Réf. : Décret n° 2024-872 du 14 août 2024 relatif à l'exercice en société de la profession d'avocat N° Lexbase : L3126MN4
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N0192B3I
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par Bruno Dondero, Agrégé des Facultés de droit, Professeur à l’École de droit de la Sorbonne (Université Paris 1), Avocat associé CMS Francis Lefebvre.
Le 20 Décembre 2024
Mots-clés : avocat • sociétés • SCP • SEP • professions libérales réglementées
Le décret n° 2024-872 du 14 août 2024 relatif à l'exercice en société de la profession d'avocat rend opérationnelles, pour les avocats, les dispositions de l'ordonnance n° 2023-77 du 8 février 2023 relative à l'exercice en société des professions libérales réglementées.
1. Un texte attendu. Voici un texte qui était attendu, puisque le décret n° 2024-872 du 14 août 2024[1] relatif à l'exercice en société de la profession d'avocat rend opérationnelles, pour cette profession, les dispositions de l'ordonnance n° 2023-77 du 8 février 2023 relative à l'exercice en société des professions libérales réglementées N° Lexbase : L7738MGP. Cette ordonnance avait repris, avec différentes modifications, les dispositions encadrant le fonctionnement des SCP et SCM, des SEL, des sociétés en participation et coopératives de professionnels libéraux, ainsi que des SPFPL[2]. L’ordonnance avait également prévu que « les conditions d’application » des dispositions relatives aux SCP « à chaque profession » seraient « déterminées par un décret en Conseil d’État pris après avis de l’autorité chargée de représenter la profession auprès des pouvoirs publics ou, à défaut, des organisations les plus représentatives de la profession considérée »[3], et des textes de même nature étaient également annoncés au titre des SEL[4]. Le décret qui est examiné ici fait partie d’une série de textes publiés le même jour et couvrant différentes professions du monde juridique, puisqu’il est accompagné de quatre autres textes traitant respectivement des notaires, des commissaires de justice, des greffiers des tribunaux de commerce et des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation[5].
2. … et « principalement à droit constant ». Ainsi que le formule la notice qui accompagne la publication du décret, celui-ci « reprend principalement à droit constant » les dispositions des décrets antérieurs sur les SCP, SEL et sociétés en participation d’avocats, ainsi que sur les SPFPL. L’ordonnance du 8 février 2023 reprenait en grande partie les textes préexistants sur les sociétés de professionnels libéraux, et le décret sur les sociétés d’avocats est lui aussi, pour beaucoup, une reprise des dispositions antérieures.
3. Entrée en vigueur et abrogation des décrets antérieurs. Le nouveau décret est entré en vigueur le 1er septembre 2024, aux termes de son article 151. Ce texte laisse par ailleurs aux sociétés existantes un délai d’un an, à compter de cette date, pour se mettre en conformité avec les nouvelles dispositions. Une exception est prévue, concernant ce délai de mise en conformité pour les sociétés d’avocats existantes, qui concerne l’obligation de communication au conseil de l’Ordre faite par l’article 44 de l’ordonnance n° 2023-77 aux SEL et aux SPFPL et portant notamment sur la composition du capital social et sur les pactes existant le cas échéant[6]. Le texte emporte en outre abrogation, aux termes de son article 148, du décret n° 92-680 du 20 juillet 1992 pris pour l'application à la profession d'avocat de la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 relative aux SCP, et du décret n° 93-492 du 25 mars 1993 pris pour l'application à la profession d'avocat de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 relative à l'exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé.
4. Construction. Le nouveau décret est composé de six livres. Le premier Livre traite des sociétés civiles, c’est-à-dire des SCP et sociétés en participation (SEP). Le Livre II traite des SEL tandis que le Livre III est consacré aux SPFPL. Les Livres IV et V sont consacrés à l’application du dispositif dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle, d’une part, et à l’Outre-Mer, d’autre part. Un dernier livre renferme des dispositions diverses. Seront abordées dans cette première contribution les règles relatives aux SCP (I) et celles concernant les SEP (II)[7].
I. Règles relatives aux SCP
5. Une forme sociale en déclin, mais qui reste significative. C’est le Titre Ier du Livre Ier du décret qui encadre la constitution et le fonctionnement de ces sociétés pour la profession d’avocat. On sait que cette forme sociale est moins utilisée qu’autrefois par cette profession. On compte au 18 août 2024 un total de 11.262 SCP, toutes professions libérales confondues[8]. Les chiffres disponibles relatifs aux seules sociétés d’avocats sont un peu plus anciens, mais ils sont intéressants. Au 1er janvier 2022, on comptait 1.761 SCP d’avocats en France ce qui représente 13,8 % des groupements d’exercice actifs dans la profession ; on constate que ce groupement a perdu beaucoup de terrain, puisque dix ans auparavant, les SCP représentaient 34,1 % des groupements d’avocats[9].
6. Reconduction avec ses défauts de l’ancien décret. La SCP était jusqu’à présent encadrée par un décret n° 92-680 du 20 juillet 1992 (décret pris pour l'application à la profession d'avocat de la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 relative aux sociétés civiles professionnelles N° Lexbase : L7112AZG), modifié à plusieurs reprises[10], qui se trouve abrogé par le nouveau décret, à compter du 1er septembre 2024[11]. Le nouveau décret reprend, avec une numérotation différente, l’essentiel de ce que prévoyait le décret précédent. Certaines règles à notre sens discutables, comme l’affirmation par voie réglementaire de l’incessibilité des parts d’industrie, contestable tant en opportunité qu’au regard de la norme choisie, sont reconduites à l’identique. L’article 12 du nouveau décret dispose ainsi dans son dernier alinéa que « Les parts d'intérêt correspondant aux apports en industrie sont incessibles et doivent être annulées lorsque leur titulaire se retire de la société pour quelque cause que ce soit, y compris lors de la dissolution de celle-ci ». L’ancien décret était, il est vrai, moins compréhensible sur ce dernier point, évoquant le cas où l’apporteur en industrie « se retire de la société pour quelque cause que ce soit, y compris la dissolution de celle-ci »[12]. On pourra également regretter que le copier-coller opéré sur certaines dispositions ait été jusqu’à en reprendre les coquilles[13], ou qu’une référence à la raison sociale qui s’était déjà maintenue dans le décret de 1992[14] ait réussi à se glisser également dans celui de 2024[15]. Plus substantiellement, il faut dire que peu a été fait pour faire évoluer le texte sur le fond.
A. Mise à jour
7. Mise à jour de certaines dispositions. Le nouveau décret prend en compte plusieurs évolutions opérées depuis la publication du décret du 20 juillet 1992, dont les dispositions n’avaient pas été modifiées. Ainsi, la loi n° 2004-130 du 11 février 2004 réformant le statut de certaines professions judiciaires ou juridiques, des experts judiciaires, des conseils en propriété industrielle et des experts en ventes aux enchères publiques N° Lexbase : L7957DNZ avait supprimé l’inscription des avocats sur la « liste du stage », mais le décret de 1992 appréhendait encore la situation, notamment pour exiger que tous les associés de la SCP ne soient pas des avocats stagiaires[16]. Le nouveau texte est expurgé de telles références[17]. C’est encore la référence à des dispositions du décret du 27 novembre 1991 qui est remplacée par celles du décret n° 2023-552 du 30 juin 2023 portant code de déontologie des avocats[18], tandis que le conseil de l’Ordre laisse la place, en matière de discipline, à « l’instance disciplinaire compétente »[19]. Ce sont encore les « mineurs et majeurs protégés » qui remplacent les incapables[20]. Une valeur en francs est enfin convertie en euros mais sans qu’il soit tenu compte de l’inflation, le montant nominal des parts de SCP ne pouvant désormais être inférieur à 15,25 euros, en lieu et place des cent francs précédemment exigés[21].
8. Précision accrue et rectifications. Parfois, les modifications apportées se limitent à préciser qu’un renvoi est fait, non plus « aux articles 101 et suivants du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 », mais plus précisément « aux articles 101 à 103 » de ce même décret[22], ou bien à remplacer la référence précédemment faite au décret n° 84-406 du 30 mai 1984 par celle plus exacte aujourd’hui aux articles R. 123-31 et suivants du Code de commerce N° Lexbase : L9784HYZ [23], ce qui n’est pas toujours le cas d’ailleurs, la référence au décret de 1984 étant parfois maintenue[24]. D’autres modifications rectifient une erreur, comme la référence qui était faite à tort à l’article 1842 du Code civil N° Lexbase : L9480MM3 pour fonder la règle selon laquelle les apports en industrie des associés ne concourent pas à la formation du capital social[25]. N’est d’ailleurs plus visée « L’industrie des associés » mais plus clairement « Les apports en industrie des associés »[26].
B. Assouplissement
9. Anciennement, recours imposé à la LRAR. Le décret du 20 juillet 1992 imposait pour différentes opérations le recours à la lettre recommandée avec demande d’avis de réception. C’était le cas pour la demande d’inscription au barreau d’une SCP et pour l’information adressée à leur bâtonnier par les avocats inscrits dans un barreau autre que celui de la société (avec dans ces deux cas possibilité de recourir de manière alternative à la remise contre récépissé)[27], pour les notifications du projet de cession de parts en cas de demande d’agrément et pour d’autres notifications intervenant dans cette procédure[28], pour la notification du retrait à la société[29] et celle de l’exclusion à l’associé exclu[30], et enfin pour la demande des ayants droit d'un associé décédé tendant à l'attribution préférentielle à leur profit des parts sociales de leur auteur[31].
10. Remplacement par « tout moyen conférant date certaine à sa réception ». Le nouveau décret remplace la LRAR par une formule récurrente, qui vise, pour un envoi donné, « tout moyen conférant date certaine à sa réception ». Le travail d’adaptation des textes n’a pas toujours été fait de manière parfaite : par exemple, l’article 5 du nouveau décret ne prévoit plus que l’information adressée à leur bâtonnier par les avocats d’un barreau autre que celui de la société se fasse, comme précédemment par LRAR ou déclaration remise contre récépissé, mais lorsque le texte détermine le point de départ du délai d’un mois pour que le Bâtonnier qui le souhaite saisisse le conseil de l'Ordre pour faire connaître au bâtonnier saisi de la demande d'inscription de la SCP son avis sur la conformité des statuts aux dispositions législatives et réglementaires, ce point de départ est calculé « à compter de la réception de la lettre ou de la déclaration prévues au premier alinéa »… qui ne fait pourtant plus référence à une lettre ou déclaration !
11. Une incertitude regrettable. Au-delà de ces imperfections, que penser de cette évolution ? Il nous semble regrettable que les rédacteurs du décret du 14 août 2024 aient employé la formule de « date certaine » sans plus de précision, même si la formule retenue est présente dans un certain nombre de textes, par exemple en matière de procédure civile[32]. On aimerait simplement être certain de ce que sont précisément ces moyens conférant date certaine à leur réception. Le Code civil, lorsqu’il fait référence par son article 1377 à la « date certaine », conditionne l’acquisition par un acte sous seing privé d’une date certaine à l’égard des tiers à la survenance de trois événements alternatifs : (1) le jour de son enregistrement ; (2) le jour de la mort d'un signataire ; (3) le jour où sa substance est constatée dans un acte authentique. Ce n’est certainement pas en ce sens que la date certaine était entendue par les rédacteurs du décret du 14 août 2024. On peut supposer que la LRAR et la remise contre récépissé satisfont les exigences réglementaires… du moins si la remise intervient effectivement. S’agissant de la lettre recommandée électronique, on sait qu’elle était déjà équivalente à une lettre recommandée[33], mais qu’en est-il de l’envoi d’un courrier électronique, avec ou sans notification de réception ? Ces incertitudes sont d’autant plus gênantes que les utilisateurs de la SCP souhaiteront avoir une assurance absolue sur la date à prendre en compte, notamment dans le cadre de la procédure d’agrément des cessions de parts sociales.
C. Evolutions sur le fonctionnement de la SCP
1) Décisions collectives
12. Décisions prises nécessairement en assemblée. On formulera là encore un regret, tenant au fait que le décret du 14 août 2024 a fait le choix de maintenir l’assemblée comme seul mode de prise de décision par les associés, en délaissant la consultation écrite, alors que celle-ci pourra très prochainement se faire par voie électronique dans les sociétés civiles de droit commun[34], et l’acte unanime des associés. Comme la loi du 29 novembre 1966 avant elle, l’ordonnance n° 2023-77 du 8 février 2023 laissait au décret particulier à chaque profession la liberté de déterminer « le mode de consultation des associés », et il ne nous apparaît pas que le singulier empêchait de prévoir des modes alternatifs. On peut estimer qu’il est préférable que les associés d’une SCP d’avocats se réunissent en assemblée, mais il faut encore souligner que la participation par visio-conférence ou par d’autres moyens de télécommunication n’est pas prévue et n’est donc pas autorisée.
13. Reprise à droit constant sauf une exception notable. Le fonctionnement des assemblées est repris à droit constant. S’agissant des décisions ordinaires, la référence à la « majorité des voix dont disposent les associés présents ou représentés »[35] est remplacée par celle visant la « majorité des voix des associés présents ou représentés »[36], ce qui ne devrait rien changer. Les statuts peuvent comme précédemment prévoir une majorité qualifiée ou exiger l’unanimité des associés, le nouveau texte comportant ici une coquille qui n’entrave toutefois pas la compréhension du dispositif[37]. Evolution de fond, en revanche : là où la modification des statuts supposait précédemment de réunir « la majorité des trois quarts des voix de l’ensemble des associés »[38], n’est plus requise désormais que « la majorité des deux tiers des voix de l'ensemble des associés »[39]. Le nouveau texte prévoit également que « Sauf clause contraire des statuts, la majorité requise pour approuver une des opérations mentionnées au deuxième alinéa de l'article 30 de l'ordonnance du 8 février 2023 », ce qui recouvre la transformation en SPPE ou la participation par voie de fusion à une telle société, est celle des deux tiers des voix de l’ensemble des associés[40].
14. Suppression de la cotation par le bâtonnier du registre des délibérations. Les procès-verbaux des assemblées sont comme précédemment « établis sur un registre spécial qui doit être conservé au siège de la société », mais il n’est désormais plus demandé que ce registre soit préalablement coté et paraphé par le bâtonnier du barreau du lieu de situation du siège de la société[41]. En revanche, les exigences résultant du droit commun des sociétés civiles devraient être respectées, ce qui implique que le registre spécial soit tout de même coté et paraphé dans les conditions de l’article 45 du décret n° 78-704 du 3 juillet 1978.
2) Cessions et transmissions de parts sociales
a) Mesure générale
15. Forme des notifications. On a déjà évoqué le remplacement de la LRAR par une notification par tout moyen conférant date certaine à sa réception. Ainsi qu’on l’a dit, cette évolution se retrouve aux différents stades de la procédure d’agrément[42] et de celle de retrait[43], ainsi que dans le cadre de la cession faisant suite à une exclusion[44] et en cas de demande par les ayant droits d’un associé décédé tendant à l’attribution préférentielle à leur profit des parts sociales de leur auteur[45].
b) Retrait
16. Référence modifiée à la procédure d’agrément en cas de retrait. Il était précédemment prévu par le décret du 20 juillet 1992, dans le cadre de la procédure de retrait, que lorsque la SCP mettait en place le rachat des parts par un tiers, les associés ou la société elle-même, un renvoi aux dispositions sur la procédure d’agrément. Le texte ancien comportait cependant une erreur, qui est corrigée par le nouveau décret, clarifiant en outre un renvoi. Ainsi, lorsque la cession mise en place par la SCP en réponse à la demande de retrait était consentie à un tiers, il était prévu qu’il était « procédé conformément aux dispositions des deuxième, troisième et quatrième alinéas de l’article 25 »[46]. Or, le quatrième alinéa de l’article 25 du décret de 1992 visait l’hypothèse où les parts sociales sont acquises « par la société, par les associés ou l’un ou plusieurs d’entre eux ». C’est désormais, aux termes de l’article 27 du décret du 14 août 2024, « conformément aux dispositions des deuxième, troisième et cinquième alinéas de l'article 24 » qu’il doit être procédé, ce qui rectifie l’erreur. Par ailleurs, dans l’hypothèse où les parts sociales sont acquises par la société ou par tout ou partie des associés, il est renvoyé aux dispositions des quatrième et cinquième alinéas de l'article 24, ce qui clarifie les choses, l’ancien texte visant précédemment le seul cinquième alinéa de l’article 25[47].
c) Cession après décès
17. Clarification manquante. Si le dispositif est repris à droit constant, on s’étonnera que l’article 33 du nouveau décret, lorsqu’il envisage la cession à un tiers des parts sociales d’un associé décédé, n’ait pas été corrigé de la même façon que cela a été fait pour l’article 27 relatif au retrait[48].
3) Exercice de la profession
18. Simplification et précision. La disposition qui ouvre la section relative à l’exercice de la profession, l’article 40 du nouveau texte, procède à une simplification et à une précision. Il simplifie la rédaction antérieure, car si « toutes les dispositions législatives et réglementaires relatives à l'exercice de la profession d'avocat » sont toujours déclarées applicables aux SCP et à leurs membres, il n’est plus précisé que cela vaut « spécialement » pour les dispositions relatives « à la déontologie, à la garantie et à la discipline », comme le faisait le texte antérieur[49]. En revanche, il est ajouté que cette applicabilité concerne non plus les « membres » de la SCP mais plus précisément les « membres exerçant au sein de la société ».
19. Prise en compte accrue de l’admission de la pluri-activité. L’ordonnance n° 2023-77 du 8 février 2023 avait posé par son article 8 comme règle de principe l’exercice par le professionnel libéral associé au sein d’une seule SCP, et l’exercice exclusif de son activité dans cette SCP. Dit autrement, on ne peut être associé que d’une SCP, et lorsque l’on a ce statut, on doit accomplir l’intégralité de son activité professionnelle au bénéfice de cette structure. Mais ce principe peut être écarté par la « disposition contraire du décret particulier à chaque profession », aux termes de l’article 8 précité de l’ordonnance. Cette possibilité est maintenue sans surprise par l’article 42 du nouveau décret et avec des renvois actualisés, lorsque ce texte dispose que « les statuts de la société peuvent prévoir la possibilité pour un associé d'exercer sa profession également selon une autre des modalités prévues à l'article 7 de la loi du 31 décembre 1971 susvisée, notamment au sein d'une société pluri-professionnelle d'exercice prévue au livre IV de l'ordonnance du 8 février 2023 »[50]. Surtout, pour supprimer une incohérence, il n’est plus demandé comme précédemment que les avocats associés consacrent « à la société toute leur activité professionnelle d’avocat », ainsi que le faisait le texte ancien sans dérogation possible[51]. Notons encore que la dérogation à l’obligation d’exercer « les fonctions d’avocat au nom de la société », qui visait l’article 82 du décret de 1992, et qui concernait les mandataires judiciaires, n’est pas reprise[52].
