Réf. : T. confl. 14 octobre 2013, n°3918 (N° Lexbase : A1334KNQ)
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N9216BTI
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par Sébastien Tournaux, Professeur à l'Université des Antilles et de la Guyane
Le 07 Novembre 2013
Résumé
Eu égard tant à la nature particulière de la relation de travail, qui se rattache à l'accomplissement de la mission de service public de l'administration pénitentiaire, qu'à ses modalités de mise en oeuvre, soumises au régime pénitentiaire du détenu et aux nécessités du bon fonctionnement de l'établissement qui influent sur les conditions d'emploi et de rémunération, le détenu ainsi employé se trouve, à l'égard de la société concessionnaire, même de droit privé, dans une relation de droit public. |
I - Retour sur les débats autour du travail pénitentiaire
Il y a un peu moins d'un an, le conseil de prud'hommes de Paris rendait un jugement très remarqué tant la solution apportée détonait avec les règles habituellement applicables au travail des détenus (1) : les dispositions de l'article 717-3 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L9399IET) applicables en la matière devraient être écartées car contraires aux articles 4 (N° Lexbase : L4775AQW) et 14 (N° Lexbase : L4747AQU) de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme, au protocole additionnel n°12 à cette même convention, aux articles 6, 7 et 9 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (N° Lexbase : L6817BHX) et à la Convention n° 29 de l'Organisation internationale du travail. Le conseil de prud'hommes considérait, assez classiquement de ce point de vue, qu'à la condition qu'il existe un lien de subordination entre le travailleur et le donneur d'ordre, leur relation devait être requalifiée en contrat de travail, quand bien même le travailleur était un détenu.
Quelques semaines plus tard, la Chambre sociale de la Cour de cassation était appelée à se prononcer sur la transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité dont elle était saisie par le conseil de prud'hommes de Metz (2). En jugeant que la question présentait un caractère sérieux et en acceptant de la transmettre au Conseil constitutionnel, la Chambre sociale donnait le sentiment de ne pas être opposée à une éviction des règles du Code de procédure pénale ou, à tout le moins, de ne pas d'emblée considérer que ces dispositions étaient conformes aux règles constitutionnelles.
Le Conseil d'Etat, de son côté, renvoyait au Tribunal des conflits la question de la compétence du juge judiciaire ou du juge administratif s'agissant des litiges relatifs à la rémunération des détenus, question à laquelle le Tribunal ne pouvait répondre qu'en se prononçant sur l'existence ou non d'un contrat de travail et qui fait l'objet de la décision ici commentée (3).
Ces premiers signaux laissaient entrevoir l'hypothèse d'un grand débat au sein des plus Hautes juridictions françaises sur le travail en détention et, surtout, sur la viabilité des dispositions du Code de procédure pénale au regard des exigences constitutionnelles et des engagements internationaux de la France.
Une première réponse parvint assez rapidement du Palais-Royal : "en écartant les détenus du bénéfice des droits dont le bénéfice est attaché à la qualification de contrat de travail, le législateur n'a porté atteinte à aucun droit ni aucune liberté que la Constitution garantit" (4). Sauf à engager de nouvelles procédures contre des dispositions qui n'étaient pas visées par la QPC (5), la constitutionnalité de l'évincement de qualification de contrat de travail est désormais acquise (6).
L'analyse de la conformité de ces dispositions aux engagements internationaux de la France reste en suspens et il faudra attendre que la chambre sociale de la Cour de cassation statue sur le pourvoi éventuellement formé contre le jugement du conseil de prud'hommes de Paris.
La décision du Tribunal des conflits, enfin, était elle aussi très attendue.
Une procédure avait été engagée par un détenu auprès du ministre de la Justice, auquel il demandait que lui soit servie une majoration des rémunérations reversées par l'administration pénitentiaire (7). Plus précisément, le travailleur soutenait que des cadences de travail excessives lui avaient été imposées lesquelles ne permettaient pas d'atteindre le seuil minimal de rémunération.
La décision de refus du ministre fut soumise au tribunal administratif de Paris qui, le 10 février 2011, rejeta la demande d'annulation de la décision ministérielle et refusa, par la même occasion, d'engager la responsabilité solidaire de l'Etat et de la société "concessionnaire de main-d'oeuvre pénale" en raison du préjudice résultant de l'insuffisance des rémunérations. Le détenu forma pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat (8) qui sursit à statuer et renvoya l'affaire devant le Tribunal des conflits, principalement en raison de la demande de condamnation solidaire de l'Etat et de l'entreprise privée donneur d'ordre qui posait "une question de compétence soulevant une difficulté sérieuse".
