Réf. : Cass. crim., 4 décembre 2024, n° 24-83.013, F-D N° Lexbase : A47986MN
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N1292B3A
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par Pauline Le Guen
Le 17 Décembre 2024
► La Cour de cassation était saisie d’une demande de transmission de deux QPC portant sur le fait de savoir si l’article 324-1-1 du Code pénal, instituant une présomption d’illicéité de l’origine des biens ou revenus sur lesquels porte le blanchiment, méconnaissait le droit à un recours effectif, les droits de la défense et le principe de légalité des délits et des peines ; elle répond par la négative, estimant que les questions ne présentent pas de caractère sérieux.
Rappel des faits et de la procédure. À l’occasion de leurs pourvois, trois personnes condamnées pour blanchiment ont présenté deux questions prioritaires de constitutionnalité (QPC).
QPC. Les questions portaient sur le fait de savoir si l’article 324-1-1 du Code pénal N° Lexbase : L9415IYD, instituant une présomption d’illicéité de l’origine des biens ou revenus sur lesquels porte le délit de blanchiment, méconnait le droit à un recours effectif, les droits de la défense et le principe de légalité des délits et des peines.
Réponse. La Chambre criminelle estime que la question ne présente pas de caractère sérieux. Dans un premier temps, elle retient que la présomption d’illicéité instituée par l’article n’est pas irréfragable et que le respect des droits de la défense est assuré devant la juridiction de jugement, qui apprécie si la preuve contraire de l’origine licite des fonds est rapportée. Par ailleurs, elle souligne que l’article définit avec suffisamment de clarté et de précision les éléments constitutifs de cette présomption pour permettre son interprétation, qui relève du juge pénal sous le contrôle de la Cour de cassation, sans risque d’arbitraire. Ainsi, la Haute juridiction décide que l’article 324-1-1 ne porte pas atteinte aux droits et principe susvisés et qu’il n’y a dès lors pas lieu de renvoyer ces questions au Conseil constitutionnel.
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Réf. : CAA Bordeaux, 3e ch., 26 novembre 2024, n° 23BX00351 N° Lexbase : A30006KC
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N1207B34
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par Yann Le Foll
Le 17 Décembre 2024
► Les véhicules de la police municipale doivent afficher la signalisation prévue par la loi.
Faits. L’Union syndicale professionnelle des policiers municipaux (USPPM) demande l’annulation de la décision implicite du maire de Bourg-sur-Gironde, née le 21 septembre 2020, portant rejet de sa demande tendant à la pose, sur le véhicule de service de l’agent de police municipale de la commune, d’une sérigraphie conforme à la réglementation relative à la signalisation des véhicules de service des agents de police municipale.
Position CAA. Il résulte des articles L. 511-4 N° Lexbase : L5451ISP et D. 511-9 N° Lexbase : L9275IY8 du Code de la sécurité intérieure, ainsi que de l’arrêté du 5 mai 2014, relatif à la signalisation des véhicules de service des agents de police municipale, pris en application de l’article L. 511-4 précité N° Lexbase : L2246I3L, que, dès lors qu’une commune décide de doter le service de police municipale d’un véhicule de service, elle doit se conformer à la réglementation relative à la signalisation des véhicules des agents de police municipale. Elle ne peut, en conséquence, permettre un usage mutualisé de ce véhicule.
L’agent de police municipale de Bourg-sur-Gironde a été doté d’un véhicule de service de marque Citroën Picasso. Il est constant que ce véhicule n’est pas sérigraphié comme le prévoient les dispositions précitées. La circonstance, invoquée par la commune, que ce véhicule serait partagé avec d’autres services, est dépourvue d’incidence sur son obligation de se conformer à ladite réglementation.
Décision. Le jugement attaqué (TA Bordeaux, 8 décembre 2022, n° 2005249 N° Lexbase : A07408Y3) et la décision par laquelle le maire de Bourg-sur-Gironde a implicitement rejeté la demande de l’USPPM du 20 juillet 2020 sont annulés.
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Réf. : Cass. com., 4 décembre 2024, n° 23-18.562, F-D N° Lexbase : A74246LK et n° 23-18.564, F-D N° Lexbase : A74976LA
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N1244B3H
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par Vincent Téchené
Le 17 Décembre 2024
► Les dispositions des articles L. 716-2, II, 1°, et L. 711-3, I, 2°, du Code de la propriété intellectuelle, dans leur rédaction issue de l'ordonnance du 13 novembre 2019, sont applicables à la demande en nullité d'une marque enregistrée, introduite devant le directeur général de l'INPI, postérieurement au 11 décembre 2019, date de l'entrée en vigueur de ladite ordonnance.
