Réf. : CA Bordeaux, 20 juin 2024, n° 23/05540 N° Lexbase : A31095RL
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par Bernard Saintourens, Professeur émérite de l’Université de Bordeaux
Le 17 Juillet 2024
Mots-clés : clientèle civile • cession • créance contre un client • transfert au cessionnaire • conditions
En l’absence de clause expresse, la cession d’un fonds libéral n’emporte pas de plein droit celle des obligations dont le vendeur pouvait être tenu en vertu d’engagements initialement souscrits par lui ni celle des créances qu’il détenait antérieurement à la cession. En conséquence, le cabinet d’avocats reprenant la clientèle ne peut pas recouvrer à son profit les créances d’honoraires antérieures à la cession, faute d’en avoir été expressément désigné comme cessionnaire.
Le parcours accompli pour l’accès à la visibilité juridique du fonds libéral a été bien difficile. D’un refus ferme opposé à une telle reconnaissance [1] en passant par l’étape intermédiaire de l’admission d’un contrat de présentation de successeur [2], pour aboutir à l’admission, au début des années 2000, de la licéité de la cession d’une clientèle civile [3] et à l’usage, même par la Haute juridiction, de la notion de fonds libéral [4], que de discussions savantes, alimentées de préoccupations pratiques, ont été menées ! Dans un tel contexte, on ne peut qu’être intéressé par l’arrêt prononcé par la cour d’appel de Bordeaux, en date du 20 juin 2024, qui s’y réfère pour statuer sur la question, fort sensible, du transfert, éventuel, d’une créance détenue à l’égard d’un client lors de la cession de clientèle d’un cabinet d’avocat.
En jugeant qu’au regard de l’article 1690 du Code civil N° Lexbase : L1800ABB, en l’absence de clause expresse, la cession d’un fonds libéral n’emporte pas de plein droit le transfert des créances que le vendeur détenait antérieurement à la cession, la juridiction girondine invite à replacer le cadre juridique d’une telle opération, tant au regard de la cession de fonds de commerce, qui constitue le point de repère en la matière, qu’en considération du particularisme de la clientèle relative à une activité libérale, telle que celle d’avocat, concernée en l’espèce.
La remarque doit ici être faite que la cour d’appel se prononce sans faire référence à l’état du droit issu de l’ordonnance n° 2016-131, du février 2016, portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations N° Lexbase : L4857KYK qui consacre une section entière du Code civil à la cession de créance (C. civ., art. 1321 N° Lexbase : L0976KZ8 à 1326 N° Lexbase : L0971KZY). La prise en compte du cadre normatif actuel s’imposera toutefois pour apprécier la portée de cette décision et les préconisations qu’elle induit pour la pratique des affaires.
Pour déterminer si une créance existante à l’encontre d’un client intégré dans la clientèle cédée peut faire l’objet d’un recouvrement au profit du cessionnaire, il convient, comme le présent arrêt le confirme, de tenir compte de la prééminence du principe d’exclusion du transfert des créances (I) pour, le cas échéant, pouvoir envisager le contournement dudit principe (II).
I. La prééminence du principe d’exclusion du transfert des créances
Compte tenu de l’antériorité de la notion de fonds de commerce sur celle de fonds civil, c’est à propos de la première que le principe a été posé par la jurisprudence selon lequel les créances ne sont pas intégrées dans les éléments constitutifs d’un fonds de commerce et, dès lors, ne sont pas transmises avec celui-ci. Cette position a été exprimée, notamment, par un arrêt de 1937 [5] dans lequel la haute juridiction mentionnait que « les créances possédées par un commerçant même pour une cause commerciale ne deviennent pas des éléments constitutifs du fonds et la vente du fonds n’opère pas transport desdites créances à l’acheteur, sauf l’effet de clauses spéciales ». Cette position, reprise depuis lors [6], repose sur la prise en compte de ce que le fonds de commerce n’ayant pas la personnalité juridique, les créances demeurent rattachées à l’exploitant [7].
L’orientation connue par le droit français au cours de ces dernières années, consistant à rapprocher l’activité civile avec l’activité commerciale, en faisant place au fonds civil, conduit nécessairement à étendre la position de principe à l’hypothèse de cession d’une clientèle civile et l’arrêt de la cour d’appel de Bordeaux vient, opportunément, en rappeler l’actualité. Cet aspect doit être pris en compte avec d’autant plus d’attention que l’activité libérale, comme en l’espèce, un cabinet d’avocat, repose, pour l’essentiel sur des prestations à l’égard des clients qui engendrent des créances d’honoraires au profit du professionnel. Le contentieux particulier attaché à cette facturation (taxation, le cas échéant, par l’autorité compétente et exercice éventuel de voies de recours) est de nature à décaler dans le temps, parfois de manière significative, l’encaissement de sa facture par l’avocat prestataire alors, qu’entre-temps, il a pu procéder à la cession de sa clientèle. Un examen scrupuleux des créances d’honoraires en attente de règlement doit donc être effectué afin qu’entre le cédant de la clientèle, ayant la qualité de créancier, et le cessionnaire, qui va prendre la suite de la gestion du cabinet, il n’y ait pas de malentendu.
À partir de la présente décision, il apparaît pertinent d’attirer l’attention des praticiens sur le fait qu’un alignement des cessions de fonds civil sur la jurisprudence bâtie à propos du fonds de commerce doit aussi s’imposer, qu’il s’agisse du sort des dettes dont pourrait être tenu le professionnel avant la cession ou des contrats auxquels il pouvait être partie. En effet, s’agissant des dettes, la jurisprudence retient une position identique à celle exprimée à propos des créances, jugeant qu’« en l’absence de clause expresse, la vente d’un fonds de commerce n’emporte pas de plein droit cession à la charge de l’acheteur du passif des obligations dont le vendeur peut être tenu en raison des engagements souscrits » [8]. Désormais, la Cour de cassation regroupe, dans la formulation du principe retenu à l’occasion de la cession d’un fonds de commerce, tant le sort des créances que des dettes, pour mentionner que la cession du fonds n’entraîne pas le transfert au cessionnaire des créances ou des dettes liant le cédant [9].
Une position semblable est également adoptée à propos des contrats auxquels le cédant pouvait être partie, avant que n’intervienne la cession du fonds. Il ne saurait y avoir de transfert de contrats dans le cadre d’une vente du fonds de commerce ; les contrats ne constituent pas un élément du fonds [10]. La spécificité du lien contractuel conduit à n’admettre une telle cession, dès lors bien sûr que le cessionnaire du fonds en accepte la réalisation [11], qu’à la condition que le tiers cocontractant donne son consentement à ce transfert.
L’arrêt de la cour d’appel de Bordeaux doit donc conduire à apporter à ces aspects la plus grande attention lors de la cession d’une clientèle civile, relevant d’un fonds civil. Si le souhait des professionnels en présence est d’opérer un transfert vers le cessionnaire des créances, comme d’ailleurs des dettes ou des contrats, il convient alors de s’assurer du strict respect des conditions requises pour un contournement du principe d’exclusion du transfert.
II. Le contournement du principe d’exclusion du transfert des créances
La jurisprudence qui fait application du principe d’exclusion des créances du transfert au cessionnaire du fonds, relatif à une activité libérale ou commerciale, ne manque pas de signaler que ce principe ne s’impose que sous réserve de stipulations particulières contraires figurant dans l’acte de cession du fonds. L’arrêt rapporté ne manque pas de le signaler de manière très claire.
