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N9680BTP
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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication
Le 27 Mars 2014
A titre de préambule et en quelques chiffres, la réforme concerne près de 24 000 communes (sur 32 000) -toutes n'étant pas pourvues d'une école municipale-. Seules 3 850 d'entre elles ont sauté le pas lors de la rentrée scolaire 2013/2014 ; l'application de la réforme devrait donc battre son plein lors de la prochaine rentrée. Aujourd'hui, les premiers retours d'expérience concernent donc 20 % des élèves de maternelle et du primaire. Et, 81 % des communes ayant adopté ce nouveau rythme scolaire n'ont manifesté aucun problème particulier, selon les statistiques ministérielles.
Face à la froideur des chiffres, il y a le sang chaud de certains maires qui, arrêtés après arrêtés, refusent d'appliquer la réforme gouvernementale des rythmes scolaires, même pour la rentrée 2014/2015. Le fondement de leur action : le caractère abrupt de la réforme (sans négociation avec les principaux intéressés) et son caractère réglementaire. Pour être plus précis, l'organisation du temps scolaire n'est pas de la compétence municipale, mais bien de celle du Gouvernement, et singulièrement de celle du ministère de l'Education nationale -encore qu'il n'est pas exceptionnel que le ministère accorde quelque latitude en la matière, à titre expérimental, aux communes, notamment en ce qui concerne le calendrier des vacances scolaires ou les reports des journées "travaillées" en contrepartie des vernaculaires "journées des maires"-. C'est donc bien le pouvoir réglementaire qui tient sous sa coupe les rythmes scolaires, au même titre que les programmes et les moyens affectés pour l'enseignement. En revanche, chacun aura compris que le bât blesse concernant les activités périscolaires permettant soit de faire le pont entre deux temps de scolarité, soit d'amener l'élève à la sortie de l'école à l'horaire usuel de 16h30. Et, rien n'oblige le maire à organiser et financer de telles activités, puisque la loi est absente des débats, sinon pour prévoir un fond d'amorçage, communément jugé insuffisant.
On notera, au passage, que la tentative de légalisation du sujet est tombée à l'eau, la proposition de loi du 23 octobre 2013 permettant le libre choix des maires concernant les rythmes scolaires dans l'enseignement du premier degré n'ayant pas fait long feu devant la volée de bois vert de la majorité parlementaire.
Enfin, la crispation sur le sujet est telle et la fronde municipale devant être tuée dans l'oeuf, il est intimé aux préfets de contester, devant les juridictions administratives, les arrêtés litigieux pris par les maires récalcitrants.
Mais, il est une chose d'assigner en justice un maire ou une municipalité refusant l'application de la loi (par exemple, toujours et encore la loi relative au "mariage pour tous") ; et, il en est une autre de porter l'affaire sur le fondement d'un décret, fortement contesté, seul véhicule normatif contestable, mais qui n'oblige en rien le pendant périscolaire de la réforme, coeur même de la désobéissance civile des maires. Car, ne nous payons pas de mots : désobéissance civile il y a, même si aucune loi n'est de la partie. Et, c'est de l'illégalité de cette désobéissance dont devra se saisir le juge administratif dans un contentieux qui sera scruté à la loupe.
Dans Théorie de la justice, John Rawls définit la désobéissance civile comme "un acte public, non violent, décidé en conscience, mais politique, contraire à la loi et accompli le plus souvent pour amener un changement dans la loi ou bien dans la politique du gouvernement. En agissant ainsi, on s'adresse au sens de la justice de la majorité de la communauté et on déclare que, selon une opinion mûrement réfléchie, les principes de coopération sociale entre des êtres libres et égaux ne sont pas actuellement respectés". Et, pour ces maires contestataires, l'inégalité sociale et territoriale induite par l'absence de moyens suffisants affectés aux activités périscolaires rompt avec le principe d'égalité au sein de l'Education nationale, et avec la "coopération sociale". Tous les éléments de caractérisation de la désobéissance civile sont bien présents : ces arrêtés litigieux ont été pris de manière consciente et intentionnelle ; ils ont été pris de manière publique, en conseil municipal, et médiatisés ; ce ne sont pas des actes isolés, mais ils souhaitent s'inscrire dans une démarche contestataire collective ; ils sont "pacifiques", par nature ; ils n'ont été pris que dans le but de rouvrir le débat et changer les modalités d'application de la réforme ; enfin, ils se réfèrent à plusieurs normes supérieures (le principe d'égalité, l'intérêt de l'enfant, l'autonomie des collectivités territoriales). Tous les marqueurs sont présents.
Reste donc au juge administratif à déclarer cette désobéissance civile contra réglementaire ; chose peu commune il faut l'avouer. Et, il devra le faire en confrontant les arrêtés litigieux à l'un des principes fondamentaux de l'article 2 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen, à valeur constitutionnelle : la résistance à l'oppression. "Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'Homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l'oppression" nous enseigne-t-il. Alors, se pourrait-il que le juge reconnaisse un droit à la désobéissance civile, même limité, compte tenu des circonstances particulières d'adoption du décret contesté et de la complaisance de tous (ou presque) à l'égard de la fronde de ces élus locaux ?
Il y a peu de chance que les maires assignés soient portés au rang des Gandhi, Martin Luther King ou autre Antigone, pour les plus classiques ! Mais, on pourra toute de même leur reconnaître la verve de ces Duplessis-Mornay, Hotman, Théodore de Bèze, qui en leur temps contestaient le pouvoir absolu de la monarchie. Ce n'est pas le principe du gouvernement démocratique que ces maires contestent, mais seulement une certaine pratique du pouvoir. Ce n'est pas le ministre qu'ils attaquent, mais le "tyran", c'est-à-dire le ministre légitime qui, par sa pratique du pouvoir, se fait "tyran"... Et, du point de vue monarchomaque, quand le ministre se fait "tyran", ses sujets peuvent lui résister... On n'ira pas jusqu'à se référer à Thomas d'Aquin et à sa théorie du tyrannicide... Mais, jusqu'où la situation peut-elle dégénérer, si le ministère ne fait que leur répondre de manière robotisée : "Toute résistance est inutile" ?
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Réf. : Cass. civ. 1, 27 novembre 2013, n° 12-13.897, FS-P+B+I (N° Lexbase : A2232KQQ)
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N9650BTL
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Le 05 Décembre 2013
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Réf. : Cass. civ. 1, 27 novembre 2013, n° 12-16.973, FS-P+B (N° Lexbase : A4612KQU)
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N9686BTW
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Le 05 Décembre 2013
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Réf. : Cass. crim., 27 novembre 2013, n° 12-85.830, FS-P+B+I (N° Lexbase : A2222KQD)
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N9651BTM
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Le 05 Décembre 2013
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N9673BTG
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par Anne-Laure Blouet Patin, Directrice de la Rédaction
Le 05 Décembre 2013
Cette démarche intervient dans le cadre d'une réflexion commune entre l'Acoss, l'Urssaf de Paris et le barreau de Paris pour favoriser les bonnes pratiques en matière de cotisations de Sécurité sociale des entreprises et des avocats et renforcer les démarches concertées entre ces organismes.
Le régime de Sécurité sociale français est issu des grandes réformes de l'après-guerre. Il est totalement organisé autour du principe de solidarité nationale. On parle alors de système par répartition : les actifs cotisent pour les inactifs, les bien-portants pour les malades, etc.. On oppose traditionnellement le système par répartition au système par capitalisation plus courant dans les pays anglo-saxons (ex. : fonds de pension à l'américaine) qui reposent sur des mécanismes d'épargne individualisée dans le cadre de contrats d'assurance individuelle ou collective. Le système par capitalisation est néanmoins largement représenté en France dans les régimes facultatifs (retraite supplémentaire, assurance vie, etc.).
Les avocats relèvent du régime des travailleurs non-salariés (TNS) (CSS, art. L. 611-1 N° Lexbase : L9483HEX, L. 613-1 N° Lexbase : L4436IRQ et L. 311-1 N° Lexbase : L5023ADE). Quelques exceptions existent pour les avocats salariés, les gérants de SELARL et les dirigeants des sociétés d'exercice libéral qui relèvent du régime général (RGTS) (CSS, art. L. 311-3 N° Lexbase : L2976IQB). En cas de doute pour savoir à quel régime l'avocat est soumis il est possible de solliciter une position écrite de l'URSSAF (CSS, art. L. 311-11N° Lexbase : L5034ADS).
I - Les cotisations : assiette et montant
Les cotisations santé sont payées au RSI (maladie, maternité, paternité). Pour la retraite, les cotisations sont versées à la CNBF (vieillesse) et au barreau de Paris (assurance décès). Et enfin l'Ursaff collecte les prestations familiales.
Quelle assiette prendre en compte ?
L'assiette est identique pour le calcul des cotisations de Sécurité sociale, santé, famille et vieillesse. Il faut donc prendre le bénéfice fiscal soumis à l'impôt sur le revenu pour un exercice civil. Il est apprécié sans tenir compte des exonérations et abattements sur les bénéfices. L'assiette est composée du revenu fiscal et des BNC (déclarés sur la liasse fiscale 2035).
CSG - CRDS : l'assiette est constituée du même revenu professionnel pris en compte pour le calcul des cotisations santé, famille et vieillesse auquel il convient d'ajouter le montant des cotisations sociales obligatoires.
CFP (contribution formation professionnelle) : l'assiette est basée sur un pourcentage du plafond annuel de la Sécurité sociale (PASS).
Cotisations de Sécurité sociale (risques maladie - maternité - paternité) : l'assiette prise en compte correspond au bénéfice fiscal déclaré. Mais, pour les revenus inférieurs à 40 % du plafond annuel de la Sécurité sociale (14 813 euros), une cotisation forfaitaire minimale est due, dégressive selon le montant du bénéfice.
Cotisations de Sécurité sociale (risques vieillesse - invalidité décès) : l'assiette prise en compte correspond au bénéfice fiscal déclaré. Cependant il existe des spécificités. Ainsi, pour le risque vieillesse de base l'assiette est égale au revenu professionnel déclaré à l'administration fiscale dans la limite d'un plafond de 285 999 euros (montant pour 2013). Pour le risque vieillesse complémentaire obligatoire, l'assiette est égale au revenu professionnel déclaré à l'administration fiscale dans la limite d'un seuil fixé par l'assemblée générale et divisé en deux tranches délimitées annuellement (il est appliqué un taux spécifique à chaque tranche). Enfin, pour les risques invalidité-décès, la cotisation est fixée sur une base forfaitaire en fonction de l'ancienneté de l'avocat, et qui vient en complément du versement effectué par son Ordre à la CNBF. A titre informatif elle est, en 2013, de 216 euros pour les quatre premières années d'exercice et de 298 euros, à partir de la cinquième année.
Quel montant pour les cotisations ?
Les cotisations collectées par l'Urssaf : allocations familiales, CSG, CRDS
Concernant les prestations familiales, le montant est de 5,4 % sur la totalité de l'assiette.
Concernant la CSG, le montant est de 7,5 % de l'assiette majorée du montant des charges sociales obligatoires et des charges "Madelin".
Enfin, concernant la CRDS, le montant est de 0,5 % de l'assiette majorée du montant des charges sociales obligatoires et des charges "Madelin".
Les cotisations collectées par le RSI : maladie, maternité, paternité
La limite est fixée à 14 % du plafond annuel de la Sécurité sociale (14 983 euros). En dessous de ce plafond, les montants oscillent entre 650 et 953 euros. Au dessus de ce plafond, le montant correspond à 5,9 % de l'ensemble des bénéfices.
Les cotisations collectées par la CNBF : retraite, incapacité, invalidité
L'assurance vieillesse. Les avocats ne relèvent pas du régime d'assurance vieillesse des professions libérales mais d'un régime qui leur est propre, géré par la CNBF. Par exception, les avocats salariés sont également affiliés à la CNBF pour l'assurance vieillesse.
L'assurance vieillesse obligatoire se compose d'un régime de base et d'un régime complémentaire de retraite obligatoire.
Concernant les tarifs 2013 du régime de base, ils sont composés des droits de plaidoiries (recouvrés auprès de l'Ordre des avocats) soit 13 euros ou contribution équivalente ; et des cotisations annuelles forfaitaires obligatoires en fonction de l'ancienneté de l'avocat (1ère année, 269 euros ; 2ème année, 538 euros ; 3ème année, 846 euros ; 4ème et 5ème année, 1 153 euros ; 6ème année et au-delà, 1 473 euros). Enfin est collectée une cotisation assise sur le revenu d'activité non-salariée de l'avant-dernière année civile (N-2) de 2,20 % du revenu d'activité N-2 dans la limite d'un plafond de 285 999 euros.
Concernant le régime complémentaire obligatoire de l'assurance vieillesse, la cotisation varie en fonction du revenu de l'avant-dernière année civile (N-2) ; s'il est inférieur à 40 857 euros le montant s'élève à 3,09 % ; s'il est supérieur à cette somme, la cotisation est de 6,18 %.
L'assurance invalidité/décès. Le régime du financement invalidité/décès est assuré par le versement d'une cotisation personnelle de l'avocat non-salarié, dont le montant varie en fonction de son ancienneté.
Les cotisations collectées par le barreau de Paris : prévoyance complémentaire (maladie, maternité)
Les avocats non-salariés du barreau de Paris bénéficient d'une assurance prévoyance collective et obligatoire gérée par le barreau de Paris et réassurée auprès de la société d'assurances AON HEWITT. Ce régime est financé par une cotisation ordinale "assurance prévoyance" forfaitaire de 130 euros par an (chiffres 2013).
Une cotisation ordinale pour l'assurance invalidité/décès est prélevée par la CNBF dans le cadre de l'assurance obligatoire invalidité/décès.
Au final ces cotisations représentent 30 à 40 % du revenu de l'avocat.
II - Les cotisations : recouvrement
Quelles formalités déclaratives ?
Déclaration Sociale des Indépendants (DSI) pour le calcul des cotisations santé et famille. L'avocat est tenu d'établir une DSI (par papier ou par l'intermédiaire du site : www.net-entreprises.fr) pour l'exercice clôturé, en mai de chaque année et de la faire parvenir à sa caisse RSI.
Déclaration pour le risque vieillesse - invalidité - décès. Le revenu professionnel de l'exercice clôturé est déclaré auprès de la CNBF généralement en avril, à l'aide d'un formulaire spécifique ou en ligne sur le site www.cnbf.fr.
En cas d'absence de fourniture de la déclaration des revenus, l'organisme de recouvrement peut appliquer une assiette forfaitaire sur un pourcentage du montant des revenus.
NB : L'avocat taxé d'office conserve la possibilité d'apporter la preuve de son revenu réel. Cependant, il reste passible de l'application de majorations, de pénalités et/ou sanctions.
Comment calculer ses cotisations ?
Le principe pour le calcul des cotisations se fait en deux temps. Une assiette des cotisations correspondant à une année N-2 pour réclamer des cotisations provisionnelles. Ainsi pour l'année 2013, les provisions sont calculées sur le revenu perçu en 2011. Puis une fois le revenu réel de l'année N-1 connu, l'organisme de recouvrement prend en compte l'ajustement et la régularisation à opérer entre les provisions versées et le montant réel dû.
La régularisation peut être débitrice (cotisations et contributions provisionnelles appelées inférieures aux contributions provisionnelles définitives dues) ; ou créditrice (cotisations et contributions provisionnelles appelées supérieures aux contributions provisionnelles définitives dues) ; le remboursement doit alors intervenir avant le 30 novembre.
Il existe néanmoins des dérogations. Pour éviter que des grosses régularisations débitrices ou créditrices arrivent en fin d'année, il est possible de procéder à un revenu estimé. Ce revenu estimé permet de lisser le montant des cotisations dues à titre provisionnel. Il est aussi possible de demander une régularisation anticipée des cotisations. Ainsi au lieu d'attendre le 30 novembre pour être régularisé, l'avocat peut demander, en fournissant les revenus réels en juin, mais les revenus doivent avoir été déclarés par voie dématérialisée (via le site net entreprise) et la complétude de cette demande doit être faite lors de la complétude de la DSI. L'ajustement prend effet à compter de la prochaine échéance, dans un délai minimal de 15 jours.
