La lettre juridique n°549 du 28 novembre 2013

La lettre juridique - Édition n°549

Éditorial

Géolocalisation : nouvelle bérézina de la procédure pénale

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N9555BT3

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication

Le 27 Mars 2014


Après le séisme du 30 juillet 2011 et la déclaration d'inconstitutionnalité de la garde à vue "à la française", il semble bien que le milieu judiciaro-pénal connaisse une nouvelle secousse, également de grande ampleur, avec l'annulation des mesures de géolocalisation appliquées, dans le cadre d'une enquête préliminaire, en dehors de tout contrôle de l'autorité judiciaire ; annulation ordonnée par la Cour de cassation, par deux arrêts fortement médiatisés du 20 octobre 2013.

La sentence de la Cour suprême est sans ambages : les mesures de géolocalisation portent atteinte à la vie privée et doivent, à ce titre, être réalisées sous le contrôle de l'autorité judiciaire, ce que n'est pas le Parquet qui n'est pas indépendant et poursuit l'action publique. Cette position a été, d'ailleurs, réitérée le 19 novembre 2013, alors que la Haute juridiciton refusait de transmettre une question prioritaire de constitutionnalité portant justement sur les dispositions des articles 12, 14, 41 et 77-1-1 du Code de procédure pénale qui autorisent une telle mesure de géolocalisation. Et, l'on revient, une nouvelle fois, vers le statut hybride de cette "magistrature debout" qui peine à s'asseoir à la table des autorités judiciaires dites indépendantes.

Dans la première affaire, une enquête avait été ouverte dans le cadre d'une association de malfaiteurs, constituée en vue de la préparation d'actes de terrorisme. Au cours de celle-ci, des officiers de police judiciaire, autorisés par le procureur de la République, avaient adressé, à des opérateurs de téléphonie, deux demandes de localisation géographique des téléphones mobiles utilisés par l'un des protagonistes. Après ouverture d'une information auprès du juge d'instruction, de nouvelles mesures de géolocalisation des téléphones mobiles avaient été pratiquées, en exécution d'une commission rogatoire délivrée par ce magistrat. Dans la seconde affaire, relative à un trafic de stupéfiants, les mêmes mesures de géolocalisation avaient été prises et l'intéressé avait finalement été mis en examen.

C'est que, selon les dires des officiers de police judiciaire, comme des magistrats eux-mêmes, la mesure est chose courante ; on en dénombrerait près de 13 000 par an, rien que pour les affaires de stupéfiants, de banditisme ou de terrorisme. Mais désormais, et en attendant une loi venant alléger la procédure de recours à la géolocalisation, lui conférant, à nouveau, toute son efficacité, le Parquet n'a plus le droit de faire géolocaliser les appels des suspects dans le cadre des enquêtes préliminaires dont il a la charge, au point qu'un grand quotidien national (Le Figaro) titrait, un mois après cette secousse procédurale : Des enquêtes en panne de géolocalisation (sous la plume de Jean-Marc Leclerc). Il faut dire que, nous révèle le journaliste, le ministre de la Justice a souhaité aller au-delà des prescriptions judiciaires du Quai de l'Horloge, pour appliquer cette mesure d'interdiction à l'enquête de flagrance, celle pour recherche des causes de la mort, disparition ou recherche d'un fuyard. La circulaire ministérielle donne, ainsi, instruction au Parquet de ne pas non plus recourir aux "dispositifs dédiés", comme les balises placées sous les véhicules personnes suspectes ; étant entendu qu'aucun juge d'instruction n'autorisera une telle mesure de géolocalisation, sans éléments permettant d'incriminer les individus suivis, alors que cette mesure est, précisément et principalement, requise pour trouver de tels éléments : le serpent se mordant la queue, l'enquête patine...

Reste donc à la Chancellerie à trouver, rapidement, une issue législative à cet imbroglio qui conduit, en attendant, à l'annulation de nombre de procédures. Et, une fois n'est pas coutume, syndicats de police et syndicats de la magistrature marchent main dans la main vers la place Vendôme, pour obtenir une réponse adéquate dans les plus brefs délais. On imagine bien qu'après avoir "tancé" le Garde des Sceaux, le 15 novembre dernier pour l'Union syndicale des magistrats (syndicat majoritaire), et le 22 novembre pour le Syndicat de la magistrature (syndicat le plus influent), lors de leurs traditionnels congrès, les juges, en sous-effectif et à qui il est demandé toujours plus de productivité, n'accueillent pas à bras ouverts la charge de contrôler ces dizaines de milliers de procédures de géolocalisation. La Conférence des procureurs est, également, vent debout sur cette question. Quant aux syndicats de police, ils ne font que relater les nombreuses situations de blocage absurdes dans lesquelles sont conduites des enquêtes préliminaires, voire la simple localisation d'une voiture volée et, pourtant, équipée d'un système de suivi !

Ainsi, ce serait la prochaine loi de programmation militaire qui autoriserait, déjà, le Premier ministre à recourir à la géolocalisation dans le cadre d'enquêtes administratives, qui servirait de véhicule législatif à une prochaine réforme pour la matière pénale. Le texte prévoirait soit qu'à titre exceptionnel le Parquet puisse recourir à une telle mesure, soit que le contrôle s'effectuerait a posteriori. D'ores et déjà, le plus grand discernement est requis, sous cape, de la part des magistrats parisiens et de la "petite couronne", pour tempérer les effets désastreux de la circulaire ministérielle. Après tout, la Cour européenne des droits de l'Homme autorise, elle-même, dans un arrêt, du 2 septembre 2010 (CEDH, 2 septembre 2010, Req. 35623 /05), la géolocalisation comme moyen d'enquête s'il est proportionné à l'acte en cause et limité dans le temps. La Cour estimait, dans cette affaire concernant la loi allemande, que le contrôle judiciaire ultérieur de la surveillance par GPS avait offert une protection suffisante contre l'arbitraire. Elle relevait, également, que l'ingérence dans l'exercice, par le requérant, de son droit au respect de sa vie privée était prévue par la loi. La Chancellerie a donc les clés en main et la plume serve pour rédiger sa copie législative...

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Avocats/Accès à la profession

[Evénement] Rapport sur la réforme de l'accès initial à la profession d'avocat : le cri d'alarme de Christiane Féral-Schuhl

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N9464BTP

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par Sophie Cazaillet, Rédactrice en chef

Le 28 Novembre 2013

Le 19 novembre 2013, les journalistes ont été appelés à se rendre à la Maison du barreau, dans le 1er arrondissement de Paris, pour participer à une conférence de presse portant sur le rapport sur la réforme de l'accès initial à la profession d'avocat. Ce rapport, dont la rédaction a été demandée par Christiane Féral-Schuhl, Bâtonnier de Paris, en septembre/octobre 2012, est paru, dix à douze mois après, et alarme le barreau de Paris. L'accès initial (et non dérogatoire) à la profession d'avocat est souvent critiquée, mais encore aucun écrit n'appuyait ces critiques par des chiffres, faute de consolidation des données. Ce travail a été mené, et il en ressort qu'à Paris, premier barreau de France, le nombre d'élèves avocat obtenant le CAPA est en constante augmentation. Or, le marché n'est pas capable d'absorber cette masse de nouveaux avocats. Il en résulte des difficultés à trouver une collaboration, des rémunérations insatisfaisantes, des problèmes d'intégration et de bien-être dans la profession. Kami Haeri, membre du conseil de l'Ordre, auteur du rapport, et le Bâtonnier de Paris ont présenté le rapport, paru le même jour. I - La genèse du rapport sur la réforme de l'accès initial à la profession d'avocat

Madame le Bâtonnier fait trois constats. Tout d'abord, les jeunes avocats rencontrent des problématiques de précarité et des difficultés à s'intégrer, avec des revenus qui stagnent, voire baissent. En 2012, 1 750 élèves avocats ont été recensés. Durant le Bâtonnat de Christiane Féral-Schuhl, 4 500 nouveaux avocats sont venus grossir les rangs de l'avocature. Ensuite, le barreau de Paris n'a aucune maîtrise sur l'entrée dans la profession. En effet, ce sont les IEJ, au travers des universités, qui gèrent l'admission des étudiants à la formation des élèves avocats. Le barreau ne maîtrise que son tableau. En 2012-2013, les 200 000 étudiants en droit sont 80 % à souhaiter devenir avocats. Ce chiffre reflète une belle attractivité de la profession, certes. Le barreau de Paris est brigué annuellement par 1 750 élèves avocats, sans compter les accès dérogatoires à son tableau (via les transferts depuis les autres barreaux, notamment). A ce rythme, en 2020 la profession d'avocat comptera, à Paris, 35 000 membres. Enfin, ces chiffres mettent en cause la qualité de la formation au métier d'avocat. D'où le cri d'alerte de Christiane Féral-Schuhl, qui met en garde contre la précarisation de la profession, et les difficultés de l'EFB à offrir à chaque élève la formation qu'il attend et qui lui servira à exercer son métier en conformité avec les règles de la profession et les règles du droit. Il est urgent de repenser le mode de sélection, et de se demander si ce seul point est suffisant pour réformer l'accès initial au métier d'avocat.

Le rapport fera l'objet d'un vote au Conseil national des barreaux le 15 janvier 2014. Les propositions défendues par le barreau feront donc l'objet d'un examen au niveau national.

L'année dernière, le barreau s'est déplacé dans le grand amphithéâtre de l'Université Paris 2 Panthéon-Assas, pour s'adresser aux 800 étudiants présents. Ces derniers demandent à ce que soit fait une sélection le plus tôt possible. Parce qu'il est difficile d'entendre que la porte à la profession est fermée après sept à huit ans d'études. Un système d'égalité est aussi à mettre en place, avec un examen national, et non par barreau. Il faut repenser la sélection.

En outre, la profession d'avocat, et tout citoyen français d'ailleurs, avance dans un contexte européen. Une réflexion sur le statut de l'avocat au niveau européen pousse à la détermination d'un dénominateur commun entre les professions dans les pays d'Europe. Ce dénominateur commun se heurte au périmètre de l'action de l'avocat. Alors qu'en Allemagne, par exemple, l'avocat peut aussi être notaire et avocat en entreprise, en France ce n'est pas le cas. Il faut donc élargir le périmètre du droit en France. Un millier d'avocats exercent dans deux Etats. Il serait logique, au vu de la mobilité croissante de la profession, de déterminer le dénominateur commun à toute l'avocature.

Le rapport est publié à un moment clé, car les avocats de Paris attendent un signal fort. Le débat sur l'accès à la profession peut sembler corporatiste, mais il n'en est rien. Le justiciable est en droit d'être conseillé par un professionnel qui a un vrai savoir-faire, acquis au cours d'une formation et d'une expérience de qualité. Cette question de la qualité du service presté est fondamentale.

II - Le contenu du rapport sur la réforme de l'accès initial à la profession d'avocat

Le rapport apporte une vision globale sur l'admission générale, et traite aussi de l'admission dérogatoire mais à moindre échelle, cette dernière étant marginale. Il servira de base à une réflexion poussée sur les conditions dans lesquelles la profession accueille les jeunes et comment elle dialogue avec les universités. Car en réalité, c'est le droit à l'épanouissement des jeunes qui est menacé. Le sujet traité par le rapport est sociétal et passionnel. Les informations statistiques manquaient, et il a fallu, en amont, les collecter et les consolider pour prendre des décisions éclairées.

La méthodologie du rapport a conduit à commencer par recueillir les chiffres des universités parisiennes, puis à étendre cette quête à celles situées dans la ceinture de Paris, dont les élèves avocats exercent fréquemment dans la capitale.

Les réflexions du rapport ont vocation à s'étendre à tout le territoire français.

A - Les chiffres de la profession

Dans les IEJ, la tendance est à l'augmentation des inscriptions. Toutefois, il est nécessaire de bien comprendre leur fonctionnement. L'étudiant s'inscrit administrativement à l'institut, ce qui lui permet d'avoir une convention de stage par exemple. Ensuite, il doit s'inscrire pédagogiquement, pour pouvoir présenter le CRFPA. Enfin, il doit se présenter au CRFPA. Chaque étudiant peut se présenter trois fois à cet examen.

Le premier constat du rapport est la décote importante entre le nombre d'inscrits administratifs et celui de ceux qui passent effectivement le concours. Ce dernier connaît, à Paris, un taux de réussite qui se situe entre 42 et 46 %.

Depuis 1982, le nombre d'inscrits à l'EFB est croissant. En 2005, un arrêté a fixé les conditions d'accès à l'examen (arrêté du 7 décembre 2005, fixant le programme et les modalités de l'examen d'aptitude à la profession d'avocat N° Lexbase : L1957ITN). En 2009, 1 351 élèves avocats étaient inscrits. En 2014, ils devraient être 1 900. En 1982, ils étaient 254... Il est intéressant de noter que l'EFB représente le "troisième barreau de France", le premier étant Paris, et le deuxième comptant 2 500 membres (l'ODA de Lyon). C'est donc l'équivalent d'un barreau qu'il faut former à Paris tous les ans, et la grande majorité d'entre eux pénètrera le marché de l'avocat.

L'augmentation des élèves a tendance à affaiblir la qualité de la formation. En effet, l'organisation matérielle de cette dernière devient plus compliquée. Certains amphithéâtres ne sont pas pourvus de places en nombre suffisant pour accueillir tous les élèves, il faut donc donner accès aux derniers à des salles dans lesquelles le cours est retransmis par écran. En outre, les élèves avocats sont très demandeurs d'une certains proximité avec leurs professeurs, qu'ils ne peuvent pas leur offrir.

Le CNB souhaiterait que la formation des élèves avocats passe de 18 mois actuellement à 12 mois. Cette formation plus courte est appelée de ses voeux par le "rapport Bédry" sur la proposition de réforme de l'accès aux écoles d'avocats, présenté par le Bâtonnier Jean-Marie Bédry les 15 et 16 juin 2012, qui préconise une formation théorique de quatre mois. Aujourd'hui, c'est impossible.

Concernant l'intégration à la profession, les chiffres manquent, faute de traçabilité des élèves. En revanche, le rapport présente les chiffres d'inscription au tableau du barreau de Paris. Sur le nombre d'inscriptions, il a été ôté le nombre de départs, et ajouté les accès dérogatoires. D'après la progression de ces chiffres, l'année 2020 risque de connaître 35 000 avocats inscrits au barreau de Paris, c'est-à-dire 7 000 à 8 000 avocats de plus. Ces chiffres sont préoccupants, au regard des défis d'intégration aujourd'hui constatés.

Sur la question des revenus des avocats, il est ressortit des chiffres communiqués que le revenu moyen d'un jeune avocat stagne. La précarisation prend donc de l'ampleur. Pour fonder cette remarque, il est possible de noter la recrudescence des sites proposant des consultations juridiques à bas coût, avec des avocats payés à la minute de conversation téléphonique. Depuis 2008, année enregistrant un revenu moyen de 25 646 euros, la rémunération baisse, et n'a plus jamais atteint ce niveau. Il est, en 2012, de 25 609 euros, après avoir chuté en 2009 à 24 300 euros annuels. La peur de l'échec est aussi constante. Le barreau de Paris a enregistré 6 000 avocats recevant moins de 17 000 euros par an au titre de l'exercice de leur métier. Les jeunes avocats reprochent aux anciens de les avoir fait entrer dans une profession sans les accompagner. Ce reproche est plus véhéments aux Etats-Unis, où il se traduit en actions : des class actions sont en cours de constitution pour attaquer les law schools pour publicité mensongère, car les promesses qu'on leur a tenues ne sont pas respectées dans la vie active.

B - Les propositions du barreau de Paris

Quelles sont les propositions du rapport ? Les rédacteurs du rapport ont discuté avec les universités, qui ne sont pas d'accord avec toutes les initiatives présentées.

Il serait nécessaire d'harmoniser l'examen du CAPA au niveau national, et de le rendre plus sélectif. Aujourd'hui, c'est le CRFPA, examen organisé par les universités et les IEJ, qui est sélectif. En effet, 99 % des personnes ayant le CRFPA obtiennent le CAPA. Cet examen coûte, de plus, 450 000 euros par an, alors que seules dix personnes n'y sont pas admises. C'est une perte de ressources injustifiée.

De plus, le CRFPA doit faire l'objet d'une réappropriation par le barreau. Une étude d'impact pourrait éclairer les opportunités soulevées par ce point. Les universités, évidemment, ne sont pas toutes optimistes face à cette proposition. En effet, elles garderaient le contrôle sur l'organisation des épreuves, mais la mise en place d'une telle homogénéisation coûterait deux millions d'euros. Toutefois, pour certains directeurs d'IEJ, il existe un vrai problème de sélection. La proposition ne suscite pas l'unanimité, ni dans un sens positif, ni dans un sens négatif.

Les autres mesures proposées portent sur l'examen lui-même. Un étudiant peut se présenter trois fois au CRFPA, pour tenter d'entrer à l'EFB. Or, la pratique veut qu'au dernier passage, un étudiant sera privilégié, et bénéficiera d'un avantage, car c'est sa dernière chance. Deux tentatives seraient suffisantes.

