Réf. : Cass. crim., 18 décembre 2024, n° 24-83.595, F-D QPC N° Lexbase : A22216PX
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par Stéphane Detraz, Maître de conférences, Université Paris-Saclay, faculté Jean Monnet, IDEP
Le 03 Février 2025
Mots-clés : escroquerie • TVA • fraude fiscale • manquement délibéré • cumul des répressions pénale et fiscale
La Cour de cassation juge qu’il n’est pas douteux que soit conforme à la Constitution la possibilité d’appliquer la qualification d’escroquerie en cas d’abus du régime de la taxe sur la valeur ajoutée, nonobstant le fait que les agissements frauduleux puissent donner lieu cumulativement à une majoration fiscale de 40 % et que le ministère public ait toute liberté pour poursuivre de ce chef plutôt que du chef de fraude fiscale.
Le fait d’obtenir indûment un crédit de taxe sur la valeur ajoutée peut être puni aussi bien par l’article 1741 du Code général des impôts N° Lexbase : L1203ML7, qui réprime, sous la qualification de fraude fiscale, le fait de soustraire frauduleusement à l’établissement de l’impôt que par l’article 313-1 du Code pénal N° Lexbase : L2012AMH, qui réprime, sous la qualification d’escroquerie, le fait d’obtenir un bien ou un acte au moyen de manœuvres frauduleuses. Des plaideurs ont, en vain, entrepris de contester, chacun par deux questions prioritaires de constitutionnalité, les conséquences qui découlent de cette dualité de qualifications pénales.
La première question, fondée sur le principe de proportionnalité et de nécessité des délits et des peines résultant de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, était dirigée contre la possibilité de sanctionner les mêmes agissements par application combinée des peines fulminées par l’article 313-1 précité et de la majoration fiscale prévue par l’article 1729, a, du Code général des impôts N° Lexbase : L1717HNW. La Haute juridiction a estimé que ce grief n’était pas sérieux dès lors que ces deux textes ne se saisissent pas des mêmes faits « qualifiés de manière identique ».
La seconde question critiquait, sur le fondement du principe d’égalité devant la loi et devant la procédure pénale issu de l’article 1er de la Constitution et de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, le fait qu’il soit possible de poursuivre sous la qualification d’escroquerie des faits relevant aussi de l’article 1741 du Code général des impôts, lequel « emporte sans la moindre justification objective un régime répressif différent de celui de l’escroquerie ». La Chambre criminelle a nié le caractère sérieux du reproche, compte tenu des règles de poursuites applicables à la fraude fiscale et de la liberté d’appréciation dont le ministère public bénéficie de manière singulière en la matière.
En somme, l’arrêt rapporté met à l’abri d’une possible censure de la part du Conseil constitutionnel (qui, au demeurant, eût été peu vraisemblable) la faculté, pour le ministère public, en matière de fraude à la taxe sur la valeur ajoutée, de recourir discrétionnairement à l’article 313-1 du Code pénal, qu’il s’agisse, pour lui, d’obvier à l’impossibilité de poursuivre du chef de fraude fiscale ou de rechercher les effets juridiques attachés en propre à la qualification d’escroquerie.
1. La question du cumul de l’escroquerie et du manquement fiscal
La Cour de cassation admet de longue date que des agissements tendant ou aboutissant à l’obtention indue d’un crédit de TVA (ou au jeu d’un régime de TVA plus favorable) soient punissables en tant que fraude fiscale ou qu’escroquerie [1]. En effet, l’article 1741 du Code général des impôts trouve à s’appliquer en ce que l’auteur des faits effectue une déclaration de TVA inexacte dans laquelle il se prévaut d’un montant de taxe d’amont ou d’aval mensonger : il y a donc de sa part dissimulation de sommes sujettes à l’impôt [2]. L’article 313-1 du Code pénal est quant à lui également susceptible de se saisir de ce comportement, dès lors que la production de la déclaration litigieuse est réalisée sous couvert de « manœuvres frauduleuses » [3] et qu’elle tend à la reconnaissance, par l’Administration fiscale, d’un crédit de taxe [4] : est ainsi commise soit une escroquerie consommée, soit une tentative d’escroquerie, selon que l’Administration se laisse berner ou non. Par ailleurs, en droit fiscal, l’article 1729, c, du Code général des impôts N° Lexbase : L7155LZZ permet lui aussi de réprimer au moyen d’une majoration de 80 % les inexactitudes ou omissions affectant une déclaration fiscale « en cas de manœuvres frauduleuses ». En l’absence de telles manœuvres, c’est-à-dire « en cas [simplement] de manquement délibéré », le a du même article prévoit une majoration de 40 %.
Il en résulte qu’il est possible de sanctionner pénalement et fiscalement l’auteur d’une fausse déclaration de TVA sur le fondement cumulé des articles 313-1 du Code pénal et 1729, a, du Code général des impôts. Ce cumul de l’escroquerie et du manquement fiscal est-il alors contraire au principe de nécessité des délits et des peines ?