Quand payer ses cotisations ?
Depuis peu le système est passé au paiement mensuel, mais de nombreux avocats sont au trimestre. Le paiement se fait par prélèvement le 5 ou le 20 de chaque mois, sur dix mensualités égales de janvier à octobre, novembre et décembre servant à la régularisation.
En cas d'option au paiement trimestriel, la demande doit être effectuée avant le 1er décembre pour être appliquée au 1er janvier. Les échéances sont fixées au 5 février, au 5 mai, au 5 août et au 5 novembre. La régularisation débitrice se positionne alors sur le 4ème trimestre.
Il est à noter que la CFP est exigible au 5 février (en une seule fois par an et non régularisée).
Que faire en cas d'incident de paiement ?
En cas de prélèvement (paiement mensuel), le premier incident emporte le report sur la mensualité suivante. Le second incident, consécutif ou non dans l'année civile, entraîne un recouvrement assorti de majorations de retard.
En cas de non paiement des cotisations aux dates d'exigibilité (paiement trimestriel), il y a une application des majorations de retard.
III - Le cas particulier du début d'activité
Les cotisations sont dues à compter du premier jour d'activité professionnelle. Au titre des deux premières années civiles d'activité, l'avocat est redevable de cotisations calculées sur une base forfaitaire. Un décret du 29 décembre 2011 définit de nouvelles règles de calcul de l'assiette forfaitaire des cotisations provisionnelles dues par les travailleurs indépendants au titre des deux premières années d'activité (décret n° 2011-2038 N° Lexbase : L5077IRH).
Il sera ensuite procédé à une régularisation sur la base du revenu réellement perçu par l'avocat au cours de ses deux premières années d'activité. La base forfaitaire est particulièrement faible. Il faut anticiper tout particulièrement la régularisation intervenant en troisième année d'exercice. La première date de prélèvement intervient après 90 jours d'activité.
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newsid:439673
Réf. : Cass. com., 26 novembre 2013, n° 12-21.361, FS-P+B (N° Lexbase : A4751KQZ)
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N9677BTL
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Le 05 Décembre 2013
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Réf. : CE 2° et 7° s-s-r., 27 novembre 2013, n° 365587, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A4511KQ7)
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N9668BTA
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Le 06 Décembre 2013
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newsid:439668
Réf. : CA Paris, Pôle 6, 9ème ch., 27 novembre 2013, n° 13/02981 (N° Lexbase : A2218KQ9)
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N9694BT9
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par Christophe Willmann, Professeur à l'Université de Rouen et Directeur scientifique de l'Encyclopédie "Droit de la protection sociale"
Le 05 Décembre 2013
Résumé
Au regard tant de la nécessité, imposée par l'article 14 de la Convention relative aux droits de l'enfant du 20 novembre 1989, de protéger la liberté de pensée, de conscience et de religion à construire pour chaque enfant, que de celle de respecter la pluralité des options religieuses des femmes au profit desquelles est mise en oeuvre une insertion sociale et professionnelle aux métiers de la petite enfance, dans un environnement multiconfessionnel, les missions de l'association peuvent être accomplies par une entreprise soucieuse d'imposer à son personnel un principe de neutralité pour transcender le multiculturalisme des personnes auxquelles elle s'adresse. En ce sens, l'association Baby Loup peut être qualifiée d'entreprise de conviction en mesure d'exiger la neutralité de ses employés. La formulation de cette obligation de neutralité dans le règlement intérieur, en particulier celle qui résulte de la modification de 2003, est suffisamment précise pour qu'elle soit entendue comme étant d'application limitée aux activités d'éveil et d'accompagnement des enfants à l'intérieur et à l'extérieur des locaux professionnels ; qu'elle n'a donc pas la portée d'une interdiction générale puisqu'elle exclut les activités sans contact avec les enfants, notamment celles destinées à l'insertion sociale et professionnelle des femmes du quartier qui se déroulent hors la présence des enfants confiés à la crèche. |
Les faits, connus, méritent un bref rappel. Mme L. a été engagée en qualité d'éducatrice de jeunes enfants, exerçant les fonctions de directrice adjointe d'une crèche et halte-garderie, gérée par l'association Baby Loup. Elle a décidé de porter le voile, conformément à sa religion musulmane, en violation des dispositions du règlement intérieur de l'association, selon lesquelles le personnel doit dans l'exercice de son travail respecter et garder la neutralité d'opinion politique et confessionnelle en regard du public accueilli. L'employeur a, dans un premier temps, convoqué l'intéressée le 9 décembre 2008 à un entretien préalable, avec mise à pied à titre conservatoire, puis a licencié la salariée le 19 décembre 2008 pour faute grave. S'estimant victime d'une discrimination au regard de ses convictions religieuses, Mme L. a saisi la juridiction prud'homale le 9 février 2009, à titre principal, en nullité de son licenciement.
Par jugement rendu le 13 décembre 2010, le conseil de prud'hommes de Mantes-la-Jolie (CPH, Mantes-la-Jolie, 13 décembre 2010, RG n° F 10/00587 N° Lexbase : A1067GNT (3)) a rejeté les demandes de la salariée ; la cour d'appel de Versailles a confirmé la solution préconisée par les premiers juges (CA Versailles, 11ème ch., 27 octobre 2011, n° 10/05642 N° Lexbase : A9204HZW) (4). Mais la Cour de cassation, statuant sur le pourvoi formé par la salariée, lui a donné raison (Cass. soc., deux arrêts, 19 mars 2013, n° 11-28.845, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A5857KA8 et n° 12-11.690, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A5935KA3) (5).
En effet, le principe de laïcité n'est pas applicable aux salariés des employeurs de droit privé qui ne gèrent pas un service public ; il ne peut dès lors être invoqué pour les priver de la protection que leur assurent les dispositions du Code du travail ; enfin, les restrictions à la liberté religieuse formées par l'employeur doivent être justifiées par la nature de la tâche à accomplir, répondre à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et proportionnées au but recherché (C. trav., art. L. 1121-1 N° Lexbase : L0670H9P, L. 1132-1 N° Lexbase : L8834ITD, L. 1133-1 N° Lexbase : L0682H97 et L. 1321-3 N° Lexbase : L8833ITC).
La Cour de cassation a renvoyé l'affaire devant la cour d'appel de Paris, qui a statué en sens contraire de la Cour de cassation, et a suivi l'employeur, la crèche Baby Loup, dans son argumentation. La salariée ayant d'ores et déjà manifestée sa volonté de se pourvoir en cassation, qui statuera en Assemblée plénière, le débat ne fait que commencer : de judiciaire, il peut devenir législatif.
I - Les termes du débat
Les enjeux du débat se résument, au regard de la technique juridique, à la question de la clause de laïcité et de neutralité contenue dans le règlement intérieur d'une crèche (Baby Loup), applicable à tous les emplois de la crèche. La question a donné lieu à des appréciations différentes : inopposable, parce que générale et imprécise, pour la Cour de cassation (n° 11-28845, préc.) ; contrairement à la cour d'appel (arrêt rapporté). La Cour de cassation en avait déduit que le licenciement prononcé en violation du règlement intérieur était discriminatoire.
A - Le règlement intérieur peut-il faire référence au principe de laïcité ?
Le conseil de prud'hommes avait décidé que le règlement intérieur de l'association est bien conforme aux dispositions de l'article L. 1311-1 du Code du travail ; mais les autres juridictions saisies n'ont pas partagé cette analyse de manière unanime ou univoque.
1 - Cour d'appel de Versailles, 27 octobre 2011, préc. : les principe de laïcité /neutralité s'appliquent en entreprise
La cour d'appel de Versailles avait retenu cette thèse, de soumission des entreprises au principe de laïcité/neutralité. L'association a pour but de développer une action orientée vers la petite enfance en milieu défavorisé et d'oeuvrer pour l'insertion sociale et professionnelle des femmes du quartier ; elle s'efforce de répondre à l'ensemble des besoins collectifs émanant des familles, avec comme objectif la revalorisation de la vie locale, sur le plan professionnel, social et culturel sans distinction d'opinion politique ou confessionnelle. La crèche doit assurer une neutralité du personnel dès lors qu'elle a pour vocation d'accueillir tous les enfants du quartier quelle que soit leur appartenance culturelle ou religieuse. Ces enfants, compte tenu de leur jeune âge, n'ont pas à être confrontés à des manifestations ostentatoires d'appartenance religieuse. Le règlement intérieur, entré en vigueur le 15 juillet 2003, prévoit que le principe de la liberté de conscience et de religion de chacun des membres du personnel ne peut faire obstacle au respect des principes de laïcité et de neutralité qui s'appliquent dans l'exercice de l'ensemble des activités développées par Baby Loup, tant dans les locaux de la crèche ou ses annexes qu'en accompagnement extérieur des enfants confiés à la crèche.
2- Cass. soc., 19 mars 2013, n° 11-28.845, préc. : les principe de laïcité/neutralité ne s'appliquent pas en entreprise
La Cour de cassation écarte le principe de laïcité instauré par l'article 1er de la Constitution du champ des structures de droit privé : il n'est pas applicable aux salariés des employeurs de droit privé qui ne gèrent pas un service public. Il ne peut dès lors être invoqué pour les priver de la protection que leur assurent les dispositions du Code du travail. La solution, extrêmement commentée, n'est pas pour autant consensuelle. Elle n'a pas été reprise par la cour d'appel de Paris (arrêt rapporté).
3- Cour d'appel de Paris, 27 novembre 2013, sous examen : les principe de laïcité/neutralité s'appliquent aux entreprises "de conviction"
La cour d'appel de Paris avance une analyse que l'on ne retrouve ni dans le jugement du conseil de prud'hommes de Mantes-la-Jolie, ni dans l'arrêt rendu par la cour d'appel de Versailles, mais qui a été préconisée par l'avocat général, devant la Cour de cassation (6).
Une personne morale de droit privé, qui assure une mission d'intérêt général, peut dans certaines circonstances constituer une entreprise de conviction (autre appellation de l'"entreprise de tendance") au sens de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme et se doter de statuts et d'un règlement intérieur prévoyant une obligation de neutralité du personnel dans l'exercice de ses tâches.
L'association Baby Loup peut être qualifiée d'entreprise de conviction en mesure d'exiger la neutralité de ses employés. La formulation de cette obligation de neutralité dans le règlement intérieur, en particulier celle qui résulte de la modification de 2003, est suffisamment précise pour qu'elle soit entendue comme étant d'application limitée aux activités d'éveil et d'accompagnement des enfants à l'intérieur et à l'extérieur des locaux professionnels.
Cette qualification d'entreprise de tendance a été critiquée, notamment par l'Observatoire de la laïcité (Avis du 15 octobre 2013, p. 7) : les entreprises de tendance sont généralement regroupées dans un ensemble limitativement définis (partis politiques, des syndicats et des organismes confessionnels) ; la Directive européenne 2000/78 du 27 novembre 2000 (N° Lexbase : L3822AU4) a prévu des dispositions spécifiques pour les entreprises de tendance, mais la France n'a pas adopté de législation spécifique ; enfin, "la laïcité incarne la neutralité vis-à-vis du fait religieux. Or, l'entreprise de tendance requiert une adhésion du salarié à une idéologie, à une morale ou encore à une politique. C'est donc le contraire de la neutralité. La laïcité n'est pas une opinion ni une croyance mais une valeur commune". L'argument de l'Observatoire ne convainc pas totalement : la neutralité ne s'apprécie pas en tant que telle (c'est-à-dire, l'absence de position), in abstracto, mais rapportée à un contexte religieux. La "neutralité" se comprend, en réalité, comme une forme d'athéisme.
B - Dans quelle mesure le règlement intérieur peut-il contenir des restrictions aux droits fondamentaux ?
1- Possibilité de restreindre certains droits fondamentaux, encadrée par les textes
L'affaire Baby loup se situe, au regard de la technique juridique (outre ses implications sociales, religieuses, politiques, symboliques), à la croisée de plusieurs enjeux : l'objet du règlement intérieur (liberté de l'employeur d'encadrer l'exercice d'une religion dans l'entreprise) ; la protection des droits fondamentaux et la prohibition de toute discrimination.
Le législateur a fixé un régime juridique précis du règlement intérieur, dont les clauses ne peuvent apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ; ou discriminer les salariés dans leur emploi ou leur travail, en raison de leurs convictions religieuses (C. trav., art. L. 1321-3).
Outre ce régime du règlement intérieur, le législateur a mis en place des règles destinées à protéger les salariés contre toutes discriminations. D'abord, en ce que l'employeur ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché (C. trav., art. L. 1121-1). Ensuite, parce qu'aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié en raison de ses convictions religieuses (C. trav., art. L. 1132-1). Les différences de traitement sont permises, si elles répondent à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et pour autant que l'objectif soit légitime et l'exigence proportionnée (C. trav., art. L. 1133-1).
2 - Ces restrictions ne doivent pas être générales ou imprécises
La Cour de cassation (n° 11-28.845, préc.) a synthétisé le régime de la discrimination fondée sur les convictions religieuses, tel que mis en place par le législateur : les restrictions à la liberté religieuse doivent être justifiées par la nature de la tâche à accomplir, répondre à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et proportionnées au but recherché.
Pour apprécier la condition de validité d'une restriction à la liberté religieuse (c'est-à-dire, vérifier que les restrictions sont justifiées par la nature de la tâche à accomplir, répondent à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et proportionnées au but recherché), la Cour attend qu'elle ne soit ni générale, ni imprécise.
Or, en l'espèce, le règlement intérieur de l'association Baby Loup, en prévoyant que "le principe de la liberté de conscience et de religion de chacun des membres du personnel ne peut faire obstacle au respect des principes de laïcité et de neutralité qui s'appliquent dans l'exercice de l'ensemble des activités développées par Baby Loup, tant dans les locaux de la crèche ou ses annexes qu'en accompagnement extérieur des enfants confiés à la crèche", souffre du double handicap d'instaurer une restriction générale et imprécise.
Selon l'avocat général, le caractère de généralité des dispositions du règlement intérieur tient à ce qu'il soumet l'ensemble du personnel de la crèche à une obligation de laïcité et de neutralité, ce qui rend ces dispositions illicites parce que non justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché (7). Mais "il n'en aurait pas été de même si ce licenciement avait eu pour motif l'application justifiée d'un des critères restreignant la pratique religieuse, définis par le Code du travail et la jurisprudence et rappelés par la Cour de cassation elle-même".
Par exemple, la CEDH a jugé que l'ingérence dans le droit d'une salariée de manifester sa religion caractérisée par l'impossibilité de porter une croix de manière visible sur son lieu de travail est proportionnée et nécessaire, parce que l'interdiction du port de la croix pour une infirmière est fondé sur l'objectif légitime de protection de la santé et de la sécurité en milieu hospitalier (CEDH, 15 janvier 2013, n° 59842/10, arrêt en anglais, § 100) (8).
La cour d'appel de Paris (arrêt rapporté) ne partage pas du tout cette analyse. La formulation de cette obligation de neutralité dans le règlement intérieur est suffisamment précise pour qu'elle soit entendue comme étant d'application limitée aux activités d'éveil et d'accompagnement des enfants à l'intérieur et à l'extérieur des locaux professionnels. De plus, elle n'a pas la portée d'une interdiction générale puisqu'elle exclut les activités sans contact avec les enfants, notamment celles destinées à l'insertion sociale et professionnelle des femmes du quartier qui se déroulent hors la présence des enfants confiés à la crèche.
II - Issue incertaine
Sollicité par un député (9) sur la volonté du Gouvernement de réagir, la réponse a été prospective (mise en place d'un Observatoire de la laïcité, le 8 avril 2013) et finalement circonspecte ("si des cas soulevant des difficultés sont observés, ils sont néanmoins peu nombreux, le dialogue permettant dans la très grande majorité des cas de régler les questions soulevées"). Institutions et parlementaires ne partagent pas la même analyse. Il est donc très délicat d'anticiper la solution qui sera retenue par l'Assemblée plénière de la Cour de cassation, quand elle se prononcera, le moment venu, sur cette affaire "Baby Loup" ; surtout, le droit positif pourrait évoluer, sous l'impulsion du législateur, tenté de légiférer ; mais cette voie n'est pas consensuelle.