Il serait aussi envisageable de réduire le nombre d'épreuves. Les spécialisations sont utilisées pour compenser des notes mauvaises aux grandes matières. Elles mobilisent beaucoup de professeurs. Supprimer les épreuves de spécialités permettrait de recentrer les épreuves sur la note de synthèse, le droit des obligations ou la procédure, au choix, le grand oral (épreuve de déontologie) et l'épreuve de langue (avec un zéro technique). La spécialisation se fait en master 2, en stage, dans les premières années d'exercice. Pas au CAPA. De plus, nombreux sont les étudiants qui se sont spécialisés dans un domaine dans lequel ils n'exercent plus du tout en tant qu'avocat, car au gré des dossiers ils se sont spécialisés dans une autre branche du droit.

La dernière proposition du barreau est de décaler le passage de l'examen d'admissibilité au mois de juillet, plutôt qu'au mois de septembre. Cela aurait pour conséquence de limiter le nombre d'admissible (et, par conséquent, d'admis), aux "meilleurs étudiants", ceux qui ont travaillé toute l'année, et qui n'ont pas recouru aux propositions de "bachotage" des prépas d'été. Les universités sont très favorables à cette proposition.

Madame le Bâtonnier explique qu'un observatoire de la profession vient d'être créé, qui doit constater le phénomène de spécialisation des étudiants durant leurs études et dans la pratique. Une confrontation des chiffres pourrait donner la tendance du marché : quelle branche du droit est le plus en demande de collaborateurs ? Laquelle est saturée ? Ces données serviraient à mieux orienter les étudiants. On sait aujourd'hui que les filières de droit social et de droit fiscal sont les plus accueillantes. Le droit public l'est de plus en plus. Mais ces données changent. De même, les nouveaux métiers de l'avocat, comme l'avocat correspondant informatique et libertés, ou l'avocat agent sportif, attirent beaucoup de jeunes.

Il est important de souligner qu'aujourd'hui, 30 % des entrants de la profession d'avocat quittent la profession dans les dix ans suivant leur première inscription au tableau. Quelles en sont les raisons ? Les motifs de départ sont liés à un mal vécu de la profession, parce qu'il est difficile de trouver une collaboration, parce que les conditions de cette collaboration sont dures, parce qu'il est compliqué de concilier la vie professionnelle et la vie privée, etc.. Certains n'aiment tout simplement pas ce métier, ou n'ont pas pu se développer dans la filière qui les intéressait. La proportion de ces départs est un nombre important, car c'est le barreau qui assume le coût de la formation. Le CAPA est aussi convoité car il est un sésame qui permet l'accès à de plus en plus d'entreprises. Il est dommage que ce diplôme ne soit pas plus utilisé pour l'exercice de la profession dont il est censé sanctionner les aptitudes.

Sur le sujet du numerus clausus, il ne sera pas mis sur la table durant le Bâtonnat de Christiane Féral-Schuhl, qui n'est pas favorable à ce type de mesure. Une consultation avait été envisagée en octobre, mais le rapport l'a remise en cause, car les chiffres parlent d'eux-mêmes et ont permis l'émergence de propositions. Le CNB se prononcera le 15 janvier 2014 sur le rapport, il manque donc en plus de temps pour organiser un tel évènement.

Le rapport possède deux points de convergence avec le CNB : la mise en place d'un examen national et la réduction du nombre d'épreuves. Le rapport du CNB ("rapport Bédry", précité) avait créé un débat sur le maintien de l'épreuve d'anglais dans l'accès initial à la profession, mais il ne serait pas envisagé de supprimer cette matière.

La conciliation se fera le 15 janvier 2014, avec le vote du CNB sur le rapport. Pour l'instant, une phase de conciliation et de proposition s'ouvre. Verdict l'année prochaine !

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Bancaire

[Brèves] Obligation d'information de la banque de rejet d'un chèque adressée au tireur

Réf. : Cass. com., 19 novembre 2013, n° 12-26.253, F-P+B (N° Lexbase : A0501KQM)

Lecture: 1 min

N9619BTG

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Le 30 Novembre 2013

Il incombe seulement à l'établissement de crédit de prouver, lorsqu'il délivre par courrier l'information requise par l'article L. 131-73 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L6672IM3), qu'il l'a adressée au tireur avant le rejet du chèque en cause. Tel est le principe énoncé par la Chambre commerciale de la Cour de cassation dans un arrêt du 19 novembre 2013 (Cass. com., 19 novembre 2013, n° 12-26.253, F-P+B N° Lexbase : A0501KQM). En l'espèce, une banque a rejeté pour défaut de provision plusieurs des chèques émis par une société, ce qui a entraîné son interdiction bancaire. Reprochant à la banque d'avoir manqué à son obligation préalable d'information avant de rejeter ces chèques, la société l'a assignée en paiement de dommages-intérêts et en remboursement de divers frais. La cour d'appel de Fort-de-France a condamné la banque à payer diverses sommes à la société en raison de ce manquement (CA Fort-de-France, 6 juillet 2012, n° 10/00540 N° Lexbase : A1154IUB). Pour les juges d'appel si la banque prouvait avoir, avant le rejet de chacun des chèques litigieux, rédigé et envoyé à la société une lettre intitulée "information préalable avant rejet du chèque, elle ne démontrait pas que la société avait bien reçu ces courriers. Enonçant le principe précité, la Cour régulatrice casse l'arrêt d'appel au visa des articles L. 131-73 du Code monétaire et financier et 1315 du Code civil (N° Lexbase : L1426ABG ; cf. l’Ouvrage "Droit bancaire" N° Lexbase : E9736AEC).

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Concurrence

[Chronique] Chronique de droit de la concurrence et de la distribution - Novembre 2013

Lecture: 10 min

N9571BTN

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par Pauline Le More, avocate au barreau de Paris, Cabinet LeMore Avocat

Le 03 Décembre 2013

Lexbase Hebdo - édition affaires vous propose, cette semaine, de retrouver la chronique de droit de la concurrence et de la distribution, animée par Maître Pauline Le More, avocate au barreau de Paris, Cabinet LeMore Avocat. L'auteur présente, toute d'abord, les arrêts de la Cour de cassation du 24 septembre 2013 mettant en exergue la mise en oeuvre des règles en matière de compétence spécialisée des juridictions commerciales (Cass. com., 24 septembre 2013, deux arrêts, n° 12-23.486, FS-P+B et n° 12-24.538, F-P+B). Ensuite, est commenté l'arrêt de la Cour de cassation du 22 octobre 2013 sur le sursis à exécution d'une décision de l'Autorité de la concurrence infligeant d'importantes sanctions pécuniaires à la filiale d'un groupe de sociétés (Cass. com., 22 octobre 2013, n° 12-23.486, FS-P+B). Enfin, Maître Le More revient sur la procédure en cours diligentée par l'Autorité de la concurrence à l'encontre du GIE PMU dans le secteur des paris hippiques en ligne (Aut. conc., Avis de test de marché, 30 octobre 2013).
  • Compétence des juridictions spécialisées en matière de pratiques restrictives de concurrence (Cass. com., 24 septembre 2013, deux arrêts, n° 12-21.089, F-P+B N° Lexbase : A9414KLA et n° 12-24.538, F-P+B N° Lexbase : A9587KLN)

L'instauration de juridictions spécialisées, et en particulier la désignation de la cour d'appel de Paris pour connaître de l'appel des décisions rendues par celles-ci, a conduit au développement d'un contentieux fourni sur les questions d'irrecevabilité de l'appel.

L'article 2 du décret n° 2009-1384, relatif à la spécialisation des juridictions en matière de contestation (N° Lexbase : L9125IEP), entre autres, de pratiques restrictives de concurrence, devenu l'article D. 442-3 du Code de commerce (N° Lexbase : L9159IEX), désigne comme juridictions spécialisées pour connaître notamment des contentieux relevant de la rupture des relations commerciales (C. com., art. L. 442-6 N° Lexbase : L8640IMX) un certain nombre de juridictions commerciales énumérées dans un tableau de l'Annexe 4-2-1. Il dispose également que "la cour d'appel compétente pour connaître des décisions rendues par ces juridictions est celle de Paris".

En l'espèce (Cass. com., 24 septembre 2013, n° 12-21.089, F-P+B), la société Delachaux a interjeté appel contre une décision du tribunal de commerce de Lyon, qui s'était déclarée compétente en vertu de l'article D. 442-3 du Code de commerce et qui l'avait condamnée à payer à la société Licat des factures ainsi que des dommages-intérêts pour résistance abusive et pour rupture brutale d'une relation commerciale établie. Se fondant sur l'acte de signification du jugement qui lui a été délivré, la société Delachaux saisit la cour d'appel désignée, à savoir celle de Lyon. Or celle-ci déclare l'appel irrecevable par arrêt du 6 avril 2012, confirmant l'ordonnance du conseiller de la mise en état (CA Lyon, 6 avril 2012, n° 11/08861 N° Lexbase : A0853IIG).

La Cour de cassation confirme l'arrêt en rappelant qu'"il résulte de la combinaison des articles L. 442-6, III, alinéa 5, et D. 442-3 du Code de commerce que la cour d'appel de Paris est seule investie du pouvoir de statuer sur les appels formés contre les décisions rendues dans les litiges relatifs à l'application de l'article L. 442-6 du même code et que l'inobservation de ces textes est sanctionnée par une fin de non-recevoir", peu importe que l'objet du litige ne porte pas exclusivement sur des demandes ayant trait à la réparation du dommage pour rupture brutale des relations commerciales, mais également sur le paiement de factures. Dès lors que certaines demandes relèvent de l'article L. 442-6 du Code de commerce, il y a lieu de mettre en oeuvre la règle de spécialisation des juridictions énoncée par l'article D. 442-3 du Code de commerce.

Une autre clarification était apportée le même jour par la Cour de cassation en matière cette fois de droit transitoire (Cass. com., 24 septembre 2013, n° 12-24.538, F-P+B). En effet, l'article 8 du décret n° 2009-1384 du 11 novembre 2009 réserve compétence à la juridiction "primitivement saisie pour statuer sur les procédures introduites antérieurement à la date de son entrée en vigueur", soit le 1er décembre 2009. Tandis que la cour d'appel de Paris semble considérer que sa compétence exclusive en vertu dudit décret est acquise dès lors que l'appel interjeté est postérieur au 1er décembre 2009 (CA Paris, Pôle 5, 5ème ch., 13 décembre 2012, n° 12/08727 N° Lexbase : A8782IYW), de nombreuses autres juridictions d'appel estimaient que la compétence exclusive de la cour d'appel de Paris ne s'impose que dans l'hypothèse où la procédure de première instance a été introduite postérieurement au 1er décembre 2009 (cf. par ex., CA Rennes, 2ème ch., 28 juin 2011, n° 10/01515 N° Lexbase : A5376HWZ).

La Cour de cassation tranche en faveur de cette dernière interprétation de la notion de "procédures introduites antérieurement". Dès lors que l'acte introductif de première instance est antérieur au 1er décembre 2009, les cours d'appel situées dans le ressort des tribunaux saisis demeurent compétentes pour connaître du recours interjeté contre les jugements rendus, quand bien même lesdits jugements auraient été rendus postérieurement à son entrée en vigueur. En l'espèce, la Cour de cassation est d'avis que "la procédure ayant été introduite par une assignation délivrée antérieurement au 1er décembre 2009, date de l'entrée en vigueur du décret du 11 novembre 2009, les dispositions de l'article D. 442-3 du Code de commerce qui en sont issues ne sont pas applicables et par suite ne peuvent soumettre cette procédure au pouvoir juridictionnel exclusif dévolu à la cour d'appel de Paris".

Les clarifications de la Cour de cassation sont les bienvenues, tant la mise en oeuvre du décret n° 2009-1384 avait introduit une insécurité juridique pour les justiciables.

  • Sursis à exécution des sanctions pécuniaires imposées par l'Autorité de la concurrence et appartenance de l'entreprise condamnée à un groupe (Cass. com., 22 octobre 2013, n° 12-23.486, FS-P+B N° Lexbase : A4670KNB)

En vertu de la décision n° 12-D-09 du 13 mars 2012, relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur des farines alimentaires (Aut. conc., décision n° 12-D-012, 13 mars 2012 N° Lexbase : X2478AKY), la société Axiane Meunerie SAS s'était vue infligée par l'Autorité de la concurrence les plus importantes amendes, à savoir 19 927 000 euros du fait d'une entente anticoncurrentielle visant à limiter les importations de farine en sachets entre l'Allemagne et la France, d'une part, et 44 032 000 euros du fait d'une entente anticoncurrentielle visant à fixer le prix de la farine en sachets vendue à la grande et moyenne distribution ainsi qu'aux enseignes du hard discount, à répartir les clients et à limiter la production de ce produit, d'autre part. Ces pratiques sont prohibées à la fois par l'article 101 du TFUE (N° Lexbase : L2398IPI) et son équivalent français, l'article L. 420-1 du Code de commerce (N° Lexbase : L6583AIN).

Concomitamment à l'appel interjeté par la société Axiane Meunerie SAS contre cette décision, celle-ci sollicitait du Premier président de la cour d'appel de Paris un sursis à l'exécution des sanctions pécuniaires sur le fondement de l'article L. 464-8, alinéa 2, du Code de commerce (N° Lexbase : L4973IUQ). Par ordonnance du 3 juillet 2012, le délégué du premier président ordonnait le sursis à l'exécution des sanctions pécuniaires à hauteur des cinq sixièmes jusqu'à ce qu'il soit statué sur le recours formé par la société Axiane meunerie. Pour justifier cette décision, l'ordonnance s'appuyait sur le fait que "le chiffre d'affaires du groupe n'est mentionné par l'article L. 464-2 du Code de commerce que pour déterminer le maximum légal de la sanction, de sorte que les conséquences manifestement excessives de l'exécution immédiate de la décision doivent être appréciées au regard de la seule situation financière de la société sanctionnée".

La Cour de cassation casse l'ordonnance pour violation de l'article L. 464-8, alinéa 2, du Code de commerce. Il résulte, selon nous, de l'interprétation de l'article L. 464-8, alinéa 2, proposée par la Cour de cassation que le juge ne peut s'abriter derrière l'entité juridique sanctionnée par la décision de condamnation de l'Autorité de la concurrence pour ne pas prendre en compte la situation du groupe de sociétés auquel la société sanctionnée appartient. L'appréciation des conséquences manifestement excessives d'une exécution immédiate de la décision de l'Autorité de concurrence n'exclut pas la prise en considération des résultats de groupe de société auquel l'entreprise appartient. En d'autres termes, un pouvoir discrétionnaire est conféré au juge pour octroyer ou non un sursis à exécution au vu de la situation de la société condamnée et, le cas échéant, au vu de celle de son groupe. Une lecture trop restrictive de l'article L. 464-8, alinéa 2, du Code de commerce aurait eu pour conséquence de restreindre la marge de manoeuvre du juge saisi, sous prétexte que seule la filiale et non la société mère est condamnée par l'Autorité de la concurrence. Le sursis à exécution, souvent sollicité pour éviter l'injonction de publication des décisions de l'Autorité de la concurrence (cf. par exemple, Cass. com., 20 mars 2012, n° 11-16.128, F-P+B (N° Lexbase : A4192IGD), demeurera, à la lumière de cet arrêt, difficile à obtenir.

Au demeurant, l'interprétation restrictive des "conséquences manifestement excessives" de l'exécution immédiate d'une décision de l'Autorité de la concurrence est comparable à celle effectuée à propos de l'article 524, dernier alinéa, du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6668H74). Selon cet article également, le premier président peut arrêter l'exécution provisoire de droit en cas de violation manifeste du principe du contradictoire ou de l'article 12 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1127H4I) et lorsque l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives

  • Test de marché en matière de paris hippiques en ligne : les correctifs proposés par le PMU sous l'impulsion de l'Autorité de la concurrence dans le cadre de la libéralisation du secteur des jeux et paris en ligne (Autorité de la concurrence, avis de test de marché, 30 octobre 2013)

Curieusement, l'Autorité de la concurrence n'a pas été consultée en amont lors de l'élaboration de la loi n° 2010-476, relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne (N° Lexbase : L0282IKN), entrée en vigueur le 13 mai 2010. Or, la nouvelle législation ouvre à la concurrence un des rares secteurs économiques soumis jusqu'alors à droits exclusifs : celui du PMU en ce qui concerne les paris hippiques et celui de la Française des jeux en ce qui concerne les jeux de hasard. Contrairement, par exemple, à la régulation du secteur des livres numériques (Aut. conc., avis n° 09-A-56, 18 décembre 2009 N° Lexbase : X9387AH7), demandée à la requête du ministre de la Culture et de la Communication avant l'adoption de la loi n° 2011-590 du 26 mai 2011, relative au prix du livre numérique (N° Lexbase : L3836IQ7), c'est l'Autorité de la concurrence de son propre chef qui s'est auto-saisie pour évaluer la compatibilité de la loi sur les jeux et paris en ligne avec les règles de concurrence. Dans son avis 11-A-02 du 20 janvier 2011, l'Autorité de la concurrence émettait des réserves, en particulier sur les conditions dans lesquelles le domaine des paris hippiques en ligne était régulé. Elle s'interrogeait, notamment, sur les conséquences sur la concurrence de la subsistance d'activité en monopole ou encore sur les difficultés que pose l'existence d'opérateurs verticalement intégrés.

