son curateur.
♦ Recours à la médiation – Majeurs protégés – Avocat
CNB, 20 janvier 2025, actualités : l’assemblée générale du CNB a adopté un rapport évoquant les conditions dans lesquelles le recours à la médiation pourrait s’ouvrir au champ de la protection juridique des majeurs vulnérables, sans encourager la déjudiciarisation. Dans le cadre de cette évolution, le CNB appelle à rendre obligatoire la désignation d'un avocat pour le majeur protégé afin d'assurer la garantie effective de ses droits lors du processus de médiation.
♦ Fin de vie – Volonté du patient – Patient hors d'état d'exprimer sa volonté
CE référé, 3 février 2025, n° 500547 N° Lexbase : A45336T3 : Il appartient au médecin en charge d'un patient, lorsque celui-ci est hors d'état d'exprimer sa volonté, d'arrêter ou de ne pas mettre en œuvre, au titre du refus de l'obstination déraisonnable, les traitements qui apparaissent inutiles, disproportionnés ou sans autre effet que le seul maintien artificiel de la vie. En pareille hypothèse, le médecin ne peut prendre une telle décision qu'à l'issue d'une procédure collégiale, destinée à l'éclairer sur le respect des conditions légales et médicales d'un arrêt du traitement.
Décret n° 2025-118 du 10 février 2025 N° Lexbase : L1193MYT : le décret institue un haut-commissaire à l'enfance, placé auprès du ministre chargé de l'enfance. Il précise les missions relevant de sa compétence.
Pour aller plus loin : v. A.-L. Lonné-Clément, Dépêche, Lexbase Famille Patrimoine Personnes (FPP), mars 2025 N° Lexbase : N1843B3N. |
♦ Liquidation des intérêts patrimoniaux – Contribution aux charges de la vie commune – Facultés contributives
Cass. civ. 1, 5 février 2025, n° 23-12.946, F-D N° Lexbase : A81166TR : Aux termes de l'article 515-7, alinéa 11, du Code civil N° Lexbase : L2580LB8, les créances dont les partenaires sont titulaires l'un envers l'autre peuvent être compensées avec les avantages que leur titulaire a pu retirer de la vie commune, notamment en ne contribuant pas à hauteur de ses facultés aux dettes contractées pour les besoins de la vie courante. Pour condamner le partenaire à payer à son ex-partenaire la somme de 97 567,18 euros, rejeter sa demande de créance à l'égard de cette dernière au titre des avantages retirés par elle de la vie commune et sa demande subséquente de compensation, la cour d’appel retient que si celui-ci a effectivement réglé seul des charges de la vie courante pour un montant total de 67 852,80 euros, son ex-partenaire justifie de son côté avoir procédé seule au règlement de certaines charges courantes […], de sorte qu'il n'est pas établi un quelconque avantage tiré par son ex-partenaire de la vie commune, notamment en ne contribuant pas à hauteur de ses facultés aux dettes contractées pour les besoins de la vie courante ; en se déterminant ainsi, sans faire état des facultés contributives de l’intéressée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
♦ Contribution aux charges du mariage – Sur-contribution d’un époux – Examen de l’ensemble des charges
Cass. civ. 1, 5 février 2025, n° 22-12.829, F-D N° Lexbase : A80036TL : l'excès contributif d'un époux aux charges du mariage ne peut être caractérisé en considération exclusive du financement des travaux réalisés dans le logement familial.
Pour aller plus loin : v. Ch. Rieubernet, Nécessité d'une appréciation globale des contributions des époux aux charges du mariage, Lexbase Famille Patrimoine Personnes (FPP), mars 2025 N° Lexbase : N1825B3Y. |
XI. Soins psychiatriques sans consentement
♦ Appels collectifs et stéréotypés – Impartialité du tribunal – Doute légitime
Cass. civ. 1, 26 février 2025, 24-12.252 N° Lexbase : A72946Z8, n° 24-12.253 N° Lexbase : A70456ZX, n° 24-12.254 N° Lexbase : A70556ZC, n° 24-12.255 N° Lexbase : A70996ZX, n° 24-12.256 N° Lexbase : A72466ZE, n° 24-12.257 N° Lexbase : A70336ZI, n° 24-12.258 N° Lexbase : A72656Z4, n° 24-12.259 N° Lexbase : A73096ZQ, n° 24-12.260 N° Lexbase : A72836ZR, n° 24-12.261 N° Lexbase : A73316ZK, n° 24-12.262 N° Lexbase : A72546ZP, n° 24-12.263 N° Lexbase : A70646ZN : Il résulte de l’article 6 CESDH N° Lexbase : L7558AIR que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal impartial. Pour autoriser le maintien de la mesure d'isolement, après avoir relevé que, si l'appel est un droit, tout comme les antibiotiques, ce n'est en aucun cas automatique, l'ordonnance retient que, pour exercer ce droit, il est nécessaire qu'il y ait des motifs réels et sérieux de le faire, que les appels « collectifs » et stéréotypés ne sont pas admis et qu'il a été fait appel de l'entièreté d'une audience du juge des libertés et de la détention. En statuant ainsi, en des termes de nature à faire peser un doute légitime sur l'impartialité de la juridiction, le premier président a violé le texte susvisé.