Faits et procédure. Dans ces deux affaires, la société A a formé devant le directeur général de l'INPI une demande en nullité de deux marques déposées le 20 juin 2019 par la société CGPI pour divers produits et services visés en classes 35, 36, 41, 42 et 45, en invoquant le dépôt de mauvaise foi, l'imitation de ses marques antérieures française verbale et semi-figurative n° 1424010 et l'atteinte à la renommée de ces marques.
La cour d’appel de Bordeaux (CA Bordeaux, 6 juin 2023, n° 22/02444 N° Lexbase : A28529ZN et n° 22/02442 N° Lexbase : A27579Z7) a écarté les deux demandes en nullité de marques enregistrées le 20 mars 2020, fondées sur l'atteinte aux marques renommées antérieures. Elle retient notamment que la demanderesse ne peut fonder sa demande en nullité sur les dispositions du Code de la propriété intellectuelle dans leur rédaction issue de l'ordonnance n° 2019-1169, du 13 novembre 2019 N° Lexbase : L5296LTC, dans la mesure où les marques contestées ont été déposées le 20 juin 2019, avant l'entrée en vigueur de cette ordonnance, de sorte que le régime de nullité applicable au recours est soumis aux dispositions des articles L. 711-4 N° Lexbase : L7857IZZ et L. 714-3 N° Lexbase : L5818LTN du Code de la propriété intellectuelle, dans leurs versions applicables au jour du dépôt.
La société A est donc pourvue en cassation.
Décision. La Cour de cassation censure l’arrêt d’appel au visa des articles 15, I, alinéa 1er, de l'ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019 N° Lexbase : L5296LTC et des articles L. 716-2, II, 1° N° Lexbase : L2288LWN, et L. 711-3, I, 2° N° Lexbase : L5844LTM du Code de la propriété intellectuelle, dans leur rédaction issue de cette ordonnance.
Selon le premier de ces textes, sauf dérogations énumérées en ses 1° et 2°, les dispositions de l'ordonnance précitée entrent en vigueur à la date d'entrée en vigueur du décret pris pour son application et au plus tard le 15 décembre 2019.
Par ailleurs, la Cour rappelle qu’il ressort des deux derniers textes que le titulaire d'une marque antérieure renommée peut agir en nullité contre une marque postérieure lorsque cette dernière est identique ou similaire à la marque antérieure, que les produits ou les services qu'elle désigne soient ou non identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque antérieure est enregistrée ou demandée et que son usage sans juste motif tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure, ou qu'il leur porterait préjudice.
Ainsi, selon la Haute Cour, en l'absence de disposition transitoire dérogatoire prévue à l'article 15 de l'ordonnance du 13 novembre 2019, ces dispositions sont applicables à la demande en nullité d'une marque enregistrée, introduite devant le directeur général de l'INPI, postérieurement au 11 décembre 2019, date de l'entrée en vigueur de ladite ordonnance.
Dès lors, pour la Cour, en statuant comme elle l’a fait, alors que les articles L. 716-2, II, 1°, et L. 711-3, I, 2°, du Code de la propriété intellectuelle, dans leur rédaction issue de l'ordonnance du 13 novembre 2019, étaient applicables à la demande en nullité contre la marque litigieuse formée le 17 mai 2021 par la société A, la cour d'appel a violé les textes visés.
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Réf. : Cass. soc., 4 décembre 2024, n° 23-13.829, FS-B N° Lexbase : A08916LL
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N1255B3U
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par Charlotte Moronval
Le 17 Décembre 2024
► La décision unilatérale de l'employeur d'attribuer, durant la période de la crise sanitaire du Covid-19, une prime exceptionnelle pour le pouvoir d'achat aux salariés dont les fonctions devaient s'accomplir sur site, mais qui se trouvaient en congés payés, en arrêt de travail pour maladie, pour garde d'enfant ou, en raison de leur situation de personne vulnérable au virus du Covid-19 durant la période de pandémie, tandis que les salariés en télétravail durant cette période n'en bénéficiaient qu'au prorata du nombre de jours travaillés sur site, ne méconnaît pas le principe d'égalité de traitement.
