Réf. : Cass. crim., 18 décembre 2024, n° 24-83.595, F-D QPC N° Lexbase : A22216PX
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par Stéphane Detraz, Maître de conférences, Université Paris-Saclay, faculté Jean Monnet, IDEP
Le 03 Février 2025
Mots-clés : escroquerie • TVA • fraude fiscale • manquement délibéré • cumul des répressions pénale et fiscale
La Cour de cassation juge qu’il n’est pas douteux que soit conforme à la Constitution la possibilité d’appliquer la qualification d’escroquerie en cas d’abus du régime de la taxe sur la valeur ajoutée, nonobstant le fait que les agissements frauduleux puissent donner lieu cumulativement à une majoration fiscale de 40 % et que le ministère public ait toute liberté pour poursuivre de ce chef plutôt que du chef de fraude fiscale.
Le fait d’obtenir indûment un crédit de taxe sur la valeur ajoutée peut être puni aussi bien par l’article 1741 du Code général des impôts N° Lexbase : L1203ML7, qui réprime, sous la qualification de fraude fiscale, le fait de soustraire frauduleusement à l’établissement de l’impôt que par l’article 313-1 du Code pénal N° Lexbase : L2012AMH, qui réprime, sous la qualification d’escroquerie, le fait d’obtenir un bien ou un acte au moyen de manœuvres frauduleuses. Des plaideurs ont, en vain, entrepris de contester, chacun par deux questions prioritaires de constitutionnalité, les conséquences qui découlent de cette dualité de qualifications pénales.
La première question, fondée sur le principe de proportionnalité et de nécessité des délits et des peines résultant de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, était dirigée contre la possibilité de sanctionner les mêmes agissements par application combinée des peines fulminées par l’article 313-1 précité et de la majoration fiscale prévue par l’article 1729, a, du Code général des impôts N° Lexbase : L1717HNW. La Haute juridiction a estimé que ce grief n’était pas sérieux dès lors que ces deux textes ne se saisissent pas des mêmes faits « qualifiés de manière identique ».
La seconde question critiquait, sur le fondement du principe d’égalité devant la loi et devant la procédure pénale issu de l’article 1er de la Constitution et de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, le fait qu’il soit possible de poursuivre sous la qualification d’escroquerie des faits relevant aussi de l’article 1741 du Code général des impôts, lequel « emporte sans la moindre justification objective un régime répressif différent de celui de l’escroquerie ». La Chambre criminelle a nié le caractère sérieux du reproche, compte tenu des règles de poursuites applicables à la fraude fiscale et de la liberté d’appréciation dont le ministère public bénéficie de manière singulière en la matière.
En somme, l’arrêt rapporté met à l’abri d’une possible censure de la part du Conseil constitutionnel (qui, au demeurant, eût été peu vraisemblable) la faculté, pour le ministère public, en matière de fraude à la taxe sur la valeur ajoutée, de recourir discrétionnairement à l’article 313-1 du Code pénal, qu’il s’agisse, pour lui, d’obvier à l’impossibilité de poursuivre du chef de fraude fiscale ou de rechercher les effets juridiques attachés en propre à la qualification d’escroquerie.
1. La question du cumul de l’escroquerie et du manquement fiscal
La Cour de cassation admet de longue date que des agissements tendant ou aboutissant à l’obtention indue d’un crédit de TVA (ou au jeu d’un régime de TVA plus favorable) soient punissables en tant que fraude fiscale ou qu’escroquerie [1]. En effet, l’article 1741 du Code général des impôts trouve à s’appliquer en ce que l’auteur des faits effectue une déclaration de TVA inexacte dans laquelle il se prévaut d’un montant de taxe d’amont ou d’aval mensonger : il y a donc de sa part dissimulation de sommes sujettes à l’impôt [2]. L’article 313-1 du Code pénal est quant à lui également susceptible de se saisir de ce comportement, dès lors que la production de la déclaration litigieuse est réalisée sous couvert de « manœuvres frauduleuses » [3] et qu’elle tend à la reconnaissance, par l’Administration fiscale, d’un crédit de taxe [4] : est ainsi commise soit une escroquerie consommée, soit une tentative d’escroquerie, selon que l’Administration se laisse berner ou non. Par ailleurs, en droit fiscal, l’article 1729, c, du Code général des impôts N° Lexbase : L7155LZZ permet lui aussi de réprimer au moyen d’une majoration de 80 % les inexactitudes ou omissions affectant une déclaration fiscale « en cas de manœuvres frauduleuses ». En l’absence de telles manœuvres, c’est-à-dire « en cas [simplement] de manquement délibéré », le a du même article prévoit une majoration de 40 %.