♦ Mainlevée – Irrégularité d’une décision – Absence de notification des droits – Grief
Cass. civ. 1, 26 février 2025, n° 23-22.012, F-D N° Lexbase : A71446ZM : Selon l'article L. 3216-1 du Code de la santé publique N° Lexbase : L3499MKS, l'irrégularité affectant une décision administrative en matière de soins psychiatriques sans consentement n'entraîne la mainlevée de la mesure que s'il en est résulté une atteinte aux droits de la personne qui en fait l'objet. C'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que le premier président, statuant en l'absence de l’intéressé qui ne pouvait pas être entendu et au vu de conclusions se bornant à soutenir que son dossier médical ne comportait aucun document relatif à la notification de ses droits et que cette absence de notification lui faisait nécessairement grief, a estimé qu'il n'était démontré aucune atteinte résultant d'un tel défaut de notification.
♦ Option successorale – Délai pour exercer l’option – Action interrogatoire
Cass. civ. 1, 5 février 2025, n° 22-22.618, F-B+R N° Lexbase : A60546TE : il résulte des articles 771 N° Lexbase : L9844HNW et 772 N° Lexbase : L9845HNX du Code civil que l'héritier qui, à l'expiration d'un délai de quatre mois à compter de l'ouverture de la succession, a été sommé de prendre parti dans les deux mois qui suivent la sommation, et qui, s'étant abstenu de le faire à l'expiration de ce délai sans solliciter de délai supplémentaire auprès du juge, est réputé acceptant pur et simple de la succession et ne peut plus ni y renoncer, ni l'accepter à concurrence de l'actif net.
Pour aller plus loin :
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♦ Action en réduction – Réunion fictive – Date d’appréciation de la valeur des biens
Cass. civ. 1, 5 février 2025, n° 22-20.311, F-D N° Lexbase : A79696TC : Selon l'article 922 du code civil, pour déterminer s'il y a lieu à réduction, il est formé une masse de tous les biens existant au décès du donateur, ceux dont il a été disposé par donation entre vifs étant fictivement réunis à cette masse, d'après leur état à l'époque de la donation et leur valeur à l'ouverture de la succession. Le caractère réductible d'une donation s'apprécie donc au regard de la valeur du bien lors de l'ouverture de la succession, et non à l'époque de la gratification.
Pour aller plus loin : J. Casey, Intention libérale et réunion fictive : rappels utiles, Lexbase Famille Patrimoine Personnes (FPP), mars 2025 N° Lexbase : N1820B3S. |
♦ Action en réduction – Délai de prescription – Interruption de la prescription – Actions tendant aux mêmes fins
Cass. civ. 1, 5 février 2025, n° 22-21.349, F-D N° Lexbase : A80176T4 : la demande en réduction litigieuse tend aux mêmes fins que les demandes soumises au premier juge dans le cadre de l’assignation en partage, ce qui supposait que l'effet interruptif de prescription de l'action tendant à la reconstitution successorale du patrimoine familial paternel devait s'étendre à l'action en réduction de succession.
Pour aller plus loin : J. Casey, L’action en réduction est virtuellement comprise dans la demande en partage, Lexbase Famille Patrimoine Personnes (FPP), mars 2025 N° Lexbase : N1822B3U. |
XIII. Violences intrafamiliales
♦ Ordonnance de protection – Pouvoirs du JAF – Attribution exclusive de l'autorité parentale à l’un des deux parents
Cass. civ. 1, 5 février 2025, n° 23-13.181, F-D N° Lexbase : A81096TI : v. supra, Autorité parentale.
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
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Réf. : Cass. civ. 3, 6 mars 2025, n° 23-20.018, FS-B N° Lexbase : A441863Z
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par Juliette Mel, Docteur en droit, Avocat associé, M2J AVOCATS, Chargée d’enseignements à l’UPEC, Responsable de la commission Marchés de Travaux, Ordre des avocats
Le 24 Mars 2025
Les éléments d’équipements industriels sont exclus de la responsabilité civile décennale.
Un séparateur d’hydrocarbures peut être un élément d’équipement industriel.
La rareté du fait donne du prix à la chose. Les arrêts relatifs aux éléments d’équipements industriels sont si rares que dès que la Haute juridiction traite le sujet, il faut, assurément, une audience maximale. La présente décision en est une illustration.
En l’espèce, une société de lavage automobile a confié à une entreprise des travaux de terrassement, de voirie et de réseaux d’une station de levage. Se plaignant de débordements d’eaux non filtrées sur les pistes de lavage, le maître d’ouvrage assigne l’entreprise en indemnisation de ses préjudices, laquelle appelle son assureur RC décennale en garantie.
La cour d’appel de Rennes, dans un arrêt rendu le 1er juin 2023 (CA Rennes, 1er juin 2023, n° 21/07033 N° Lexbase : A28219Y7), condamne l’assureur à garantir. Les conseillers ont considéré que les ouvrages étaient des éléments d’équipements éligibles à la responsabilité civile décennale des constructeurs au sens des articles 1792-1 N° Lexbase : L1921ABR, 1792-2 N° Lexbase : L6349G9Z, 1792-3 N° Lexbase : L6350G93 et 1792-4 N° Lexbase : L5934LTX du Code civil. Plus précisément, ils ont estimé que le séparateur d’hydrocarbure n’était pas un élément d’équipement dont la fonction exclusive est de permettre l’exercice d’une activité professionnelle dans l’ouvrage. L’assureur forme un pourvoi.