Faits et procédure. Par décision unilatérale, l’employeur d’une entreprise de grande distribution a institué une prime exceptionnelle pour le pouvoir d'achat, d’un montant de 1 000 euros, versée aux salariés ayant effectivement travaillé, au cours de la période comprise entre le 12 mars, date de début de l'urgence sanitaire, et le 3 mai 2020 inclus, au sein d’un magasin, d'un « drive » ou d'un entrepôt, dans lesquels les conditions de travail ont été exceptionnelles en raison de la crise sanitaire liée à la Covid-19.
Il est notamment prévu que la prime sera proratisée en fonction du nombre de jours effectivement travaillés au cours de la période du 12 mars au 3 mai 2020, étant toutefois précisé que sont assimilés à du temps de travail effectif sur les sites concernés, les absences légalement assimilées à du temps de travail effectif, ainsi que tous les arrêts maladie indemnisés par l'employeur ou par l'organisme de prévoyance.
Invoquant le principe d'égalité de traitement, des salariés ayant travaillé durant cette période en télétravail contestent le prorata appliqué à la prime exceptionnelle pour le pouvoir d’achat, alors que leurs collègues en arrêt maladie ou en congés payés avaient perçu la prime intégralement.
Le conseil de prud’hommes rejette leur demande. Les salariés forment donc un pourvoi en cassation.
Solution. Énonçant la solution susvisée, la Chambre sociale de la Cour de cassation approuve le rejet de la demande par la cour d’appel.
Elle rappelle tout d’abord le principe énoncé à l’article L. 1222-9, III, alinéa 1er, du Code du travail N° Lexbase : L2453MIP, selon lequel le télétravailleur a les mêmes droits que le salarié qui exécute son travail dans les locaux de l'entreprise.
Cependant, elle invoque ensuite l’exception prévue par l’article 7 de la n° 2019-1446, du 24 décembre 2019, de financement de la Sécurité sociale pour 2020 N° Lexbase : L1993LUD, qui prévoit que le montant de la prime exceptionnelle peut être modulé selon les bénéficiaires en fonction de la rémunération, du niveau de classification, des conditions de travail liées à l'épidémie de Covid-19 et de la durée de présence effective pendant l'année écoulée ou la durée de travail prévue au contrat de travail.
La Cour de cassation considère que l’exclusion des télétravailleurs de la prime exceptionnelle, décidée unilatéralement par l’employeur, ne méconnaît pas le principe d’égalité de traitement et est légalement justifiée.
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Réf. : Cass. civ. 2, 28 novembre 2024, n° 23-14.255, F-B N° Lexbase : A29436K9
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N1200B3T
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par Christophe Quézel-Ambrunaz, enseignant-chercheur à l’Université Savoie Mont Blanc
Le 17 Décembre 2024
► L’action subrogatoire d’une personne publique ne peut être exercée pour recouvrer les sommes versées au titre du forfait hospitalier ; la solution est affirmée pour les situations antérieures à la création du Code général de la fonction publique, elle est moins évidente aujourd’hui.
Le forfait hospitalier et le droit antérieur à la création du Code général de la fonction publique. Le forfait hospitalier est la somme que doit débourser un patient hospitalisé et qui représente sa participation financière aux frais d’hébergement et d’entretien. Son caractère indemnisable a été discuté dans la mesure où les frais qu’il compense sont susceptibles d’être exposés à domicile. Néanmoins, il est acquis aujourd’hui que le forfait hospitalier est bien un préjudice indemnisable, habituellement au titre des frais divers (Cass. civ. 2, 3 mai 2006, n° 05-12.617, FS-D N° Lexbase : A2567DPR). Des exonérations sont possibles, par exemple, en cas d’accident du travail.
S’est posée dans le passé la question de savoir si un organisme, qui a pris en charge le forfait hospitalier, pouvait recourir pour celui-ci contre le responsable de l’accident. La réponse de la Cour de cassation a été négative (Cass. civ. 2, 3 juillet 2014, n° 13-23.104, F-D N° Lexbase : A2740MTN ; Cass. civ. 2, 3 juillet 2014, n° 13-23.105, F-D N° Lexbase : A2614MTY). Le fondement aurait été le 3° de l’article 29 de la loi n° 85-677, du 5 juillet 1985 N° Lexbase : L7887AG9, à savoir « les sommes versées en remboursement des frais de traitement médical et de rééducation ». Le forfait hospitalier ne correspondant pas au coût des soins, il ne peut ouvrir droit à recours subrogatoire.