A - Propositions du CESE
Le Conseil économique, social et environnemental a apporté sa contribution au débat, mais elle paraît bien modeste.
Le CESE s'est en effet contenté de recommander :
- que les règles de droits applicables soient rappelées par la voie d'une circulaire de la Direction générale du travail (DGT) et déclinées sous forme de fiches techniques (recommandation 1) ;
- que les chefs d'entreprise et les DRH anticipent les demandes d'absence pour motif religieux de leurs salariés. Le calendrier des fêtes religieuses des différentes confessions devrait leur être communiqué chaque année, de façon officielle, afin que les demandes de congés correspondantes puissent être instruites dans les meilleures conditions (recommandation 2) ;
- de prendre en compte le cas des structures privées des secteurs social, médicosocial et de la petite enfance. Le CESE constate qu'aucune réponse de nature juridique adaptée n'a été trouvée à ce jour. Les difficulté rencontrées par des associations dans la conduite de projets associatifs d'intérêt général ne peuvent être ignorées : ces structures privées doivent se doter de moyens de régulation interne nécessaires à la conduite de projets fondés sur la volonté de tisser du lien social dans le respect de toutes les différences (recommandation n° 3) ;
- de communiquer sur la possibilité de recourir au Défenseur des droits (recommandation n° 4) ;
- que les institutions représentatives du personnel prennent toute leur place dans la régulation de la liberté religieuse sur les lieux de travail. Selon le CESE, le dialogue social devrait permettre de prévenir et de traiter la plupart des difficultés qui peuvent survenir du fait de l'expression des convictions et de l'accomplissement de rites religieux sur le lieu de travail (recommandation n° 5) ;
- de mettre l'accent sur des actions de formation continue qui s'adresseraient prioritairement aux managers de terrain et aux représentants des salariés (recommandation n° 6) ;
- enfin, de diffuser et mutualiser les bonnes pratiques entre les entreprises, à partir d'un site public d'information officielle (recommandation n° 7).
B - Autres propositions
Un certain nombre d'institutions se sont prononcées : le Haut conseil à l'intégration (avis relatif à l'expression religieuse et à la laïcité en entreprise, 6 septembre 2011) ; la Commission nationale consultative des droits de l'Homme (avis sur le port du voile intégral, 21 janvier 2010) ; la Halde (délibération relative aux règles fixées par la loi et la jurisprudence pour l'expression religieuse dans l'entreprise, 6 avril 2009 N° Lexbase : X7282AEG ; délibération relative à une clause du règlement intérieur d'une entreprise visant à règlementer les tenues vestimentaires et le port de signes religieux du 26 janvier 2009 N° Lexbase : X7285AEK ; délibération n° 2011-67 du 28 mars 2011 (10)) ou enfin, la Commission nationale consultative des droits de l'Homme (avis du 26 septembre 2013, allant dans le sens d'une opposition à l'adoption d'une loi visant à renforcer le principe de laïcité).
1 - Observatoire de la laïcité
L'Observatoire de la laïcité s'est prononcé, le 25 juin 2013, en défaveur d'une loi visant à instaurer la laïcité dans les crèches privées. Surtout, l'Observatoire de la laïcité a adopté un avis, le 15 octobre 2013 (11), par lequel il a exprimé son opposition à l'adoption d'une loi visant à étendre le principe de neutralité dans ces structures ou à une réécriture de l'article L. 1121-1 du Code du travail en vue d'intégrer des motifs supplémentaires justifiant les restrictions à la liberté religieuse, en raison notamment du risque d'inconstitutionnalité. L'Observatoire a recommandé d'édicter une circulaire interministérielle rappelant l'état du droit positif sur le sujet, qui permet déjà de limiter l'expression religieuse, dès lors la mesure est justifiée et proportionnée.
2- Assemblée nationale et Sénat
Le législateur est intervenu, dans le débat, à de nombreuses reprises. Il faudrait mentionner :
- la résolution du 31 mai 2011, n° 672 ;
- la proposition de loi, déposée par F. Laborde, visant à étendre l'obligation de neutralité aux structures privées en charge de la petite enfance et à assurer le respect du principe de laïcité, du 25 octobre 2011. Cette proposition de loi, adoptée en première lecture par le Sénat, le 17 janvier 2012, et transmise à l'Assemblée nationale le 2 juillet 2012, n'a toujours pas été examinée en commission. Ce texte prévoit que les établissements et services accueillant des enfants de moins de six ans et bénéficiant d'une aide financière publique seraient soumis à une obligation de neutralité en matière religieuse, tout comme les assistants maternels employés par des particuliers, sauf disposition contraire du contrat de travail.
Transmise à l'Assemblée nationale initialement le 18 janvier 2013, la proposition de loi a été de nouveau transmise le 2 juillet 2013. L'Observatoire de la laïcité note que le principe de neutralité serait, ici, pour la première fois étendu en dehors de la sphère publique et du service public et de ses délégataires. La proposition de loi risque une condamnation de la CEDH voire d'une censure du Conseil constitutionnel (avis de l'Observatoire de la laïcité sur la définition et l'encadrement du fait religieux dans les structures qui assurent une mission d'accueil des enfants, 15 octobre 2013, p. 7).
- la proposition de loi du 16 janvier 2013 (déposée par R.-G. Schwartzemberg et alii), visant à étendre l'obligation de neutralité à certaines personnes ou structures privées accueillant des mineurs et à assurer le respect du principe de laïcité. Renvoyée à la commission des lois, ce texte vise à introduire une obligation de neutralité dans les dispositifs législatifs relatifs à la qualification professionnelle et à l'agrément des personnes habilitées à accueillir de jeunes enfants ;
- la proposition de loi n° 1027 (présentée par J. Myard) du 15 mai 2013, visant à assurer le principe de laïcité dans les entreprises privées, renvoyée à la commission des lois. Le député propose un nouvel article L. 1121-1 bis du Code du travail, selon lequel au sein de l'entreprise, afin de préserver l'harmonie sociale, tout salarié s'abstient du port de signe ou tenue vestimentaire ostensible d'appartenance religieuse. Il s'abstient également de toute manifestation d'activités affichant une appartenance religieuse. Le règlement intérieur de l'entreprise mentionne expressément l'obligation de neutralité en matière de croyances à cette fin. Le présent article ne s'applique pas aux entreprises à vocation confessionnelle ;
- Enfin, la proposition de loi n° 998 (C. Jacob et alii) du 24 avril 2013, relative au respect de la neutralité religieuse dans les entreprises et les associations (12). La proposition de loi ne retient pas la solution juridique trouvée au Sénat (supra). Plutôt que d'étendre l'application du principe de laïcité à certaines entreprises et associations, lorsqu'elles bénéficient d'une aide financière publique, elle préfère permettre aux chefs d'entreprises de réglementer le port de signes et les pratiques manifestant une appartenance religieuse sur le lieu de travail.
(1) E. Arnoult-Brill et G. Simon (rapporteurs), au nom de la section du travail et de l'emploi, Le fait religieux dans l'entreprise, Avis du Conseil économique, social et environnemental, Mandature 2010-2015, Séance 12 novembre 2013.
(2) Liaisons Sociales Quotidien n° 16476 du 28 novembre 2013 ; M. Peyronnet, Baby-Loup : passage en force des juges d'appel, D. actualité, 28 novembre 2013 ; P. Mbongo, L'"entreprise de tendance laïque" au secours de la cour d'appel de Paris dans l'affaire Baby-Loup, Zoom, JCP éd. G, n° 49, 2 décembre 2013, 1272.
(3) Licenciement pour port d'un voile : "une pierre à l'édifice de la laïcité" - Questions à R. Malka, Lexbase Hebdo n° 421 du 16 décembre 2010 - édition sociale (N° Lexbase : N8427BQ8).
(4) P. Adam, La crèche et (l')au-delà..., SSL, n° 1527, Sup. 27 février 2012 ; M. Hautefort, Le droit à la laïcité crée-t-il une limite à la liberté d'exprimer ses opinions religieuses ?, JSL, n° 293 du 10 février 2011.
(5) B. Aldigé, Le champ d'application de la laïcité : la laïcité doit-elle s'arrêter à la porte des crèches ?, D., 2013 p. 956 (conclusions de l'avocat général) ; D. Corrignan-Carsin, Entre laïcité et liberté religieuse, l'art difficile du compromis, JCP éd. G, n° 19, 6 mai 2013, 542 ; I. Desbarats, Affaire Baby Loup : laïcité fragilisée ou liberté religieuse renforcée ?, JCP éd. S, n° 29, 16 juillet 2013, 1297 ; F. Dieu, Le principe de laïcité s'impose à tous les employés des services publics, JCP éd. S, n° 29, 16 juillet 2013, 1298 ; B. Gauriau, La Cour de cassation soulève le voile qui recouvre la question de la laïcité, Lexbase Hebdo n° 522 du 4 avril 2013 - édition sociale (N° Lexbase : N6484BTC) ; E. Dockès, Liberté, laïcité, Baby Loup : de la très modeste et très contestée résistance de la Cour de cassation face à la xénophobie montante, Dr. soc., mai 2013, p. 144 ; J.-B. Vila, Le juge judiciaire, les libertés individuelles, la laïcité et la neutralité, JCP éd. A, n° 18, 29 avril 2013, 2132.
(6) B. Aldigé, D., 2013 p. 956, préc..
(7) N. Cadène, Point d'étape sur les travaux de l'Observatoire de la laïcité, 25 juin 2013, préc., p. 48.
(8) Nos obs., Convictions religieuses du salarié vs Pouvoir de direction de l'employeur : un arbitrage de la CEDH nuancé, Lexbase Hebdo n° 515 du 7 février 2013 - édition sociale (N° Lexbase : N5652BTI).
(9) E. Woerth, Question n° 23126, Question publiée au JO le 2 avril 2013, p. 3502, Réponse publiée au JO le 3 septembre 2013, p. 9331 (N° Lexbase : L5978IY3).
(10) LSQ, n° 15827 du 31 mars 2011.
(11) LSQ, n° 16448 du 17 octobre 2013.
(12) E. Ciotti, Rapport Assemblée nationale n° 1084, 29 mai 2013.
Décision
CA Paris, Pôle 6, 9ème ch., 27 novembre 2013, n° 13/02981 (N° Lexbase : A2218KQ9). Textes concernés : C. trav., art. L. 1121-1 (N° Lexbase : L0670H9P), L. 1132-1 (N° Lexbase : L8834ITD), L. 1133-1 (N° Lexbase : L0682H97) et L. 1321-3 (N° Lexbase : L8833ITC). Mots-clés : employeur ; pouvoir de direction ; étendue ; restriction aux libertés fondamentales ; restriction à la liberté religieuse ; principe de laïcité ; organisme de droit privé ne gérant pas un service public ; règlement intérieur. Liens base : (N° Lexbase : E2668ETY). |
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Réf. : Rapport "Bailly" visant à l'amélioration du dispositif légal relatif au travail dominical
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Le 05 Décembre 2013
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Réf. : Lire le communiqué de presse du Conseil des ministres du 27 novembre 2013
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Le 05 Décembre 2013
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Réf. : TGI Paris, 3ème ch., 28 novembre 2013, n° 11/60013 (N° Lexbase : A4052KQ7)
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Le 06 Décembre 2013
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Réf. : CE référé, 27 novembre 2013, n° 373300, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A2784KQ8)
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N9729BTI
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Le 07 Décembre 2013
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Réf. : Cass. soc., 26 novembre 2013, n° 12-20.426, FS-P+B (N° Lexbase : A4638KQT)
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Le 11 Décembre 2013
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Réf. : Loi relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance financière
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N9658BTU
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par Frédéric Dal Vecchio, Avocat à la Cour, Docteur en droit, Chargé d'enseignement à l'Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines
Le 05 Décembre 2013
I - Dispositions intéressant les entreprises
Les dispositions intéressant les entreprises ont trait aux prix de transfert (A), aux nouvelles obligations imposées aux concepteurs de logiciels et de systèmes de caisse (B), à la vérification de comptabilité des PME (C), à la prescription de la lutte contre l'évasion fiscale internationale des entreprises (D), à la modification du délai d'opposition des créanciers lors d'une opération de dissolution-confusion (E), à l'utilisations des données illicites afin de "sécuriser" -ce qui signifie, du point de vue de Bercy, que les contribuables auront encore plus de difficulté à faire valoir leurs droits-, et aux procédures de contrôle (F).
A - Prix de transfert : transmission de la documentation
Certaines personnes morales (3) sont assujetties à une obligation de tenir, à la disposition de l'administration fiscale, une documentation quant aux prix de transfert permettant de justifier la politique pratiquée dans le cadre de transactions de toute nature réalisées avec des entités liées. Un pas supplémentaire est franchi en leur imposant désormais de fournir, dans les six mois qui suivent l'échéance des déclarations prévues pour l'assiette de l'impôt, les documents suivants :
- des informations générales sur les entreprises associées, c'est-à-dire une description générale de l'activité déployée, la liste des principaux actifs incorporels détenus, une description générale de la politique de prix de transfert du groupe et les changements intervenus au cours de l'exercice ;
- des informations spécifiques concernant l'entreprise, c'est-à-dire une description de l'activité déployée, un état récapitulatif des opérations réalisées avec d'autres entreprises associées, une présentation des méthodes de détermination des prix de transfert dans le respect du principe de pleine concurrence ainsi que les éventuels changements intervenus au cours de l'exercice.
B - Concepteurs et éditeurs de logiciels de comptabilité, de gestion ou de caisse
Les concepteurs et éditeurs de logiciels de comptabilité, de gestion ou de caisse se voient imposer de nouvelles obligations à la suite de procédures de vérification de comptabilité ayant révélé des irrégularités concernant, notamment, les pharmaciens (CAA Bordeaux, 4ème ch., 31 janvier 2013, n° 11BX03426, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A9577I7T) lors des opérations "Caducée" dont la presse grand public s'est fait l'écho (4). Le droit de communication de l'administration fiscale est étendu (LPF, art. L. 96 J, nouveau) à ces entreprises qui conçoivent ou éditent des logiciels de comptabilité et qui seront tenues de présenter à l'administration fiscale sur sa demande, tous codes, données, traitements ou documentation qui s'y rattacheront. Ces informations seront conservées jusqu'à l'expiration de la troisième année suivant celle au cours de laquelle le logiciel ou le système de caisse a cessé d'être diffusé, étant entendu que cette obligation s'applique aux logiciels en cours de diffusion lors de l'entrée en vigueur de la loi du 5 novembre 2013 (LPF, art. L. 102 D, nouveau). Des sanctions sont prévues en cas de manquement (infra : II A).
C - Vérification de comptabilité des PME
Lors d'une vérification de comptabilité d'une entreprise ou d'un contribuable exerçant une activité industrielle ou commerciale dont le chiffre d'affaires est inférieur à 1 526 000 euros (5) ou 460 000 euros (6), l'administration fiscale, ayant préalablement adressé une proposition de rectification, doit répondre aux observations du contribuable dans un délai de soixante jours (LPF, art. L. 57 A N° Lexbase : L5446H9L). En l'absence de réponse de l'administration, le service est réputé avoir accepté les observations du contribuable. La loi du 5 novembre 2013 prévoit d'écarter ces dispositions en cas de graves irrégularités privant de valeur probante la comptabilité, ainsi que pour les personnes morales et les sociétés en participation à l'actif desquelles sont inscrits des titres de placement ou de participation pour un montant total égal ou supérieur à 7 600 000 euros.
D - Prescription et lutte contre l'évasion fiscale internationale des entreprises
Le régime de la prescription est aménagé lorsque l'administration a, dans le délai initial de reprise, demandé à un autre Etat des renseignements concernant un contribuable dans le cadre de la lutte contre l'évasion fiscale internationale des entreprises (CGI, art. 57 N° Lexbase : L3365IGQ ; CGI, art. 209 B N° Lexbase : L9422IT7). Elle peut alors réparer les omissions ou les insuffisances d'imposition afférentes à cette demande, même si le délai initial de reprise est écoulé, jusqu'à la fin de l'année qui suit celle de la réception de la réponse et, au plus tard, jusqu'au 31 décembre de la troisième année suivant celle au titre de laquelle le délai initial de reprise est écoulé. Cependant, ces dispositions ne sont applicables que si le contribuable a été informé de l'existence de la demande de renseignements dans le délai de soixante jours suivant son envoi, ainsi que de l'intervention de la réponse de l'administration étrangère dans le délai de soixante jours suivant sa réception par l'administration française.
