Réf. : Cons. const., décision n° 2024-1106 QPC, du 11 octobre 2024 N° Lexbase : A571759M
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N0660B3T
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par Yann Le Foll
Le 16 Octobre 2024
► Le fait que les élus municipaux ne puissent bénéficier de la même protection fonctionnelle que celle accordée aux agents publics en cas de poursuites pénales est conforme à la Constitution.
Objet QPC. La question prioritaire de constitutionnalité porte sur les mots « poursuites pénales » figurant au deuxième alinéa de l’article L. 2123-34 du Code général des collectivités territoriales N° Lexbase : L9094MLE (après renvoi de CE, 3e ch., 15 juillet 2024, n° 490227 N° Lexbase : A19055RY).
Selon ces dispositions, la commune est tenue d’accorder sa protection au maire ou à l’élu municipal le suppléant ou ayant reçu une délégation, ou à l’un de ces élus ayant cessé ses fonctions, uniquement lorsqu’il fait l’objet de poursuites pénales à l’occasion de faits qui n’ont pas le caractère de faute détachable de l’exercice de ses fonctions (voir à l’inverse, pour une faute personnelle détachable de l'exercice de ses fonctions empêchant le bénéfice de la protection fonctionnelle due à un maire : CE 3e-8e s-s-r., 30 décembre 2015, deux arrêts, n° 391798 N° Lexbase : A1928N3S et n° 391800 N° Lexbase : A1929N3T, mentionnés aux tables du recueil Lebon).
Position Conseil Const. En les adoptant, le législateur a entendu permettre notamment au maire ou à l’élu le suppléant ou ayant reçu une délégation, compte tenu des risques de poursuites pénales auxquels les exposent ces fonctions, de bénéficier de la même protection fonctionnelle que celle accordée aux agents publics en cas de poursuites pénales.
Si, depuis la loi n° 2016-483, du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires N° Lexbase : L7825K7X, les agents publics bénéficient, en outre, d’une telle protection lorsqu’ils sont entendus en qualité de témoin assisté, placés en garde à vue ou se voient proposer une mesure de composition pénale, ils ne se trouvent pas dans la même situation que les élus chargés d’administrer la commune, au regard notamment de la nature de leurs missions et des conditions d’exercice de leurs fonctions. Compte tenu de cette différence de situation, le législateur n’était donc pas tenu de les soumettre aux mêmes règles de protection fonctionnelle.
Dès lors, s’il serait loisible au législateur d’étendre la protection fonctionnelle bénéficiant aux élus municipaux à d’autres actes de la procédure pénale, la différence de traitement résultant des dispositions contestées, qui est fondée sur une différence de situation, est en rapport direct avec l’objet de la loi.
Le grief tiré de la méconnaissance du principe d’égalité devant la loi doit donc être écarté.
Décision. Par conséquent, les dispositions contestées, qui ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution (voir pour une décision similaire réservant le bénéfice de la protection aux conseillers régionaux exerçant des fonctions exécutives, à l’exclusion des autres conseillers régionaux : Cons. const., décision n° 2024-1107 QPC, du 11 octobre 2024 {"IOhtml_internalLink": {"_href": {"nodeid": 111985736, "corpus": "sources"}, "_target": "_blank", "_class": "color-sources", "_title": "Cons. const., d\u00e9cision n\u00b0 2024-1107 QPC, du 11-10-2024", "_name": null, "_innerText": "N\u00b0\u00a0Lexbase\u00a0: A571859N"}}).
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Réf. : CJUE, 4 octobre 2024, aff. C-650/22, FIFA c/ BZ N° Lexbase : A051658M
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N0563B3A
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par Perrine Cathalo
Le 15 Octobre 2024
► Les règles de la FIFA relatives aux transferts internationaux de footballeurs professionnels entravent la liberté de circulation des joueurs et restreignent la concurrence entre les clubs.
Faits et procédure. Un ancien footballeur professionnel établi en France conteste devant les juridictions belges certaines des règles adoptées par la Fédération internationale de football association (FIFA), l’association chargée de l’organisation et du contrôle du football au niveau mondial, en faisant valoir qu’elles ont entravé son engagement par un club de football belge. Les règles en cause figurent dans le règlement du statut et du transfert des joueurs (RSTJ) de la FIFA.