Appelé à former des observations, le ministre de la Justice demandait que la juridiction administrative soit déclarée compétente, le travail en détention étant soumis un régime légal et réglementaire exorbitant du droit commun et relevant, de la sorte, du service public administratif de l'administration pénitentiaire.
Par un arrêt rendu le 14 octobre 2013, le Tribunal des conflits statue en faveur de la compétence de l'ordre administratif. Il juge, en effet, que l'activité de travail du détenu "ne fait pas l'objet d'un contrat de travail et qui s'inscrit dans l'exécution de la peine privative de liberté" et "procède de la préparation à la réinsertion du condamné". Les juges poursuivent en décidant qu'"eu égard tant à la nature particulière de la relation de travail, qui se rattache à l'accomplissement de la mission de service public de l'administration pénitentiaire, qu'à ses modalités de mise en oeuvre, soumises au régime pénitentiaire du détenu et aux nécessités du bon fonctionnement de l'établissement qui influent sur les conditions d'emploi et de rémunération, le détenu ainsi employé se trouve, à l'égard de la société concessionnaire, même de droit privé, dans une relation de droit public".
II - La compétence du juge administratif dans la relation entre le travailleur et son employeur
La position du Tribunal des conflits sur cette question était attendue et, si elle ne surprend guère quant à son résultat, est décevante quant à son argumentation et pourraient mettre fin aux débats judiciaires engagés sur cette question.
La solution, en elle-même, ne surprend pas. En effet, l'article 717-3 du Code de procédure pénale est très clair et exclut l'application du droit commun du travail aux détenus. Il ne peut donc y avoir contrat de travail entre l'entreprise concessionnaire et le travailleur détenu. Certainement, la disposition de l'article 717-3 du Code de procédure pénale peut être contestée, comme cela fut le cas devant le Conseil constitutionnel, comme cela sera aurait pu être le cas devant la Cour de cassation au nom des engagements internationaux de la France. Cependant, faute que de tels arguments soient présentés au Tribunal des conflits, il ne lui appartenait pas, sauf audace exceptionnelle, de procéder à un contrôle de conventionalité.
Le travail des détenus n'est qu'une modalité de la réalisation de la mission de service public des établissements pénitentiaires, de leur objectif de réinsertion des détenus et, par conséquent, ne peut être justiciable que devant les juridictions administratives. Rien d'étonnant, donc, dans cette solution si ce n'est que l'argumentation produite est sujette à plusieurs commentaires.
La compétence judiciaire est écartée par deux voies, d'abord en déniant l'existence d'un contrat de travail, ensuite en caractérisant l'existence d'une mission de service public à laquelle se rattache l'action de l'entreprise concessionnaire.
Le premier argument est superflu. Si, nous l'avons vu, l'existence d'un contrat de travail peut légitimement être écartée, d'autres relations de droit privé pouvaient se nouer entre le travailleur et l'entreprise concessionnaire. Quand bien même aucun contrat ne pourrait être identifié, une action en responsabilité civile extra-contractuelle pouvait justifier la demande de dommages et intérêts réparant le préjudice subi à condition qu'une faute de l'entreprise concessionnaire soit démontrée. Ces autres relations de droit privé potentielles ne sont pas explicitement écartées, si bien que la précision apportée par le Tribunal s'apparente davantage à une prise de position qu'à un argument nécessaire à la solution. La référence à l'absence de contrat de travail est, en outre, superflue tant le second argument avancé par le Tribunal exclue toute appréciation de l'existence d'une relation de droit privé.
Quant à l'existence d'une mission de service public, ce n'est pas la première fois que le Tribunal des conflits qualifie une relation entre personnes privées de relation de droit public. Si le critère organique qui permet habituellement de qualifier ou de rejeter la qualification de contrat administratif est écarté, c'est en raison de l'existence d'une mission de service public qui, à l'occasion, peut aboutir à la l'identification de relations de droit public entre personnes privées (10). Le critère est pourtant habituellement plus strictement entendu puisque, dans ces cas, la personne privée est bien chargée, par substitution (11) ou par représentation (12) d'une personne publique, d'une mission de service public.