La Cour de cassation juge que la critique émise en ce sens par les questions prioritaires de constitutionnalité objet de l’arrêt est dénuée de caractère sérieux car, explique-t-elle, « s’il découle du principe de nécessité des délits et des peines qu’une même personne ne peut faire l’objet de plusieurs poursuites tendant à réprimer de mêmes faits qualifiés de manière identique, par des sanctions de même nature, aux fins de protéger les mêmes intérêts sociaux, la seule circonstance qu’une incrimination et une sanction ayant le caractère d’une punition soient susceptibles de réprimer un même comportement ne peut caractériser une identité de faits au sens des exigences résultant de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 que si ces derniers sont qualifiés de manière identique ». Or, poursuit-elle, « l’escroquerie commise en matière fiscale réprime le fait de tromper l’administration fiscale afin de la déterminer à remettre des fonds ou à consentir un acte opérant décharge par l’emploi de manœuvres frauduleuses exclusives d’un simple mensonge », alors que la majoration fiscale sanctionne quant à elle « un manquement délibéré relevant d’une insuffisance, d’une omission ou d’une inexactitude constatée dans une déclaration fiscale », de sorte qu’« un simple mensonge contenu dans une déclaration constitue intrinsèquement un manquement délibéré mais ne suffit pas à caractériser les manœuvres frauduleuses exigées pour établir le délit d’escroquerie ».
Au vu de ces motifs, plusieurs observations peuvent être formulées. En premier lieu, la Cour de cassation résout la difficulté soulevée en appliquant la jurisprudence générale du Conseil constitutionnel relative au cumul des répressions pénale et para-pénale (c’est-à-dire la jurisprudence EADS [5] réformée), et non pas la jurisprudence propre au cumul des répressions pénale et fiscale (c’est-à-dire la jurisprudence Wildenstein et Cahuzac [6]). Il se confirme donc que cette jurisprudence spéciale ne concerne que la fraude fiscale stricto sensu, et non pas toute infraction ayant un caractère fiscal [7].
En deuxième lieu, il s’évince de l’arrêt rapporté que le dépôt d’une déclaration fiscale mensongère n’est pas ipso facto punissable au titre du délit d’escroquerie car il ne constitue pas en tant que tel une « manœuvre frauduleuse » [8]. Cette position est conforme à la jurisprudence antérieure, qui a toujours veillé à ne caractériser le délit d’escroquerie à la TVA qu’à la faveur de la constatation de telles manœuvres frauduleuses [9], notamment d’ordre comptable [10], s’ajoutant à la fausse déclaration.
En troisième lieu, à l’imitation du Conseil constitutionnel [11], la Cour de cassation apprécie l’« identité de faits » de manière stricte [12] : une complète et exacte équivalence est requise. Cette rigueur s’explique par le fait que le contrôle de constitutionnalité peut conduire à l’éradication de l’un des textes sanctionnateurs en concours et que, si les deux dispositions ne s’appliquent pas à des faits légalement définis (« qualifiés ») de manière strictement identique, cette abrogation empêchera de réprimer les agissements qui tombaient sous le coup du texte supprimé mais qui n’entrent pas dans les prévisions du texte survivant. Il y a donc lieu d’approuver une telle appréciation rigoureuse, qui évite de créer de fâcheuses lacunes répressives.
En quatrième lieu, la conformité à la Constitution du jeu cumulé des articles 313-1 du Code pénal et 1729 du Code général des impôts n’est reconnue qu’en ce qui concerne le a de ce second article (« manquement délibéré »). S’agissant du c, en revanche, cette conformité reste douteuse, puisque les deux textes ont un procédé frauduleux commun et identique (les « manœuvres frauduleuses »). Il n’est pas dit, pour autant, que ce procédé caractérise de part et d’autre exactement les mêmes faits car – comme le fait déjà comprendre en l’espèce la Cour de cassation – la fraude fiscale se consomme par la simple réalisation de la déclaration fiscale là où l’escroquerie doit rechercher ou engendrer la remise d’un bien ou d’un acte opérant obligation ou décharge.