Ces règles, qui ont vocation à être mises en œuvre tant par la FIFA que par les associations nationales de football qui en sont membres, comme l’Union royale belge des sociétés de football association (URBSFA), s’appliquent, entre autres, dans le cas où un club estime qu’un de ses joueurs a rompu son contrat de travail sans « juste cause » avant le terme normal de ce contrat.
En pareil cas, le joueur et tout club souhaitant l’engager sont solidairement et conjointement responsables du paiement d’une indemnité envers l’ancien club. En outre, le nouveau club peut être passible, dans certaines situations, d’une sanction sportive consistant en une interdiction d’engager de nouveaux joueurs pendant une période donnée. Enfin, l’association nationale dont dépend l’ancien club du joueur doit refuser de délivrer un certificat international de transfert à l’association auprès de laquelle est enregistré le nouveau club, tant qu’il existe un litige entre l’ancien club et le joueur au sujet de la rupture du contrat.
La cour d’appel de Mons demande à la Cour de justice si ces différentes règles sont conformes à la liberté de circulation des travailleurs et au droit de la concurrence.
Décision. La Cour juge que l’ensemble de ces règles sont contraires au droit de l’Union.
D’une part, les règles en question sont de nature à entraver la liberté de circulation des footballeurs professionnels qui voudraient faire évoluer leur activité en allant travailler pour un nouveau club, établi sur le territoire d’un autre État membre de l’Union. En effet, ces règles font peser sur ces joueurs et sur les clubs souhaitant les engager des risques juridiques importants, des risques financiers imprévisibles et potentiellement très élevés, ainsi que des risques sportifs majeurs, qui, pris ensemble, sont de nature à entraver le transfert international desdits joueurs.
Si des restrictions à la libre circulation des joueurs professionnels peuvent être justifiées par l’objectif d’intérêt général consistant à assurer la régularité des compétitions de football interclubs, en maintenant un certain degré de stabilité dans les effectifs des clubs de football professionnel, en l’occurrence, les règles en cause semblent néanmoins, sous réserve de vérifications par la cour d’appel de Mons, aller, sur plusieurs aspects, au-delà de ce qui est nécessaire pour la poursuite de cet objectif.
D’autre part, s’agissant du droit de la concurrence, la Cour juge que les règles litigieuses ont pour objet de restreindre, voire d’empêcher la concurrence transfrontalière, à laquelle pourraient se livrer tous les clubs de football professionnel établis dans l’Union, en recrutant unilatéralement des joueurs sous contrat avec un autre club ou des joueurs dont il est allégué que le contrat de travail a été rompu sans juste cause.
À cet égard, la Cour rappelle que la possibilité de se faire concurrence en recrutant des joueurs déjà formés joue un rôle essentiel dans le secteur du football professionnel et que des règles qui restreignent de façon généralisée cette forme de concurrence, en figeant la répartition des travailleurs entre les employeurs, ainsi qu’en cloisonnant les marchés, s’apparentent à un accord de non-débauchage. Par ailleurs, la Cour relève que, sous réserve de vérification par la cour d’appel de Mons, ces règles ne semblent pas être indispensables ou nécessaires.
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Réf. : Cass. civ. 3, 26 septembre 2024, n° 23-14.685, FS-B N° Lexbase : A4058543
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N0590B3A
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par Christine Lebel, Maître de conférences HDR, Université de Franche-Comté
Le 15 Octobre 2024
► Le preneur ou, en cas de cotitularité, l'un ou les copreneurs, qui mettent les biens loués à la disposition d'un groupement agricole d'exploitation en commun dont ils ne sont pas membres, mais qui continuent à se consacrer à l'exploitation de ceux-ci, en participant sur les lieux aux travaux de façon effective et permanente, n'abandonnent pas la jouissance du bien loué à ce groupement et ne procèdent donc pas à une cession prohibée du bail ; il en résulte que, dans ce cas, le bailleur ne peut solliciter la résiliation du bail que sur le fondement de l'article L. 411-31, II, 3° du Code rural et de la pêche maritime et est donc tenu de démontrer que le manquement est de nature à lui porter préjudice.
