Réf. : Cass. civ. 2, 3 octobre 2024, n° 21-20.979, FS-B+R N° Lexbase : A936457X
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N0568B3G
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par Joël Colonna et Virginie Renaux-Personnic, Maîtres de conférences à la Faculté de droit, Aix Marseille Université, Centre de Droit social (UR 901)
Le 10 Octobre 2024
► La deuxième chambre civile décide que la communication par l’employeur, ordonnée par le juge prud’homal, de documents contenant des données personnelles, tels que les historiques de carrière et les bulletins de paie de salariés nommément désignés, constitue un traitement de données à caractère personnel ; et que leur mise à disposition d’un salarié invoquant l’existence d’une discrimination syndicale à titre d’éléments de preuve répond aux exigences de licéité au sens des articles 6 et 23 du RGPD ;
Elle censure, en revanche, la cour d’appel pour avoir ordonné la production de ces documents sans avoir veillé au respect du principe de minimisation des données à caractère personnel, édicté par l’article 5, § 1, c) du RGPD et enjoint aux parties de n’utiliser les données, contenues dans les documents dont la communisation est ordonnée, qu’aux seules fins de l’action en discrimination.
Faits et procédure. Invoquant l’existence d’une discrimination syndicale, un salarié exerçant plusieurs mandats de représentation du personnel saisit le conseil de prud’hommes de demandes d’indemnisation et de rappel de salaire. Par jugement avant dire droit du 4 avril 2019, le conseil de prud’hommes a ordonné à la société qui l’employait, en application de l’article 144 du Code de procédure civile N° Lexbase : L1496H48, de produire les historiques de carrière de neuf salariés nommément désignés, ainsi que leurs bulletins de salaire.
Après avoir sollicité l’avis de la Chambre sociale (Cass. avis, 24 avril 2024, n° 21-20.979, FS-D N° Lexbase : A48045QY), le présent arrêt se prononce sur le pourvoi dirigé contre l’arrêt confirmatif de la cour d’appel (CA Caen, 1er juillet 2021, n° 19/01363 N° Lexbase : A92564X4).
La Cour de cassation devait essentiellement se prononcer sur deux points. Elle en a relevé d’office un troisième.
Solution. La Cour examine, d’abord, la licéité, au regard des articles 6 et 23 du RGPD N° Lexbase : L0189K8I, de la production en justice, dans un litige relatif à une discrimination syndicale, en tant qu’éléments de preuve, d’un historique de carrière et de bulletins de paie de salariés nommément désignés, ces documents contenant des données à caractère personnel. Une telle production s’analyse en un traitement de données personnelles initialement collectées à d’autres fins que celle de rapporter une preuve au cours d’une instance prud’homale (CJUE, 2 mars 2023, aff. C-268/21, Norra Stockholm Bygg N° Lexbase : A28209GK). Dès lors, l’appréciation de sa licéité requiert de vérifier, d’une part, l’existence d’une base juridique idoine servant de fondement à ce traitement, et d’autre part, à défaut de consentement des personnes concernées, qu’elle constitue une mesure nécessaire et proportionnée dans une société démocratique (RGPD, art. 6, § 4) et garantit notamment l’indépendance de la justice et des procédures judiciaires ainsi que l’exécution des demandes de droit civil (RGPD, art. 23, § 1). En l’espèce, pour estimer ces conditions remplies, l’arrêt se fonde sur les dispositions :
L’arrêt se prononce, ensuite, sur le point de savoir si les salariés, dont les données personnelles ont été sollicitées, doivent être mis en cause. La Cour de cassation estime que les dispositions de l’article 14 du Code de procédure civile N° Lexbase : L1131H4N, aux termes desquelles nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée, ne peuvent trouver à s’appliquer, dans la mesure où ces personnes sont des tiers au litige et ne sont pas en situation d’indivisibilité avec le responsable du traitement de données. La protection des droits de ces tiers au litige est garantie par le contrôle du juge.