2. La question de la différence de régime entre l’escroquerie et la fraude fiscale
Lorsqu’une déclaration fiscale mensongère est saisie sous la qualification d’escroquerie, c’est à tous égards le régime substantiel et procédural de ce délit qui s’applique aux faits litigieux [13], à l’exclusion du régime propre au délit de fraude fiscale. Les auteurs des questions prioritaires de constitutionnalité se dont donc plaints de la différence de traitement qui résulte du choix de la qualification pénale effectué, en ce qui concerne spécifiquement les règles gouvernant la mise en mouvement de l’action publique. En effet, alors que le ministère public bénéficie du principe d’opportunité des poursuites en matière d’escroquerie à la TVA [14] (C. proc. pén., art. 40-1 N° Lexbase : L7457LBS) [15], il ne peut poursuivre la fraude fiscale qu’en vertu d’une dénonciation ou d’une plainte préalables de la part de l’Administration fiscale (LPF, art. L. 228 N° Lexbase : L6506LUI). De surcroît, la décision du parquet de recourir à la qualification d’escroquerie est libre : elle ne peut être entravée ou contrecarrée par l’Administration. Les intéressés étant prévenus d’escroquerie, ils articulent donc leur critique en faisant observer que les dispositions de l’article 313-1 du Code pénal « peuvent être appliquées pour poursuivre sous la qualification d’escroquerie des faits relevant de la qualification de fraude fiscale, prévue et réprimée par l’article 1741 du code général des impôts, qui emporte sans la moindre justification objective un régime répressif radicalement différent de celui de l’escroquerie » [16].
La Cour de cassation n’y voit cependant aucun motif d’inconstitutionnalité. D’une part, elle observe qu’il résulte de l’article L. 228 du Livre des procédures fiscales (non critiqué) que, si aucune dénonciation ou plainte administrative n’a lieu, « des faits susceptibles de recevoir à la fois la qualification de fraude fiscale et celle d’escroquerie ne peuvent alors être poursuivis que sous cette seconde incrimination ». Mais, ce disant, elle ne répond pas à la critique selon laquelle aucune « justification objective » n’explique qu’il soit possible au parquet de se fonder sur l’article 313-1 du Code pénal quand l’article 1741 du Code général des impôts ne peut être in concreto utilisé. Elle aurait pu faire remarquer, dans la continuité de ses précédents développements, que ce ne sont pas les « mêmes faits » qui sont en cause et que l’alternative entre l’escroquerie et la fraude fiscale n’est donc qu’apparente.
D’autre part, la Haute juridiction énonce que « lorsque l’administration fiscale a saisi le ministère public de faits de fraude fiscale, le fait que ce dernier soit en mesure de choisir les modalités de mise en œuvre de l’action publique ne méconnaît pas le principe d’égalité ». L’affirmation est péremptoire. De surcroît, elle est en porte à faux avec la teneur du grief invoqué : la question est relative non pas tant au choix des « modalités » des poursuites [17] qu’au fait que l’article 313-1 du Code pénal permet de se dispenser de l’aval administratif requis pour la poursuite de la fraude fiscale, et que les mêmes déclarations fiscales frauduleuses reprochées à divers justiciables pourront donc in fine, sans « justification objective », être poursuivies soit comme escroquerie pour les uns, soit comme fraude fiscale pour d’autres, soit encore sous les deux qualifications pour les derniers. Or, voilà qui pourrait effectivement heurter le principe d’égalité devant la loi [18]. En refusant de renvoyer la question prioritaire de constitutionnalité, la Cour de cassation entend donc ne surtout pas fragiliser le principe de l’opportunité des poursuites, si pratique en procédure pénale.
[1] Un cumul de ces qualifications est même possible (Cass. crim., 6 février 1969, n° 66-91.594 N° Lexbase : A2774CGT), y compris depuis l’essor jurisprudentiel, en 2016, du principe non bis in idem (Cass. crim., 25 novembre 2020, n° 19-80.525, F-D N° Lexbase : A166938C : Dr. pén. 2021, comm. 20, obs. Ph. Conte. Cass. crim., 6 janvier 2021, n° 19-85.133, F-D N° Lexbase : A88834BM : Dr. pén. 2021, comm. 66, obs. Ph. Conte).
[2] V. par ex. Cass. crim., 8 mars 2017, n° 15-86.266, F-D N° Lexbase : A4428T3E. Cass. crim., 15 juin 2016, n° 15-82.530, F-D N° Lexbase : A5640RT3. Cass. crim., 14 novembre 2013, n° 12-80.184, F-D N° Lexbase : A6081KPW.
[3] Cass. crim., 6 avril 2011, n° 10-85.209, F-P+B N° Lexbase : A5728HNH.
[4] V. not. Cass. crim., 13 octobre 1971, n° 70-92.124 N° Lexbase : A8799AYK. Cass. crim., 6 février 1969, n° 66-91.594 N° Lexbase : A2774CGT. Cass. crim., 25 janvier 1967, n° 66-92.968 N° Lexbase : A8925CIE.
[5] Cons. const., décision n° 2014-453/454 QPC et 2015-462 QPC, du 18 mars 2015 N° Lexbase : A7983NDZ, EADS.
[6] Cons. const., décision n° 2016-545 QPC et n° 2016-546 QPC, du 24 juin 2016 N° Lexbase : A0909RU9 et N° Lexbase : A0910RUA (pour la dissimulation de sommes sujettes à l’impôt).