En l’espèce, par acte du 20 avril 1990, un bailleur a donné à bail à ferme à un couple de preneurs diverses parcelles, qu'ils ont mises à la disposition de l'exploitation agricole à responsabilité limitée devenue le groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC), dont seul le mari était membre. Le 27 avril 2018, le bailleur a saisi un tribunal paritaire des baux ruraux en résiliation du bail. Le bailleur invoquait le fait que le mari soit seul associé du GAEC, à l'exclusion de son épouse pourtant copreneuse, et que cette situation constituait une cession prohibée du bail justifiant le prononcé de sa résiliation et que de surcroît il n'est pas justifié que l’épouse participe de manière effective et permanente à l'exploitation, ce qui lui cause un préjudice dans la mesure où celle-ci a totalement cessé d'exploiter les biens donnés à bail. En défense, les copreneurs ont fait valoir que le bailleur a été régulièrement informé de la mise à disposition des terres au GAEC, que le fait que l’épouse ne soit pas associée du GAEC serait sans portée, dès lors que celle-ci a continué à participer activement à l'exploitation des terres.
Par un arrêt du 16 février 2023 (CA Caen, 16 février 2023, n° 22/00934 N° Lexbase : A72259DX), la cour d’appel considère que du fait de la mise à disposition des terres au profit du GAEC, l’épouse a procédé à une cession prohibée.
En application de l'article L. 411-31, II, 3° du Code rural et de la pêche maritime N° Lexbase : L8924IWG, la résiliation du bail pour cession prohibée de bail du seul fait que l'un des copreneurs n'a pas la qualité d'associé de la société bénéficiaire de la mise à disposition ne peut être prononcée que si cette irrégularité a causé un préjudice au bailleur.
Les juges du fond relèvent que la copreneuse était affiliée à la MSA en qualité de conjoint collaborateur participant aux travaux depuis le 1er avril 1989. En outre, le règlement du GAEC précise que celle-ci est responsable de la comptabilité et des tâches administratives et qu'elle est responsable de la traite matin et soir. L'expert-comptable du GAEC atteste que la copreneuse participe avec son époux aux travaux d'exploitation depuis 1989 et qu'il a régulièrement des contacts avec celle-ci en ce qui concerne la partie administrative de l'exploitation agricole. Ainsi, la cour d’appel considère que ces éléments, qui établissent une participation habituelle et effective de la copreneuse à l'exploitation des biens donnés à bail ne sont remis en cause par aucune pièce du bailleur. Ainsi, à défaut de justifier de l’existence d’un préjudice particulier, les juges du fond ont confirmé le rejet de la demande du bailleur, lequel forme un pourvoi.
Question. Est-ce que la cessation d'activité du copreneur, qui n'a jamais été associé de la société bénéficiaire de la mise à disposition des parcelles données à bail, prive le bailleur de la possibilité de poursuivre l'exécution des obligations nées du bail que ce copreneur avait contracté ?
Enjeu. Dans l’affirmative, la résiliation du bail sera prononcée ; dans la négative, le bailleur n’ayant pas de préjudice, la demande de résiliation sera rejetée.
Réponse de la Cour de cassation. À défaut de préjudice particulier pour le bailleur, apprécié souverainement par les juges du fond, le bailleur ne peut obtenir la résiliation du bail sur le fondement de l'article L. 411-31, II, 3° du Code rural et de la pêche maritime.
Dans cet arrêt du 26 septembre 2026, la Cour de cassation rappelle le cadre juridique applicable à la mise à disposition d’un bail rural conclu par des copreneurs, d’une société d’exploitation agricole, dont en principe ils devraient être tous également associés conformément aux articles L. 411-35 N° Lexbase : L4458I4U, L. 323-14 N° Lexbase : L6171HHZ et L. 411-37 N° Lexbase : L4462I4Z du Code rural et de la pêche maritime. Or, il apparait que cette condition n’est pas toujours remplie. Dans ce cas, la mise à disposition au bénéfice d’une société d’exploitation constitue une cession prohibée du fait du copreneur qui n’a pas également la qualité d’associé-exploitant dans la société d’exploitation en application. En effet, selon l'article L. 411-31, II, 1° et 3°, de ce code, le bailleur peut demander la résiliation du bail s'il justifie soit d'une contravention aux dispositions de l'article L. 411-35, soit, si elle est de nature à porter préjudice au bailleur, d'une contravention aux obligations dont le preneur est tenu en application de l'article L. 411-37.
