Réf. : Cass. civ. 1, 10 juillet 2024, n° 24-10.157, F-B, QPC N° Lexbase : A22165PR
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N0151B3Y
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par Anne-Lise Lonné-Clément
Le 23 Août 2024
► Il n’y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel, la question prioritaire de constitutionnalité soulevée à l’encontre de l'article 2236 du Code civil, en ce qu'elle prévoit que la prescription ne court pas ou est suspendue entre époux, ainsi qu'entre partenaires liés par un pacte civil de solidarité (PACS), sans étendre ce régime de prescription aux concubins.
À l’occasion d’un litige relatif au remboursement de créances patrimoniales entre concubins, l’un d’eux avait soulevé deux questions prioritaires de constitutionnalité ainsi formulées :
1°/ L'article 2236 du Code civil N° Lexbase : L7221IAP, en ce qu'il ne prévoit la suspension de la prescription qu'entre époux et partenaires pacsés, et non entre concubins, méconnaît-il le principe d'égalité garanti par les articles 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et 1er de la Constitution ?
2°/ L'article 2236 du Code civil, qui ne prévoit la suspension de la prescription qu'entre époux et partenaires pacsés, ce qui contraint le concubin à agir en justice contre l'autre pendant le cours du concubinage pour interrompre la prescription applicable à ses créances patrimoniales contre ce dernier, laquelle peut se trouver acquise lors de sa rupture, méconnaît-il le droit de mener une vie familiale normale résultant des dixième et onzième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946 ?
Selon la Cour de cassation, les questions posées ne présentent pas un caractère sérieux.
D'abord, la disposition en cause, en ce qu'elle prévoit que la prescription ne court pas ou est suspendue entre époux, ainsi qu'entre partenaires liés par un pacte civil de solidarité (PACS), sans étendre ce régime de prescription aux concubins, ne méconnaît pas le principe d'égalité devant la loi, dès lors que la différence de traitement qui en résulte, fondée sur une différence de situation, est en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit.
En effet, afin de préserver la paix des ménages en évitant qu'un époux puisse être contraint, pour interrompre la prescription, d'intenter une action contre son conjoint pendant la durée du mariage, le législateur a pu prévoir que la prescription ne courrait pas ou serait suspendue pendant la durée de l'union, et étendre ensuite cette disposition aux partenaires liés par un PACS, auxquels il a accordé des droits et des obligations particuliers en créant une autre forme d'union légale dotée d'un statut et produisant un ensemble d'effets de droit, sans toutefois inclure les concubins, dont la situation se distingue en ce qu'il s'agit d'une union de fait qui se forme et se défait par la seule volonté, en dehors de tout cadre juridique, et qui emporte des droits et obligations moins nombreux.
Ensuite, l'application de la disposition contestée, elle-même, ne peut entraîner une atteinte au droit des concubins à mener une vie familiale normale, en ce qu'elle n'impose nullement à celui qui détient une créance contre l'autre d'agir en justice pendant la durée de leur relation afin d'éviter la prescription.
En outre, à supposer que la seconde question invoque l'atteinte à la vie familiale normale en ce qu'elle résulterait de la méconnaissance, par le législateur, de sa propre compétence, un tel grief d'incompétence négative, qui ne peut porter que sur l'insuffisance du dispositif instauré par la disposition contestée, serait inopérant à critiquer l'abstention du législateur qui n'a pas élaboré de régime de prescription réservé aux concubins.
En conséquence, il n'y a pas lieu de renvoyer les questions au Conseil constitutionnel.
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Réf. : CE, 3°-8° ch. réunies, 19 juillet 2024, n° 494313, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A27715SG
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N0102B38
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par Yann Le Foll
Le 25 Juillet 2024
► Il n’existe pas d’incompatibilité générale et absolue entre les fonctions de fonctionnaire actif de la police nationale et le mandat de conseiller municipal.
Objet QPC. A l'appui de sa question prioritaire de constitutionnalité, la requérante soutient que, dès lors qu'elles instituent une incompatibilité générale et absolue entre les fonctions de fonctionnaire actif de la police nationale et le mandat de conseiller municipal, les dispositions du 2° de l'article L. 237 du Code électoral N° Lexbase : L3781LLM portent atteinte au principe d'égalité et au droit d'exercer un mandat électif dont jouit tout citoyen en vertu de l'article 6 de la DDHC de 1789 N° Lexbase : L1370A9M.
Position CE. Le législateur a entendu réserver l'incompatibilité avec le mandat de conseiller municipal aux seuls fonctionnaires relevant des deux corps statutaires de la police nationale de niveaux les plus élevés dans l'ordre hiérarchique.
Cette règle d'incompatibilité, posée par le 2° de l'article L. 237 du Code électoral, reste ainsi circonscrite aux deux premiers corps, par ordre hiérarchique, de la police nationale, actuellement dénommés corps de « conception et de direction » et corps de « commandement de la police nationale », et n'inclut donc pas dans son champ d'application le troisième corps de la police nationale, l'actuel corps « d'encadrement et d'application ».
Les dispositions du 2° de l'article L. 237 du Code électoral n'ont ni pour objet, ni pour effet, d'instituer une incompatibilité générale et absolue entre les fonctions de fonctionnaire actif de la police nationale et le mandat de conseiller municipal.