Au visa de l’article 1792-7 du même code N° Lexbase : L6351G94, la Haute juridiction rappelle que ne sont pas considérés comme des éléments d’équipement y compris leurs accessoires, ceux dont la fonction exclusive est de permettre l’exercice d’une activité professionnelle dans l’ouvrage.
En statuant ainsi, après avoir constaté que le séparateur d’hydrocarbures constituait un équipement de traitement des eaux potentiellement chargé de boues et d’hydrocarbures générées par l’utilisation de solutions de lavage, la cour d’appel a violé le texte susvisé.
Cette jurisprudence va relancer plusieurs débats, dont celui sur les panneaux photovoltaïques. Pour autant, il existe un texte qu'il faut pouvoir l’appliquer et force est de constater que, jusqu’alors, il semblait assez impossible de miser sur l’admission de la qualification d’élément d’équipement industriel.
D’une part, parce que l’article vise les éléments d’équipement d’un ouvrage et non pas un ouvrage lui-même. Par exemple, dans cet arrêt (Cass. civ. 3, 7 novembre 2012, n° 11-19.023 N° Lexbase : A6709IWE), les juges du fond avaient débouté le maître d’ouvrage de son action contre l’entreprise sur le fondement de la responsabilité légale, au motif que l’installation frigorifique avait une vocation exclusivement commerciale. La Haute juridiction avait censuré au motif que les conseillers auraient dû rechercher si les travaux étaient constitutifs d’un ouvrage. Cette analyse a été confirmée en 2014, à propos de la réalisation d’un système de climatisation (Cass. civ. 3, 24 septembre 2014, n° 13-19.615 N° Lexbase : A3209MX7).
La notion d’ouvrage est, encore, au centre du revirement sur les éléments d’équipement sur existant (Cass. civ. 3, 21 mars 2024, n° 22-18.694 N° Lexbase : A24682WC).
D’autre part, parce que les critères de qualifications de l’article 1792-7 sont si largement définis qu’il est possible de tout plaider et son contraire…
Cette ouverture reste saluable.
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
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Réf. : Loi n° 2025-127 du 14 février 2025, de finances pour 2025 N° Lexbase : L4133MSU
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N1858B39
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Le 17 Mars 2025
Mots clés : délai de reprise • fraude fiscale • expatriation • actifs numériques • non-rétroactivité
Alors que jusqu’ici l'administration fiscale disposait d'un délai de trois ans (plus l'année en cours) pour rectifier l'impôt sur le revenu d'un contribuable qui se déclare non-résident fiscal français, un délai de reprise de dix ans (plus l’année en cours) s’appliquera désormais à toutes les situations où l’administration remet en cause la domiciliation fiscale d’un contribuable. Pour en savoir plus sur cette disposition de la loi de finances pour 2025 qui pourrait avoir de lourdes conséquences pour les contribuables ayant quitté la France, Lexbase a interrogé Thomas Dubanchet, avocat fiscaliste*.
Lexbase : Pouvez-vous nous préciser les délais de reprise de l'administration fiscale en matière d'impôt sur le revenu (IR) et d'impôt sur les sociétés (IS) ?
Thomas Dubanchet : En matière fiscale, le droit de reprise de l’administration constitue la période pendant laquelle celle-ci peut légalement procéder à des rectifications d’imposition si elle constate une insuffisance, une omission ou une inexactitude dans les déclarations souscrites par les contribuables.
Conformément aux dispositions de l’article L. 169 du Livre des procédures fiscales N° Lexbase : L6073M8G, le délai de reprise est, en principe, de trois ans. Cela signifie concrètement que l’administration dispose jusqu’au 31 décembre de la troisième année suivant celle au titre de laquelle l’impôt est dû pour engager une procédure de rectification.
Prenons un exemple : pour des revenus perçus en année N, et qui auraient dû être déclarés au titre de cette même année, l’administration fiscale peut exercer son droit de reprise jusqu’au 31 décembre de l’année N+3. Cela offre donc une fenêtre temporelle relativement courte, qui permet de sécuriser la situation fiscale du contribuable passé ce délai, sous réserve de ne pas être dans l’un des cas exceptionnels détaillés ci-après.
Lexbase : Par dérogation à ces principes, dans quels cas l'administration fiscale pouvait-elle bénéficier d'un délai de reprise étendu à 10 ans avant l'adoption de la LF pour 2025 ?
Thomas Dubanchet : En dérogation au principe triennal, certains comportements jugés particulièrement graves par le législateur justifient une extension significative du délai de reprise. Avant l’adoption de la loi de finances pour 2025, trois situations principales ouvraient droit à un délai de reprise porté à dix ans :
Dans ces cas, la difficulté d’accès à l’information pour l’administration justifie une extension du délai de reprise à 10 ans, afin de permettre une action efficace en matière de lutte contre l’évasion fiscale internationale.
Lexbase : Quels nouveaux cas entrent dans ce champ de délai étendu depuis l'adoption de la loi de finances pour 2025 ?