Sur un moyen relevé d’office, la cour reproche cependant aux juges du fond de s’être limités, pour ordonner la production d’éléments portant atteinte à la protection de données à caractère personnel, à contrôler le caractère indispensable et unique de ces éléments pour l’exercice par le salarié de son droit à la preuve et le caractère proportionné de l’atteinte au but poursuivi, en l’occurrence l’exercice de sa défense par le salarié, alors qu’ils auraient dû veiller au respect du principe de minimisation des données à caractère personnel et enjoindre aux parties de n’utiliser ces données qu’aux seules fins de l’action en discrimination.
En d’autres termes, la cour d’appel est censurée pour s’être seulement conformée aux principes dégagés par la Cour de cassation en matière de droit à la preuve (v. not. : Cass. ass. plén., 22 décembre 2023, n° 20-20.648 N° Lexbase : A27172AU) alors qu’elle aurait dû, s’agissant de données personnelles, également mettre en œuvre le principe de minimisation des données, tel qu’interprété par la CJUE (CJUE, 2 mars 2023, aff. C-268/21, Norra Stockholm Bygg N° Lexbase : A28209GK). Si la Cour de cassation a déjà imposé aux juges du fond, dans une telle hypothèse, de rechercher si les éléments dont la communication était demandée sont de nature à porter atteinte à la vie personnelle d’autres salariés, quelles mesures sont indispensables à l’exercice du droit à la preuve et proportionnées au but poursuivi, au besoin en cantonnant le périmètre de la production de pièces sollicitées (v. dans le même sens : Cass. soc., 22 septembre 2021, n° 19-26.144, F-B N° Lexbase : A135947H ; Cass. soc., 1er juin 2023, n° 22-13.238, F-B N° Lexbase : A64069XK), c’est la première fois, à notre connaissance, qu’elle fonde cette exigence sur le RGPD.
Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : L’instance prud’homale, L’acquisition de la preuve, in Droit du travail, Lexbase N° Lexbase : E343703P. |
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Réf. : Cass. com., 2 octobre 2024, n° 23-14.912, F-B N° Lexbase : A776757S
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N0560B37
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par Vincent Téchené
Le 10 Octobre 2024
► La dissolution d'une société, dont toutes les parts sociales sont réunies en une seule main, intervenue au cours de son plan de redressement qui a prévu l'inaliénabilité de son fonds de commerce, n'entraîne pas la transmission universelle de son patrimoine à l'associé unique ; doit, en conséquence, être rejeté le pourvoi formé contre l'arrêt d'une cour d'appel qui a retenu que cette société n'avait pas perdu la capacité d'ester en justice.
Faits et procédure. À la suite de la mise en redressement judiciaire d’une SARL, un jugement du 22 mars 2011 a arrêté son plan de redressement d'une durée de dix ans.
Le 27 avril 2018, une assemblée générale extraordinaire a prononcé la dissolution par anticipation de la SARL, qui avait pour associée unique une société, depuis une cession de parts sociales du 28 mars 2018, l'a mise en liquidation amiable et a désigné un liquidateur.
La SARL a demandé en justice le paiement de factures. Ayant été radiée du Registre du commerce et des sociétés le 20 mai 2021, un mandataire ad hoc, en la personne de son associé unique, lui a été désigné pour la poursuite de cette instance.
Un jugement du 29 septembre 2021 a constaté l'exécution du plan de redressement et a prononcé la clôture de la procédure collective.
C’est dans ces conditions que la cour d’appel (CA Reims, 17 janvier 2023, n° 22/00211 N° Lexbase : A46312B7) a fait droit à la demande de paiements des factures litigieuses, jugeant notamment que la SARL, prise en la personne de son mandataire ad hoc, avait la capacité d'ester en justice. La société condamnée au paiement a alors formé un pourvoi en cassation.
Décision. La Cour de cassation pose ici un principe : la dissolution d'une société, dont toutes les parts sociales sont réunies en une seule main, intervenue au cours de son plan de redressement prévoyant l'inaliénabilité de son fonds de commerce, n'entraîne pas la transmission universelle de son patrimoine à l'associé unique.
Or, la cour d’appel a retenu qu'en arrêtant un plan de redressement, le tribunal peut interdire au débiteur en procédure collective de passer certains actes. En l’espèce, le fonds de commerce avait été rendu inaliénable par le plan arrêté en 2011. En outre, la dissolution de cette société ayant été prononcée le 27 avril 2018, un jugement du 29 septembre 2021 a ensuite prononcé la clôture de la procédure collective.