E - Dissolution-confusion : modification du délai d'opposition des créanciers
Les dispositions relatives à la dissolution-confusion (C. civ., art. 1844-5 N° Lexbase : L2025ABM), parfois appelée à tort "TUP", alors que la transmission universelle de patrimoine est l'une des conséquences de l'opération projetée que l'on retrouve également notamment à la suite d'une fusion ou d'une scission, sont modifiées afin de permettre aux créanciers de faire valoir leur droit d'opposition à la dissolution pendant une durée de soixante jours, et non plus de trente jours jusqu'alors.
NDLR : le Conseil constitutionnel a censuré, après s'être saisi d'office de l'article 29 de la loi, cette disposition. Elle n'a en effet aucun rapport, même indirect, avec l'objet de la loi.
F - Utilisations des données illicites afin de sécuriser les procédures de contrôle
Le LPF est modifié afin de permettre l'utilisation des documents, pièces ou informations qui ne peuvent être écartés au seul motif de leur origine (LPF, art. L. 10-0 AA, nouveau). Il s'agit, par conséquent, de briser la jurisprudence de la Chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation (Cass. com., 31 janvier 2012, n° 11-13.097, FS-P+B N° Lexbase : A9002IBZ ; P. Neau-Leduc, Bien mal acquis ne profite pas : la parabole du fichier volé, RTD com., 2012, p. 419), qui a considéré que des documents ayant une origine illicite -provenant en l'espèce d'un vol de fichiers informatiques commis par un salarié d'un établissement bancaire- entraînait l'annulation des autorisations des visites domiciliaires (LPF, art. L. 16 B N° Lexbase : L0277IW8). Le deus ex machina législatif permet désormais l'utilisation de tels documents, pièces ou informations pour l'ensemble des procédures de contrôle de l'impôt telles qu'elles figurent au Titre II du LPF. Pour certaines d'entre elles, dont la visite domiciliaire, le législateur a pris des précautions à l'égard du juge constitutionnel et conventionnel, en autorisant le juge des libertés et de la détention à prendre en compte, "à titre exceptionnel", ces documents, pièces ou informations s'il "apparaît que leur utilisation par l'administration est proportionnée à l'objectif de recherche et de répression des infractions prévues par le CGI". On s'interroge lorsque l'on connaît la pratique de la visite domiciliaire, caractérisée par des décisions judiciaires consistant en des ordonnances d'autorisation prérédigées par l'administration fiscale et rendues dans un laps de temps si court que les justiciables peuvent s'interroger sur l'effectivité du contrôle du juge (Cass. com., 14 décembre 2010, n° 10-13.601, F-D N° Lexbase : A2743GNW ; F. Martinet, Impartialité du juge et visites domiciliaires (LPF, art. L. 16 B) : Don Quichotte manque sa charge, Dr. fisc., 2011, comm. 135). Seul lot de consolation pour les avocats : l'application des dispositions relatives aux perquisitions (C. pr. pén., art. 56-1 N° Lexbase : L3557IGT) lors de visites domiciliaires au sein de leur cabinet ou de leur domicile, ou bien des locaux des caisses de règlement pécuniaire des avocats.
NDLR : le Conseil constitutionnel, par sa décision du 4 décembre 2013, a émis une réserve d'interprétation sur les articles 37 et 39. Ces derniers ne peuvent pas permettre aux services fiscaux et douaniers de se prévaloir de pièces ou documents obtenus par une autorité administrative ou judiciaire dans des conditions ultérieurement déclarées illégales par le juge. Par ailleurs, les articles 38 et 40, relatifs aux visites et saisies fondées sur des documents d'origine illégale, sont déclarés contraires à la Constitution, pour atteinte à la vie privée.
II - Renforcement des sanctions
Seront évoqués de nouvelles sanctions à l'encontre des concepteurs et éditeurs de logiciels de comptabilité ou de caisse (A), mais également un renforcement de la répression en matière de fraude fiscale (B), d'impôt de solidarité sur la fortune (C) et pour les impôts directs (D).
A - Concepteurs, éditeurs et distributeurs de logiciels de comptabilité, de gestion ou de caisse
Les sanctions qui vont pleuvoir sur les concepteurs, les éditeurs et les distributeurs de logiciels ou les systèmes de caisse sont multiples (CGI, art. 1770 undecies, nouveau).
En premier lieu, en cas de manquement aux obligations de communication et de conservation des codes, données, traitements et de la documentation, une amende égale à 1 500 euros par logiciel ou système de caisse vendu ou par client pour lequel une prestation a été réalisée dans l'année sera appliquée.
En deuxième lieu, ces concepteurs et éditeurs seront passibles d'une amende égale à 15 % du chiffre d'affaires provenant de la commercialisation de ces logiciels ou systèmes de caisse ou des prestations réalisées, lorsque leurs caractéristiques auront permis, par une manoeuvre destinée à égarer l'administration, l'enregistrement d'écritures comptables inexactes ou fictives (CGI, art. 1743 N° Lexbase : L3101IQW) en modifiant, supprimant ou altérant un enregistrement stocké ou conservé au moyen d'un dispositif électronique, sans préserver les données originales. Les distributeurs de ces produits ne seront pas oubliés puisque l'amende de 15 % du chiffre d'affaires les concernera tout autant s'ils savent, ou ne peuvent ignorer, qu'ils présentent les caractéristiques mentionnées ci-dessus.
En troisième et dernier lieu, un mécanisme de solidarité est inséré dans le CGI pour le paiement des droits rappelés mis à la charge des entreprises qui se servent de ces logiciels et systèmes de caisse dans le cadre de leur exploitation et correspondant à l'utilisation de ces produits.
B - Fraude fiscale
Les peines encourues lorsqu'une personne est convaincue de fraude fiscale (CGI, art. 1741 N° Lexbase : L3741IY9) sont de 500 000 euros, pouvant être portées à 750 000 euros ou 1 000 000 d'euros, et un emprisonnement de cinq ans. La loi du 5 novembre 2013, aujourd'hui devant les Sages du Conseil constitutionnel, prévoit que les peines seront portées à 2 000 000 d'euros et sept ans d'emprisonnement lorsque les faits auront été commis en bande organisée ou réalisés ou facilités au moyen de comptes ouverts ou de contrats souscrits auprès d'organismes établis à l'étranger ; en interposant des personnes physiques ou morales ou de tout organisme, fiducie ou institution comparable établis à l'étranger ; en faisant usage d'une fausse identité ou de faux documents notamment ; en recourant à une domiciliation fiscale fictive ou artificielle à l'étranger ; ou en utilisant un acte fictif ou artificiel ou en interposant une entité fictive ou artificielle. Toutefois, les repentis verront la durée de la peine privative de liberté réduite de moitié s'ils ont permis d'identifier les autres auteurs et complices après avoir averti l'autorité administrative ou judiciaire. Outre le débat passionné entre, d'une part, les tenants du civisme et, d'autre part, ceux qui y voient un acte de délation aux relents tristement vichyssois et que l'on retrouve pour les lanceurs d'alerte dont l'intervention est protégée par cette nouvelle loi (7), on rappellera que, jusqu'à l'adoption de la loi du 5 novembre 2013, les poursuites judiciaires pour fraude fiscale, dont le délai de prescription sera désormais de six ans au lieu de trois (LPF, art. L. 230 N° Lexbase : L8325AE3), sont statistiquement faibles et stables puisqu'une plainte pour fraude fiscale ne peut être déposée qu'après un avis conforme de la Commission des infractions fiscales et que le parquet ne peut pas passer outre (8), malgré une évolution proposée par la Commission des finances du Sénat qui n'a pas été suivie. Cependant, il n'y a pas eu en France, jusqu'à aujourd'hui, de tradition d'enfermement systématique des contribuables convaincus de fraude fiscale qui, hormis la récidive ou la fuite, écopent généralement de faibles condamnations avec du sursis eu égard à la culture française considérant que la fraude fiscale menace moins l'ordre social qu'un vol de mobylette : si la loi fiscale française peut paraître sévère, sur le papier, elle ne vaut pas, dans son application, la loi fédérale américaine autrement plus coercitive à l'égard des personnes condamnées pour fraude fiscale. Seul l'avenir nous indiquera si les temps changeront réellement pour ces contribuables, d'autant qu'un procureur financier verra le jour au plus tard le 1er février 2014 (pour en savoir plus sur le procureur de la République financier, lire l'interview de Marc Amblard, Avocat gérant du cabinet Amblard N° Lexbase : N9652BTN) compétent, en ce qui concerne le droit fiscal, quant au délit de fraude fiscale en bande organisée ou son blanchiment.
Enfin, on signalera par ailleurs la réforme de la composition de la Commission des infractions fiscales (9) (LPF, art. L. 228 N° Lexbase : L0270IWW) ; réforme qui ne porte toujours pas sur la possibilité pour un contribuable d'y être entendu.
C - ISF : Relèvement des sanctions
La loi du 5 novembre 2013 relève les sanctions prévues par le CGI en matière d'impôt de solidarité sur la fortune dû au titre de l'année 2014, en portant la majoration de 10 % à 40 % lorsque le dépôt fait suite à la révélation d'avoirs à l'étranger qui n'ont pas fait l'objet des obligations déclaratives prévues par la loi.
D - Impôts directs : relèvement des amendes
L'article 1763 du CGI (N° Lexbase : L0315IWL) prévoit une amende égale à 5 % des sommes omises concernant la production et le caractère inexact ou incomplet de certains documents, tels que le tableau des provisions ou le relevé détaillé de certaines dépenses par exemple, devant être souscrits par les contribuables relevant d'un régime réel d'imposition. Le législateur complète l'arsenal des sanctions par une amende de 1 500 euros, ou 10 % des droits rappelés si ce dernier montant est plus élevé, pour chaque manquement constaté par personne ou groupement de personnes au titre d'un exercice, le défaut de réponse ou la réponse partielle à une mise en demeure de produire les listes des personnes ou groupements de personnes de droit ou de fait prévues en application des articles 53 A (N° Lexbase : L1571HLR), 172 (N° Lexbase : L2878HL8), 172 bis (N° Lexbase : L2880HLA) et 223 (N° Lexbase : L4728IC4) du CGI. De plus, dans l'hypothèse d'un défaut de réponse ou une réponse partielle à une mise en demeure de produire les obligations déclaratives prévues par l'article 209 B du CGI (N° Lexbase : L9422IT7), le législateur introduit (CGI, art. 1763 A, nouveau) une amende de 1 500 euros, pour chaque manquement constaté par entité au titre d'un exercice, ou de la majoration de 40 % (CGI, art. 1728 1. B N° Lexbase : L1715HNT) notamment si l'application de cette majoration aboutit à un montant supérieur.
(1) La Terreur fiscale et la nouvelle loi des suspects, Ch. Charrière-Bournazel, 17 juin 2013.
(2) Michel Crozier, Le phénomène bureaucratique, Seuil, coll. : Points Essais.
(3) "I - Les personnes morales établies en France : a) Dont le chiffre d'affaires annuel hors taxes ou l'actif brut figurant au bilan est supérieur ou égal à 400 millions d'euros, ou b) Détenant à la clôture de l'exercice, directement ou indirectement, plus de la moitié du capital ou des droits de vote d'une entité juridique -personne morale, organisme, fiducie ou institution comparable établie ou constituée en France ou hors de France- satisfaisant à l'une des conditions mentionnées au a, ou c) Dont plus de la moitié du capital ou des droits de vote est détenue, à la clôture de l'exercice, directement ou indirectement, par une entité juridique satisfaisant à l'une des conditions mentionnées au a, ou d) (Périmé) e) Appartenant à un groupe relevant du régime fiscal prévu à l'article 223 A du même code lorsque ce groupe comprend au moins une personne morale satisfaisant l'une des conditions mentionnées aux a, b, c ou d, doivent tenir à disposition de l'administration une documentation permettant de justifier la politique de prix de transfert pratiquée dans le cadre de transactions de toute nature réalisées avec des entités juridiques liées au sens du 12 de l'article 39 du même code établies ou constituées hors de France, ci-après désignées par les termes : entreprises associées'", LPF, art. L. 13 AA (N° Lexbase : L9700IW8).
(4) Notamment : Sud-Ouest, 2 mars 2013 ; Charente Libre, 8 novembre 2012 ; Capital, émission diffusée sur M6 le 17 novembre 2013.
(5) Entreprises dont le commerce principal est de vendre des marchandises, objets, fournitures et denrées à emporter ou à consommer sur place ou de fournir le logement.
(6) Autres entreprises ou contribuable se livrant à une activité non commerciale dont le chiffre d'affaires ou le montant annuel des recettes brutes est inférieur à 460 000 euros.
(7) C. trav., art. L. 1132-3-2, nouveau ; C. pr. pén., art. 40-6, nouveau ; loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, art. 6 ter A, nouveau.
(8) Seule est concernée l'infraction de fraude fiscale : le parquet retrouve son initiative d'action en cas d'escroquerie ou en matière de blanchiment de fraude fiscale par exemple.
(9) On ajoutera que la CIF devra élaborer un rapport annuel à l'attention du Gouvernement quant à son activité (LPF, art. L. 228 B, nouveau).
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Réf. : Cass. civ. 3, 23 octobre 2013, n° 12-24.919, FS-P+B (N° Lexbase : A4585KN7)
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par Estelle Chevalier, Avocat au barreau de Toulouse, Cabinet Depuy et Séverin Jean, Maître de conférences à l'Université Toulouse I Capitole (EA 1919 IEJUC)
Le 05 Décembre 2013
La Cour de cassation, au visa de l'article 1382 du Code civil (N° Lexbase : L1488ABQ), répondit par la négative considérant que la faute résultant de la violation d'une règle d'urbanisme pouvait s'établir par tous moyens. Les signataires sont frappés par la simplicité de la solution alors que l'espèce semblait beaucoup plus complexe. En réalité, les juges du fond, sans jamais l'avouer, ont tenté de transposer -en raison de l'existence d'un certificat de conformité- une disposition bien connue lorsque les travaux sont conformes au permis de construire : l'article L. 480-13 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L3525HZL). Ce dernier neutralise l'action en responsabilité civile pour faute lorsque l'illégalité du permis de construire n'a pas été déclarée préalablement par le juge administratif (I). Or, la Cour de cassation, à bon droit, libère l'action en responsabilité civile pour faute de l'emprise de l'article L. 480-13 du code précité considérant implicitement que le certificat de conformité ne fait pas disparaître la non-conformité réelle des travaux au permis de construire (II).
I - La neutralisation apparente d'une action en responsabilité pour faute : le jeu de l'article L. 480-13 du Code de l'urbanisme
Si la cour d'appel est censurée par la Cour de cassation, c'est sans doute parce qu'elle rejette toute action en responsabilité sur le fondement de l'article 1382 du Code civil (B) en appliquant inopportunément l'article L. 480-13 du Code de l'urbanisme en raison de l'existence d'un certificat de conformité (A).
A - Le certificat de conformité ou l'apparente conformité des travaux au permis de construire
La présente espèce nous conduit à s'interroger sur la valeur du certificat de conformité, disparu au profit de l'attestation de non-contestation de la conformité des travaux à la suite de l'ordonnance du 8 décembre 2005 (3) et son décret d'application du 5 janvier 2007 (4).
Le certificat de conformité (5) est délivré par l'autorité administrative compétente (6) si les services instructeurs jugent les travaux conformes au permis de construire, étant précisé que le contrôle des travaux est limité à "l'implantation des constructions, leur destination, leur nature, leur aspect extérieur, leurs dimensions et l'aménagement de leurs abords" (7).