Thomas Dubanchet : La loi de finances pour 2025 a élargi le champ d’application du délai de reprise décennal en introduisant deux nouveaux cas spécifiques, dans le prolongement des dispositifs existants destinés à renforcer les outils de lutte contre la fraude fiscale à dimension internationale.
Ce premier cas vise spécifiquement les situations dans lesquelles une personne physique revendique à tort une domiciliation fiscale hors de France, dans le but d’éluder l’imposition de ses revenus au titre de l’impôt sur le revenu.
Ce dispositif permet désormais à l’administration d’engager des rectifications sur une période de dix années, à condition que les revenus concernés aient été totalement omis des déclarations fiscales souscrites dans les délais légaux. Il ne s’applique donc pas aux situations où le revenu a été déclaré, mais simplement dans une catégorie erronée.
Cette mesure se distingue d’un autre dispositif déjà existant : l’administration pouvait auparavant exercer un droit de reprise de dix ans sur les revenus placés sur des comptes non déclarés à l’étranger. L’innovation de la LF 2025 réside dans la possibilité désormais ouverte de rectifier également les revenus dissimulés mais placés sur des comptes bancaires situés en France, dès lors que la domiciliation fiscale alléguée est reconnue comme frauduleuse.
Le second cas introduit par la loi étend le champ du délai spécial aux actifs numériques détenus à l’étranger (cryptomonnaies, jetons, etc.), lesquels échappaient jusqu’ici à un contrôle approfondi lorsque non déclarés.
Il s’agit d’une évolution logique des règles existantes, qui permettaient déjà à l’administration de bénéficier d’un délai de dix ans pour contrôler :
Désormais, les actifs numériques localisés hors de France et non déclarés dans les formes et délais requis entrent également dans le périmètre du délai de reprise décennal, ce qui vient renforcer l’arsenal de lutte contre l’opacité financière des contribuables utilisant des instruments numériques.
Toujours dans une logique de contrôle renforcé des flux transfrontaliers, l’article L. 169 A est modifié par l’article 61 de la LF 2025 qui vient étendre également le délai spécial de dix ans à la retenue à la source prévue à l’article 119 bis du CGI N° Lexbase : L5816M8W.
Ce mécanisme concerne notamment les revenus de capitaux mobiliers versés par des entités françaises à des bénéficiaires domiciliés hors de France. L’extension du délai vise à mieux encadrer ces opérations dans le cadre de situations de fausse domiciliation ou de non-déclaration des revenus mobiliers.
Lexbase : Ces nouvelles mesures sont-elles rétroactives ?
Thomas Dubanchet : Il est essentiel de souligner que ces mesures, bien que renforçant notablement les pouvoirs de l’administration fiscale, ne sont pas rétroactives.
En l’absence de disposition particulière concernant leur entrée en vigueur, il convient de se référer à l’article 1er de la loi de finances pour 2025, qui conduit à une application à compter des délais de reprise venant à expiration postérieurement au 16 février 2025.
Autrement dit, les prescriptions déjà acquises avant cette date ne sont pas remises en cause, et les contribuables ne pourront pas se voir appliquer rétroactivement ces nouvelles règles pour des exercices déjà prescrits selon les anciennes dispositions.
*Propos recueillis par Yann Le Foll, Rédacteur en chef de Lexbase Public et Marie-Claire Sgarra, Rédactrice en chef de Lexbase Fiscal.
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N1809B3E
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par Robert Rézenthel, docteur en droit
Le 12 Mars 2025
Mots clés : mer • domaine public • littoral • extension • responsabilité des communes
Selon la loi « l'eau fait partie du patrimoine commun de la nation » [1], tandis que le Conseil d'État déclare pour sa part que l'eau de la mer ne fait pas partie du domaine public maritime [2]. Dans ce contexte, la mer a-t-elle une incidence sur les limites communales ?
La jurisprudence demeure incertaine. À propos de l'extension d'un ouvrage portuaire sur le milieu marin, la Haute Juridiction a estimé que « l'implantation de l'ouvrage projeté sur le domaine public maritime n'était pas de nature à entraîner une modification des limites communales » [3].
On peut penser que les juges du Palais-Royal ont estimé que l'existence d'une procédure légale [4] de modification des limites territoriales des communes était impérative et que même des événements naturels ne sauraient remettre en cause les limites déterminées par l'État.
Cependant, le bon sens nous encourage à approfondir la réflexion sur le caractère indispensable d'un acte administratif pour valider la modification des limites d'une commune. En dehors de toute catastrophe naturelle, il est légitime de penser que l'État doit approuver les limites séparatives entre les communes. Toutefois, en raison du réchauffement climatique et de l'élévation du niveau des mers et océans, des villes et villages, voire des régions pourraient disparaître sans qu'aucune procédure administrative ne soit utile pour constater la modification ou la disparition des limites communales.
Pour l'instant, l'érosion et la submersion par la mer de terrains littoraux n'ont pas fait disparaître en France de manière durable certaines communes, mais ces phénomènes ont néanmoins impactés des territoires communaux, comme d'ailleurs en sens inverse, des travaux ont exondé des terrains comme c'est le cas pour l'extension des ports ou la construction de marinas [5].