Il est donc possible aux parties en présence lors de la cession du fonds de convenir, expressément, des créances qui seront transférées au cessionnaire et qui, par voie de conséquence, pourront faire l’objet d’un recouvrement à son initiative et à son profit. S’agissant de la cession de créance, le droit des obligations, tel qu’il résulte désormais de la réforme issue de l’ordonnance de 2016, permet, en effet, un tel transfert conventionnel de la qualité de créancier. On rappellera que si le consentement du débiteur cédé n’est pas requis (C. civ., art. 1321, al. 4), la cession de créance doit être constatée par écrit à peine de nullité (C. civ., art. 1322 N° Lexbase : L0975KZ7). Même si aucune contrainte formelle n’est imposée, s’agissant d’une mention particulière que devrait comporter ledit acte, il apparaît prudent de faire figurer clairement les créances visées dans l’acte par lequel la cession du fonds civil est réalisée ; le simple renvoi à une liste de clients transférés ne saurait suffire. En revanche, cette faculté légale peut s’avérer pertinente dans le contexte de la cession de clientèle puisqu’elle produit son effet alors même que son montant ne serait pas arrêté de manière définitive. Il suffit que la créance en cause soit déterminée ou déterminable, même si son exigibilité n’interviendra que postérieurement à la cession [12].
Pour autant, même si le cadre normatif est assez favorable, le respect d’un certain formalisme s’impose toutefois pour garantir qu’il a bien eu un accord pour le transfert d’une créance déterminée. Dans l’affaire ayant conduit à l’arrêt analysé, on remarque que le nom du client concerné par la créance en cause figurait bien sur la liste de ceux transférés en vertu de l’acte de cession de clientèle et qu’une liste des factures impayées restant acquises au cédant était annexée audit acte. Pour autant, comme le juge, à notre avis de manière pertinente, la cour d’appel, cela ne peut valoir stipulation expresse du transfert des autres créances au cessionnaire. En d’autres termes, toute créance, pour pouvoir être considérée comme transférée au cessionnaire du fonds libéral, doit être spécifiquement identifiée. À défaut, le principe reprend son empire ; elle demeure dans le patrimoine du professionnel titulaire initial de la créance, alors même qu’il a cédé sa clientèle.
En ce qui concerne la cession de dettes ou de contrats, les règles du Code civil doivent également être respectées si les parties à la cession du fonds d’activité entendent réaliser un tel transfert. La cession des dettes qui étaient à la charge du professionnel, cédant sa clientèle, est admise de manière explicite depuis l’entrée en vigueur de l’ordonnance de 2016, mais suppose, outre d’être constatée par écrit, l’accord exprès du cédant, du cessionnaire ainsi que celui de la personne détenant la qualité de créancier (C. civ., art. 1327 al. 1er N° Lexbase : L1989LKU). En ce qui concerne la cession de contrat, si elle est également admise par le droit positif (C. civ., art. 1216 N° Lexbase : L0929KZG à 1216-3 N° Lexbase : L1983LKN), elle suppose le consentement de la partie au contrat qui serait cédé dans le cadre du transfert du fonds civil. Le lien particulier qui se traduit par un contrat conclu entre une personne et l’avocat auquel elle confie le soin de la représenter dans un contentieux et de défendre ses intérêts rend plus sensible, et indispensable, le consentement de cette personne au transfert de ce lien à un autre avocat qui reprendrait l’activité de celui auquel elle avait initialement confié son dossier. Le caractère intuitu personae apparaît évident et, s’il est possible de procéder à la cession d’un contrat relevant de cette qualification, son efficacité supposera d’avoir recueilli, au préalable, le consentement du client concerné, exprimant formellement son accord à ce que ses intérêts soient désormais confiés à un nouvel avocat. La condition que soit préservée la liberté de choix du client, qui figurait dans les arrêts ayant admis, depuis le début des années 2000, la cession de clientèle civile, demeure certainement d’actualité.
C’est donc un double signal adressé à la pratique qui ressort de l’arrêt de la cour d’appel de Bordeaux. Il confirme la validité de la cession de clientèle d’une activité libérale, telle celle d’un avocat, tout en attirant l’attention sur le respect de certaines règles impératives si l’on entend donner à cet acte un effet au regard des créances, des dettes ou des contrats auxquels le professionnel cédant était juridiquement lié.
[1] Illustrant cette approche, v. not., Cass. civ. 1, 19 octobre 1999, n° 97-17.872, inédit N° Lexbase : A1642CX4.
[2] V. Cass. civ. 1, 7 juin 1995, n° 93-17.099 N° Lexbase : A7896AB3, D., 1995, p. 560, note B. Beignier ; RTD civ., 1996, p. 603, obs. J. Mestre.
[3] Cass. civ. 1, 7 novembre 2000, n° 98-17.731 N° Lexbase : A7780AHM, JCP, 2001, II, 10452, note F. Vialla ; RTD civ., 2001, p. 130, obs. J. Mestre et B. Fages.
[4] V. Cass. civ. 1, 2 mai 2001, n° 99-11.336 N° Lexbase : A3498ATQ, D., 2002, p. 759, note W. Dross ; JCP, 2002, II, 10062, note O. Barret.
[5] Cass. civ., 12 janvier 1937, DH 1937, p. 99.
[6] V. not. Cass. com., 4 mars 2008, n° 07-11.642, F-D N° Lexbase : A3323D79.
[7] V. en ce sens, F. Dekeuwer-Defossez et E. Blary-Clément, Droit commercial, LGDJ, 12ème éd., n°421 ; M. Behar-Touchais, J.-B. Gouache et S. Ingold, Fonds de commerce, Éditions législatives, 2023, p. 42.
[8] Cass. com., 7 juillet 2009, n° 05-21.322, F-D N° Lexbase : A7197EIE.
[9] V. not. Cass. com., 25 octobre 2023, n° 21-20.156, F-B N° Lexbase : A42901PL, RTD com., 2024, n° 1, p. 42, obs. B. Saintourens ; JCP E, 2024, 1036, note B. Brignon.
[10] V. not. à propos d’un contrat de location d’un matériel d’alarme installé dans les locaux commerciaux, Cass. com., 24 juin 1997, n° 94-16.929, inédit N° Lexbase : A8669AG8.
[11] V. Cass. com., 4 mai 2010, n° 09-13.118, F-D N° Lexbase : A0753EX8.
[12] V. sur ces points, not. B. Fages, Droit des obligations, LGDJ, 9ème éd., n° 551.
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Réf. : Cass. soc., 10 juillet 2024, n° 22-21.082, FS-B N° Lexbase : A22255P4
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N9970BZB
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par Charlotte Moronval
Le 17 Juillet 2024
► L'expert désigné dans le cadre d'une expertise pour risque grave, s'il considère que l'audition de certains salariés de l'entreprise est utile à l'accomplissement de sa mission, peut y procéder à la condition d'obtenir l'accord des salariés concernés ; en cas de contestation par l'employeur, il appartient au juge d'apprécier la nécessité des auditions prévues par l'expert au regard de la mission de celui-ci.
Faits et procédure. Le CHSCT d’un groupe hospitalier décide de recourir à une expertise, sur le fondement de l'article L. 4614-12, 1°, du Code du travail N° Lexbase : L5577KGN et désigne un expert pour y procéder.
Le groupe hospitalier assigne le CHSCT et l'expert devant le président du tribunal judiciaire pour obtenir la limitation de la communication des documents sollicités par l'expert au périmètre de la direction des ressources humaines et la réduction du coût de l'expertise.
Le président du tribunal judiciaire déboutant le groupe hospitalier de ses demandes, ce dernier forme un pourvoi en cassation.
