Le Quotidien du 24 juillet 2024

Le Quotidien

Éditorial

[A la une] L’Avocat, les brutes et les truands

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N0046B34

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par Romain Boulet et Karine Bourdié, Co-Présidents de l’ADAP

Le 26 Juillet 2024

Notre génération a en tête les images impressionnantes de notre confrère Henri Leclerc, ensanglanté et les vêtements arrachés par la foule lors d’une reconstitution en 1989 dans l’affaire « Gentil ». Depuis, nombre de nos confrères ont eu à subir des menaces plus ou moins directes, plus ou moins agressives, dans le cadre de leur mission de défense. Des cercueils ou des balles reçues au cabinet, des courriers anonymes, des appels malveillants, des menaces de viol ou de violences sur les réseaux sociaux, etc. Accepter d’endosser une défense, c’est aussi accepter qu’une partie de l’opinion publique vous assimile à votre client. Qu’il s’agisse de défendre des meurtriers, des terroristes, des policiers, des pédophiles, des imams, on sait bien que loin de nous protéger, notre robe peut devenir le symbole de l’inacceptable pour la Société. 

Une sinistre étape vient d’être franchie selon nous par la publication d’une liste d’avocats à éliminer par un site d’extrême droite. Le 3 juillet dernier, dans l’entre-deux-tours des législatives, le site Réseau libre mettait en ligne une « liste (très partielle) d’avocats à éliminer » comprenant les noms de confrères signataires d’une tribune contre le Rassemblement national. Illustré par une photo d’exécution à la guillotine, l’article incitait ses lecteurs à les « envoyer dans un fossé ou dans un stade ». Les organisations professionnelles et le garde des Sceaux s’en étaient légitimement émus, mais le site récidivait quelques jours plus tard, plus violemment encore, n’hésitant pas à transmettre l’adresse personnelle d’un confrère.

La première évolution est qu’il ne s’agit plus d’une menace directe, c’est-à-dire d’un individu exposant qu’il va s’en prendre physiquement à vous, déjà intolérable en soi, mais d’un appel public au meurtre. Sans donner plus d’importance à un site hébergé en Russie, à l’audience sans doute confidentielle, nous ne pouvons que nous inquiéter de la façon dont certains lecteurs pourraient recevoir et interpréter cette injonction.

En second lieu, et c’est là qu’un cran est encore franchi, ces menaces sont totalement décorrélées de la pratique professionnelle des confrères visés. La plupart d’entre eux exercent loin des médias, s’occupent d’affaires anonymes dont certaines n’ont rien à voir avec le pénal et n’ont jamais fait le choix de s’exposer. 

Désormais, ce n’est donc plus parce que nous acceptons une défense – ce que nous pouvons toujours refuser – que nous sommes menacés, c’est purement et simplement parce que nous sommes avocats. C’est le principe même de la défense qui devient insupportable au point d’appeler au meurtre de ceux qui l’exercent.

On pourrait incriminer l’affaissement de la culture civique, les réseaux sociaux, la sensibilité accrue des individus au malheur d’autrui… mais ne nous y trompons pas. Pour que des réflexes populistes s’initient, il faut que des relais puissants en émettent les stimuli. Depuis des mois, l’Association des avocats pénalistes alerte sur les dangers de messages de moins en moins insidieux, émis non pas par des clients éméchés au comptoir du café du commerce, mais par des élites qui relaient complaisamment des propos et comportements ahurissants : ministres qui bafouent des décisions de justice, magistrats qui dénoncent une défense « pas constructive », candidats aux législatives qui veulent « mettre le Conseil constitutionnel au pas »… Comment s’étonner par la suite que cette petite musique crissante infuse dans le corps social ?!

Que l’on ne nous fasse pas dire ce que nous ne disons pas : il ne s’agit pas pour nous d’ériger un totem d’immunité et, dans un réflexe corporatiste, de nous idéaliser. Paraphrasant Musset, nous savons bien que les avocats sont (aussi et sans doute) comme tous les hommes, menteurs, inconstants, faux, bavards, hypocrites, orgueilleux et lâches, méprisables et sensuels. Mais la fonction de Défense doit être absolument protégée. Dire cela n’est pas exiger un blanc-seing pour les avocats mais rappeler à tous, et singulièrement à ceux chargés d’éduquer, informer et éclairer, qu’une Justice de qualité ne peut se rendre sans une défense respectée. Il ne s’agit pas d’avoir raison, mais d’être écoutés si ce n’est entendus.