D) Autres dispositions
1) Fusions et scissions
20. Reprise à droit constant… coquilles inclues ! Le nouveau texte reprend pour l’essentiel les dispositions du décret du 20 juillet 1992 sur les fusions et scissions. On notera que les coquilles sont reprises aussi, comme lorsque l’article 59 du nouveau décret dispose que « La société scindée est dissoute de plein droit à compter de la réalisation définitive de scission » (sic), formule que l’on trouvait déjà à l’article 57-3 du décret de 1992. L’apport partiel d’actif soumis au régime des scissions n’est pas reconnu davantage qu’il l’était sous le régime antérieur.
21. Absence de prise en compte des sociétés de droit commun. On regrettera que le nouveau texte n’appréhende que les opérations de fusion, scission et transformation avec des SCP ou SEL, mais pas avec une société d’avocats de droit commun. L’ordonnance du 8 février 2023 a certes réduit les différences entre ces structures et les SEL, mais les formes de droit commun demeurent formellement distinctes, et cela pourrait susciter des interrogations délicates au moment de réaliser une restructuration intégrant une société de l’une de ces formes.
22. Nouvelles règles de majorité pour les fusions et scissions. Avant la réforme, le décret du 20 juillet 1992 disposait que « Dans les sociétés civiles professionnelles d'avocats les opérations de fusion et de scission sont décidées par les trois quarts au moins des associés disposant des trois quarts des voix »[53]. Cette double majorité, en nombre d’associés et en nombre de voix, disparait, le nouveau texte n’exigeant plus que « la majorité des trois quarts des voix des associés »[54].
2) Dissolution et liquidation
23. Modification des règles de majorité. Pour l’essentiel, les règles relatives à la dissolution et à la liquidation sont maintenues par le nouveau décret, en tenant compte de l’allongement à deux ans, opéré par l’ordonnance du 8 février 2023, du délai de régularisation de la situation de la SCP devenue unipersonnelle[55]. Toutefois, un changement intervient à deux niveaux. Le premier changement est relatif aux majorités requises pour prononcer la dissolution anticipée en application de l’article 1844-7, 4° du Code civil N° Lexbase : L7356IZH. Là où était précédemment requise la double majorité des trois quarts, en nombre d’associés et en nombre de voix[56], seule la majorité des trois quarts des voix des associés est désormais exigée[57]. Le second changement concerne la majorité requise pour désigner le liquidateur en cas de survenance du terme statutaire ou de dissolution anticipée : d’une « majorité en nombre des associés détenant la moitié au moins des parts sociales et la moitié au moins des parts d'industrie »[58], on passe désormais à une exigence plus simple de la « majorité des voix des associés »[59]. On verra un peu plus loin que le dispositif pris globalement manque cependant encore de clarté[60].
24. Répétition de règles légales. On s’étonnera de voir le nouveau décret affirmer, dans la continuité de l’ancien, la règle de survie de la personnalité morale de la SCP pour les besoins de la liquidation[61]. Cette règle est déjà affirmée par le législateur pour toutes les sociétés à l’article 1844-8 du Code civil, et il n’était pas nécessaire de la reprendre. Une différence existe toutefois entre les deux textes : la disposition légale prévoit que la survie de la personnalité morale vaut « pour les besoins de la liquidation jusqu'à la publication de la clôture de celle-ci » là où la disposition réglementaire propre aux SCP mentionne une survie « pour les besoins de la liquidation jusqu'à la clôture de celle-ci ». La décision de clôture de la liquidation et la publication de cette décision n’interviennent pas nécessairement simultanément, et il y a donc une différence, mais on peut se demander si ce n’est pas par erreur que le texte réglementaire écarte la publication au profit de la seule date de clôture de la liquidation. D’autant que la hiérarchie des normes ne permettait peut-être pas au texte réglementaire une telle liberté. L’article 32 de l’ordonnance retient l’application aux SCP des articles 1832 N° Lexbase : L2001ABQ à 1870-1 N° Lexbase : L2068AB9 du Code civil, « dans leurs dispositions qui ne sont pas contraires à celles du [livre de l’ordonnance consacré aux sociétés civiles] ». En l’absence de dispositions de l’ordonnance de 2023 encadrant la liquidation des SCP, c’est donc la règle de l’article 1844-8 du Code civil N° Lexbase : L2028ABQ qui doit s’appliquer, sans qu’une disposition réglementaire puisse l’écarter. Par ailleurs, l’article 5 de l’ordonnance dispose certes que le décret en Conseil d’État propre à chaque profession détermine « les conditions d'application des articles 5 à 33 de la présente ordonnance » à cette profession, mais la liquidation elle-même n’est pas encadrée par l’ordonnance.
25. Maintien d’un système embrouillé. L’article 64 du nouveau décret dispose, reprenant à l’identique la formulation retenue précédemment par le décret du 20 juillet 1992[62], que « La liquidation est régie par les statuts, sous réserve des dispositions du présent chapitre et sauf les cas de nullité et de dissolution par suite de la radiation de la société ». Mais parce que les autres dispositions du décret ancien ont été reprises, on a maintenu un dispositif dont le moins qu’on puisse dire est qu’il est embrouillé. Le dispositif est tout d’abord confus dans ses relations avec le droit commun. Les SCP sont régies par le décret n° 78-704 du 3 juillet 1978 N° Lexbase : L1376AIS, qui consacre un certain nombre de dispositions à la liquidation des sociétés. Or, par la formule retenue, le nouveau texte semble exclure intégralement ce corps de dispositions réglementaires pour donner pleine compétence aux statuts, en l’absence de dispositions spécifiques aux SCP d’avocats. Ensuite, a été conservé un empilement de textes peu aisé à appliquer, particulièrement s’agissant de la désignation du liquidateur. La sous-section intitulée « Règles générales concernant la liquidation » dispose à l’article 65 que « Le liquidateur est désigné conformément aux statuts, sauf dans les cas prévus aux articles 64, 76 et 79 » et qu’ « A défaut, il est désigné soit par la décision judiciaire qui prononce la nullité ou la dissolution de la société, soit par la délibération des associés qui constatent ou décident cette dissolution ». On comprend donc que la majorité applicable pour la décision de désignation du liquidateur devrait être la même que celle décidant ou constatant la dissolution. Mais dans la sous-section consacrée aux « Dispositions particulières aux différents cas de nullité ou de dissolution de la société », un texte spécifique à la dissolution par survenance du terme et à la dissolution anticipée, l’article 74, dispose que « Le liquidateur est désigné à la majorité des voix des associés ».
II. Règles relatives aux sociétés en participation
26. Reprise quasi-intégralement à droit constant du texte ancien. Le Titre consacré aux SEP d’avocats reprend à droit quasi-constant le dispositif antérieur, qui résultait du décret n° 93-492 du 25 mars 1993 N° Lexbase : L4321A4S. On relèvera qu’aucune disposition particulière n’a été introduite pour appréhender l’innovation majeure opérée par l’ordonnance n° 2023-77 du 8 février 2023 en matière de SEP de professionnels libéraux, puisque l’on se souvient que ce texte a ouvert ces sociétés aux personnes morales[63], ce qu’une partie de la doctrine a à juste titre identifié comme une évolution importante[64]. De même, rien n’est dit sur les associations d’avocats ou sur les AARPI[65].
27. Modifications mineures. La première modification, de pure forme, mérite à peine d’être relevée, puisque le Titre sur les SEP est scindé en deux chapitres, l’un consacré à des dispositions générales, et l’autre au fonctionnement de la société. Il est par ailleurs procédé à une actualisation, l’ordonnance du 8 février 2023 remplaçant la loi du 31 décembre 1990 et la référence au stage étant supprimée. Plus au fond, la dernière modification consiste à reprendre la mesure de souplesse déjà rencontrée dans le cadre des SCP, remplaçant le recours obligatoire à la remise contre récépissé ou à la LRAR par l’emploi de « tout moyen conférant date certaine à sa réception »[66]. C’est la communication à chaque Bâtonnier concerné d’une copie de l’avis de constitution de la SEP et d’un exemplaire de la convention qui la fonde, et l’éventuelle mise en demeure adressée par un Bâtonnier, dans un délai d’un mois, de modifier la convention pour la mettre en conformité avec les règles applicables à la profession, qui sont concernées[67].
28. Attente d’un autre texte visant la SEP interprofessionnelle. Un décret en Conseil d’Etat était prévu par l’article 34 de l’ordonnance n° 2023-77 aux fins de déterminer les conditions dans lesquels « une société en participation peut (…) être constituée (…) entre personnes physiques et morales exerçant plusieurs professions libérales réglementées ». C’est un autre texte que celui sous examen qui édictera les règles en question.
[1] JORF n°0195 du 17 août 2024.
[2] Sur cette ordonnance, v. D. Gallois-Cochet, Réforme des sociétés des professions libérales réglementées, BJS, avril 2023, p. 58 ; G. Valdelièvre, Réforme des sociétés de professions libérales réglementées par l’ordonnance n° 2023-77 du 8 février 2023, Gaz. Pal. 20 juin 2023, p. 39 ; R. Mortier, M. Dubois et S. Bol, Réforme de l’exercice en société des professions libérales réglementées : analyse article par article de l’ordonnance n° 2023-77 du 8 février 2023, Dr. Sociétés, oct. et nov. 2023, Dossier ; L. Grosclaude et J.-Ch. Pagnucco, Retour sur quatre apports essentiels de l’ordonnance du 8 février 2023 relative à l’exercice en société des professions libérales réglementées, JCP éd. E, 2023, 1248. Sur l’incidence sur la profession d’avocat, v. S. Nonorgue, La nouvelle réforme du droit des sociétés d'exercice des professions juridiques et judiciaires - À propos de l'ordonnance n° 2023-77 du 8 février 2023, JCP éd. E, 2023, 1092 ; A. Cadix, Les impacts de l’ordonnance du 8 février 2023 sur la profession d’avocat, Lexbase Avocats, mai 2024, N° Lexbase : L7738MGP.
[3] Ord. n° 2023-77 du 8 févr. 2023, art. 5, alinéa 4.
[4] Ord. n° 2023-77 du 8 févr. 2023, art. 45.
[5] Respectivement D. n° 2024-873 (notaires), n° 2024-874 (commissaires de justice), n° 2024-875 (greffiers des tribunaux de commerce) et n° 2024-876 (avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation), tous du 14 août 2024.
[6] D. n° 2024-872 du 14 août 2024, art. 111 et 136.
[7] Une seconde contribution à paraître traitera des SEL et des SPFPL.
[10] Sur ce texte, v. not. J.-J. Daigre, Les sociétés civiles professionnelles d’avocats, BJS, 1992, p. 1047.
[11] D. n° 2024-372, art. 148, 1°.
[12] D. n° 92-680 du 20 juillet 1992 , art. 13, alinéa 3.
[13] V. ainsi art. 59 D. n° 2024-872, qui dispose que « La société scindée est dissoute de plein droit à compter de la réalisation définitive de scission » (sic), coquille déjà présente dans le texte antérieur (D. n° 92-680, art. 57-3).
[14] D. n° 92-680, art. 46, a).
[15] D. n° 2024-872, art. 45, 1°.
[16] D. n° 92-680 du 20 juillet 1992, art. 2, alinéa 2
[17] V. ainsi D. n° 2024-872 du 14 août 2024, art. 2. V. également art. 4,2, 23, 28, 35 et 46.
[18] D. n° 2024-872, art. 55, alinéa 2.
[19] D. n° 2024-872, art. 50.
[20] D. n° 2024-872, art. 29, alinéa 1er.
[21] D. n° 92-680, art. 13.
[22] D. n° 2024-872, art. 6.
[23] D. n° 2024-872, art. 14.
[24] V. ainsi, D. n° 2024-872. art. 20, alinéa 3.
[25] D. n° 92-680, art. 12, dernier alinéa.
[26] D. n° 2024-872, art. 11, dern. alinéa. Comp D. n° 2024-872, art. 38, alinéa 1er.
[27] D. n° 92-680, art. 4 et 5.
[28] D. n° 92-680, art. 24 et 25.
[29] D. n° 92-680, art. 28.
[30] D. n° 92-680, art. 30, 3ème alinéa.
[31] D. n° 92-680, art. 33, alinéa 1er.
[32] V. ainsi art. 82-1 C. pr. civ. : « Par dérogation aux dispositions de la présente sous-section, les questions de compétence au sein d'un tribunal judiciaire peuvent être réglées avant la première audience par mention au dossier, à la demande d'une partie ou d'office par le juge.
Les parties ou leurs avocats en sont avisés sans délai par tout moyen conférant date certaine. (…) ».
[33] V. C. postes et communications électroniques, art. L. 100, I N° Lexbase : L4899LAP : « L'envoi recommandé électronique est équivalent à l'envoi par lettre recommandée, dès lors qu'il satisfait aux exigences de l'article 44 du règlement (UE) n° 910/2014 du Parlement européen et du Conseil du 23 juillet 2014 sur l'identification électronique et les services de confiance pour les transactions électroniques au sein du marché intérieur et abrogeant la Directive 1999/93/CE ».
[34] V. L. n° 2024-537 du 13 juin 2024 visant à accroître le financement des entreprises et l’attractivité de la France N° Lexbase : L5923MMC, JORF, 14 juin 2024. Sur cette loi, v. A. Couret, La loi visant à accroître le financement des entreprises et l'attractivité de la France, Rev. Sociétés, 2024, p. 419 ; C. Coupet, Loi Attractivité : un vent de libéralisme souffle sur le droit des sociétés, BJS, sept. 2024, p. 45 ; B. Dondero, Loi visant à accroître le financement des entreprises et l’attractivité de la France : mesures de droit des sociétés, Lexbase Affaires [LXB=L5923MMCC].
[35] D. n° 92-680, art. 20, alinéa 1er.
[36] D. n° 2024-872, art. 19, alinéa 1er.
[37] D. n° 2024-872, art. 19, alinéa 2 : « Toutefois, les statuts peuvent prévoir une majorité plus forte ou de l'unanimité (sic) des associés, pour toutes les décisions ou seulement pour celles qu'ils énumèrent ».
[38] Art. 21, al. 1er
[39] D. n° 2024-872, art. 20, alinéa 1er.
[40] D. n° 2024-872, art. 20, alinéa 2.
[41] D. n° 2024-872, art. 17.
[42] D. n° 2024-872, art. 23 et 24.
[43] D. n° 2024-872, art. 27.
[44] D. n° 2024-872, art. 29.
[45] D. n° 2024-872, art. 32.
[46] D. n° 92-680, art. 28, alinéa 4.
[47] D. n° 92-680, art. 28, alinéa 5.
[48] V. supra, n° 16.
[49] D. n° 92-680, art. 41.
[50] D. n° 2024-872, art. 42, alinéa 2.
[51] D. n° 92-680, art. 45. V. désormais D. n° 2024-872, art. 44.
[52] D. n° 2024-872, art. 43
[53] D. n° 92-680, art. 57-5, alinéa 1er.
[54] D. n° 2024-872, art. 61, alinéa 1er.
[55] D. n° 2024-872, art. 82.
[56] D. n° 92-680, art. 70, alinéa 2.
[57] D. n° 2024-872, art. 74, alinéa 2.
[58] D. n° 92-680, art. 70, alinéa 3.
[59] D. n° 2024-872, art. 74, alinéa 3.
[60] V. infra, n° 25.
[61] D. n° 2024-872, art. 63, alinéa 1er. V. précédemment D. n° 92-680, art. 59, alinéa 1er.
[62] V. D. n° 92-680, art. 60.
[63] Ord. n° 2023-7, art. 34.
[64] V. not. L. Grosclaude et J.-Ch. Pagnucco, art. préc., sp. n° 17-22.
[65] J.-J. Daigre, Les associations d’avocats : associations ou sociétés, personnes morales ou groupements de fait ?, JCP, éd. E, 1997, I.671 ; Les associations d’avocats après le décret du 15 mai 2007 : de bien curieuses associations…, Rev. Sociétés, 2008, p. 725. V. également J.-J. Caussain, La nouvelle donne des associations d’avocats, JCP éd. E, 2007, 1955 ; A. Rigaud, Conséquences de l’absence de personnalité morale et de patrimoine social sur e traitement fiscal des opérations effectuées par l’AARPI et ses membres associés, Gaz. Pal., 3 oct. 2015, p. 12 ; L’association d’avocats, ses associés, leur régime et la loi Macron, Gaz. Pal., 7 mars 2017, p. 19 ; J.-J. Daigre et Ch. Kaunan, Les « associations » d’avocats : des sociétés créées de fait, D., 2023, p. 1247. Sur l’AARPI, v. le récent arrêt Cass. civ. 1, 24 avril 2024, n° 22-24.667, FS-B N° Lexbase : A7822289 ; Lexbase Avocats, mai 2024, obs. M. Le Guerroué ; Lexbase Avocats, juin 2024, note B. Dondero.
[66] V. supra, n° 9-11.
[67] D. n° 2024-872, art. 85.
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par Stéphane Michel, Professeur de droit privé à l’Université Polytechnique Hauts de France, membre du Larsh (département Criss)
Le 18 Décembre 2024
Mots-clés : contrats de travail • qualification • contrats d’activité segmentée • régime juridique • catégories
Il existe, dans notre Code du travail, une multitude de contrats de travail. Certains d’entre eux semblent vouloir cumuler les avantages du CDI et des contrats de type CDD. Il est dès lors possible de les regrouper sous une nouvelle qualification de « contrats d’activité segmentée ». Cette proposition, qui peut paraître de prime abord purement doctrinale, permet, au-delà de la notion qu’elle aborde et du régime juridique qu’elle engendre, de nous interroger sur la nécessité pour le législateur d’offrir, aux employeurs et aux salariés, une palette aussi large de contrats de travail.
Si le juriste travailliste et le profane ne devaient citer que deux contrats de travail, le contrat à durée indéterminée (CDI) et le contrat à durée déterminée (CDD) seraient sans doute mentionnés de concert. Pour le juriste, la lettre du Code du travail milite en ce sens : l’alinéa 1er de l’article L. 1221-2 du Code du travail N° Lexbase : L8930IAY évoque le CDI comme la forme normale et générale de la relation de travail, tandis que l’alinéa 2 de ce texte poursuit en énonçant que « toutefois, le contrat de travail peut [également] comporter un terme fixé avec précision ». Ainsi, les dispositions générales du Code du travail relatives à la formation et à l’exécution du contrat de travail reposent-elles sur un duo de contrats de travail, à savoir le CDI et le CDD. Quant au profane, sa connaissance des contrats de travail repose principalement sur sa propre expérience professionnelle. Or, le CDI et le CDD sont les formes les plus usitées de contrats [1], même s’il en existe bien d’autres, dont certains que nous allons étudier ici et que nous proposons de regrouper sous une nouvelle bannière.