Solution. Énonçant la solution susvisée, la Chambre sociale de la Cour de cassation rejette le pourvoi.
Elle valide le raisonnement du président du tribunal judiciaire qui a considéré que l'expertise ordonnée à la suite du constat de l'existence d'un risque grave pour l'ensemble des agents de la direction des ressources humaines de l'hôpital, qui se traduisait par des risques psycho-sociaux et physiques et par la manifestation d'une souffrance au travail mise en évidence par de multiples faits, sans que les alertes préalables y aient mis un terme, imposait que l'ensemble de la chaîne hiérarchique et organisationnelle, tous les intervenants en matière de santé au travail, les représentants du personnel et délégués syndicaux, de même que chacun des agents de la direction concernée, y compris les six agents ayant récemment quitté ces services, puissent être entendus avec leur accord.
Pour aller plus loin :
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Réf. : Cass. com., 19 juin 2024, n° 22-21.925, F-B N° Lexbase : A85805IM
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N9996BZA
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par Marie-Claire Sgarra
Le 22 Juillet 2024
► Il appartient aux tribunaux judiciaires, lorsqu'ils sont saisis d'une contestation concernant le paiement de l'octroi de mer fondée sur une prétendue illégalité des délibérations en fixant le taux, ou en accordant une exonération, de se prononcer sur leur légalité. Telle est la solution retenue par la Chambre commerciale dans un arrêt du 19 juin 2024.
Faits. Une société a pour activité à Mayotte la fabrication d'aliments pour animaux de ferme qu'elle déclare à la sous-position tarifaire 23099041. L'administration des douanes et droits indirects a émis contre la société un avis de mise en recouvrement (AMR) au titre de l'octroi de mer interne dû pour le deuxième trimestre 2016.
Procédure. Après le rejet de sa contestation, soulevant l'illégalité des délibérations du conseil départemental de Mayotte des 7 mars et 14 avril 2016 ayant supprimé l'exonération d'octroi de mer interne sur les produits classés à la sous-position tarifaire 23099041 dont elle bénéficiait jusqu'alors, la société a assigné l'administration des douanes et droits indirects en annulation de l'AMR et de la décision de rejet.
En cause d’appel, la société fait grief à l'arrêt de confirmer la décision du tribunal judiciaire de Mamoudzou, alors « qu'il appartient aux tribunaux de l'ordre judiciaire, lorsqu'ils sont saisis d'une contestation concernant le paiement de l'octroi de mer fondée sur l'illégalité des textes fixant son montant, de se prononcer sur leur légalité ».
Solution de la Chambre commerciale. Aux termes de l’article 357 bis du Code des douanes N° Lexbase : L7873LWI, les tribunaux judiciaires connaissent des contestations concernant le paiement, la garantie ou le remboursement des créances de toute nature recouvrées par l'administration des douanes et des autres affaires de douane n'entrant pas dans la compétence des juridictions répressives.
Aux termes de la loi n° 2004-639, du 2 juillet 2004, relative à l'octroi de mer N° Lexbase : L8976D7L, l'octroi de mer et l'octroi de mer régional sont perçus, contrôlés et recouvrés par la Direction générale des douanes et droits indirects, selon les règles, garanties, privilèges et sanctions prévus par le Code des douanes.
Il résulte de la combinaison de ces textes qu'il appartient aux tribunaux judiciaires, lorsqu'ils sont saisis d'une contestation concernant le paiement de l'octroi de mer fondée sur une prétendue illégalité des délibérations en fixant le taux, ou en accordant une exonération, de se prononcer sur leur légalité.
Pour se déclarer incompétent pour connaître de la validité des délibérations du conseil départemental, l'arrêt retient que le juge judiciaire ne peut apprécier la légalité d'un acte administratif que dans l'hypothèse où une jurisprudence constante a établi auparavant l'illégalité de cet acte et que tel n'est pas le cas en l'espèce. Il en déduit que l'appréciation de la légalité des délibérations litigieuses est de la compétence de la juridiction administrative.
En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
La Chambre commerciale casse et annule l’arrêt de la cour d'appel.
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Réf. : CAA de Paris, 5 avril 2024, n° 22PA03238 N° Lexbase : A613323K
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par Franck Laffaille, Professeur de droit public (IDPS) - Université de Sorbonne Paris Nord
Le 17 Juillet 2024
Mots-clés : avoirs détenus à l’étranger • avoirs non déclarés • comptes bancaires à l’étranger
En janvier 2009, le tribunal judiciaire de Nice fait procéder à une perquisition au domicile d’un ancien salarié de la filiale suisse de HSBC ; ce salarié est soupçonné d’avoir dérobé des données « base client ». Le procureur de la République communique les données saisies à l’administration fiscale sur le fondement de l’article L. 101 du LPF N° Lexbase : L3962KWN. Le sieur B. (notre requérant dans ce contentieux) est présumé détenir des comptes en Suisse au sein de la filiale de HSBC. Plainte contre M. B. est alors déposée par l’administration auprès du TGI de Marseille pour soupçons de minoration des déclarations d’IR et d’ISF. Ayant exercé auprès des autorités judiciaires son droit de communication, l’administration fiscale adresse à M. B. une demande de justification relative aux avoirs et revenus d’avoirs détenus auprès de HSBC. Si M. B. répond bien à cette demande par courrier, ce dernier est assimilé à une absence de réponse de sa part (pour défaut d’informations substantielles). En application de l’article 151 du CGI N° Lexbase : L2429HLK, l’administration procède à la reconstitution du montant des revenus issus des avoirs non déclarés ; ces revenus sont taxés d’office (LPF, art. L. 69 N° Lexbase : L8559AEQ). Saisi, le TA de Paris [1] procède certes à un non-lieu à statuer à hauteur des dégrèvements accordés au titre de l’amende prévue au IV de l’article 1736 du CGI N° Lexbase : L5253MMI ; néanmoins, le TA rejette le surplus des conclusions de la demande de M. B. tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d’IR, des contributions sociales auxquelles il a été assujetti, et des pénalités correspondantes. M. B. Saisit la CAA de Paris qui rejette ses demandes et confirme le jugement du TA.
Plusieurs points méritent étude afin de déflorer cet arrêt de la CAA : la régularité de la procédure d’imposition … le bien-fondé des impositions … le délai de reprise spécial de 10 ans … l’existence et le montant des revenus d’avoirs détenus à l’étranger … les pénalités encourues.
La régularité de la procédure d’imposition
La CAA débute son propos en écartant un argument du requérant tiré du contexte judiciaire originel. On se souvient que l’administration fiscale a eu connaissance de certaines informations visant M. B. à la suite de l’acte frauduleux d’un tiers (l’ancien salarié de HSBC). Selon la CAA, qu’il y ait eu fraude originelle d’un tiers n’emporte aucune conséquence sur la régularité de l’action de l’administration fiscale ; elle pouvait faire application du titre II du LPF pour procéder au contrôle du dossier fiscal de M. B. et recueillir les éléments susceptibles de conduire à des impositions supplémentaires.