Il en résulte qu’il est possible de sanctionner pénalement et fiscalement l’auteur d’une fausse déclaration de TVA sur le fondement cumulé des articles 313-1 du Code pénal et 1729, a, du Code général des impôts. Ce cumul de l’escroquerie et du manquement fiscal est-il alors contraire au principe de nécessité des délits et des peines ?
La Cour de cassation juge que la critique émise en ce sens par les questions prioritaires de constitutionnalité objet de l’arrêt est dénuée de caractère sérieux car, explique-t-elle, « s’il découle du principe de nécessité des délits et des peines qu’une même personne ne peut faire l’objet de plusieurs poursuites tendant à réprimer de mêmes faits qualifiés de manière identique, par des sanctions de même nature, aux fins de protéger les mêmes intérêts sociaux, la seule circonstance qu’une incrimination et une sanction ayant le caractère d’une punition soient susceptibles de réprimer un même comportement ne peut caractériser une identité de faits au sens des exigences résultant de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 que si ces derniers sont qualifiés de manière identique ». Or, poursuit-elle, « l’escroquerie commise en matière fiscale réprime le fait de tromper l’administration fiscale afin de la déterminer à remettre des fonds ou à consentir un acte opérant décharge par l’emploi de manœuvres frauduleuses exclusives d’un simple mensonge », alors que la majoration fiscale sanctionne quant à elle « un manquement délibéré relevant d’une insuffisance, d’une omission ou d’une inexactitude constatée dans une déclaration fiscale », de sorte qu’« un simple mensonge contenu dans une déclaration constitue intrinsèquement un manquement délibéré mais ne suffit pas à caractériser les manœuvres frauduleuses exigées pour établir le délit d’escroquerie ».
Au vu de ces motifs, plusieurs observations peuvent être formulées. En premier lieu, la Cour de cassation résout la difficulté soulevée en appliquant la jurisprudence générale du Conseil constitutionnel relative au cumul des répressions pénale et para-pénale (c’est-à-dire la jurisprudence EADS [5] réformée), et non pas la jurisprudence propre au cumul des répressions pénale et fiscale (c’est-à-dire la jurisprudence Wildenstein et Cahuzac [6]). Il se confirme donc que cette jurisprudence spéciale ne concerne que la fraude fiscale stricto sensu, et non pas toute infraction ayant un caractère fiscal [7].
En deuxième lieu, il s’évince de l’arrêt rapporté que le dépôt d’une déclaration fiscale mensongère n’est pas ipso facto punissable au titre du délit d’escroquerie car il ne constitue pas en tant que tel une « manœuvre frauduleuse » [8]. Cette position est conforme à la jurisprudence antérieure, qui a toujours veillé à ne caractériser le délit d’escroquerie à la TVA qu’à la faveur de la constatation de telles manœuvres frauduleuses [9], notamment d’ordre comptable [10], s’ajoutant à la fausse déclaration.
En troisième lieu, à l’imitation du Conseil constitutionnel [11], la Cour de cassation apprécie l’« identité de faits » de manière stricte [12] : une complète et exacte équivalence est requise. Cette rigueur s’explique par le fait que le contrôle de constitutionnalité peut conduire à l’éradication de l’un des textes sanctionnateurs en concours et que, si les deux dispositions ne s’appliquent pas à des faits légalement définis (« qualifiés ») de manière strictement identique, cette abrogation empêchera de réprimer les agissements qui tombaient sous le coup du texte supprimé mais qui n’entrent pas dans les prévisions du texte survivant. Il y a donc lieu d’approuver une telle appréciation rigoureuse, qui évite de créer de fâcheuses lacunes répressives.
En quatrième lieu, la conformité à la Constitution du jeu cumulé des articles 313-1 du Code pénal et 1729 du Code général des impôts n’est reconnue qu’en ce qui concerne le a de ce second article (« manquement délibéré »). S’agissant du c, en revanche, cette conformité reste douteuse, puisque les deux textes ont un procédé frauduleux commun et identique (les « manœuvres frauduleuses »). Il n’est pas dit, pour autant, que ce procédé caractérise de part et d’autre exactement les mêmes faits car – comme le fait déjà comprendre en l’espèce la Cour de cassation – la fraude fiscale se consomme par la simple réalisation de la déclaration fiscale là où l’escroquerie doit rechercher ou engendrer la remise d’un bien ou d’un acte opérant obligation ou décharge.
