Réf. : CE 9e et 10e ch.-r., 28 janvier 2025, deux arrêts, n° 465835, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A40316S4 et n° 492839, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A40386SD
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N1675B3G
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par Vincent Téchené, Rédacteur en chef
Le 21 Février 2025
Le 28 janvier dernier, le Conseil d’État a annulé deux décrets interdisant de nommer les produits comportant des protéines végétales par des termes de boucherie, de charcuterie et de poissonnerie, tels que « steak » ou « saucisse ». La France ne peut donc interdire l’utilisation de dénominations usuelles d’aliments d’origine animale pour commercialiser des aliments contenant des protéines végétales.
En 2020, le Parlement a interdit l’utilisation des termes utilisés pour désigner des aliments d’origine animale pour commercialiser des produits contenant des protéines végétales (loi n° 2020-699 du 10 juin 2020 dite « Egalim 1 » N° Lexbase : L3491LXL). Le Gouvernement a précisé cette interdiction par un décret du 29 juin 2022 (décret n° 2022-947 N° Lexbase : L2741MDU), puis un décret du 26 février 2024 (décret n° 2024-144 N° Lexbase : L6667MLI).
Saisi par des entreprises et associations professionnelles, le Conseil d’État (v. CE 9e et 10e ch.-r., 12 juillet 2023, n° 465835 N° Lexbase : A78171AR) a interrogé la Cour de justice de l’Union européenne avant de se prononcer sur la légalité de ces décrets. En octobre dernier, la CJUE a jugé que la réglementation européenne traitait complètement la question au niveau européen et s’opposait à ce que les États membres puissent édicter des mesures qui réglementent ou interdisent l’usage de noms usuels ou descriptifs, autres que des dénominations légales, pour décrire, commercialiser ou promouvoir des denrées alimentaires contenant des protéines végétales (CJUE, 4 octobre 2024, aff. C-438/23, Protéines France N° Lexbase : A809358A, V. Téchené, Lexbase Affaires, octobre 2024, n° N° Lexbase : N0557B3Z).
Le Conseil d’État prend donc acte de la position de la CJUE et juge illégaux, comme contraires à la réglementation européenne les décrets de 2022 et 2024.
Les acteurs de la filière végétale ont gagné cette bataille : les producteurs du secteur pourront utiliser des noms usuels ou descriptifs tels que « steak », « saucisse » ou « bacon » par exemple.
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N1686B3T
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par Yann Le Foll
Le 04 Mars 2025
L’article 27 de la loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023, d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 N° Lexbase : L2962MKW, a créé pour chaque instance introduite devant le tribunal des activités économiques (venant en remplacement de 12 tribunaux de commerce depuis le 1er janvier 2025) une contribution pour la justice économique versée par la partie demanderesse, à peine d'irrecevabilité que le juge peut prononcer d'office.
Le montant de la contribution pour la justice économique est fixé dans la limite de 5 % du montant des demandes cumulées au stade de l'acte introductif d'instance et pour un montant maximal de 100 000 euros.
Le décret n° 2024-1225 du 30 décembre 2024, relatif à l'expérimentation de la contribution pour la justice économique N° Lexbase : L9874MR7, indique que cette contribution est due par l'auteur de la demande initiale, lorsque la valeur totale des prétentions qui y sont contenues est supérieure à un montant de 50 000 euros.
Dans une résolution adoptée les 11 et 12 mai 2023, le Conseil National des Barreaux a rappelé son opposition à la mise en place de la contribution financière des entreprises, au nom de la rupture d’égalité induite entre les justiciables, par principe, et particulièrement au cours de la phase d’expérimentation entre les différents territoires selon les tribunaux concernés ou non. Lors de son assemblée générale du 17 janvier 2025, le CNB a demandé le retrait de cette contribution.
Dénonçant notamment un montant trop élevé de cette contribution pour des entreprises déjà fragilisées économiquement, le barreau de Paris a annoncé le 21 janvier 2025 déposer un recours contre ce décret devant le Conseil d’État. Le 24 janvier, la Conférence des bâtonniers a également décidé du dépôt d’un recours contre ce décret.
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Réf. : Cass. crim., 4 février 2025, n° 23-86.384, F-B N° Lexbase : A60686TW
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N1655B3P
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par Pauline Le Guen
Le 25 Février 2025
Lorsqu’une atteinte disproportionnée à la liberté d’expression est invoquée, il appartient au juge d’instruction saisi, après s’être assuré du lien direct allégué entre le comportement incriminé et la liberté d’expression sur un sujet d’intérêt général, de vérifier le caractère proportionné des poursuites. Ledit contrôle implique alors un examen d’ensemble, tenant compte notamment des circonstances des faits, de la gravité du dommage ou du trouble éventuellement causé.