Pour justifier cette résiliation, le bailleur doit justifier d’un préjudice dont l’existence et l’importance sont appréciées souverainement par les juges du fond.
Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Mise à disposition du bail rural à une société à objet principalement agricole majoritairement détenue par des personnes physiques, Résiliation du bail pour mise à disposition irrégulière, in Droit rural (dir. Ch. Lebel), Lexbase N° Lexbase : E9070E9S. |
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Réf. : Cass. soc., 2 octobre 2024, n° 23-19.326, FS-B N° Lexbase : A778557H
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N0601B3N
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par Sephora Boussour, Avocate, COSMO Avocats
Le 15 Octobre 2024
► Les accords de modulation du temps de travail, conclus avant la loi n° 2008-789, du 20 août 2008, restent en vigueur, à condition que l’accord collectif d’entreprise ou de branche qui met en place ce dispositif respecte les conditions de validité en vigueur avant la promulgation de cette loi.
Fonctionnement de la modulation. La modulation est une modalité d’aménagement du temps de travail sur une période supérieure à la semaine. Elle permet de faire varier la durée de travail sur tout ou partie de l'année, sans pouvoir excéder 1607 heures de travail par an (journée de solidarité incluse).
Une telle répartition a pour objet de permettre aux entreprises de faire face aux variations d'activité. Ainsi, les heures effectuées pendant les périodes « hautes » d’activité compensent les périodes « basses » d’activité.
Notons enfin que la modulation du temps de travail ne peut être mise en œuvre qu’en présence d’un accord collectif d’entreprise ou de branche.
Dispositif de sécurisation des accords. La loi n° 2008-789, du 20 août 2008, portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail N° Lexbase : L7392IAZ, a mis en place un cadre légal unique d’aménagement du temps de travail plurihebdomadaire.
Depuis le 22 août 2008, les entreprises et les acteurs de la négociation au niveau de la branche ne peuvent plus conclure d’accord collectif relatif au cycle de travail, à la modulation de la durée du travail et à la réduction du temps de travail sous forme de RTT.
Toutefois, les accords collectifs conclus portant sur les anciens aménagements du temps de travail, avant le 21 août 2008, restent en vigueur, sans limitation de durée (loi n° 2008-789, du 20 août 2008, art. 20, V).
Les entreprises concernées peuvent donc continuer à appliquer ces accords, y compris aux salariés embauchés postérieurement à la mise en place du dispositif, sauf clause contraire du contrat de travail (Cass. soc., 17 novembre 2021, n° 19-25.149, FS-B N° Lexbase : A94647B7).
Enjeux. Pour appliquer un accord collectif de modulation du temps de travail, encore faut-il qu’il remplisse les conditions de validité en vigueur avant la loi du 20 août 2008 précitée (Cass. soc., 17 décembre 2014, n° 13-19.834, FS-P+B N° Lexbase : A2756M8L).
À ce titre, les anciens accords de modulation doivent préciser (C. trav., art L. 3122-11 N° Lexbase : L6848K9I, L. 3122-13 N° Lexbase : L6846K9G et L. 3122-14 N° Lexbase : L6845K9E, anciens) :
Si l’une de ces mentions est manquante, l’accord de modulation est inopposable.
Faits et procédure. Dans cet arrêt, le salarié relève que l’accord collectif national du 23 décembre 1981, mettant en place au niveau de la branche la modulation du temps de travail, ne comporte pas deux des mentions obligatoires :
Il en déduit que seule la durée du travail légale lui est applicable par défaut, soit 35 heures par semaine et non plus 1 607 heures par an. Il sollicite notamment des rappels de salaire :
Pour la cour d’appel d’Angers, l’absence de ces deux mentions n’est pas suffisante pour remettre en cause l’application dudit accord. Elle relève également que le salarié ne justifie d’aucun préjudice (CA Angers, 6 avril 2023, n° 21/00098 N° Lexbase : A88329NG).
Solution. La Chambre sociale de la Cour de cassation censure le raisonnement de la cour d’appel, et rappelle les dispositions de la loi du 20 août 2008 et des articles L. 3122-11 et suivants du Code du travail : en l’absence desdites mentions dans l’accord collectif de branche, les stipulations conventionnelles ne sont plus en vigueur depuis le 22 août 2008.