Les conclusions de cet avis devaient être vérifiées par l'évolution économique du secteur, au sein duquel les deux opérateurs historiques demeurent prépondérants. Ainsi en matière de paris hippiques, non seulement le PMU conservait une part dominante (86,4 %) du marché des paris hippiques en ligne en 2012, mais il captait la croissance de ce marché grâce à son site "pmu.fr". De nombreuses plaintes ont, semble-t-il, été introduites devant l'Autorité de la concurrence, dont celle, en janvier 2012, de Betclic Everest Group.

C'est la voie des engagements, prévus aux articles L. 464-2, I (N° Lexbase : L4967IUI) et R. 462-2 (N° Lexbase : L8652IB3) du Code de commerce, qui était privilégiée par l'Autorité de la concurrence. Conformément à ce type de procédure négociée, un avis a été émis par l'Autorité de la concurrence le 30 octobre 2013 pour soumettre les propositions d'engagements du PMU aux commentaires de tiers intéressés, c'est-à-dire principalement les concurrents du PMU et leurs associations professionnelles.

Dans un délai de deux ans, le PMU propose ainsi de s'engager à séparer pour chacun des paris proposés sur "pmu.fr", ses masses d'enjeux enregistrées en ligne de celles enregistrés "en dur" (c'est-à-dire sur son réseau de points de vente physiques). La mutualisation des mises est une question majeure compte tenu du fait que seul le pari hippique en la forme mutuelle est autorisé par la loi du 12 mai 2010. Par conséquent, les masses d'enjeux des paris hippiques proposés par "pmu.fr" ne pourront désormais plus être constituées par les mises enregistrées à la fois par les joueurs en ligne et les joueurs faisant appel aux points de vente physiques, mais par les seules mises en ligne enregistrées sur ce site. De surcroît, le PMU s'engage également à (i) adapter sa rubrique "parcours client" pour la conserver spécifiquement aux parieurs hippiques "en dur" sur "pmu.fr" ; (ii) à maintenir la séparation fonctionnelle de ses équipes marketing et commerciales, de ses bases de données et l'utilisation y afférente ; et enfin (iii) à ne pas mutualiser ses activités publicitaires en promouvant ses activités en ligne sur le réseau dur tout en pérennisant la comptabilité séparée de ses activités online. Aucun contrôle par un tiers de ces engagements n'est proposé, le PMU proposant d'émettre un rapport trimestriel de suivi à l'Autorité de la concurrence.

Si tout tiers intéressé peut faire des observations avant le 2 décembre 2013, c'est l'Autorité de la concurrence qui aura le dernier mot sur la teneur des engagements à rendre obligatoires à l'issue des consultations. On peut se demander si la décision à venir sera à même de rétablir la concurrence sur le mérite et accroître les chances pour les opérateurs concurrents de percer le marché des paris hippiques en ligne dans un contexte de "baisse d'activité générale du secteur des paris hippiques en France" (ARJEL, analyse trimestrielle du marché des jeux en ligne en France, troisième trimestre 2013). A défaut d'établir l'abus de position dominante du PMU sur le marché des paris hippiques en ligne, la future décision est susceptible de fournir des informations utiles sur le secteur au juge civil, éventuellement saisi sur les dommages subis par les opérateurs de paris en ligne et résultant du comportement du PMU depuis le 13 mai 2010.

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Congés

[Brèves] Coïncidence de deux jours fériés chômés : précision sur le paiement

Réf. : Cass. soc., 20 novembre 2013, n° 12-21.684, FS-P+B (N° Lexbase : A0393KQM)

Lecture: 2 min

N9554BTZ

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Le 28 Novembre 2013

Lorsque deux jours fériés chômés coïncident, le salarié ne peut prétendre à l'attribution de ces deux jours ou au paiement d'une indemnité qu'à la condition qu'une convention collective garantisse un nombre déterminé de jours chômés correspondant aux jours de fêtes légales ou qu'elle prévoie le paiement d'un nombre déterminé de jours fériés dans l'année. Telle est la solution retenue dans un arrêt rendu par la Chambre sociale de la Cour de cassation le 20 novembre 2013 (Cass. soc., 20 novembre 2013, n° 12-21.684, FS-P+B N° Lexbase : A0393KQM).
Dans cette affaire, une salariée, travaillant dans une association soumise à la Convention collective nationale des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966, a saisi le conseil de prud'hommes d'une demande tendant à obtenir le paiement de sommes au titre de la récupération du jeudi de l'Ascension et des congés payés afférents. A l'appui de sa demande, elle faisait valoir qu'en application de l'article 23 de la CCN précitée, prévoyant que le repos des jours fériés ne devait entraîner aucune réduction de salaire, elle devait obtenir le paiement du jour de l'Ascension, puisqu'en 2008, la fête de l'Ascension était tombée le même jour que le 1er mai. Les juges du fond ont fait droit à cette demande au motif que l'article 23 de la Convention collective applicable listait onze jours fériés et précisait que le repos de ces onze jours ne devait entraîner aucune réduction de salaire. En conséquence, la coïncidence de deux jours fériés revenait de fait à travailler un jour supplémentaire pour le même salaire, ce qui entraînait une réduction de salaire.
Saisie du pourvoi formé par l'employeur, la Cour de cassation censure le jugement du conseil de prud'hommes rendu en dernier ressort, considérant que, lorsque deux jours fériés chômés coïncident, le salarié ne peut prétendre à l'attribution de ces deux jours ou au paiement d'une indemnité qu'à la condition qu'une convention collective garantisse un nombre déterminé de jours chômés correspondant aux jours de fêtes légales ou qu'elle prévoie le paiement d'un nombre déterminé de jours fériés dans l'année. Or, en statuant comme il l'a fait, alors que l'article 23 de la convention collective nationale des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées, qui se borne à prévoir que les jours fériés donnent lieu à un repos sans diminution de salaire, n'instaure aucun droit à un jour de congé ou de repos supplémentaire lorsque par exception, deux jours fériés coïncident, le conseil de prud'hommes a violé le texte susvisé .

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Contrats administratifs

[Chronique] Chronique de droit interne des contrats publics - Novembre 2013

Lecture: 11 min

N9604BTU

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par François Brenet, Professeur à la Faculté de droit et des sciences sociales de l'Université de Poitiers-Institut de droit public (EA 2623)

Le 28 Novembre 2013

Lexbase Hebdo - édition publique vous propose, cette semaine, de retrouver la chronique d'actualité de droit interne des contrats publics de François Brenet, Professeur à la Faculté de droit et des sciences sociales de l'Université de Poitiers-Institut de droit public (EA 2623). Au sommaire de cette chronique, l'auteur revient, en premier lieu, sur un arrêt du 19 novembre 2013 par lequel le Conseil d'Etat précise que les baux emphytéotiques administratifs "sécurité" conclus avant l'entrée en vigueur de la loi "LOPPSI II" du 14 mars 2011 ne pouvaient pas avoir pour objet de confier à un tiers une mission de gestion courante d'un bien appartenant à une collectivité territoriale. De tels baux devaient impérativement avoir pour objet de confier au preneur le soin de réaliser sur le bien immobilier des investissements revenant à la collectivité en fin de bail (CE 3° et 8° s-s-r., 19 novembre 2013, n° 352488, publié au recueil Lebon). En second lieu, l'auteur s'est arrêté sur un arrêt du 6 novembre 2013 dans lequel la Haute juridiction administrative applique la jurisprudence "Société Econord" de la Cour de justice de l'Union européenne en indiquant qu'une participation très minoritaire d'une collectivité territoriale au capital d'une société publique locale d'aménagement ne suffit pas à établir l'existence d'un contrôle analogue, lequel est pourtant nécessaire pour conclure un contrat "in house" (CE 2° et 7° s-s-r., 6 novembre 2013, n° 365079, publié au recueil Lebon). Pour qu'un tel contrôle soit établi, il faut que la participation au capital s'accompagne d'une participation aux organes de direction de la société publique locale.
  • Impossibilité pour une collectivité territoriale de recourir au BEA de l'article L. 1311-2 du Code général des collectivités territoriales -dans sa version antérieure à l'article 96 de la loi du 14 mars 2011- pour confier à un tiers une mission de gestion courante d'un bien lui appartenant (CE 3° et 8° s-s-r., 19 novembre 2013, n° 352488, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A0550KQG)

Introduit en droit français par la loi n° 88-13 du 5 janvier 1998, d'amélioration de la décentralisation (N° Lexbase : L7828IRD), le bail emphytéotique administratif a rapidement connu le succès qu'on lui annonçait, au point de devenir en quelques années seulement l'un des instruments privilégiés par les collectivités territoriales pour valoriser leurs dépendances domaniales. En vérité, ce constat d'ensemble cache une réalité plus complexe car s'il a été initialement perçu comme une simple technique d'occupation domaniale, le BEA est très vite devenu la clef de voûte de montages contractuels complexes reposant sur des schémas "aller-retour" dans lesquels la personne publique loue un terrain à un preneur qui a pour mission de financer et de construire un ouvrage ou un équipement destiné à satisfaire les besoins de la collectivité territoriale et qui lui est alors loué pendant la durée nécessaire à l'amortissement des investissements réalisés par l'emphytéote. En d'autres termes, c'est parce qu'il permet le préfinancement privé d'ouvrages et/ou d'équipements publics que le BEA est devenu intéressant et qu'il a connu un succès que nul ne peut lui contester. Par son objet global et par sa structure financière, le BEA inscrit dans un montage aller-retour préfigurait les futurs partenariats public-privé. On notera d'ailleurs que les collectivités territoriales privilégient souvent le BEA et délaissent tout aussi souvent le contrat de partenariat de l'ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 (N° Lexbase : L2584DZQ) car sa conclusion nécessite toujours, à l'inverse du premier, la réalisation d'une évaluation préalable (1) apportant la preuve, soit de l'urgence, soit de la complexité, soit du bilan avantageux (certains préférant parler d'efficience) du projet envisagé.

Même s'il est plus facile de recourir au BEA qu'au contrat de partenariat, il ne faut pas en conclure que la conclusion d'un bail emphytéotique sur le domaine public peut s'opérer sans condition. Le BEA demeure un contrat fortement réglementé, même si son champ d'application s'est considérablement élargi au fil du temps et des législations successives. C'est précisément cette double question des conditions dans lesquelles les collectivités territoriales peuvent recourir au BEA et de l'articulation entre les législations successives s'y rapportant qui était au coeur de l'arrêt du Conseil d'Etat du 19 novembre 2013.

En l'espèce, une commune avait édifié, sur un terrain lui appartenant, trois bâtiments à usage de logements et de services à destination de la gendarmerie nationale. Ces bâtiments ont été achevés à la fin de l'année 2005 et donnés à bail à l'Etat le 1er février 2006. Par une délibération du 14 décembre 2009, le conseil municipal a autorisé son maire à signer un bail emphytéotique avec la société X pour lui transférer la gestion de cet ensemble immobilier. Saisi d'un déféré préfectoral, le tribunal administratif de Grenoble a annulé cette délibération et le bail conclu le 16 décembre 2009. Cette solution a été confirmée par la cour administrative d'appel de Lyon par un arrêt du 7 juillet 2011 (2).

La question posée au Conseil d'Etat était somme toute assez simple, mais riche d'enjeux. Elle était celle de savoir si la commune avait pu valablement conclure un bail emphytéotique dans le seul but de confier la gestion des immeubles accueillant les services de la Gendarmerie nationale. Les juges du fond avaient clairement affirmé que cela n'était pas possible au regard de la lettre de l'article L. 1311-2 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L7666IPM). Mais un doute était permis car l'article 96 de la loi n° 2011-267 du 14 mars 2011, d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (N° Lexbase : L5066IPC) (dite "LOPPSI II"), avait justement modifié l'article L. 1311-2 précité pour permettre aux collectivités territoriales de conclure un BEA "en vue de la restauration, de la réparation, de l'entretien-maintenance ou de la mise en valeur" d'un bien. Faisant suite à un amendement adopté au Sénat, cette modification avait précisément été adoptée en vue de sécuriser la conclusion d'un certain nombre de BEA conclus par les collectivités territoriales pour le simple entretien, ou la gestion, de leur patrimoine immobilier.

Cette problématique n'était pas sans rappeler celle qui avait prévalu au sujet des BEA dits cultuels. Ces derniers s'étaient multipliés au fil des ans alors qu'un doute existait quant à leur validité au regard de la loi du 9 décembre 1905, concernant la séparation des Eglises et de l'Etat (N° Lexbase : L0978HDL). Pour éviter de futures complications contentieuses et la remise en cause de nombreux baux, l'ordonnance n° 2006-460 du 21 avril 2006, relative à la partie législative du Code général de la propriété des personnes publiques (N° Lexbase : L3736HI9), avait créé un BEA "cultuel" en complétant l'article L. 1311-2 du Code général des collectivités territoriales. Seulement, cette disposition ne protégeait les BEA "cultuels" que pour l'avenir. Les BEA "cultuels" conclus antérieurement n'ont été sécurisés que grâce au Conseil d'Etat qui a développé une interprétation très souple du principe de séparation des églises et de l'Etat dans son arrêt d'Assemblée "Commune de Montreuil-sous-Bois" du 19 juillet 2011 (3). En effet, le juge administratif a considéré que l'ordonnance du 21 avril 2006 n'avait fait qu'expliciter l'article L. 1311-2 en ouvrant aux collectivités territoriales la faculté, dans le respect du principe de neutralité à l'égard des cultes et du principe d'égalité, d'autoriser un organisme qui entend construire un édifice du culte ouvert au public à occuper pour une longue durée une dépendance de leur domaine privé ou de leur domaine public, dans le cadre d'un bail emphytéotique.

Sans doute le législateur espérait-il que la solution adoptée par le Conseil d'Etat au sujet du BEA cultuel allait être reproduite au sujet du BEA "sécurité". Pourtant, c'est une autre solution que la Haute juridiction administrative retient. Elle considère que la loi "LOPPSI II" ne comporte aucun effet rétroactif et qu'elle ne peut donc avoir pour effet de valider les BEA "sécurité" conclus antérieurement. Cela ne signifie pas que tous les BEA conclus avant l'entrée en vigueur de la "LOPPSI II" sont illégaux. Ils ne le sont que dans la mesure où leur objet dépasse ce qui était permis par l'article L. 1311-2, tel qu'il était initialement rédigé. Plus précisément, sont illégaux les BEA "sécurité" dont l'objet se borne à confier au preneur une mission de gestion courante d'un bien appartenant à la collectivité territoriale. A contrario, cela signifie que les BEA "sécurité" conclus avant l'entrée en vigueur de la "LOPPSI II" ne sont légaux que s'ils ont pour objet de confier au preneur la charge de réaliser, sur le bien immobilier qu'il est ainsi autorisé à occuper, des investissements qui reviendront à la collectivité en fin de bail.

  • Contrat "in house" : une participation très minoritaire au capital d'une société publique locale d'aménagement ne suffit pas à établir l'existence d'un contrôle analogue ; la participation aux organes de direction est également requise (CE 2° et 7° s-s-r., 6 novembre 2013, n° 365079, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A0956KP4)

Le contrat "in house" nous vient du droit de l'Union européenne, plus précisément de la Cour de Justice qui l'a créé de toutes pièces dans son célèbre arrêt "Teckal" (4) du 18 novembre 1999. Aussi appelé contrat-maison, contrat de quasi-régie ou encore contrat de prestations intégrées, le contrat "in house" est un véritable contrat conclu entre deux personnes juridiquement distinctes. Il échappe au droit de la commande publique parce que l'un des cocontractants exerce sur l'autre partie un contrôle analogue à celui qu'il exerce sur ses propres services et que l'entité contrôlée réalise l'essentiel de son activité avec la (ou les) collectivité(s) qui le détien(nen)t.

La notion de contrat "in house" a suscité des réactions contrastées de la part des Etats membres de l'Union européenne. Il faut dire que la jurisprudence de la Cour a parfois fait le grand écart, soufflant dans une certaine mesure le chaud et le froid. S'il n'est évidemment pas question de reprendre l'évolution jurisprudentielle dans son ensemble, l'on peut considérer qu'un premier tournant très restrictif a été pris par la Cour de justice lorsqu'elle a affirmé dans son arrêt "Stadt Halle" du 11 janvier 2005 (5) que "la participation, fût-elle minoritaire, d'une entreprise privée dans le capital d'une société à laquelle participe également le pouvoir adjudicateur exclut que ce pouvoir adjudicateur puisse exercer sur cette société un contrôle analogue à celui qu'il exerce sur ses propres services". Avec cette solution, il était exclu par principe que l'économie mixte puisse bénéficier du label "in house".