CDI. Le CDI semble recommandé pour un emploi continu ou permanent particulièrement adapté à la période des trente glorieuses, durant laquelle le chômage était réduit à sa portion congrue [2]. L’activité du salarié était quasiment garantie et les carrières souvent complètes. À la suite des chocs pétroliers des années 1970 et de la montée consécutive du chômage, la situation des travailleurs a évolué. Les parcours professionnels sont devenus moins linéaires [3] et les situations d’emploi tout comme l’activité plus discontinues, ce qui peut désormais paraître en phase avec les aspirations d’une génération appelée « Z » [4]. Ces phénomènes ont exercé une influence sur la typologie des contrats de travail.
CDD. Le contrat à durée indéterminée (CDI) a subi la concurrence des contrats dits précaires, à savoir le contrat à durée déterminée (CDD) et le contrat de mission. Ces deux types de contrats ont fait l’objet d’études exhaustives dès les années 1970 et sont aujourd’hui largement connus [5]. Ils intègrent la dimension morcelée de l’activité dans le cadre de contrats qui ne peuvent avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise [6]. Ils sont limités dans le temps et leurs renouvellements ou leur succession [7] sont strictement encadrés. Les causes du développement de ce type de contrats sont bien connues : raisons organisationnelles, recherche de flexibilité, développement de la production à flux tendu, etc. Les employeurs souhaitent une main-d’œuvre ponctuelle, flexible pour faire face aux fluctuations d’activité [8].
En somme, le CDI couvre les besoins constants et structurels de l’entreprise dans une logique (a priori) de long terme alors que le CDD répond à des nécessités changeantes et conjoncturelles dans une logique à court terme.
Multiplicité. Cette dichotomie n’embrasse pourtant plus la réalité, tant de nouveaux types de contrats de travail ont vu le jour depuis plusieurs décennies [9]. À titre d’exemple, le ministère du Travail, du Plein-emploi et de l’Insertion, cite une quinzaine de contrats de travail différents, tout en faisant curieusement l’impasse sur les contrats d’alternance [10], à savoir les contrats d’apprentissage et de professionnalisation [11]. Cette multiplicité de types de contrats de travail interroge nécessairement. D’une part, il peut être soutenu que toute technique, y compris juridique, se complexifie mécaniquement. Il s’agit de quelque chose qui ressemble à un « auto-engendrement de la complexité » comme a pu l’écrire, il y a déjà bien longtemps, Jacques Ellul [12]. D’autre part, l’efficacité économique de ce processus croissant, voire exponentiel, reste à démontrer [13]. Enfin, l’éclatement des régimes juridiques est patent, sans qu’il soit toujours aisé d’en comprendre les ressorts. Une étude approfondie s’impose qui vise à favoriser la compréhension de la multitude actuelle de contrats de travail [14].
Proposition d’une catégorie nouvelle de contrats. L’analyse exhaustive de ces formules contractuelles laisse apparaître une nouvelle catégorie de contrats de travail susceptible de regrouper différents types de contrats existants : il s’agit de contrats de travail qui prennent en compte le caractère discontinu ou « hachuré » de l’activité (comme les contrats précaires), mais dans le cadre d’une enveloppe plus durable (de type CDI). En d’autres termes, la relation contractuelle s’inscrit dans un rapport court (car l’activité est morcelée [15]), mais sous l’égide d’un ensemble qui permet, en droit ou en fait, une relation de long terme. Partant, le régime juridique ne peut être qu’hybride, versant tantôt du côté des contrats précaires, tantôt du côté du CDI. En fait, l’imagination contractuelle est sans véritable limite. Le CDI est notamment devenu le support aussi bien d’un emploi temporaire que d’un emploi discontinu [16]. Se sont ainsi développées des formes de CDI comportant des périodes d’inactivité [17], ce que l’on a pu appeler à juste titre « l’intérim permanent » [18]. Il s’agit de contrats de travail particuliers qui viennent « bousculer » l’appréhension des notions classiques du droit du travail [19]. Ce sont des contrats de travail le plus souvent hybrides [20], parfois qualifiés d’« OVNI » juridiques [21], voire désignés par des oxymores [22]. Dès lors, la qualification de « contrats d’activité segmentée » nous a paru refléter l’ADN commun au-delà de la diversité de ces contrats [23].
Plan. L’intérêt de la classification, au-delà de son aspect purement doctrinal, est notamment de voir s’il est possible d’en dégager un régime juridique propre ou autonome, ce que nous tenterons de faire dans une seconde partie (II.). En attendant et pour tenter d’appréhender les contrats d’activité segmentée, nous allons tout d’abord essayer de les identifier, de lege lata, dans une première partie (I.).
I. La notion de contrat d’activité segmentée
Six contrats semblent pouvoir entrer dans la catégorie des contrats d’activité segmentée. Pour autant, l’analyse de leur structure et de leur régime conduit à proposer une distinction entre les contrats d’activité segmentée « par nature » et les contrats d’activité segmentée « par destination ». Si la première catégorie renferme le contrat de travail intermittent, le CDI intérimaire ou le portage salarial qui au regard de leur objet matérialisent une segmentation de l’activité, la seconde comprenant le contrat de chantier, les contrats relatifs aux intermittents du spectacle et les CDD saisonniers, formalise une segmentation en raison de l’usage qui en est fait. En d’autres termes, l’activité liée aux contrats étudiés est directement ou indirectement segmentés.
A. Les contrats supports d’une activité segmentée par nature
Trois contrats nous semblent être le support d’une activité segmentée par nature, contrats que nous allons qualifier, par souci de simplification, de contrats d’activité segmentée par nature.
Contrat de travail intermittent. Le contrat de travail intermittent, qu’il convient de ne pas confondre avec le contrat de travail à temps partiel, est appréhendé aux articles L. 3123-33 N° Lexbase : L6917K93 et suivants du Code du travail [24]. En raison de son objet et de son contenu, le contrat de travail intermittent peut faire office de modèle pour la compréhension de la catégorie des contrats d’activité segmentée par nature. En effet, selon l’article L. 3123-34 de ce code N° Lexbase : L6916K9Z, le contrat de travail intermittent est un contrat à durée indéterminée. Il peut être conclu afin de pourvoir un emploi permanent qui, par nature, comporte une alternance de périodes travaillées et de périodes non travaillées. Ce dispositif a, selon les pouvoirs publics, le double objectif de prendre en compte la spécificité des secteurs professionnels connaissant d’importantes fluctuations d’activité sur l’année (liées par exemple au rythme scolaire [25], au tourisme, aux spectacles, au cycle des saisons, ainsi de permettre aux entreprises concernées de s’y adapter) et d’assurer aux salariés intermittents une stabilité de la relation de travail et le bénéfice d’un certain nombre de garanties légales [26]. Ainsi, l’enveloppe du contrat est pérenne puisqu’il s’agit d’un CDI, mais concrètement, le salarié ne travaillera que durant certaines périodes plus ou moins espacées dans le temps, en fonction des besoins de l’entreprise. Sauf dispositions particulières, le salarié ne perçoit de rémunération de la part de l’employeur que lorsqu’il est en période travaillée. Segmenté, hachuré ou découpé par nature, le travail du salarié est néanmoins pensé pour durer. En d’autres termes, l’activité est bien segmentée alors que le contrat ne l’est pas.
CDII. Le CDI intérimaire est le second contrat d’activité segmentée par nature. L’article L. 1251-58-1 N° Lexbase : L9792LLA du Code du travail dispose qu’une entreprise de travail temporaire peut conclure avec le salarié un contrat à durée indéterminée pour l'exécution de missions successives auprès de clients utilisateurs dit « entreprises utilisatrices ». Il s’agit donc, à l’instar du « contrat de mission classique », d’une relation juridique triangulaire. Le terme contrat de mission employé traditionnellement étant ici remplacé par les mots « lettre de mission » [27]. L’article L. 1251-58-2 du Code du travail N° Lexbase : L9793LLB précise que le contrat de travail peut prévoir des périodes sans exécution de mission [28]. En d’autres termes, à l’instar du contrat de travail intermittent, le CDI intérimaire permet d’alterner des périodes de travail avec des phases sans activité. D’ailleurs, l’alinéa 1er du texte précise, si jamais l’intitulé du contrat n’était pas suffisant, que « le contrat de travail mentionné à l'article L. 1251-58-1 est régi par les dispositions du Code du travail relatives au contrat à durée indéterminée, sous réserve des dispositions de la présente section ».
Ici encore, le travail du salarié, tout en s’inscrivant dans le long terme, est par essence segmenté. Mais contrairement au contrat de travail intermittent, le salarié bénéficie cette fois-ci d’une garantie de rémunération [29].
Portage salarial. Le contrat de travail conclu dans le cadre d’une opération de portage salarial est le dernier contrat d’activité segmentée par nature [30]. Pour mémoire, cette forme de relation de travail triangulaire désigne, selon l’article L. 1254-1 du Code du travail N° Lexbase : L7346K9X, l'ensemble organisé constitué par : d'une part, la relation entre une entreprise dénommée « entreprise de portage salarial » effectuant une prestation et une entreprise cliente bénéficiant de cette prestation, qui donne lieu à la conclusion d'un contrat commercial de prestation de portage salarial ; et d'autre part, le contrat de travail conclu entre l'entreprise de portage salarial et un salarié désigné comme étant le « salarié porté », lequel est rémunéré par cette entreprise [31].
Prima Facie, la structure du portage salarial ressemble à s’y méprendre à celle du travail temporaire, d’autant plus que selon l’article L. 1251-7 du Code du travail N° Lexbase : L6700MKD, le contrat de travail conclu entre le porté et l’entreprise de portage salarial peut être à durée déterminée ou indéterminée. Néanmoins, le portage salarial présente des spécificités. Ainsi, selon Benjamin Kantorowicz, « le portage est l’opération par laquelle un travailleur appelé "le porté" confie à une société de portage la facturation et la gestion administrative de missions effectuées auprès d’une entreprise utilisatrice (le client) moyennant le paiement par la première d’un salaire » [32]. L’auteur poursuit en indiquant que le portage salarial désigne un mode d’organisation du travail qui permet à un professionnel d’exécuter une mission dans une entreprise en toute indépendance, tout en bénéficiant du statut de salarié [33]. À suivre cette approche, le mécanisme du portage salarial opèrerait comme un montage exorbitant du droit commun. L’article L. 1254-2 du Code du travail N° Lexbase : L7345K9W dispose d’ailleurs que « le salarié porté justifie d’une expertise, d’une qualification et d’une autonomie qui lui "permettent" de rechercher lui-même ses clients et de convenir avec eux des conditions d’exécution de sa prestation et de son prix ». En d’autres termes, c’est le salarié porté qui démarche les entreprises utilisatrices [34]. D’ailleurs, l’alinéa 3 de l’article L. 1254-2 du Code du travail énonce que « l’entreprise de portage n’est pas tenue de fournir du travail au salarié porté ».
Ces considérations qui permettent de différencier le portage salarial du travail intérimaire font ressortir que le portage salarial, notamment dans le cadre d’un CDI, relève par nature d’un contrat d’activité segmentée. Inscrit a priori dans le long terme par le CDI, l’activité du porté sera nécessairement segmentée par la nature de la prestation qu’il apporte au bénéfice de ou des entreprises clientes.
Ainsi, dans le cadre des trois contrats que nous venons d’évoquer rapidement, ils sont mécaniquement, presque obligatoirement le support d’une activité segmentée. Cette dernière repose sur l’objet même des contrats, en d’autres termes sur leur structure. Dans le cadre des contrats d’activité segmentée par destination, ce sont plutôt les utilisations qui en sont faites qui doivent être mises en avant. Les contrats qui vont suivre sont donc le support d’une activité factuellement segmentée.
B. Contrats d’activité segmentée « par destination »
Contours du contrat d’activité segmentée par destination. Les contrats d’activité segmentée par destination mettent également en présence un contrat qui prend en compte le caractère discontinu de l’activité (alternance de périodes travaillées et non travaillées) en procédant à une sorte de fusion des règles issues du CDI et des contrats précaires. Tantôt, le contrat s’inspirera du régime du CDI (contrat de chantier). Tantôt, c’est le CDD qui servira de modèle (intermittent du spectacle et CDD saisonnier). Dans les deux hypothèses, la relation contractuelle va s’installer dans le temps. En d’autres termes, ce n’est pas nécessairement l’objet ou le contenu contractuel au sens strict qui nous mène vers le contrat d’activité segmentée, mais bien plus l’usage qui en est fait. Dès lors, concernant les CDD, ce sont précisément ceux mentionnés à l’alinéa 3 de l’article L. 1242-2 du Code du travail N° Lexbase : L6966LLL qui vont retenir notre attention [35]. L’utilisation de ces contrats, notamment par l’employeur, mais également la mise en place, le cas échéant, d’un régime d’assurance chômage particulier, participe de la création factuelle des contrats d’activité segmentée par destination.
Contrat de chantier. Le contrat de travail de chantier ou d’opération peut être classé dans la catégorie des contrats d’activité segmentée par destination [36]. En effet, il s’agit dans ce cadre d’un CDI, mais qui cesse normalement à la fin du chantier ou une fois l’opération réalisée [37]. Dans ce cas, selon l’article L. 1236-8 du Code du travail N° Lexbase : L8124LGY, la rupture repose sur une cause réelle et sérieuse. La structure même du contrat permet à l’employeur de se « caler » en quelque sorte sur le rythme d’une activité segmentée donc discontinue tout en faisant (soi-disant) bénéficier le salarié d’un contrat dénommé CDI [38]. En pratique, l’employeur qui enchaîne les chantiers, avec une plus ou moins grande période de latence entre eux, va pouvoir reprendre à son service le même salarié [39], tout en pouvant rompre le contrat à la fin de chaque chantier. Ainsi, même s’il ne s’agissait sans doute pas de l’intention première du législateur lorsqu’il a mis en place le contrat de chantier [40], ce dernier permet concrètement à deux parties de nouer durablement une relation pour couvrir une répétition de chantiers différents. Le manque de main-d’œuvre qualifiée récurrent dans ce type de secteur d’activité explique, en partie, ce phénomène [41]. Le CDI de chantier (ou d’opération) dispose dès lors, aux yeux de l’employeur, des vertus de simplicité, sécurité, souplesse, etc.
Intermittent du spectacle. La seconde illustration résulte non pas d’un contrat en lui-même, mais d’une combinaison d’un contrat et d’un statut. En effet, il peut être recouru au CDD d’usage (CDDU), prévu au 3° de l’article L. 1242-2 du Code du travail N° Lexbase : L6966LLL, dans le secteur du spectacle, de l’action culturelle, de l’audiovisuel, de la production cinématographique et de l’édition phonographique. Or, ce contrat à durée déterminée donne pourtant naissance au statut des intermittents du spectacle [42]. En effet, tout repose sur une succession de contrats de travail à durée déterminée d’usage entre lesquels le salarié est couvert par un régime particulier d’assurance chômage prévue par les annexes 8 et 10 du règlement Unédic [43]. C’est grâce à ce régime d’assurance chômage exorbitant du droit commun que la situation des intermittents du spectacle s’inscrit dans un temps long, a minima calqué sur une année d’indemnisation chômage, et qu’elle est amenée à se régénérer chaque année.
De plus, il convient d’avoir à l’esprit que les intermittents du spectacle se placent presque toujours dans une relation dite triangulaire [44] : l’intermittent va fournir sa prestation auprès d’un client [45], qui va verser une somme d’argent à un entrepreneur de spectacles vivants qui en transforme une partie de cette somme en salaire, appelée cachet.
Dès lors, les intermittents du spectacle répondent à des conditions d’emploi particulières, telles que la discontinuité et la multiplicité des employeurs, et c’est le régime d’assurance chômage, autrement appelé le statut des intermittents qui va permettre à cette activité nécessairement segmentée de s’inscrire dans un temps long.
CDD saisonniers. La situation des salariés en CDD saisonniers [46] présente des similitudes, mais également de nombreuses différences avec celles des intermittents du spectacle [47]. L’emploi saisonnier porte sur des tâches appelées à se répéter chaque année selon une périodicité à peu près fixe, en fonction du rythme des saisons ou des modes de vie collectifs [48]. Le CDD saisonnier qui en découle[49] renvoie par évidence à une activité segmentée puisque le temps de la saison est forcément inférieur à une année[50] et entraîne donc nécessairement un emploi discontinu [51]. Mais, par essence, l’activité saisonnière est cyclique et donc amenée à se répéter comme le souligne le législateur. Dès lors, les CDD saisonniers s’inscrivent en fait fréquemment dans un temps long [52].
Ainsi, l’article L. 1244-1 du Code du travail N° Lexbase : L7363K9L autorise la conclusion de contrats de travail à durée déterminée successifs avec le même salarié lorsque le contrat est signé dans le cadre d’un emploi saisonnier. Plus encore, l’alinéa 1er de l’article L. 1244-2 du Code du travail N° Lexbase : L7362K9K dispose que « les contrats de travail à caractère saisonnier définis au 3° de l'article L. 1242-2 peuvent comporter une clause de reconduction pour la saison suivante ». Et l’alinéa 2 du même article de préciser qu’« une convention ou un accord collectif de travail peut prévoir que tout employeur ayant occupé un salarié dans un emploi à caractère saisonnier lui propose, sauf motif réel et sérieux, un emploi de même nature, pour la même saison de l'année suivante ».
Si la valeur juridique et la force contraignante des clauses contractuelles et conventionnelles énoncées ne sont pas au cœur de notre étude [53], il importe à ce stade de nous rappeler que par destination, le CDD saisonnier entre dans la catégorie des contrats d’activité segmentée.
Ainsi, les six mécanismes juridiques susvisés qui exigent un écrit [54] et qui sont parfois particulièrement critiqués [55], reposent sans doute sur des ressorts différents, mais tendent tous vers le même objectif : conférer des moyens juridiques à l’employeur lui permettant d’organiser le travail dans le cadre d’une activité segmentée, temporaire et discontinue tout en bénéficiant d’une relation contractuelle qui peut s’inscrire dans un temps long. Cette caractéristique commune et fondatrice de la nouvelle catégorie de contrats de travail que nous proposons apparaît avec une acuité certaine lorsque l’on se penche sur la temporalité des contrats d’activité segmentée. Pour cela, il convient d’étudier le régime juridique qui leur est applicable.
II. Le régime juridique des contrats d’activité segmentée
Les contrats d’activité segmentée ont pour spécificité de prendre en compte le caractère discontinu de l’activité du salarié, soit dans le cadre d’un contrat unique (contrat d’activité segmentée « par nature »), soit dans celui d’une pluralité de contrats successifs appliqués à une même activité (contrat d’activité segmentée « par destination »). Une telle particularité interroge nécessairement sur des questions relatives à la temporalité propre à ce type de contrat. Les contrats étudiés s’inscrivent en effet tous, en droit ou en fait, dans ce que l’on peut nommer « des temps longs ». Il y a donc obligatoirement, entre les phases d’activité, des périodes que l’on peut nommer d’intermissions [56] (A.). Ces dernières peuvent être « intracontractuelles », mais elles peuvent également résulter de la cessation à intervalles plus ou moins réguliers des différents contrats. Dès lors, se pose, dans cette dernière hypothèse, la question de la cessation des contrats d’activité segmentée (B.).