Une société, constituée partie civile, avait porté plainte du chef de discrimination à raison d’opinions politiques de nature à entraver son activité économique, suite à l’appel au boycott lancé par un collectif à son encontre. Une information avait alors été ouverte des chefs de discrimination et d’entraver à la liberté d’expression, mais le juge d’instruction avait rendu une ordonnance de non-lieu.
Cette affaire est l’occasion pour la Chambre criminelle de rappeler qu’il appartient à la juridiction d’instruction saisie, après s’être assurée du lien direct allégué entre le comportement incriminé et la liberté d’expression sur un sujet d’intérêt général, de vérifier le caractère proportionné des poursuites. Elle souligne par ailleurs que ce contrôle nécessité un examen d’ensemble devant prendre en compte, notamment, les circonstances des faits, la gravité du dommage ou le trouble éventuellement causé.
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Réf. : CE, 1re-4e ch. réunies, 28 novembre 2024, n° 488592, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A43916KT
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N1629B3Q
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par Olivier Savignat, Avocat associé, Valians avocats et Gustave Barthélemy, Juriste, Valians avocats
Le 07 Février 2025
Mots clés : notification des recours • titulaire de l'autorisation d'urbanisme • notification à l'adresse • panneau d'affichage • permis de construire
Dans un arrêt mentionné aux tables du recueil Lebon, le Conseil d’État a jugé conforme à l’article R. 600-1 du Code de l’urbanisme la notification envoyée à l’adresse indiquée comme étant celle du bénéficiaire sur le panneau d’affichage de l’autorisation, y compris lorsque cette adresse s’avère être celle d’une autre personne.
L’arrêt ici commenté apporte des éclaircissements utiles sur les modalités d’une formalité bien connue des praticiens et spécifique au contentieux de l’urbanisme : l’obligation de notification des recours dirigés contre une autorisation d’urbanisme.
Pour rappel, l’article R. 600-1 du Code de l’urbanisme N° Lexbase : L9492LPA dispose que « l’auteur du recours est tenu, à peine d’irrecevabilité, de notifier son recours à l'auteur de la décision et au titulaire de l'autorisation ». Cette obligation est étendue à l’auteur d’un recours gracieux, « à peine d'irrecevabilité du recours contentieux qu'il pourrait intenter ultérieurement en cas de rejet ». Enfin, il est précisé que cette notification « doit intervenir par lettre recommandée avec accusé de réception, dans un délai de quinze jours francs à compter du dépôt du déféré ou du recours ».
Un recours contentieux est donc susceptible d’être rejeté comme irrecevable au seul motif que le recours gracieux exercé préalablement n’aurait pas été dûment notifié à l’auteur et au destinataire de l’autorisation litigieuse.
Il ne peut être remédié à l'omission de cette formalité que dans le délai de quinze jours prévu par l’article précité. L’introduction d’un nouveau recours gracieux dûment notifié ne permettra pas de pallier l’irrégularité du premier recours et de proroger du délai de recours contentieux [1].
Partant, le requérant ayant purement et simplement oublié de notifier son recours gracieux n’aura pas préservé le délai de recours contentieux : son recours ultérieur devant le juge, au-delà du délai de deux mois prévu à l’article R. 600-2 du Code de l’urbanisme N° Lexbase : L2033ICB, sera assurément tardif et donc doublement irrecevable.
Les conséquences d’un tel oubli sont drastiques : après avoir été invité par le juge administratif à produire un justificatif qu’il ne peut pas fournir, le requérant verra sa requête sommairement rejetée par une ordonnance prise sur le fondement du 4° de l’article R. 222-1 du Code de justice administrative N° Lexbase : L1294MLI [2].
C’est ce qui est arrivé au requérant dans l’affaire objet du présent commentaire, en dépit de ce qu’il avait effectivement notifié son recours à l’adresse indiquée sur le panneau d’affichage de l’autorisation querellée.
Dans les faits, la réalisation d’un bâtiment d’habitation collective de huit logements avait été autorisée par un permis de construire délivré le 20 mai 2021.
Par un recours gracieux formé avant l’échéance du délai contentieux de deux mois, un voisin du projet a sollicité le retrait de ce permis. Deux mois plus tard, estimant que cette demande avait fait l’objet d’une décision tacite de rejet, ce même voisin a formé un recours en excès de pouvoir devant le tribunal administratif de Grenoble.