Par la suite, la Cour a continué à faire montre de rigueur en considérant notamment que l'actionnariat intégralement public ne suffisait pas à établir l'existence d'une relation "in house". Encore fallait-il que le contrôle exercé par le pouvoir adjudicateur sur l'entité qu'il détient soit véritablement significatif (6). Un deuxième tournant a été pris par la jurisprudence européenne au sujet de la problématique intercommunale. La question, qui suscitait une crainte légitime des Etats membres, était de savoir si le contrôle analogue pouvait être exercé conjointement par plusieurs personnes publiques. La Cour y a répondu favorablement dans son arrêt "Coditel Brabant" (7), évitant ainsi d'avoir à soumettre au droit de la commande publique bon nombre de contrats conclus, notamment, entre les collectivités territoriales et les structures intercommunales auxquelles elles avaient adhéré. Enfin, il nous semble qu'un troisième tournant a été pris plus récemment dans l'arrêt "Econord" du 29 novembre 2012 (8), dont l'arrêt du Conseil d'Etat du 6 novembre 2013 fait une application remarquée.

En l'espèce, une société publique locale d'aménagement (9) avait été constituée entre plusieurs collectivités de l'agglomération dijonnaise (SPLAAD). 68 % des parts appartenaient à la communauté d'agglomération de Dijon, 10 % à une ville, 10 % à une autre et le reste du capital se répartissait entre plusieurs communes dont la commune X qui détenait 1,076 % du capital de la SPLAAD. Cette dernière commune a alors entrepris de concéder à la SPLAAD, sans publicité ni mise en concurrence, l'aménagement de la zone qui devait être transformée en zone destinée à l'habitat. Saisi par deux associations d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre la délibération autorisant le maire à signer cette concession d'aménagement, le tribunal administratif de Dijon a rejeté leur recours, à l'inverse de la cour administrative d'appel de Lyon (10) qui a annulé la délibération litigieuse au motif que la commune ne pouvait être regardée comme exerçant, même conjointement avec les autres actionnaires, un contrôle analogue à celui qu'elle exerçait sur ses propres services. Saisi en cassation, le Conseil d'Etat avait à se prononcer sur les contours exacts de la notion de contrôle analogue. Plus précisément, la question était celle de savoir si une participation très minoritaire, pour ne pas dire symbolique, d'une collectivité territoriale au capital d'une société publique locale était de nature à établir l'existence d'un contrôle analogue.

Si cette question était posée pour la première fois au Conseil d'Etat, la Haute juridiction administrative avait à sa disposition un certain nombre d'indications lui permettant de fixer une ligne jurisprudentielle claire. En effet, la Cour de justice avait indiqué dans son arrêt "Econord" du 29 novembre 2012 que, si le contrôle analogue pouvait être exercé conjointement par plusieurs personnes publiques, encore fallait-il que la participation d'une personne publique au capital de l'entité se traduise par une participation aux organes de direction de l'entité. Pour la Cour, "si, en cas de recours de plusieurs autorités publiques à une entité commune aux fins de l'accomplissement d'une mission commune de service public, il n'est, certes, pas indispensable que chacune de ces autorités détienne, à elle seule, un pouvoir de contrôle individuel sur cette entité, il n'en demeure pas moins que le contrôle exercé sur celle-ci ne saurait reposer sur le seul pouvoir de contrôle de l'autorité publique détenant une participation majoritaire dans le capital de l'entité concernée et ce sous peine de vider de son sens la notion même de contrôle conjoint". Cet avertissement lancé par la Cour de justice ne devait rien au hasard. En effet, de nombreuses personnes publiques avaient cru qu'il suffisait de détenir une partie, même très minime, du capital d'une société publique, pour satisfaire à l'exigence du contrôle analogue. Or, telle n'a jamais été l'intention de la Cour de justice puisqu'elle affirmait dès 2009 qu'il convenait, pour apprécier l'existence d'un tel contrôle, de "tenir compte de l'ensemble des dispositions législatives et des circonstances pertinentes" (11). Au niveau national, une circulaire du ministre de l'Intérieur du 29 avril 2011, relative au régime juridique des sociétés publiques locales (N° Lexbase : L1436IQA), avait clairement indiqué que "seul un examen au cas par cas des statuts permettra de déterminer le degré de contrôle de la ou les collectivités sur chaque société publique locale".

L'arrêt rendu par le Conseil d'Etat se situe dans le prolongement de ce courant jurisprudentiel et administratif. La Haute juridiction administrative précise clairement que "pour être regardée comme exerçant un tel contrôle sur cette société, conjointement avec la ou les autres personnes publiques également actionnaires, cette collectivité doit participer non seulement à son capital mais également aux organes de direction de cette société" (cons. n° 5). En l'espèce, la commune, qui ne détenait que 1,076 % du capital de la SPLAAD, ne disposait pas d'un représentant propre au sein de son conseil d'administration, alors que c'est cet organe qui était chargé d'approuver les concessions d'aménagement. La commune n'avait pas de voix délibérative directe au sein du conseil d'administration, puisqu'elle ne pouvait intervenir que par l'intermédiaire d'un représentant commun des petits actionnaires. De plus, dès lors qu'elle détenait moins de 5 % du capital, la commune ne pouvait pas requérir l'inscription d'un projet à l'ordre du jour du conseil d'administration de la SPLAAD. Enfin, les organes au sein desquels la commune était directement représentée (assemblée spéciale des petits actionnaires, comité technique et financier et comité de contrôle) ne disposaient, en matière d'exécution des concessions d'aménagement, d'aucun pouvoir décisionnaire. Après avoir rejeté les conclusions dirigées contre la partie de l'arrêt des juges d'appel qui annulait la délibération du 25 octobre 2010, le Conseil d'Etat a statué sur la demande d'injonction. Alors que la cour administrative d'appel de Lyon avait estimé que l'illégalité était d'une particulière gravité (méconnaissance des obligations de publicité et de mise en concurrence résultant de l'absence de contrat "in house") et avait enjoint aux parties de saisir le juge du contrat dans un délai de quatre mois afin qu'il prononce la résolution de la concession d'aménagement, le Conseil d'Etat retient une solution différente. Reprenant le considérant de principe de l'arrêt "Société Ophrys" (12), il juge que cette illégalité, même si elle a affecté gravement la légalité du choix du concessionnaire (il s'agit d'une illégalité par défaut de publicité et de mise en concurrence et non par insuffisance de publicité et de mise en concurrence), n'a affecté ni le consentement de la personne publique, ni le contenu de la concession d'aménagement. Ce vice n'implique donc pas la résolution de la convention, mais sa résiliation dans un délai de trois mois à compter de la notification de l'arrêt.

Au total, cet arrêt du 6 novembre 2013 doit être compris comme un signal très fort adressé par le juge administratif aux collectivités territoriales. Les sociétés publiques locales, dont les sociétés publiques locales d'aménagement constituent une sous-espèce, ne sont pas un moyen commode permettant de contourner les règles de publicité et de mise en concurrence. La relation "in house" ne saurait être établie au seul motif que le contrat est conclu avec une société publique locale. L'exigence du contrôle analogue n'est donc pas une condition purement formelle. Elle doit correspondre à une certaine réalité et se traduire par la présence réelle de la collectivité territoriale au sein des organes de décision de l'entité.


(1) Notons toutefois que l'évaluation préalable est obligatoire pour certains projets. En effet, l'article L. 1311-2 du Code général des collectivités territoriales dispose que "tout projet de bail emphytéotique administratif présenté pour la réalisation d'une opération d'intérêt général liée aux besoins de la justice, de la police ou de la gendarmerie nationales dont le loyer est supérieur à un montant fixé par décret en Conseil d'Etat est soumis à la réalisation d'une évaluation préalable dans les conditions fixées par l'article L. 1414-2 (N° Lexbase : L1915IBK)".
(2) CAA Lyon, 3ème ch., 7 juillet 2011, n° 10LY02802, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A9051HW7).
(3) CE, Ass., 19 juillet 2011, n° 320796, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A0576HWA), Rec. CE, 2011, Dr. adm., 2011, comm. 92.
(4) CJCE, 18 novembre 1999, aff. C-107/98 (N° Lexbase : A0591AWS).
(5) CJCE, 11 janvier 2005, aff. C-26/03 (N° Lexbase : A9511DEY).
(6) CJCE, 13 octobre 2005, aff. C-458/03 (N° Lexbase : A7748DK8) : il faut que ce contrôle se traduise par une "influence déterminante tant sur les objectifs stratégiques que sur les décisions importantes". Voir aussi CJCE, 11 mai 2006, aff. C-340/04 (N° Lexbase : A3283DPB), CJCE, 17 juillet 2008, aff. C-371/05 (N° Lexbase : A7110D99).
(7) CJCE, 13 novembre 2008, aff. C-324/07 (N° Lexbase : A2174EB7).
(8) CJUE, 29 novembre 2012, aff. C-182/11 et C-183/11 (N° Lexbase : A7011IXX).
(9) Ces sociétés publiques locales d'aménagement ont été instituées à titre expérimental par l'article 20 de la loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006, portant engagement national pour le logement (N° Lexbase : L2466HKK). Par la suite, la loi n° 2010-559 du 28 mai 2010, pour le développement des sociétés publiques locales (N° Lexbase : L3708IMB), a créé les sociétés publiques locales (CGCT, art. L. 1531-1 N° Lexbase : L3729IM3) et a pérennisé l'existence des sociétés publiques locales d'aménagement (CGCT, art. L. 1531-1, alinéa 2).
(10) CAA Lyon, 4ème ch., 7 novembre 2012, n° 12LY00811, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A6606IYC).
(11) CJCE, 10 septembre 2009, aff. C-573/07 (N° Lexbase : A8897EKQ).
(12) CE 2° et 7° s-s-r., 21 février 2011, n° 337349, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A7022GZ4).

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Contrat de travail

[Jurisprudence] Le droit aux congés payés est un droit au repos effectif et ne peut être remplacé par une indemnité financière

Réf. : Cass. soc., 14 novembre 2013, n° 12-14.070, FS-P+B+R (N° Lexbase : A6232KPI)

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par Christophe Willmann, Professeur à l'Université de Rouen et Directeur scientifique de l'Encyclopédie "Droit de la protection sociale"

Le 28 Novembre 2013

Selon le rapport annuel sur l'évolution de la durée du temps de travail dans l'Union européenne (1), les salariés français, allemands et danois bénéficient en moyenne 30 jours de congés payés par an, contre 20 jours dans la plupart des pays d'Europe centrale et de l'Est ainsi que la Grèce (23 jours), le Portugal (22 jours), l'Espagne (22 jours) et la Roumanie (21 jours). Le total des congés annuels et des jours fériés dans l'Union européenne varie de 40 jours (Allemagne), 39 jours (Italie, France) à 29 jours (Roumanie, Pologne, Hongrie) voire 28 jours (Estonie). Depuis quelques années, le système français des congés payés est soumis strictement au droit européen, au point parfois d'impliquer une intervention du législateur. Ainsi, au nom du droit aux congés payés et au repos, la CJUE a refusé que le droit aux congés payés soit conditionné par une durée minimale de travail (2). Aussi, le législateur est intervenu pour supprimer toute référence à l'accomplissement d'une période minimale de travail effectif (loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 N° Lexbase : L5099ISN ; C. trav., art. L. 3141-3 N° Lexbase : L5822ISG). La Cour de cassation a donc orienté son mode d'analyse du droit des congés payés, dans un sens "sanitaire" du terme, tel que le conçoit la Cour de justice : le droit au congé est un droit au repos effectif et ne peut être remplacé par une indemnité financière que dans une hypothèse entendue limitativement et précisément, lors de la fin de la relation de travail.
Résumé

Dans son arrêt du 16 mars 2006, la CJCE a dit pour droit que l'article 7 § 1 de la Directive 93/104/CE du 23 novembre 1993 (N° Lexbase : L7793AU8) :

- s'oppose à ce qu'une partie du salaire versé au travailleur au titre du travail effectué soit affectée au paiement du congé annuel sans que le travailleur perçoive, à ce titre, un paiement en sus de celui versé au titre du travail effectué, il ne saurait être dérogé à ce droit par un accord contractuel ;

- s'oppose à ce que le paiement du congé annuel minimal fasse l'objet de versements partiels étalés sur la période annuelle de travail correspondante et payés ensemble avec la rémunération au titre du travail effectué, et non d'un versement au titre d'une période indéterminée au cours de laquelle le travailleur prend effectivement congé ;

- ne s'oppose pas, en principe, à ce que des sommes qui ont été payées, de manière transparente et compréhensible, au titre du congé annuel minimal sous la forme de versements partiels étalés sur la période annuelle de travail correspondante et payés ensemble avec la rémunération au titre du travail effectué soient imputées sur le paiement d'un congé déterminé qui est effectivement pris par le travailleur (CJCE, 16 mars 2006, aff. C-131/04 et C-257/04 N° Lexbase : A6372DNC).

En l'espèce, le contrat de travail se bornait à stipuler que la rémunération globale du salarié incluait les congés payés, ce dont il résultait que cette clause du contrat n'était ni transparente, ni compréhensible. Lors de la rupture, le salarié n'avait pas pris effectivement un reliquat de jours de congés payés. La cour d'appel a décidé à bon droit de condamner l'employeur au paiement d'une indemnité compensatrice.

En l'espèce, un avocat salarié a été engagé en septembre 2006 par la société F. moyennant une rémunération incluant les congés payés. Il a démissionné le 30 janvier 2009. Au terme de son préavis, l'intéressé a réclamé le paiement du reliquat de ses congés payés (il n'est pas parti en congé pour l'intégralité de ses droits acquis puisqu'au moment de sa démission il disposait encore au total de 25 jours de congés qu'il lui restait à prendre). L'employeur a refusé de donner suite à la demande du salarié, estimant que l'intéressé avait été rempli de ses droits en raison du mode de rémunération stipulé au contrat de travail ; le salarié a saisi le Bâtonnier de son Ordre pour obtenir le paiement d'une indemnité au titre de ce reliquat. La cour d'appel a fait droit aux demandes du salarié et l'employeur s'est donc pourvu en cassation, en vain.

I - Inclusion des congés payés dans le salaire en droit européen

A - Directive 93/104/CE du Conseil du 23 novembre 1993, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail

La Directive 93/104/CE (3) prévoit les mesures que les Etats membres sont tenus de prendre pour que tout travailleur bénéficie de périodes minimales de repos journalier, de repos hebdomadaire ainsi que de congé annuel payé.

Précisément, le régime des congés annuels est fixé par l'article 7 de la Directive, selon lequel les Etats membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie d'un congé annuel payé d'au moins quatre semaines, conformément aux conditions d'obtention et d'octroi prévues par les législations et/ou pratiques nationales ; la période minimale de congé annuel payé ne peut être remplacée par une indemnité financière, sauf en cas de fin de relation de travail.

La Directive 93/104 a été remplacée par la Directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail (N° Lexbase : L5806DLM). La rédaction de l'article 7, ainsi que sa numérotation, sont inchangées.

B - Jurisprudence européenne

La CJCE s'est prononcée sur la pratique (anglaise) de la clause "rolled-up holiday pay" (CJCE, 16 mars 2006, aff. C-131/04, préc. (4) et aff. C-257/04, préc. (5)) et l'a invalidée.

1 - Les décisions de la CJCE du 16 mars 2006

Les recours étaient relatifs au paiement du congé annuel sous la forme d'une inclusion de la rémunération de celui-ci dans le salaire horaire ou journalier (régime dit "rolled-up holiday pay"). Le règlement de 1998, relatif au temps de travail (Working Time Regulations, 1998, S.I. 1998, n° 1833), prévoit qu'un travailleur a droit à quatre semaines de congé annuel au cours de chaque année de référence. Le congé auquel le travailleur a droit peut être fractionné, mais il ne peut être pris que pendant l'année au titre de laquelle il est accordé, et il ne peut être remplacé par une indemnité financière, sauf s'il est mis fin à la relation de travail.

- Affaire C-131/04

M. X a travaillé pour R. D. Retail Services Ltd entre le 19 avril 2002 et le 19 décembre 2003 (Retail Services fournit les services de son personnel à de grandes entreprises du secteur de la vente au détail ; les travailleurs effectuent des prestations d'installation de magasins et de remplissage des rayons) (6). En janvier 2004, M. X a saisi l'Employment Tribunal (Leeds) d'un recours portant sur le congé annuel payé, parce que l'employeur ne lui a payé que le "rolled-up holiday pay" : en d'autres termes, le salarié a invoqué l'illégalité de la clause de "rolled-up holiday pay". Pour les juges anglais, la question s'est posée de savoir si la violation équivaut à un refus de l'employeur d'autoriser M. X à exercer son droit au congé annuel ou si elle signifie que l'employeur n'a pas versé tout ou partie de la somme due au titre de la rémunération du congé annuel. L'employeur (ainsi que la juridiction de renvoi) estimait qu'un pourcentage de congé payé de 8,33 % permet d'obtenir le montant exact correspondant à une semaine de rémunération après une période d'emploi continue de trois mois, selon l'organisation alternant les postes de jour et ceux de nuit.