A. Les intermissions
Dans le cadre des intermissions, donc des périodes non travaillées, l’enjeu majeur pour le salarié est de savoir si et comment il va pouvoir percevoir une rémunération, qu’il s’agisse, selon les cas, d’un maintien du salaire ou du bénéfice d’allocations chômage.
Le régime du CDII : un régime a priori favorable. Évoquer l’hypothèse d’un maintien de rémunération pendant une période d’intermission nécessite avant tout de se pencher sur le CDII. En effet, dans ce cadre, l’agence d’intérim doit, lors des périodes d’inactivité entre deux missions, verser au salarié une rémunération minimale et garantir l’ouverture des droits aux congés payés [57]. Ce régime est financé par la création d’un fonds de sécurisation des parcours des intérimaires (FSPI) [58]. Le mécanisme permettant de rémunérer les périodes d’intermission paraît ainsi favorable au salarié, ou du moins plus favorable que l’ensemble des principes et des règles structurant le contrat de travail intérimaire « classique » ou l’emploi temporaire [59]. Cependant, une médaille a toujours un revers et les inscriptions qui figurent sur cette face sont nombreuses. D’abord, certaines règles spécifiques aux contrats de mission de droit commun ne s’appliquent pas au CDII. Ainsi, le versement de l’indemnité de fin de mission, encore appelée indemnité de précarité, n’est pas dû au détenteur d’un CDII, ce qui peut, en un certain sens, paraître justifié. En revanche, nous comprenons mal pourquoi le salarié se trouve privé de l’indemnité compensatrice de congés payés. En effet, les salariés doivent prendre leurs congés au moment des intermissions, ce qui sonne comme une sujétion aux oreilles de certains d’entre eux. Ensuite, il convient de noter que les intermissions sont rémunérées à condition que le salarié n’ait pas travaillé pour d’autres employeurs durant ces périodes [60].
En fait, l’intérimaire en CDI reste à la disposition de l’employeur. Il est tenu d’accepter les missions proposées par l’entreprise dès lors qu’elles sont compatibles avec les emplois tels que définis au contrat de travail [61]. La proposition d’activité doit également se situer dans un périmètre de mobilité et donner lieu à une rémunération au moins égale à 70 % du taux horaire de la dernière mission. Ainsi, d’une part, le lieu de travail doit se situer à moins de 50 km et moins d’une heure trente de temps de déplacement du domicile du salarié en CDII. D’autre part, cela signifie que mécaniquement, au fil des missions, la rémunération du salarié peut valablement baisser. En somme, si le salarié ne peut avancer un cas légitime de refus sur un des trois points énoncés, ce dernier constitue un motif de licenciement sur le fondement d’une cause réelle et sérieuse voire pour faute grave [62]. Pour éviter cette rupture, le travailleur doit être joignable à des horaires définis par le CDII durant les périodes d’intermissions, ce qui a pu faire dire ou écrire qu’il apparaît, dès lors, un temps nouveau en droit du travail, à savoir le « temps d’emploi » [63]. Il en résulte, pour l’employeur, une main-d’œuvre captive et finalement peu coûteuse [64]. Cela est d’autant plus vrai que le travailleur en CDII doit être particulièrement réactif puisqu’il ne dispose que d’une demi-journée pour aller exécuter ses nouvelles missions [65]. Le CDII relève d’un régime qui apparaît ainsi comme favorable non pas au salarié, mais à l’employeur.
L’accès aux prestations d’assurance chômage. Par essence, un salarié ayant signé un contrat d’activité segmentée se trouve par intermittence et - potentiellement - fréquemment sans emploi, donc dans une situation désavantageuse, mais la prendre en compte affecte les finances du régime d’assurance chômage. Cette situation peut ainsi conduire à des orientations variées selon que l’on a en tête l’impératif de protection ou l’impératif « économique », tant s’agissant de l’étendue des droits que des modalités de financement.
La question des droits [66] - les intermittents du spectacle. S’agissant, en premier lieu, de l’intermittent du spectacle, il suffira ici de rappeler qu’il doit justifier d’au moins 507 heures de travail ou d’heures assimilées au cours des 12 mois qui précèdent la fin du contrat de travail pris en considération pour l’ouverture des droits [67]. Au fond, l’intermittent est un curieux salarié puisque son principal objectif d’un point de vue financier ou économique est d’être reconnu comme un demandeur d’emploi ! Paradoxe à part, il est chômeur, mais en activité. En d’autres termes, il cumule des revenus liés à son activité (les cachets) avec une allocation d’aide au retour à l’emploi [68]. Et il est donc dans l’obligation, chaque mois, de procéder à une actualisation de son dossier sur le site de France Travail.
Contrats de chantier. S’agissant, en deuxième lieu, des contrats de chantier, leur régime juridique laisse apparaître une situation moins favorable. Jusqu’à présent, il était loisible de penser qu’un salarié qui arrive au terme de son contrat d’opération ou de chantier (ou d’un autre contrat d’activité segmentée) et qui refuse un CDI devait être considéré comme ayant néanmoins été involontairement privé d’emploi ce qui permet le versement d’une allocation d’assurance chômage [69]. Cette situation pourrait avoir évolué sous le coup de deux textes du 21 décembre 2022 [70] : le premier est relatif aux CDD. L’article L. 1243-11-1 du Code du travail N° Lexbase : L6943MKD dispose ainsi : « Lorsque l'employeur propose que la relation contractuelle de travail se poursuive après l'échéance du terme du contrat à durée déterminée sous la forme d'un contrat à durée indéterminée pour occuper le même emploi ou un emploi similaire, assorti d'une rémunération au moins équivalente pour une durée de travail équivalente, relevant de la même classification et sans changement du lieu de travail, il notifie cette proposition par écrit au salarié. En cas de refus du salarié, l'employeur en informe France Travail en justifiant du caractère similaire de l'emploi proposé ». Le second concerne les contrats de mission et est rédigé en termes similaires [71]. Dès lors, il convient de se demander si les salariés en contrat d’activité segmentée seront soumis aux mêmes règles. Si tel devait être le cas, France Travail pourrait s’opposer au versement d’une allocation chômage au salarié qui refuse une poursuite de contrat de travail sous la forme d’un CDI à l’issue d’un contrat d’activité segmentée. Une telle possibilité nous paraît très discutable dans la mesure où France Travail forcerait la main du salarié. En effet, sous la menace d’être sans ressources, le salarié pourrait accepter un CDI dont il ne voulait peut-être pas à l’origine. De plus, ce système instaurerait une reconnaissance de fait du contrat d’activité segmentée faisant office de période d’essai au profit de l’employeur. Ce type de question se pose pour l’ensemble des contrats d’activité segmentée, y compris dans le cas de figure du portage salarial.
Portage salarial. Si ce dernier est construit autour d’un CDD, le salarié pourra être pris en charge par France Travail à la suite de la perte involontaire de son contrat de travail, sous réserve bien entendu du respect des conditions d’ouverture des droits fixées par l’assurance chômage [72]. Pourtant, la position de France Travail à l’égard du portage salarial a longtemps été réservée, pour ne pas dire négative [73]. Tout comme les intermittents du spectacle qui peuvent parfois faire face à des conseillers France Travail tâtillons et extrêmement zélés [74], les salariés portés sont parfois considérés comme des « passagers clandestins », au regard notamment des règles de financement et d’équilibre de la Sécurité sociale et du régime d’assurance chômage [75]. À vrai dire, par ce biais, il s’agit surtout de refuser de considérer les portés comme des salariés. Pour autant, il n’est sans doute pas de la compétence de France Travail de trancher la question du statut de salarié ou d’indépendant du porté, et dans l’hypothèse d’un contrat conclu pour une durée déterminée, ce dernier alternera les périodes travaillées et les périodes chômées. Et qui dit périodes chômées, dit, a priori, chômage. Il y a donc dans notre cas de figure, selon les modalités de droit commun, versement d’allocations chômage. La question est alors plutôt de savoir si, à l’instar des intermittents du spectacle, les portés ne devraient pas bénéficier d’un régime d’assurance chômage spécifique [76].
Lorsque l’opération de portage est établie pour une durée indéterminée, le salarié ne peut pas bénéficier d’allocation d’aide au retour à l’emploi lors des périodes sans prestations à une entreprise cliente, alors même que ces dernières ne sont pas rémunérées [77]. Mais il a alors accès à un dispositif original [78]. La convention collective du portage salarial [79] a prévu la constitution d’une réserve financière sur le compte d’activité du salarié porté. En vertu de l’article 21.3 de cette convention, le salarié porté voit, chaque mois pendant lesquels il est en activité auprès d’un client, son compte d’activité abondé par une provision correspondant à 10 % de son salaire. Il s’agit d’une somme d’argent qui n’affecte pas le montant de son salaire mensuel. Il est à noter que le versement de ce que les partenaires sociaux nomment une « allocation prospection [80] », c’est-à-dire le montant de cette provision, se fait sauf demande contraire du salarié et dans la limite de trois mois [81]. En d’autres termes, le salarié porté a tout intérêt à ce que les périodes d’intermission ne dépassent pas trois mois, car il aura sinon dans ce cas, épuisé sa provision. Et il va de soi que le montant de cette allocation prospection dépend du niveau de salaire de base du porté et de la durée pendant laquelle il a été en mission précédemment [82]. La situation du porté en CDI est donc moins enviable, de ce point de vue, de celle du porté en CDD puisque ce dernier est susceptible, durant les périodes interstitielles, de percevoir les allocations chômage de droit commun. Ne faudrait-il donc pas aligner le régime des portés en CDI sur celui des portés en CDD ?
Contrat de travail intermittent. Enfin, s’agissant des contrats de travail intermittent, l’alinéa 1er de l’article L. 3123-34 du Code du travail N° Lexbase : L6916K9Z, dispose que « le contrat de travail intermittent est un contrat à durée indéterminée ». Et pour rappel, l’alinéa 2 du même texte énonce qu’« il peut être conclu afin de pourvoir un emploi permanent qui, par nature, comporte une alternance de périodes travaillées et de périodes non travaillées » [83]. Une double conséquence découle de l’analyse des deux alinéas. D’une part, les périodes non travaillées ne sont pas rémunérées par l’employeur, même si elles sont prises en compte au titre de l’ancienneté [84]. D’autre part, ces mêmes périodes ne sont pas indemnisées au titre du chômage [85]. Le salarié se trouve donc dans une situation inconfortable d’un point de vue financier puisqu’il est durant les périodes dites d’intermission ou interstitielles, sans ressources. Néanmoins, il existe un mécanisme facultatif de lissage de la rémunération sur l’année du travailleur en contrat de travail intermittent [86]. Cette possibilité n’est offerte aux salariés qu’à la condition qu’un accord collectif de travail ou le contrat de travail le prévoit [87]. Le mécanisme revient dans les faits à une forme d’annualisation du temps de travail ou à une forme de travail à temps partiel.
La question du financement des prestations d’assurance-chômage. Le salarié en contrat de chantier ou d’opération se trouve dans une situation comparable, en ce qui concerne le régime d’assurance chômage, au salarié en intérim ou en CDD. En d’autres termes, c’est le régime que l’on peut qualifier de droit commun qui s’applique dans ce cas, et il n’est pas dans nos ambitions d’en faire une présentation générale [88]. Néanmoins, ces derniers contrats, à l’instar des contrats de mission ou des CDD, pèsent lourdement sur les finances de l’Unédic [89]. Or, l’alinéa 1er de l’article L. 5422-12 du Code du travail N° Lexbase : L2127MGU dispose que « les taux de contributions et de l’allocation sont calculés de manière à garantir l’équilibre financier du régime ». Ainsi, le taux de contribution de chaque employeur est minoré ou majoré en fonction de différents éléments dont la nature du contrat de travail, sa durée ou le motif de recours. Ce système que l’on nomme « bonus-malus » a fait couler beaucoup d’encre [90]. En d’autres termes et en ce qui nous concerne plus directement, le traitement par France Travail des salariés en contrats d’activité segmentée est lourd et coûteux, bien plus, avec certitude, que celui des salariés en CDI [91].
L’illustration du propos la plus évidente relève du régime des intermittents du spectacle et résulte en partie du phénomène de « permittence » [92]. Les annexes 8 et 10 de la Convention Unédic sont structurellement déficitaires [93], ce que la Cour des comptes pointe du doigt depuis des lustres [94]. Mais, le paramètre de son coût ne peut pas être le seul point d’entrée de son étude. D’ailleurs, le régime des intermittents du spectacle peut servir de boussole pour un certain nombre de salariés en contrat d’activité segmentée. Nous pensons principalement aux salariés soumis à un contrat de travail intermittent [95]. Certains pensent qu’un alignement du régime des intermittents sur celui des intérimaires aurait des vertus notamment pour lutter contre le phénomène de « permittence » [96], alors même que l’annexe 4 qui est relative aux salariés en contrat de mission est elle aussi largement déficitaire [97]. D’autres estiment que les allocations chômage des intermittents devraient suivre une tarification différenciée selon le compte assurantiel de l’employeur, à l’aune de ce qui est pratiqué pour les accidents du travail et les maladies professionnelles [98]. Ce qui est certain, c’est qu’aujourd’hui, le coût du statut des intermittents est couvert par la solidarité interprofessionnelle, c’est-à-dire que l’Unédic supporte le déficit chronique du régime [99]. Il n’est dès lors pas illogique de considérer que les ressources de l’assurance-chômage permettent de financer une politique culturelle qui devrait relever de l’État et donc de l’impôt [100].
Vers un régime harmonisé pour les contrats d’activité segmentée ? Pour autant, sur la base de ce postulat, une question doit être soulevée. Comment financer le régime d’assurance chômage dès lors garanti ? Selon nous, les contrats d’activité segmentée devraient intégrer la catégorie des contrats courts [101]. Cela permettrait de leur appliquer le mécanisme du « bonus-malus » sur la contribution chômage [102]. Car ce sont en définitive les employeurs qui choisissent de recourir à ce type de contrats, en raison des avantages économiques qu’ils en retirent. Il n’est donc pas déraisonnable de penser que ce sont ces mêmes employeurs qui doivent prendre en charge au moins une partie du coût ou plutôt du surcoût que le traitement de ce type de contrats engendre [103]. Cette remarque nous paraît devoir être faite pour l’ensemble des contrats d’activité segmentée, y compris les CDDU des intermittents du spectacle. En effet, une sur-contribution assurance chômage appliquée aux entreprises de spectacles vivants est possible même si cela peut avoir un impact sur le prix des prestations. En d’autres termes, ce n’est pas en premier lieu à l’Unédic de combler le déficit engendré par l’utilisation des contrats d’activité segmentée, mais aux utilisateurs, donc aux employeurs [104].
B. Les cessations des contrats d’activité
Les cessations des contrats d’activité segmentée s’inspirent soit des règles du CDD, soit des règles du CDI.
1) Le recours au modèle du CDD
Les règles du CDD offrent au salarié un triple niveau de protection potentiel, dont les contrats d’activité segmentée fournissent des illustrations plus ou moins originales, et plus ou moins discutées.
Le respect du terme : l’exemple du portage. La rupture anticipée du CDD de portage salarial répond aux exigences du droit commun que celle-ci relève de l’initiative du salarié ou de l’employeur, ce qui n’appelle donc pas de remarques particulières [105]. En revanche, il est utile de se souvenir que l’opération de portage est triangulaire et qu’au cours de cette dernière, le contrat de prestation de service peut être rompu. En d’autres termes, et les raisons peuvent être multiples, l’entreprise cliente peut rompre le contrat qui la lie à l’entreprise de portage ce qui est potentiellement préjudiciable pour le salarié porté. Fort heureusement selon nous, l’article L. 1254-8 du Code du travail N° Lexbase : L3528I88 dispose que « la seule rupture du contrat commercial de prestation de portage salarial n'entraîne pas la rupture du contrat de travail du salarié. L'entreprise de portage salarial est redevable de la rémunération due au salarié porté correspondant à la prestation réalisée dans les conditions prévues aux articles L. 1254-15 et L. 1254-21 » [106]. En d’autres termes, lorsque l’entreprise cliente met fin à sa relation commerciale avec l’entreprise de portage salarial, cette dernière ne peut pas se retrancher derrière un cas de force majeure pour rompre de manière anticipée et légale le CDD du salarié porté. L’analogie avec la situation de l’intérim est évidente. En effet, en vertu de l’article L. 1251-27 du Code du travail N° Lexbase : L1573H97, « la rupture du contrat de mise à disposition ne constitue pas un cas de force majeure ».
La requalification : l’exemple du CDDU. Le phénomène de « permittence », rencontré chez les intermittents du spectacle [107], est susceptible de heurter l’article L. 1242-1 du Code du travail N° Lexbase : L1428H9R qui dispose qu’« un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise ». Ainsi, sur ce fondement, un employeur ayant conclu un ou plusieurs CDDU n’est pas à l’abri d’une requalification en CDI [108]. Il en découle nécessairement, dans cette hypothèse, que le régime de fin des CDD est remplacé par celui des CDI. En d’autres termes, le salarié va donc bénéficier du droit du licenciement [109]. Pour autant, les deux régimes ne sont pas obligatoirement incompatibles. En effet, si l’employeur a mis fin au CDDU par une lettre de rupture, celle-ci peut valoir lettre de licenciement. Et cette dernière peut ainsi contenir des motifs propres à justifier de l’existence d’une cause réelle et sérieuse voire d’une faute grave. En somme, sur le fond, le licenciement ne sera pas systématiquement injustifié.
La reconduction : l’exemple du CDD saisonnier. Il va de soi que le CDD saisonnier cesse à l’arrivée du terme fixé au contrat ou lorsque l’objet pour lequel il a été conclu est réalisé [110]. Et la rupture anticipée de ce CDD peut intervenir, comme de coutume si l’on ose écrire, à la suite d’un accord des parties, d’une faute grave de l’employeur ou du salarié, d’un cas de force majeure ou d’une inaptitude constatée par le médecin du travail [111]. Ainsi, ce n’est pas tellement la cessation du CDD saisonnier qui est remarquable, mais plutôt sa non-cessation ou plus précisément sa reconduction. En effet, et c’est une particularité fondamentale, il est possible de conclure des contrats saisonniers successifs avec le même salarié, sans prendre de risque important de voir les contrats requalifiés en CDI [112]. Cette situation, qui nous semble en opposition directe avec le principe général issu de l’article L. 1242-1 du Code du travail, visé plus haut, est rendue encore plus complexe de par les clauses de reconduction existantes [113]. Mais la Cour de cassation a pu énoncer que « la reconduction de contrats saisonniers en application d’un mécanisme conventionnel n’a pas pour effet d’entraîner la requalification de la relation de travail en un contrat à durée indéterminée ; qu’il en résulte qu’en cas de non-reconduction du dernier contrat saisonnier sans motif réel et sérieux, seuls des dommages-intérêts réparant le préjudice subi par le salarié peuvent être octroyés par le juge » [114]. Cependant, cette interprétation est contestable et d’ailleurs contestée [115]. En effet, certaines clauses conventionnelles pourraient, de par leurs formulations, être considérées comme mettant en place une véritable garantie d’emploi, ce qui améliorerait considérablement la situation du saisonnier qui pourrait alors, en cas de non-respect de celle-ci, obtenir le paiement des salaires qui lui auraient été versés s’il avait été reconduit dans ses fonctions.