Dans l’arrêt commenté, la victime était militaire, et c’est l’agent judiciaire du Trésor qui exerce un recours. Cette spécificité est susceptible de changer l’étendue du recours, car alors le 2 de l’article 29 de la loi de 1985 s’applique, et il renvoie aux prestations énumérées au II de l'article 1er de l'ordonnance n° 59-76, du 7 janvier 1959, relative aux actions en réparation civile de l'État et de certaines autres personnes publiques N° Lexbase : L8221HIC.
Une telle formulation, avec l’épithète « énumérée », laisse entendre que la liste en question est limitative. Le forfait hospitalier n’entre pas dans la liste du texte, qui vise notamment les frais médicaux ; toutefois, cette liste, dans l’ordonnance, est introduite par l’adverbe « notamment », ce qu’a souligné l’arrêt d’appel.
La question qui se pose à la Cour de cassation est ainsi de savoir si la liste des prestations servies à l’agent public ouvrant droit au recours est limitative, ou non. La Cour de cassation en fait une liste limitative, estimant que l’arrêt d’appel a violé l’article 29 de la loi de 1985 en accordant le recours pour un débours absent de la liste.
Le forfait hospitalier et le droit actuel. L’ordonnance n° 2021-1574, du 24 novembre 2021 N° Lexbase : L8062L9H a créé la partie législative du Code de la fonction publique. Le II de l’article 1er de l’ordonnance susmentionnée a été supprimé, pour maintenant former l’article L. 825-4 du CGFP N° Lexbase : L7043MBH, et la liste est toujours introduite par l’adverbe « notamment ». La loi de 1985 n’a pas été modifiée en conséquence, de telle sorte qu’elle pointe vers un texte qui n’existe plus, ce qui est évidemment regrettable. L’arrêt sous commentaire appliquant l’ancienne version de l’ordonnance, rationae tempori, la difficulté ne se posait pas, mais ces changements pourraient faire en sorte que cette décision ne soit finalement qu’un arrêt isolé.
En effet, l’article L. 825-1 du CGFP N° Lexbase : L6180MBI dispose que « L'État, les collectivités territoriales et les établissements publics à caractère administratif disposent de plein droit contre le tiers responsable du décès, de l'infirmité ou de la maladie d'un agent public, par subrogation aux droits de ce dernier ou de ses ayants droit, d'une action en remboursement de toutes les prestations versées ou maintenues à l'agent public ou à ses ayants droit et de toutes les charges qu'ils ont supportées à la suite du décès, de l'infirmité ou de la maladie ». Sa formule est très générale, alors que l’article 29 de la loi de 1985 annonce que l’absence de recours est le principe, et le recours l’exception : « Seules les prestations énumérées ci-après versées à la victime d'un dommage résultant des atteintes à sa personne ouvrent droit à un recours contre la personne tenue à réparation ou son assureur ». Cet équilibre pourrait être chamboulé : rappelons que la liste de l’article L. 825-4 du CGFP n’est pas limitative, et que, comme il n’y a plus d’arguments pour utiliser l’article 29 de la loi de 1985 plutôt que les articles L. 825-1 et suivants du CGFP, il se pourrait que les magistrats soient prochainement amenés à considérer que la liste étant ouverte, le forfait hospitalier réglé par une personne publique au bénéfice de l’agent public accidenté ouvre droit au recours.
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Réf. : Cass. com., 27 novembre 2024, n° 23-10.385, F-D N° Lexbase : A69356K3
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N1285B3Y
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par Bruno Dondero, Agrégé des Facultés de droit, Professeur à l’École de droit de la Sorbonne (Université Paris 1), Avocat associé CMS Francis Lefebvre
Le 18 Décembre 2024
Mots-clés : pacte d'actionnaires • promesse de vente • détermination du prix • qualification de la clause • validité
Dénature la stipulation claire et précise d’un pacte d'actionnaires selon laquelle la clause litigieuse vaut promesse de vente, la cour d’appel qui ne retient pas cette qualification et en déduit que l'absence de détermination du prix n’en affecte pas la validité.
1. Arrêt intéressant… et inquiétant pour les rédacteurs de pactes. Cet arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation en date du 27 novembre 2024 n’est pas publié au Bulletin, mais il présente un intérêt pour les rédacteurs de pactes d’associés et d’actionnaires, chez qui il pourra aussi susciter de l’inquiétude à propos de la clause de drag along. La Cour de cassation censure un arrêt rendu par la cour d’appel de Paris, en date du 28 mai 2020, rectifié le 9 juillet 2020 [1]. Notons que la même affaire a donné lieu à une seconde saisine de la cour d’appel de Paris qui a jugé la demande irrecevable en ce qu’elle se heurtait à l’autorité de chose jugée [2].