[7] Plus encore, au sein des infractions pénales prévues par le Code général des impôts, seules sont concernées celles qui consistent en une fraude fiscale proprement dite (CGI, art. 1741 N° Lexbase : L1203ML7), et non pas, par exemple, celles qui consistent en une opposition à fonctions (CGI, art. 1746 N° Lexbase : L3322IQ4. V. Cons. const., décision n° 2022-988 QPC, du 8 avril 2022 N° Lexbase : A49337SI).
[8] L’on en déduit également que l’escroquerie ne peut se commettre en la matière par mensonge qualifié.
[9] V. par ex. Cass. crim., 5 novembre 2014, n° 13-82.483, FS-D N° Lexbase : A9202M39.
[10] Cass. crim., 6 avril 2011, n° 10-85.209, F-P+B N° Lexbase : A5728HNH ; Rev. pénit. 2012, p. 719, obs. S. Detraz. Cass. crim., 14 novembre 2007, n° 07-83.208, F-P+F N° Lexbase : A0500D3W.
[11] Cons. const., décision n° 2022-988 QPC, du 8 avril 2022 N° Lexbase : A49337SI.
[12] Plus stricte que ne le fait la Cour européenne des droits de l’Homme pour le jeu du principe non bis in idem. Mais la jurisprudence (Zolotoukhine N° Lexbase : A0804ED7) de cette Cour n’est pas (encore ?) applicable, en France, au cumul des répressions pénale et para-pénale.
[13] En ce qui concerne, par exemple, l’application de la loi pénale dans l’espace, les peines encourues, la mise en mouvement des poursuites, la prescription de l’action publique, la recevabilité et le bien-fondé de l’action civile.
[14] Cass. crim., 16 juin 2010, n° 01-86.962, F-D N° Lexbase : A5018E8D et n° 09-81.712, F_D N° Lexbase : A5018E8D.
[15] Il peut donc user de la convocation en justice prévue à l’article 390-1 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L6548MGM, comme le relèvent les auteurs des questions prioritaires de constitutionnalité.
[16] Notons toutefois que leur critique est de guingois : ils regrettent manifestement de ne pas avoir bénéficié du régime de poursuites propre à la fraude fiscale mais disent que, lorsque cette qualification est choisie, ledit régime s’applique « sans la moindre justification objective ».
[17] Il est vrai cependant que les auteurs des questions prioritaires de constitutionnalité se prévalent, outre le principe général d’« égalité devant la loi », d’un principe spécifique d’« égalité devant la procédure pénale ».
[18] Comp. cep. Cons. const., décision n° 2016-555 QPC, du 22 juillet 2016 N° Lexbase : A7431RXI.
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Le 03 Février 2025
Mots clés : intelligence artificielle • incubateurs • financement • projets innovants • CNB
Alors que le premier quart de siècle vient de s’écouler, la profession d’avocat, comme beaucoup d’autres, est bousculée par l’essor des nouvelles technologies, doit se remettre en question et évoluer pour rester pertinente aux yeux des justiciables. C’est pourquoi le Conseil national des barreaux a créé la Commission Prospective et Innovation, avec pour mission d’observer et d’évaluer les mutations de la société auxquelles les avocats doivent adapter leur exercice et le fonctionnement de leur cabinet. Pour faire le point sur cette instance et ses missions, ainsi que sur l’impact à venir du développement de l’intelligence artificielle sur la profession, Lexbase Avocats a interrogé François Girault, avocat au barreau de Montpellier et président de la Commission Prospective et Innovation du CNB*.
Lexbase : Pouvez-vous nous expliquer les buts de la Commission Prospective et Innovation ?
François Girault : Elle a été créée assez récemment dans l'histoire du CNB. Je suis président de la Commission prospective innovation pour la mandature 2024-2026, donc sur une période de 3 ans. L’objectif, c'est d'analyser les tendances de la société, les signaux faibles, que ce soit au niveau économique, sociologique ou technologique, et faire en sorte d'anticiper les évolutions de la profession par rapport au futur qui s'annonce. À l'époque, on réfléchissait à tout ce qui était télétravail, legaltech, justice prédictive, et on voit bien que ce sont des sujets qui sont actuels aujourd'hui, qui vont emporter des conséquences au niveau de la structuration et de la configuration de la profession d'avocat.
Au début de la mandature, j'ai fixé quatre axes de réflexion.
Le premier était de suivre les travaux sur la qualité de vie au travail à la suite du rapport sur le bien-être des avocats de la commission PI sous la présidence de Sophie Ferry qui avait été publié et voté par l'assemblée générale du CNB en décembre 2023. Le but était de s'interroger pour améliorer la qualité de vie au travail, diminuer les burnout et les risques psychosociaux chez les avocats. En effet, nous sommes une profession qui a tendance à s'isoler et l'objectif est d'essayer d'identifier les confrères qui sont en difficulté pour pouvoir les aider à temps et éviter cette situation. Le 26 mai 2025, lors des États généraux de la prospective et de l'innovation, le sujet de la qualité de vie au travail sera abordé. Nous allons aussi lancer un réseau de référents au niveau national pour que le maillage territorial au niveau des barreaux nous permette d'identifier et de sensibiliser les confrères.