La jurisprudence civile semble donner une valeur importante au certificat de conformité. Ainsi par exemple, la Cour de cassation a-t-elle pu préciser que la cour d'appel de Basse-Terre n'avait pas excédé ses pouvoirs "en constatant la conformité de la construction litigieuse au permis de construire et aux règles d'urbanisme, et ce, au vu du certificat de conformité délivré" (8). Cette solution sera reprise en 2005 par la troisième chambre civile qui viendra préciser que la cour d'appel ne pouvait condamner à la démolition de la partie de la construction non conforme aux plans du permis de construire et à des dommages et intérêts, "alors qu'elle avait constaté que les permis de construire n'avaient pas été annulés et qu'un certificat de conformité des travaux avec ces permis avait été délivré" (9). Décision d'autant plus remarquable, qu'elle a été rendue au visa de la loi des 16 et 24 août 1790 et du décret du 16 fructidor an III impliquant la séparation des ordres juridictionnels administratifs et judiciaires. Si cet arrêt n'a pas manqué de surprendre la doctrine (10), il n'en demeure pas moins que cette position a été confirmée par la première chambre civile le 4 mai 2011 (11).
Dans l'espèce qu'il nous est donné à commenter, les juges du fond se sont bornés à constater que, conformément à l'arrêt de la Cour de cassation du 4 mai 2011 précité, la décision administrative que constitue le certificat de conformité prévaut sur tout autre mode de preuve (un rapport d'expertise établissait pourtant les non-conformités !), et que, par suite, sa délivrance et le fait qu'il n'ait pas été contesté justifie qu'aucune violation des règles d'urbanisme ne saurait être reprochée au voisin du requérant. Il résulte de tout ce qui précède qu'en présence d'un certificat de conformité, aucune responsabilité civile ne peut être retenue pour violation de la règlementation d'urbanisme, le juge judiciaire étant tenu par ce certificat qu'il ne peut remettre en cause.
Nous ne pouvons que nous interroger sur la possibilité de transposer le raisonnement des juges du fond à une espèce soumise aux nouvelles dispositions de la déclaration d'achèvement et de conformité des travaux. En effet, si la conformité des travaux est désormais examinée au regard de l'autorisation d'urbanisme sans autre précision (12) et doit donc être comprise plus largement que le contrôle effectué dans le cadre du régime du certificat de conformité, il est à noter qu'un doute subsiste quant à la valeur des attestations de non contestation de la conformité qui, selon les cours administratives d'appel sont ou non des décisions susceptibles de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir (13).
Cette valeur reconnue au certificat de conformité, contestable, semble découler de l'application de l'article L. 480-13 du Code de l'urbanisme et d'une lecture étonnante de ses dispositions.
B - La lecture combinée mais erronée du certificat de conformité et des dispositions de l'article L. 480-13 du Code de l'urbanisme
L'article L. 480-13 du Code de l'urbanisme, sous l'empire de son ancienne rédaction (14), empêchait l'immixtion du juge judiciaire dans un des domaines réservés du juge administratif, celui de l'appréciation de la légalité des actes administratifs et, sous certaines réserves tenant à la clarté de l'acte, celui de l'interprétation des actes administratifs individuels (15). Ainsi, en application de ces dispositions, en cas de conformité des travaux au permis de construire, la condamnation du propriétaire par le juge judiciaire pour violation de la règlementation d'urbanisme ne peut intervenir que dans deux hypothèses : la première correspondant aux cas d'annulation du permis de construire par le juge de l'excès de pouvoir, la seconde tenant à la déclaration de l'illégalité du permis de construire par un magistrat de l'ordre administratif saisi, en ce cas, par le biais d'une question préjudicielle.
En l'espèce, les juges du fond excluent toute action en responsabilité délictuelle pour faute en se fondant implicitement -volontairement ou non- sur les dispositions de l'article L. 480-13 du Code de l'urbanisme. En effet, bien que les travaux réalisés ne soient pas conformes au permis de construire pour le juge judiciaire, le certificat de conformité empêche toute reconnaissance de faute et toute appréciation des travaux. Les conclusions d'experts judiciaires sont ainsi écartées au profit d'un simple acte administratif se bornant à constater la conformité des travaux au permis de construire. Au-delà d'un simple rapprochement terminologique, l'article L. 480-13 venant sanctionner la méconnaissance de la règle d'urbanisme des constructions édifiées "conformément" au permis de construire, il nous semble que cette lecture combinée avec le certificat de conformité résulte d'une interprétation contestable réalisée par les juges du fond, le texte n'imposant aucunement, pour que la construction puisse être regardée ou non comme conforme, l'obtention d'un certificat de conformité.
Plus encore, par cette lecture "abusive", il semble aux signataires que le raisonnement de la cour d'appel impliquerait que le requérant sollicite une question préjudicielle pour déterminer la légalité du permis de construire, légalité qui n'est pourtant pas mise en cause puisque ce sont les travaux qui ne sont ni conformes au permis de construire, ni conformes à la règlementation d'urbanisme ! Dans la mesure où les arrêts de la Cour de cassation de 2005 et 2011 se fondent sur les textes impliquant la séparation des ordres juridictionnels et où l'arrêt de 2005 rappelle que le permis de construire n'a pas été annulé, cela confirmerait bien qu'une question préjudicielle devrait être posée, alors même que seule la réalisation de travaux est contestée par les requérants.
La valeur conférée au certificat de conformité est donc liée au fait que, dans les espèces précitées, les dispositions de l'article L. 480-13 du Code de l'urbanisme ont été appliquées. Il est toutefois important de rappeler que le juge judiciaire n'est pas compétent pour apprécier la légalité du certificat de conformité, ce que rappellent d'ailleurs fort justement les juges du fond et fonde peut-être l'appréciation, à notre sens maladroite, qui a été faite de cet acte administratif venant parasiter l'application de l'article L. 480-13 du Code de l'urbanisme.
II - La libération réelle d'une action autonome en responsabilité pour faute : la mise hors-jeu de l'article L. 480-13 du Code de l'urbanisme
La Cour de cassation, pour dire que la faute du propriétaire de l'ouvrage litigieux résultait de la violation d'une règle d'urbanisme, devait préalablement exclure l'application implicite de l'article L. 480-13 du Code de l'urbanisme (A). Dès lors que l'exclusion était réalisée, il était alors aisé d'établir la faute dans la mesure où la construction ne respectait ni le permis de construire, ni le plan d'occupation des sols (B).
A - L'exclusion préalable de l'article L. 480-13 du Code de l'urbanisme
Si la cour d'appel d'Aix-en-Provence refusa d'engager la responsabilité civile, fondée sur l'article 1382 du Code civil, du propriétaire de l'ouvrage litigieux, c'est sans doute parce qu'elle a ignoré la lettre, au profit de l'esprit, de l'article L. 480-13 du Code de l'urbanisme dans sa rédaction antérieure à la loi de 2006 portant engagement national pour le logement (16).
L'esprit de l'article L. 480-13 ancien du Code de l'urbanisme était parfaitement clair : il s'agissait de subordonner le bénéfice de l'action civile (démolition et/ou dommages et intérêts) à l'appréciation, par le juge administratif, de l'illégalité du permis de construire. En d'autres termes, cette disposition satisfaisait à l'esprit révolutionnaire tendant à assurer le respect de la séparation des pouvoirs entre l'ordre judiciaire et l'ordre administratif. Toutefois, aussi noble l'inspiration soit-elle, il n'en demeure pas moins que la lettre de l'article L. 480-13 ancien du code précité était aussi limpide.
Cette disposition législative ne prévoyait-t-elle pas le recours au juge administratif qu'à la condition préalable qu'"une construction [...] [ait] été édifiée conformément à un permis de construire [...]" ? La réponse ne souffre d'aucune ambiguïté : assurément oui ! Or de toute évidence, la construction litigieuse n'est ni conforme au permis de construire, ni au plan d'occupation des sols, de sorte que la Cour de cassation, à juste titre, écarte -sans même le dire- le jeu de l'ancien article L. 480-13 du Code de l'urbanisme. Au surplus, il faut bien dire que toutes les décisions administratives ne permettent pas de faire fi de la réalité des faits.
En effet, la délivrance d'un certificat de conformité des travaux au permis de construire n'autorise pas pour autant de faire prévaloir une réalité juridique mais chimérique -celle du titre- sur la réalité factuelle mais véridique -celle d'une construction non-conforme au permis de construire-. Autrement dit, la non-conformité de la construction au permis de construire demeure quand bien même un certificat de conformité attesterait du contraire. Faut-il le contester ? Les signataires en doutent dans la mesure où l'ancien article L. 480-13 du Code de l'urbanisme se moque de l'existence ou non dudit certificat quand bien même il s'agirait d'une décision administrative. Ce qui compte, c'est la réalité des faits : soit la construction est conforme au permis de construire, auquel cas l'article L. 480-13 ancien du code précité s'applique ; soit la construction n'est pas conforme à ladite disposition, auquel cas il y a lieu d'en refuser son invocation. D'ailleurs, à cet égard, le nouvel article L. 480-13 du Code de l'urbanisme n'a aucunement changé puisque d'une part, sa mise en oeuvre requiert encore la conformité de la construction au permis de construire et, d'autre part, parce qu'il ne fait aucunement référence au certificat de conformité dont on sait aujourd'hui qu'il a disparu au profit de la délivrance -non automatique- d'une attestation certifiant que la conformité des travaux au permis de construire n'a pas été contestée (17). En outre, est-il utile d'ajouter que la solution de la cour d'appel revenait à admettre qu'un certificat de conformité -alors que les travaux ne sont pas conformes au permis de construire- prime sur le plan d'occupation des sols ? Cela n'était pas très sérieux...
En définitive, l'esprit d'une disposition ne vaut qu'à la condition que le respect de sa lettre ne fasse pas défaut. Or, parce que la construction n'est pas conforme au permis de construire, parce que la délivrance d'un certificat de conformité n'y change rien, le jeu de l'article L. 480-13 du Code de l'urbanisme est impossible offrant alors la possibilité au tiers de former une action autonome en responsabilité délictuelle pour faute.
B - L'admission corrélative d'une action autonome en responsabilité pour faute
Dès lors que l'ancien article L. 480-13 du Code de l'urbanisme est inapplicable en l'espèce, il est fort logique que le voisin du propriétaire de la construction litigieuse puisse demander la réparation du préjudice subi -constitué ici par la perte de vue- sur le fondement de l'article 1382 du Code civil. Toutefois, cette action n'aboutira que si le voisin rapporte notamment la preuve d'une faute qui, pour la Cour de cassation, résulte de la violation d'une règle d'urbanisme.
A ce titre, il convient d'indiquer que la faute du propriétaire de la construction litigieuse n'est pas tant caractérisée par la violation du permis de construire, mais davantage par la violation du plan d'occupation des sols. En effet, le permis de construire n'est pas en soi une norme (18), mais une autorisation -celle de construire- qui doit respecter les règles d'urbanisme dont notamment celles prévues par le plan d'occupation des sols. Aussi, et bien qu'il soit rappelé que la construction édifiée n'est ni conforme au permis de construire, ni au plan d'occupation des sols, il suffit, pour la Cour de cassation, que l'ouvrage viole une règle d'urbanisme -ici le plan d'occupation des sols- pour que le propriétaire de l'ouvrage ait commis une faute au sens de l'article 1382 du Code civil. Or, en la matière, la faute est somme toute classique, puisqu'il s'agit de la violation d'une norme de comportement préexistante : la règle d'urbanisme. Enfin, la précision apportée par les juges du Quai de l'Horloge quant à la preuve de la faute est toute aussi banale dans la mesure où cette dernière -fait juridique- se prouve naturellement par tous moyens.
Au-delà de la question de la caractérisation de la faute, il convient d'observer que l'action en responsabilité civile fondée sur l'article 1382 du Code civil, dont on sait désormais qu'elle est autonome faute d'avoir une construction conforme au permis de construire, ne poursuivait comme objectif que l'allocation de dommages et intérêts. Pourtant, rien n'interdit de penser qu'une réparation en nature aurait pu être demandée afin d'obtenir la démolition de l'ouvrage litigieux. Ainsi, on se rapprocherait de l'ancienne rédaction de l'article L. 480-13 du Code de l'urbanisme qui, contrairement à sa rédaction actuelle, ne distinguait pas entre la démolition et l'allocation de dommages et intérêts. En d'autres termes, sous l'empire de l'ancienne loi, que la construction soit conforme ou non au permis de construire, il était possible -sous réserve du recours à la question préjudicielle de l'article L. 480-13 du Code de l'urbanisme- de demander, à l'encontre du propriétaire, tant la démolition de l'ouvrage que des dommages et intérêts. Aujourd'hui les choses sont sensiblement différentes.
En effet, l'actuel article L. 480-13 du code précité distingue entre l'action en démolition ne pouvant être dirigée que contre le propriétaire de la construction et l'action en dommages et intérêts ne pouvant être engagée qu'à l'encontre du constructeur. Or, en consultant l'article 1792-1 du Code civil (N° Lexbase : L1921ABR), le constructeur n'est pas forcément le propriétaire de l'ouvrage. Par conséquent, la lettre de l'article L. 480-13 du Code de l'urbanisme est la suivante : un tiers ne peut intenter, contre le propriétaire de l'ouvrage conforme au permis de construire, l'action en responsabilité civile prévue par l'article L. 480-13 du code précité. En revanche, il est raisonnable de penser qu'il puisse bénéficier de l'action autonome en responsabilité civile pour faute -sans déclaration préalable d'illégalité du permis de construire- invocable lorsque l'ouvrage n'est pas conforme au permis de construire (19). En d'autres termes, que l'ouvrage soit conforme ou non au permis de construire, il apparaît possible, si une faute est caractérisée par la violation d'une règle d'urbanisme, de solliciter des dommages et intérêts (20) sur le fondement de l'article 1382 du Code civil à la seule condition que l'action soit dirigée contre le propriétaire de l'ouvrage litigieux !
En définitive, l'action en dommages et intérêts fondée sur l'article 1382 du Code civil, à la condition qu'elle soit dirigée contre le propriétaire de l'ouvrage en cause, est possible que la construction soit conforme ou non au permis de construire. Pourtant tout n'est pas réglé car, quelle que soit la situation, il n'en demeure pas moins que cette responsabilité repose sur la démonstration d'une faute constituée par la violation d'une règle d'urbanisme. Or, il n'est pas certain que le propriétaire de l'ouvrage soit systématiquement l'auteur de la faute puisqu'il arrive qu'il n'ait jamais été constructeur de l'ouvrage litigieux...
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par Christophe Paulin, Professeur de droit, Directeur du Master de droit des transports, Université Toulouse I Capitole
Le 05 Décembre 2013
En matière de transport ferroviaire de voyageurs, la distinction est classique entre l'accident survenu au cours du transport et l'accident de quai, ou de gare, intervenant en dehors de la période d'exécution du contrat.
Le premier engendre une responsabilité contractuelle du transporteur, régie depuis 2009 par le Règlement européen n° 1371/2007 du 23 octobre 2007, sur les droits et obligations des voyageurs ferroviaires (N° Lexbase : L4837H3K C. transports, art. L. 2151-1 N° Lexbase : L7757INM). Le second relève de notre responsabilité délictuelle de droit commun, notamment celle du fait des choses.
C'est également cette responsabilité qui régit l'indemnisation de celui qui, sans voyager, se trouve dans l'enceinte d'une gare. Tel est le cas dans l'espèce ayant donné lieu à l'arrêt de la Cour de cassation du 4 juillet 2013, où une personne manifestement gravement déprimée est assise au bord du quai, jambes pendantes sur les voies, dans une gare désaffectée. Un train transitant par la gare la percute. Blessée, la victime assigne la SNCF sur le fondement de l'article 1384 du Code civil (N° Lexbase : L1490ABS).
La cour d'appel de Riom condamne l'entreprise à réparer le dommage, admettant toutefois un partage de responsabilité en raison de la faute de la victime (CA Riom, 23 mai 2012, n° 11/01560 N° Lexbase : A8623ILX). Le transporteur forme alors un pourvoi, arguant que, la victime s'étant volontairement exposée au dommage, la force majeure est caractérisée.