- Affaire C-257/04

La société Frank Staddon Ltd, entreprise de la construction, a embauché M. X en tant qu'aide maçon/coupeur de briques, du 2 avril au 23 juin 2001. Il a ensuite été en congé jusqu'au 24 juillet 2001 lorsqu'il a repris le travail auprès de la société. Il n'a pas été rémunéré entre le 23 juin 2001 et le 24 juillet 2001. Le contrat de M. X dispose que tous les montants dus au titre des congés payés et des jours fériés payés sont intégrés au salaire journalier (7).

Par requête présentée devant l'Employment Tribunal, le 20 novembre 2001, M. X a demandé la condamnation de la société à lui payer les congés annuels accumulés pendant la période du 2 avril au 16 novembre 2001. Le tribunal a rejeté ce recours et, en appel, la cour a également rejeté sa demande. M. X a saisi la Court of Appeal, Civil Division, contre cette décision.

Cette dernière a saisi la CJCE pour savoir si l'article 7 de la Directive s'oppose à ce qu'une partie du salaire versé au travailleur au titre du travail effectué soit affectée au paiement du congé annuel sans que le travailleur perçoive, à ce titre, un paiement en sus de celui versé au titre du travail effectué. La CJCE (cons. 51 et 52) a invalidé ce type de mécanisme : l'article 7 § 1 de la Directive s'oppose à ce qu'une partie du salaire versé au travailleur au titre du travail effectué soit affectée au paiement du congé annuel sans que le travailleur perçoive, à ce titre, un paiement en sus de celui versé au titre du travail effectué. Il ne saurait être dérogé à ce droit par un accord contractuel.

De plus, la juridiction de renvoi demandait si l'article 7 de la Directive s'oppose à ce que le paiement du congé annuel minimal fasse l'objet de versements partiels étalés sur la période annuelle de travail correspondante et payés ensemble avec la rémunération au titre du travail effectué (système du "rolled-up holiday pay"), et non d'un versement au titre d'une période déterminée au cours de laquelle le travailleur prend effectivement congé. Or, pour la CJCE (cons. 59), le moment où le paiement du congé annuel est effectué doit être fixé de sorte que, lors de ce congé, le travailleur est, quant au salaire, placé dans une situation comparable aux périodes de travail. La période minimale de congé annuel payé ne peut être remplacée par une indemnité financière, sauf en cas de fin de relation de travail. Cette interdiction vise à assurer que le travailleur peut normalement bénéficier d'un repos effectif, dans un souci de protection efficace de sa sécurité et de sa santé (cons. 60) (8).

Bref, la CJCE invalide les mécanismes contractuels par lesquels le paiement du congé annuel fait l'objet de versements partiels étalés sur la période annuelle de travail correspondante et payés ensemble avec la rémunération au titre du travail effectué, alors qu'il devrait faire l'objet d'un versement au titre d'une période déterminée au cours de laquelle le travailleur prend effectivement congé.

2 - Sens, objectifs

Le motif des décisions rendues par la CJCE s'expliquent par sa volonté de protéger la santé des salariés en les dissuadant de ne pas prendre leurs congés, dans la mesure où existerait une possibilité de monétiser les reliquats de congés.

C'est le sens de sa jurisprudence. Ainsi, en 2006 (CJCE, 6 avril 2006, aff. C-124/05 N° Lexbase : A9378DNN) (9), la CJCE avait invalidé une disposition nationale permettant, pendant la durée du contrat de travail, que les jours d'un congé annuel qui ne sont pas pris au cours d'une année donnée soient remplacés par une indemnité financière au cours d'une année ultérieure.

En effet, le droit au congé annuel payé de chaque travailleur doit être considéré comme un principe du droit social communautaire revêtant une importance particulière, auquel il ne saurait être dérogé et dont la mise en oeuvre par les autorités nationales ne peut être effectuée que dans les limites expressément énoncées par la Directive elle-même. Cette Directive consacre la règle selon laquelle le travailleur doit normalement pouvoir bénéficier d'un repos effectif, dans un souci de protection efficace de sa sécurité et de sa santé, puisque ce n'est que dans le cas où il est mis fin à la relation de travail que son article 7 § 2, permet que le droit au congé annuel payé soit remplacé par une compensation financière.

II - Inclusion des congés payés dans le salaire en droit interne

A - Cadre général : le droit aux congés payés, un droit au repos

La jurisprudence européenne fait du droit aux congés payés un droit au repos, dans son acception sanitaire. Aussi, la règlementation relative au paiement du congé annuel doit assurer la prise effective du congé par le salarié. En d'autres termes, dans tous les cas où quelle qu'en soit la raison le salarié n'a pas pu prendre ses congés à la date prévue, il faut lui permettre de les prendre à une autre date.

La Cour de cassation a consacré cette approche, dans un arrêt rendu en 2012 (Cass. soc., 13 juin 2012, n° 11-10.929, FS-P+B+R N° Lexbase : A8714IN3). Le salarié qui n'a pas pris son congé annuel peut prétendre à la réparation du préjudice qui en est résulté. L'employeur ne peut pas se contenter de démontrer qu'il les a payés. Il doit apporter la preuve qu'il a pris les mesures pour que le salarié prenne effectivement ses congés.

En l'espèce, un distributeur de prospectus était soumis au régime de "forfaitisation", ses congés payés étant indemnisés par une majoration de 10 % lors de chaque versement de salaire. Mais aucun des bulletins de paie ne mentionnait la date de prise des congés payés, contrairement aux dispositions de l'article R. 3243-1 du Code du travail (N° Lexbase : L5170ICH). L'intéressé a demandé réparation de la privation de ses congés. La cour d'appel l'a débouté, conformément à la jurisprudence alors en vigueur, selon laquelle il appartient au salarié de prouver que l'employeur l'a empêché de prendre ses vacances (10). Pour débouter le salarié de sa demande à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de la privation de congés annuels, l'arrêt retient que les bulletins de salaires ne mentionnent pas de date de prise de congés payés annuels mais attestent du versement de la majoration de 10 % et que le salarié ne démontre pas s'être trouvé dans l'impossibilité de prendre ses congés annuels du fait de l'employeur alors que ces congés lui ont été payés.

La Cour de cassation a, au contraire, retenu une solution inverse. Eu égard à la finalité qu'assigne aux congés payés annuels la Directive 2003/88, il appartient à l'employeur de prendre les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d'exercer effectivement son droit à congé, et, en cas de contestation, de justifier qu'il a accompli à cette fin les diligences qui lui incombent légalement.

B - Fin de la forfaitisation de l'indemnité de congés payés ?

1 - Jurisprudence antérieure

Une jurisprudence hésitante. Jusqu'alors, la Cour de cassation avait admis le principe de fixation d'une rémunération globale annuelle (comprenant l'indemnité de congés payés) par voie contractuelle, pour autant que ce mode de calcul soit justifié par des circonstances particulières tenant à l'emploi (11). Plusieurs arrêts s'étaient prononcés en ce sens (Cass. soc., 13 janvier 1988, n° 87-40.619 N° Lexbase : A1707ABT ; Cass. soc., 19 octobre 1988, n° 86-43.100 N° Lexbase : A1235CXZ ; Cass. soc., 25 mars 2009, n° 08-41.229 N° Lexbase : A2149EEC). L'exception pouvait également tenir aux circonstances exceptionnelles empêchent l'application de la réglementation légale (Cass. soc., 9 mars 1977, n° 76-40.170 N° Lexbase : A7363CGS).

Une jurisprudence tolérante. La validité de l'inclusion de l'indemnité de congés payés dans la rémunération à raison des circonstances particulières de travail a été retenue :

- en raison du caractère intermittent, irrégulier ou discontinu (Cass. soc., 9 novembre 1988, n° 86-12.458 N° Lexbase : A1860AHD ; Cass. soc., 16 décembre 1992, n° 89-40.827 N° Lexbase : A4949ABW) ;

- pour les salariés payés à la commission, notamment les représentants de commerce (Cass. soc., 11 mai 1988, n° 86-40.460, 86-40.573 et 86-40.579 N° Lexbase : A2275AHQ ; Cass. soc., 30 mai 2000, n° 97-45.946 N° Lexbase : A6686AH4).

Puis la Cour a généralisé le principe (Cass. soc., 2 avril 1997, n° 95-42.320 et 95-42.329 N° Lexbase : A2106ACY ; Cass. soc., 10 novembre 2009, n° 08-42.695 N° Lexbase : A7574ENT).

Un principe admis, mais sous conditions. La faculté d'inclure l'indemnité de congés payés dans la rémunération est néanmoins subordonnée à une double condition.

Premièrement, il doit y avoir une convention expresse entre l'employeur et le salarié. La convention de forfait ne se présume pas ; elle doit être précise (jurisprudence abondante, V. par ex. Cass. soc., 12 mars 2002, n° 98-43.144 N° Lexbase : A9349AS3 ; Cass. soc., 25 mars 2009, n° 08-41.229, FS-P+B sur le premier moyen N° Lexbase : A2149EEC ; Cass. soc., 6 mai 2009, n° 07-43.559 N° Lexbase : A7481EG8 ; Cass. soc., 10 novembre 2009, n° 08-42.695, préc.).

Deuxièmement, la convention de forfait ne doit pas aboutir à un résultat moins favorable que l'application stricte de la loi. En effet, s'il n'est pas interdit aux parties de convenir d'un salaire forfaitaire, incluant les congés payés, encore faut-il que cette convention soit expresse et que ses modalités n'aboutissent pas pour le salarié à un résultat moins favorable que la stricte application des dispositions légales (Cass. soc., 2 avril 1997, n° 95-42.320, préc. ; Cass. soc., 4 juin 1998, n° 96-41.441 N° Lexbase : A1626ABT ; Cass. soc., 25 mars 2009, n° 08-41.229, préc.). La convention de forfait ne doit affecter ni les règles légales, ni les stipulations d'un accord collectif (Cass. soc., 11 mai 1988, n° 86-40.565 N° Lexbase : A2377AHI).

2 - Arrêt rapporté

Au visa des articles L. 3141-12 (N° Lexbase : L0562H9P), L. 3141-14 (N° Lexbase : L0564H9R), D. 3141-5 (N° Lexbase : L9452H9X) et D. 3141-6 (N° Lexbase : L9449H9T) du Code du travail, en 2012, la Cour de cassation a fixé une ligne directrice générale : le versement d'une indemnité ne peut suppléer la prise effective des congés (Cass. soc., 13 juin 2012, n° 11-10.929, préc.).

Par l'arrêt rapporté, la Cour confirme et amplifie la solution. Le salarié estimait qu'en raison de sa démission, il ne prendrait jamais effectivement ses jours de congés qui lui restaient sur les périodes 2007-2008 et 2008-2009 et qu'il ne saurait être privé de ses droits au titre des congés payés. La cour d'appel de Versailles a constaté que le contrat de travail se bornait à stipuler que la rémunération globale du salarié incluait les congés payés : la Cour de cassation (arrêt rapporté) en tire la conséquence que cette clause du contrat n'était ni transparente, ni compréhensible. Enfin, lors de la rupture, le salarié n'avait pas pris effectivement un reliquat de jours de congés payés : la cour d'appel a pu, à bon droit, condamner l'employeur au paiement d'une indemnité compensatrice.

Stricto sensu, la Cour de cassation, par l'arrêt rapporté, n'indique pas qu'elle invalide les clauses des contrats de travail forfaitisant l'indemnité de congés payés (qui serait donc incluse dans le versement du salaire, chaque mois). Mais la Cour vise expressément les arrêts de la CJUE du 16 mars 2006, par lesquels la Cour de justice avait très clairement invalidé les clauses dites de "rolled-up holiday pay". En effet, la période minimale de congé annuel payé ne peut être remplacée par une indemnité financière, sauf en cas de fin de relation de travail. Cette interdiction vise à assurer que le travailleur peut normalement bénéficier d'un repos effectif, dans un souci de protection efficace de sa sécurité et de sa santé. Or, le régime du "rolled-up holiday pay" risque de conduire à des situations où la période minimale de congé annuel payé serait, en effet, remplacée par une indemnité financière. La CJUE (cons. 63) vise spécifiquement la clause britannique dite "rolled-up holiday pay", mais, plus largement, la clause du contrat de travail par laquelle le paiement du congé annuel minimal fait l'objet de versements partiels étalés sur la période annuelle de travail.


(1) Rapport annuel sur l'évolution de la durée du temps de travail dans l'Union européenne (26 juin 2013, Liaisons Sociales Europe n° 334 du 25 juillet 2013), Fondation pour l'amélioration des conditions de vie et de travail (Eurofound).
(2) CJUE, 24 janvier 2012, aff. C-282/10 (N° Lexbase : A2471IB7) ; L. Driguez, note, Europe n° 3, mars 2012, comm. 127.
(3) Biblio. Générale : S. Henion-Moreau, M. Le Barbier-Le Bris et M. Del Sol, Droit social européen et international, PUF, 2013, coll. Thémis, § 397 pp. 418 à 422 ; F. Kessler et J.-P. Lhernould (dir.), Code annoté européen du travail, Groupe revue fiduciaire, 2010, p. 339 ; P. Rodière, Traité de droit social de l'Union européenne, LGDJ, 2008, § 489 ; J.-M. Servais, Droit social de l'Union européenne, Bruylant, 2011, n° 671 ; B. Teyssié, Droit européen du travail, Litec, coll. Manuel, 5ème éd. 2013, n° 664. Biblio. spécifique ; A. Johansson, Influence sur le droit français de la Directive temps de travail 2003/88 et de la jurisprudence de la Cour de justice y afférente (hors congés payés), Dr. soc., 2012, p. 821.
(4) CJCE, 16 mars 2006, aff. C-131/04 (N° Lexbase : A6372DNC), Liaisons Sociales Europe n° 149 du 30 mars 2006 ; J.-P. Lhernould, Le bilan 2006 de la jurisprudence sociale de la Cour de justice, Liaisons Sociales Europe, n° 167 du 11 janvier 2007 ; G. Vachet, A propos de l'inclusion du paiement des congés annuels dans le salaire horaire ou journalier, JCP éd. S., 2006, nº 1308, p. 23 ; L. Idot, Inclusion du paiement du congé annuel dans le salaire horaire, Europe, 2006, mai, Comm. nº 153, p. 19 ; H. Tissandier, L'actualité de la jurisprudence communautaire et internationale, RJS, 2006, p. 657 ; M. Vericel, note Rev. de droit du travail n° 1-2007, p. 43. V. aussi Conclusions de l'avocat général Stix-Hackl présentées le 27 octobre 2005 ; V. aussi F. Kessler et J.-P. Lhernould (dir.), Code annoté européen du travail, préc., p. 353.
(5) CJCE, 16 mars 2006, aff. C-257/04 (N° Lexbase : A6372DNC) : L. Idot, préc. ; H. Tissandier, préc. ; F. Kessler et J.-P. Lhernould (dir.), Code annoté européen du travail, préc., p. 353 ; V. aussi Conclusions de l'avocat général Stix-Hackl présentées le 27 octobre 2005, préc..
(6) M. X travaillait soit en postes de jour de douze heures chacun sur une période de cinq jours, soit en postes de nuit, de douze heures également, sur quatre jours, de manière continue au cours de la période d'emploi, à l'exception d'une semaine de congé à Noël en 2002, qui n'a pas été rémunérée séparément. A compter du 29 juin 2003, son emploi était régi par un contrat intitulé "Conditions applicables au recrutement des travailleurs temporaires". La clause de ce contrat dispose que le droit au paiement du congé s'acquiert en proportion du temps travaillé de manière continue par le travailleur temporaire en mission au cours de l'année de congé. Le travailleur temporaire accepte que le paiement correspondant au droit au congé payé se fasse en même temps que son salaire horaire, auquel il s'ajoute, au taux de 8,33 % du salaire horaire. M. X recevait son salaire sur une base hebdomadaire (6,25 GBP de l'heure en poste de jour et à 7,75 GBP de l'heure en poste de nuit). Le taux de rémunération intègre la compensation correspondant aux jours de vacances et de maladie.
(7) En application de l'accord collectif local du 9 juillet 1984, les indemnités de congés payés sont intégrées au salaire horaire et ne s'accumulent donc pas. Les congés sont pris pendant les périodes de repos prévues par le système de rotation. Le salaire horaire intègre, à hauteur de 13,36 %, la rémunération du congé. Pour 182 jours de travail par an, chaque appelant percevait une rémunération pour 24,32 jours de congé sur les 7,515 GBP payés par heure de travail, 6,629 GBP correspondaient au temps de travail effectif et 88,6 pence à la majoration au titre du paiement du congé.
(8) CJCE, 26 juin 2001, aff. C-173/9 (N° Lexbase : A8499GAZ) (point 44), Europe 2001, comm. 261 ; CJCE, 18 mars 2004, aff. C-342/01 (N° Lexbase : A5883DBI), Rec. p. I-2605, point 30.
(9) Rec. 2006 page I-03423 ; L. Idot, Congé annuel et compensation financière, Europe 2006, mai, Comm. nº 155, p. 20 ; H. Tissandier, préc..
(10) Cass. soc., 14 janvier 2004, n° 02-43.575, F-D (N° Lexbase : A7898DAR) ; Cass. soc., 14 octobre 1998, n° 96-40.083 (N° Lexbase : A2793CTM).
(11) Cf. l’Ouvrage "Droit du travail", La date du paiement de l'indemnité de congé payé .