2) Le recours au modèle du CDI
La rupture du CDI suppose évidemment un motif. Les contrats d’activité segmentée fournissent des illustrations originales de ce motif, parfois favorables, mais plus souvent défavorables au salarié.
L’obligation de fournir du travail : cas du CDI intermittent. Le contrat de travail intermittent est le premier des contrats d’activité segmentée auquel il est appliqué les règles de cessation du CDI. Rappelons que l’article L. 3123-34 du Code du travail N° Lexbase : L6916K9Z dispose que « le contrat de travail intermittent est un contrat à durée indéterminée ». Dès lors, en l’absence de dispositions spécifiques à la cessation ou rupture du contrat de travail intermittent, nous en déduisons que ce sont bien les règles du droit commun relatives aux CDI qui viennent régir la question [116]. Par ailleurs, puisqu’il s’agit d’un CDI, mais qu’en outre, le contrat de travail intermittent est un contrat d’activité segmentée par nature [117], tout risque d’une quelconque requalification paraît écarté. Pourtant, il est intéressant de relever que le contrat de travail intermittent (qui est donc un CDI), peut néanmoins être requalifié par le juge en CDI de droit commun à temps complet [118]. Cela est le cas, par exemple, en l’absence d’une convention collective ou d’un accord collectif prévoyant l’existence du contrat de travail intermittent ou en l’absence de définition des périodes travaillées et non travaillées dans ledit contrat [119]. Or, dans l’hypothèse d’une telle requalification, il peut être reproché à l’employeur de ne pas avoir fourni de travail à son salarié pendant certains laps de temps correspondant aux périodes non travaillées du pseudo-contrat de travail intermittent. La question se pose alors de savoir si, par exemple, un salarié pourrait prendre acte de la rupture de son contrat de travail sur ce fondement. Nous savons que les Hauts magistrats ont considéré que l’absence de fourniture de travail pendant les périodes non travaillées ayant pour origine un contrat de travail intermittent illicite justifie une action en résiliation judiciaire du contrat de travail ou une requalification en licenciement sans cause réelle et sérieuse d’une prise d’acte du contrat de travail [120]. N’oublions pas, néanmoins, que les manquements de l’employeur à ses obligations ne justifient pas nécessairement que la rupture lui soit imputable lorsque les manquements n’ont pas empêché la poursuite du contrat de travail [121].
L’obligation de chercher du travail ? Le cas du portage. L’alinéa 2 de l’article L. 1254-19 du Code du travail N° Lexbase : L3504I8B énonce, en substance, que le droit du licenciement prévu au titre 3 du livre 2 dudit code est applicable au salarié porté embauché par CDI [122]. Dès lors, il pourrait sembler que c’est le régime du licenciement de droit commun qui s’applique à ces derniers [123]. Pourtant, il convient de se souvenir que, dans ce cadre, l’entreprise de portage n’est pas tenue de fournir du travail au salarié [124]. Nous pensons ainsi que si le salarié porté n’apporte pas son client à l’entreprise de portage, celle-ci n’embauchera pas ledit salarié [125]. Sur ce même schéma, il n’est pas incohérent de croire que l’entreprise de portage soit tentée de mettre fin au CDI du salarié porté si ce dernier a perdu son client et s’il n'en retrouve pas. En d’autres termes, se pose la question de savoir si l’absence de fourniture de travail par le salarié constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement, auquel cas, il s’agirait d’une pré-constitution de motif de licenciement [126]. La question est d’autant plus légitime que l’employeur peut aisément insérer dans le contrat de travail du salarié porté une clause d’objectifs, qui ferait reposer sur le seul salarié, les risques économiques de l’absence de missions [127].
Les partenaires sociaux se sont penchés sur la question. L’article 22.3 de la Convention collective du 22 mars 2017 stipule ainsi : « si au terme d'une période d’un mois de prospection, le salarié porté n'a pas conclu de nouvelle prestation et demeure sans activité, l'employeur pourra engager une procédure de licenciement, sous réserve de l'application des dispositions de l'article L. 1232-1 du Code du travail relatif à la nécessité d'existence d'une cause réelle et sérieuse. En effet, en cas d'inactivité prolongée, le salarié porté ne satisfait plus aux conditions de l'article 2 de la présente convention définissant les critères attachés au salarié porté, notamment la capacité à rechercher sa clientèle induite par le critère de l'autonomie » [128]. L’expiration du délai d’un mois prévu par le texte ne constitue donc pas en elle-même une cause réelle et sérieuse de licenciement. Cependant, les partenaires sociaux laissent ensuite clairement entendre qu’en présence d’un CDI, l’absence prolongée de clientèle apportée par le porté est contraire à l’essence même du portage salarial.
Cette approche du licenciement en présence d’un salarié porté en CDI n’a pas, à notre connaissance, prospéré en jurisprudence. Comme nous le savons, la Chambre sociale de la Cour de cassation retient une conception du portage salarial qui n’admet pas que le porté soit dans l’obligation d’apporter sa prestation de travail [129]. Le fait de ne pas trouver de client, y compris, au-delà d’un délai d’un mois, ne constitue donc pas en soi une cause réelle et sérieuse de licenciement [130]. La pré-justification du licenciement n’existe donc, dans le cadre du portage salarial en CDI, qu’en théorie. En présence d’un contrat de chantier, la théorie devient pratique.
La disparition du travail : cas du contrat de chantier. Le contrat de chantier (ou d’opération), aurait pu être, à l’instar du contrat de projet dans la fonction publique, un CDD [131]. Dans cette hypothèse, le salarié aurait bénéficié de la relative stabilité liée à l’exécution de ce type de contrat[132]. Mais, sans doute à la suite des instigations des organisations patronales, le législateur, à l’alinéa 3 de l’article L. 1223-8 du Code du travail N° Lexbase : L8018LG3, a préféré énoncer que ce contrat est conclu pour une durée indéterminée [133]. Il en découle que le contrat de chantier peut être rompu selon les règles du droit commun applicable au CDI [134]. Néanmoins, ce sont les particularités de la rupture de ce contrat qui nous intéressent dans le cadre de cette étude [135]. Deux textes doivent ici être mobilisés : primo, l’alinéa 1 de l’article L. 1236-8 du Code du travail N° Lexbase : L8124LGY qui dispose que « la rupture du contrat de chantier ou d'opération qui intervient à la fin du chantier ou une fois l'opération réalisée repose sur une cause réelle et sérieuse ». Secundo, l’article L. 1223-9 du même code N° Lexbase : L7302LHW qui énonce que la convention ou l’accord collectif (qui établit les conditions dans lesquelles il est possible de recourir au contrat de chantier) fixe, notamment, « les modalités adaptées de rupture de ce contrat dans l'hypothèse où le chantier ou l'opération pour lequel ce contrat a été conclu ne peut pas se réaliser ou se termine de manière anticipée ». Un auteur a pu écrire que la loi distingue une fin de chantier « normale » issue du premier texte, d’une fin de chantier « anormale » dans l’hypothèse du second texte [136]. Mais les deux articles se rejoignent dans le sens où il s’agit à chaque fois de reconnaître et d’organiser une pré-justification du motif du licenciement [137].
Cette situation suscite, a minima, deux remarques [138] : la première, tient au choix du législateur de soumettre les ruptures ainsi pré-définies aux règles relatives au licenciement pour motif personnel. En effet, qu’il s’agisse de la fin du chantier, de la réalisation de l’opération, d’un chantier qui ne peut se réaliser ou qui se termine de manière anticipée, à chaque fois, la cause du licenciement est extérieure au salarié. En d’autres termes, un début de rigueur juridique aurait dû conduire le législateur à appliquer, dans ces hypothèses, les règles du licenciement pour motif économique. Sans entrer dans de longs développements, il est aisé de comprendre que ce choix aurait été préférable pour le salarié [139]. La seconde tient au caractère antinomique de la qualification juridique de CDI affublée au contrat de chantier [140]. Ce dernier est à durée indéterminée, mais contient un terme à l’instar d’un CDD [141]. Certes, l’employeur peut ne pas licencier le salarié, par exemple, à la fin du chantier, mais alors, comme le CDD dans le même cas de figure, celui-ci sera requalifié en CDI [142]. Il y aura donc ici requalification en CDI de droit commun d’un CDI exorbitant du droit commun [143].
En dehors de cette hypothèse, le contrat de chantier relève, si l’on ose écrire, de la chronique d’une mort annoncée. Dès le départ, les deux parties savent que le contrat va cesser au moment défini par l’article L. 1236-8 N° Lexbase : L8124LGY ou L. 1223-9 N° Lexbase : L7302LHW du Code du travail. Rien n’est plus juste que d’écrire qu’il s’agit d’un CDD déguisé [144]. Le but étant d’écarter, d’une part, les règles du CDD, et d’autre part, les règles du licenciement pour motif économique, qui peuvent être, dans les deux cas, protectrices des intérêts du salarié [145].
La rupture ou le non-renouvellement de l’ensemble des contrats d’activité segmentée étudiés renvoi à deux contrats : celui du CDI et du CDD. Cet éventail qui semble n’avoir guère de cohérence répond, selon nous à une logique identique. Il s’agit dans les choix opérés par le législateur de privilégier autant que possible la position de l’employeur. Les règles relatives à la cessation du contrat de chantier sont, à ce titre, significatives.
La Chambre sociale de la Cour de cassation vient pourtant, dans certains cas, ériger des garde-fous, à grand renfort notamment de diverses requalifications. L’effort est louable, mais est-il suffisant ? L’entrepreneur avisé dispose d’un tel panel de contrats d’activité segmentée qu’il se retrouve, en quelque sorte, dans la position d’un consommateur faisant son marché. Il lui est loisible de choisir pour chaque situation et pour chaque besoin, le contrat le mieux adapté à ses exigences et à ses volontés. Difficile de l’en blâmer, ce n’est évidemment pas l’entrepreneur qui établit les règles applicables à ces différents contrats.
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L’avenir des contrats d’activité segmentée ne paraît pas en danger. Nombre de groupes de réflexion, de laboratoires d’idées, bref de « think tank », militent pour une extension et un développement de ces contrats [146]. Ce sont d’ailleurs souvent les mêmes, paradoxe à part, qui défendent les vertus du statut d’indépendant ou de la micro-entreprise [147].
Pourtant d’autres voix se font entendre. Le groupe d’universitaires du GR-PACT propose, outre de fusionner le contrat de travail intermittent et le temps partiel annualisé, de fondre le CDD dans le CDI [148]. En d’autres termes, exit les contrats d’activité segmentée et les CDD. Ils sont remplacés par la possibilité de conclure une clause de durée initiale, à l’achèvement de laquelle un droit du licenciement simplifié est appliqué [149]. Cette clause ne pourrait être stipulée que pour la réalisation d’une tâche précise et dont l’objet est par nature temporaire, pour le remplacement d’un salarié absent, pour un surcroît temporaire d’activité.
Ce type de propositions est le bienvenu. Car, inutile de se leurrer, les contrats d’activité segmentée permettent une flexibilité accrue sans accorder une majoration de sécurisation professionnelle. En d’autres termes, ces contrats affaiblissent le génome du CDI [150]. Or, il nous paraît plutôt opportun de renforcer ce dernier. La piste de la garantie d’emploi est à creuser, en prenant comme exemple le contrat d’apprentissage à durée indéterminée [151].
Les travaux sur les contrats de travail ne sont donc pas près de s’arrêter, mais il nous semble que ceux-ci peuvent se cantonner à trois types de conventions : le CDI, les contrats précaires et le contrat d’alternance [152]. Ainsi, nous pensons que les contrats d’activité segmentée, aussi rapidement que nous avons tenté d’en créer une catégorie juridique, devraient être, au moins en partie, supprimés.
[1] Voir les statistiques de l’INSEE pour 2022 [en ligne]. En moyenne, 72,4 % des hommes et femmes en emploi en 2022, disposaient d’un CDI, contre 8,1 % pour le CDD. Les proportions s’inversent si on observe la part des CDD et des CDI dans les embauches. Voir également Partageons l’éco, Évolution de la part des CDI/CDD, 1993 à 2019 (Graphique), 26 octobre 2020 [en ligne].
[2] Voir par exemple : J. Fourastié, Les trente glorieuses (ou la révolution invisible de 1946 à 1975), Paris, Fayard, Coll. sciences humaines, 1979, 306 p..
[3] Voir en ce sens : F. Hafied, Marché du travail : pour la réforme, Fondation pour l’innovation politique, Fondapol.org, juillet 2017, 65 p. [en ligne].
[4] Voir entre autres les propos d’Alain Supiot, Vers un nouveau statut social attaché à la personne du travailleur ?, Dr. ouvrier, 2015, p. 582 ; J. Dirringer et D. Gravouil, Le régime des intermittents du spectacle : le régime du salariat de demain ?, RDT, 2019, p. 612. Concernant la génération « Z », voir notamment : A. Martinon, Propositions et évolutions sur l’emploi, JCP S, 2022, n° 14, 1106.
[5] V. notamment la thèse de Guy Poulain, La distinction du contrat de travail à durée déterminée et indéterminée. Essai pour un statut unique de la résiliation du contrat de travail, Paris, LGDJ, préf. H. Sinay, Bibliothèque d’ouvrages de droit social, tome XIV. Pour une approche historique du CDD, voir entre autres : F. Bousez, Les contrats de travail à durée déterminée, Paris, LexisNexis, 2015, pp. 2 et s..
[6] Selon les termes de l’article L. 1242-1 du Code du travail N° Lexbase : L1428H9R.
[7] Voir respectivement les articles L. 1242-8-1 N° Lexbase : L8106LGC, L. 1243-13-1 N° Lexbase : L8022LG9 et L. 1244-3-1 N° Lexbase : L8023LGA du Code du travail.
[8] Voir en ce sens : G. Saincaize, Les mises à disposition de salariés, PU d’Aix-Marseille, Coll. du centre de droit social, préf. B. Teyssié, 2009, pp. 20 et s..
[9] Voir pour une présentation assez exhaustive des contrats de travail : Rapport du conseil d’orientation pour l’emploi, L’évolution des formes d’emploi, 8 avril 2014 [en ligne]. Il s’agit d’un phénomène de diversification contractuelle qui n’est pas propre au droit du travail. Voir par exemple : D. Houtcieff, Droit des contrats, Paris, Bruylant, coll. Paradigme, 8ème éd., 2023, p. 110 et s. notamment ; P. Malaurie, L. Aynes, P-Y. Gautier, Droit des contrats spéciaux, Paris, LGDJ, coll. droit civil, 10ème éd., 2018, p. 15 et s..
[10] Voir S. Michel, Pour un contrat unique d’alternance, JCP S, 2021, n° 28, 1181.
[12] Voir J. Ellul, La technique : l’enjeu du siècle, Paris, Armand Colin, coll. sciences politiques, 1954.
[13] Un auteur a pu écrire à juste titre que « les entreprises ont moins besoin d’un nombre élevé de chemins sur lesquels s’engager que d’une route dégagée et d’une visibilité réelle » (G. Saincaize, ouv. préc., p. 59).
[14] Un des rôles du juriste n’est-il pas d’ordonner, de ranger, de « catégoriser » ?
[15] Le salarié enchaîne les périodes de travail et de « non-travail ».
[16] Même s’il peut être, à juste titre, soutenu que l’emploi est plutôt le support du contrat. Voir : D. Baugard, Le CDI, un contrat sans terme ?, Dr. ouvrier, 2019, p. 581. Voir également, du même auteur : Le développement de la précarité subordonné à la négociation collective : CDD, contrats de mission et « contrats de chantier », Dr. ouvrier, 2018, p. 1.
[17] Voir notamment : D. Baugard, B. Coquet et E. Heyer, Controverse : quels instruments juridiques pour limiter le recours aux contrats courts ?, RDT, 2019, p. 452.
[18] A. Lyon-Caen, Intérim permanent, RDT, 2014, p. 297.
[19] Voir : D. Baugard, Bref regard sur le formalisme des contrats de travail dérogatoires, CSBP, n° 255, septembre 2013, n° 111f2 ; L. Casaux-Labrunée, Le contrat de travail au défi du portage salarial, Dr. ouvrier, 2011, p. 424.
[20] Voir F. Bousez, Le CDI intérimaire, CSBP, n° 255, septembre 2013, n° 111d9.
[21] J. Icard, La notion de « fin de chantier » en question, Bull. Joly Travail, juin 2019, p. 14.
[22] G. Bargain et M. Ferraci, Le CDI intérimaire : outil de sécurisation ou de flexibilité ?, RDT, 2014, p. 522.
[23] Certes d’autres terminologies peuvent être et seront peut-être proposées à l’avenir. Nous pensons néanmoins que le vocable retenu est suffisamment explicite tout en restant simple à appréhender.
[24] Voir respectivement : F. Canut, Distinction entre contrat de travail intermittent et annualisation du temps de travail, RDT, 2015, p. 122 ; J.-F. Cesaro, Le contrat de travail à temps partiel et le contrat de travail intermittent, JCP S, 2013, n° 26, 1270, p. 22. Voir également : Cass. soc., 28 mai 2014, n° 13-12.087, F-P+B N° Lexbase : A6222MP7, JCP S, 2014, n° 41, 1387, note M. Morand ; Cass. soc., 24 janvier 2024, n° 22-20.328, F-D N° Lexbase : A22662HE.
[25] Voir à propos d’un conducteur accompagnateur de transport spécialisé de personnes handicapées : Cass. soc., 7 juin 2023, n° 22-10.125, FS-B N° Lexbase : A69179YT, JCP S, 2023, n° 30-34, 1209, note G. de Raincourt.
[26] Circ. DRT n° 2000-03, Liaisons Sociales, Les thématiques, n° 79, 1er juin 2020, n° 58 (caractéristiques du travail intermittent).
[27] Voir C. trav., art. L. 1251-58-5 N° Lexbase : L9796LLE.
[28] Voir par exemple : S. Tournaux, Le CDI intérimaire : histoire d’un hors-la-loi protégé par…la loi, Droit social, 2018, p. 810.
[29] Voir C. trav., art. L. 1251-58-3 N° Lexbase : L9794LLC.
[30] Voir notamment : Ch. Willmann, Le portage salarial, ce mal-aimé (à propos de l’ordonnance n° 2015-380 du 2 avril 2015), Droit social, 2015, p. 416.
[31] 200 000 salariés seraient portés en 2023, selon les derniers chiffres avancés par certains. Voir M. Laliat, Les chiffres clés du portage salarial en France, RH Solutions, 2 décembre 2022 [en ligne].