La deuxième chambre civile de la Cour de cassation rejette le pourvoi : par son appréciation souveraine, la cour d'appel pouvait estimer que la SNCF ne bénéficiait pas d'un événement de force majeure.
L'arrêt n'innove pas sur l'appréciation de la force majeure. Il est systématiquement reproché au transporteur de ne pas prendre toutes les précautions, que l'on se garde bien de préciser, à éviter un risque systématiquement prévisible. En revanche, la décision permet de souligner les rapports qu'entretiennent la faute de la victime et la force majeure.
En matière d'accident ferroviaire, la jurisprudence associe la faute de la victime et la force majeure, tant en ce qui concerne la responsabilité contractuelle que la responsabilité délictuelle. La faute du voyageur n'exonère le transporteur que lorsqu'elle présente les caractères de la force majeure (Cass. mixte, 28 novembre 2008, n° 06-12.307, P+B+R+I N° Lexbase : A4743EBB, RDT, 2009, comm. 1, nos obs.).
Dans le cas particulier où la victime a recherché volontairement le dommage ou s'est au moins délibérément exposée au danger, c'est toujours, en matière délictuelle, sur le terrain de la force majeure, que l'exonération du transporteur est appréciée. Le fait intentionnel de la personne ne constitue pas une cause autonome d'exonération. L'Assemblée plénière de la Cour de cassation avait ainsi retenu la force majeure pour écarter la responsabilité de la RATP à l'égard d'une personne retrouvée morte sur une voie, son décès ne pouvant s'expliquer que par un acte suicidaire (Ass. plén., 14 avril 2006, n° 04-18.902, P N° Lexbase : A2092DP8). La Cour ne distingue pas alors entre le fait volontaire et la faute d'imprudence (pour la soumission de celle-ci à la force majeure, cf. Cass. civ., 9 septembre 1940, S. 1940, 1, 81, note H. Mazeaud ; Cass. civ. 2, 25 juin 1998, n° 96-19.752 N° Lexbase : A5139ACC, D., 1999, 416, note Ch. Lapoyade-Deschamps ; Cass. civ. 2, 11 janvier 2001, n° 99-10.417 N° Lexbase : A8841AQI Bull. civ. II, n° 9).
L'arrêt commenté s'inscrit dans cette conception : le fait de la victime aurait-il été volontaire, ce serait toujours sur le fondement de la force majeure que l'exonération du transporteur aurait été recherchée. La cour d'appel souligne ainsi que "l'exonération totale de responsabilité revendiquée par la SNCF ne pouvait se justifier qu'en présence d'une faute de la victime assimilable à un cas de force majeure, caractérisée lorsque la victime a eu la volonté de produire le dommage auquel elle s'est exposée". Le pourvoi ne reprochait pas aux juges d'avoir statué sur la force majeure en présence d'un fait intentionnel, mais inversement, d'avoir écarté celle-ci en présence, soutenait-il, d'un tel fait.
Approuvés par la Cour de cassation, les juges d'appel, rejetant un fait volontaire et retenant une imprudence particulièrement grave, écartaient la force majeure, faute de tentative suicidaire.
Déniant au fait intentionnel de la victime un effet exonératoire autonome, la jurisprudence paraît s'orienter vers une appréciation distincte de la force majeure, selon qu'une faute volontaire ou une faute d'imprudence a été commise. Il est en effet probable que la force majeure aurait été retenue si la victime avait été animée d'une intention suicidaire. En revanche, en présence d'une faute d'imprudence, quelle qu'en soit la gravité, les conditions de la force majeure sont appréciées beaucoup plus strictement. La deuxième chambre civile ne rejette pas cette distinction, soulignant le pouvoir souverain d'appréciation des juges du fond.
Il n'est guère sain d'adopter pour une même notion, des appréciations différentes. On peut difficilement approuver l'idée qu'une mort volontaire soit plus imprévisible ou irrésistible qu'une mort accidentelle. Les arguments par lesquels on rejette la force majeure en présence du dernier événement pourraient fort bien s'appliquer au premier. Par exemple, la première objection à l'imprévisibilité des accidents est leur fréquence (par ex. : Cass. civ. 2, 10 novembre 2009, n° 08-20.971, F-D N° Lexbase : A1851ENU), appréciation que l'on pourrait, malheureusement, tout autant porter sur les actes volontaires. Pareillement, les reproches consistant dans l'absence de précautions ou de mesures de sécurité, parfois utopiques, peuvent être transposables aux suicides. En l'espèce, l'entreprise n'était pas capable d'éviter le dommage, volontaire ou non.
On peut alors regretter que le fait intentionnel de la victime ne soit pas considéré comme une cause spécifique d'exonération, dégagée des caractères de la force majeure. La responsabilité du fait des choses s'y prête pourtant particulièrement. Le fait intentionnel vient en effet s'opposer à l'exigence d'un rôle actif de la chose dans le dommage. Si celui-ci peut être présumé, le gardien devrait parvenir à écarter sa responsabilité en raison du comportement normal de la chose.
La Cour de justice de l'Union européenne s'est prononcée, le 26 septembre 2013, sur l'interprétation du Règlement n° 1371/2007 sur les droits et obligations des voyageurs ferroviaires. C'est la première fois que la Cour a l'occasion de préciser une question, concernant ce Règlement, intéressant directement les voyageurs et touchant au contrat de transport.
Le Règlement "ferroviaire", qui régit désormais nos transports (C. transports, art. L. 2151-1 et L. 2151-2 N° Lexbase : L7756INL) établit, entre autres, divers droits consuméristes au profit des passagers. Parmi ceux-ci figure un droit au remboursement du prix du billet en cas de retard, antérieurement au voyage ou au cours de celui-ci.
Dans l'affaire jugée le 26 septembre 2013, une entreprise ferroviaire autrichienne, ÖBB-Personenverkehr, avait inséré dans ses conditions générales une clause excluant le remboursement lorsque le retard résultait de divers événements non imputables au transporteur, notamment la force majeure. Pour défendre la validité de cette stipulation, l'entreprise soulignait notamment que cette exonération est permise par le Règlement, par renvoi à une réglementation internationale, en cas d'indemnisation consécutive au retard. Logiquement, pour l'entreprise, l'exonération pouvait pareillement s'appliquer au remboursement du prix.
Saisie d'une question préjudicielle, la Cour de justice écarte la validité de la clause. Elle observe, d'abord, que le législateur distingue le remboursement du prix du billet de l'indemnisation pour cause de retard, qui peuvent être invoqués cumulativement. Tous deux n'ont ni le même fondement, ni la même finalité : la disposition relative au prix du billet, "a vocation à compenser le prix payé par le voyageur en contrepartie d'un service qui n'a, en définitive, pas été exécuté conformément au contrat de transport. Il s'agit, en outre, d'une forme de compensation financière à caractère forfaitaire et standardisée, à la différence du régime de responsabilité, qui implique une évaluation individualisée du dommage subi". Dès lors, le législateur de l'Union, qui n'a pas prévu d'exonération pour la première hypothèse a considéré que l'obligation de remboursement s'impose lorsque le retard ne donne pas lieu à indemnisation, en raison d'une cause d'exonération.
La Cour répond pareillement par la négative à la question de savoir si les causes d'exclusion du remboursement, prévues dans d'autres Règlements portant sur d'autres modes de transport pouvaient être transposées. Conformément à une position déjà adoptée dans un arrêt "Mc Donagh" du 31 janvier 2013 (CJUE, 31 janvier 2013, aff. C-12/11 N° Lexbase : A4599I44 ; nos obs. Chronique de droit des transports - Mars 2013 (3ème comm.), Lexbase Hebdo n° 332 du 28 mars 2013 - édition affaires N° Lexbase : N6353BTH), elle estime que, les modes de transport n'étant pas interchangeables, le législateur peut établir des règles divergentes selon le secteur concerné.
Enfin, la Cour souligne l'objectif de protection des voyageurs ferroviaires, considéré comme "essentiel", excluant une autre interprétation.
Assez classique, l'arrêt n'en apporte pas moins d'intéressants enseignements : outre l'inefficacité d'une cause d'exonération à l'égard de l'obligation de remboursement et l'interdiction d'une clause en ce sens, il souligne la possibilité de cumul du remboursement et de l'indemnisation et la différence de fondement des deux dispositions. A la différence de la réparation pour retard, fondée sur la responsabilité, le remboursement consiste en une réfaction du contrat.
Protégeant les voyageurs face à une clause qui n'aurait pas manquée d'être généralisée, la décision fait peser une lourde obligation sur les transporteurs, risquant de se trouver confronter à des demandes massives de remboursement, particulièrement en cas d'action collective. L'entreprise ne faisait pas valoir ce coût, au regard notamment de l'exigence de proportionnalité. Il est vrai que, dans l'arrêt "Mc Donagh" précité, la Cour avait fait justice d'un tel argument, estimant que celle-ci s'apprécie en fonction de l'objectif de protection du consommateur et non de la charge que représente l'obligation pour le transporteur.
La question de la rupture brutale des relations commerciales est récurrente dans les transports. La Chambre commerciale de la Cour de cassation a souhaité rappeler sa jurisprudence dans deux arrêts, rendus à moins d'un mois d'intervalle et publiés au Bulletin.
Dans les deux cas, il s'agissait d'une rupture des relations entretenues entre un commissionnaire de transport ou un transporteur rapide et son sous-traitant. Des actions fondées sur la prohibition de la rupture brutale des relations commerciales étaient engagées, les délais de préavis requis n'ayant pas été respectés.
Dans l'arrêt du 19 novembre 2013, les juges du fond avaient estimé que le préavis de trois mois accordé par la société Chronopost à son prestataire n'était pas suffisant, considérant notamment qu' "il appartient au juge d'apprécier si le délai du préavis accordé par la société Chronopost, serait-il identique à celui, supplétif, prévu par le contrat type, était suffisant en considération de la durée de la relation commerciale". C'est cette motivation et la solution qui en découle qui entraîne une censure énergique de la part de la Cour de cassation, pour violation et refus d'application des textes compétents : "il résulte de la combinaison de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce (N° Lexbase : L8640IMX) et 12-2 du contrat type approuvé par le décret n° 2003-1295 du 26 décembre 2003 (N° Lexbase : L7909H3C) que les usages commerciaux en référence desquels doit s'apprécier la durée du préavis de résiliation du contrat de sous-traitance de transport contractuellement convenu sont nécessairement compris comme conformes au contrat type dont dépendent les professionnels concernés".
Le contrat type dit "sous-traitance", bien que, effectivement, supplétif, n'en a pas moins vocation à régir de plein droit les relations entre un donneur d'ordre professionnel du transport et son sous-traitant transporteur. Il faut ici rappeler que les contrats types, institués en matière de transport sont des actes réglementaires, des décrets, pris en vertu d'une délégation législative et non des conventions. Le contrat type "sous-traitance" règle précisément la durée du préavis en cas de cessation des relations, qu'il fixe à une durée maximale de trois mois. On comprend alors qu'il ne saurait être question que le juge, au risque d'abolir la sécurité recherchée par le texte, évince son application et apprécie la durée du préavis, conformément au Code de commerce.
Cet objectif se heurte néanmoins à une difficulté tenant à la hiérarchie des normes : la loi soumettant la légitimité de la rupture à des critères précis, un usage consacré, un décret peut difficilement, sans violer le texte législatif, instaurer un préavis forfaitaire. Ceci explique le détour que fait la Cour de cassation, expliquant que le contrat type sous-traitance constitue l'usage commercial dans ce domaine. Elle précise, du reste, expressément que l'usage ainsi établi concerne les relations de sous-traitance, ce qui permettra d'éviter que la solution ne soit transposée à d'autres relations de transport.
L'arrêt n'est pas novateur. On citera, pour mémoire, un des "arrêts Gefco c/ Frigo 7", également publié, où le commissionnaire avait, sur le fondement du contrat type, échappé à une indemnisation de 9 millions d'euros en respectant un préavis de trois mois pour une relation ayant duré 14 ans (Cass. com., 4 octobre 2011, n° 10-20240, FS-P+B N° Lexbase : A5964HYK, cf. nos obs., Chronique de droit des transports - Novembre 2011, Lexbase Hebdo n° 274 du 24 novembre 2011 - édition affaires N° Lexbase : N8888BSY).
L'arrêt du 1er octobre 2013 portait sur la prescription de l'action en responsabilité pour rupture brutale des relations commerciales. Un commissionnaire ayant mis fin sans préavis aux relations qu'il entretenait avec un transporteur depuis une quinzaine d'années était assigné sur le fondement de l'article L. 442-6, I , 5° du Code de commerce. La cour d'appel rejetait l'action par application de la prescription annale établie par l'article L. 133-6 du Code de commerce (N° Lexbase : L4810H9Z). Pour les juges du fond, l'action se trouvait prescrite dans le délai d'un an à compter de la résiliation du contrat.
La Chambre commerciale de la Cour de cassation censure l'arrêt, l'article L. 133-6 "ne concernant que les actions auxquelles donne lieu le transport de marchandises, à l'exclusion de celles exercées sur le fondement de l'article L. 442-6".
La solution est imprécise : la prescription annale concerne les actions "auxquelles peut donner lieu" le contrat de transport ou de commission de transport et non celles auxquelles le transport donne lieu. Il est vrai toutefois que la jurisprudence est ambiguë. Ainsi, si une action probatoire n'est pas soumise à la prescription annale du fait qu'elle n'est pas née du contrat (Cass. com., 18 mai 2003, n° 01-10.955, FS-P N° Lexbase : A0173B7K, Bull. civ. IV, n° 81), de même qu'une action résultant de l'inexécution d'un mandat donné au transporteur (Cass. com., 11 décembre 1985, n° 84-11.985, publié N° Lexbase : A5936AA4, Bull. civ. IV, n° 294), les juges ont parfois admis des actions se rattachant au transport mais ne résultant pas du contrat, telle une action en répétition de l'indu (Cass. com., 3 mai 2011, n° 10-11.983, F-P+B N° Lexbase : A2482HQY). Cette incertitude explique peut-être la prudence de la solution de l'arrêt.
Il est vrai que selon l'article L. 133-6, le point de départ de la prescription est l'offre ou la remise des marchandises, de sorte qu'en retenant celle de la résiliation du contrat, la cour d'appel transgressait déjà le texte. Il serait difficilement concevable, même dans le cas de contrats successifs, de retenir la date de livraison effectuée en vertu du dernier contrat réalisé. Les juges n'appliquent cette solution qu'en cas de contrat unique comportant des livraisons multiples (Cass. com., 10 mars 1981, n° 79-12.622, publié N° Lexbase : A8890CGD, Bull. civ. IV, n° 130). De plus, il pourrait s'agir là d'un procédé trop aisé pour l'auteur de la rupture pour faciliter l'acquisition de la prescription, en rompant quelques temps après la dernière livraison.
De la lettre de l'article et des solutions jurisprudentielles, il résulte que la prescription s'apprécie contrat par contrat. Dès lors, si son application est concevable lorsqu'un contrat unique est rompu, elle est plus malaisée en présence d'une pluralité de conventions constituant les relations commerciales des parties. Si les juges d'appel se fondent ici sur la résiliation du contrat, l'arrêt ne précise pas clairement en quoi consistaient les relations commerciales. Néanmoins, l'application de la prescription annale à la rupture entraînerait un traitement différent selon le type de relation entre le transporteur et son donneur d'ordre.
On comprend alors que, sans s'engager dans un débat, la Cour affirme que "l'action pour rupture brutale de relations commerciales établies, fussent-elles nées d'un contrat de transport, n'est pas soumise à la prescription annale de l'article L. 133-6 du code de commerce". La solution est autant classique que la précédente. Elle avait pareillement été établie par deux arrêts rendus en 2010, que la décision commentée vient ici confirmer (Cass. com., 11 mai 2010, n° 09-10.797, F-D N° Lexbase : A1627EXK ; Cass. com., 21 septembre 2010, n° 09-15.716, F-D N° Lexbase : A2212GA8).