Or, ce recours a été évacué comme tardif par une « ordonnance de tri », la juridiction ayant considéré que la notification du recours gracieux avait été irrégulièrement accomplie et n’avait donc pas prorogé le délai de recours contentieux [3].
En effet, le requérant avait notifié son recours gracieux à l’adresse figurant en haut du panneau d’affichage, adresse qui était en fait celle du maître d’œuvre et non celle du maître d’ouvrage, bénéficiaire du permis de construire contesté.
Cette solution a été confirmée par un arrêt de la cour administrative d’appel de Lyon [4].
Par un arrêt mentionné aux tables du recueil Lebon, le Conseil d’État a toutefois jugé cette notification régulière, annulant en conséquence l’arrêt précité et renvoyant les parties devant le juge d’appel pour trancher le reste du litige.
Ce faisant, la Haute juridiction administrative a conféré une certaine valeur aux mentions du panneau d’affichage, afin de préserver le droit au recours du requérant (I). Elle s’inscrit en cela dans la continuité d’une jurisprudence pragmatique, tendant à limiter les hypothèses d’irrecevabilité pour défaut de notification (II).
I. Le requérant peut valablement prendre en compte l’adresse indiquée sur le panneau d’affichage pour notifier son recours
Les juges du fond faisaient grief au requérant d’avoir pris en compte une information facultative et superfétatoire au détriment de l’information obligatoire contenue dans l’autorisation, seule à même de le renseigner sur l’adresse de son bénéficiaire.
En effet, et s’agissant de la notification au titulaire, la jurisprudence a retenu le principe suivant : la formalité prévue à l’article R. 600-1 du Code de l’urbanisme est « régulièrement accomplie dès lors que la notification du recours est adressée au titulaire de l'autorisation tel qu'il est désigné par l'acte attaqué » [5].
Or, l’adresse du titulaire n’est pas au rang des mentions obligatoires du panneau d’affichage de la décision, énumérées à l’article A. 424-16 du Code de l’urbanisme N° Lexbase : L5515LKH. Inversement, l’article A. 424-2 de ce même code N° Lexbase : L7175HZR dispose que l’arrêté doit « vise[r] la demande de permis » et « en rappelle[r] les principes caractéristiques », dont le nom et l’adresse du demandeur.
C’est en considération de ces éléments de droit que la cour administrative d’appel de Lyon a jugé que la notification à une société « sans lien organique avec la société bénéficiaire du permis » était irrégulière, dès lors que, d’une part, « il ne ressort pas des pièces du dossier que cette société (…) aurait transmis ce dernier au titulaire du permis de construire » et que, d’autre part, « à supposer même que la mention de l'adresse de la société X sur le panneau d'affichage ait été susceptible d'induire en erreur [le requérant], l'adresse exacte avait bien été indiquée dans les visas de l'acte attaqué et dans le formulaire de demande de permis de construire », documents que ce dernier avait visiblement eu l’occasion de consulter pour rédiger son recours.
Cette solution a néanmoins été jugée trop rigoriste par la Haute juridiction administrative qui l’a censurée pour les motifs suivants :
« Ces dispositions [de l’article R. 600-1 précité] visent, dans un but de sécurité juridique, à permettre au bénéficiaire d'une autorisation d'urbanisme, ainsi qu'à l'auteur de cette décision, d'être informés à bref délai de l'existence d'un recours gracieux ou contentieux dirigé contre elle.
Si, à l'égard du titulaire de l'autorisation, cette formalité peut être regardée comme régulièrement accomplie dès lors que la notification lui est faite à l'adresse qui est mentionnée dans l'acte attaqué, la notification peut également être regardée comme régulièrement accomplie lorsque, le panneau d'affichage du permis de construire faisant apparaître, alors même que l'article A. 424-16 du Code de l'urbanisme ne l'impose pas, une adresse comme étant la sienne, la notification est faite à cette adresse. »
En effet, et comme exposé par le rapporteur public Mathieu Le Coq dans ses conclusions sur cette affaire, « les exigences tenant à la sécurité juridique des constructeurs et des administrations doivent être conciliées avec le droit au recours qui a valeur constitutionnelle et qui commande de ne pas subordonner l’exercice du droit de recours à des formalités excessivement contraignantes au regard du court délai de quinze jours imparti au requérant pour faire diligence » [6].