2. La question de la différence de régime entre l’escroquerie et la fraude fiscale
Lorsqu’une déclaration fiscale mensongère est saisie sous la qualification d’escroquerie, c’est à tous égards le régime substantiel et procédural de ce délit qui s’applique aux faits litigieux [13], à l’exclusion du régime propre au délit de fraude fiscale. Les auteurs des questions prioritaires de constitutionnalité se dont donc plaints de la différence de traitement qui résulte du choix de la qualification pénale effectué, en ce qui concerne spécifiquement les règles gouvernant la mise en mouvement de l’action publique. En effet, alors que le ministère public bénéficie du principe d’opportunité des poursuites en matière d’escroquerie à la TVA [14] (C. proc. pén., art. 40-1 N° Lexbase : L7457LBS) [15], il ne peut poursuivre la fraude fiscale qu’en vertu d’une dénonciation ou d’une plainte préalables de la part de l’Administration fiscale (LPF, art. L. 228 N° Lexbase : L6506LUI). De surcroît, la décision du parquet de recourir à la qualification d’escroquerie est libre : elle ne peut être entravée ou contrecarrée par l’Administration. Les intéressés étant prévenus d’escroquerie, ils articulent donc leur critique en faisant observer que les dispositions de l’article 313-1 du Code pénal « peuvent être appliquées pour poursuivre sous la qualification d’escroquerie des faits relevant de la qualification de fraude fiscale, prévue et réprimée par l’article 1741 du code général des impôts, qui emporte sans la moindre justification objective un régime répressif radicalement différent de celui de l’escroquerie » [16].
La Cour de cassation n’y voit cependant aucun motif d’inconstitutionnalité. D’une part, elle observe qu’il résulte de l’article L. 228 du Livre des procédures fiscales (non critiqué) que, si aucune dénonciation ou plainte administrative n’a lieu, « des faits susceptibles de recevoir à la fois la qualification de fraude fiscale et celle d’escroquerie ne peuvent alors être poursuivis que sous cette seconde incrimination ». Mais, ce disant, elle ne répond pas à la critique selon laquelle aucune « justification objective » n’explique qu’il soit possible au parquet de se fonder sur l’article 313-1 du Code pénal quand l’article 1741 du Code général des impôts ne peut être in concreto utilisé. Elle aurait pu faire remarquer, dans la continuité de ses précédents développements, que ce ne sont pas les « mêmes faits » qui sont en cause et que l’alternative entre l’escroquerie et la fraude fiscale n’est donc qu’apparente.
D’autre part, la Haute juridiction énonce que « lorsque l’administration fiscale a saisi le ministère public de faits de fraude fiscale, le fait que ce dernier soit en mesure de choisir les modalités de mise en œuvre de l’action publique ne méconnaît pas le principe d’égalité ». L’affirmation est péremptoire. De surcroît, elle est en porte à faux avec la teneur du grief invoqué : la question est relative non pas tant au choix des « modalités » des poursuites [17] qu’au fait que l’article 313-1 du Code pénal permet de se dispenser de l’aval administratif requis pour la poursuite de la fraude fiscale, et que les mêmes déclarations fiscales frauduleuses reprochées à divers justiciables pourront donc in fine, sans « justification objective », être poursuivies soit comme escroquerie pour les uns, soit comme fraude fiscale pour d’autres, soit encore sous les deux qualifications pour les derniers. Or, voilà qui pourrait effectivement heurter le principe d’égalité devant la loi [18]. En refusant de renvoyer la question prioritaire de constitutionnalité, la Cour de cassation entend donc ne surtout pas fragiliser le principe de l’opportunité des poursuites, si pratique en procédure pénale.
[1] Un cumul de ces qualifications est même possible (Cass. crim., 6 février 1969, n° 66-91.594 N° Lexbase : A2774CGT), y compris depuis l’essor jurisprudentiel, en 2016, du principe non bis in idem (Cass. crim., 25 novembre 2020, n° 19-80.525, F-D N° Lexbase : A166938C : Dr. pén. 2021, comm. 20, obs. Ph. Conte. Cass. crim., 6 janvier 2021, n° 19-85.133, F-D N° Lexbase : A88834BM : Dr. pén. 2021, comm. 66, obs. Ph. Conte).