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par Arnaud Le Gall, Maître de conférences à l'Université de Caen
Le 05 Décembre 2013
Le Code de l'urbanisme prévoit plusieurs dispositions qui ont pour objet et pour effet de limiter les conséquences des recours dirigés contre les autorisations ou les actes d'urbanisme. Le droit de l'urbanisme est, en effet, assez formel et l'incompatibilité d'un acte ou d'une autorisation avec certaines exigences imposées par le code ne doit pas nécessairement entraîner l'annulation totale de l'acte. L'article L. 600-5 fait partie de ces dispositions et permet au juge administratif de ne prononcer que des annulations partielles. En l'espèce, rien que de très classique dans cette affaire : un permis de construire délivré par un maire avait autorisé la construction d'un ensemble immobilier de 21 villas, 22 logements sociaux et d'une "unité de vie" de 13 logements. Le juge de première instance avait rejeté le recours et la cour administrative d'appel de Marseille (1) n'avait prononcé qu'une annulation partielle. En plus de confirmer les contours de l'application de l'article L. 600-5 (I), l'arrêt apporte d'utiles précisions en terme de procédure (II)
I - Les conditions d'application de l'article L. 600-5 sont confirmées
Nouveauté issue de la loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006, portant engagement national pour le logement (N° Lexbase : L2466HKK), l'article L. 600-5 autorise le juge administratif à ne prononcer que des annulations partielles. Il peut ainsi opérer un compromis entre les exigences du principe de légalité et un objectif d'effectivité du droit de l'urbanisme. Si les règles de fond et de forme imposées par le code doivent être respectées lors de la délivrance des autorisations il apparaît, en revanche, incohérent de prononcer l'annulation totale de ces actes, lorsqu'ils peuvent être corrigés par un permis modificatif. L'article L. 600-5 permet donc d'opérer cette balance entre ces exigences, ce qui a un goût de fausse victoire pour les requérants.
Dans sa rédaction issue de la loi du 13 juillet 2006 (N° Lexbase : L1048HPI), l'article L. 600-5 prévoit que "lorsqu'elle constate que seule une partie d'un projet de construction ou d'aménagement ayant fait l'objet d'une autorisation d'urbanisme est illégale, la juridiction administrative peut prononcer une annulation partielle de cette autorisation. L'autorité compétente prend, à la demande du bénéficiaire de l'autorisation, un arrêté modificatif tenant compte de la décision juridictionnelle devenue définitive". La rédaction de cette disposition n'était pas parfaite. Tout d'abord, elle s'opposait directement, mais implicitement au principe de l'indivisibilité des autorisations administratives. Le Conseil d'Etat a donc été dans l'obligation de préciser les contours de l'annulation partielle d'un permis de construire (2). Ensuite, l'exigence d'une décision juridictionnelle définitive préalable à la délivrance d'un permis modificatif n'était pas réaliste. En effet, compte tenu des délais de jugement en appel et en cassation, il était illusoire d'exiger une décision juridictionnelle définitive. Enfin, la rédaction de l'article L. 600-5 reposait implicitement sur l'idée selon laquelle le pétitionnaire allait nécessairement demander un permis modificatif. Or, une telle démarche n'était pas automatique, surtout lorsque l'annulation partielle portait sur des éléments secondaires du projet. Entre les principes juridiques et la réalité du terrain, il y a une différence et qui pratique le droit de l'urbanisme sait que les annulations ne sont pas toujours suivies d'effet, la politique du fait accompli étant parfois payante, surtout lorsqu'elle s'appuie sur une indifférence bienveillante de l'autorité qui a délivré l'acte.
L'arrêt du 4 octobre 2013 confirme donc une jurisprudence récente lorsqu'il précise, reprenant le considérant de principe de l'arrêt "Fritot" (3) : "Considérant que, d'une part, lorsque les éléments d'un projet de construction ou d'aménagement ayant une vocation fonctionnelle autonome auraient pu faire, en raison de l'ampleur et de la complexité du projet, l'objet d'autorisations distinctes, le juge de l'excès de pouvoir peut prononcer une annulation partielle de l'arrêté attaqué en raison de la divisibilité des éléments composant le projet litigieux ; que, d'autre part, il résulte des dispositions de l'article L. 600-5 citées ci-dessus qu'en dehors de cette hypothèse, le juge administratif peut également procéder à l'annulation partielle d'une autorisation d'urbanisme dans le cas où une illégalité affecte une partie identifiable du projet et où cette illégalité est susceptible d'être régularisée par un arrêté modificatif de l'autorité compétente, sans qu'il soit nécessaire que la partie illégale du projet soit divisible du reste de ce projet".
Le champ d'application de l'article L. 600-5 se trouve donc élargi. D'une part, il est déconnecté de la notion de divisibilité. L'annulation partielle peut s'appliquer aux permis relatifs aux opérations d'envergure dans lesquelles la divisibilité du projet permet de considérer celui-ci comme la combinaison de plusieurs éléments ayant une "vocation fonctionnelle autonome". Ce faisant, le Conseil prend en compte les hypothèses dans lesquelles le principe d'indivisibilité des autorisations d'urbanisme a été méconnu dès le dépôt de la demande. En principe, en effet, un projet divisible n'aurait pas dû faire l'objet d'un seul permis de construire. Un arrêt du 10 octobre 2007 (4) énonce à ce sujet que "des constructions indivisibles doivent faire l'objet d'un permis de construire unique ; qu'il en résulte qu'un permis de construire ne peut être délivré à une partie seulement d'un ensemble indivisible ; que, dans l'hypothèse où l'autorité administrative est saisie d'une demande d'autorisation de construire une construction indivisible d'une autre construction ayant déjà fait l'objet d'un premier permis de construire, elle ne peut délivrer l'autorisation demandée qu'à la double condition que le permis de construire initial ne puisse être retiré et qu'elle ait tiré toutes les conséquences juridiques de l'indivisibilité des deux ouvrages".
L'annulation partielle peut également s'appliquer aux cas dans lesquels le permis n'est pas divisible. L'illégalité doit alors concerner une partie identifiable du projet et être susceptible d'une régularisation par voie de permis modificatif. C'était d'ailleurs le cas en l'espèce : la cour administrative d'appel avait annulé le permis uniquement en ce que les pentes des toitures des villas étaient supérieures à la norme de 35 % fixée par le PLU. Constatant que ces villas ne comportaient pas de combles aménagés, la cour en avait conclu que la mise en conformité de la pente des toitures ne constituait qu'une modification mineure, dépourvue notamment du moindre impact sur la surface habitable. L'illégalité était donc parfaitement identifiable et pouvait être régularisée sans porter atteinte à d'autres aspects de l'autorisation et à son économie générale. Elle conduisait simplement à un léger abaissement des faîtières et non à une remise en cause de la "conception générale ni l'implantation des constructions".
D'autre part, le Conseil d'Etat confirme sa jurisprudence antérieure en rappelant, qu'en vertu des pouvoirs dont dispose le juge pour faire exécuter ses décisions, ce dernier "peut, le cas échéant, s'il l'estime nécessaire, assortir sa décision d'un délai pour que le pétitionnaire dépose une demande d'autorisation modificative afin de régulariser l'autorisation subsistante, partiellement annulée". Ce faisant, il comble l'une des lacunes principales de la rédaction de l'article L. 600-5 du Code de l'urbanisme en interdisant au pétitionnaire de passer outre l'annulation partielle : dès lors que le juge l'estime nécessaire, et sans qu'il soit nécessaire que le requérant ait formulé une telle demande, il peut donc contraindre le pétitionnaire à déposer une demande de permis modificatif. En l'occurrence, la cour n'avait pas jugé bon d'utiliser cette possibilité et n'avait imposé aucune contrainte au pétitionnaire.
L'arrêt du 4 octobre 2013 assure donc une harmonisation entre les différents états du droit résultant de la rédaction de l'article L. 600-5. En effet, prenant en considération les lacunes de la rédaction du texte issues de la loi du 13 juillet 2006, l'ordonnance n° 2013-638 du 18 juillet 2013, relative au contentieux de l'urbanisme (N° Lexbase : L4499IXW), entrée en vigueur le 19 août 2013, a modifié la rédaction de l'article L. 600-5 (N° Lexbase : L4354IXK). Celui-ci dispose désormais que "le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice n'affectant qu'une partie du projet peut être régularisé par un permis modificatif, peut limiter à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et, le cas échéant, fixer le délai dans lequel le titulaire du permis pourra en demander la régularisation". Le champ d'application est désormais circonscrit aux autorisations expressément mentionnées. Le pouvoir du juge de fixer un délai de régularisation est consacré par cette nouvelle disposition. On notera, cependant, qu'aucune sanction spécifique n'est prévue en cas de non-respect de ce délai.
II - Des précisions en terme de procédure
L'arrêt du 4 octobre 2013 apporté également des précisions diverses en terme de procédure.
D'une part, les conditions d'application de l'article L. 600-5 sont précisées.
La faculté offerte au juge d'assortir d'un délai la demande de permis modificatif ne constitue pas un moyen d'ordre public. Dès lors, le juge n'est pas tenu de respecter, au préalable, les dispositions de l'article R. 611-7 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L3102ALH) : la juridiction n'est pas dans l'obligation d'informer les parties de ce qu'elle envisage de recourir à cette possibilité et, par conséquent, de les inviter à présenter leurs observations. L'application de la jurisprudence "Fritot" s'intègre donc dans l'office du juge.
Le Conseil d'Etat précise également que le pouvoir d'annulation partielle relève de l'appréciation souveraine des juges du fond. La qualification juridique portée par le juge du fond sur la réunion des conditions de la jurisprudence "Fritot" n'est donc pas susceptible d'être utilement critiquée devant le Conseil d'Etat qui réduit, sur ce point, son contrôle à la dénaturation. Fréquemment invoquée, assez rarement admis, la dénaturation constitue une fenêtre de tir assez étroite pour l'auteur du pourvoi. Cette précision est la bienvenue car les lignes du contrôle du juge de cassation sur la qualification juridique des faits sont parfois difficiles à tracer avec précision. Elle complète logiquement la jurisprudence antérieure qui avait apporté la même solution au sujet du caractère divisible des dispositions d'un permis de construire (5).
D'autre part, et indépendamment du contentieux de l'urbanisme, l'arrêt du 4 octobre 2013 recèle une démarche pour le moins inhabituelle. Les requérants avaient soutenu que les parties n'avaient pas été régulièrement convoquées à l'audience publique devant la cour administrative d'appel, sans prétendre toutefois qu'ils n'avaient pas, eux-mêmes, fait l'objet d'une convocation régulière. Ordinairement, ce genre de moyen de légalité externe est écarté sans précision particulière de la part du juge de cassation qui se contente de répondre qu'il résulte des pièces du dossier que les convocations à l'audience ont été régulièrement effectuées. L'arrêt fait pourtant étalage d'un luxe de précisions tout à fait inhabituel pour écarter ce moyen, relevant qu'il "ressort des éléments produits en défense par la commune que celle-ci a bien reçu un avis d'audience dans les formes et les délais requis par l'article R. 711-2 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L4862IRI)". Cette première précision est un peu surprenante puisque le dossier officiel contient normalement le double de l'ensemble des courriers adressés aux parties par la juridiction ainsi que, bien entendu, les preuves de dépôt et de réception des envois. Il est donc étonnant que le Conseil se réfère aux pièces produites par l'une des parties. Mais le juge de cassation ne s'arrête pas là et vient conforter ce premier élément de réponse en invoquant "l'extrait de l'application de suivi de l'instruction figurant au dossier de procédure", lequel corrobore l'envoi contesté "en indiquant au demeurant que l'ensemble des parties ont été rendues destinataires de cet avis à la même date". A notre connaissance, c'est la première fois que le Conseil d'Etat se montre aussi précis et exhaustif dans sa réponse à un tel moyen. Cette démarche traduit probablement plus les circonstances particulières à ce dossier qu'une évolution des habitudes du Conseil, mais elle méritait d'être relevée.
En conclusion, l'arrêt du 4 octobre 2013 constitue donc une passerelle entre deux états du droit successifs et à vocation à s'appliquer à l'égard de toutes les décisions d'annulation partielle rendue avant le 19 août 2013. On relèvera également, sans que cela nécessite de longs commentaires, qu'il confirme que les dispositions régissant la composition du dossier de demande de permis de construire ne doivent pas être interprétées de manière extensive : la notice est conforme aux exigences de l'article R. 431-8 (N° Lexbase : L3035ALY), dès lors qu'elle décrit la consistance et l'intérêt des espaces boisés situés à proximité du terrain d'assiette du projet, alors même qu'elle ne précise pas qu'ils faisaient l'objet d'une protection particulière au titre de la législation sur l'environnement.
Le lotissement se situe aux lisières du droit public et du droit privé. Il constitue, en effet, une opération soumise à autorisation d'urbanisme et s'intègre en ce sens, dans la réglementation locale d'urbanisme. Il constitue également le cadre de relations juridiques de droit privé entre les différents colotis dont les relations sont régies par un cahier des charges qui n'a de valeur juridique qu'entre eux et qui constitue un acte de droit privé. Le Code de l'urbanisme prévoit plusieurs zones de contacts entre ces deux aspects. L'arrêt rendu par le Conseil le 5 octobre 2013 précise l'interprétation de l'une d'entre elles, en l'occurrence l'article R. 442-11 (N° Lexbase : L7671HZ7). En l'espèce, le maire d'une commune avait fait application de cet article pour modifier le règlement d'un lotissement. La cour administrative d'appel de Nantes (6), réformant le jugement de première instance, avait annulé l'arrêté municipal. Cet arrêt va être censuré par le Conseil d'Etat. Il faut rappeler les relations entre les lotissements et les documents d'urbanisme (I) avant de mesure l'apport de cet arrêt (II).
I - Les relations entre les lotissements et les documents d'urbanisme
Selon les dispositions de l'article L. 442-1 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L3077ISR), un lotissement est constitué par la "division en propriété ou en jouissance d'une unité foncière ou de plusieurs unités foncières contiguës ayant pour objet de créer un ou plusieurs lots destinés à être bâtis". L'acte d'autorisation prend la forme d'un permis d'aménager ou d'une décision de non-opposition à déclaration préalable. Bien entendu, le projet de lotissement doit être conforme aux exigences du PLU et un document d'urbanisme ne peut, par principe, interdire la réalisation des lotissements sur le territoire qu'il couvre. Un lotissement doit également être conforme aux dispositions générales du règlement national d'urbanisme : l'autorisation peut ainsi être légalement refusée pour des motifs tirés de l'atteinte à la salubrité publique (7).
L'élaboration d'un règlement de lotissement n'est pas obligatoire. L'article R. 442-6 (N° Lexbase : L7666HZX) précise, en effet, que le dossier peut être complété par un projet de règlement "s'il est envisagé d'apporter des compléments aux règles d'urbanisme en vigueur". Le règlement n'est donc pas nécessaire au lotissement. Ainsi que le précise la circulaire du 4 novembre 1977 (Circ. n° 77-160, 4 novembre 1977, § 4.2.2 N° Lexbase : L5982IY9), un tel règlement "se réduira à la seule définition des règles de densité et de division, lorsque les règles d'urbanisme préexistantes apparaissent suffisantes pour garantir la réalisation des objectifs fixés dans le plan de composition. Tel sera le cas, par exemple, des très petits lotissements simplement définis par application du RNU, ou des lotissements de taille modeste contrôlés par le POS". Selon cette même circulaire, le règlement peut contenir "des règles plus précises (écrites ou graphiques) concernant, par exemple, les modalités implantation des volumes bâtis, l'aspect extérieur, les clôtures et les plantations". Le règlement constitue un acte de droit public.
En revanche, le cahier des charges est un acte de droit privé. Selon la jurisprudence de la Cour de cassation, il s'agit d'un document contractuel dont les clauses engagent les colotis entre eux pour toutes les stipulations qu'il contient (8). C'est un acte qui a donc force obligatoire entre les colotis qui peuvent en exiger le respect et en réclamer l'application au juge judiciaire (9), ce qui n'interdit pas au juge administratif de se prononcer sur les stipulations de ce document (10).
Le cahier des charges peut contenir des règles relatives, par exemple, à l'implantation des constructions par rapport aux règles séparatives, par rapport à la hauteur des clôtures ou par rapport à l'élagage. Il peut être valablement opposé au lotisseur (11) ou aux colotis (12). La violation de ses dispositions peut conduire le juge judiciaire à ordonner la démolition d'une construction, pour cause de violation d'une servitude (13).