Le requérant pouvait donc valablement prendre en compte l’information indiquée sur le panneau d’affichage, d’autant plus que rien ne permettait de penser qu’elle était erronée.
En de telles circonstances, il ne peut être raisonnablement attendu du requérant qu’il se lance dans des recherches pour s’assurer que l’adresse volontairement indiquée par le pétitionnaire sur le panneau affichant son autorisation était bien la sienne, eu égard au caractère particulièrement bref du délai qui lui est imparti pour procéder à la notification idoine.
II. Une nouvelle illustration du pragmatisme du juge administratif en la matière
Cette décision s’inscrit dans la continuité d’une jurisprudence pragmatique développée par le Conseil d’État à propos de cette formalité, afin d’éviter une application trop rigide de la règle et donc de limiter les hypothèses d’irrecevabilité aux situations portant véritablement atteinte à la sécurité juridique des bénéficiaires.
Ainsi, la Haute juridiction administrative avait déjà jugé régulière la notification adressée à l’architecte du projet dès lors que c’est son adresse qui était mentionnée sur le permis litigieux comme étant celle à laquelle le bénéficiaire de l’autorisation était domicilié [7].
De la même manière, doit être regardé comme ayant été valablement notifié le recours adressé à l’adresse du pétitionnaire telle que mentionnée dans l’arrêté, sans qu'ait d'incidence la circonstance que l'autorisation ait été depuis transférée à un nouveau bénéficiaire [8].
Suivant une logique similaire, le Conseil d’État a également jugé régulière la notification du pourvoi adressée au cabinet de l’avocat ayant représenté le bénéficiaire devant le juge d’appel, dès lors que c’est cette adresse qui était indiquée dans les visas de l’arrêt comme étant celle du bénéficiaire [9].
Il ressort donc de ces jurisprudences que, pour l’accomplissement de la formalité prévue à l’article R. 600-1 du Code de l’urbanisme, le nom et l’adresse mentionnés dans la décision contestée font foi en tout état de cause.
Plus encore, ont été jugées régulières des notifications envoyées à une personne ou une adresse différente de celle mentionnée dans la décision : au siège social de la société mère de l’établissement secondaire ayant sollicité le permis [10], à une société distincte du pétitionnaire mais ayant le même siège et le même gérant [11], ou bien, plus original, au conjoint du bénéficiaire de l’autorisation, dès lors qu’ils ne sont pas séparés de corps [12].
Est tout autant régulière la notification adressée à la société pour le compte de laquelle l’autorisation est sollicitée, alors même que ce n’est pas elle qui a déposé la demande [13].
Ces solutions valent également pour la notification à l’auteur de la décision. Le Conseil d’État considère ainsi que la notification adressée à une mairie d’arrondissement était parfaitement régulière, alors même que l’autorisation a été délivrée par la mairie centrale, « eu égard au rôle dévolu dans l'instruction des demandes d'autorisation d'utilisation du sol au maire d'arrondissement, élu de la personne morale que constitue la Ville de Paris » [14].
Le pragmatisme du juge administratif s’étend au-delà de la simple question de l’adresse : est ainsi recevable le recours introduit sans notification dirigé contre un permis modificatif produit dans le cadre de l’instance dirigée contre le permis initial [15].
Cette tolérance s’arrête néanmoins lorsque, en l’absence d’erreur ou d’imprécision le concernant dans les mentions de la décision, le bénéficiaire risque de ne pas être utilement informé de la menace planant sur son autorisation [16].
[1] CE, 6 juillet 2005, n° 277276 N° Lexbase : A0174DKN.
[2] CE, 13 juillet 2011, n° 314093 N° Lexbase : A0237HWP, Rec. T.
[3] TA Grenoble, 14 mars 2022, n° 2106615.
[4] CAA Lyon, 2 août 2023, n° 22LY01405 N° Lexbase : A35621DB.
[5] CE, 23 avril 2003, n° 251608 N° Lexbase : A7791C83, Rec.
[6] M. Le Coq, concl. sur CE, 28 novembre 2024, n° 488592, BJCL, n°12, comm. 8, 2024.
[7] CE, 24 septembre 2014, n° 351689 N° Lexbase : A3007MXN, Rec. T.
[8] CE, 24 septembre 2017, n° 351689, préc.
[9] CE, 15 octobre 2014, n° 366065 N° Lexbase : A6676MYW ; en revanche, est irrégulière la notification adressée à l’avocat du bénéficiaire sans que son adresse soit mentionnée dans la décision litigieuse, en dépit de ce qu’il a représenté celui-ci en première instance : CE, 28 septembre 2011, n° 341749 N° Lexbase : A1536HYK, Rec. T.