Il y a un deuxième sujet sur le financement de l'innovation par la profession d'avocat, des projets portés par les confrères. Quand j'étais en responsabilité à l'incubateur du barreau de Montpellier, j'ai accompagné des confrères qui ont raccroché la robe pour développer leur structure et qui manquaient de moyens financiers pour se développer. Et donc ce point identifié, j'ai déroulé un plan d'action en quatre étapes pour y remédier.
Le premier niveau d'action, c'est de créer des synergies entre les différents incubateurs et notamment un maillage territorial entre les confrères qui innovent.
Le deuxième point est la création d'un concours complémentaire à ce qui existe déjà, à savoir le concours des projets innovants porté par l’observatoire du CNB. L’idée serait que l’on ait deux concours distincts, le concours précité et un concours pour les projets plus aboutis pour les confrères qui ont déjà créé un business plan et ont peut-être fait un premier tour de table. Mais l'objectif est de démontrer qu’ils sont éligibles à des projets un peu plus matures. On est en parallèle aussi en discussion avec la Banque Publique d’investissement pour essayer d'harmoniser au niveau national la gestion des projets portés par des confrères.
La troisième étape serait de créer un véhicule de financement, mais abondé par les confrères. On créerait un véhicule par projet et ouvert aux 77 000 avocats. Il serait proposé aux confrères de monter au capital de ce projet porté par ce confrère. En effet, un confrère de Paris peut vouloir venir sur un projet qui se passe à Montpellier sans connaître l'existence de ce projet. L'objectif c'est de créer ce projet pour faciliter le financement, que les confrères puissent aller chercher des tickets, par exemple en amorçage de 50 000 à 100 000 euros.
Le quatrième projet serait un fonds d'investissement de la profession, à l’instar de ce qui existe déjà chez les notaires ou les experts-comptables. Nous sommes en discussion avec la Conférence des Bâtonniers et avec le barreau de Paris mais ce sont des enjeux importants qui engagent quand même les deniers de la profession.
Le troisième chantier sur lequel on travaille beaucoup, c'est l'intelligence artificielle. L'intelligence artificielle a été organisée au niveau du CNB par un groupe de travail transversal entre les différentes commissions CNB, qui a rendu un guide pratique en juillet 2024 pour démythifier ce domaine et sensibiliser les confrères aux bonnes pratiques, notamment préserver le secret professionnel et l’identité des clients. Les sujets de cybersécurité sont aussi évoqués. Il y a un autre chantier traité par le CNB depuis le début de la mandature, à savoir un benchmarking de solutions proposées par les éditeurs, les industriels et les legaltech. Concernant la formation initiale, le CNB travaille justement sur ce sujet-là avec les écoles d'avocat pour former et proposer des modules IA aux élèves avocats en formation.
Il y a également un sujet concernant la notion de consultation juridique, qui emporte des conséquences sur le périmètre du droit et la responsabilité professionnelle de l’avocat. L’utilisation d’un module IA peut-elle être considérée comme une consultation ? C’est une vraie question.
Lexbase : Justement, selon vous, quelles sont les transformations de la profession d’avocat à attendre du fait du développement de l’intelligence artificielle ?
François Girault : L’IA va transformer la profession. À titre d'exemple, des tâches auparavant effectuées par des élèves avocats ou des stagiaires seront mieux prises en charge demain par l’IA.
En revanche, il ne faut pas se leurrer, ce n’est pas parce que les outils vont nous améliorer qu'il faut oublier la formation. Il est essentiel à ce titre que les étudiants apprennent dans les écoles d'avocat à utiliser ces outils tout en gardant la notion d'analyse humaine parce que, finalement, cela reste des probabilités et il faut faire très attention à ce qu'il y a derrière. Nous allons passer d'un tryptique recherche/production/restitution par des avocats et collaborateurs à un nouveau tryptique recherche et production par une IA/vérification et restitution par les confrères. La profession d'avocat existait avant la machine à écrire, avant l'imprimerie, avant Internet et elle continuera d'exister après l'IA.
Le client aura toujours besoin d'un contact humain, d’un avocat avec qui discuter de la stratégie et ce n’est pas l’IA qui fera l'analyse psychologique des gens, qui reste une part essentielle du métier. Ce n’est pas elle non plus qui ira plaider au Palais à la place du pénaliste (par exemple).
C’est à la nouvelle génération de se saisir de ces outils de la manière la plus pertinente possible.