L’accord national du 23 décembre 1981, dans sa rédaction issue de l'avenant n° 12 du 29 mars 2000 (agriculture), est inopposable, et le salarié est fondé à solliciter des rappels de salaire.
Portée. Notons que cette décision intervient dans la continuité des arrêts précédents, la Cour ayant déjà jugé que « lorsque l’accord de modulation ne comporte pas de programme indicatif de répartition de la durée du travail, cet accord est inopposable au salarié, qui peut prétendre au paiement d’heures supplémentaires sur la base de la durée légale de travail » (Cass. soc., 24 mai 2023, n° 21-24.350, F-D N° Lexbase : A95949WA ; Cass. soc., 13 janvier 2016, n° 14-13.709, F-D N° Lexbase : A9406N3R et Cass. soc., 12 mars 2008, n° 06-45.274, F-D N° Lexbase : A3998D79).
Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : L’aménagement du temps de travail, Les dispositions supplétives en matière d'aménagement du temps de travail sur une période de référence supérieure à la semaine, in Droit du travail, Lexbase N° Lexbase : E0955GAM. |
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Réf. : CAA Nantes, 5e ch., 1er octobre 2024, n° 22NT03690 N° Lexbase : A802957I
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N0580B3U
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par Yann Le Foll
Le 15 Octobre 2024
► Est annulée une autorisation environnementale portant sur l'installation et l'exploitation de trois éoliennes et d'un poste de livraison en raison de la présence à proximité de nombreux sites mégalithiques auxquels le projet porterait une atteinte excessive.
Rappel. Il résulte des dispositions de l'article L. 181-3 du Code de l'environnement N° Lexbase : L8343MEQ que, pour apprécier l'atteinte significative d'une installation à des paysages ou des sites, il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, de prendre en compte l'ensemble des éléments pertinents et notamment, le cas échéant, la visibilité du projet depuis ces sites ou la covisibilité du projet avec ces sites ou paysages.
Position CAA. Il résulte de l'instruction que les alentours de la zone d'implantation du projet litigieux regroupent de nombreux sites mégalithiques situés sur des points hauts et classés au titre des monuments historiques. Certains menhirs se situent à 540 mètres de l'éolienne n° 3 et il résulte des photomontages produits par les requérants qu'aucun relief ni obstacle naturel ne sépare les éoliennes litigieuses.
À plusieurs reprises au cours de l'instruction de la demande d'autorisation environnementale, l'architecte des bâtiments de France a émis des avis défavorables au motif que les menhirs implantés sur le plateau rétro-littoral de Porspoder constituent, par leur verticalité, des marqueurs dans le paysage et que les éoliennes, par leur hauteur trop importante, perturberaient le rapport d'échelle de ces menhirs, et plus particulièrement du menhir dressé de Kergadiou, à leur contexte paysager.
Enfin, la commissaire enquêtrice a également émis un avis défavorable au projet, au motif notamment de la visibilité et covisibilité directe et rapprochée avec le menhir dressé de Kergadiou, qui se situe dans un paysage exceptionnel par son état de conservation.
Décision. Dans ces conditions, le projet porte une atteinte excessive tant au paysage environnant qu'au patrimoine archéologique, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 181-3 du Code de l'environnement précité.
Rappel. L’arrêté préfectoral refusant d’autoriser l’implantation d’éoliennes au sud-ouest de la commune d’Illiers-Combray (Eure-et-Loir) est légal, motivé par la préservation d’un paysage présentant une composante immatérielle liée à son évocation au sein d’une œuvre littéraire reconnue (CAA Versailles, 2e ch., 11 avril 2022, n° 20VE03265 N° Lexbase : A98217TW).
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Réf. : Cass. civ. 3, 3 octobre 2024, n° 23-11.448, F-D N° Lexbase : A930058X
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N0650B3H
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par Juliette Mel, Docteur en droit, Avocat associé, M2J Avocats, Chargée d’enseignements à l’UPEC, Responsable de la commission Marchés de Travaux, Ordre des avocats
Le 15 Octobre 2024
► Le demandeur doit prouver l’anormalité du trouble ; l’urbanisation ne fait pas obstacle à la caractérisation d’un préjudice consécutif à une perte d’ensoleillement constitutive d’un trouble anormal du voisinage.