Personne ne fera taire les avocats.

Si notre parole nous semble parfois vaine, si nos plaidoiries nous semblent parfois servir d’alibi à des décisions qui s’apparentent de plus en plus à une gestion administrative de la répression ou à un soutien factice aux victimes, nous n’en continuons pas moins de marteler, audience après interrogatoire, l’exigence d’une place réelle et consistante conservée à la défense, car ce qui est tu n’existe plus. 

Chacun de nous se rassure en se rappelant avec une paradoxale gourmandise que les auteurs de ces menaces auront à leurs côtés des avocats qui les défendront avec sérieux et ardeur lorsqu’ils comparaîtront devant une juridiction correctionnelle. On aimerait parfois que politiques, magistrats et éditorialistes partagent la même gourmandise, qu’on appellerait simplement État de droit.

newsid:490046

Concurrence

[Brèves] Secteur de la création de contenu vidéo en ligne : l’Autorité de la concurrence s’autosaisit pour avis et lance une consultation publique

Réf. : Aut. conc., communiqué de presse du 10 juillet 2024

Lecture: 3 min

N0087B3M

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par Vincent Téchené

Le 24 Juillet 2024

► Le 10 juillet 2024, l’Autorité de la concurrence a décidé de s’autosaisir pour avis afin d’analyser le fonctionnement de la concurrence dans le secteur de la création de contenu vidéo en ligne en France. Elle a également lancé une consultation publique ouverte à toutes les parties prenantes (créateurs de contenu, plateformes de partage, agences de créateurs, sponsors, annonceurs publicitaires, etc.) jusqu’au 15 septembre 2024.

Contexte. La création de contenu vidéo consiste en la production d’un contenu au format vidéo par un vidéaste et au partage de cette vidéo, le plus souvent via une plateforme de partage en ligne, en vue d’accéder à un public et, le cas échéant, à une rémunération. Ce secteur est structuré autour de plusieurs types d’acteurs différents : les créateurs de contenu, les agences de créateurs (ou agences de gestion de « talents »), les plateformes de partage, les spectateurs et les annonceurs publicitaires.

La création de contenu vidéo a connu, depuis la fin des années 2000, un essor considérable, de sorte qu’elle fait désormais partie intégrante de l’environnement audiovisuel français, les vidéastes les plus populaires cumulant plusieurs millions d’abonnés.

Plusieurs évolutions attestent du développement de l’activité de création de contenu vidéo : la croissance de l’audience des plateformes de partage de contenu vidéo (YouTube, Dailymotion, Twitch ou TikTok), la diversification des thématiques abordées par les contenus (humour, gaminglifestyle, information, etc.) ou la diversification des formats (vidéos courtes, longues ou en direct).

L’activité de création de contenu vidéo s’est structurée et professionnalisée. En particulier, l’accès à une rémunération (via la monétisation des vidéos ou les partenariats commerciaux) a transformé cette activité en une véritable activité économique au sens du droit de la concurrence. 

Auto-saisine pour avis. Dans cet avis, l’Autorité analysera le fonctionnement de la concurrence entre les créateurs de contenu vidéo en ligne en France et procédera à une évaluation des relations entre les créateurs de contenu, les agences de créateurs et les plateformes de partage de contenu vidéo.

En premier lieu, l’Autorité entend étudier l’intensité et les caractéristiques de la concurrence entre les créateurs de contenu, ainsi que la substituabilité de la demande du public vis-à-vis des contenus vidéo. L’Autorité entend également prendre en compte dans son analyse les caractéristiques des plateformes de partage, qui seraient de nature à affecter le fonctionnement de la concurrence entre les contenus produits par les vidéastes (référencement, recommandation de vidéos, etc.). L’Autorité examinera également le fonctionnement de la concurrence entre les agences de créateurs de contenu en France.