Une première question se pose : l’administration a-t-elle méconnu l’article L. 50 du LPF N° Lexbase : L3296IG8 (interdiction de procéder à des rectifications pour la même période ou pour le même impôt quand il a déjà été procédé à un examen contradictoire… sauf si le contribuable a fourni des éléments incomplets ou inexacts). M. B. a subi dans le passé un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle s’étant conclu sans rectification ; l’article L. 50 du LPF aurait donc été méconnu selon lui. Toutefois, le TA constate que M. B. a fourni des éléments incomplets/inexacts lorsque l’administration lui a demandé de produire les relevés de ses comptes courants et financiers de toute nature : il a seulement fourni les relevés de ses comptes financiers détenus en France, niant l’existence de comptes bancaires à l’étranger. Or, à la suite de l’exercice ultérieur de son droit de communication auprès des autorités judiciaires, l’administration a établi le caractère inexact des informations fournies par M. B. Dès lors, le nouveau contrôle sur pièces puis le rehaussement de ses bases d’IR n’ont pas été réalisés en violation de l’article 50 du LPF.
Se pose ensuite la question de l’interprétation des articles L. 82 C N° Lexbase : L3963KWP [2] et L. 101 N° Lexbase : L3962KWN [3] du LPF. Il appert que l’autorité judiciaire peut transmettre à l’administration fiscale – spontanément ou sur demande – tous éléments révélés par une instance (civile ou pénale) ou recueillis dans le cadre d’une procédure judiciaire. La CAA se penche sur la teneur de ces textes initialement issus de la loi du 4 avril 1926 et sur l’intention du législateur ; la logique herméneutique du juge repose ainsi sur les travaux préparatoires de la norme soumise à son examen. Certes, constate le juge, le législateur n’a mentionné que les informations criminelles ou correctionnelles ; cependant, « il ne saurait être regardé, compte tenu de l’évolution des règles de procédure pénale depuis l’adoption de ces dispositions, comme ayant entendu permettre l’exclusion du champ du droit de communication de l’administration les éléments recueillis dans le cadre d’une enquête préliminaire, alors même qu’elle aurait fait l’objet d’un classement sans suite ». La CAA opère ainsi une lecture ductile du texte, non dénuée de logique certes, mais profitable à l’action de l’administration fiscale ; une autre logique herméneutique – conduisant à une lecture restrictive de la norme sujette à examen - pouvait prévaloir, et ce au profit du contribuable. Quoi qu’il en soit, les prétentions de M. B. sont rejetées : les éléments recueillis dans le cadre d’une enquête préliminaire n’ont pas été transmis à l’administration fiscale en méconnaissance des dispositions législatives mentionnées.
Quid de l’application des articles L. 16 N° Lexbase : L6493LUZ [4], L. 16 A N° Lexbase : L8513AEZ [5] et L. 69 N° Lexbase : L8559AEQ [6] du LPF ? L’administration a-t-elle mis en œuvre de manière irrégulière la procédure de demande de justification ? Il a été vu que l’administration fiscale a adressé à M. B. une demande de justification des avoirs et revenus d’avoirs détenus auprès de HSBC. Il avait en effet été identifié comme co-titulaire de comptes. Selon la CAA, il a été fait par l’administration une utilisation régulière de la procédure de demande de justification. L’administration – après avoir rappelé les textes applicables en la matière – a « longuement rappelé la teneur des informations transmises par l’autorité judiciaire et précisé les numéros des 21 sous-comptes concernés ainsi que le détail des soldes des profits clients constatés ». L’administration fiscale est réputée avoir suffisamment précisé l’objet de sa demande quand elle s’est tournée vers M. B. pour qu’il justifie les avoirs et revenus d’avoirs détenus. De violation des articles du LPF visés en amont on ne saurait donc parler selon la CAA. En outre, le juge constate que M. B. s’est contenté de contester les conditions dans lesquelles les informations le concernant ont été obtenues (rectius dérobées). À aucun moment, il n’a apporté de justificatifs relatifs aux avoirs et revenus d’avoirs détenus. Le courrier que M. B. adresse à l’administration en réponse de la demande de justification n’est donc pas une… justification. En d‘autres termes, l’administration pouvait à bon droit assimiler ledit courrier à « un défaut de réponse » ; taxation d’office il pouvait alors y avoir, sans que soit adressée à M. B. une mise en demeure lui demandant de compléter sa réponse. Quant à l’invocation du § 140 de la documentation administrative BOI-CF-IOR-50-30, elle ne saurait être invoquée par M. B. à l’appui de son argumentation : ce § est relatif à la procédure d’imposition et ne comporte pas une interprétation d’un texte fiscal au sens de l’article L. 80 A du LPF N° Lexbase : L6958LLB.
Le bien-fondé des impositions
Il est ici question de la validité des éléments de preuve sur lesquels l’administration fiscale s’est fondée pour asseoir les impositions contestées. Le juge fait lecture de l’article L. 10-0 AA du LPF N° Lexbase : L3694I39 [7] puis se réfère à la décision du 4 décembre 2013 du Conseil constitutionnel (Cons. const., décision n° 2013-679 DC, du 4 décembre 2013, Loi relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière N° Lexbase : A5483KQ7). Selon le Conseil (qui se penche sur l’article L. 10-0 AA du LPF), les services fiscaux/douaniers ne peuvent pas se prévaloir de pièces/documents obtenus par une autorité administrative/judicaire dans des conditions déclarées ultérieurement illégales par le juge. Dans le cas présent, M. B. estime que l’administration fiscale ne pouvait pas asseoir une imposition sur des éléments obtenus/établis de manière déloyale. Toutefois, la CAA constate que les modalités d’obtention des pièces transmises par l’autorité judiciaire à l’administration fiscale n’ont pas été déclarées illégales par le juge compétent ; la Cour de cassation (Cass. crim., 27 novembre 2013, n° 13-85.042, FS-P+B N° Lexbase : A4794KQM) a confirmé la licéité de la perquisition réalisée. Les informations détenues par l’administration – et opposées à M. B. – n’ont ainsi pas été obtenues dans des conditions déclarées ultérieurement illégales par un juge. Certes, est-il concédé, ces informations proviennent de documents volés par l’ancien salarié de HSBC ; mais cela est – pour la CAA – « sans incidence sur leur valeur probante ». Il convient de ne pas confondre la nature probatoire d’un document et les conditions de son obtention ; si le raisonnement peut apparaître logique, il peut aussi être récusé. À lire Jhering, « Ennemie jurée de l’arbitraire, la forme est la sœur jumelle de la liberté »… M. B. invoque un autre argument en défense de ses prétentions : l’annulation – par la cour d’appel d’Aix-en-Provence (arrêt du 16 décembre 2020, n°2020/03144) – du procès-verbal de son audition pour violation des droits de la défense. Selon la CAA, cela n’est pas de nature à priver l’administration fiscale de son droit de s’en prévaloir pour établir les impositions contestées ; de même, cela n’emporte pas décharge des impositions en litige.
Le délai de reprise spécial de 10 ans
Il est question ici de l’article L. 169 du LPF N° Lexbase : L1214MLK [8] et de l’article 1649 A du CGI N° Lexbase : L8953MCL [9], dispositions visant à lutter contre l’évasion et la fraude fiscales. Quand l’administration fiscale dispose d’éléments établissant l’utilisation de comptes non déclarés à l’étranger pendant une ou plusieurs années, leurs détenteurs (ou leurs ayants droit) sont présumés – sauf preuve contraire – les avoir utilisés les années suivantes. Présomption de violation de l’obligation déclarative de l’article 1649 A du CGI il y a alors. Il s’ensuit que l’administration fiscale peut se prévaloir du délai de reprise spécial de 10 ans (LPF, art. L. 169) et imposer les transferts réalisés en provenance (ou au bénéfice) de ces comptes dissimulés ; elle peut encore imposer les revenus issus des avoirs figurant dans ces comptes. Dans le cas présent, les variations constatées attestent l’utilisation continue des comptes au sens de l’article 1649 A du CGI ; à raison de ces variations – et de la présomption ainsi posée – le fardeau probatoire pèse sur les épaules du contribuable. Il revenait à M. B. de démontrer l’absence d’utilisation de ces comptes au titre des années litigieuses. Or, il n’établit aucunement leur non utilisation, tout comme il n‘établit pas avoir indiqué leur clôture à l’administration fiscale. Certes, les comptes ont été clôturés mais les fonds détenus auprès de HSBC ont été aussitôt transférés vers d’autres comptes en Suisse. À l’aune de l’ensemble de ces éléments, l’administration pouvait à bon droit faire utilisation du délai de reprise spécial de 10 ans.