Les règles de modification du cahier des charges sont prévues par l'article L. 442-10 (N° Lexbase : L3482HZY) qui précise que, "lorsque les deux tiers des propriétaires détenant ensemble les trois quarts au moins de la superficie d'un lotissement ou les trois quarts des propriétaires détenant au moins les deux tiers de cette superficie le demandent ou l'acceptent, l'autorité compétente peut prononcer la modification de tout ou partie des documents, notamment du règlement et du cahier des charges relatifs à ce lotissement, si cette modification est compatible avec la réglementation d'urbanisme applicable".
L'arrêt du 5 octobre 2013 renforce les pouvoirs de l'autorité administrative sur le cahier des charges.
II - La modification réglementaire des dispositions du cahier des charges
L'article L. 442-11 (N° Lexbase : L8903IMP) permet à l'autorité compétente pour accorder l'autorisation de modifier les règles du lotissement. Il dispose que, "lorsque l'approbation d'un plan local d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu intervient postérieurement au permis d'aménager un lotissement ou à la décision de non-opposition à une déclaration préalable, l'autorité compétente peut, après enquête publique réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier du Code de l'environnement et délibération du conseil municipal, modifier tout ou partie des documents du lotissement, et notamment le règlement et le cahier des charges, pour les mettre en concordance avec le plan local d'urbanisme ou le document d'urbanisme en tenant lieu".
Les juridictions administratives ont interprété ces dispositions de manière restrictive, estimant que le pouvoir du maire disparaît lorsque les règles particulières du lotissement sont devenues caduques (14). Le maire ne peut donc légalement modifier le cahier des charges (15). Cette interprétation est partagée par la Cour de cassation (16).
L'arrêt du Conseil d'Etat vient contredire cette interprétation et fixe la jurisprudence en la matière. Le Conseil considère, d'une part, en effet, que les dispositions de l'article L. 442-11 "ne prévoient aucune exception au pouvoir qu'elles confèrent au maire de modifier tous les documents d'un lotissement, y compris le cahier des charges, dès lors que la modification a pour objet de mettre ces documents en concordance avec le plan local d'urbanisme ou le document d'urbanisme en tenant lieu". Le pouvoir du maire ne rencontre donc aucune limite fondée sur la nature des documents, le règlement comme le cahier des charges pouvant être modifié, ni sur l'éventuelle caducité des règles du lotissement. Aucune considération n'est donc susceptible d'être valablement opposée au pouvoir du maire en la matière.
Le Conseil d'Etat écarte, d'autre part, l'objection traditionnellement retenue pour s'opposer au pouvoir de modification du maire. Il rappelle, en effet, qu'il résulte des "dispositions de l'article L. 442-9 du même code que les règles d'urbanisme contenues dans les documents approuvés d'un lotissement deviennent caduques, en l'absence d'opposition d'une majorité qualifiée de colotis, au terme de dix années à compter de l'autorisation de lotir si, à cette date, le lotissement est couvert par un plan local d'urbanisme ou un document en tenant lieu, mais que les stipulations du cahier des charges du lotissement continuent néanmoins à régir les rapports entre colotis". Cette considération n'est cependant pas opérante pour apporter une exception à l'article L. 442-11. En effet, le Conseil précise en effet "qu'en cas de discordance entre, d'une part, le cahier des charges qui continue à régir les rapports entre colotis et, d'autre part, le plan local d'urbanisme ou le document d'urbanisme en tenant lieu, le maire peut faire usage du pouvoir qu'il tient des dispositions de l'article L. 442-11 de modifier le cahier des charges pour le mettre en concordance avec le plan local d'urbanisme ou le document d'urbanisme en tenant lieu".
Ce faisant, le Conseil d'Etat apporte une certaine cohérence au dispositif. Après avoir rappelé que le pouvoir de modification du maire ne rencontre aucune exception textuelle explicite, il fait prévaloir la cohérence de la réglementation de l'urbanisme : il y a, en effet, une certaine incohérence à admettre que des règles pourraient continuer à recevoir application dans les rapports entre colotis, alors même qu'elles sont ouvertement contraires aux dispositions du document d'urbanisme. La solution antérieure pouvait, ainsi, conduire à faire coexister deux régimes juridiques différents dans une même commune. Hors lotissement, l'application du PLU pouvait ainsi interdire telle ou telle possibilité pour les pétitionnaires ou les propriétaires, tandis qu'à l'intérieur d'un lotissement, sur la même commune, les colotis pouvaient toujours invoquer des dispositions contraires au PLU. Le lotissement n'a pas vocation à être une enclave dans la mise en oeuvre du document d'urbanisme local. En affirmant la primauté de ce dernier et le pouvoir du maire d'assurer cette primauté, le Conseil d'Etat impose donc une conception très classiquement verticale du principe de la hiérarchie des normes.
En l'espèce, la cour administrative d'appel de Nantes avait annulé l'arrêté municipal mettant en conformité le cahier des charges du lotissement. La plage, avec le POS, au motif que la caducité des règles d'urbanisme contenues dans les documents approuvés du lotissement aurait eu pour effet de priver le maire de son pouvoir de modifier les stipulations contractuelles des cahiers des charges de ce lotissement. Le Conseil d'Etat, faisant application du principe contraire qu'il vient d'énoncer, censure cet arrêt pour erreur de droit et renvoie l'affaire à la cour.
La répartition des compétences entre les diverses autorités administratives est parfois difficile à tracer en matière d'urbanisme. En l'occurrence, le Conseil d'Etat a été saisi par le tribunal administratif de Nîmes d'une demande d'avis sur le fondement de l'article L. 113-1 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L7487IMA). Les circonstances étaient particulièrement banales : un habitant de la commune, mécontent du classement d'une parcelle de terrain lui appartenant en zone AUd (zone réservée aux activités et aux équipements à vocation de loisir) a demandé au maire l'abrogation du PLU en ce qui concerne ce classement. Le tribunal a estimé que les conditions de recours à la procédure de la demande d'avis étaient réunies et a donc saisi le Conseil d'Etat de deux questions successives relatives à la répartition des compétences entre le maire et le conseil municipal dans ce genre de circonstances. Après avoir rappelé la mise en oeuvre de la procédure de saisine pour avis en droit de l'urbanisme (I), on précisera la portée de la réponse apportée par le Conseil d'Etat (II).
I - La saisine pour avis du Conseil d'Etat et le droit de l'urbanisme
L'article L. 113-1 du Code de justice administrative est issu de la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 (N° Lexbase : L4990A8C) qui a profondément réformé le contentieux administratif. Cet article est ainsi rédigé : "Avant de statuer sur une requête soulevant une question de droit nouvelle, présentant une difficulté sérieuse et se posant dans de nombreux litiges, le tribunal administratif ou la cour administrative d'appel peut, par une décision qui n'est susceptible d'aucun recours, transmettre le dossier de l'affaire au Conseil d'Etat, qui examine dans un délai de trois mois la question soulevée. Il est sursis à toute décision au fond jusqu'à un avis du Conseil d'Etat ou, à défaut, jusqu'à l'expiration de ce délai".
Cette procédure de saisine pour avis a été justifiée par l'allongement de la durée des procédures du fait de l'intervention des cours administratives d'appel dans le contentieux administratif. Sur le fond, il permet au juge de cassation d'exercer une harmonisation a priori des décisions des juges du fond. Cette coordination lui permet ainsi d'éviter le développement de certains contentieux car, si la décision rendue n'est qu'un avis, il va de soi qu'elle préfigure très nettement la décision de fond que le Conseil serait amené à prendre.
Le juge du fond décide discrétionnairement de l'utilité de recourir à la procédure et un requérant n'est pas recevable à le solliciter en ce sens (17). La décision de renvoi, qui est une mesure d'administration judiciaire, n'est donc susceptible d'aucun recours (18). Le Conseil dispose de trois mois pour statuer sur la question posée mais l'expiration de ce délai n'est assortie d'aucune sanction et le Conseil demeure saisi, même en ce cas. Le Conseil d'Etat se prononce par une décision qui n'a aucun caractère juridictionnel et qui, par conséquent, est insusceptible de recours.
La procédure d'avis a permis au Conseil d'Etat de se prononcer sur des points très précis du droit de l'urbanisme. A propos des documents d'urbanisme, il a estimé qu'une carte communale ne peut entrer en vigueur que si le plan qui l'a précédé n'est plus lui-même en vigueur (19).
Au sujet des diverses autorisations, il a considéré que la décision par laquelle la personne publique qui a décidé la création d'une ZAC en approuve le dossier de réalisation, constitue une mesure seulement préparatoire aux actes qui définiront ultérieurement les éléments constitutifs de cette zone. Cette décision, comme celle refusant de l'abroger et les documents constituant le dossier de réalisation, ne peuvent donc faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir (20). Un pétitionnaire n'est pas recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision de refus de permis de construire faisant suite à un avis négatif de l'architecte des Bâtiments de France sur cette demande de permis, s'il n'a pas, préalablement, saisi le préfet de région d'une contestation de cet avis, selon la procédure spécifique prévue à l'article R. 421-38-4 (devenu l'article R. 424-14 N° Lexbase : L7570HZE) du Code de l'urbanisme (21). Un motif de sécurité publique peut faire obstacle au droit à reconstruction à l'identique prévu à l'article L. 111-3 du Code de l'urbanisme, droit qui n'est pas absolu (22).
En terme de procédure, l'article R. 600-1 (N° Lexbase : L2127IBE) a donné lieu à plusieurs avis. Seuls les certificats d'urbanisme négatifs sont exclus de l'obligation de notification de l'article R. 600-1 (23). Lorsque le destinataire de la lettre de notification se borne à soutenir qu'il ne l'a pas reçue, la production du certificat de dépôt suffit à justifier de l'accomplissement de la formalité de notification, sans que l'auteur du recours ait à produire l'accusé de réception (24). L'absence de mention, dans l'affichage, de l'obligation de notification du recours a pour seul effet de rendre inopposable l'irrecevabilité prévue à l'article R. 600-1 du Code de l'urbanisme, mais n'empêche pas le déclenchement du délai de recours contentieux mentionné à l'article R. 600-2 (N° Lexbase : L7750HZ3) (25). La présentation d'un nouveau recours administratif assorti des formalités de notification après l'expiration du délai de régularisation de quinze jours, applicable à un premier recours, ne pallie pas le défaut de notification de ce dernier et ne permet donc pas la prorogation du délai de recours contentieux (26).
L'avis du 2 octobre 2013 apporte une nouvelle pierre à l'édifice.
II - La répartition des compétences entre le maire et le conseil municipal
Le tribunal administratif avait posé au Conseil deux questions : le maire, saisi d'une demande d'abrogation d'un document d'urbanisme, qu'il estime non fondée, est-il compétent pour y statuer, ou est-il tenu d'en saisir le conseil municipal ? L'obligation de transmission d'une demande adressée à une autorité incompétente prévue par l'article 20 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000, relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations (N° Lexbase : L0420AIE), s'applique t'elle entre l'organe exécutif et l'organe délibérant d'une même collectivité territoriale ?
La solution à la première question n'est pas précisée de manière explicite par les textes. L'article R. 123-22-1 du Code de l'urbanisme, dans sa version applicable au litige (N° Lexbase : L2949DZA), dispose que "l'abrogation d'un plan local d'urbanisme est prononcée par le conseil municipal après enquête publique [...]". Toutefois, le conseil municipal ne dispose d'aucun pouvoir d'autosaisine. En effet, l'article L. 2121-10 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L2017GUA), relatif à la convocation du conseil municipal, dispose que "toute convocation est faite par le maire. Elle indique les questions portées à l'ordre du jour [...]".
Le Conseil d'Etat déduit du cumul de ces dispositions "que si le conseil municipal est seul compétent pour abroger tout ou partie du plan local d'urbanisme de la commune, c'est au maire qu'il revient d'inscrire cette question à l'ordre du jour d'une réunion du conseil municipal. Par suite, le maire a compétence pour rejeter une demande tendant à l'abrogation du plan local d'urbanisme ou de certaines de ses dispositions. Toutefois, il ne peut légalement prendre une telle décision que si les dispositions dont l'abrogation est sollicitée sont elles-mêmes légales. Dans l'hypothèse inverse, en effet, il est tenu d'inscrire la question à l'ordre du jour du conseil municipal, pour permettre à celui-ci, seul compétent pour ce faire, de prononcer l'abrogation des dispositions illégales".
Le conseil ne peut donc être directement saisi d'une demande d'abrogation. En vertu de ses fonctions de président de l'organe exécutif, matérialisé par la fixation de l'ordre du jour et le pouvoir de convocation, le maire est donc seul compétent pour le saisir. Toutefois, cette saisine est logiquement subordonnée au caractère illégal de la disposition contestée. En application de la jurisprudence "Alitalia" (27), en effet, l'autorité administrative a l'obligation d'abroger les règlements illégaux, que cette illégalité ait été initiale ou qu'elle résulte de circonstances de droit et de fait postérieures à son édiction. Le maire se retrouve donc entièrement libre de décider de saisir ou non le conseil de la demande d'abrogation. Sa décision demeure sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir (28), comme toutes les décisions implicites refusant d'abroger un règlement (29).
La situation du demandeur reste cependant déséquilibrée. Il est, en effet, fort peu probable que le maire reconnaisse l'illégalité d'une disposition du plan. Le recours contre sa décision implicite de refus de saisir le Conseil peut (et doit) être assorti d'une demande d'injonction fondée sur l'article L. 911-1 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L3329ALU). Au pire, l'exception d'illégalité étant perpétuelle contre les règlements, l'illégalité du classement pourra être invoquée à l'encontre d'un refus ultérieur d'autorisation fondée sur ce classement. Si l'exception est admise par le juge, le maire sera, en application de la jurisprudence "Alitalia", dans l'obligation d'en faire prononcer l'abrogation par le conseil municipal. Ces procédures demeurent toutefois d'une longueur telle qu'elle peut dissuader le propriétaire d'entamer ces démarches.
Si, en revanche, le maire reconnaît l'illégalité de la disposition contestée, il se trouve alors, comme le conseil municipal, en situation de compétence liée : il est tenu de saisir le Conseil en inscrivant la question à l'ordre du jour et ce dernier est dans l'obligation d'en prononcer l'abrogation.
L'affaire ne s'arrête cependant pas là. En effet, l'abrogation d'une disposition du plan constitue matériellement une modification de ce plan. On peut même imaginer, théoriquement, qu'elle puisse constituer une révision si elle porte atteinte à l'économie générale du document. Dès lors, si le Conseil d'Etat fait prévaloir, pour l'abrogation, le principe général du droit dégagé par la jurisprudence "Alitalia" sur les procédures de modification des documents d'urbanisme, il est bien entendu que le vide crée par l'abrogation devra être comblé selon ces mêmes procédures. Ici le parallélisme des procédures ne joue pas pour l'abrogation : une disposition illégale, édictée selon les procédures d'élaboration du PLU, sera abrogée par simple délibération du conseil mais devra être remplacée en recourant à ces mêmes procédures. Autant dire qu'une commune a tout intérêt à jouer la montre et que le refus du maire pourra être payant.
Cet avis vient confirmer la solution dégagée précédemment par un précédent avis selon lequel lorsque le maire, statuant sur une demande d'autorisation, estime devoir écarter le plan d'occupation des sols ou le plan local d'urbanisme en vigueur, il doit indiquer dans sa décision les illégalités dont le plan lui paraît être entaché et saisir, afin qu'il y soit remédié, le conseil municipal d'une demande d'abrogation, de modification ou de révision de ce plan (30). La situation est logiquement identique, qu'on se situe dans le cadre d'une demande d'autorisation ou d'une demande portant directement sur le PLU.
Après avoir énoncé cette répartition des compétences, le Conseil peut donc en conclure qu'il n'y a pas lieu de répondre à la seconde question, la loi du 12 avril 2000 n'ayant pas vocation à s'appliquer, dès lors que les dispositions particulières existantes permettent de fixer la répartition des compétences entre les organes de la commune.
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