[2] V. par ex. Cass. crim., 8 mars 2017, n° 15-86.266, F-D N° Lexbase : A4428T3E. Cass. crim., 15 juin 2016, n° 15-82.530, F-D N° Lexbase : A5640RT3. Cass. crim., 14 novembre 2013, n° 12-80.184, F-D N° Lexbase : A6081KPW.
[3] Cass. crim., 6 avril 2011, n° 10-85.209, F-P+B N° Lexbase : A5728HNH.
[4] V. not. Cass. crim., 13 octobre 1971, n° 70-92.124 N° Lexbase : A8799AYK. Cass. crim., 6 février 1969, n° 66-91.594 N° Lexbase : A2774CGT. Cass. crim., 25 janvier 1967, n° 66-92.968 N° Lexbase : A8925CIE.
[5] Cons. const., décision n° 2014-453/454 QPC et 2015-462 QPC, du 18 mars 2015 N° Lexbase : A7983NDZ, EADS.
[6] Cons. const., décision n° 2016-545 QPC et n° 2016-546 QPC, du 24 juin 2016 N° Lexbase : A0909RU9 et N° Lexbase : A0910RUA (pour la dissimulation de sommes sujettes à l’impôt).
[7] Plus encore, au sein des infractions pénales prévues par le Code général des impôts, seules sont concernées celles qui consistent en une fraude fiscale proprement dite (CGI, art. 1741 N° Lexbase : L1203ML7), et non pas, par exemple, celles qui consistent en une opposition à fonctions (CGI, art. 1746 N° Lexbase : L3322IQ4. V. Cons. const., décision n° 2022-988 QPC, du 8 avril 2022 N° Lexbase : A49337SI).
[8] L’on en déduit également que l’escroquerie ne peut se commettre en la matière par mensonge qualifié.
[9] V. par ex. Cass. crim., 5 novembre 2014, n° 13-82.483, FS-D N° Lexbase : A9202M39.
[10] Cass. crim., 6 avril 2011, n° 10-85.209, F-P+B N° Lexbase : A5728HNH ; Rev. pénit. 2012, p. 719, obs. S. Detraz. Cass. crim., 14 novembre 2007, n° 07-83.208, F-P+F N° Lexbase : A0500D3W.
[11] Cons. const., décision n° 2022-988 QPC, du 8 avril 2022 N° Lexbase : A49337SI.
[12] Plus stricte que ne le fait la Cour européenne des droits de l’Homme pour le jeu du principe non bis in idem. Mais la jurisprudence (Zolotoukhine N° Lexbase : A0804ED7) de cette Cour n’est pas (encore ?) applicable, en France, au cumul des répressions pénale et para-pénale.
[13] En ce qui concerne, par exemple, l’application de la loi pénale dans l’espace, les peines encourues, la mise en mouvement des poursuites, la prescription de l’action publique, la recevabilité et le bien-fondé de l’action civile.
[14] Cass. crim., 16 juin 2010, n° 01-86.962, F-D N° Lexbase : A5018E8D et n° 09-81.712, F_D N° Lexbase : A5018E8D.
[15] Il peut donc user de la convocation en justice prévue à l’article 390-1 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L6548MGM, comme le relèvent les auteurs des questions prioritaires de constitutionnalité.
[16] Notons toutefois que leur critique est de guingois : ils regrettent manifestement de ne pas avoir bénéficié du régime de poursuites propre à la fraude fiscale mais disent que, lorsque cette qualification est choisie, ledit régime s’applique « sans la moindre justification objective ».
[17] Il est vrai cependant que les auteurs des questions prioritaires de constitutionnalité se prévalent, outre le principe général d’« égalité devant la loi », d’un principe spécifique d’« égalité devant la procédure pénale ».
[18] Comp. cep. Cons. const., décision n° 2016-555 QPC, du 22 juillet 2016 N° Lexbase : A7431RXI.
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Réf. : Décret n° 2025-77 du 29 janvier 2025, relatif à la déontologie et à la discipline des avocats N° Lexbase : L2496MSA
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par Yann Le Foll
Le 04 Février 2025
Le décret n° 2025-77 du 29 janvier 2025, relatif à la déontologie et à la discipline des avocats, a notamment pour objectif de mettre en œuvre les dispositions des articles 40 et 41 de la loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023, d'orientation et de programmation pour le ministère de la justice 2023-2027.
Pour rappel, les articles 40 et 41 de la loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023 N° Lexbase : L2962MKW sont relatifs à l’ouverture et à la modernisation de l’institution judiciaire.