* Propos recueillis par Yann Le Foll, Rédacteur en chef de Lexbase Public
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Réf. : Cass. civ. 3, 30 janvier 2025, n° 23-13.369, FS-B N° Lexbase : A54396SA
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par Juliette Mel, Docteur en droit, Avocat associé, M2J AVOCATS, Chargée d’enseignements à l’UPEC, Responsable de la commission Marchés de Travaux, Ordre des avocats
Le 25 Février 2025
Pour que la réception judiciaire puisse être prononcée il faut que l’ouvrage soit en état d’être reçu.
Ce qui n’empêche pas de pouvoir l’assortir de réserves.
Décidément, deux décisions de la Cour de cassation rendues le même mois sur la réception judiciaire… de là à écrire que les critères ne sont pas clairs et/ou souffrent de difficultés d’interprétations, laissées au pouvoir souverain des juges du fond, il n’y a qu’un pas et l’arrêt rapporté en est une nouvelle illustration.
Un maître d’ouvrage confie à un constructeur la réalisation des lots voieries, assainissement et alimentation en eau potable d’un lotissement. Le constructeur établit son décompte général et définitif en fin de chantier, lequel est payé par le maître d’ouvrage après validation par la maîtrise d’œuvre. Quelque temps après, le maître d’ouvrage assigne le constructeur en remboursement d’un trop perçu.
La première partie de l’arrêt concerne les comptes de fin de chantier, qui ne seront pas abordés pour se (con)centrer sur la réception. Il est allégué que l’ouvrage aurait été affecté de défauts de conformité et de malfaçons alors qu’aucune remarque n’aurait été faite à l’époque des comptes de fin de chantier et que le solde du prix aurait été payé. Ces deux points rappellent les conditions de la présomption de réception tacite mais le sujet n’est pas là puisque le terrain est celui de la réception judiciaire.
L’article 1792-6 du Code civil N° Lexbase : L1926ABX prévoit deux modes de réception : la réception expresse et la réception judiciaire. Très vite cependant, tant le juge judiciaire que le juge administratif ont admis la possibilité de réceptionner tacitement les travaux.
Pour que la réception tacite soit établie, doit être caractérisée la volonté non-équivoque du maître d’ouvrage de recevoir l’ouvrage. Si cette volonté est caractérisée, il y a réception tacite mais si, au contraire, est caractérisée la volonté non-équivoque de ne pas recevoir l’ouvrage, il n’y a pas de réception tacite possible. La réception judiciaire n’obéit pas à cette logique : c’est la réception forcée. La manifestation de la volonté du maître d’ouvrage n’est donc pas un critère.
Au visa de cet article, la Haute juridiction rappelle que la réception judiciaire peut être prononcée lorsque l’ouvrage est en l’état d’être reçu. Il est, à cet égard, confirmation d’un arrêt rendu quelques jours plus tôt (Cass. civ. 3, 16 janvier 2025, n° 23-14.407 N° Lexbase : A13996RA). Pour autant, cela n’empêche pas d’assortir la réception de réserves.
Le point est important puisque les réserves doivent être levées dans le cadre de la garantie de parfait achèvement par l’entreprise, d’une part, et que les désordres réservés ne sont, par principe, plus éligibles à la responsabilité civile décennale des constructeurs qui ne concernent, sauf exceptions, que les désordres cachés à la réception.
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Réf. : Cass. soc., 22 janvier 2025, n° 23-10.888, F-B N° Lexbase : A39386RB
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N1598B3L
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par Charlotte Moronval, Rédactrice en chef
Le 03 Février 2025
Les faits commis par une salariée, pendant une croisière organisée et payée par l’employeur, relevant de sa vie personnelle, ils ne pouvaient constituer un manquement aux obligations découlant de son contrat de travail.
Pour rappel, un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut justifier, en principe, un licenciement disciplinaire, sauf s'il constitue un manquement de l'intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail.
Au surplus, un trouble objectif dans le fonctionnement de l'entreprise résultant d'un fait tiré de la vie personnelle d'un salarié ne permet pas en lui-même de prononcer une sanction disciplinaire à l'encontre de celui par lequel il est survenu.
En l’espèce, à la suite d’une croisière organisée par son employeur à titre de récompense, une salariée est licenciée pour faute pour avoir fumé le narguilé dans sa cabine, en présence d’une collègue enceinte, et obstrué le détecteur de fumée.
La Cour de cassation juge que, bien qu’il s’agisse voyage touristique payé par l'entreprise à titre de récompense, la salariée ne se trouvait pas aux temps et lieu de travail lorsqu'elle a commis les agissements, et que l’employeur ne démontrait pas un trouble caractérisé causé à l’entreprise.
Pour elle, les faits reprochés à la salariée relevaient de sa vie personnelle et ne pouvaient constituer un manquement aux obligations découlant de son contrat de travail. Son licenciement était donc sans cause réelle et sérieuse.