I. L'évolution de la limite des eaux de la mer
Le rivage qui correspond à la zone de balancement des marées [6] constitue la référence pour désigner, côté terre, la limite de la mer ou de l'océan. C'est le cas pour la délimitation de la zone des cinquante pas géométriques [7] dans les départements et certaines collectivités d'outre-mer, et pour la « bande littorale » [8] dans laquelle les constructions y sont en principe interdites.
Bien que la loi ne le précise pas, au droit des digues et des quais au pied desquels il n'y a pas de rivage à proprement parler, il faut se référer à la limite des « plus hautes mers » selon le critère mentionné à l'article L. 2111-4 1° du Code général de la propriété des personnes publiques N° Lexbase : L0402H4N.
La consistance du domaine public maritime naturel est sans incidence sur la limite des communes littorales, c'est seulement la limite des eaux de la mer qui est déterminante.
En effet, avant l'élaboration du projet qui allait devenir la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986, relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral N° Lexbase : L7941AG9 (dite « loi littoral »), une étude [9] montrait que le territoire des communes était susceptible de s'étendre en mer jusqu'à la limite des eaux territoriales. C'est ainsi par exemple, que le décès en mer d'un sauveteur, collaborateur bénévole du service public de secours municipal, survenu à plusieurs centaines de mètres du rivage, engageait la responsabilité sans faute de la commune [10].
Afin d'éviter que la responsabilité des communes soit engagée pour des accidents survenus loin du rivage, la « loi littoral » n'a pas expressément évoqué la limite en mer des communes, mais a limité le pouvoir de police générale du maire en disposant que « La police municipale des communes riveraines de la mer s'exerce sur le rivage de la mer jusqu'à la limite des eaux » [11].
Cette disposition admet implicitement que la limite des communes littorales s'arrête à la limite des eaux, mais que celle-ci peut évoluer dans les deux sens, c'est-à-dire en cas d'érosion ou d'endiguement.
II. Le territoire communal sur les zones gagnées ou délaissées par la mer
Qu'il s'agisse des extensions sur la mer d'ouvrages portuaires, de la construction d'une marina, de l'aménagement d'un terre-plein ou de la formation de lais et relais de mer, l'absence de modification de la limite communale pour tenir compte de ces travaux ou phénomènes maritimes interdit-elle à la commune d'y exercer ses compétences ?
Avant la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986, à propos de la construction du port de plaisance et de la marina de Bormes-les-Mimosas, le Conseil d'État avait jugé [12] que les travaux d'aménagement réalisés sur la mer devaient être compatibles avec les documents d'urbanisme en vigueur à l'époque. En d'autres termes, alors que la loi disposait qu'un plan directeur d'urbanisme s'appliquait sur une commune, partie de commune ou ensemble de communes, il était admis que le territoire communal pouvait potentiellement s'étendre sur la mer. On relèvera que même en l'absence de délimitation du territoire municipal à la suite de l'aménagement d'une marina, la commune est compétente pour y délivrer des permis de construire [13] ou exercer la police des débits de boissons.
L'intervention du préfet a toutefois été reconnue nécessaire pour régler un conflit entre deux communes voisines. Il a été jugé [14] que le représentant de l'État pouvait inclure dans le territoire d'une même commune, pour un motif d'intérêt général, l'ensemble des ouvrages d'un port.
Il résulte des actes initiaux de délimitation des communes littorales que les limites latérales devaient s'apprécier « depuis la mer » [15]. Ainsi, l'État n'avait pas envisagé à l'époque une délimitation longitudinale sur le front de mer.
Il a été jugé que : « il est loisible à une commune, à toute époque, de demander, soit à l'autorité préfectorale ou au gouvernement de procéder à la reconnaissance des limites communales existantes ..., soit à l'administration chargée du cadastre de rectifier les énonciations contenues dans les documents cadastraux intéressant son territoire » [16]. Tandis que la limite séparant deux communes voisines avait été fixée au milieu d'un canal permettant la communication entre des étangs littoraux et la mer, le déplacement du lit de l'ouvrage à la suite de la construction d'une digue de protection, « n'a pas eu pour conséquence..., de modifier la circonscription territoriale de chacune des communes concernées ». Ainsi, l'évolution d'un site n'implique pas nécessairement une modification des limites communales, sauf à appliquer la procédure prévue par la loi pour la modification de ces limites.
S'agissant de la police municipale pour les communes littorales, elle a pour limite celle de l'eau de la mer, qui évolue au gré des marées [17].
Les limites communales ne constituent pas un obstacle infranchissable pour l'exercice des compétences de ces collectivités. Il a été admis [18] qu'une commune pouvait procéder à une expropriation de terrains dans une autre commune en vue de la création d'une voie publique, dès lors que la commune expropriante ne pouvait trouver sur son propre territoire des terrains présentant la même aptitude à recevoir l'ouvrage. L'intérêt communal peut même concerner parfois des relations avec des États étrangers [19].
Conclusion
Le propos attribué à Aristote selon lequel « la nature a horreur du vide », pourrait se traduire aujourd'hui par le constat qu'il n'existe pas de zone de non-droit. Même dans le silence de la législation, les communes littorales exercent leurs compétences sur tous les terrains gagnés sur la mer ou délaissés par elle. C'est une application du principe de cohérence qui tend à garantir la sécurité juridique.