L’existence et le montant des revenus d’avoirs détenus à l’étranger
Lecture est faite des articles L. 193 du LPF N° Lexbase : L8356AE9 (« Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition ») et 151 du CGI (« Pour l'application de l’article L. 69 du Livre des procédures fiscales, l'impôt sur le revenu des avoirs à l'étranger est établi sur le produit du montant de ces avoirs par la moyenne annuelle des taux de rendement bruts à l'émission des obligations des sociétés privées »). Dans le cas présent, le contribuable « persiste à soutenir » (l’ire sémantique du juge est manifeste) son ignorance s’agissant de l’existence même des comptes en Suisse ; lesdits comptes ont été ouverts et sont gérés, soutient-il, par sa sœur (répondant au doux prénom d’Odette). La CAA n’est pas sensible à cette innocence proclamée : M. B. est co-titulaire des comptes. Or, il n’apporte aucun élément établissant le caractère inexact des flux et des soldes financiers qui ont été identifiés par l’administration fiscale. Plus précisément, il ne démontre pas que les avoirs par lui détenus ont généré des revenus inférieurs à ceux déterminés par l’administration fiscale. Certes, il est bien une attestation du directeur de la Julius Bär indiquant que sa soeur (Odette) est aujourd'hui la seule titulaire d'un compte ouvert en Suisse ; reste que ce document est dépourvu de valeur probante dès lors que la question centrale est le sort des fonds détenus auparavant auprès de HSBC.
Les pénalités encourues
Après lecture de l’article 1729 du CGI [10], la CAA estime établie l’intention délibérée d’éluder l’impôt de la part de M. B. Les avoirs par lui détenus – à l’origine inconnus car non déclarés – ont été ensuite transférés sur des comptes non déclarés « dans un État pratiquant alors un secret bancaire très strict » (euphémisme). Il y avait volonté manifeste « d’échapper aux conséquences de la transposition de la Directive européenne n° 2003/48/CE (Directive (CE) n° 2003/48, du Conseil du 3 juin 2003, en matière de fiscalité des revenus de l'épargne sous forme de paiements d'intérêts N° Lexbase : L6608BH9). En l’absence d’éléments probatoires pertinents à l’appui des assertions de M. B., l’administration a suffisamment établi son intention délibérée d’éluder l’impôt. Les pénalités le frappant l’ont été à bon droit.
Le jugement du TA est confirmé.
La requête de M. B. est rejetée.
[1] TA Paris, 17 mai 2022, n° 2012653.
[2] « À l'occasion de toute procédure judiciaire, le ministère public peut communiquer les dossiers à l'administration des finances. Cette dernière porte à la connaissance du ministère public, spontanément dans un délai de six mois après leur transmission ou à sa demande, l'état d'avancement des recherches de nature fiscale auxquelles elle a procédé à la suite de la communication de ces dossiers. Le résultat du traitement définitif de ces dossiers par l'administration des finances fait l'objet d'une communication au ministère public ».
[3] « L'autorité judiciaire doit communiquer à l'administration des finances toute indication qu'elle recueille, à l'occasion de toute procédure judiciaire, de nature à faire présumer une fraude commise en matière fiscale ou une manœuvre quelconque ayant eu pour objet ou pour résultat de frauder ou de compromettre un impôt.
L'administration des finances porte à la connaissance du juge d'instruction ou du procureur de la République, spontanément dans un délai de six mois après leur transmission ou à sa demande, l'état d'avancement des recherches de nature fiscale auxquelles elle a procédé à la suite de la communication des indications effectuée en application du premier alinéa. Le résultat du traitement définitif de ces dossiers par l'administration des finances fait l'objet d'une communication au ministère public ».
[4] « En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au contribuable des éclaircissements. Elle peut, en outre, lui demander des justifications au sujet de sa situation et de ses charges de famille, des charges retranchées du revenu net global ou ouvrant droit à une réduction d'impôt sur le revenu en application des articles 156 et 199 septies du Code général des impôts, ainsi que des avoirs ou revenus d'avoirs à l'étranger ».
[5] « Les demandes d'éclaircissements et de justifications fixent au contribuable un délai de réponse qui ne peut être inférieur à deux mois. Lorsque le contribuable a répondu de façon insuffisante aux demandes d'éclaircissements ou de justifications, l'administration lui adresse une mise en demeure d'avoir à compléter sa réponse dans un délai de trente jours en précisant les compléments de réponse qu'elle souhaite ».
[6] « Sous réserve des dispositions particulières au mode de détermination des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices agricoles et des bénéfices non commerciaux, sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article L. 16 ».
[7] « L'administration peut examiner l'ensemble des relevés de compte du contribuable sur les années au titre desquelles les obligations déclaratives prévues au deuxième alinéa de l'article 1649 A ou au premier alinéa de l'article 1649 AA du Code général des impôts n'ont pas été respectées, sans que cet examen constitue le début d'une procédure de vérification de comptabilité ou d'une procédure d'examen de situation fiscale personnelle. Ces relevés de compte sont transmis à l'administration par des tiers, spontanément ou à sa demande.
Ces relevés de compte ne peuvent être opposés au contribuable pour l'établissement de l'impôt sur le revenu que dans le cadre d'une procédure mentionnée au premier alinéa du présent article, sauf pour l'application du dernier alinéa de l'article 1649 A ou du second alinéa de l'article 1649 AA du Code général des impôts ».
[8] « Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due.
Par exception aux dispositions du premier alinéa, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due, lorsque le contribuable exerce une activité occulte ou lorsqu'il est bénéficiaire de revenus distribués par une personne morale exerçant une activité occulte. L'activité occulte est réputée exercée lorsque le contribuable ou la personne morale mentionnée à la première phrase du présent alinéa n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et soit n'a pas fait connaître son activité à l'organisme mentionné au deuxième alinéa de l'article L. 123-33 du Code de commerce, soit s'est livré à une activité illicite ».
[9] « Les administrations publiques, les établissements ou organismes soumis au contrôle de l'autorité administrative, les établissements bénéficiant des dispositions des articles L. 511-22 et L. 511-23 du Code monétaire et financier pour leurs opérations avec des résidents français et toutes personnes qui reçoivent habituellement en dépôt des valeurs mobilières, titres ou fonds doivent déclarer à l'administration des impôts l'ouverture et la clôture des comptes de toute nature ainsi que la location de coffres-forts (1).
Les personnes physiques, les associations, les sociétés n'ayant pas la forme commerciale, domiciliées ou établies en France, sont tenues de déclarer, en même temps que leur déclaration de revenus ou de résultats, les références des comptes ouverts, détenus, utilisés ou clos à l'étranger. Les modalités d'application du présent alinéa sont fixées par décret (2).
Les sommes, titres ou valeurs transférés à l'étranger ou en provenance de l'étranger par l'intermédiaire de comptes non déclarés dans les conditions prévues au deuxième alinéa constituent, sauf preuve contraire, des revenus imposables ».