Le grief tiré de ce qu'en instituant une interdiction d'une telle portée, le législateur aurait excédé ce qui est nécessaire pour protéger la liberté de choix de l'électeur, l'indépendance de l'élu ou prévenir les risques de confusion ou de conflits d'intérêts, ne présente pas un caractère sérieux.
Décision. Il n'y a pas lieu, par conséquent, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée, qui n'est pas nouvelle.
Précisions rapporteur public. Dans ses conclusions, Karin Ciavaldini indique que les fonctionnaires concernés par l’incompatibilité « sont amenés à interagir, au nom de l’Etat, avec les collectivités territoriales et leurs élus et nous partageons l’affirmation du ministre de l’Intérieur selon laquelle leur fonction est revêtue d’une forte représentation symbolique dans la société, qui dépasse les seules limites de la circonscription dans laquelle ils exercent. L’incompatibilité édictée, qui est limitée en fonction du grade de la personne et des responsabilités qu’elle exerce au sein de l’Etat, paraît ainsi justifiée, au regard des exigences découlant de l’article 6 de la Déclaration de 1789, par la nécessité de protéger la liberté de choix de l’électeur et l’indépendance de l’élu ».
Pour aller plus loin : v. ÉTUDE, Les élections municipales, Les incompatibilités, in Droit électoral (dir. P. Tifine), Lexbase N° Lexbase : E85213CL. |
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Réf. : Cass. crim., 26 juin 2024, n° 23-86.945, F-B N° Lexbase : A12375LE
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N9780BZA
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par Pauline Le Guen
Le 23 Août 2024
► Le départ volontaire de l’avocat au cours d’une confrontation n’oblige pas les enquêteurs à interrompre la mesure dès lors qu’ils ne font pas obstacle à l’assistance du gardé à vue par un conseil
Faits et procédure. Une assistante maternelle est soupçonnée d’être à l’origine d’un grave traumatisme crânien subi par un bébé dont elle avait la garde. Elle est placée en garde-à-vue et entendue à plusieurs reprises, en présence d’un avocat commis d’office. Ce dernier est présent au début d’une confrontation entre sa cliente et la mère de l’enfant, mais quitte les locaux au cours de l’acte et la confrontation se poursuit sans lui. L’assistante maternelle est finalement mise en examen des chefs de violences suivies de mutilation ou infirmité permanente sur mineur de quinze ans par personne ayant autorité. Elle forme alors une requête en annulation de pièces de la procédure.
En cause d’appel. La chambre de l’instruction rejette la requête et constate la régularité de la procédure. La prévenue forme alors un pourvoi.
Moyens du pourvoi. Il est reproché à l’arrêt de rejeter la requête alors que les enquêteurs étaient tenus de notifier immédiatement à l’intéressée son droit de solliciter l’assistance d’un nouvel avocat en raison de l’impossibilité de son conseil d’accomplir sa mission durant toute la durée de la mesure, ce qui n’a pas été fait. Par ailleurs, puisque la défection de l’avocat est intervenue au cours d’une confrontation, les enquêteurs étaient tenus d’y mettre fin, à moins que la gardée à vue y ait expressément renoncé ou qu’il soit démontré que cet interrogatoire était indispensable pour éviter une situation susceptible de compromettre sérieusement la procédure ou pour prévenir une atteinte grave à la vie, la liberté ou l’intégrité physique d’une personne, ce qui n’était pas le cas en l’espèce. Enfin, les enquêteurs n’ont pas rappelé à la prévenue son droit de garder le silence.
Décision. La Chambre criminelle rejette le pourvoi. En effet, le départ volontaire de l’avocat au cours de la confrontation n’obligeait aucunement les enquêteurs à interrompre la mesure dès lors qu’ils n’ont pas fait obstacle à l’assistance de l’intéressée par un avocat et que la nécessité de procéder aux actes d’enquête utiles à la manifestation de la vérité permettait de poursuivre le déroulement de la confrontation. Enfin, l’intéressée s’était vue régulièrement notifier son droit de garder le silence dès son placement en garde à vue, de sorte que les enquêteurs n’avaient pas à renouveler cette notification. Le fait que la gardée à vue ait pu faire des déclarations auto-incriminantes après le départ de son conseil est dès lors sans incidence sur la validité de la procédure.
Il est possible de se demander ce qu’il va advenir de cette solution, qui intervient seulement quelques jours avant l’entrée en vigueur de la réforme de la garde à vue prévue par la loi n° 2024-364 du 22 avril 2024 N° Lexbase : L1795MMG, le 1er juillet 2024. En effet, l’article 63-4-2 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L2092MMG vient prévoir désormais que la personne faisant l’objet d’une telle mesure ne peut être entendue sans la présence de son conseil, sauf renonciation expresse de sa part.
Pour aller plus loin : C. Lanta de Bérard, ÉTUDE : La garde à vue et les auditions, in Procédure pénale (dir. J.-B. Perrier), Lexbase N° Lexbase : E46203C4. Pour vous former : formation Lexlearning, Maîtrise et pratique de la garde à vue : assister efficacement son client (LXBEL148) (dir. J. Despeisse et S. Trifkovic). |
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