[32] B. Kantorowicz, Portage salarial, J.-Cl. Travail Traité, Fasc. 3-22, points clés.
[33] B. Kantorowicz, Portage salarial, J.-Cl. Travail Traité, Fasc. 3-22, n° 1.
[34] La différence entre le portage salarial et le travail temporaire est ici évidente. Dans le cadre de l’intérim, c’est l’entreprise de travail temporaire qui trouve au salarié l’entreprise utilisatrice. Voir les articles L. 1251-1 N° Lexbase : L6248IE7 et s. du Code du travail.
[35] Nous mettons ainsi de côté les CDD liés à l’accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise qui est, par essence, conjoncturelle et n’est donc pas amenée à se répéter ou du moins à s’inscrire dans un temps long. Il en va, selon nous, de même pour les CDD relatifs au remplacement d’un salarié.
[36] Voir entre autres : F. Bousez, CDD à durée indéterminable ? et CDI d’opération à durée limitée ?, JCP S, 2017, n° 41, 1316 ; L. Gamet et L. Aluome, Le contrat de travail de chantier ou d’opération, JCP S, 2017, n° 45, 1355.
[37] Un rapprochement peut être opéré avec le contrat de mission à l’exportation prévu à l’article L. 1236-7 du Code du travail N° Lexbase : L1385H98 et qui dispose que « la rupture à l'initiative de l'employeur du contrat de mission à l'exportation prévu à l'article L. 1223-5 est soumise aux dispositions du chapitre II relatives au licenciement pour motif personnel ».
[38] Voir la liste des contrats de travail sur le site du ministère du Travail, du Plein emploi et de l’Insertion [en ligne].
[39] Selon nous, un employeur a naturellement tendance à embaucher à nouveau un salarié qui lui aura donné satisfaction.
[40] L’objet du contrat de chantier est de préconstituer légalement la cause réelle et sérieuse de licenciement (la fin de chantier). Cf. infra II. de cette contribution.
[42] Voir par exemple : P.-M. Menger, L’employeur, le salarié et l’assureur dans l’hyperflexibilité contractuelle : les intermittents du spectacle, Droit social, 2004, p. 825.
[43] Voir par exemple : T. Lahalle, La réforme de l’assurance chômage, JCP S, 2019, n° 47, 1333.
[44] Il est à noter qu’un intermittent du spectacle peut évidemment être un artiste au sens large du terme, mais également un technicien, ou un chargé de production / chargé de diffusion, etc. La différence est d’importance, car ce sont deux annexes différentes de l’assurance chômage qui couvrent les deux catégories de salariés.
[45] Le client peut être, par exemple, une entreprise, une association, une collectivité publique, etc.
[46] Nous pouvons y adosser le contrat vendanges prévu aux articles L. 718-4 N° Lexbase : L0098IBA et suivants du Code rural et de la pêche maritime. Voir sur ce point : N. Olszak, Le contrat vendanges, Droit social, 2005, p. 839 ; C. Roy-Loustaunau, Le contrat vendanges : ses difficultés ?, Droit social, 2011, p. 1031 ; S. Tournaux, Le contrat de vendanges : un contrat saisonnier comme les autres !, Lexbase Social, octobre 2010, n° 413 N° Lexbase : N4260BQT.
[47] Pour l’étude de ce parallèle, voir par exemple : D. Pallantza, Les possibilités d’évolution du contrat de travail, Juris Tourisme, 2019, n° 219, p. 30. Un parallèle peut également être opéré entre le CDD saisonnier et le contrat de travail intermittent. Voir entre autres : S. Tournaux, Contrats saisonniers et stipulations conventionnelles, Lexbase Social, juillet 2015, n° 620 N° Lexbase : N8344BUL.
[48] Voir C. trav., art. L. 1242-2, 3° N° Lexbase : L6966LLL. Pour une présentation générale du CDD saisonnier, voir par exemple : D. Castel, Hommes et professions - emploi et insertion - L’emploi à durée déterminée dans les secteurs du tourisme, Juris Tourisme, 2022, n° 258, p. 40 ; N. Dauxerre, Le contrat de travail à durée déterminée saisonnier, JCP S, 2023, n° 30-34, 1207 ; A. Maulin, Le statut des saisonniers, Juris Tourisme, n° 271, p. 29.
[49] Et qui est soumis à un régime dérogatoire des autres CDD. Par exemple, le CDD saisonnier peut être conclu à terme non fixe (C. trav., art. L. 1242-7, 4° N° Lexbase : L7364K9M) et permet, à l’instar du CDDU, l’exclusion du versement de l’indemnité de précarité en fin de contrat. Voir sur ce dernier point : Cons. const., décision n° 2014-401 QPC du 13 juin 2014 N° Lexbase : A5440MQK, CSBP, septembre 2014, n° 266, n° 114e3, p. 505, avec la critique acerbe et justifiée de J. Icard.
[50] Sous peine de requalification du CDD saisonnier en CDI. Voir par exemple : Cass. soc., 17 septembre 2008, n° 07-42.463, F-P N° Lexbase : A4087EAM, Juris Tourisme, 2008, n° 103, p. 11 ; Cass. soc., 24 juin 2015, n° 13-25.761, FS-P+B N° Lexbase : A0024NMT, CSBP, octobre 2015, n° 278, p. 505, obs. F. Canut, interprétation d’une clause conventionnelle relative aux CDD saisonniers couvrant toute la période d’ouverture de l’établissement. Voir également : Y. Leroy, Qui a dit qu’il n’y avait plus de saisons ? Variations sur le contrat saisonnier, BSFL, 7/2012, p. 381.
[51] Du moins avec le même employeur dans le cadre d’une même activité saisonnière. Un salarié peut parfaitement « enchaîner les saisons », à la montagne (en hiver) puis à la plage (en été) par exemple, en signant successivement différents CDD saisonniers.
[52] Il est à noter qu’une proposition de loi visant à renforcer l’attractivité du travail saisonnier dans les secteurs de l’hôtellerie et de la restauration (HCR), déposée devant l’Assemblée nationale, vise notamment à proposer aux saisonniers un CDI sur la totalité de l’année à temps plein. La rémunération serait exonérée de cotisations sociales sur la période de fermeture de l’entreprise. La période non travaillée (mais donc payée) serait l’occasion de la prise des congés payés, des récupérations (car il y aurait des dérogations accordées par rapport à la durée du travail lors des périodes travaillées) et le suivi d’actions de formation. Voir : Juris Tourisme 2023, n° 264, p. 10.
[53] Voir sur ce point : F. Bousez, De quelques mesures limitées en faveur des emplois saisonniers, JCP S, 2017, n° 2, 1009, p. 1 ; F. Taquet, Réflexions sur les clauses de reconduction dans les contrats de travail saisonniers, JCP E, 2015, n° 49, 1606 ; S. Tournaux, Reconduction des contrats saisonniers, les ambiguïtés d’un droit nouveau, RDT, 2017, p. 412 ; Chronique d’actualité du régime juridique du contrat de travail, Droit social, 2017, p. 843.
[54] Voir D. Baugard, Bref regard sur le formalisme des contrats de travail dérogatoires, CSBP, septembre 2013, n° 255, n°111f2.
[55] Sans doute pour la plus célèbre d’entre elle, voir : J.-J. Dupeyroux, Le roi est nu, Droit social, 2007, 2007, p. 81.
[56] Ou périodes interstitielles voire d’inactivité.
[57] C. trav., art. L. 1251-58-2 N° Lexbase : L9793LLB et L. 1251-58-3 [LXB= L9794LLC]. Voir notamment : F. Lalanne, Le CDI-I, quèsaco ?, JSL, 28 septembre 2018, n° 460.
[58] V. F. Bousez, Le CDI intérimaire, CSBP, septembre 2013, n° 255, n° 111d9.
[59] V. sur ce point : P. Pacotte et J. Layat-Le Bourhis, Contrat de travail CDI intérimaire : illustration de la hiérarchie des normes, JSL, 28 septembre 2018, n° 460.
[60] V. D. Baugard, Le CDI, un contrat sans terme ?, Droit ouvrier, 2019, p. 581.
[61] V. F. Bousez, article préc..
[62] A. de Franqueville et G. Bossy, CDI intérimaire : nouvelle forme d’emploi en pleine expansion, Les Cahiers du DRH, avril 2016, n° 230.
[63] V. G. Bargain, Prendre le droit du travail au sérieux, RDT, 2014, p. 522.
[64] V. D. Baugard, article préc..
[65] V. F. Bousez, article préc..
[66] Nous laissons ici de côté la situation des salariés saisonniers. En effet, ces derniers se trouvent sous l’égide du contrat à durée déterminée. Par voie de conséquence, le régime des intermissions est régi par les règles applicables aux salariés en contrats dit précaires et nous n’avons pas pour objectif de les présenter globalement.
[67] Pour une présentation succincte, mais complète du régime des intermittents, v. le site de France Travail [en ligne].
[68] Alors qu’il est en emploi !
[69] En vertu de l’article L. 5422-1 du Code du travail N° Lexbase : L2125MGS.
[70] V. l’article 2 de la loi n° 2022-1598 du 21 décembre 2022 N° Lexbase : L1959MGN. V. également : S. Tournaux, Durée des relations de travail et indemnisation du chômage (loi n° 2022-1598 du 21 décembre 2022, portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi), Droit social, 2023, p. 155.
[71] C. trav., art. L. 1251-33-1 N° Lexbase : L6944MKE.
[72] V. notamment D. Chenu et F. Morel, Légalisation du portage salarial, Les Cahiers du DRH, juin 2015, n° 221.
[73] V. entre autres : P-M. Menger, P. Costa, D. Hanet et C. Marchika, Travailler par mission : qui et comment ? Le cas du portage, Droit social, 2007, p. 46. Voir également : B. Kantorowicz, Portage salarial, J.-Cl. Travail Traité, Fasc. 3-22, n° 77 et s..
[74] V. notamment : E. Videcoq, note sous TGI Toulouse, 9 juin 2016, Dr. ouvrier, 2016, n° 819, p. 631.
[75] En ce sens, voir C. Lenoir et F. Schechter, Le portage salarial doit sortir de ses ambiguïtés, Droit social, 2012, p. 771.
[76] La même question peut légitimement se poser à propos des salariés en CDD saisonniers. Voir à propos du portage salarial : L. Casaux-Labrunée, Le contrat de travail au défi du portage salarial, Dr. ouvrier, 2011, p. 424. V. encore : P. Morvan, Éloge juridique et épistémologique du portage salarial, Dr. social, 2007, p. 607.
[77] V. C. trav., art. L. 1254-21, II N° Lexbase : L3506I8D.
[78] V. L. Enjolras, L’entrepreneuriat salarié, Réflexions autour des coopératives d’activité et d’emploi et du portage salarial, RJS, octobre 2022, chronique.
[79] Convention collective de branche des salariés en portage salarial du 22 mars 2017, étendue par arrêté du 28 avril 2017, JORF 30 avril 2017.
[80] Le terme est loin d’être neutre. Il montre que ce versement est réalisé afin de lui permettre financièrement de rechercher une nouvelle entreprise cliente.
[81] Les sommes ainsi allouées sont souvent assez faibles. Le montant mensuel de l’allocation provision est au moins égal à une journée, ce qui paraît bien peu. V. l’alinéa 3 de l’article 22.2 de la Convention collective de branche des salariés en portage salarial, préc..
[82] La rémunération des salariés portés est parfois relativement élevée, car ils bénéficient d’une expertise souvent recherchée. À tout le moins, les salariés portés bénéficient d’une rémunération minimale, définie à l’article 21.3 de la Convention collective du 22 mars 2017.
[83] V. par exemple : Liaisons sociales, Les thématiques, juin 2020, n° 79, 58, Caractéristiques du travail intermittent.
[84] V. C. trav., art. L. 3123-36, al. 2 N° Lexbase : L0451H9L.
[85] V. par exemple : P. Lokiec, Le contrat de travail intermittent : quelles sanctions ?, Lexbase Social, juin 2016, n° 658 N° Lexbase : N3095BWK ; S. Tournaux, La requalification du contrat de travail intermittent et l’objectif communautaire de développement du travail à temps partiel, Lexbase Social, mars 2016, n° 647 N° Lexbase : N1770BWH.
[86] V. Expérimentation du contrat de travail intermittent pour les emplois saisonniers : pas d’obligation de lisser la rémunération sur l’année, Lexbase Social, janvier 2017, n° 682 N° Lexbase : N6051BWZ.
[87] V. S. Tournaux, Portage salarial : des salariés (presque) comme les autres, Droit social, 2021, p. 561.
[88] V. pour quelques-uns des manuels les plus usuels : J.-P. Chauchard, J-Y. Kerbouc’h, Ch. Willmann, Droit de la Sécurité sociale, Paris, LGDJ, Manuel, 10ème éd., 2022 ; E. Jeansen, Droit de la protection sociale, Paris, Lexisnexis, Objectif droit, cours, 4ème éd., 2021 ; F. Kessler, Droit de la protection sociale, Paris, Dalloz, Cours, 8ème éd., 2022 ; P. Morvan, Droit de la protection sociale, Paris, Lexisnexis, Manuels, 10ème éd., 2021.
[89] V. par exemple : M. Ferraci, Le CDI intérimaire, une mesure cosmétique qui masque les véritables enjeux de la réforme dhafiede l’intérim, RDT, 2014, p. 522. V. également F. Hafied, Marché du travail : pour la réforme, Fondation pour l’innovation politique, Fondapol.org, juillet 2017, 65 p. [en ligne].
[90] V. entre autres : B. Desaint, Le « bonus-malus » sur les contributions patronales d’assurance chômage est mort ! Vive le « bonus-malus » !, SSL, décembre 2020, n° 1934, p. 4 ; A-C. Dufour, Le financement de la Sécurité sociale devant le juge constitutionnel, Droit social, 2022, p. 896 ; D. Gravouil, Réforme de l’assurance chômage : à la croisée de deux projets de société, Dr. ouvrier, août 2021, n° 875, p. 429 ; M. Grégoire, Réforme de l’assurance chômage : les droits des salariés au risque de l’expérience rating, Dr. ouvrier, août 2021, n° 875, p. 418 ; S. Izard, Le Sénat redonne la main aux partenaires sociaux sur l’assurance chômage, SSL, octobre 2022, n° 2018, p. 3 ; L. Joly, Le financement de l’assurance chômage : un facteur d’insécurité sociale, Droit social, 2022, p. 1033 ; C. Leborgne-Ingelaere, Les contrats courts ou le délicat équilibre entre souplesse et précarité, RJS, février 2022, p. 85 ; R. Pellet, Finances sociales : pour un big bang juridique, Droit social, 2022, p. 956 ; M. Richevaux, Encore une nouvelle réforme du chômage, encore des réductions des droits des chômeurs, LPA, mai 2021, n° 102, p. 8 ; Ch. Willmann, La malédiction des réformes : après les retraites, l’exemple du chômage, Droit social, 2021, p. 577 ; Ch. Willmann, Les réformes, sensibles et controversées, de l’indemnisation chômage, par la loi n° 2022-1598 du 21 décembre 2022 (articles 1, 3 et 5), Droit social, 2023, p. 150.
[91] L’enjeu de la réforme dernière de l’assurance chômage est ainsi d’inciter salariés et employeurs à privilégier l’allongement de la durée des contrats. V. F. Fontaine et L. Joly, La réforme de l’assurance chômage, acte de décès de la flexisécurité à la française ?, RDT, 2022, p. 619.
[92] V. entre autres : T. Lahalle, La réforme de l’assurance chômage, JCP S, 2019, n° 47, 1333.
[93] V. déjà P-M. Menger, L’employeur, le salarié et l’assureur dans l’hyperflexibilité contractuelle : les intermittents du spectacle, Droit social, 2004, p. 825.
[94] Par exemple : Cour des comptes, Rapport public annuel, Le régime des intermittents du spectacle : la persistance d’une dérive massive, février 2012.
[95] Il est évidemment également possible d’évoquer la situation des salariés en CDD saisonnier. V. S. Tournaux, À quand un véritable statut des saisonniers ?, RDT, 2018, p. 376.
[96] V. en ce sens T. Lahalle, article préc..
[97] V. par exemple M. Ferraci, article préc..
[98] V. P-M. Menger, article préc..
[99] V. notamment L. de Montvalon, L’assurance chômage menacée par sa dette, Droit social, 2022, p. 618.
[100] V. en ce sens : A. Supiot, Vers un nouveau statut social attaché à la personne du travailleur ?, Dr. ouvrier, octobre 2015, n° 807, pp. 583. V. également, Le mensuel de la Fondation IFRAP, Réforme de l’assurance chômage, Les mesures à prendre pour stopper la dérive, Société civile, n° 185, décembre 2017.
[101] Le CDII, le CDI chantier, le contrat de travail intermittent ne sont pas considérés comme des contrats courts. V. LSQ, Le bonus-malus sur la contribution chômage, Le dossier juridique, septembre 2022, n° 162.
[102] C. trav., art. L. 5422-12 N° Lexbase : L2127MGU. Certains proposent la mise en place d’un système de cotisation à des minima sociaux spéciaux qui seraient alors ouverts lors des périodes non travaillées. V. en ce sens : F. Hafied, op. cit..
[103] En ce sens, notamment : B. Coquet et E. Heyer, Contrats courts : de l’encadrement juridique à l’incitation économique, RDT, 2019, p. 452.
[104] En ce sens, v. L. De Montvalon, article préc..
[105] V. sur ces questions, voir B. Kantorowicz, J.-Cl. Portage salarial, Fasc. 3-22, n° 71 et s..
[106] V. entre autres : Y. Broussolle, Les principales dispositions de l’ordonnance du 2 avril 2015 relative au portage salarial, LPA, 19 juin 2015, n° 122, p. 4 ; B. Kantorowicz, Le portage salarial : un mode d’organisation du travail enfin sécurisé, SSL, avril 2015, n° 1673.
[107] Cf. supra.
[108] V. par exemple la célèbre affaire « Nicolas Canteloup » : Cass. soc., 20 octobre 2015, n° 14-23.712, FS-P+B N° Lexbase : A0174NUY, Dr. ouvrier, mars 2016, n° 812, p. 169, note V. Lacoste-Mary ; Ch. Willmann, Requalification du contrat d’usage en CDI et appréciation du motif réel et sérieux de la rupture du contrat, Lexbase Social, novembre 2015, n° 631 N° Lexbase : N9726BUR. V. également : Cass. soc., 17 novembre 2021, n° 20-17.526, FS-B N° Lexbase : A94757BK, J. Icard, La délicate détermination des sommes dues au titre des périodes interstitielles, Bull. Joly Travail, janvier 2022, p. 20.