2. La clause en cause. Un pacte d'actionnaires liait MM. [A] et [B] et Mme [J], tous trois associés d’une SAS CDI. L’article 6 du pacte était intitulé « obligation de cession » et stipulait qu'en cas d'offre ferme d'acquérir la totalité des titres de la société, faite par un associé ou un tiers, les signataires s'engageaient à céder leurs titres à l'acquéreur. L’arrêt reproduit des extraits de la clause, stipulée précisément ainsi : « dans le cas où une offre ferme d'acquérir exclusivement la totalité des titres de la société représentant 100 % du capital social et des droits de vote de la société adressée par un (ou des) tiers et/ou un (ou des) associé(s) (ci-après l'acquéreur), […] l'ensemble des signataires du présent pacte s'engage irrévocablement à céder conjointement à l'acquéreur la totalité de ses titres » (sic). Il est indiqué aussi que le pacte précisait que « chacun des associés reconnaît que les dispositions qui précèdent valent promesse de vente de ses titres ». On aura reconnu là une clause de drag along, particulière en l’espèce en ce qu’elle permettait aussi à l’un des associés de forcer directement les autres à céder, sans que cela suppose une offre extérieure. La clause de drag along a été définie par un auteur comme celle qui « permet à un ou plusieurs actionnaires détenant une participation significative au capital d'une société, et qui envisagent de céder leurs titres à un tiers, de forcer les autres actionnaires à céder leurs titres audit tiers à des conditions, notamment de prix, identiques » [3]. Cet auteur expliquait ainsi l’intérêt de la clause : « les actionnaires majoritaires peuvent ainsi solliciter ou répondre favorablement à toute offre portant sur l'intégralité des titres d'une société même s'ils n'en possèdent qu'une partie ». Plus récemment, un autre auteur a écrit que la clause de drag along « prend la forme classique d’une promesse unilatérale de vente conditionnelle avec clause de substitution au profit du tiers-acquéreur » [4].
3. L’application de la clause. Le 3 mai 2013, M. [B] proposait aux deux autres associés signataires du pacte de racheter la totalité de leurs titres pour un montant de 2 000 euros chacun. M. [A] refusait l’offre, ce qui conduisait M. [B] à mettre en œuvre la clause stipulée à l'article 6 du pacte et à imposer à M. [A], dans des conditions non précisées, une cession forcée de ses actions. Ce dernier assignait la société et ses coassociés en nullité de la cession forcée en invoquant l'absence de détermination du prix de cession dans le pacte d'actionnaires. Sa demande était cependant rejetée tant par le juge de première instance que par la cour d’appel. Cette dernière juridiction retenait deux éléments : (i) l’on n’était pas en présence d’une promesse de vente, qui aurait nécessité que le prix soit déterminé ou déterminable, mais d’une obligation de céder au prix fixé par l'offre, et (ii) l'absence de détermination du prix n'affectait pas la validité du contrat.
4. De 1103 à 1134. Le demandeur au pourvoi invoquait une violation de l’article 1103 du Code civil N° Lexbase : L0822KZH par dénaturation de la portée de l’article 6 du pacte. Si la cassation est effectivement prononcée pour dénaturation d’une stipulation claire et précise, notons que la Cour de cassation rectifie en visant l’article 1134 du Code civil N° Lexbase : L0857KZR, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 N° Lexbase : L4857KYK, ce qui se justifiait par la date de signature du pacte, antérieure au 1er octobre 2016 [5].
5. La solution. En substance, parce que la stipulation du pacte, claire et précise, énonçait qu’elle valait promesse de vente, la cour d’appel aurait dû respecter cette qualification et en déduire que l'absence de détermination du prix affectait la validité de l’accord des parties.
6. Rappel implicite d’une règle claire : la promesse de vente doit permettre la détermination du prix. Parce que la promesse doit contenir les « éléments essentiels » du contrat promis [6] et parce que dans la vente, « le prix de la vente doit être déterminé et désigné par les parties » [7], la promesse de vente doit comporter un prix déterminé ou les éléments permettant de déterminer le prix. La solution est bien établie [8]. À défaut, on ne se trouve pas en présence d’une promesse de vente.