En deuxième lieu, l’Autorité analysera les rapports entre les créateurs de contenu, les agences de créateurs et les plateformes de partage de contenu vidéo, en vue d’étudier le pouvoir de négociation respectif de ces opérateurs. Dans son analyse, l’Autorité tiendra compte de la nature triface de l’activité des plateformes de partage, qui mettent en relation les créateurs de contenu, le public et les annonceurs publicitaires.

Consultation publique. L’Autorité lance une consultation publique afin de recueillir les observations des parties prenantes. Les éléments recueillis viendront enrichir la réflexion de l’Autorité, qui rendra son avis en 2025.

Les acteurs du secteur de la création de contenu vidéo en ligne en France sont invités à répondre aux questions formulées par l’Autorité en adressant leurs réponses avant le 15 septembre 2024.

 

newsid:490087

Droit des étrangers

[Brèves] Demande d’asile présentée au nom d'un enfant né ou entré en France (après le rejet définitif de la demande d'asile des parents) devant être regardée comme une demande de réexamen

Réf. : CE, 9e-10e ch. réunies, 8 juillet 2024, n° 475883, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A79005PB

Lecture: 2 min

N0025B3C

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par Yann Le Foll

Le 23 Juillet 2024

► La demande d’asile présentée au nom d'un enfant né ou entré en France après le rejet définitif de la demande d'asile des parents, doit être regardée comme une demande de réexamen.

Principe. En cas de naissance ou d'entrée en France d'un enfant mineur postérieurement au rejet définitif de la demande d'asile présentée par ses parents en leur nom propre, et, le cas échéant, au nom de leurs autres enfants mineurs nés ou entrés en France avant qu'il ne soit statué de manière définitive sur leur demande, la demande d'asile présentée au nom de cet enfant constitue, au vu de cet élément nouveau, une demande de réexamen.

Il n’en est toutefois pas ainsi lorsque l'enfant établit que la personne qui a présenté la demande n'était pas en droit de le faire (CE, 2e-7e ch. réunies, 27 novembre 2023, n° 472147, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A857814H).

Faits. Une personne de nationalité guinéenne a présenté une demande d'asile en son nom et au nom de son fils mineur né le 19 mai 2019. Sa demande a été définitivement rejetée le 30 octobre 2020, au motif que les craintes de persécution pour elle et son enfant n'étaient pas établies.

Le 16 août 2022, elle a présenté une nouvelle demande d'asile au nom de son autre fils mineur né le 8 février 2022. Par une décision du 11 mai 2023, la Cour nationale du droit d'asile a annulé la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ayant rejeté cette demande et renvoyé l'examen de l'affaire devant l'Office.

Décision CE. En retenant que la demande d'asile présentée par l’intéressée au nom de son deuxième enfant mineur né le 8 février 2022, postérieurement au rejet définitif de la demande formée par elle en son nom propre et au nom de son premier enfant mineur le 30 octobre 2020, constituait une première demande d'asile (et non pas une demande de réexamen comme selon le principe précité) impliquant nécessairement de procéder à un entretien personnel de l'enfant, la Cour nationale du droit d'asile a commis une erreur de droit.

newsid:490025

Droit international privé

[Brèves] Recours inopérant à la CIDE et à la Convention de La Haye du 19 octobre 1996 pour faire ordonner le retour de l’enfant déplacé illicitement depuis un État tiers à la Convention de La Haye de 1980

Réf. : Cass. civ. 1, 10 juillet 2024, n° 23-19.042, F-B N° Lexbase : A22325PD

Lecture: 5 min

N0054B3E

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par Jean Sagot-Duvauroux, Maître de conférences en droit privé (HDR) à l'Université de Bordeaux

Le 24 Juillet 2024

►Les articles 4 et 11 de la Convention internationale des droits de l’enfant ne sont pas d’application directe et ne peuvent donc pas être invoqués devant les tribunaux pour demander le retour de l’enfant dans son pays d’origine lorsque la Convention de La Haye de 1980 est inapplicable ; l’article 7 de la Convention de La Haye de 1996, qui prévoit une règle de compétence dérogatoire en cas d’enlèvement d’enfants, ne trouve à s’appliquer qu’entre États contractants.