[1] C. env., art. L. 210-1 N° Lexbase : L2369MGT.
[2] CE, 27 juillet 1984, n° 45338 N° Lexbase : A7112ALY, AJDA, 1985, p. 47 note R. Rézenthel et F. Pitron.
[3] CE Sect., 20 février 1981, n° 06152 N° Lexbase : A3599B8S.
[4] CGCT, art. L. 2112-2 N° Lexbase : L0757KND et suiv.
[5] R. Rézenthel, La marina, un concept presque oublié, Lexbase, 5 avril 2023 N° Lexbase : N4922BZC.
[6] La définition du rivage résulte de l'Ordonnance sur la marine d'août 1681, elle est aujourd'hui consacrée par l'article L. 2111-4 du Code général de la propriété des personnes publiques.
[7] CGPPP, art. L. 5111-1 N° Lexbase : L5040IMM et C. urb., art. L. 121-45 N° Lexbase : L6776L74.
[8] C. urb., art. L. 121-16 N° Lexbase : L2333KIA.
[9] R. Rézenthel et A. Caubert, Les limites en mer des communes, Gaz. Pal. 15-16 août 1979, p. 10 et 11.
[10] CE Sect., 1er juillet 1977, n° 97476 N° Lexbase : A1244B79, Rec. p. 302.
[11] Loi n° 86-2 du 3 janvier 1986, art. 31, devenu aujourd'hui l’article L. 2212-4 du Code général des collectivités territoriales N° Lexbase : L8694AAA. Cette police générale du maire est relayée par une police spéciale des baignades et des activités nautiques dans la bande des 300 mètres en mer à partir de la limite haute du rivage (CGCT, art. L. 2213-23 N° Lexbase : L3856HWQ).
[12] CE Ass., 30 mars 1973, n° 88151 N° Lexbase : A0655B97.
[13] CE Ass, 29 décembre 1979, n° 95260 N° Lexbase : A2663AIH.
[14] CE Sect., 20 février 1981, n° 16449 N° Lexbase : A7376AKE.
[15] CE Sect., 17 juin 1938, Ville de Royan, Rec. p. 547.
[16] CE, 1er juin 1984, n° 26989 N° Lexbase : A7575AL7.
[17] CGCT, art. L. 2212-4.
[18] CE Sect., 6 mars 1981, n° 00120 N° Lexbase : A3418AKS, Rec. p 125.
[19] CE Sect., 28 juillet 1995, n° 129838 N° Lexbase : A5003ANM, Rec. p. 324.
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Réf. : CE, 2°-7° ch. réunies, 7 février 2025, n° 495551, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A75546TX
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par Rachel-Ji Lemoine, avocate au barreau de Paris
Le 12 Mars 2025
Mots clés : protection fonctionnelle • agent public • fonction publique • frais d’instance • procédure administrative
Par un arrêt du 7 février 2025, le Conseil d’État a confirmé que les frais exposés par un agent devant les juridictions administratives au titre de sa protection fonctionnelle pouvaient être pris en charge par l’administration employeur.
La protection fonctionnelle est un dispositif de droit public conçu pour permettre aux agents publics, titulaires ou contractuels, de bénéficier d’une protection de la part de leur administration, en cas d’atteintes volontaires à l'intégrité de leur personne, de violences, d’agissements constitutifs de harcèlement, de menaces, d’injures, de diffamations ou d’outrages dont ils pourraient être victimes [1] lors de l’exercice de ses missions, ou lorsque l’agent public fait l’objet de poursuites dans le cadre de ses fonctions, dès lors qu’aucune faute personnelle n’a été commise par l’agent [2].
Ce dispositif ouvre aujourd’hui la possibilité à l’agent en faisant la demande de bénéficier d’une protection de son administration, qui peut se traduire par la mise en œuvre de mesures de protection pour faire cesser les agissements à son encontre, ou bien pour le soutenir financièrement dans la prise en charge des frais qu’il a été dans l’obligation d’exposer dans le cadre de la défense de ses intérêts.
En d’autres termes, le bénéfice de la protection fonctionnelle permet à l’agent public de solliciter la prise en charge des frais exposés dans les procédures juridictionnelles relatives aux faits ayant préalablement ouvert le droit au bénéfice de cette protection fonctionnelle.
À titre d’exemple, un agent public ayant fait l’objet de diffamation dans le cadre de ses fonctions, peut demander l’octroi du bénéfice de la protection fonctionnelle. Dès lors que celle-ci est accordée, l’agent pourra solliciter de la part de son administration la prise en charge des frais d’avocat exposés dans le cadre des poursuites pénales engagées à l’encontre de l’auteur de la diffamation.
Cette possibilité a été ouverte par le décret n° 2017-97 du 26 janvier 2017, relatif aux conditions et aux limites de la prise en charge des frais exposés dans le cadre d'instances civiles ou pénales par l'agent public ou ses ayants droit N° Lexbase : L6423LCU, qui prévoyait dans son article 2 une prise en charge « des frais exposés dans le cadre d’une instance civile ou pénale » au titre de la protection fonctionnelle.