[10] « « Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'État entraînent l'application d'une majoration de :
/ a. 40 % en cas de manquement délibéré. (...) ».
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Réf. : Cass. soc., 10 juillet 2024, n° 23-14.900, F-B N° Lexbase : A22185PT
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par Lisa Poinsot
Le 17 Juillet 2024
► Un enregistrement clandestin peut servir à prouver le harcèlement moral quand cette preuve est indispensable à l’exercice du droit à la preuve de la victime et que l’atteinte aux droits de l’employeur est proportionnée.
Faits et procédure. Soutenant avoir subi un harcèlement moral, la salariée saisit la juridiction prud’homale de demandes tendant au paiement de dommages et intérêts pour harcèlement moral et licenciement abusif.
La cour d’appel (CA Montpellier, 29 juin 2022, n° 22/00555 N° Lexbase : A272679T) juge que l’enregistrement clandestin réalisé par la salariée de son entretien avec son employeur constitue une preuve irrecevable en ce qu’il est contraire au principe de la loyauté dans l’administration de la preuve, de sorte qu’il est écarté des débats.
En écartant cette preuve des débats, la cour d’appel déboute la salariée de ses demandes au titre du harcèlement moral et du licenciement.
La salariée forme un pourvoi en cassation.
Rappel. Le droit de la preuve peut justifier la production d’un élément de preuve obtenu de manière déloyale dès lors que cette production :
Les juges du fond doivent ainsi vérifier ces conditions (Cass. ass. plén., 22 décembre 2023, n° 20-20.648 N° Lexbase : A27172AU et n° 21-11.330 N° Lexbase : A27232A4, publiés au bulletin ; Cass. soc., 17 janvier 2024, n° 22-17.474, F-B N° Lexbase : A35522EB). |
Solution. Énonçant la solution susvisée, la Chambre sociale de la Cour de cassation casse et annule la décision de la cour d’appel puisque cette dernière n’a pas satisfait son obligation résultant des articles 6, § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme N° Lexbase : L7558AIR et 9 du Code de procédure civile N° Lexbase : L1123H4D. Cette obligation n’est en effet pas satisfaite lorsque les juges du fond se bornent à apprécier le caractère indispensable du procédé par lequel l’élément a été obtenu.
En pratique, il faut ainsi distinguer la question de la licéité de l’obtention d’un élément probatoire de la question de la recevabilité de la production de ladite preuve devant une juridiction. Ainsi, en cas de contentieux et de demande d’éviction d’une preuve, il semble préférable de contester la production aux débats plutôt que de remettre en cause son obtention.
Par ailleurs, en cas d’aménagement probatoire spécifique, comme en l’espèce en matière de harcèlement moral, le caractère indispensable de la production doit s’apprécier à l’égard de la preuve des faits qui permettent de présumer son existence et non le fait en lui-même.
En l’espèce, la salariée invoquait le défaut de formation sur son nouveau poste de travail, le fait qu’elle ait été sanctionnée à de plusieurs reprises ainsi que les éléments médicaux.
Pour aller plus loin :
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Réf. : Cass. soc., 19 juin 2024, n° 23-10.817, FS-B N° Lexbase : A85905IY
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N0010B3R
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par Pierre Lopes, Avocat, cabinet Fromont Briens
Le 17 Juillet 2024
Mots clés : rupture conventionnelle • vice du consentement • consentement • dol • employeur
Dans un arrêt en date du 19 juin 2024, publié au Bulletin, la Cour de cassation décide que si, à l’occasion de la conclusion d’une convention de rupture conventionnelle, le salarié dissimule intentionnellement à l’employeur une information dont il sait qu’elle présente pour lui un caractère déterminant dans son consentement à la rupture du contrat, cette rupture est frappée de nullité et produit les effets d’une démission.
I. Validité de la rupture conventionnelle et vice du consentement
Vice du consentement. En application du droit commun, pour qu’une convention puisse être valablement conclue, un consentement non vicié des parties est requis [1], ce qui implique qu’il soit donné de manière libre et éclairé. C’est ainsi qu’aux termes de l’article 1130 du Code civil N° Lexbase : L0842KZ9, « l'erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu'ils sont de telle nature que, sans eux, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes ».
Le droit de la rupture conventionnelle est soumis à ces principes de droit commun, qui s’y appliquent même avec une intensité particulière. Le législateur a ainsi insisté sur le fait que l’ensemble de la procédure, visée aux articles L. 1237-11 N° Lexbase : L8512IAI et suivants du Code du travail, visait à « garantir la liberté du consentement des parties » [2]. Le délai de rétraction de quinze jours dont bénéficient les parties à l’issue de la signature de la convention de rupture conventionnelle [3] s’inscrit pleinement dans cet objectif, tout comme le fait que l’inspecteur du travail soit notamment tenu de s’assurer « de la liberté de consentement des parties » [4] avant de procéder à son homologation.
Dol. La notion de dol est définie à l’article 1137 du Code civil N° Lexbase : L1978LKH : « le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des manœuvres ou des mensonges. Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie ». En pratique, le dol est le plus souvent invoqué par le salarié, au même titre d’ailleurs que les autres vices du consentement. Il a, par exemple, été jugé qu’une rupture conventionnelle est nulle lorsque l’employeur a dissimulé au salarié le fait qu’il préparait un plan de sauvegarde de l’emploi visant notamment son poste au moment où la convention a été signée, le privant ainsi du bénéfice du plan [5]. Pour autant, le dol peut également être soulevé par l’employeur. Une telle demande a notamment prospéré dans deux affaires dans lesquelles l’employeur avait découvert, postérieurement à la rupture, que le salarié était l’auteur de plusieurs vols dans l’entreprise [6]. L’arrêt commenté s’inscrit dans cette même hypothèse de demande d’annulation à l’initiative de l’employeur.
II. Caractérisation du vice du consentement
Rappel de la procédure. Dans cette affaire, la société Alientech France avait contesté judiciairement la validité de la convention de rupture conventionnelle, signée le 20 novembre 2018 avec l’un de ses salariés, qui occupait le poste de responsable commercial. Elle estimait ainsi que son consentement avait été vicié en raison des manœuvres dolosives du salarié, qui lui avait dissimulé ses projets professionnels au moment de la signature de la convention. La cour d’appel de Toulouse a fait droit à sa demande, en jugeant donc que la convention devait être frappée de nullité, par un arrêt du 18 novembre 2022 [7]. Le salarié a alors formé un pourvoi, finalement rejeté par la Cour de cassation par un arrêt en date du 19 juin 2024. Une attention particulière mérite d’être portée sur les éléments factuels et juridiques ayant motivé cette décision.
Manœuvres dolosives. Devant les juges du fond, il a été établi que le salarié avait justifié sa demande de rupture conventionnelle par un projet de reconversion professionnelle dans le management, ce qui avait convaincu son employeur d’y donner une suite favorable. Ce dernier avait finalement découvert, postérieurement à la rupture, que le salarié avait en réalité pour projet de créer une société concurrente à la sienne, avec deux autres de ses salariés. Il considérait ainsi que son consentement à la rupture conventionnelle avait été vicié, cette dissimulation d’information constituant une manœuvre dolosive.