La Convention du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants N° Lexbase : L0170I8S constitue indéniablement le texte phare en matière de lutte contre les enlèvements internationaux d’enfants. En vigueur dans plus de cent États répartis dans le monde entier, il permet aux parents victimes d’enlèvements de demander au juge de l’État au sein duquel l’enfant a été illicitement déplacé qu’il ordonne son retour immédiat dans l’État d’origine. Cet instrument ne peut toutefois être mis en œuvre que lorsque l’enfant a été déplacé d’un État contractant vers un autre État contractant. Lorsque tel n’est pas le cas parce qu’un État non-signataire de la Convention de 1980 est impliqué, le parent victime doit s’efforcer de trouver un autre fondement pour demander le retour de l’enfant. Ces chances de succès sont alors beaucoup plus incertaines. C’est ce qu’illustre l’arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 10 juillet 2024.

En l’espèce, un couple résidant de manière habituelle en Inde donne naissance à deux enfants nés en 2007 et 2009. Le divorce est prononcé en France par un jugement en date du 15 juin 2016. Ce jugement homologue une convention prévoyant l'exercice conjoint de l'autorité parentale et la fixation de la résidence des enfants en alternance au domicile de chacun des parents. En juillet 2022, le père part vacances en France avec les deux enfants et y demeure après la fin des vacances d’été. La mère saisit alors un juge aux affaires familiales français afin que soit constaté le déplacement illicite et ordonné le retour des enfants en Inde.

Au second degré, la demande de retour exercée par la mère est rejetée. Elle se pourvoit alors en cassation. L’Inde n’étant pas signataire de la Convention du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants, c’est naturellement sur un tout autre fondement que la requérante tente de faire ordonner le retour de l’enfant.  

Dans son moyen unique, la requérante reproche tout d’abord aux juges du fond d’avoir violé l’article 9 de la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE) N° Lexbase : L6807BHL en rejetant sa demande de retour. Il est vrai qu’en vertu de cette disposition, « les États parties doivent veiller « à ce que l’enfant ne soit pas séparé de ses parents contre leur gré ». Toutefois, les juges de la première chambre civile écartent rapidement ces arguments tirés de la violation de l’article 9 de la CIDE les estimant irrecevables ou manifestement pas de nature à entraîner la cassation (CPC, art. 1014, al. 2 N° Lexbase : L5917MBR).

Est également alléguée une violation des articles 4 et 11 de la CIDE. Le premier de ces textes consacre, de manière générale, le devoir pour les États signataires de « prendre toutes les mesures législatives, administratives et autres qui sont nécessaires pour mettre en œuvre les droits reconnus dans la présente Convention ». Quant au second, il fait obligation aux États de lutter contre les déplacements et les non-retours illicites d’enfants à l’étranger.

La Cour de cassation rejette cet argument en considérant, à l’instar des juges d’appel, que les articles 4 et 11 de la CIDE ne sont pas dotés d’un effet direct. En d’autres termes, contrairement, par exemple, à l’article 3 § 1, qui fait de l’intérêt de l’enfant une considération primordiale dans toutes les décisions le concernant, et à l’article 12, qui consacre le droit du mineur à être entendu (v. Cass. civ. 1, 18 mai 2005, n° 02-20.613, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A3029DIZ), ces dispositions ne créent d’obligations qu’à la charge des États et ne peuvent pas être utilement invoquées devant les tribunaux.

Enfin, au soutien de sa demande, la requérante invoquait l’article 7 de Convention de La Haye du 19 octobre 1996 concernant la compétence, la loi applicable, la reconnaissance, l'exécution et la coopération en matière de responsabilité parentale et de mesures de protection des enfants N° Lexbase : L1526KZK. Cette disposition confère au juge de l’État d’origine de l’enfant une compétence exclusive pour statuer sur la responsabilité parentale en cas de déplacement de l’enfant. La mère espérait ainsi empêcher les juridictions françaises de statuer sur le fond. Cependant, comme le rappelle la Cour de cassation, qui confirme la position des juges d’appel sur ce point, l’article 7, réservé par l’article 5, de la Convention de La Haye de 1996 n’est applicable qu’entre États contractants. En d’autres termes, si les règles de compétence et les règles de conflit de lois contenues dans cet instrument peuvent trouver à s’appliquer alors même qu’un État tiers est concerné, tel n’est pas le cas de l’article 7 qui, à titre dérogatoire, proroge la compétence du juge de l’ancienne résidence habituelle de l’enfant en cas de déplacement de ce dernier.                 