7. Danger sur le drag along ?Pour autant, il nous semble que les clauses de drag along renvoient sans doute le plus souvent, en pratique, à un prix qui est celui de l’offre déclenchant le jeu de la clause, assorti ou non de la possibilité de solliciter une expertise de prix sur le fondement de l’article 1843-4 du Code civil N° Lexbase : L1737LRR ou bien de l’article 1592 du même code N° Lexbase : L2395LR7. Nous ne comprenons donc pas pourquoi l’arrêt commenté peut considérer que la clause ne permettait pas la détermination du prix… sauf à considérer qu’il n’est pas acceptable, pour la Cour de cassation, que le prix de sortie du débiteur de la clause soit déterminé par référence à celui auquel sort son coassocié qui invoque le jeu de la clause. Cela mettrait en danger les clauses de drag along. L’explication est sans doute à trouver dans le fait que la clause litigieuse permettait à un associé A de forcer un associé B à céder ses actions, non pas au prix convenu entre A et le tiers auteur d’une proposition de racheter 100% du capital, mais à un prix unilatéralement fixé par A. Or, la jurisprudence considère que le prix n’est pas déterminable s’il est fixé unilatéralement par une partie [9].
8. Une question qui demeure : le rôle de la qualification de la clause par les parties. À la lecture de l’arrêt, on comprend surtout que la « stipulation claire et précise » avait cette qualité parce que les parties avaient affirmé dans le pacte même la qualification de promesse de vente. Il est cependant parfaitement clair que la solution consistant à exiger un prix déterminé ou déterminable vaudrait également pour la promesse de vente que les parties n’auraient pas expressément qualifiée comme telle. Mais la censure de l’arrêt d’appel n’aurait en ce cas pas été fondée sur la dénaturation, mais sur la violation des articles 1124 N° Lexbase : L0826KZM et 1591 N° Lexbase : L1677ABQ du Code civil, dispositions dont on peut déduire la nécessité que la promesse de vente comporte un prix déterminé ou déterminable. Reste la question sensible de savoir si la clause de drag along peut se contenter de se référer au prix de sortie de l’associé qui prétend la faire jouer…
[1] CA Paris, 28 mai 2020, n° 17/18478.
[2] CA Paris, 30 mars 2023, n° 17/18478.
[3] X. Vamparys, Validité et efficacité des clauses d'entraînement et de sortie conjointe dans les pactes d'actionnaires, Bull. Joly Sociétés, 2005, p. 820, sp. n° 2.
[4] S. Torck, La mécanique des promesses de cession : conditions et détermination du prix, RDC, 2024, n° 1, p. 90. V. aussi B. Dondero, in Dalloz Action, Ingénierie financière, fiscale et juridique, M. Boizard et Ph. Raimbourg (dir.), 3ème éd., 2015, n° 224.67 : « La clause peut prendre la forme d’une promesse unilatérale de vente des titres concernés à l’actionnaire créancier de la clause, généralement assortie d’une faculté de substitution permettant au bénéficiaire de la promesse de se substituer le cessionnaire de ses titres ».
[5] V. ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, art. 9, al. 1er et 2 : « les dispositions de la présente ordonnance entreront en vigueur le 1er octobre 2016. Les contrats conclus avant cette date demeurent soumis à la loi ancienne, y compris pour leurs effets légaux et pour les dispositions d'ordre public » N° Lexbase : L4857KYK.
[6] C. civ., art. 1124 N° Lexbase : L0826KZM, pour la promesse unilatérale de contrat.
[7] C. civ., art. 1591 N° Lexbase : L1677ABQ.
[8] V. Cass. com., 21 septembre 2022, n° 20-16.994, F-B N° Lexbase : A25278KS ; Dr. sociétés, 2023, comm. 1, note R. Mortier ; Rev. sociétés, 2023, p. 23, note G. Pillet ; Bull. Joly Sociétés, janvier 2023, p. 20, note Th. Massart ; Gaz. Pal., 10 janvier 2023, p. 4, obs. D. Houtcieff ; RTD civ., 2023, p. 120, obs. P.-Y. Gautier; RTD com., 2023, p. 151, obs. B. Lecourt ; JCP E, 2023, 1017, note B. Dondero.
[9] Cass. com., 21 septembre 2022, n° 20-16.994, F-B, préc., jugeant que le prix de la vente « doit être déterminable et ne pas dépendre de la seule volonté d'une des parties ni d'un accord ultérieur entre elles ».
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