Matérialité. Pour établir la réalité de cette manœuvre, l’employeur avait, postérieurement à la rupture, fait restaurer les fichiers informatiques de l'ancien ordinateur professionnel du salarié, en présence d'un huissier de justice et d'un expert informatique. L’analyse de ces fichiers avait permis de mettre en évidence que, à la date à laquelle il avait demandé à bénéficier d'une rupture conventionnelle, ce dernier avait déjà entamé des démarches en vue de la création d’une société concurrente. Dans ces conditions, la matérialité des faits était difficilement contestable. La cour d’appel avait d’ailleurs relevé que l’intéressé « ne conteste pas avoir, alors qu'il était salarié, entrepris des démarches administratives, dans la perspective de créer une société » [8]. Le salarié avait soulevé l’irrecevabilité des éléments de preuve produits en ce qu’ils portaient sur des fichiers informatiques à caractère personnel. Le juge d’appel a toutefois écarté cet argument, considérant, dans la lignée de la jurisprudence de la Cour de cassation en la matière, que les fichiers retrouvés dans un ordinateur professionnel sont présumés de nature professionnelle et que le salarié n’établissait pas qu’ils avaient été identifiés comme étant personnels [9].
Intentionnalité. Aux termes de l’article 1137 du Code civil N° Lexbase : L1978LKH, dont les termes sont rappelés par la Cour de cassation dans l’arrêt commenté, la dissimulation d’informations doit être intentionnelle pour qu’un dol puisse être caractérisé. En l’espèce, au regard des faits en cause, l’intentionnalité de la dissimulation du salarié était difficilement contestable, ce que n’avait pas manqué de relever la Cour d’appel. C’est donc essentiellement sur le caractère déterminant des informations dissimulées que le débat a porté.
Caractère déterminant. Le dol n’est une cause de nullité de la convention que lorsque les manœuvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que, sans ces manœuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté ; il ne se présume pas et doit être prouvé [10]. Il revient donc à la partie qui soulève la nullité de la rupture conventionnelle sur le terrain du dol de démontrer que des informations déterminantes à son consentement lui ont été dissimulées, mais aussi que l’autre partie avait connaissance du caractère déterminant de ces mêmes informations.
Dans l’arrêt du 18 novembre 2022, confirmé par la Cour de cassation, la cour d’appel de Toulouse a jugé que, pour accepter la rupture conventionnelle, « l'employeur s'est déterminé au regard du seul souhait de reconversion professionnelle dans le management invoqué par [le salarié], du fait du défaut d'information volontaire de l'appelant sur le projet d'entreprise initié dans le même secteur d'activité auquel sont associés deux anciens salariés » [11]. Elle s’est notamment appuyée, pour considérer que le salarié ne pouvait ignorer le caractère déterminant pour l’employeur des informations dissimulées, sur un SMS adressé par le premier au second, et rédigé dans les termes suivants : « Honnêtement je suis sûr que tu m'aurais fait la morale et que mon association avec [P] ne t'aurait pas convenue de toute façon » [12].
Dans la mesure où l’appréciation du caractère déterminant des éléments dissimulés relève du pouvoir souverain des juges du fond, elle ne peut plus être contestée à l’occasion d’un pourvoi devant la Cour de cassation [13]. En l’espèce, le salarié s’était toutefois placé sur le terrain de la dénaturation pour tenter de réintroduire le débat en cassation. En vain : la Haute juridiction a considéré que c’est « par une interprétation souveraine, exclusive de dénaturation, de la portée des éléments de preuve produits, [que] la cour d'appel a constaté que le salarié avait volontairement dissimulé des éléments dont il connaissait le caractère déterminant pour l'employeur afin d'obtenir le consentement de ce dernier à la rupture conventionnelle ».
Cette solution est à mettre en perspective avec celle retenue par la Cour de cassation dans un arrêt du 11 mai 2022 [14], qui portait sur des faits similaires : un employeur avait soulevé la nullité de la rupture conventionnelle négociée avec un salarié après avoir appris son embauche par une entreprise concurrente, alors même qu’il lui avait fait état d’un projet de reconversion professionnelle. Si la cour d’appel avait fait droit à la demande de nullité formulée, la Haute juridiction a retenu la solution contraire, considérant que le juge d’appel s’était déterminé « sans constater que le projet de reconversion professionnelle présenté par le salarié à son employeur a déterminé le consentement de ce dernier à la rupture conventionnelle » [15].
L’issue de ce type de contentieux dépend donc directement des éléments de preuve produits pour établir le caractère déterminant des informations dissimulées dans le consentement donné à la rupture conventionnelle, étant rappelé que c’est à la partie qui invoque un vice du consentement d’en apporter la preuve [16].
Date d’appréciation. La validité du consentement s’appréciant au moment de la formation du contrat (en l’occurrence de la convention de rupture conventionnelle), l’analyse de la chronologie des événements présente un enjeu particulier. En l’espèce, le dol est constitué dans la mesure où il ressort clairement de la motivation de l’arrêt d’appel que, au jour de la conclusion de ladite convention de rupture conventionnelle, le salarié avait entamé des démarches en vue de la création de la société et qu’il avait donc volontairement dissimulé ses intentions à son employeur : « Les documents versés à la procédure confirment qu'antérieurement à la signature de la rupture conventionnelle, M. [R] avait de façon concrète et concertée avec deux personnes issues du même groupe de sociétés, procédé à des démarches, non seulement administratives, mais de rentabilité avec analyse de la concurrence, en vue de la création d'une société dans un même secteur d'activité » [17]. En toute logique, la solution aurait été inverse s’il s’était avéré que les démarches en vue de la création d’une société concurrente avaient été entreprises par le salarié postérieurement à la conclusion de la convention de rupture conventionnelle.
Articulation avec d’autres principes. Pour soutenir l’absence de toute nullité de la rupture conventionnelle de son contrat de travail, le salarié avançait, entre autres arguments, que, dans la mesure où il n’était lié à aucune clause de non-concurrence ou d’exclusivité, il n'était pas tenu de révéler spontanément à son employeur son projet de création d'activité concurrente et que la solution retenue par la cour d’appel portait une atteinte disproportionnée au principe fondamental de libre exercice d'une activité professionnelle. Ces arguments sont toutefois écartés par la Cour de cassation, qui considère que l’arrêt d’appel n’a pas pour conséquence de « faire peser sur le salarié une obligation d'information contractuelle, ni [de] porter atteinte à sa liberté d'entreprendre » [18].
III. Effets de l’annulation de la rupture conventionnelle
Démission. L’autre apport majeur de l’arrêt commenté porte sur les effets produits par la rupture conventionnelle annulée à la suite d’un vice du consentement de l’employeur. La cour d’appel de Toulouse avait considéré que celle-ci devait s’analyser en une démission ; le salarié avait donc été condamné à rembourser à son ancien employeur l’indemnité spécifique de rupture perçue à l’occasion de la rupture de son contrat (à hauteur de 18 775 €) et à lui verser une indemnité compensatrice au titre du préavis non exécuté (à hauteur de 20 334 €). Le salarié contestait cette analyse devant la Cour de cassation, arguant notamment du fait qu’une démission ne pouvait résulter que d'une manifestation de volonté claire et non équivoque, ce qui n'était pas le cas en l'espèce. La solution dégagée par la cour d’appel est néanmoins confirmée par la Haute juridiction, qui décide que « lorsque le contrat de travail est rompu en exécution d'une convention de rupture ensuite annulée en raison d'un vice du consentement de l'employeur, la rupture produit les effets d'une démission ». Cette solution est nouvelle, la Cour de cassation faisant droit, pour la première fois, dans le cadre de cet arrêt, à une demande en nullité d’une rupture conventionnelle d’un employeur sur le terrain du vice du consentement. Elle est néanmoins logique dès lors que, à l’inverse, lorsque la nullité de la rupture conventionnelle est prononcée en raison d’un vice du consentement du salarié, la rupture produit alors les effets d’un licenciement dépourvu de cause et sérieuse [19].