[109] Un parallèle peut être opéré avec le CDII. En effet, comme la Chambre sociale a pu le dire récemment, nonobstant la signature d’un CDII par le salarié, ce dernier peut solliciter la requalification des missions qui lui sont confiées en CDI de droit commun à l’égard de l’entreprise utilisatrice, au motif qu’elles ont eu pour objet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de celle-ci. De plus, le salarié peut obtenir, à l’égard de l’entreprise utilisatrice, par suite de cette requalification, comme de l’entreprise de travail temporaire en raison de son licenciement dans le cadre du CDII, diverses sommes au titre des deux ruptures injustifiées, dès lors que l’objet des contrats n’est pas le même. Voir : Cass. soc., 7 février 2024, n° 22-20.258, FS-B N° Lexbase : A66182KC, JCP S, 2024, n° 13, 1105, note J.-P. Tricoit ; Bull. Joly Travail, mars 2024, p. 8, note A. Charbonneau.
[110] V. par exemple : N. Dauxerre, Le contrat de travail à durée déterminée saisonnier, JCP S, 2023, n° 30-34, 1207.
[111] C. trav., art. L. 1243-1 N° Lexbase : L0887I7Y.
[112] V. sur ce point : Cass. soc., 26 octobre 2011, n° 09-43.205, FS-P+B N° Lexbase : A0634HZI, JCP S, 2012, n° 19, 1206, note F. Bousez ; Droit social, 2011, p. 1307, note C. Roy-Loustaunau ; S. Tournaux, A propos du refus de requalification des contrats saisonniers durables, Lexbase Social, novembre 2011, n° 461 N° Lexbase : N8628BSD ; CSBP, décembre 2011, n° 236, p. 317, obs. F-J. Pansier ; LPA, 2 décembre 2011, n° 240, p. 15, note H. Peschaud. L’arrêt énonce que « la faculté pour un employeur de conclure des CDD successifs avec le même salarié afin de pourvoir un emploi saisonnier n’est assortie d’aucune limite au-delà de laquelle s’instaurerait entre les parties une relation de travail globale à durée indéterminée ».
[113] V. notamment : F. Taquet, Réflexions sur les clauses de reconduction dans les contrats de travail saisonniers, JCP E, 2015, n° 49, 1606. V. déjà sur le sujet : G. Poulain, Les contrats de travail à durée déterminée, Paris, Litec, 2ème éd., 1994, pp. 140 et s. (n° 173 et s.).
[114] Cass. soc., 20 novembre 2019, n° 18-14.118, FS-P+B N° Lexbase : A4702Z3K, RDT, 2019, p. 780, obs. L. Malfettes ; RJS, février 2020, n° 78, p. 122. Voir déjà Cass. soc., 4 avril 2007, n° 06-40.343, F-D N° Lexbase : A9173DUB, S. Tournaux, Petit vade-mecum de la requalification du contrat de travail saisonnier, Lexbase Social, mai 2007, n° 258 N° Lexbase : N9193BAQ.
[115] V. par exemple S. Tournaux, À quand un véritable statut des saisonniers ?, RDT, 2018, p. 376.
[116] Il n’est évidemment pas dans nos ambitions d’étudier dans notre cadre la rupture du CDI. V. C. trav., art. L. 1231-1 N° Lexbase : L8654IAR et s..
[117] Cf. supra I. de cette contribution.
[118] Avec un rappel de salaire correspondant à la différence entre la rémunération que le salarié aurait dû percevoir sur la base d’un temps complet et celle perçue au titre du contrat de travail intermittent. V. notamment : Cass. soc., 11 janvier 2012, n° 10-30.584, F-D N° Lexbase : A8032IAQ.
[119] V. respectivement : Cass. soc., 19 mars 2014, n° 13-10.759, FS-P+B N° Lexbase : A7565MHN, Droit social, 2014, p. 578, obs. J. Mouly ; JCP S, 2014, n° 25, p. 35, note M. Morand ; Cass. soc., 25 mai 2016, n° 15-12.332, F-P+B N° Lexbase : A0180RR4, JCP S, 2016, n° 27, p. 17, note A. Barège.
[120] V. respectivement : Cass. soc., 5 octobre 2011, n° 10-19.706, F-D N° Lexbase : A6082HYW et Cass. soc., 11 janvier 2012, n° 10-30.584, F-D N° Lexbase : A8032IAQ.
[121] V. Cass. soc., 26 mars 2014, n° 12-35.040, FP-P+B N° Lexbase : A2395MIK.
[122] En contrepartie, le salarié dispose de la possibilité de rompre unilatéralement son CDI de portage salarial soit par démission, par prise d’acte ou par résiliation judiciaire. V. sur ce point : B. Kantorowicz, J.-Cl. préc., Fasc. 3-22, n° 72.
[123] Rappelons néanmoins que la seule rupture du contrat commercial n’entraîne pas la rupture du contrat de travail du salarié porté. Cf. supra et C. trav., art. L. 1254-8 N° Lexbase : L3528I88.
[124] V. C. trav., art. L. 1254-2, III N° Lexbase : L7345K9W.
[125] V. en ce sens L. Casaux-Labrunée, Le contrat de travail au défi du portage salarial, Dr. ouvrier, 2011, n° 756, p. 424.
[126] Toujours en ce sens : L. Casaux-Labrunée, article préc..
[127] V. en ce sens D. Chénu et F. Morel, Légalisation du portage salarial, Les Cahiers du DRH, 1er juin 2015, n° 221.
[128] Convention collective de branche des salariés en portage salarial du 22 mars 2017, étendue par arrêté du 28 avril 2017, JORF 30 avril 2017. V. notamment : R. Chambon, La loi-écran au secours de l’extension de la convention collective des salariés en portage salarial, Conclusions, CE, 6 novembre 2019, n° 412051, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A8841ZTM, RJS, janvier 2020, étude et doctrine.
[129] Cf. supra et Cass. soc., 15 septembre 2021, n° 20-14.886, préc..
[130] En ce sens : B. Kantorowicz, J.-Cl. préc., Fasc. 3-22, n° 75.
[131] V. la loi n° 2019-828 du 6 août 2019, de transformation de la fonction publique N° Lexbase : L5882LRB et le décret n° 2020-172 du 27 février 2020n relatif au contrat de projet dans la fonction publique N° Lexbase : L2328LW7. Voir sur ce contrat : E. Collin, Le contrat de projet versus les CDI de chantier et le CDD à objet défini (divergences et convergences d’outils de gestion des contractuels de droit public et de droit privé), JCP A, 2023, n° 45, p. 31.
[132] V. notamment en ce sens : G. Loiseau, À propos de nouveaux contrats spéciaux du travail : le contrat d’opération et le contrat de projet, Revue des contrats, décembre 2019, 2019/4, p. 102.
[133] V. entre autres : C. Dechriste, Le contrat de chantier ou d’opération : le grand retour ?, RDT, 2017, p. 633 ; P. Lokiec, Le nouveau modèle du droit du travail est-il viable ?, SSL, septembre 2017, n° 1781.
[134] En ce sens : J. Icard, La notion de « fin de chantier » en question, BJT, juin 2019, p. 14.
[135] Il est à noter que le législateur utilise le terme de rupture alors qu’il aurait pu (ou dû) utiliser celui de licenciement. En ce sens : D. Baugard, article préc..
[136] V. J. Icard, article préc..
[137] Il s’agit d’une figure ancienne. Il suffit pour s’en convaincre de penser notamment au contrat à objet défini. V. entre autres : D. Baugard, article préc. ; C. Dechriste, article préc., RDT, 2017, p. 633.
[138] Il est également possible de contester le régime du licenciement à la lumière notamment de la convention n° 158 de l’OIT. V. L. Bento de Carvalho, Le CDI de chantier : une précarité au carré, Dr. ouvrier, octobre/novembre 2021, n° 878-879, p. 548.
[139] Par exemple, l’obligation de reclassement est évincée. V. notamment : D. Baugard, article préc. ; D. Baugard, Le CDI, un contrat sans terme ?, Dr. ouvrier, 2019, p. 581 ; J. Icard, article préc., CSBP, décembre 2017, n° 302, n°122a6, p. 46.
[140] Les termes d’oxymorique ou paradoxal ont pu être employés. V. D. Baugard, article préc., Dr. ouvrier, 2019, p. 581.
[141] V. G. Loiseau, article préc., Revue des contrats, décembre 2019, 2019/4, p. 102. Un auteur a pu, à juste titre, écrire qu’il s’agissait dès lors, d’un modèle de confusion et d’incohérence établi à partir d’une conception erronée ou incomprise du terme contractuel dans l’esprit des rédacteurs de l’ordonnance. V. S. Tournaux, CDD, contrat de mission, contrat de chantier, Droit social, 2018, p. 37.
[142] V. L. Gamet et L. Aluome, Le contrat de travail de chantier ou d’opération, JCP S, 2017, n° 45, 1355. En d’autres termes, la rupture du contrat n’est pas automatique, l’employeur se doit d’initier et de suivre la procédure de licenciement pour motif personnel. V. entre autres : D. Baugard, article préc., Dr. ouvrier, 2018, p. 1.
[143] Cette requalification pourrait même être prononcée si les partenaires ne prévoient pas de contreparties en matière de rémunération ou d’indemnités de licenciement et/ou des garanties en matière de formation prévues aux alinéas 4 et 5 de l’article L. 1223-9 du Code du travail N° Lexbase : L7302LHW. Voir : J. Icard, article préc., Bull. Joly Travail, décembre 2019, p. 55.
[144] Selon la formule de B. Teyssié, Les ordonnances du 22 septembre 2017 ou la tentation des cathédrales, JCP S, 2017, 1294. V. également : S. Tournaux, article préc., Droit social, 2018, p. 37. L’auteur défend à juste titre, l’idée selon laquelle le CDI de chantier est un CDD à terme imprécis qui ne dit pas son nom.
[145] Un auteur a pu évoquer une précarité au carré pour décrire cette situation. V. L. Bento de Carvalho, article préc., Dr. ouvrier, octobre/novembre 2021, n° 878-879, p. 548.
[146] Voir entre autres : F. Hafied, op. cit. ; F. Morel, op.cit., Institut Montaigne, février 2022, 14 p..
[147] Sur ce point voir par exemple : J.-J. Dupeyroux, Réponse, Droit social, 2007, p. 607.
[148] Proposition de Code du travail, sous l’égide du Groupe de recherche pour un autre Code du travail (GR-PACT), direction E. Dockès, Paris, Dalloz, 2017. Voir l’article 12-4 et les articles L. 22-11 et s..
[149] Avec une sorte d’obligation de reclassement qui pèse sur l’employeur. Voir article L. 22-25 du GR-PACT.
[150] Expression empruntée à S. Tournaux, article préc., Droit social, 2018, p. 810.
[151] En ce sens : S. Tournaux, article préc., Droit social, 2018, p. 37.
[152] Nous militons en effet pour une fusion du contrat d’apprentissage et du contrat de professionnalisation. V. S. Michel, article préc., JCP S, 2021, n° 28, n° 1181.
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par Stéphanie Hiol, docteure en droit public, enseignante-chercheuse (LRU) en droit public à l’Université Polytechnique Hauts-de-France
Le 18 Décembre 2024
Mots clés : transaction • médiation • règlement des différends • homologation
Les modes alternatifs de règlement des différends permettent de résoudre des contentieux avec l’administration sans avoir recours au juge administratif. Ils présentent de nombreux avantages, notamment en termes de célérité, de discrétion, d’adaptation et de désencombrement de l’office du juge. Ils permettent toutefois moins de garantir l’impartialité, la légalité et l’égalité que ne l’assure le recours au juge administratif. Parmi ces différents modes se trouve la transaction administrative.
Cette dernière renvoie à un contrat écrit par lequel des parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née ou préviennent une contestation à naître [1]. Sa validité est soumise à plusieurs conditions. Conformément à l’article L. 423-1 du Code des relations entre le public et l’administration N° Lexbase : L1903KNS [2], une personne publique ne peut valablement transiger qu’à trois conditions : si l’objet de la transaction est licite, si elle contient des concessions réciproques et équilibrées et dans le respect de l’ordre public. Le contrôle du respect de ces conditions est opéré par le juge administratif lorsqu’il est saisi par les parties d’une demande d’homologation. La transaction administrative ayant force exécutoire, cette dernière est facultative. L’analyse du contrôle exercé par le juge révèle toutefois que ce dernier est marqué par une volonté accrue de protéger les intérêts de l’administration, en particulier les deniers publics de cette dernière. Pourtant, le juge de l’homologation se doit, entre autres, de vérifier le caractère équilibré des concessions réciproques. Mais, la volonté du juge de se rassurer que l’administration ne paye pas plus que ce qu’elle doit [3] le conduit à exercer parfois un contrôle déséquilibré des concessions réciproques (II). Ceci pourrait alors expliquer la force avec laquelle il encourage le recours à une transaction administrative, tout en y assurant sa présence (I). Le Conseil d’État encouragerait le recours à la transaction, dans laquelle il garantit sa présence, parce qu’elle constituerait le terrain sur lequel il pourrait assurer une meilleure protection des intérêts de l’administration. L’égalité, pourtant garantie par la justice étatique, se trouve ainsi mise à mal par le juge lui-même dans le cadre de la résolution amiable des différends.
I. Un recours à la transaction administrative encouragé par le juge
Le juge administratif développe une jurisprudence qui tend à favoriser le recours à la transaction administrative. En témoigne la multiplication des opportunités dans lesquelles l’administration pourrait transiger (A). Un tel encouragement ne traduit toutefois pas une volonté du juge de se dessaisir des affaires dans lesquelles celle-ci pourrait être impliquée. Bien que la demande d’homologation soit facultative, le juge multiplie aussi les opportunités pour lui d’être saisi par les parties d’une telle demande, garantissant ainsi sa présence dans ce mode alternatif de règlement des différends (B).
A. La multiplication des opportunités de recours à la transaction
L’administration et ses partenaires disposent de plus en plus d’opportunités de recourir à la transaction administrative pour régler les différends qui les opposent. Il en est ainsi car les domaines dans lesquels une transaction peut intervenir ont été multipliés par le juge.
Ce dernier admet, en effet, qu’une transaction administrative peut être conclue pour éteindre des différends nés ou à naître dans le cadre des rapports entre un service hospitalier et un agent de ce service [4], de même que dans le cadre de rapports entre un tel service et un usager [5]. Le juge administratif admet également qu’elle puisse intervenir dans le cadre d’une contestation à naître entre des concurrents sur une décision octroyant une autorisation, dans l’hypothèse où l’administration serait l’un des concurrents [6]. Il a également été admis que l’administration puisse transiger lorsqu’il est question de mettre un terme aux conséquences d’un accident subi dans le cadre d’une activité sportive organisée par un centre de loisirs dépendant d’une commune [7].
L’administration et ses partenaires ont également été encouragés à recourir à la transaction administrative par une multiplication des moments où celle-ci peut intervenir. Le Conseil d’État admet qu’une transaction puisse être conclue aussi bien en dehors de toute procédure juridictionnelle que dans le cadre de cette dernière. Elle peut également intervenir au cours d’une instruction faite par un établissement public à caractère administratif [8]. Il admet aussi, bien qu’il n’ait pas expressément traité de la question, qu’il lui est possible d’homologuer une transaction, à la demande d’une ou des parties, lorsqu’il est saisi d’un pourvoi en cassation [9]. En effet, au cours d’une instance, les parties avaient conclu un protocole transactionnel et le Conseil d’État avait été saisi, en cassation, d’une demande d’homologation de cette transaction. « Sans le détailler, ni le peser » [10], il avait accepté de l’homologuer. Une telle acceptation signifie qu’il avait validé l’idée qu’une transaction puisse intervenir en cassation. Cette même décision rend également compte de ce qu’une personne publique dispose de la faculté de transiger lorsque les juges de fond se sont déjà prononcés. En l’espèce, l’administration avait accepté notamment de renoncer à la moitié de la créance qu’elle détenait de la société compte tenu de l’arrêt de la cour administrative d’appel de Nancy en échange de l’engagement de cette société de maintenir une moyenne de 80 salariés au moins sur le site de Sarreguemines entre 2006 et 2011 ou à défaut de verser à la communauté d’agglomération une somme de 100 000 euros par année où cette moyenne ne serait pas atteinte.
Le juge a également multiplié les objets sur lesquels peut porter une transaction administrative. Cette dernière peut notamment porter sur une renonciation au recours pour excès de pouvoir. Ce qui n’a pas toujours été le cas. En effet, les conditions relatives à la licéité de l’objet et au respect de l’ordre public avaient conduit à rejeter une telle idée. Mais, le Conseil d’État en a jugé autrement puisqu’il est intervenu en juin 2019 [11] pour indiquer qu’une transaction peut porter sur une renonciation au recours pour excès de pouvoir. Il est ainsi désormais « permis de transiger sur le recours pour excès de pouvoir en contrepartie d’une indemnité » dès lors que ce type de recours n’est plus simplement conçu comme un outil du bon respect de la légalité, garant de l’intégrité du droit objectif, mais aussi comme un moyen d’obtenir la satisfaction d’un intérêt privé [12]. Le juge administratif admet aussi qu’une transaction puisse porter sur les droits d’un agent public [13]. De même, le recours à la transaction peut permettre à l’administration de mettre un terme à une procédure qui met en cause sa responsabilité [14]. La transaction administrative intervient ainsi de plus en plus dans des différends relevant des domaines de compétence du juge de l’excès de pouvoir et du juge du plein contentieux. Cette multiplication des champs d’intervention, des moments et des objets de la transaction ne traduit toutefois pas une volonté du juge de se dessaisir totalement des différends dans lesquelles l’administration est partie. Elle traduit simplement un encouragement fait à celle-ci de recourir à ce mode de règlement des différends où une meilleure protection pourra lui être accordée. Le juge multiplie, en effet, également ses opportunités d’intervention dans la transaction administrative, ce qui lui permettra par la suite d’exercer un contrôle bien plus favorable à l’administration.
B. Le renforcement de la présence du juge dans la transaction
Sur le principe, la transaction administrative a une force exécutoire. Elle a entre les parties autorité de chose jugée en dernier ressort [15]. En ce sens, celles-ci ne sont pas tenues de la demander. La demande d’homologation qui est adressée au juge est ainsi facultative. Le juge favorise toutefois le recours à cette demande d’homologation en évitant d’opérer un contrôle trop étroit. Il juge notamment que pour vérifier que la transaction ne constitue pas une libéralité de la part de la collectivité publique et présente, par conséquent, un caractère illicite, il n’est pas nécessaire d’examiner séparément le contenu de chacun des chefs de préjudice pris en compte dans l’accord transactionnel et d’apprécier, pour chacun d’eux, pris isolément, si les indemnités négociées sont manifestement disproportionnées. Pour lui, il convient simplement d’apprécier de manière globale les concessions réciproques consenties par les parties dans le cadre d’une transaction [16]. Une trop grande rigueur du juge pourrait, en effet, avoir pour conséquence de conduire à un faible recours à des demandes d’homologation [17]. Le juge choisit ainsi la souplesse pour favoriser de telles demandes. Il y parvient également en renforçant la possibilité pour les parties de le saisir d’une demande d’homologation.