Pour aller plus loin :
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par Sylvian Dorol, Commissaire de justice, Expert près l’UIHJ, Directeur scientifique de la revue Lexbase Contentieux et Recouvrement, Spécialiste de l’administration judiciaire de la preuve
Le 03 Février 2025
Dans le cadre de notre série d'entretiens avec des personnalités clés du domaine judiciaire, nous avons interviewé Martin Plissonnier, Maître de conférences en droit privé à l’Université Paris-Nanterre et Co-directeur du DU MARD. Il nous livre son analyse sur une question complexe : que se passe-t-il lorsque le juge accorde une ordonnance sur requête en vertu de l’article 145 du Code de procédure civile sans fixer de délai d'exécution ? Une réflexion sur les incertitudes du droit actuel et les enjeux pratiques pour les parties en présence.
Martin Plissonnier, Maître de conférences en droit privé, Co-directeur du DU MARD, Membre du Centre de droit civil des affaires et du contentieux économique (CEDCACE) Université Paris-Nanterre
Sylvian Dorol (SD) : Une question nous a été posée récemment : « J'ai saisi le juge sur le fondement de l'article 145 du Code de procédures civile N° Lexbase : L1497H49. Le magistrat a répondu favorablement à ma demande. Cependant, il n'a pas précisé le délai dans lequel le commissaire de justice doit réaliser sa mission. Quelle conclusion en tirer ? ». Quelle est la position de l’universitaire ?
Martin Plissonnier (MP) : Un rappel peut-être avant de commencer : ce cas n’est pas le plus courant ! Le plus souvent, le juge prévoit un délai. C’est normal car l’ordonnance est rendue sur requête, c’est-à-dire sans contradiction et le juge doit veiller à ce que son ordonnance ne devienne pas un outil librement employé dans le temps par le requérant et, potentiellement, détourné de sa fonction.
Lorsque le juge donne un délai pour exécuter la mesure, on a alors une réponse du droit positif qui est donnée, non pas par les textes, mais par la jurisprudence. Un arrêt de la deuxième chambre civile du 14 décembre 2006 (Cass. civ. 2, 14 décembre 2006, n° 04-20.673, FS-P+B N° Lexbase : A8998DS3) indique en effet que lorsque les opérations sont exécutées au-delà du délai qui est donné par le juge, l’autorisation donnée par le juge de les pratiquer est caduque. Dès lors, les opérations qui sont exécutées sur le fondement de cette ordonnance peuvent être frappées de nullité, à défaut pour elles de disposer d’un fondement juridique. Cette solution est tout à fait claire.
Admettons néanmoins que la situation se présente : le juge ne donne pas de délai à son ordonnance sur requête. Quelles sont les conséquences ?
En pratique, même si le juge n’ordonne pas de délai, le requérant a, en théorie, un intérêt à exécuter rapidement. Le plus souvent en effet, la mesure est recherchée pour conserver des éléments de preuve qui ont plutôt vocation à disparaître ou à être dissimulés. C’est donc une exécution rapide qui est fréquemment recherchée.
Mais admettons encore que le requérant n’exécute pas ou omette d’exécuter pendant un certain temps. Dans ce cas, la question initiale peut se poser.
Dans cette hypothèse, le droit positif ne fournit pas la réponse. Et, à mon sens, il n'y a pas de réponse toute faite.
J'ai pensé que peut-être on pouvait raisonner par la nature d'une ordonnance sur requête qui, en fait, est exécutoire au seul vu de la minute (CPC, art. 495 N° Lexbase : L6612H7Z et CPCEx, art. R. 111-3 N° Lexbase : L6612LEM). Ne peut-on pas considérer que lui serait applicable le délai de prescription décennal applicable aux titres exécutoires en vertu de l’article L. 111-4 du Code des procédures civiles d’exécution N° Lexbase : L6613LEN ?
J'ai aussi trouvé un arrêt qui ne portait pas sur ce sujet (il traitait de la question de l’effet suspensif de l’appel) mais qui va un peu dans le même sens. Un arrêt du 7 novembre 2002 (Cass. civ. 2, 7 novembre 2002, n° 00-22.189, F-P+B N° Lexbase : A6723A3E) dans lequel la Cour de cassation a décidé que l'ordonnance sur requête est exécutoire au seul vu de la minute « tant qu'elle n'a pas été rétractée ». La formule laisse entendre que l’ordonnance sur requête est exécutoire sans limite de temps.
Ces hypothèses n’apparaissent pas satisfaisantes car on imagine mal qu'un requérant puisse garder sous le coude pendant dix ans une ordonnance sur requête sans subir la moindre sanction.