[10] CE, 20 octobre 2021, n° 444581 N° Lexbase : A650649T, Rec. T..
[11] CE, 26 juin 2017, n° 399032 N° Lexbase : A8527WLE.
[12] CE, 7 août 2008, n° 288966 N° Lexbase : A0694EAX, Rec. T..
[13] CE, 31 décembre 2008, n° 305881 N° Lexbase : A4939EGZ, Rec.
[14] CE, 30 janvier 2024, n° 471649 N° Lexbase : A00812IT, Rec. T..
[15] V. pour une application prétorienne du principe à un litige antérieur à l’entrée en vigueur du dernier alinéa de l’article R. 600-1 consacrant cette exception : CE, 28 mai 2021, n° 437429 N° Lexbase : A48594T7, Rec.
[16] V. par exemple s’agissant de la notification d’un recours incident : CE, 1er octobre 2024, n° 477859 N° Lexbase : A810957H, Rec. T.
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Réf. : Cass. civ. 2, 6 février 2025, n° 22-17.249, FS-B N° Lexbase : A60676TU
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par Guillaume Fricker, avocat au barreau de Saint Malo-Dinan, administrateur de l’AAPPE
Le 12 Février 2025
Mots clés : nullité d’un acte de saisie • saisie de valeurs mobilières et droits incorporels • défense au fond • exception de procédure
Ne constitue pas une exception de procédure, au sens de l'article 73 du Code de procédure civile, le moyen pris de la nullité du procès-verbal de saisie de droits incorporels, qui, sur la contestation du débiteur, ne tend pas à faire déclarer irrégulière ou éteinte la procédure judiciaire ouverte, ou à en suspendre le cours, mais à obtenir l'annulation de l'acte de saisie. Un acte de saisie doit-il être regardé comme un acte de procédure ? Dès lors, une contestation formée contre un acte de saisie de droits incorporels est-elle soumise aux articles 74 et 112 du Code de procédure civile qui imposent de soulever la nullité avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir ?
Les faits
Une saisie de droits d’associés et valeurs mobilières est pratiquée le 3 octobre 2014, en exécution d'un acte notarié de prêt.
Le juge de l’exécution est saisi, par assignation du 7 novembre 2014, aux fins, à titre principal, d'annulation de la saisie et, à titre subsidiaire, de sursis à statuer.
Un décès survient en cours de procédure, l’ayant droit a été appelé en intervention forcée.
La contestation de la saisie est rejetée suivant jugement du 4 mars 2021.
Réponse de la Cour
Au visa des articles R. 232-5 N° Lexbase : L2362ITN et R. 232-6 N° Lexbase : L2363ITP du Code des procédures civiles d'exécution et 73 N° Lexbase : L1290H4K, 74 N° Lexbase : L1293H4N et 112 N° Lexbase : L1390H4A du Code de procédure civile, la cour de rappeler les modalités de la mise en œuvre de cette voie d’exécution dont s’agit, telles qu’énoncées par le Code des procédures civiles d’exécution.
Ainsi, selon l’article R. 232-5, le créancier procède à la saisie de droits incorporels par la signification d'un acte qui contient, à peine de nullité, un certain nombre de mentions prévues au texte.
Selon l’article R. 232-6, la saisie est portée à la connaissance du débiteur par un acte qui indique que les contestations sont soulevées, à peine d'irrecevabilité, par une assignation qui doit être dénoncée à l'huissier de justice ayant procédé à la saisie.
Par suite, la cour s’attache à déterminer la nature de la contestation.
Ainsi, suivant l’article 73 du Code de procédure civile, constitue une exception de procédure tout moyen qui tend soit à faire déclarer la procédure irrégulière ou éteinte, soit à en suspendre le cours.
L’article 74 de préciser que les exceptions doivent, à peine d'irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir. Il en est ainsi alors même que les règles invoquées au soutien de l'exception seraient d'ordre public.
Enfin, vu l’article 112, la nullité des actes de procédure peut être invoquée au fur et à mesure de leur accomplissement ; mais elle est couverte si celui qui l'invoque a, postérieurement à l'acte critiqué, fait valoir des défenses au fond ou opposé une fin de non-recevoir sans soulever la nullité.
Ces rappels textuels faits, la question posée à la cour est celle de savoir si une contestation formée contre un acte de saisie de droits incorporels est soumise aux articles 74 et 112 du Code de procédure civile qui imposent de soulever la nullité avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir.