À l’origine, la demande d’homologation ne pouvait être adressée au juge que si la transaction avait été faite en cours d’instance. Celui-ci pouvait soit conclure à l’existence d’un « contrat judiciaire », en déduisant du rapprochement entre les conclusions des parties en litige devant lui qu’un accord est intervenu entre elles sur un point particulier du litige,, soit sanctionner un accord intervenu entre les parties en cours d’instance [18]. Le Conseil d’État est par la suite intervenu pour élargir la possibilité pour les parties de lui soumettre une demande d’homologation. Il a admis qu’une telle demande puisse intervenir en dehors de toute procédure juridictionnelle à la condition que son exécution se heurte à des difficultés sérieuses ou qu’elle porte sur une situation complexe telle que celle créée par une annulation ou la constatation d’une illégalité non régularisable [19]. En le faisant, il a « créé une nouvelle voie de droit pouvant être empruntée par l'une des parties à la transaction qui souhaiterait, en dehors de tout litige, que celle-ci soit homologuée, afin par exemple que la partie intéressée puisse recourir contre la partie récalcitrante aux voies d'exécution forcée propres aux décisions de justice » [20]. Il n’a ainsi rien fait « de moins que créer de toutes pièces une nouvelle voie d’accès au juge administratif, aux côtés du recours pour excès de pouvoir, du recours de plein contentieux et d’autres formes de recours » [21]. Par ailleurs, la procédure élaborée par lui porte les marques du droit public. Elle n’est pas éloignée de celle généralement appliquée devant le juge administratif, mais l’est de l’homologation telle que pratiquée par le juge judiciaire [22]. Le juge administratif renforce ainsi sa présence dans ce mode de règlement alternatif de règlement des différends alors même que « le fait que la juridiction soit saisie d'une demande conjointe des signataires donne d'ailleurs à leur démarche un tour paradoxal. En l'absence de toute contestation entre les parties à l'acte, l'affirmation de la validité de la transaction ne revient-elle pas à reconnaître qu'au fond, le contrôle du juge n'était pas nécessaire ? » [23]. Le juge conçoit donc une transaction administrative à laquelle l’administration recourt fortement et dans laquelle il demeure présent, précisément dans la phase de l’homologation. L’analyse du contrôle exercé par lui dans cette phase rend compte qu’un tel encouragement de recourir à la transaction, avec un maintien de la présence du juge, se justifie par le fait qu’il s’agit là d’un terrain sur lequel ce dernier peut aisément assurer une meilleure protection des intérêts de l’administration, mettant ainsi à mal le principe d’égalité qu’offre le recours à la juridiction étatique.
II. Un contrôle déséquilibré de la transaction administrative réalisé par le juge
Le juge administratif exerce, sur la transaction administrative, un contrôle qui est encadré par des règles de compétence strictes. C’est ainsi qu’il n’est pas compétent lorsque la transaction est faite pour régler un différend en lien avec l’exécution de contrats conclus entre personnes morales de droit privé, qui présentent le caractère de contrat de droit privé et que les différends nés de leur exécution relèveraient de la compétence du juge judiciaire [24]. En effet, la transaction concernant un contrat qui n’est pas administratif n’est pas non plus administrative et le juge administratif n’est pas compétent pour la connaître. Les modalités du contrôle exercé par le Conseil d’État ont, quant à elles, été précisées dans son avis « l’Haÿ-les-Roses » de 2002 duquel il ressort qu’« il appartient au juge administratif de vérifier que les parties consentent effectivement à la transaction, que l’objet de celle-ci est licite, qu’elle ne constitue pas de la part de la collectivité publique une libéralité » [25].
Une analyse du contrôle exercé par le juge administratif, non centrée sur la manière dont ce dernier apprécie le caractère équilibré des concessions réciproques des parties à la transaction pourrait laisser croire à une préservation de l’équilibre entre ces dernières par l’exercice d’un contrôle équilibré (A). Or, une attention portée sur les éléments pris en compte par lui pour vérifier le caractère équilibré de ces concessions révèle un véritable déséquilibre de la nature de son contrôle et donc, un potentiel déséquilibre des concessions réciproques, dès lors que leur équilibre n’est même pas recherché (B).
A. Un équilibre apparent
Lorsqu’il exerce son contrôle sur la transaction administrative, le juge administratif apparaît souvent comme un protecteur de la légalité et un garant des deniers publics dans un contrôle équilibré. C’est ainsi qu’il n’hésite pas à annuler des transactions qui y portent atteinte. Dans une décision de la cour administrative d’appel de Bordeaux du 23 mai 2023 [26], cette dernière avait été amenée à contrôler une transaction administrative dans laquelle des avantages financiers avaient été accordés à une personne, précisément reconstruction de carrière, primes et indemnités. L’administration avait consenti à lui accorder de tels avantages alors même qu’elle n’avait pas réussi à un concours qui aurait seul pu justifier que cela lui soit accordé. Elle prévoyait aussi de lui accorder ce à quoi ce concours ne lui aurait pas donné droit. Par ailleurs, l’autorité qui avait signé cette transaction n’avait pas compétence pour le faire. La transaction en cause était ainsi doublement problématique : elle était entachée d’incompétence et son objet la rendait illicite. Toutes les décisions qui l’appliquaient étaient donc illégales. Sans surprise, le juge administratif procéda à une annulation. En se positionnant ainsi comme un juge de la légalité, le juge envoyait comme message à l’administration que la transaction administrative, dont le recours est fortement encouragé, ne saurait devenir un moyen détourné de porter atteinte à la légalité. La solution ainsi rendue par la cour est également parfaitement conforme au principe selon lequel l’administration ne doit pas payer ce qu’elle ne doit pas. La transaction ne devant pas constituer une libéralité de la part de celle-ci [27].
Le juge administratif assure également un contrôle satisfaisant du consentement donné dans la transaction. C’est ainsi qu’il valide un protocole transactionnel par lequel les parties renoncent à toutes réclamations ou actions de quelque nature que ce soit, pendant cinq ans au motif que le consentement de la société morale de droit privé qui avait accepté de transiger n’avait pas été vicié. Celle-ci ne s’étant pas trouvé dans un état de contrainte économique exercée par le groupe hospitalier avec qui elle avait transigé [28].
Le partenaire de l’administration se trouve également parfois protégé par le juge. Cela a notamment été le cas lorsque le Conseil d’État a jugé qu’une transaction administrative ne peut pas comporter renonciation aux intérêts moratoires [29]. L’objectif visé par cette décision étant alors de protéger la partie la plus faible du contrat administratif [30]. L’administration paraît, elle aussi, raisonnablement protégée par le juge lorsque ce dernier estime qu’un protocole transactionnel ne saurait s’étendre à la demande de paiement de travaux supplémentaires effectués postérieurement à la conclusion de ce protocole, ni à la réparation de préjudices subis postérieurement à la conclusion de ce protocole [31]. Elle l’est également lorsque le juge accepte d’homologuer une transaction qui lui permet de développer ses capacités d’action [32]. Le juge administratif a notamment accepté d’homologuer une transaction par laquelle l’administration consentait à renoncer à la moitié de la créance qu’elle détenait d’une société compte tenu d’un arrêt de la Cour administrative d’appel de Nancy, en échange de l’engagement de cette société à maintenir une moyenne de 80 salariés au moins sur le site de Sarreguemines entre 2006 et 2011 ou à défaut de verser à la communauté d’agglomération une somme de 100 000 par année où cette moyenne ne serait pas atteinte [33]. La protection de l’administration paraît toutefois moins raisonnable lorsque le contrôle, par le juge administratif, du caractère équilibré des concessions réciproques ne vise pas à garantir un équilibre entre les concessions des parties, mais le seul équilibre financier de l’administration.
B. Un déséquilibre avéré
Il convient d’indiquer que « le caractère équilibré de la concession implique que le juge fasse un contrôle de proportionnalité des concessions entre elles (soulignement personnel) » [34] et non simplement un contrôle de la concession faite par l’administration. Dans l’hypothèse où seule la concession faite par l’administration serait contrôlée par le juge, l’équilibre ne serait pas seulement faussé, il ne serait même pas recherché. La conséquence serait alors que des concessions réciproques potentiellement déséquilibrées seraient validées par le juge. Plusieurs affaires révèlent le caractère déséquilibré du contrôle exercé par le juge administratif.
La seule concession de l’administration est prise en compte par le Conseil d’État notamment lorsqu’il refuse d’attribuer à un contribuable d’obtenir une autorisation d’intenter une action en nullité de la transaction conclue par une communauté en vue de mettre fin à des conventions confiant à une société une délégation pour gérer les services publics de distribution des eaux et des assainissements dès lors que cela ne présente pas pour la commune un intérêt suffisant. Il considère, en effet, qu’une telle action est certes de nature à permettre à la commune, si elle aboutissait, de se faire rembourser l’indemnisation de 86,2 millions de francs versés en contrepartie de la fin anticipée des contreparties. Mais, elle la mettrait également, en cas de succès, dans l’obligation soit de résilier ces conventions en versant à son cocontractant une indemnité contractuelle de 282 millions, soit de saisir le juge du contrat d’une action tendant à ce que soit constatée leur nullité. Cette dernière action risquerait d’aboutir à ce que la ville soit tenue de verser à la société des eaux de Grenoble une indemnité supérieure à ce qu’elle s’est engagée à verser dans le cadre de la transaction [35]. Ce n’est pas tant le principe appliqué par le Conseil d’État dans cette affaire qui interpelle. Il juge, en effet, qu’il appartient à l’autorité compétente, lorsqu’elle examine une demande présentée par un contribuable sur le fondement des dispositions de l’article L. 2132-5 du Code général des collectivités territoriales N° Lexbase : L8673AAH [36], de vérifier, sans se substituer au juge de l’action, et au vu des éléments qui lui sont fournis, que l’action présente un intérêt suffisant pour la commune et qu’elle a une chance de succès » [37]. C’est davantage l’unique prise en compte de la concession faite par la commune qui retient l’attention. Mais, une telle démarche pourrait s’expliquer par le principe ci-dessus énoncé, justifié par la nature de la demande qui était adressée au Conseil d’État. La prise en compte de la seule concession de l’administration se comprend moins lorsque la demande est celle de l’homologation de la transaction et que le juge se doit de contrôler, notamment, le caractère équilibré des concessions réciproques.
Le Conseil d’État s’intéresse ainsi uniquement à la seule concession de l’administration notamment dans des hypothèses où il valide une transaction et accepte de l’homologuer. Le juge a ainsi eu à conclure à l’existence de concessions réciproques équilibrées dans une décision du 5 juin 2019, « Centre hospitalier de Sedan » [38]. Il y avait rappelé que l’administration peut, afin de prévenir ou d’éteindre le litige, légalement conclure avec un particulier un protocole transactionnel, sous réserve de la licéité de l’objet, de l’existence de concessions réciproques et équilibrées entre les parties et le respect de l’ordre public. Il a par la suite procédé au contrôle du caractère équilibré des concessions qui avaient été faites par les parties. Il a alors apprécié les éléments effectivement concédés par les parties : en l’espèce, la transaction prévoyait le versement par le centre hospitalier d’une somme de 35 000 euros en contrepartie de la renonciation de l’agent public à l’ensemble des contestations nées ou à naître du fait de sa carrière ou de sa sortie de service. Il a ensuite tenu compte de l’intérêt qui s’attache, pour les deux parties, au règlement rapide de leur différend. Mais, plutôt que de vérifier si les concessions sont proportionnelles entre elles et en déduire leur caractère équilibré, il s’est uniquement intéressé à la situation de l’administration. Il a tenu compte, d’une part, de la nature de la contestation faite par l’agent, des conséquences respectives d’une éventuelle annulation contentieuse prononcée pour les motifs de cette contestation [39], l’annulation pour l’un ou l’autre motif pouvant avoir pour conséquence l’obligation pour le centre de le réintégrer ou de le reclasser ou de lui ouvrir une rente viagère [40] et d’autre part, au droit à réparation des préjudices susceptibles de découler de l’illégalité de cette décision. Le juge conclut alors que la transaction ainsi contrôlée comporte des concessions équilibrées qui n’apparaissent pas manifestement déséquilibrées au profit de l’une ou l’autre parties. Pourtant, le contrôle exercé par lui met uniquement en balance ce qui a été payé par l’administration dans la transaction et ce qui aurait été payé par elle s’il y avait eu un recours contre la décision prise [41]. Il ne met pas en balance les concessions faites par les deux parties pour en faire un contrôle de proportionnalité entre elles.
Il apparaît ainsi que la volonté du juge de se rassurer que l’administration ne paye pas plus que ce qu’elle doit le conduit à exercer un contrôle déséquilibré des concessions réciproques, susceptible de fausser le caractère équilibré de ces concessions, pourtant recherché. L’idée de justice semble ainsi s’éloigner de la transaction administrative par le fait du juge dont on aurait pu croire que la présence aurait pu en assurer la garantie. Ainsi, l’analyse combinée de la nature du contrôle juridictionnel exercé sur le caractère équilibré des concessions réciproques et de la nature du régime construit par le juge offre une lecture particulière de ce mode de règlement des différends. Le recours à la transaction administrative est fortement encouragé par le juge, non par ce qu’il souhaite se dessaisir des affaires dans lesquelles l’administration est impliquée, puisqu’il y garantit sa présence, mais parce qu’il s’agit d’un terrain sur lequel il pourra garantir une meilleure protection de l’administration, notamment par l’exercice d’un contrôle déséquilibré des concessions réciproques.
[1] Définition issue d’une lecture combinée des articles 2044 du Code civil N° Lexbase : L2431LBN et L. 423-1 du Code des relations entre le public et l'administration.
[2] Pour plus de fluidité dans le texte, il sera par la suite parlé de Code des relations entre le public et l'administration.
[3] CE, Sect., 19 mars 1971, n° 79962 N° Lexbase : A2915B8H, Lebon p. 235. La règle est, en effet, que les personnes publiques ne doivent pas payer plus que ce qu’elles doivent.
[4] Voir not. CE, 5 juin 2019, n° 412732 N° Lexbase : A4275ZDP ; CAA Bordeaux, 23 mai 2023, n° 21BX00031 N° Lexbase : A69769WB.
[5] CE, 20 juin 2023, n° 460868 N° Lexbase : A094694S.
[6] CE, 7 novembre 2022, n° 454495 N° Lexbase : A01298SL.
[7] CE, 22 mars 2024, n° 455107 N° Lexbase : A47342WA.
[8] CE, 7 novembre 2022, n° 454495, préc.
[9] CE, 11 juillet 2008, n° 287354 N° Lexbase : A7071D9R.
[10] B. Pacteau, L’homologation encadre les transactions, elle ne les entrave pas, RFDA, 2008, p. 961.
[11] CE, 5 juin 2019, n° 412732, préc. ; voir également CE, 7 novembre 2022, n° 454495, préc..
[12] V. Cressin, Vers un essor de la transaction administrative, conséquence de l’évolution de son régime ?, AJCT, 2022, p. 263.
[13] CE, 5°-6° ch. réunies, 5 juin 2019, n° 412732, préc. : La transaction administrative peut permettre aux parties de mettre fin à l’ensemble des litiges nés de l’édiction d’une décision ou de prévenir ceux pouvant naître d’une décision admettant un fonctionnaire régi par la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière à la retraite pour invalidité non imputable au service, incluant la demande d’annulation pour excès de pouvoir de cette décision et celle qui tend à la réparation des préjudices résultant de son éventuelle illégalité.
[14] CE, 22 mars 2024, n° 455107 N° Lexbase : A47342WA.
[15] CE, avis, 6 décembre 2002, n° 249153 N° Lexbase : A4627A47.
[16] CE, 9 décembre 2016, n° 391840 N° Lexbase : A4014SPD.
[17] A. Lallet, Transaction administrative et contentieux de l’annulation des actes administratifs unilatéraux : l’aube d’une nouvelle ère ?, RFDA, 2020, p. 807.
[18] CE, Sect., 19 mars 1971, n° 79962, préc., Lebon p. 235.
[19] CE, avis, 6 décembre 2002, n° 249153, préc. Pour un exemple d'irrecevabilité d'une demande d'homologation qui ne satisfaisait pas ces conditions, TA Grenoble 2 mars 2004, Agence de maîtrise d'ouvrage des travaux du ministère de la Justice, BJCP, 2004, p. 291.
[20] P. Cassia, Les voies de recours ouvertes contre les jugements relatifs à l’homologation des transactions, AJDA, 2005, p. 1403.
[21] F. Donnat et D. Casas, Le juge administratif peut homologuer une transaction en dehors de tout litige, AJDA, 2003, p. 280.
[22] Ibid.
[23] P. Théry, Les voies de recours contre le refus d’homologation d’une transaction par le tribunal administratif ou mieux vaut prévenir que guérir…, RTD civ., 2006. 145.
[24] T. confl., 7 février 2022, n° C4233 N° Lexbase : A38907Q7.
[25] CE, avis, 6 décembre 2002, n° 249153, préc.
[26] CAA Bordeaux, 23 mai 2023, n° 21BX00031 N° Lexbase : A69769WB.
[27] CE Section, 19 mars 1971, n° 79962, préc.
[28] CE, 7 novembre 2022, n° 454495 N° Lexbase : A01298SL.
[29] CE, 18 mai 2021, n° 443153 N° Lexbase : A08234SB.
[30] Voir sur ce point J. Bousquet, Concessions d’aménagement, transaction et renonciation au paiement des intérêts moratoires, AJDA, 2021, p. 1873.
[31] CAA Marseille, 6ème ch., n° 19MA00604 N° Lexbase : A29477Z8.
[32] B. Pacteau, L’homologation encadre les transactions, elle ne les entrave pas », RFDA, 2008, p. 961.
[33] CE, 11 juillet 2008, n° 287354 N° Lexbase : A7071D9R.
[34] V. Cressin, Vers un essor de la transaction administrative, conséquence de l’évolution de son régime ?, AJCT, 2022, p. 263.
[35] CE, 29 décembre 2000, n° 219918 N° Lexbase : A2061AI8.
[36] Cet article dispose que : « Tout contribuable inscrit au rôle de la commune a droit d'exercer, tant en demande qu'en défense, à ses frais et risques, avec l'autorisation du tribunal administratif, les actions qu'il croit appartenir à la commune et que celle-ci, préalablement appelée à en délibérer, a refusé ou négligé d'exercer» .
[37] Ibid.
[38] CE, 5 juin 2019, n° 412732 N° Lexbase : A4275ZDP.
[39] En l’espèce, l’appréciation portée par l’administration sur son inaptitude à l’exercice de ses fonctions et sur l’imputabilité au service de son inaptitude de son accident qu’il estime être à l’origine de son invalidité.
[40] La rente viagère qui s’ajoute à la pension de retraite si l’invalidité est reconnue imputable au service.
[41] Voir également CE, 9 décembre 2016, n° 391840, préc.
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