[1] C. civ., art. 1128 N° Lexbase : L0844KZB.
[2] C. trav., art. L. 1237-11 N° Lexbase : L8512IAI.
[3] C. trav., art. L. 1237-13 N° Lexbase : L8385IAS.
[4] C. trav., art. L. 1237-14 N° Lexbase : L8504IA9.
[5] Cass. soc., 6 janvier 2021, n° 19-18.549, F-D N° Lexbase : A89254B8. En revanche, un salarié ne peut invoquer un vice du consentement s’il a été informé du PSE pendant la période de rétractation : Cass. soc., 16 septembre 2015, n° 14-13.830, FS-P+B N° Lexbase : A3850NPB.
[6] CA Metz, 6 mai 2013, n° 11/01105 N° Lexbase : A2943KDD ; CA Rennes, 22 avril 2016, n° 14/03271 N° Lexbase : A7353RKK.
[7] CA Toulouse, 18 novembre 2022, n° 21/02902 N° Lexbase : A05928X9.
[8] CA Toulouse, 18 novembre 2022, n° 21/02902, préc..
[9] V. not : Cass. soc., 15 décembre 2010, n° 08-42.486, F-D N° Lexbase : A2396GN3.
[10] Cass. soc., 11 mai 2022, n° 20-15.909, F-D N° Lexbase : A18747XP.
[11] CA Toulouse, 18 novembre 2022, n° 21/02902, préc..
[12] CA Toulouse, 18 novembre 2022, n° 21/02902, préc..
[13] Cass. soc., 16 septembre 2015, n° 14-13.830, FS-P+B N° Lexbase : A3850NPB.
[14] Cass. soc., 11 mai 2022, n° 20-15.909, F-D N° Lexbase : A18747XP.
[15] Cass. soc., 11 mai 2022, n° 20-15.909, préc..
[16] Cass. soc., 17 mars 2021, n° 19-25.313, F-D N° Lexbase : A88574LM.
[17] CA Toulouse, 18 novembre 2022, n° 21/02902, préc..
[18] CA Toulouse, 18 novembre 2022, n° 21/02902, préc..
[19] Cass. soc., 30 janvier 2013, n° 11-22.332, FS-P+B+R N° Lexbase : A6245I43.
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Réf. : Cass. civ. 3, 11 juillet 2024, n° 23-10.013, FS-B N° Lexbase : A44045PS
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par Perrine Cathalo
Le 19 Juillet 2024
► Si les statuts peuvent réserver le droit de vote aux associés sur les questions autres que celles relatives à l'affectation des bénéfices, ils ne peuvent, en revanche, priver l'usufruitier de parts sociales du droit de contester une délibération collective susceptible d'avoir une incidence directe sur son droit de jouissance.
Faits et procédure. À la fin de l'année 2017, une SCI avait pour associés, titulaires de parts en pleine propriété ou en nue-propriété, plusieurs personnes physiques et plusieurs personnes morales. L'usufruit des parts sociales démembrées était détenu par cinq personnes physiques et la SCI Castain.
Lors d'une assemblée générale du 6 décembre 2017, les associés de la SCI ont décidé de distribuer 2 000 000 euros de dividendes à ses deux gérants, les SCI Sylphaline B et Castain.
Lors d'une assemblée générale du 23 janvier 2018, ils ont décidé de l'augmentation du capital de la société, qui s'est traduite par la création de 72 800 parts sociales lors de l'assemblée générale mixte du 21 mars 2018.
Invoquant des abus de majorité et défauts de pouvoirs, une des usufruitières a assigné la SCI, ses associés et les autres usufruitiers de parts sociales, en annulation de l'assemblée générale du 23 janvier 2018, de la première résolution de l'assemblée générale du 21 mars 2018, de la deuxième résolution de l'assemblée générale du 6 décembre 2017, ainsi que de toutes les délibérations et consultations écrites postérieures, en ce qu'elles ont été adoptées avec les majorités issues de l'augmentation de capital contestée.
Quatre autres usufruitiers se sont associés à ses demandes. Deux d’entre eux ont également demandé l'annulation de la deuxième résolution de l'assemblée générale des associés du 20 mars 2019, portant sur la modification des statuts relatifs aux modalités des décisions collectives, à l'année sociale, à l'affectation et à la répartition des résultats.
Par arrêt en date du 20 octobre 2022, la cour d’appel (CA Aix-en-Provence, 20 octobre 2022, n° 22/02022 N° Lexbase : A64038SX) a déclaré les usufruitiers irrecevables à solliciter l'annulation de l'assemblée générale du 23 janvier 2018 décidant de l'augmentation de capital de la SCI, de la première résolution de l'assemblée générale du 21 mars 2018 portant le nombre de parts sociales à 93 000 du fait de cette augmentation et de toutes les décisions et/ou consultations écrites postérieures votées avec les majorités nouvelles issues de l'augmentation de capital, pour défaut d’intérêt à agir.
Les usufruitiers ont formé un pourvoi devant la Cour de cassation.
Décision. La Haute juridiction censure l’arrêt de la cour d’appel au visa des articles 578 du Code civil N° Lexbase : L3159ABM, 31 du Code de procédure civile N° Lexbase : L1169H43 et 6, § 1, de la CESDH N° Lexbase : L6799BHB.
En particulier, la troisième chambre civile énonce que si les statuts peuvent réserver le droit de vote aux associés sur les questions autres que celles relatives à l'affectation des bénéfices (v. Cass. com., 31 mars 2004, n° 03-16.694, FS-P+B N° Lexbase : A7593DBT ; Cass. civ. 3, 15 septembre 2016, n° 15-15.172, FS-P+B N° Lexbase : A2399R3A), ils ne peuvent, en revanche, priver l'usufruitier de parts sociales du droit de contester une délibération collective susceptible d'avoir une incidence directe sur son droit de jouissance.
La Cour précise qu’il en est ainsi alors même que l'article 19 VIII des statuts énonçait que les usufruitiers étaient irrecevables à contester toute décision collective quelle que soit sa forme, à la seule exception des décisions collectives portant sur l'affectation des résultats, dans la mesure où il s’agit d’une clause statutaire de nature à priver l'usufruitier de son droit de contester des délibérations susceptibles de porter une atteinte directe à son droit de jouissance.
Observations. Cette décision n’est pas sans rappeler l’avis rendu le 1er décembre 2021 par la Chambre commerciale de la Cour de cassation, suivi de l'arrêt de la troisième chambre civile (Cass. com., 1er décembre 2021, n° 20-15.164, FS-D N° Lexbase : A63597GM ; Cass. civ. 3, 16 février 2022, n° 20-15.164, FS-B N° Lexbase : A33527NH), qui pose le principe selon lequel l’usufruitier de parts sociales doit pouvoir provoquer une délibération des associés sur une question susceptible d'avoir une incidence directe sur son droit de jouissance quand bien même il ne peut se voir reconnaître la qualité d'associé, qui n'appartient qu'au nu-propriétaire.
Désormais, l’usufruitier semble également pouvoir exercer une autre prérogative habituellement attachée à la qualité d’associé : celle de contester les délibérations susceptibles de porter une atteinte directe à son droit de vote.
Pour en savoir plus : v. B. Saintourens, L’usufruitier de droits sociaux n’a pas la qualité d’associé : position de principe et conséquences pratiques, Lexbase Affaires, mars 2022, n° 707 N° Lexbase : N0577BZE. |
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