Décision

Cass. soc., 14 novembre 2013, n° 12-14.070, FS-P+B+R (N° Lexbase : A6232KPI)

Rejet (CA Versailles, 1ère ch., 1ère section, 15 décembre 2011, n° 10/06880 N° Lexbase : A3190H8N)

Textes concernés : Directive 93/104/CE (N° Lexbase : L7793AU8) ; C. trav., art. L. 3141-26 (N° Lexbase : L0576H99)

Mots-clés : Congés payés - Droit au congé annuel payé - Inclusion du paiement du congé annuel dans le salaire horaire ou journalier ("rolled-up holiday pay") - Clause du contrat de travail - Validité - Caractère transparente et compréhensible.

Lien base : (N° Lexbase : E0097ETR)

newsid:439572

Contrat de travail

[Brèves] Clause de non-concurrence : nouvelles précisions de la Cour de cassation

Réf. : Cass. soc., 20 novembre 2013, n° 12-20.074, FS-P+B (N° Lexbase : A0403KQY)

Lecture: 2 min

N9607BTY

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Le 29 Novembre 2013

N'a pas pour effet d'empêcher un salarié d'exercer une activité conforme à sa formation et à son expérience la clause de non-concurrence qui porte sur les fonctions de même nature et correspondent à celles exercées par le salarié à titre d'ingénieur commercial, dès lors que ce salarié dispose d'une expérience professionnelle et d'une formation qui ne le limitent pas au secteur de l'informatique des laboratoires médicaux, visé par la clause. De plus, est inopposable au salarié la renonciation à la clause de non-concurrence intervenue quelques jours après le départ du salarié à la suite de sa dispense de préavis. Telle sont les solutions retenues dans un arrêt rendu par la Chambre sociale de la Cour de cassation le 20 novembre 2013 (Cass. soc., 20 novembre 2013, n° 12-20.074, FS-P+B N° Lexbase : A0403KQY).
Une société a saisi le conseil de prud'hommes pour obtenir des dommages-intérêts pour non-respect d'une clause de non-concurrence (CNC). En l'espèce, un ingénieur commercial a démissionné et a été réembauché en tant que directeur par une entreprise concurrente, alors que son contrat prévoyait une CNC, dont l'application lui avait été rappelée au jour de son départ. Les juges du fond ayant fait droit à cette demande, le salarié a formé un pourvoi en cassation soutenant qu'il n'était pas possible d'étendre une CNC au-delà de ses prévisions. Or, il lui était interdit de travailler pour une autre entreprise en tant qu'ingénieur commercial, alors qu'il avait été réembauché en tant que directeur. Par ailleurs, à la date d'entrée dans ses nouvelles fonctions il n'était plus tenu par l'application de cette clause, dès lors que son employeur ne lui avait versé aucune contrepartie financière. Enfin, cette clause le privait de la possibilité d'exercer normalement son activité professionnelle conforme à sa formation, puisqu'il qu'il avait acquis une importante expertise au sein du secteur de l'informatique associé à la biologie médicale au cours des cinq années et ne pouvait prétendre à un poste que dans ce secteur particulier d'activité.
La Cour de cassation rejette le pourvoi, les nouvelles fonctions exercées par l'intéressé étaient de même nature et correspondaient à celles exercées auparavant. De plus, le salarié disposant d'une expérience et d'une formation ne le limitant pas au secteur de l'informatique des laboratoires médicaux, la clause ne l'empêchait donc pas d'exercer une activité conforme à sa formation et à son expérience. Enfin, il ne s'était écoulé que quelques jours entre le départ du salarié de l'entreprise et la décision de l'employeur de ne pas verser la contrepartie financière, de sorte que ce délai ne suffisait pas à le libérer de son obligation, qu'il avait aussitôt méconnue en passant au service d'une entreprise concurrente (sur l'appréciation de la violation d'une clause de non-concurrence, cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E8738ESG).

newsid:439607

Droit de la famille

[Jurisprudence] Droit de visite de la concubine : encore faut-il que l'intérêt de l'enfant l'exige !

Réf. : Cass. civ. 1, 23 octobre 2013, n° 12-20.560, F-D (N° Lexbase : A4657KNS)

Lecture: 8 min

N9574BTR

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par Adeline Gouttenoire, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directrice de l'Institut des Mineurs de Bordeaux

Le 28 Novembre 2013

L'arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 23 octobre 2013 s'inscrit parfaitement dans les débats en cours, dans le cadre de la préparation de la prochaine loi relative à la famille. La question des droits du tiers qui a participé à la prise en charge de l'enfant et a, même, été partie prenante -au moins intellectuellement- à sa conception, est en effet au coeur de la réflexion sur les pluri-parentés ou les pluri-parentalités. Cette réflexion est évidemment rendue d'autant plus opportune du fait de la reconnaissance du couple homosexuel et de la possibilité, instaurée par la loi n° 2013-404 du 17 mai 2013 (N° Lexbase : L7926IWH), d'établir des liens entre chacun de ses membres et un enfant par la voie de l'adoption. L'arrêt concerne une configuration familiale devenue "classique" dans la jurisprudence de ces dernières années. Un couple de femme forme le projet commun de concevoir un enfant. L'une d'elle a recours à une insémination avec donneur anonyme en Belgique, la grossesse et la naissance sont vécues ensemble. L'enfant est ensuite élevé par les deux femmes, chacune se considérant comme la mère de l'enfant. Il est précisé d'ailleurs que l'enfant portait en troisième prénom le nom de famille de la femme qui ne lui avait pas donné la vie, qu'il était considéré par la famille de celle-ci comme s'il avait été son propre fils, le faire-part de naissance ayant été envoyé au nom des deux concubines. La femme qui n'était pas la mère biologique et juridique de l'enfant l'avait en outre gardé au domicile commun jusqu'à son entrée à l'école maternelle à l'âge de trois ans, tandis que sa compagne travaillait. Après trois ans de vie commune, survient la séparation des concubines qui entraîne, de fait, la rupture des liens entre l'enfant et celle des deux femmes qui n'est pas sa mère.

L'ex-concubine de la mère de l'enfant sollicite un droit de visite à l'égard de l'enfant en arguant du fait qu'elle fait partie de l'histoire personnelle de l'enfant. Si sa demande fondée sur l'article 371-4 du Code civil (N° Lexbase : L8011IWM) est incontestablement recevable (I), elle est considérée comme mal fondée car contraire à l'intérêt de l'enfant (II).

I - La recevabilité de la demande de droit de visite de l'ex-concubine de la mère

Fondement. L'arrêt mentionne que l'ex-concubine avait curieusement assigné la mère de l'enfant devant le tribunal de grande instance afin de voir fixer la résidence de ce dernier en alternance au domicile de chacune d'elles et, à titre subsidiaire, afin d'obtenir un droit de visite et d'hébergement. Une telle demande ne paraît pas recevable dans la mesure où seuls les titulaires de l'autorité parentale peuvent se voir attribuer la résidence de l'enfant y compris en alternance (1). L'ancienne concubine n'ayant aucun lien de filiation avec l'enfant ne saurait exercer l'autorité parentale, sauf éventuellement dans le cadre d'une délégation-partage de l'autorité parentale qui n'est pas mentionnée en l'espèce. Elle ne peut revendiquer des droits à l'égard de l'enfant qu'en qualité de tiers. Même si l'arrêt de la Cour de cassation ne le vise pas expressément, c'est bien l'article 371-4 du Code civil qui fonde la demande de droit de visite et d'hébergement de l'ancienne concubine de la mère, plus précisément, l'alinéa 2 du texte. Cette disposition prévoyait au moment où la décision de la cour d'appel a été rendue, que "si tel est l'intérêt de l'enfant, le juge aux affaires familiales fixe les modalités des relations entre l'enfant et un tiers, parent ou non".

Application à l'ex-beau parent. Dès l'origine, et malgré l'avis contraire d'une partie de la doctrine et de la jurisprudence, le législateur a pris soin de préciser que l'article 371-4, alinéa 2, pouvait bénéficier à des personnes parents ou non, le critère essentiel résidant dans l'intérêt de l'enfant et l'intensité des liens qui l'unissent au demandeur. Ainsi, un droit de visite est-il accordé à des membres de la famille, non pas en raison de la parenté elle-même, mais des liens affectifs existant entre les intéressés (2). D'autres personnes qui ne sont pas membres de la famille, au sens strict, peuvent bénéficier de l'article 371-4, alinéa 2 : parrains et marraines (3), et surtout parents affectifs dans des familles dites reconstituées ou secondes familles (4). En effet, bien qu'il n'existe aucun lien d'autorité parentale, ni de lien juridique en général, entre l'enfant, ses beaux-parents et la famille de ses beaux-parents (le terme de beaux-parents recouvrant toute personne, mariée ou non, qui a formé un couple avec un parent de l'enfant), la vie commune a créé entre eux des relations d'affection et de responsabilité. Il est logique qu'après la séparation, ces relations soient prolongées par un droit de visite et d'hébergement. Lorsque le parent de l'enfant refuse de laisser l'enfant voir son ancien compagnon ou conjoint, ce dernier peut trouver dans l'article 371-4 un recours qui ne paraît pas contestable. Dans l'arrêt du 23 octobre 2013, comme dans d'autres décisions précédentes -le droit d'entretenir des relations personnelles avec l'enfant de leur compagne a ainsi été reconnu au concubin de l'adoptante après leur séparation (5) et à la concubine de la mère (6)-, ni les juges du fond, ni la Cour de cassation ne remettent pas en cause la possibilité pour l'ex-compagne de la mère de se fonder sur ce texte pour demander le maintien de ses relations personnelles avec un enfant qu'elle a élevé pendant trois ans.

Réforme. La loi n° 2013-404 du 17 mai 2013, ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, a prévu une hypothèse particulière de maintien des liens de l'enfant avec un tiers, lorsque celui-ci a vécu avec lui et l'un de ses parents de manière stable, qu'il a pourvu à son éducation, à son entretien ou à son installation, et qu'il a noué avec lui des liens affectifs et stables. Le beau-parent de l'enfant s'il ne bénéficie pas comme les grands-parents d'un droit spécifique de maintenir des relations avec l'enfant se voit tout de même reconnaître une place particulière. La formule ajoutée par la loi de 2013 devrait en effet inciter le juge à examiner de manière favorable la demande de droit de visite de l'ancien beau-parent de l'enfant. On peut se demander si la réforme en cours pourrait aller plus loin, sauf peut-être à reformuler -une nouvelle fois- l'article 371-4, alinéa 2, en énonçant un droit de l'enfant à entretenir des relations personnelles avec son ex-beau-parent, reposant sur la présomption selon laquelle le maintien de ces liens est conforme à son intérêt. Mais c'est justement la conformité du droit de visite de l'ancienne compagne de la mère à l'intérêt de l'enfant qui est au centre de la décision du 23 octobre 2013.

II - Le rejet du droit de visite de l'ancienne concubine de la mère fondé sur l'intérêt de l'enfant

Démonstration de la conformité du droit de visite à l'intérêt de l'enfant. Si la demande de droit de visite de l'ancienne concubine de la mère qui a vécu plusieurs années avec l'enfant parait en soit légitime, elle ne peut être admise que si elle est conforme à l'intérêt de l'enfant, ce que prévoit expressément l'article 371-4, alinéa 2, du Code civil. Cette démonstration est en effet nécessaire dans la mesure où il n'existe pas de présomption selon laquelle un tel droit de visite est conforme à l'intérêt de l'enfant, comme c'est le cas pour les grands-parents (C. civ., art. 371-4, alinéa 1er).

Présomption de conformité à l'intérêt de l'enfant en cas de vie commune. Il semble cependant que le fait que la requérante a vécu plusieurs années avec l'enfant pourrait entraîner l'existence d'une présomption selon laquelle le maintien des relations personnelles de cette personne avec l'enfant est conforme à l'intérêt de ce dernier. C'est d'ailleurs sans doute ce qui fonde la modification en 2013 de l'article 371-4 du Code civil au bénéfice du tiers qui a vécu avec l'enfant et l'un de ses parents de manière stable. La manière dont la Cour de cassation présente la motivation du refus de la demande de droit de visite dans l'arrêt du 23 octobre 2013 peut également s'interpréter ainsi. On a l'impression, à la lecture de l'arrêt, qu'il ne s'agit pas d'une question ouverte consistant à savoir si oui ou non le droit de visite est conforme à l'intérêt de l'enfant. La cour d'appel explique en réalité en quoi le droit de visite demandé n'est pas conforme à l'intérêt de l'enfant et doit donc être écarté.

Refus fondé sur la rupture des relations avec l'enfant. Le motif essentiel du refus du droit de visite réside dans la rupture des relations de l'enfant avec l'ancienne compagne de sa mère depuis trois ans et la conséquence qui en est résulté pour lui, à savoir l'oubli et le détachement. La rupture des liens a ainsi abouti au fait que la requérante est "devenue une étrangère pour l'enfant". Le détachement de celui-ci va même jusqu'au rejet puisque la cour d'appel a constaté que la mise en place d'un droit de visite après la décision de première instance a perturbé l'enfant. La Cour de cassation reprend les motivations des juges d'appel selon lesquelles l'enfant "avait manifesté une franche hostilité au fait de devoir la suivre à l'occasion du droit de visite et d'hébergement octroyé par les premiers juges, avec des manifestations somatiques et des régressions, enfin, que les deux avis de spécialistes produits, psychologue et psychiatre, motivés et concordants dans leurs conclusions, mettaient en évidence la stupéfaction' de l'enfant au sujet de la revendication de Mme Y, son refus de la voir, son désarroi, et l'absence d'investissement de cette dernière comme beau-parent". Il était logique au regard de la réaction de l'enfant d'en conclure que la restauration de relations avec l'ancienne compagne de sa mère n'était pas conforme à son intérêt, dont la Cour de cassation précise qu'il fait l'objet d'une appréciation souveraine des juges du fond. La cour d'appel de Paris, dans un arrêt du 22 mai 2013 (7), avait également refusé d'accorder à l'ancienne concubine de la mère, un droit de visite sur l'enfant qui était pourtant né d'un projet commun, au motif que plusieurs années s'étaient écoulées sans que l'enfant ne voie cette femme et compte tenu du désaccord de la mère.

Volonté de la mère On ne peut qu'approuver la solution de l'arrêt du 23 novembre 2013 en ce qu'il est fondé sur l'intérêt de l'enfant qui doit impérativement rester le critère central des décisions relatives aux relations personnelles de l'enfant avec des tiers, parents ou non. On ne peut toutefois s'empêcher d'être gêné par le fait qu'en réalité, c'est la mère de l'enfant qui, mettant le juge devant le fait accompli, impose la décision. En rompant de manière unilatérale et autoritaire les liens de l'enfant avec la femme qui l'a élevé pendant plusieurs années, elle exclut la possibilité que ces liens puissent ensuite être rétablis par le juge aux affaires familiales. Or, comme la Cour européenne l'affirme dans une jurisprudence constante, les relations personnelles de l'enfant ne doivent pas être déterminées par le seul écoulement du temps.

Le maintien des liens de l'enfant avec l'ex-concubine de la mère est ainsi subordonné à la volonté de celle-ci. Sans doute faut-il dans ce type de situation conseiller aux tiers concernés de saisir le juge aux affaires familiales d'une demande -en la forme des référés- de droit de visite, tout de suite après la séparation ou, au moins, dès que la mère fait obstacle à ses relations avec l'enfant.

Lien de filiation. La solution de l'arrêt du 23 octobre 2013 n'aurait sans doute pas été la même si un lien de filiation adoptive avait été établi entre l'ancienne concubine de la mère et l'enfant, au moment où les deux femmes vivaient ensemble, ce qui suppose qu'elles se marient. Il aurait été d'abord beaucoup plus difficile à la mère par le sang de rompre les liens entre l'enfant et son ancienne compagne. Ensuite, il est probable que même en cas de suppression des relations entre l'enfant et l'ex-concubine, le juge n'aurait pas refusé d'instaurer un droit de visite dès lors que celle-ci était la mère adoptive de l'enfant.