Pour la Haute juridiction, il en ressort que la transmission du fonds de commerce restait soumise aux règles d'ordre public applicables au redressement ou à la liquidation judiciaire des entreprises en difficulté, de sorte que la cour d'appel a exactement déduit que, bien que toutes les parts du capital de cette société se soient, postérieurement à l'arrêté de son plan de redressement, trouvées réunies en une seule main, sa dissolution n'entraînait pas la transmission universelle de son patrimoine à l'associé unique.
Observations. On rappellera que le principe de la transmission universelle de patrimoine à l’associé unique personne morale est posé à l’article 1844-5, alinéa 3, du Code civil N° Lexbase : L2025ABM. Cette règle ne s’applique pas à l’associé unique personne physique, la loi « NRE » (loi n° 2001-420, du 15 mai 2001, relative aux nouvelles régulations économiques N° Lexbase : L8295ASZ) ayant ajouté un alinéa 4 à l’article précité qui prévoit que « les dispositions du troisième alinéa ne sont pas applicables aux sociétés dont l’associé unique est une personne physique ».
On notera enfin que la Cour de cassation a déjà précisé que la transmission universelle de patrimoine ne se réalise pas, en revanche, lorsque la société fait l’objet d’une procédure collective (à propos d’une EURL, mais la solution est transposable à la SASU : Cass. com., 12 juillet 2005, 2 arrêts, n° 02-19.860, FP-P+B+R+I N° Lexbase : A9126DIT et n° 03-14.809, FP-P+B+R+I N° Lexbase : A9157DIY).
Pour aller plus loin : v. N. Kilgus, ÉTUDE : La société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU), La transmission à l’associé unique personne morale de la SASU, in Droit des sociétés (dir. B. Saintourens), Lexbase N° Lexbase : E99000ZP. |
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Réf. : CE, 2e-7e ch.-réunies, 3 octobre 2024, n° 491297, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A158058Z
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N0582B3X
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par Yann Le Foll
Le 10 Octobre 2024
► Le preneur à bail d'un bien immobilier n’est pas au nombre des personnes auxquelles doit être notifié l’arrêté déclarant cessible une parcelle dont il est locataire.
Principe. Le preneur à bail d'un bien immobilier, titulaire de droits personnels à ce titre, justifie d'un intérêt lui donnant qualité pour contester devant le juge de l'excès de pouvoir la légalité d'un arrêté déclarant cessible une parcelle dont il est locataire (il en est de même pour le locataire de locaux faisant partie d'un bien préempté : CE, 6 octobre 1999, n° 185577 N° Lexbase : A5216AXH).
Toutefois, il n'est pas, à la différence du propriétaire de la parcelle, au nombre des personnes destinataires de cet arrêté auxquelles il doit être notifié.
Par suite, la publication régulière d'un tel arrêté a pour effet de faire courir le délai de recours contentieux à son encontre.
Précision/QPC. La fixation des modalités de publicité d'un acte administratif, tel un arrêté de cessibilité, et des règles relatives au délai de recours à l'encontre d'un tel acte, qui ne relève d'aucun principe ou règle dont la détermination incombe à la loi en vertu de l'article 34 de la Constitution N° Lexbase : L0860AHC, revêt un caractère réglementaire. Elle ne peut donc faire l’objet d’une question prioritaire de constitutionnalité.
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Réf. : Cass. crim., 2 octobre 2024, n° 23-86.664, F-B N° Lexbase : A7776577
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N0609B3X
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par Pauline Le Guen
Le 21 Octobre 2024
► La Chambre criminelle de la Cour de cassation vient préciser qu’en cas de démembrement du droit de propriété, la saisie d’un bien immeuble ne peut porter que sur le droit démembré confiscable, à l’exclusion de la pleine propriété, sauf à ce que chacun des droits démembrés soit confiscable.
Rappel des faits. Un individu était poursuivi des chefs d’escroquerie et d’abus de biens sociaux. Par ordonnance, le juge des libertés et de la détention a ordonné la saisie de locaux commerciaux, dont il avait la nue-propriété, et ses parents, l’usufruit. L’un de ces derniers a fait appel de cette décision.