L’article 1er du décret du 29 janvier 2025 entérine : la création d'un conseil de discipline commun dans le ressort des cours d'appel de Cayenne, de Fort-de-France et de Basse-Terre ; le recours à la visioconférence pour le conseil de discipline commun mais également pour les représentants du conseil de l'ordre de Mayotte siégeant au conseil de discipline du ressort de la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion ; la possibilité pour le conseil de l'ordre de désigner plusieurs rapporteurs, membres ou anciens membres en activité pour procéder à l'instruction contradictoire de l'affaire et enfin l'instauration d'une procédure disciplinaire simplifiée.
La notification du droit de se taire en matière disciplinaire est également abordée dans cet article. Ainsi, l'avocat faisant l'objet d'une procédure disciplinaire est informé de son droit de se taire avant d'être entendu sur les faits susceptibles de lui être reprochés.
Il est également institué une procédure disciplinaire simplifiée. Celle-ci n’est toutefois pas possible lorsque la poursuite disciplinaire fait suite à une réclamation présentée par un tiers ou lorsque l'avocat poursuivi a fait l'objet d'une peine d'interdiction temporaire d'exercice assortie en tout ou partie du sursis pour son exécution dans les cinq années qui précèdent.
L'article 2 est relatif à la déontologie des avocats. Dorénavant, l’avocat ne doit commettre aucune divulgation contrevenant au secret professionnel, sous réserve des strictes exigences de sa propre défense, dans le cadre d'un mode amiable de résolution des différends ou d'un processus collaboratif ou transactionnel.
Il actualise les règles applicables aux incompatibilités liées à un mandat de conseiller régional ou de membre de l'assemblée de Corse, de conseiller départemental, de conseiller municipal, de maire, adjoint au maire, conseiller municipal ou conseiller d'arrondissement de Paris, Lyon ou Marseille.
Le décret entre en vigueur le 31 janvier 2025 (sur le texte, lire G. Teboul, Du nouveau pour la discipline des avocats : le décret du 29 janvier 2025, Lexbase Avocats n° 355, 2025 N° Lexbase : N1593B3E).
Pour aller plus loin : v. ÉTUDE, Les incompatibilités afférentes à l'exercice de la profession d'avocat, L’exercice de mandats électoraux, in La Profession d’Avocat, Lexbase N° Lexbase : E33213RG. |
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Réf. : Circulaire ministérielle du 23 janvier 2025, relatives aux orientations générales relatives à l'admission exceptionnelle au séjour prévue aux articles L. 435-1 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile N° Lexbase : L2402MSR
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N1591B3C
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par Yann Le Foll
Le 10 Février 2025
La circulaire ministérielle du 23 janvier 2025, relatives aux orientations générales relatives à l'admission exceptionnelle au séjour prévue aux articles L. 435-1 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, abroge la circulaire du 28 novembre 2012, dite circulaire « Valls » (INTK1229185C).
Elle prévoit tout d’abord de rappeler le caractère exceptionnel de la procédure d'admission exceptionnelle au séjour (AES) prévue à l'article L. 435-1 du CESEDA N° Lexbase : L7575L7P. Les préfets devront privilégier strictement, sauf circonstances exceptionnelles, la voie du droit commun et les critères prévus par la loi pour répondre à ces situations.
Ils devront aussi tenir compte, dans leurs décisions, de l'intégration de l'étranger en situation irrégulière qui demande à bénéficier d'une AES. Celui-ci devra s’engager à respecter les principes de la République, à savoir la liberté personnelle, la liberté d'expression et de conscience, l'égalité entre les femmes et les hommes, la dignité de la personne humaine, la devise et les symboles de la République au sens de l'article 2 de la Constitution N° Lexbase : L1278A99, l'intégrité territoriale, définie par les frontières nationales, et la laïcité.
Une attention particulière devra être portée à la maîtrise de la langue française par les demandeurs.
Devront enfin être exclus du bénéfice de la circulaire les étrangers dont la présence en France constituerait une menace à l'ordre public ou qui se trouveraient en situation de polygamie sur le territoire national.
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Réf. : CE, 8 novembre 2024, n° 475669, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A57106E9
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par Lamia El Bouchtioui, docteure en droit, CRDEI Bordeaux
Le 27 Janvier 2025
Mots clés : environnement • emballages • plastique • industrie • écologie
Le Conseil d’État a jugé que le Gouvernement ne pouvait pas prendre dès juin 2023 le décret précisant les modalités d’interdiction des emballages plastiques pour les fruits et légumes prévu par la loi. En effet, la Commission européenne avait demandé à la France d’attendre jusqu’à décembre 2023 car un nouveau Règlement européen prévoyant des restrictions spécifiques à l’utilisation de certaines formes d’emballages inutiles était en cours de négociation.