Toutefois, à défaut de texte prévoyant explicitement une sanction, il faudrait que le juge en découvre une. Dans le silence des textes, le juge ne pourrait-il considérer que l’ordonnance sur requête ne prévoyant aucun délai est nécessairement exposée à une caducité ? Il y aurait un beau débat sur le point de savoir si la jurisprudence peut tirer du silence des textes une sanction aussi forte que celle de la caducité. Ce n'est pas évident, mais je pense que cela serait possible.
Par conséquent, au requérant qui aurait tardé à exécuter, j'aurais plutôt tendance à conseiller de tenter l'exécution en prévalant, si nécessaire, de l’absence de sanction prévue dans les textes ou la jurisprudence. Cependant, il conviendrait de garder à l’esprit qu’il existe un risque que l'adversaire, au moment de la rétractation ou en saisissant le juge de droit commun, se prévale d'une caducité non prévue par les textes. En tout cas, il n'y a pas de réponse précise donnée par le droit positif sur ce point-là.
SD : Mais, la question de la référence à la prescription du titre exécutoire dans le Code des procédures civiles d'exécution, c'est lorsque le titre exécutoire constate une créance liquide, exigible et certaine. Nous sommes sur une ordonnance rendue sur requête rendue au visa de l’article 145 du Code de procédure civile, on est sur une recherche de preuve… Ne serait-il pas possible d'évoquer l'idée selon laquelle, puisque l'article 145 vise une mesure probatoire avant tout procès, que l'ordonnance suivrait la prescription de l'action du bénéficiaire ? L’expression de l’article 145 « avant tout procès » pousserait en ce sens : l’ordonnance serait valide jusqu’au moment où le procès est engagé ou ne peut plus l’être.
MP : À mon sens, pas nécessairement. On a trois arguments pour le titre : le premier nous dit que l’ordonnance est exécutoire (CPCEx, art. R. 111-3) ; le deuxième que constitue un titre toute décision de justice (CPCEx, art. L. 111-3) ; et un troisième que la prescription applicable à ce type de titre est de dix ans (CPCEx, art. L. 111-4). Lorsqu'il y a un titre exécutoire qui est obtenu, le phénomène d'interversion joue, et donc on aurait plutôt un délai de prescription celui des titres exécutoires qui pourrait prendre le relais.
SD : Donc, la question reste à trancher, soit par la doctrine, soit par le droit positif, sachant qu'à l'heure actuelle, on est davantage sur une question théorique, mais qui pourrait se présenter en pratique.
MP : Oui, ça pourrait tout à fait se présenter en pratique et c'est une question sur laquelle, a priori, il n'y a pas de réponse. Et on est un peu embêté parce qu’en l’absence de réponse, on est enclin à répondre qu'il n'y a pas de sanction et donc que c'est possible. Mais néanmoins, il y a quelque chose qui heurte un peu la logique de la requête 145, à avoir finalement une ordonnance sur requête dont l’exécution n’est soumise à aucun un délai, et donc qui pourrait être exécutée longtemps après l’obtention de l’ordonnance sur requête. Mais prudence : l’absence de sanction ne signifie pas nécessairement l’absence de conséquences.
SD : Est-ce qu'on ne pourrait pas évoquer une sorte de « délai raisonnable » alors ?
MP : Si, ce serait un argument à développer, l'idée selon laquelle, finalement, on ne peut pas exécuter une ordonnance sur requête au-delà d'un délai raisonnable. On pourrait imaginer le fait que le juge raisonne à partir d'un standard juridique qu'il aurait à apprécier pour justifier la création d'une sanction. Ça me paraît être une piste envisageable pour combler l’absence textuelle de sanction.
On pourrait aussi penser que la question pourrait naturellement se régler par l’introduction d’un procès au fond. Puisque l’article 145 du Code de procédure civile érige en condition l’absence de procès au fond, l’introduction d’un procès au fond rendrait de facto caduque l’ordonnance sur requête. Toutefois, on a là-dessus de la jurisprudence. Au stade de la rétractation, le juge apprécie l’existence d’un procès au fond en se plaçant au jour de l’introduction de la requête. Cela limite l’idée que l’introduction d’un procès au fond puisse rendre nécessairement caduque l’ordonnance sur requête. Cependant, devant le juge du fond lui-même, on peut penser qu’un tel argument pourrait être avancé.
SD : Dernière question : est-ce que vous pensez que ce problème nécessite d'être tranché par le législateur par une modification de l'article 495 du Code de procédure civile ou la création d'un nouveau texte ou, puisque pour l'instant le problème ne se présente pas, ce n’est pas la peine ?
MP : Je ne suis pas sûr qu'il y ait une nécessité absolue de voir le problème tranché par le législateur. Tout dépend du point de vue de qui on se place.
En termes de sécurité juridique, ce serait évidemment préférable. Le législateur pourrait apporter une précision textuelle comme il le fait déjà pour l’ordonnance d’injonction de payer ou la mesure conservatoire.
Mais la jurisprudence pourrait tout aussi bien apporter la précision nécessaire.
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