Il convient de noter que dans le cadre de la codification de la partie règlementaire du code général de la fonction publique, le décret n° 2024-1038 du 6 novembre 2024 relatif aux dispositions réglementaires des livres I et II du code général de la fonction publique N° Lexbase : L3605MRX, est venu abroger le décret n° 2017-97 du 26 janvier 2017, et créer les articles R. 134-1 N° Lexbase : L3911MRB et suivants du Code général de la fonction publique, portant sur la protection dans l’exercice des fonctions des agents publics, et sur la prise en charge des frais d’instance dans ce cadre.
En tout état de cause, les articles du code général de la fonction publique, et notamment l’article L. 134-12 N° Lexbase : L5812MBU et le nouvel article R. 134-1 reprennent tout deux les mêmes termes que le décret du 26 janvier 2017 précité, à savoir prévoyant, suivant l’octroi de la protection fonctionnelle, la prise en charge par la collectivité publique « des frais exposés dans le cadre d'instances civiles ou pénales par l'agent public ».
Les textes précités ne mentionnant que des « instances civiles ou pénales », la question s’est donc posée de savoir si les frais exposés devant les juridictions administratives pouvaient aussi être pris en charge dans le cadre de la protection fonctionnelle.
Le juge administratif a eu l’occasion de se prononcer sur la question.
Elle a ainsi pu considérer que l’octroi du bénéfice de la protection fonctionnelle devait conduire l’administration à assister son agent dans le cadre des « poursuites judiciaires » au sens large qu’il entreprendrait :
« 16. Ces dispositions établissent à la charge de l'administration une obligation de protection de ses agents dans l'exercice de leurs fonctions, à laquelle il ne peut être dérogé que pour des motifs d'intérêt général. Cette obligation de protection a pour objet, non seulement de faire cesser les attaques auxquelles l'agent est exposé, mais aussi d'assurer à celui-ci une réparation adéquate des torts qu'il a subis. La mise en œuvre de cette obligation peut notamment conduire l'administration à assister son agent dans l'exercice des poursuites judiciaires qu'il entreprendrait pour se défendre » [3].
Par voie de conséquence, la cour administrative d’appel de Paris avait alors soutenu que le refus de prise en charge des frais exposés dans la procédure administrative et tendant à l’indemnisation du préjudice subi du fait des attaques ayant donné lieu à l’octroi de la protection fonctionnelle, était entaché d’une erreur de droit :
« 17. Contrairement à ce que soutient la commune de C..., ces dispositions sont susceptibles de s'appliquer à une instance tendant à voir engager, devant le juge administratif, la responsabilité de la collectivité qui emploie l'agent bénéficiaire. D... suite, en refusant de faire droit à la demande de Mme A... qui sollicitait le bénéfice de la protection fonctionnelle afin d'obtenir l'indemnisation des préjudices subis en raison de l'agression dont elle avait été victime le 21 mars 2017, au motif qu'elle ne tendait pas à la prise en charge de frais exposés dans le cadre d'instances civiles ou pénales, la commune a entaché sa décision d'une erreur de droit. Mme A... est ainsi fondée à soutenir que c'est à tort que, D... le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 26 septembre 2018 D... laquelle la commune de C... a rejeté sa demande de prise en charge des frais d'avocat exposés aux fins d'engager la responsabilité de la commune ».
De la même façon, le tribunal administratif de Poitiers a pu considérer que les instances engagées devant les juridictions administratives devaient être prises en charge au titre de la protection fonctionnelle, et ce alors même qu’aucune procédure civile ou pénale n’avait été engagée par l’agent :
« en n’incluant pas la prise en charge des frais exposés dans le cadre d’instances juridictionnelles, notamment devant les juridictions administratives, l’administration a entaché sa décision d’une erreur d’appréciation, nonobstant la circonstance que le requérant n’ait pas souhaité engager de procédure pénale » [4].
Ce raisonnement a très récemment été confirmé par le juge des référés de la Cour administrative d’appel de Paris, dans des termes particulièrement explicites :
« 6. Compte tenu de ce qui a été dit au point 5, le bénéfice de la protection fonctionnelle que l'administration est tenue d'accorder à son agent doit être regardé comme valant pour toutes les démarches et actions contentieuses que cet agent peut être conduit à effectuer, devant quelque ordre juridictionnel que ce soit et pour toutes les phases ou stades de la procédure, incluant la première instance et les voies de recours, de sorte que l'autorité administrative n'est pas tenue de réitérer son octroi pour chacune de ces phases, afin d'obtenir la réparation des menaces et violences qu'il a subies dans l'exercice de ses fonctions. Par suite et dès lors que la Cour a retenu, par son arrêt précité devenu définitif, que M. B... devait être regardé comme apportant un faisceau d'indices suffisamment probants pour permettre de considérer comme au moins plausible le harcèlement moral dont il s'est dit victime de la part de ses supérieurs hiérarchiques, la protection fonctionnelle qui doit lui être accordée en exécution de l'injonction mentionnée au point 4 comprend nécessairement l'ensemble des actions contentieuses relatives à ce harcèlement » [5].
Ainsi, le juge administratif a pu admettre que tous types de procédures administratives, disposant d’un lien effectif avec la demande de protection fonctionnelle initiale pouvaient être pris en charge par l’administration, telle qu’une procédure contentieuse de reconnaissance d’un accident de travail (TA Nantes, 9 novembre 2022, n° 1810496 N° Lexbase : A30668SD) ou bien d’une procédure indemnitaire en réparation des préjudices subis.