newsid:490054

Procédure prud'homale

[Brèves] Recevabilité des demandes nouvelles en cause d’appel fondée sur l’invalidité d’une convention de forfait en jours

Réf. : Cass. soc., 10 juillet 2024, n° 22-20.049, FS-B N° Lexbase : A22295PA

Lecture: 3 min

N0009B3Q

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par Lisa Poinsot

Le 23 Juillet 2024

L'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à une autre, il en est autrement lorsque deux actions, bien qu'ayant une cause distincte, tendent à un seul et même but, de sorte que la seconde est virtuellement comprise dans la première.

Faits et procédure. À la suite de sa démission, un salarié saisit la juridiction prud’homale aux fins d’obtenir la requalification de sa démission en prise d’acte aux torts exclusifs de l’employeur produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il demande également la nullité de sa convention de forfait en jours.

Devant la cour d’appel de renvoi, le salarié formule pour la première fois une demande à titre de rappel de salaire d’heures supplémentaires, de congés payés sur ce rappel et à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé.

La cour d’appel (CA Limoges, 15 juin 2022, n° 21/00897 N° Lexbase : A3121784) annule la convention de forfait en jours. En outre, elle déclare prescrites les actions engagées par le salarié, de sorte qu’elle juge irrecevables les demandes à titre de rappel de salaire, de congés payés sur ce rappel et de dommages et intérêts pour travail dissimulé.

Le salarié forme un pourvoir en arguant que les demandes formulées pour la première fois devant la cour d’appel de renvoi constituent le prolongement de sa saisine initiale en annulation de la convention de forfait en jours qui a interrompu le délai de prescription.

Solution. Énonçant la solution susvisée, la Chambre sociale de la Cour de cassation casse et annule sur le fondement des articles L. 1471-1 N° Lexbase : L1453LKZ et L. 3245-1 du Code du travail N° Lexbase : L0734IXH dans leur rédaction issue de la loi n° 2013-504, du 14 juin 2013 N° Lexbase : L0394IXU, et 2241 du Code civil N° Lexbase : L7181IA9.

En l’espèce, l’effet interruptif de la prescription attaché à la demande d’annulation de la convention de forfaits en jours présentée lors de la saisine initiale du conseil de prud’hommes s’est étendu à la demande en paiement formulée pour la première fois devant la cour d’appel de renvoi.

L’action en paiement des heures supplémentaires et la demande de dommages et intérêts au titre du travail dissimulé tendent à la réparation des conséquences de l’annulation de la convention en jours, alors les demandes, présentées pour la première fois en cause d’appel, tendent aux mêmes fins que la demande initiale en sorte qu’elles ne sont pas nouvelles et qu’elles ne tombent pas sous le coup du principe de l’interdiction des prétentions nouvelles édicté par l’article 564 du Code de procédure civile N° Lexbase : L0394IGP.

Pour aller plus loin :

  • lire S. Mraouahi, Appel en matière prud’homale : premières précisions sur la recevabilité des prétentions nouvelles, Lexbase Social, juin 2022, n° 912 N° Lexbase : N1995BZW ;
  • lire aussi L. Fin-Langer, La recevabilité des demandes nouvelles depuis l’abrogation de l’unicité d’instance, Actes de colloque La réception de la nouvelle procédure prud’homale par les acteurs du procès du travail, Lexbase Social, juillet 2022, n° 914 N° Lexbase : N2169BZD ;
  • v. ÉTUDE : L’instance prud’homale, La suppression du principe de l’unicité de l’audience, in Droit du travail, Lexbase N° Lexbase : E335203K.

 

newsid:490009

Sociétés

[Brèves] Expertise et valeur des droits sociaux : interruption de la prescription

Réf. : Cass. com., 10 juillet 2024, n° 22-24.794, F-B N° Lexbase : A22135PN

Lecture: 4 min

N9989BZY

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par Perrine Cathalo

Le 23 Juillet 2024

► Il résulte de l'article 2241 du Code civil que la demande de désignation, sur le fondement de l'article 1843-4 de ce code, d'un expert ayant pour mission de déterminer la valeur des droits sociaux d'un associé, qui est portée par voie d'assignation et qui introduit une procédure contradictoire au fond, constitue une demande en justice interrompant la prescription de l'action de l'associé en remboursement de la valeur de ses droits sociaux.