Longtemps fondé sur les dispositions des articles 544 N° Lexbase : L3118AB4 et 1240 N° Lexbase : L0950KZ9 du Code civil, la formule selon laquelle « nul ne doit causer à autrui un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage » est aujourd’hui un principe général du droit. Autrement dit, cette création prétorienne s’applique en tant que principe, sans fondement textuel particulier. Ainsi, un voisin qui s’estime victime d’un trouble anormal peut assigner le voisin, qu’il soit propriétaire ou non.
La mise en œuvre de l’action fondée sur les troubles anormaux du voisinage est redoutable. D’abord, parce qu’il s’agit d’une responsabilité objective. La preuve de l’absence de faute du voisin est indifférente (pour exemple : Cass. civ. 3, 25 octobre 1972, n° 71-12.434, publié au bulletin N° Lexbase : A9839CIA). Ensuite parce que la notion de trouble, forcément subjective, est, pour le moins, protéiforme (bruit, odeur, poussière, construction, végétation, glissement de terrain, eaux de pluie, etc.). Enfin, parce que seule l’anormalité du trouble importe (pour exemple, toujours : Cass. civ. 3, 2 décembre 1982, n° 80-13.159, publié au bulletin N° Lexbase : A7994CES), ce qui rend inopérant le respect de la règlementation applicable. Or, la qualification de ce qui est normal, ou non, est, à se risquer au jeu de mots, troublante en droit.
La présente espèce est l’occasion d’y revenir. Un maître d’ouvrage entreprend, sur un fonds lui appartenant, la construction d’un bâtiment adossé au mur pignon d’un immeuble appartenant à une SCI. Se plaignant de l’obturation en résultant de deux ouvertures existantes dans ce mur pignon, la SCI assigne sa voisine maître d’ouvrage en indemnisation de son préjudice. Elle est condamnée et forme un pourvoi en cassation. Elle y articule que la suppression d’un jour de souffrance, qui ne conduit qu’à mettre fin à une simple tolérance, ne peut pas constituer un trouble anormal du voisinage. Elle ajoute que le caractère anormal d’un trouble de voisinage s’apprécie in concreto au regard de l’environnement dans lequel il se produit.
La Haute juridiction considère que c’est à bon droit que la cour a retenu que si les jours de souffrance n’entraînent pas, en eux-mêmes, de restrictions au droit de propriété du voisin, ce principe ne fait pas obstacle à la possibilité d’obtenir l’indemnisation du préjudice résultant de leur obstruction, même non fautive, dès lors que celui qui s’en prévaut démontre que celle-ci a eu des conséquences excédant les inconvénients normaux du voisinage.
En dépit de l’environnement très urbanisé des immeubles, impliquant la possibilité de subir des pertes d’ensoleillement en raison de la construction de nouveaux bâtiments, l’obturation des jours de souffrances occasionnait au voisin un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage.
Ces dispositions jurisprudentielles ont récemment été codifiées (loi n° 2024-346, du 15 avril 2024 N° Lexbase : L1327MM4) à l’article 1253 du Code civil N° Lexbase : L1475MML qui dispose que :
« Les troubles anormaux du voisinage
« Art. 1253.-Le propriétaire, le locataire, l'occupant sans titre, le bénéficiaire d'un titre ayant pour objet principal de l'autoriser à occuper ou à exploiter un fonds, le maître d'ouvrage ou celui qui en exerce les pouvoirs qui est à l'origine d'un trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage est responsable de plein droit du dommage qui en résulte.
« Sous réserve de l'article L. 311-1-1 du code rural et de la pêche maritime, cette responsabilité n'est pas engagée lorsque le trouble anormal provient d'activités, quelle qu'en soit la nature, existant antérieurement à l'acte transférant la propriété ou octroyant la jouissance du bien ou, à défaut d'acte, à la date d'entrée en possession du bien par la personne lésée. Ces activités doivent être conformes aux lois et aux règlements et s'être poursuivies dans les mêmes conditions ou dans des conditions nouvelles qui ne sont pas à l'origine d'une aggravation du trouble anormal. »
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Réf. : Cass. com., 9 octobre 2024, n° 22-18.093, FS-B N° Lexbase : A291159P
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N0643B39
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par Vincent Téchené
Le 16 Octobre 2024
► La déclaration de créance à la procédure collective du débiteur principal, effectuée par la caution qui a payé aux lieu et place de ce dernier, interrompt la prescription de son action contre celui-ci et contre la sous-caution, jusqu'à la clôture de la procédure collective.