Le 8 novembre 2024, le Conseil d’État a annulé pour excès de pouvoir le décret n° 2023-478 du 20 juin 2023 [1], interdisant l'usage d'emballages plastiques pour les fruits et légumes frais non transformés [2]. Cette décision, issue d'un recours des syndicats Plastalliance et Elipso, marque un bouleversement juridique important, avec des répercussions écologiques potentielles considérables.
Le décret et ses objectifs ambitieux de réduire les déchets plastiques
Adopté dans le cadre de la loi « AGEC » [3] (Anti-Gaspillage et Économie Circulaire) adoptée en 2020, ce décret visait à réduire la consommation de plastique à usage unique. Il interdisait la vente de fruits et légumes frais dans des emballages plastiques depuis le 1er juillet 2023, avec certaines exceptions : les graines germées, les fruits mûrs à point, 29 fruits et légumes jugés fragiles (comme les framboises ou les asperges), et ceux conditionnés en lots de plus de 1,5 kg.
L’objectif était double : lutter contre la pollution plastique et réduire le gaspillage alimentaire en favorisant la vente en vrac. Toutefois, ce décret s’est heurté à un obstacle majeur sur le plan juridique qui a conduit à son annulation.
Le recours juridique et l’annulation par le Conseil d’État
Les syndicats Plastalliance et Elipso ont contesté ce décret devant le Conseil d’État, invoquant un vice de procédure lié au non-respect des règles européennes. En effet, en vertu de la Directive européenne 2015/1535 [4], toute nouvelle réglementation technique concernant des produits spécifiques doit être notifiée à la Commission européenne, avec un délai de concertation. Si le projet de décret a été notifié en décembre 2022, la Commission avait expressément demandé un report de sa publication jusqu’au 15 décembre 2023, pour permettre une harmonisation avec un règlement européen en préparation concernant les emballages à usage unique.
Le Gouvernement français, en adoptant le décret dès juin 2023, avant la fin de la période de consultation, a ainsi contrevenu à la législation européenne, ce qui a conduit le Conseil d’État à annuler le décret, jugeant que le non-respect de ces délais rendait le décret juridiquement invalide. En conséquence, les commerces peuvent à nouveau vendre des fruits et légumes frais sous emballage plastique.
Les conséquences écologiques et industrielles lourdes
1. Un recul dans la lutte contre les déchets plastiques
L’annulation du décret représente un recul significatif dans la lutte contre la pollution plastique, qui constitue un problème environnemental de plus en plus préoccupant. Alors que la France visait à réduire significativement sa production de déchets plastiques, cette décision marque un recul dans l’application de mesures concrètes pour limiter cette pollution. L’objectif de réduire les emballages plastiques à usage unique est désormais compromis. L’industrie alimentaire pourrait revenir à un modèle d’emballage plastique non durable, accentuant ainsi la production de déchets difficilement recyclables et nuisant aux efforts de réduction de l’empreinte écologique de la filière alimentaire.
2. Des conséquences pour l’industrie et les producteurs
Les fabricants d’emballages plastiques, représentés par Elipso, accueillent favorablement cette décision, qui protège leur secteur d’activité. Cependant, pour les producteurs de fruits et légumes qui avaient déjà investi dans des solutions d’emballage alternatives, cette annulation crée une insécurité juridique et financière. Ces acteurs, qui avaient engagé des efforts considérables pour répondre aux exigences du décret, voient leur investissement remis en cause, créant une instabilité et des incertitudes dans le secteur.
3. Une instabilité réglementaire inquiétante
Cette annulation intervient après un précédent revers juridique : en décembre 2022 [5], le Conseil d'État avait annulé un décret similaire [6], également jugé non conforme à la législation européenne. Ces deux décisions successives font ressortir un problème récurrent : une instabilité juridique qui complique la mise en œuvre de politiques publiques ambitieuses. Les entreprises et les consommateurs attendent des règles claires et durables pour se préparer aux enjeux environnementaux de demain.
Vers une harmonisation européenne : un cadre indispensable
Cette annulation s'inscrit dans un contexte plus large de réforme au niveau européen. Un Règlement européen sur les emballages plastiques [7] (PPWR), en cours de discussion, prévoit l’interdiction des emballages plastiques à usage unique pour les fruits et légumes non transformés d’ici 2030, avec quelques exceptions. Ce règlement vise à harmoniser les règles au niveau européen, afin de créer des normes communes pour tous les États membres.