(1) En ce sens, TGI Briey, 21 octobre 2010, D., 2010, 2649, obs. Gallmesiter ; AJ Fam., 2010, 540, obs. Miloudi.
(2) Cass. civ. 1, 1er décembre 1982, n° 81-14.627 (N° Lexbase : A6973CEY), Bull. civ. I, n° 346, D., 1983, IR, 143, pour une tante maternelle, marraine d'un des enfants dont elle avait eu la charge pendant une courte période ; v. égal. Cass. civ. 1, 4 novembre 1987, n° 85-18.190 (N° Lexbase : A1437AHP), Bull. civ. I, n° 284, pour des relations entre deux soeurs utérines ; cf. l’Ouvrage "Autorité parentale" (N° Lexbase : E5810EYT).
(3) Cass. civ. 1, 1er décembre 1982, préc..
(4) M. Rebourg, La prise en charge de l'enfant par son beau-parent, coll. de thèses, Defrénois, 2003, n° 704 et s..
(5) CA Grenoble, 15 décembre 1997, Dr. fam., 1998, comm. nº 38, note P. Murat.
(6) Sur l'octroi d'un droit de visite à un transsexuel, ex-concubine de la mère : CA Aix-en-Provence, 12 mars 2002, D., 2003., Somm. 2121, obs. F. Granet-Lambrechts, confirmé par Cass. civ. 1, 18 mai 2005, n° 02-16.336, F-P+B (N° Lexbase : A3574DI9), D., 2005. 2125, note J.-J. Lemouland. Sur l'octroi d'un droit de visite et d'hébergement à l'ex-compagne de la mère biologique d'un enfant : TGI Briey, 21 octobre 2010, préc..
(7) CA Paris, Pôle 3, 2ème ch., 22 mai 2013, n° 12/10231 (N° Lexbase : A6969KDH).

newsid:439574

Droit des étrangers

[Brèves] Les parents d'enfants mineures ayant obtenu l'asile en raison d'un risque de mutilations sexuelles n'ont pas, en cette seule qualité, droit au statut de réfugié en France

Réf. : CE, avis, n° 368676, 20 novembre 2013, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A8364KPH)

Lecture: 2 min

N9539BTH

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Le 28 Novembre 2013

Les parents d'enfants mineures ayant obtenu l'asile en raison d'un risque de mutilations sexuelles n'ont pas, en cette seule qualité, droit au statut de réfugié en France, indique le Conseil d'Etat dans un avis rendu le 20 novembre 2013 (CE, avis, n° 368676, 20 novembre 2013, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A8364KPH). Les principes généraux du droit applicables aux réfugiés, résultant notamment des stipulations de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés (N° Lexbase : L6810BHP), imposent, en vue d'assurer pleinement au réfugié la protection prévue par la Convention, que la même qualité soit reconnue, à raison des risques de persécutions qu'ils encourent également, à la personne de même nationalité qui était unie par le mariage au réfugié à la date à laquelle il a demandé son admission au statut ou qui avait avec lui une liaison suffisamment stable et continue pour former avec lui une famille, ainsi qu'aux enfants de ce réfugié qui étaient mineurs au moment de leur entrée en France. Ces mêmes principes n'imposent pas que le statut de réfugié soit reconnu aux ascendants du réfugié (CE, Ass., 21 décembre 2012, n° 332491, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A1333IZE), même s'ils se trouvent, ou se trouvaient dans le pays d'origine, à la charge du réfugié, sauf dans le cas d'un ascendant incapable, dépendant matériellement et moralement d'un réfugié, à la double condition que cette situation particulière de dépendance ait existé dans le pays d'origine du réfugié avant l'arrivée de celui-ci en France et qu'elle ait donné lieu à une mesure de tutelle plaçant l'intéressé sous la responsabilité du réfugié. Dans le cas où une enfant ou une adolescente mineure s'est vu reconnaître la qualité de réfugié en raison de son appartenance à un groupe social d'enfants ou adolescentes non mutilées et des risques de mutilations sexuelles féminines qu'elle encourt personnellement, les exigences du droit de mener une vie familiale normale résultant du dixième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 (N° Lexbase : L6821BH4), de l'article 8 de la CESDH (N° Lexbase : L4798AQR) garantissant le droit au respect de la vie privée et familiale et des articles 3 et 9 de la Convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 (N° Lexbase : L6807BHL), impliquent que les parents de la réfugiée mineure puissent, en principe, régulièrement séjourner en France avec elle. Mais il ne résulte ni des stipulations de la convention de Genève, ni des principes généraux du droit applicables aux réfugiés, que le statut de réfugié doive être accordé aux parents de cette réfugiée mineure, lesquels ne sont pas exposés aux risques de persécution qui ont conduit à ce que le statut de réfugié soit accordé à leur enfant, du seul fait que le statut a été reconnu à leur enfant et indépendamment des risques de persécutions qu'ils pourraient faire personnellement valoir.

newsid:439539

Droits de douane

[Evénement] Sensibiliser les clients face aux risques douaniers et aux enjeux de compétitivité liés à leurs opérations internationales - Compte rendu de la réunion de la Commission ouverte fiscal et douanier du barreau de Paris du 8 novembre 2013

Lecture: 10 min

N9546BTQ

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par Sophie Cazaillet, Rédactrice en chef de Lexbase Hebdo - édition fiscale

Le 28 Novembre 2013

Le 8 novembre 2013, la Commission ouverte de droit fiscal et douanier de l'Ordre des avocats au barreau de Paris a accueilli deux avocats pratiquant au quotidien le droit douanier, si mal connu des fiscalistes et qui mériterait pourtant qu'on y prête plus attention. En effet, si aujourd'hui il n'est question que de la mondialisation, les pouvoirs régaliens des Etats n'ont pas disparu, et la perception de droits de douane ou taxes d'effet équivalent représente encore pour certains Etats une source substantielle de revenus budgétaires, et pour d'autres un des instruments de guerre économique dont la signature de multiples (en nombre et en forme) accords de libre-échange ne fait que traduire la réalité. Ainsi, franchir une frontière signifie entrer dans un autre monde juridique, et ce passage est notamment matérialisé par le traditionnel passage en douanes. N'importe quel bien, brut ou transformé, à forte ou faible valeur, n'entre pas impunément dans un Etat ou dans une région économique donnée. Les douanes sont l'un des acteurs majeurs et incontournables du commerce international. Or, ce monde est mal connu des fiscalistes, qui accompagnent les projets des entrepreneurs de façon à rentabiliser au maximum le déploiement de leurs efforts. La rencontre avec Bertrand Rager et Fabien Foucault a enthousiasmé l'auditoire présent à la bibliothèque de l'Ordre, qui a bu leurs paroles et en est sorti quelque peu étonné par la réalité du métier de leurs... confrères. I - Aperçu des problématiques du droit douanier

Chaque intervenant a présenté son métier, son travail de tous les jours, et a ainsi fait ressortir les problématiques soulevées par le droit douanier, dont il est certain qu'elles influencent les choix économiques des entreprises plus -ou en tous cas d'une manière toute autre- que ne le fait le droit fiscal. Cette affirmation prend tout son sens lorsque l'on réalise que le droit douanier affecte la pratique de la plupart des services de l'entreprise qui font de facto des choix douaniers au quotidien... sans, malheureusement, souvent le savoir : sourcing, achats, fabrication, sécurité, comptabilité-finances, juridique, logistique, supply chain, sécurité, IT etc..

Bertrand Rager partage avec le public de la Commission ouverte son expérience en matière d'avocat conseil en ingénierie et droits douaniers. Il rappelle dans un premier temps les trois fondamentaux : tout d'abord, il convient de qualifier, au regard du droit douanier, le produit (lui attribuer son espèce tarifaire). Définir ensuite, son origine et enfin, déterminer sa "valeur en douane". Maître Rager présente ensuite, après nous avoir fait voyager dans le prisme des accords de libre-échange quelques procédures particulières (régimes économiques douaniers) et statuts particuliers propres à cette matière.

A - Le classement douanier de l'objet

Un objet va être commercialisé dans un autre pays. Quel objet ? Le droit douanier est ainsi fait qu'il classe les produits selon une nomenclature mondiale très précise : le système harmonisé (SH) de l'Organisation mondiale des Douanes (OMD). Les règles juridiques attachées à cette qualification vont nécessairement créer le besoin de recourir à un ingénieur, qui devra expliquer à l'avocat les composants du produit, et son utilisation. Par exemple, une pièce de colonne de direction de certains camions peut être utilisée dans des véhicules de combat et par des groupes militaires. Il est primordial de savoir qui est le destinataire et/ou l'utilisation finale du produit : sera-t-il utilisé à des fins civiles ou à des fins militaires ?

Une autre difficulté technique posée est la gestion des données de nature douanière dans les ERP (enterprise ressources planning -progiciels de gestion intégrés), comme SAP ou Oracle par exemple. Ces derniers ne sont pas toujours adaptés au droit douanier, à ses modalités déclaratives nationales et aux logiciels proposés localement par chaque administration douanière.

La qualification fait appel à deux sources du droit, en Union européenne : le Code des douanes communautaire (Règlement (CE) n° 2913/92 du Conseil du 12 octobre 1992, établissant le Code des douanes communautaire N° Lexbase : L6102AUK ; d'ici deux ans "Code de douanes de l'Union"), qui est l'un des plus anciens codes de l'Union, et les codes douaniers nationaux. A noter d'ailleurs que le droit douanier est aussi régi par des règles internationales, découlant notamment de l'OMC (Organisation mondiale du commerce) et de l'OMD.

Les biens à double usage, comme la colonne de direction susmentionnée, obéissent à une autre réglementation communautaire dont le respect est vérifié par la douane notamment en termes de production des certifications et autorisations requis pour être exportés. Les licences ainsi distribuées entraînent des délais (d'une à plusieurs semaines), qui impactent tout processus de distribution internationale.

B - L'origine de l'objet

La deuxième question à se poser, une fois que le produit a été classé dans la nomenclature douanière, est celle de son origine.

L'Union européenne a une véritable politique en matière douanière. Elle souhaite aider les pays moins développés économiquement. Cette aide peut prendre deux formes : bilatérale ou unilatérale. Ainsi, un système de préférences généralisé 5SPG comportant trois niveaux a été mis en place : les pays faibles économiquement peuvent ainsi exporter leurs produits qui entrent alors dans le territoire douanier de l'Union sans payer de droits de douane. Pour ceux qui sont un peu plus forts économiquement, un système réciproque est mis en place. Des accords de libre-échange sont signés, permettant une franchise de taxe pour les importations et pour les exportations. Enfin, ces accords peuvent prévoir, en lieu et place d'une franchise totale, une franchise partielle, ou une franchise ciblée sur certains produits. Dans ce contexte, il est indispensable de connaître l'origine du produit. En effet, aujourd'hui, il est possible d'importer des pièces dans un pays et de construire une partie de ce produit sur place, puis l'envoyer dans un autre d'où il recevra d'autres pièces, fabriquées dans d'autres pays. Quelle est, in fine, l'origine -au sens douanier- de ce produit fini ? Ses composantes viennent du monde entier, il est monté dans un Etat, son "packaging" est effectué dans un autre, et enfin un dernier Etat sert de plateforme de distribution. Les accords de libre-échange prévoient la définition de l'origine du produit. Par exemple, le produit est considéré être d'origine marocaine si seulement 20 % de ses composants proviennent de pays tiers. Le pourcentage varie selon les Etats et les produits. En outre, d'autres critères peuvent s'ajouter, comme celui de la valeur ajoutée sur place, ou du transport direct (critère qui risque de ne pas être rempli lors de l'utilisation de "hub" ou plateforme logistique régionale).

C - La valeur de l'objet

La valeur est une notion bien connue des comptables et des fiscalistes, ainsi que des spécialistes du droit douanier, mais elle n'a pas la même définition selon le professionnel qui l'utilise. Les fiscalistes et les douaniers sont partagés sur cette notion, entre flirt et friction. Pour les fiscalistes, la valeur renvoie à la problématique des prix de transfert, qui occupe leur esprit pendant de longues heures. En matière de droits de douane, la valeur correspond au prix payé ou à payer des marchandises importées. La facture ne vaut pas valeur ; il faut prendre en compte tous les frais et toutes les recettes attachés au produit. La notion de valeur ajoutée est parfois utilisée dans les accords de libre-échange, et un pourcentage de cette valeur ajoutée doit provenir du pays auquel une préférence est accordée. La formule de la valeur ajoutée est la suivante : coût de production (avant marge) - valeur en douane.

Il faut aussi faire attention au concept de sociétés liées, qui n'est pas défini de la même manière en droit fiscal qu'en droit douanier. Pour ce dernier, le lien entre sociétés peut ressortir d'un contrôle, voire d'intérêts communs (le lien capitalistique joue aussi, bien sûr, mais la notion de lien est plus large qu'en fiscalité).

Un importateur ou un exportateur peut demander à recevoir une certification "OEA". Il s'agit d'une sorte de norme ISO douanier. Dérivé du programme SAFE de l'OMD, l'OEA européen connaît des "cousins" au Japon, aux Etats-Unis, au Canada, etc.. Elle peut faciliter les opérations douanières, car ces Etats ont conclu entre eux des accords de reconnaissance mutuelle de cette certification. Un autre statut douanier, celui d'exportateur agréé, peut être obligatoire pour bénéficier de certains accords de libre-échange, par exemple dans les échanges entre l'Union européenne et la Corée du Sud. En effet, seul ce statut permet la certification d'origine sur factures requise aux termes de l'accord.

D - Les procédures particulières du droit douanier

Concernant le classement et l'origine d'un produit, il est possible de demander à l'administration des douanes qu'elle émette un "renseignement tarifaire contraignant" (RTC) ou un "renseignement contraignant sur l'origine" (RCO). Ces documents, que l'on peut rapprocher du rescrit fiscal, sont opposables dans tous les Etats membres de l'Union européenne.

Les régimes économiques douaniers sont intéressants à connaître.

- Le régime du perfectionnement actif ou passif. Le produit entre ou sort de l'UE uniquement pour y recevoir un traitement intermédiaire. Dans ce cas, les droits de douane ne portent que sur la valeur ajoutée lors du retour du produit ouvré dans le pays de départ.
- Le régime de transit. Aucun droit de douane n'est perçu si le produit ne fait que passer par la France, mais qu'il ne s'agit pas de son pays de destination (pour transformation ou commercialisation).
- Le régime d'ouvraison sans douane. Des composants importés en France seront soumis à droits de douane plus élevés que le produit fini pour la fabrication duquel ils sont importés. En les plaçant sous ce régime, l'importateur va économiser le différentiel de droits de douane.
- Le régime d'importation temporaire. Un salon, une foire, un évènement est organisé dans lequel le produit sera présenté. L'importation du produit pour démonstration ne fait pas l'objet de droits de douane.
- Les différents régimes d'entrepôt.

Pour terminer sa présentation, Bertrand Rager conseille aux avocats fiscalistes et à leurs clients de conserver les documents d'exportation et d'importation, car leur conservation peut avoir de gros impacts en matière de TVA. En effet, les exportateurs et importateurs font souvent appel à des commissionnaires en douanes, qui s'occupent des aspects douaniers d'une opération. Les factures que ces derniers délivrent ne permettent pas à elles seules de démontrer la sortie du territoire, condition de l'exonération de TVA à l'export ou, à l'import, une déduction de TVA.

II - Aperçu du contentieux douanier

Les avocats en général, les fiscalistes en particuliers, connaissent bien la dichotomie dont est frappé leur métier, classant d'un côté le "conseil" et de l'autre le "contentieux". Il en est de même en matière douanière. Maintenant que la partie conseil en douanes a été présentée, c'est au tour de Fabien Foucault de partager avec l'auditoire de la Commission ouverte son expérience en matière de contentieux douanier. La principale donnée à maîtriser en matière de contentieux douanier est la suivante : il s'agit d'une matière pénale.

A - Le contrôle douanier

Plusieurs administrations douanières peuvent intervenir en France, en plus de l'administration nationale : l'OLAF (Office européen de lutte anti-fraude), organisme de l'UE, qui peut contrôler le respect de la réglementation sur les droits anti-dumping (certains produits font l'objet d'une surtaxation douanière sur le territoire de l'Union). De plus, dans le cadre des accords préférentiels, les autorités douanières étrangères peuvent être autorisées à contrôler des entreprises françaises en France. En ce qui concerne notre administration des douanes, elle peut faire intervenir son service national ou local.

Les similitudes entre les contrôles fiscaux et les contrôles douaniers sont nombreuses. Néanmoins, deux points fondamentaux pour les fiscalistes sont omis par la procédure douanière : l'avertissement du contrôle avant que ce dernier n'ait lieu, et le débat oral et contradictoire.

Concernant le droit de communication comme cela est possible en matière fiscale, l'article 65 du Code des douanes (N° Lexbase : L5657H9E) permet notamment à l'administration d'avoir accès aux informations contenues sur un support numérique.

Au cours d'un contrôle douanier, l'administration rédige des procès-verbaux qui font foi jusqu'à inscription de faux. Il s'agit de constats administratifs. Il est essentiel de vérifier le contenu de ces constats, et de mentionner sur le procès-verbal toute contestation de son contenu.