Faits et procédure. Une banque a consenti à une société (le débiteur principal) un prêt garanti par le cautionnement solidaire d’une société (la caution). Deux personnes physiques (les sous-cautions) se sont rendues cautions solidaires au profit de la caution, en garantie du remboursement des sommes dues à cette dernière au titre de son cautionnement.
La débitrice ayant été placée en redressement judiciaire, la caution a exécuté son engagement.
Le 9 juillet 2019, après la mise en liquidation judiciaire de la débitrice, la caution a assigné les sous-cautions en paiement.
Arrêt d’appel. La cour d’appel (CA Rennes, 5 avril 2022, n° 20/03274 N° Lexbase : A26517SY) a déclaré irrecevable comme prescrite l'action en paiement engagée le 9 juillet 2019. Selon elle, la caution produisait une quittance subrogative démontrant que, le 31 août 2013, elle avait procédé, en sa qualité de caution, au règlement auprès de la banque créancière. À compter de cette date, elle disposait alors d'un délai de cinq ans, soit jusqu'au 31 août 2018 inclus, pour poursuivre les sous-cautions en paiement. La caution a formé un pourvoi en cassation, au soutien duquel elle faisait valoir que sa déclaration de créance avait eu pour effet d’interrompre la prescription de son action contre la sous-caution.
Décision. La Cour de cassation censure l’arrêt d’appel au visa des articles 2241 N° Lexbase : L7181IA9 et 2246 N° Lexbase : L7176IAZ du Code civil.
Pour rappel :
La Haute juridiction rappelle également que l'obligation de la sous-caution a pour objet de garantir la caution, non pas contre le risque auquel cette dernière est exposée de devoir payer le créancier à la place du débiteur principal défaillant, mais contre celui de ne pas pouvoir obtenir du débiteur principal le remboursement des sommes qu'elle a payées pour son compte en exécution de son propre engagement.
Ainsi, selon elle, il en résulte que la déclaration de créance à la procédure collective du débiteur principal, effectuée par la caution qui a payé aux lieu et place de ce dernier, interrompt la prescription de son action contre celui-ci et contre la sous-caution, jusqu'à la clôture de la procédure collective.
Dès lors que la caution avait déclaré sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la débitrice principale le 31 mars 2014 et que cette procédure avait été clôturée le 9 septembre 2019, il en résultait que son action exercée le 9 juillet 2019 contre les sous-cautions n'était pas prescrite.
Observations. L'ordonnance n° 2014-326, du 12 mars 2014 N° Lexbase : L7194IZH a consacré une solution précédemment dégagée par la jurisprudence : la déclaration de créance interrompt la prescription. En effet l’article L. 622-25-1 du Code de commerce N° Lexbase : L7238IZ4 prévoit désormais que la déclaration de créance interrompt la prescription jusqu'à la clôture de la procédure ; elle dispense de toute mise en demeure et vaut acte de poursuites.
La Cour de cassation a déjà pu préciser que la déclaration de créance au passif de la société débitrice principale interrompt la prescription à l'égard de la caution (v. par ex. : Cass. com., 4 octobre 2005, n° 04-15.047, F-D N° Lexbase : A7134DKG). Cette solution s’applique au tiers constituant d'une sûreté réelle en garantie de la dette (Cass. com., 17 novembre 2009, n° 08-16.605, FS-P+B N° Lexbase : A7449EN9). En revanche, en matière de sous-cautionnement comme dans l’affaire qui nous intéresse, la Cour a déjà jugé que le créancier n'étant titulaire d'aucun droit contre la sous-caution qu'il aurait pu transmettre par voie de subrogation, sa déclaration de créance au passif du débiteur principal ne peut profiter à la caution lorsqu'elle exerce son recours contre la sous-caution (Cass. com., 17 mai 2017, n° 15-18.460, F-P+B N° Lexbase : A4930WDX).
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