Le Gouvernement français devra désormais réexaminer sa stratégie en tenant compte de cette législation européenne en cours, pour éviter toute nouvelle annulation. L'alignement des textes nationaux sur les règles européennes est essentiel pour garantir l’efficacité des politiques environnementales et prévenir de futures contestations juridiques.
Vers un avenir plus durable : les perspectives
L’annulation du décret met en lumière l’importance de respecter les procédures européennes pour garantir la validité des lois et des décrets nationaux. La décision du Conseil d’État n’est pas seulement un revers juridique, mais aussi un coup d’arrêt dans l’effort national pour réduire la pollution plastique. Le défi reste entier : comment concilier les impératifs écologiques avec le respect des règles européennes et les intérêts industriels ? L’avenir de cette politique dépendra de la capacité de la France à s’aligner sur une réglementation européenne cohérente et à garantir des solutions alternatives durables pour l’emballage des produits frais.
[1] CE, 8 novembre 2024, n° 475669.
[2] Décret n° 2023-478 du 20 juin 2023, relatif à l'obligation de présentation à la vente des fruits et légumes frais non transformés sans conditionnement composé pour tout ou partie de matière plastique N° Lexbase : L9255MHA, JO n° 0142 du 21 juin 2023.
[3] Loi n° 2020-105 du 10 février 2020, relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire N° Lexbase : L8806LUP, JO n° 0035 du 11 février 2020.
[4] Directive (UE) n° 2015/1535 du Parlement européen et du Conseil du 9 septembre 2015, prévoyant une procédure d'information dans le domaine des réglementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l'information N° Lexbase : L7234KHE (texte codifié) (Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE), JO L 241 du 17 septembre 2015.
[5] CE, 9 décembre 2022, n° 458440 N° Lexbase : A11588YK.
[6] Décret n° 2021-1318 du 8 octobre 2021, relatif à l'obligation de présentation à la vente des fruits et légumes frais non transformés sans conditionnement composé pour tout ou partie de matière plastique N° Lexbase : L4741L84, JO, n°0238 du 12 octobre 2021.
[7] Proposition de Règlement du Conseil et du Parlement européen relatif aux emballages et aux déchets d’emballages, modifiant le Règlement (UE) 2019/1020 et la Directive (UE) 2019/904, et abrogeant la Directive 94/62/CE, COM/2022/677 final.
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Réf. : CE, 1°-4° ch. réunies, 28 novembre 2024, n° 475461, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A43986K4
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par Eric Hervy, notaire associé et Valérie Guéguen, Lab Cheuvreux
Le 31 Janvier 2025
Mots clés : formalités d'affichage • permis de construire • hauteur maximale de la construction • points de référence • plan local d'urbanisme
Un arrêt du Conseil d’État rendu le 28 novembre 2024 apporte des précisions supplémentaires au pétitionnaire devant procéder à l’affichage des caractéristiques du permis de construire selon les critères retenus par le Code de l’urbanisme.
Dans cette affaire, une voisine immédiate du terrain d'assiette du projet, conteste un permis de construire délivré par le maire de Rognes pour un ensemble de logements avec commerces et parking et demande le retrait de l’arrêté.
Sa demande ayant été rejetée, elle saisit le tribunal administratif de Marseille en annulation du permis de construire.
Après le rejet de sa demande d'annulation, elle saisit la cour administrative d'appel de Marseille, qui rejette son appel. La requérante se pourvoit alors en cassation.
À titre liminaire, rappelons, pour la bonne forme, que le délai de recours court à l'égard des tiers à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain d’un panneau renseignant les aspects principaux du permis de construire (C. urb., art. R 600-2 N° Lexbase : L2033ICB).
Les mentions devant apparaître sur le panneau d’affichage sont précisées par l’article A. 424-16 du Code de l’urbanisme N° Lexbase : L5515LKH, au titre desquelles figure « la hauteur de la ou des constructions, exprimée en mètres par rapport au sol naturel ».
Or, une erreur substantielle dans cette mention aura pour conséquence d’empêcher le déclenchement du délai de recours.
C’est le motif retenu par la requérante dans le cadre du pourvoi contre l’arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille, estimant qu’elle avait commis une erreur de droit quant à la hauteur renseignée sur le panneau d’affichage.