En cause d’appel. La chambre de l’instruction a confirmé l’ordonnance de saisie pénale et l’usufruitier s’est alors pourvu en cassation.
Moyens du pourvoi. Le premier moyen critique l’arrêt d’avoir ordonné la saisie des biens immeubles concernés, alors que toute personne a droit au respect de ses biens et que les restrictions de propriété doivent être prévues par la loi, poursuivre un but légitime et ménager un équilibre entre l’intérêt général et ce droit. Le second moyen reproche à la chambre de l’instruction de s’être contredite en ce qu’elle confirme la saisie, alors que seule la nue-propriété devait être saisie, tout en constatant que les intéressés n’étaient pas visés par l’enquête et que leur bonne foi n’était pas contestée, et que leurs droits d’usufruitiers étaient parfaitement préservés par l’ordonnance du juge des libertés et de la détention.
Décision. La Cour de cassation casse l’arrêt au visa des articles 593 N° Lexbase : L3977AZC et 706-150 N° Lexbase : L7454LPR du Code de procédure pénale. Dans un premier temps, elle écarte le premier moyen en indiquant que la saisie pénale, prévue par la loi, poursuit le but légitime de la garantie de l’exécution de la peine complémentaire de confiscation encourue par l’auteur de l’infraction. Par ailleurs, elle souligne que la conciliation entre cet objectif et le droit au respect des biens de l’usufruitier n’est pas déséquilibrée, dès lors que la restriction apportée à ses droits n’est que partielle, en ce que la saisie ne suspend ni l’usage ni le droit d’en percevoir les fruits, et qu’elle est temporaire.
En revanche, elle fait droit au second moyen, en soulignant que la chambre de l’instruction ne pouvait confirmer l’ordonnance de saisie des biens immeubles, alors que seule la nue-propriété était saisissable. Elle souligne enfin qu’en cas de démembrement du droit de propriété, comme en l’espèce, la saisie ne peut porter que sur le droit démembré confiscable, à l’exclusion de la pleine propriété du bien, sauf à ce que chacun des droits démembrés soit lui-même confiscable. La chambre de l’instruction ne pouvait donc confirmer la saisie de l’entièreté des locaux et la cassation doit par conséquent être prononcée.
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Réf. : Décret n° 2024-904, du 8 octobre 2024, relatif à la mise en œuvre des mesures de modernisation des modalités de réunion et de consultation des organes de décision de certaines formes de sociétés commerciales N° Lexbase : L0063MRR
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par Perrine Cathalo
Le 16 Octobre 2024
► Publié au Journal officiel du 10 octobre 2024, le décret n° 2024-904, relatif à la mise en œuvre des mesures de modernisation des modalités de réunion et de consultation des organes de décision de certaines formes de sociétés commerciales, vient compléter l’article 18 de la loi « Attractivité » du 13 juin 2024.
Il y a quelques mois de cela, la loi n° 2024-537, du 13 juin 2024, visant à accroître le financement des entreprises et l’attractivité de la France N° Lexbase : L5923MMC (B. Dondero, Loi visant à accroître le financement des entreprises et l’attractivité de la France : mesures de droit des sociétés, Lexbase Affaires, juillet 2024, n° 801 N° Lexbase : N9823BZT) a introduit un ensemble de mesures destinées à assouplir les modalités de délibération des décisions collectives des associés et des conseils et organes délibérants.
C’est donc dans la continuité de l’article 18 de cette loi que le décret n° 2024-904, du 8 octobre 2024, indique, si les statuts prévoient cette possibilité, les mentions que doivent comporter les formulaires de vote par correspondance des associés de sociétés à responsabilité limitée, des administrateurs ou membres de conseil de surveillance de sociétés anonymes ou de sociétés en commandite par actions (art. 2).
Il précise également, pour les sociétés cotées, les conditions dans lesquelles sont réputés présents, pour le calcul du quorum et de la majorité, les membres des organes de décision qui participent à leurs réunions par un moyen de télécommunication permettant leur identification (art. 3 et 4).
Enfin, le décret prévoit les modalités de retransmission, d'enregistrement et de consultation des assemblées de sociétés cotées (art. 5).
Le texte entre en vigueur le 11 octobre 2024.
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