Pour y répondre, la cour de rappeler que la signification du procès-verbal prévue à l'article R. 232-5 du Code des procédures civiles d'exécution emporte saisie des droits incorporels, sans intervention du juge qui n'est saisi, sur l'assignation du débiteur, qu'en cas de contestation par ce dernier.
Elle se réfère à un précédent arrêt du 6 décembre 2007 [1], dans lequel elle jugeait que le moyen pris de la nullité d'un acte de saisie-attribution ne constitue pas une exception de procédure au sens de l'article 73 du Code de procédure civile.
La cour de préciser ici que la nullité invoquée à l'encontre d'un acte de saisie mobilière ne tend pas en elle-même à la remise en cause d'un acte de la procédure judiciaire. Seule l'annulation de l'acte de saisie est poursuivie. Cette nullité constitue, dès lors, un moyen de fond destiné à s'opposer au recouvrement forcé de la créance. Elle demeure soumise aux dispositions des articles 114 N° Lexbase : L1395H4G, 117 N° Lexbase : L1403H4Q et 118 N° Lexbase : L8421IRC du Code de procédure civile qui concernent tous les actes établis par des huissiers de justice.
Partant, le moyen pris de la nullité du procès-verbal de saisie de droits incorporels, qui tend à obtenir l'annulation de l'acte de saisie, ne constitue pas une exception de procédure au sens de l'article 73 du code de procédure civile.
Que retenir de cette décision ?
Une voie d’exécution doit-elle être regardée comme un acte de procédure ?
Un retour sur la lettre des textes s’impose.
Delon l’article 73 du Code de procédure civile : « Constitue une exception de procédure tout moyen qui tend soit à faire déclarer la procédure irrégulière ou éteinte, soit à en suspendre le cours ».
Selon l’article 74, alinéa 1er du Code de procédure civile : « Les exceptions doivent, à peine d'irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir. Il en est ainsi alors même que les règles invoquées au soutien de l'exception seraient d'ordre public ».
Selon l’article 112 du Code de procédure civile : « La nullité des actes de procédure peut être invoquée au fur et à mesure de leur accomplissement ; mais elle est couverte si celui qui l'invoque a, postérieurement à l'acte critiqué, fait valoir des défenses au fond ou opposé une fin de non-recevoir sans soulever la nullité ».
Partant, la cour voit elle l’acte de saisie comme un acte de procédure, auquel cas, il sera fait application de l’article 74 du Code de procédure civile, lequel impose que les contestations tirées des articles 73 et 112 du Code de procédure civile soient soulevées par la partie saisie avant toute défense au fond.
Au contraire, cet acte constituant une voie d’exécution, échappe-t-il à la qualification d’acte de procédure, permettant ainsi, par une certaine souplesse de la cour, de désobéir aux dispositions ci-dessus.
La cour admettrait alors que la contestation du recouvrement forcé d’une créance puisse finalement être soulevée en tout état de cause.
C’est cette solution, savoir que l’acte de saisie n’est pas un acte de procédure, qui est retenue par la deuxième chambre dans une décision particulièrement motivée.
Elle se réfère notamment à une espèce précédemment tranchée relativement à la contestation d’une saisie attribution, considérant que la nullité d’un acte de saisie-attribution ne constituait pas une exception de procédure [2].
La motivation de cet arrêt du 6 février 2025 interpelle toutefois.
En effet, la cour de préciser que la nullité invoquée à l'encontre d'un acte de saisie mobilière ne tend pas en elle-même à la remise en cause d'un acte de la procédure judiciaire. Seule l'annulation de l'acte de saisie est poursuivie. Cette nullité constitue, dès lors, un moyen de fond destiné à s'opposer au recouvrement forcé de la créance. Elle demeure soumise aux dispositions des articles 114, 117 et 118 du Code de procédure civile qui concernent tous les actes établis par des huissiers de justice.
Or, quid des dispositions de l’article 649 du Code de procédure civile N° Lexbase : L6812H7G qui dispose que la nullité des actes d'huissier de justice est régie par les dispositions qui gouvernent la nullité des actes de procédure.
Alors, acte de procédure ou pas ?
[1] Cass. civ. 2, 6 décembre 2007, n° 06-15.178, 07-13.964 N° Lexbase : A0306D3Q, Bull. civ. II, 2007, n° 263.
[2] Cass. civ. 2, 6 décembre 2007, n° 06-15.178, préc.
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