En l’espèce, le bénéficiaire du permis de construire avait indiqué sur le panneau d’affichage une hauteur de 9,50 mètres correspondant à la hauteur des constructions mesurée à l’égout du toit alors que la hauteur au faîtage était approximativement d’une douzaine de mètres.
Il est vrai que l’article A. 424-16 du Code de l’urbanisme n’indique pas quelle hauteur des constructions retenir et celle-ci peut être multiple notamment en fonction du type de construction :
Pour apprécier si la mention de la hauteur de la construction figurant sur le panneau d’affichage était affectée d’une erreur substantielle, la cour administrative d’appel de Marseille s’est référée à l’article du règlement du plan local d’urbanisme « qui dispose que la hauteur maximale des constructions, mesurée verticalement à l’égout du toit par rapport au sol naturel, ne peut excéder 9,50 mètres » et sur cette base a écarté les moyens exposés par la requérante.
Comme le souligne le rapporteur public, le pourvoi pose la question de savoir s’il faut systématiquement retenir la hauteur au faîtage du toit ou la hauteur de l’égout du toit voire l’une ou l’autre selon le cas de figure.
Après avoir rappelé que de précédentes décisions du Conseil d’État indiquaient qu’il convenait de se référer à la hauteur maximale de la construction par rapport au sol naturel « telle qu’elle ressort de la demande de permis » [1], le rapporteur public souligne que l’objet du panneau d’affichage n’est pas de faire apparaître la conformité du projet aux règles applicables mais de mettre à même les tiers, à la seule lecture de ces mentions, d’apprécier la consistance du projet envisagé pour, le cas échéant, se rendre en mairie afin de consulter la demande de permis de construire.
En outre, on apprécie l’approche pratique de ce dernier qui met en lumière les inconvénients que soulèverait la mention systématique de la hauteur maximale des constructions qui pourrait même biaiser l’idée que peuvent se faire les tiers de la construction projetée.
C’est la voie retenue par la Haute Juridiction pour rejeter le pourvoi jugeant que ne peut être affecté d’une erreur substantielle, le panneau d’affichage qui mentionne la hauteur maximale de la construction telle qu’elle ressort de la demande de permis de construire dans les termes suivants, à savoir :
« Pour apprécier si la mention de la hauteur de la construction figurant sur le panneau d’affichage est affectée d’une erreur substantielle, il convient de se référer à la hauteur maximale de la construction par rapport au sol naturel telle qu’elle ressort de la demande de permis de construire. La hauteur mentionnée peut toujours être celle au point le plus haut de la construction.
Elle peut également être, lorsque le règlement du plan local d’urbanisme se réfère, pour l’application des dispositions relatives à la hauteur maximale des constructions, à un autre point, tel que l’égout du toit, la hauteur à cet autre point ».
On comprend alors que la hauteur maximale autorisée par le plan local d’urbanisme peut valablement être la hauteur retenue pour l’affichage quand bien même celle-ci ne correspond pas à la hauteur maximale de la construction.
Mais le Conseil d’État offre la possibilité au bénéficiaire du permis de construire, s’il le souhaite, de renseigner la hauteur au faîtage puisqu’il précise que « La hauteur mentionnée peut toujours être celle au point le plus haut de la construction. »
Le bénéficiaire du permis de construire dispose donc d’un choix :
L’autre enseignement de la décision du Conseil d’État résulte du fait que « La circonstance que l’affichage ne précise pas cette référence ne peut, dans un tel cas, permettre de regarder cette mention comme affectée d’une erreur substantielle ».
La précision est bienvenue ; rappelons que l’article A. 424-16 du Code de l’urbanisme n’impose pas au bénéficiaire du permis de construire de préciser sur le panneau la hauteur qu’il a retenue pour l’affichage afin de pleinement informer les tiers.
Ces derniers ne pourront donc pas arguer que le panneau n’indiquant pas le mode de calcul de la hauteur retenue est entaché d’une erreur substantielle.
On ne peut que saluer cette indication qui s’inscrit dans un courant bien établi quant aux problématiques relatives au panneau d’affichage ; permettre au tiers, à la simple lecture des mentions, d’apprécier l’importance et la consistance du projet de construction [2] et si, ces derniers le souhaitent, disposer des informations leur permettant d’étudier plus précisément le dossier en mairie.
[1] CE, 25 février 2019, n° 416610 N° Lexbase : A9861YYU ; CE, 6 juillet 2012, n° 339883 N° Lexbase : A4695IQX.
[2] CE, 16 octobre 2019, n° 419756 N° Lexbase : A9242ZRQ.
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