Les douanes ont le droit d'auditionner les personnes en présence lors d'un contrôle, mais ces dernières peuvent refuser de coopérer. En cas de flagrant délit d'infraction ou d'autorisation par le juge des libertés et de la détention, les douaniers peuvent procéder à des perquisitions.

La charte du contrôle douanier, disponible sur le site des douanes, prévoit que la personne contrôlée a droit à un conseil, mais cette charte n'a pas de valeur juridique.

A la fin du contrôle, l'administration remet au contribuable un avis de résultat d'enquête, auquel il est possible de répondre dans le délai d'un mois. Ce délai ne peut pas être prolongé sur simple demande, comme c'est le cas en matière de procédures fiscales. Passé ce délai, un procès-verbal de notification d'infraction est dressé, qui correspond à la réponse aux observations du contribuable, et qui précise notamment les sanctions pénales applicables. Le contribuable a dix jours pour payer les droits et taxes. Mais, selon l'intervenant, il ne doit surtout pas les payer ! En effet, il convient d'attendre la réception de l'avis de mise en recouvrement (AMR), qu'il est possible de contester pendant trois ans. Si les amendes sont payées avant, il n'est plus possible de contester l'AMR. Une fois l'AMR reçu, le contribuable peut demander un sursis à paiement, en constituant des garanties.

Contrairement à la procédure fiscale, il n'existe pas avant l'émission de l'AMR de recours au supérieur hiérarchique, ni à l'interlocuteur départemental, ni à une commission départementale. Après la notification de l'infraction, il existe bien une commission, qui peut être saisie, composée d'un magistrat et de deux assesseurs, mais elle ne rend qu'un avis oral à l'audience, suivi d'un avis écrit dans le délai d'un mois environ, qui ne lie pas l'administration, cette dernière n'éprouvant aucune difficulté à ne pas suivre cet avis.

En cas de contestation d'AMR, l'administration a six mois pour répondre. Ensuite, et si aucune solution n'est trouvée, le contribuable et les douanes vont devant le TGI. Attention, maître Foucault insiste sur le fait qu'en parallèle de cette procédure, peut se tenir une procédure pénale.

Il est important de noter que les douanes procèdent parfois à des contrôles avec d'autres administrations. C'est très rare que les douanes se couplent avec l'administration fiscale, mais c'est plus fréquent avec la DGCCRF (administration compétente en matière de concurrence). Il est nécessaire de vérifier que chaque administration n'outrepasse pas ses pouvoirs.

Concernant enfin les archives douanières, Fabien Foucault conseille de ne garder les documents prescrits par les règles douanières que pendant trois ans, car c'est le temps prévu par le Code des douanes communautaire, (sauf pour les documents utiles en matière de TVA).

B - La transaction

Les fiscalistes présents à cette commission ouverte, profanes en droit douanier, savaient toutefois une chose : les transactions se passent plus facilement avec l'administration des douanes qu'avec l'administration fiscale.

Fabien Foucault porte un frein aux velléités des fiscalistes : ne pas se lancer dans une procédure de transaction avec l'administration des douanes si on n'est pas un spécialiste de la matière. En effet, la transaction est une négociation, les montants sont personnalisés. Il n'y a pas de règles comme en droit fiscal : il n'y a pas de montant officiel ; tout est du cas par cas.

Si la transaction tourne mal et qu'elle se bloque, la personne redressée peut contester l'AMR devant le TGI, selon une procédure classique sans représentation obligatoire. Toutefois, il faut bien avoir à l'esprit que le droit douanier est une matière pénale. Toute erreur constitue une infraction, et la personne redressée doit rapporter la preuve de sa bonne foi.

Il faut bien comprendre que la teinture pénale du droit douanier en fait une matière très dure, difficile à maîtriser devant un tribunal, avec des montants colossaux (amende dont le montant est fixé à deux fois la valeur de la marchandise). C'est aussi pour cela que la transaction est une procédure tant utilisée et qu'elle aboutit à des résultats souvent satisfaisants.

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Entreprises en difficulté

[Brèves] Responsabilité pour insuffisance d'actif : non cumul avec la responsabilité de droit commun et notion de représentant permanent de la personne morale dirigeante du débiteur

Réf. : Cass. com., 19 novembre 2013, n° 12-16.099, FS-P+B (N° Lexbase : A0454KQU)

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N9615BTB

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Le 29 Novembre 2013

Dans un arrêt du 19 novembre 2013, la Cour de cassation a apporté une série de précisions sur la mise en jeu de la responsabilité pour insuffisance d'actif du représentant permanent de la personne morale dirigeante du débiteur (Cass. com., 19 novembre 2013, n° 12-16.099, FS-P+B N° Lexbase : A0454KQU ; lire également N° Lexbase : N9617BTD). En l'espèce, une société française, dont une société de droit luxembourgeois était la dirigeante, a été mise en redressement, puis liquidation judiciaires. Le liquidateur a assigné en responsabilité pour insuffisance d'actif le représentant de la personne morale dirigeante, M. K.. La Cour précise, , d'abord, que lorsque le redressement ou la liquidation judiciaire d'une société fait apparaître une insuffisance d'actif, les dispositions des articles L. 651-2 (N° Lexbase : L8961IN9) et L. 651-3 (N° Lexbase : L8960IN8) du Code de commerce, qui ouvrent, aux conditions qu'ils prévoient, une action en responsabilité pour insuffisance d'actif ne se cumulent pas avec celles de l'article L. 225-251 du Code de commerce (N° Lexbase : L6122AIL), ni avec celles de l'article 1382 du Code civil (N° Lexbase : L1488ABQ). La cour d'appel a, sans méconnaître les données du litige, nécessairement retenu la responsabilité du représentant permanent de la personne morale dirigeante sur le seul fondement de l'article L. 651-2 du Code de commerce, les dispositions de l'article L. 227-7 du même code (N° Lexbase : L6162AI3) ne prévoyant pas un régime particulier de responsabilité. L'arrêt d'appel relève que les statuts de la société débitrice désignent, pour exercer la présidence de celle-ci, la société luxembourgeoise représentée par M. K. auquel le conseil d'administration de cette dernière a confié un mandat d'administrateur délégué avec le pouvoir "d'engager la société par sa signature individuelle". Il relève encore que l'immatriculation de la société débitrice au registre du commerce et des sociétés précise que la présidence est assurée par la société luxembourgeoise "représentée par M. Gilles K.". Il en résulte que l'intéressé était le représentant de la personne morale dirigeante de la débitrice. Ensuite, sur le moyen selon lequel l'intéressé n'agissait qu'en qualité de délégué à la gestion quotidienne de la débitrice et que le seul décisionnaire était en application de la loi luxembourgeoise et des statuts le conseil d'administration de la personne morale dirigeante, la Cour de cassation approuve la cour d'appel d'avoir retenu qu'il disposait d'un pouvoir général de représentation de la société à l'égard des tiers, emportant sans aucune restriction le pouvoir d'engager valablement celle-ci et qu'il était en conséquence le dirigeant de droit de la personne morale chargée de la présidence de la débitrice, dès lors qu'il lui appartenait de se conformer aux prescriptions impératives de la loi, en interrogeant le conseil d'administration en temps utile, s'il estimait devoir en référer préalablement à cet organe (cf. l’Ouvrage "Entreprises en difficulté" N° Lexbase : E8228EPG).

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Fiscalité des particuliers

[Brèves] Abattement d'IR réservé aux journalistes : les pensions de retraite ne sont pas prises en compte dans la détermination de la source principale de revenus

Réf. : CE 9° et 10° s-s-r., 20 novembre 2013, n° 349956, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A8363KPG)

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N9540BTI

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Le 28 Novembre 2013

Aux termes d'une décision rendue le 20 novembre 2013, le Conseil d'Etat retient que l'abattement réservé aux journalistes s'applique lorsque les revenus tirés de cette activité sont les plus importants au regard d'autres activités exercées par ailleurs, sans comprendre les pensions de retraite (CE 9° et 10° s-s-r., 20 novembre 2013, n° 349956, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A8363KPG). En l'espèce, une personne retraitée rédige des articles pour un magazine professionnel. Elle a déclaré ses revenus en appliquant l'abattement de 7 650 euros prévu pour les journalistes à l'article 81 du CGI (N° Lexbase : L9930IWP). Le Conseil d'Etat précise, d'une part, que les journalistes s'entendent des personnes apportant une collaboration intellectuelle permanente à des publications périodiques en vue de l'information de lecteurs et, d'autre part, que l'application de l'abattement est subordonnée à ce que la collaboration constitue une activité exercée à titre principal et procurant à ces personnes la part majoritaire de leurs rémunérations d'activité. La cour administrative d'appel, ayant relevé que le contribuable en cause percevait des pensions de retraite, lui a refusé l'abattement. La Haute juridiction rappelle la condition selon laquelle les revenus des journalistes doivent constituer le principal de leurs rémunérations d'activité. Les pensions de retraite n'étant pas des revenus d'activité, par définition, il ne convient pas de les comprendre dans le raisonnement du juge. Le retraité journaliste peut donc bénéficier de l'abattement .

newsid:439540

Fiscalité internationale

[Brèves] Signature de l'Accord "Fatca" entre la France et les Etats-Unis : tremblement de terre dans les institutions financières

Réf. : Lire le communiqué de presse du ministère de l'Economie du 22 novembre 2013

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N9549BTT

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Le 28 Novembre 2013

Le 22 novembre 2013, le Gouvernement français a annoncé la signature, par la France, le 14 novembre, de l'Accord dit "Fatca" (Foreign Account Tax Compliance) avec les Etats-Unis. Ce texte prévoit une collaboration des institutions financières françaises à la recherche, par les Etats-Unis, des avoirs détenus par ses citoyens à l'étranger. En effet, un échange automatique d'informations est instauré entre les deux pays, portant sur les fonds détenus par des Américains en France. L'objectif est, d'une part, l'information de l'Internal Revenue Service, l'administration fiscale américaine et, d'autre part, l'application des retenues à la source correspondantes (pour plus d'informations sur le mécanisme de Fatca, lire Fatca : les Etats-Unis déclarent la guerre aux évadés fiscaux américains - Questions à Pascal Noël, Associé fiscal, Deloitte Luxembourg, Lexbase Hebdo n° 495 du 25 juillet 2012 - édition fiscale N° Lexbase : N3139BTG). La signature de l'Accord intervient avec retard compte tenu du calendrier initialement prévu, dû au "shutdown" subi par le Gouvernement fédéral début octobre 2013. L'Accord "Fatca" pourrait être repris au niveau européen, comme le souhaitent la France, le Royaume-Uni, l'Allemagne, l'Espagne et l'Italie (lire N° Lexbase : N6682BTN) et l'Union européenne (lire N° Lexbase : N7578BTT). De son côté, l'OCDE souhaite mettre en place un échange automatique de renseignements généralisé (lire, notamment N° Lexbase : N8200BTU).

newsid:439549

Procédure civile

[Brèves] Notion d'"autre partie au contrat" dans le cadre d'un contrat souscrit par internet et compétence juridictionnelle

Réf. : CJUE, 14 novembre 2013, n° C-478/12 (N° Lexbase : A2490KPW)

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N9587BTA

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Le 28 Novembre 2013

La notion d'"autre partie au contrat", prévue à l'article 16, § 1, du Règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (N° Lexbase : L7541A8S), doit être interprétée en ce sens qu'elle désigne également le cocontractant de l'opérateur auprès duquel le consommateur a conclu ce contrat et qui a son siège sur le territoire de l'Etat membre du domicile de ce consommateur. Telle est la substance de la décision rendue par la CJUE, le 14 novembre 2013 (CJUE, 14 novembre 2013, aff. C-478/12 N° Lexbase : A2490KPW ; cf. l’Ouvrage "Procédure civile" N° Lexbase : E0535EUD). Selon les faits de l'espèce, les époux M., domiciliés en Autriche, ont réservé et payé, pour eux-mêmes en tant que particuliers, sur le site internet de L., un voyage à forfait à destination de l'Egypte. Sur ledit site, il est indiqué que la société dont le siège est situé en Allemagne, agit en tant qu'agent de voyages pour le compte d'une société T., dont le siège social est situé en Autriche. La réservation effectuée par les époux M. a été confirmée et ce n'est qu'à leur arrivée sur les lieux que les requérants au principal se sont aperçus de l'erreur portant sur l'hôtel et ont payé un supplément de prix, pour pouvoir loger dans l'hôtel réservé initialement sur le site Internet de L.. Afin de récupérer le supplément de prix ainsi payé et d'être indemnisés pour les désagréments ayant affecté leurs vacances, les requérants au principal ont introduit un recours tendant à la condamnation solidaire des sociétés L. et T., à leur verser la somme de 1 201,38 euros, majorée des intérêts et des dépens. Après le rejet de leur demande pour incompétence de la juridiction saisie, ils ont interjeté appel. C'est ainsi que la question préjudicielle de la juridiction de renvoi a été posée à savoir comment il convient d'interpréter la notion d'"autre partie au contrat" prévue à l'article 16, paragraphe 1, du Règlement n° 44/2001, dans une situation où un professionnel, situé dans un Etat membre autre que celui du domicile du consommateur, commercialise des prestations d'un autre professionnel, dont le siège social se situe sur le territoire de ce dernier Etat, lorsqu'un consommateur intente une action contre cette "autre partie", cette disposition lui permettant de faire valoir son droit devant les tribunaux du lieu où il est domicilié. La CJUE y répond selon les termes précités.

newsid:439587

Procédure pénale

[Brèves] Non-renvoi d'une QPC sur la mise en oeuvre d'une géolocalisation

Réf. : Cass. crim., 19 novembre 2013, n° 13-84.909 F-P+B+I (N° Lexbase : A0467KQD)

Lecture: 1 min

N9566BTH

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Le 03 Avril 2014

La question de la mise en oeuvre d'une géolocalisation, qui n'est pas nouvelle, ne doit pas etre renvoyée devant le Conseil constitutionnel car les dispositions légales relatives aux activités exercées par la police judiciaire, sous la direction du procureur de la République, ne confèrent pas le pouvoir de mettre en oeuvre la mesure technique dite de géolocalisation, laquelle, en raison de sa gravité, ne peut être réalisée que sous le contrôle d'un juge. Telle est la solution retenue par la Chambre criminelle de la Cour de cassation, dans un arrêt du 19 novembre 2013 (Cass. crim., 19 novembre 2013, n° 13-84.909 F-P+B+I N° Lexbase : A0467KQD). En l'espèce, M. X. a initié une QPC, afin de remettre en cause la constitutionnalité des dispositions des articles 12 (N° Lexbase : L7228A4H), 14 (N° Lexbase : L7024A4W), 41 (N° Lexbase : L6394ISM) et 77-1-1 (N° Lexbase : L3463IGD) du Code de procédure pénale, qui, selon lui, autorisent tout acte d'enquête et toutes réquisitions à une personne publique ou privée de fournir des documents issus de fichiers nominatifs sans prévoir ni les circonstances, ni les conditions dans lesquelles un dispositif de géolocalisation et de suivi dynamique des téléphones portables en temps réel peut être mis en place dans le cadre d'une enquête préliminaire. Ces dispositions seraient, selon lui, contraires au respect de la vie privée, à la liberté d'aller et venir, ainsi qu'à la liberté individuelle, protégés par les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789 (N° Lexbase : L6813BHS), ainsi que par les articles 34 (N° Lexbase : L0860AHC) et 66 (N° Lexbase : L0895AHM) de la Constitution. La Chambre criminelle de la Cour de cassation rejette sa demande en relevant, par ailleurs, que les dispositions légales invoquées, relatives aux activités exercées par la police judiciaire sous la direction du procureur de la République, ne confèrent pas le pouvoir de mettre en oeuvre la mesure technique dite de "géolocalisation", laquelle, en raison de sa gravité, ne peutêtre réalisée que sous le contrôle d'un juge.

newsid:439566

QPC

[Brèves] Modification de la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité

Réf. : Cons. const., décision n° 2013-128 Orga du 22 novembre 2013 (N° Lexbase : A9478KPQ)

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N9592BTG

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Le 29 Novembre 2013

Une décision du Conseil constitutionnel en date du 22 novembre 2013 procède à une modification de la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité (Cons. const., décision n° 2013-128 Orga du 22 novembre 2013 N° Lexbase : A9478KPQ). Désormais, lorsqu'une personne justifiant d'un intérêt spécial adresse des observations en intervention relatives à une question prioritaire de constitutionnalité avant la date fixée en application du troisième alinéa de l'article 1er [du règlement] et mentionnée sur le site internet du Conseil constitutionnel, celui-ci décide que l'ensemble des pièces de la procédure lui est adressé et que ces observations sont transmises aux parties et autorités mentionnées à l'article 1er du règlement . En outre, le dépassement du délai échu à cette date n'est pas opposable à une partie qui a posé, devant une juridiction relevant du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation, devant le Conseil d'Etat ou devant la Cour de cassation, une question prioritaire de constitutionnalité mettant en cause une disposition législative dont le Conseil constitutionnel est déjà saisi lorsque, pour cette raison, cette question n'a pas été renvoyée ou transmise.

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