La jurisprudence a en effet pu considérer que les dispositions relatives à la protection fonctionnelle établissaient « à la charge de l’administration une obligation de protection de ses agents dans l’exercice de leurs fonctions, à laquelle il ne peut être dérogé que pour des motifs d’intérêt général. Cette obligation de protection a pour objet, non seulement de faire cesser les attaques auxquelles l’agent est exposé, mais également d’assurer à celui-ci, une réparation adéquate des torts qu’il a subis. La mise en œuvre de cette obligation peut notamment conduire l’administration à assister son agent dans l’exercice des poursuites judiciaires qu’il entreprendrait pour se défendre » [6].
La jurisprudence a en ce sens pu estimer que les dispositions relatives à la protection fonctionnelle « sont susceptibles de s’appliquer à une instance tendant à voir engager, devant le juge administratif, la responsabilité de la collectivité qui emploie l’agent bénéficiaire » [7] notamment lorsqu’il est question d’obtenir l’indemnisation des préjudices subis par l’agent en raison de l’attaque dont il a été victime et au titre de laquelle la protection fonctionnelle lui a été reconnue.
Toutefois, un doute persistait, en raison des dispositions du décret n° 2017-97 du 26 janvier 2017 qui ne garantissaient qu’une prise en charge des frais « devant les instances civiles et pénales », et de jurisprudences parfois contradictoires.
En effet, dans une ordonnance du 13 juin 2024, la cour administrative d'appel de Paris avait récemment rejeté la demande de provision d'un agent bénéficiant de la protection fonctionnelle pour prendre en charge des frais découlant d'un litige porté devant une juridiction administrative, en considérant que cette institution ne saurait être regardée comme une instance civile ou pénale [8].
C’est dans ces circonstances, et suivant le pourvoi en cassation à l’encontre de cette ordonnance rendue par la cour administrative d’appel de Paris, que l’arrêt de la haute juridiction administrative est intervenu, pour trancher la question.
Dans cette affaire, un professeur avait dénoncé une situation de harcèlement moral au sein de son établissement, et avait sollicité le bénéfice de la protection fonctionnelle, qui lui avait été attribué par l’établissement dans lequel l’agent était affecté. Le requérant avait alors engagé des frais d’avocat dans le cadre d’une procédure pénale, mais aussi dans le cadre de procédures administratives précontentieuses et contentieuses. En conséquence, l’agent a sollicité auprès du juge des référés une provision, au titre de l’article R. 541-1 du Code de justice administrative N° Lexbase : L2548AQG, pour les frais engagés pour la défense de ses intérêts.
Si le tribunal administratif de Melun a fait droit à sa demande, le juge des référés de la Cour administrative d’appel de Paris a cependant annulé l’ordonnance rendue en première instance.
L’agent a donc fait le choix de se pourvoir en cassation, et de saisir le Conseil d’État.
C’est ainsi que dans son arrêt du 7 février 2025, le Conseil d’État a eu l’occasion, en désavouant le juge d’appel, de confirmer que les frais exposés par un agent devant les juridictions administratives devaient être pris en charge au titre de la protection fonctionnelle :
« l’instance engagée par un agent devant une juridiction administrative, relative à des faits ouvrant droit au bénéfice de la protection fonctionnelle doit être regardée comme entrant dans les prévisions de l’article L. 134-12 du code général de la fonction publique et du décret du 26 janvier 2017 relatif aux conditions et aux limites de la prise en charge des frais exposés dans le cadre d’instances civiles ou pénales par l’agent public ou ses ayants droit pris pour son application, dont les dispositions sont désormais codifiées aux articles R. 134-1 et suivants de ce même code. Dès lors, en jugeant que ces dispositions faisaient obstacle à ce que les frais d’avocat exposés par M. B devant les juridictions administratives puissent être pris en charge par l’Etat au titre de la protection fonctionnelle, le juge des référés de la cour administrative d’appel de Paris a commis une erreur de droit ».
Grâce à la clarification du Conseil d’État, il est dorénavant établi que les agents publics pourront demander la prise en charge de leurs frais d’instance devant les juridictions administratives dans le cadre de la protection fonctionnelle octroyée par leur administration.
À retenir :
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[1] CGFP, art. L. 134-5 N° Lexbase : L5809MBR.
[2] CGFP, art. L. 134-2 N° Lexbase : L5806MBN.
[3] CAA Paris, 7 juin 2022, n° 21PA02396 N° Lexbase : A05787ZG.
[4] TA Poitiers, 6 février 2023, n° 2100996 N° Lexbase : A10019G8.
[5] CAA Paris, 4 octobre 2024, n° 24PA01236 N° Lexbase : A430658Y.
[6] CAA Paris, 7 juin 2022, n° 21PA02396 N° Lexbase : A05787ZG ; voir aussi TA Nantes, 9 novembre 2022, n° 1810496 N° Lexbase : A30668SD.
[7] CAA Paris, 7 juin 2022, n° 21PA02396.
[8] CAA Paris, 13 juin 2024, n° 20PA01673 N° Lexbase : A57174GT.
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