Faits et procédure. Un docteur en médecine était associé d’une société civile de moyens.

Le 10 juin 2000, il a informé le gérant de cette société de son intention de se retirer de cette dernière et de céder ses parts.

Lors de l'assemblée générale du 23 janvier 2001, les associés de la SCM ont refusé de racheter ses parts et l'ont mis en demeure de réaliser ses gardes de médecin et de trouver sous deux mois un successeur conformément aux statuts, sous peine d'être considéré comme démissionnaire.

Le 8 mars 2001, le médecin a saisi, en référé, le président d'un tribunal de grande instance à fin de désignation d'un expert pour évaluer la valeur de ses droits sociaux et de paiement d'une provision.

L'affaire ayant été renvoyée au fond, un arrêt du 18 octobre 2012 a dit que le médecin avait été exclu de la SCM le 23 mars 2001 par ses associés et qu'il ne relevait pas de la compétence de la cour d'appel de désigner un expert aux fins d'évaluer la valeur de ses droits sociaux.

Le 16 octobre 2017, ce dernier a saisi, en la forme des référés, le président d'un tribunal de grande instance d'une demande de désignation, sur le fondement de l'article 1843-4 du Code civil N° Lexbase : L1737LRR, d'un expert avec pour mission de déterminer la valeur des parts qu'il détenait dans le capital de la SCM.

Une ordonnance du 28 novembre 2017 a accueilli cette demande et l'expert a déposé son rapport le 12 septembre 2018.

Le 3 septembre 2020, le médecin a assigné la SCM et ses associés aux fins de les voir condamner in solidum à lui payer une somme au titre du remboursement de la valeur de ses droits sociaux. La société et ses associés lui ont opposé la prescription de son action.

Par arrêt en date du 18 octobre 2022, la cour d’appel (CA Amiens, 18 octobre 2022) a jugé la demande de l’associé exclu irrecevable comme prescrite.

Le médecin a formé un pourvoi devant la Cour de cassation.

Décision. Pour censurer l’arrêt de la cour d’appel, la Chambre commerciale rappelle – comme les demandeurs le soutenaient à juste titre – qu’il résulte de l’article 2241 du Code civil N° Lexbase : L7181IA9 que la demande de désignation, sur le fondement de l'article 1843-4 du Code civil, d'un expert ayant pour mission de déterminer la valeur des droits sociaux d'un associé, qui est portée par voie d'assignation et qui introduit une procédure contradictoire au fond, constitue une demande en justice interrompant la prescription de l'action de l'associé en remboursement de la valeur de ses droits sociaux.

La Cour réfute ainsi l’argument de la cour d’appel consistant à juger la procédure engagée le 16 octobre 2017 irrecevable comme prescrite en ce qu’elle s'analyse en une mesure d'instruction présentée avant tout procès, qui n'a fait que suspendre la prescription et que celle-ci a recommencé à courir pour une durée de six mois à compter du 12 septembre 2018, date de dépôt du rapport d'expertise ; si bien que l’action devait être engagée au plus tard le 12 mars 2019 et non pas le 3 septembre 2020, comme dans le cas d’espèce.

Bien qu’elle rejette le raisonnement des juges du fond, la Haute juridiction précise tout de même que la prescription de l'action en remboursement des droits sociaux de l'associé d'une société civile de médecins qui en a été exclu court, lorsque cette exclusion a été contestée, à compter du jour où la décision de justice se prononçant sur l'exclusion de cet associé est passée en force de chose jugée (C. civ., art. 2224 N° Lexbase : L7184IAC ; CSP, art. R. 4113-69 N° Lexbase : L8813GTL).

Pour en savoir plus : v. ÉTUDE : La société civile de moyens, La circulation des parts sociales des associés de la société civile de moyens, in Droit des sociétés (dir. B. Saintourens), Lexbase N° Lexbase : E8989BX9.

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