L'idée de substitution de l'entreprise concessionnaire à l'administration pénitentiaire n'est pas véritablement évoquée par la décision qui juge, seulement, que la relation "se rattache à l'accomplissement de la mission de service public de l'administration pénitentiaire". Il aurait pu éventuellement prospérer puisque, d'une certaine manière, l'entreprise concessionnaire peut être considérée comme se substituant à l'administration pénitentiaire qui ne peut, seule, exercer sa mission de réinsertion des détenus en leur fournissant une activité professionnelle. Pour autant, cet argument prête le flanc à la critique, cela pour au moins deux raisons. D'abord parce que d'autres relations pourraient alors, à ce titre, être considérées comme des relations de droit public. Tel est le cas par exemple des contrats conclus par les détenus lorsqu'ils "cantinent", c'est-à-dire qu'ils achètent des denrées en complément de ce qui leur est fourni par l'administration pénitentiaire. L'administration sert, là encore, d'intermédiaire entre le vendeur extérieur à l'établissement et le détenu. Faut-il dès lors considérer que le contrat de vente conclu est un contrat de droit public ? Ensuite parce que les concessionnaires de travail pénitentiaire ne sont pas des entreprises à but non lucratif et que leur objectif n'est pas seulement la réinsertion des détenus mais, surtout, l'utilisation d'une main-d'oeuvre docile et bon marché, sans syndicat ni droit de grève.
Le Tribunal des conflits n'était donc pas, en définitive, un terrain d'élection pour le débat sur la qualification de contrat de travail des relations entretenues par les détenus avec les entreprises concessionnaires de travail pénitentiaire. Malgré tout, la solution rendue éloigne un peu plus encore l'hypothèse d'une qualification de contrat de travail.
On peut, en effet, se demander s'il demeure une marge de manoeuvre à la Chambre sociale de la Cour de cassation lorsqu'elle sera saisie de pourvois formés contre des décisions acceptant ou refusant la qualification de contrat de travail entre travailleurs détenus et entreprises concessionnaires. Sauf à résister à l'autorité du Tribunal des conflits, le juge judiciaire devra en principe à l'avenir décliner sa compétence et renvoyer les parties devant le juge administratif. Il est donc envisageable que, sur le plan judiciaire, la décision du Tribunal des conflits mette en réalité fin au débat, seul le juge administratif pouvant encore apprécier la conformité du régime tiré du code de procédure pénale aux engagements internationaux de la France.
Le débat aurait pu rebondir sur le plan politique. Cependant, le refus du Conseil constitutionnel d'analyser si les dispositions du code de procédure pénale sont attentatoires à différents droits sociaux fondamentaux et, surtout, la position très claire du Garde des Sceaux en faveur du statu quo laissent craindre que, pas davantage que l'action judiciaire, l'action politique ne soit enclin à restreindre la véritable exploitation dont sont l'objet les travailleurs en prison.
(1) CPH Paris, 8 février 2013, n° 11/15185 (N° Lexbase : A0400I9P) et nos obs., Travail des détenus : vers l'application du droit commun du travail ?, Lexbase Hebdo n° 520 du 21 mars 2013 édition sociale (N° Lexbase : N6255BTT) ; CSBP, 2013, n° 251, p. 111, obs. G. Loiseau ; Dr. Pén., 2013, p. 43, obs. A. Maron et M. Haas.
(2) Cass. soc., 20 mars, n° 12-40.104, FS-P+B (N° Lexbase : A9043KA8) et n° 12-40.105, FS-P+B (N° Lexbase : A9046KAB) et les obs. de Ch. Radé, L'application du Code du travail aux détenus en questions, Lexbase Hebdo n° 522 du 4 avril 2013 édition sociale (N° Lexbase : N6456BTB). Ph. Auvergnon, Droit du travail et prison : le changement maintenant , RDT, 2013, p. 309.
(3) CE 1° et 6° s-s-r., 5 avril 2013, n° 349683, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A6572KBZ).
(4) Cons. const., décision n° 2013-320/321 QPC du 14 juin 2013 (N° Lexbase : A4732KGD) et les obs. de Ch. Radé, Travail carcéral et statut des maîtres contractuels de l'enseignement privé : les rendez-vous manqués, Lexbase Hebdo n° 533 du 27 juin 2013 édition sociale (N° Lexbase : N7709BTP) ; RDT, 2013, p. 565, obs. C. Wolmark ; RDSS, 2013, p. 639, note S. Brimo.
(5) V. C. Wolmark, préc. A moins que la Chambre sociale entende faire de la résistance, il est peu probable qu'elle transmette d'autres questions prioritaires de constitutionnalité sur ce thème au Conseil constitutionnel, quand bien même d'autres dispositions seraient visées. D'abord parce que le sérieux des futures questions pourra être discuté, ensuite parce qu'elle disposera d'autres armes si d'aventure elle souhaitait remettre en cause les règles applicables au travail des détenus.
(6) Les observateurs ont, cependant, fait remarquer que le Conseil constitutionnel aurait pu -dû ?- analyser la conformité du régime applicable aux travailleurs détenus aux droits sociaux fondamentaux protégés par le bloc de constitutionnalité.
(7) La rémunération des détenus à des taux inférieurs à ceux établis par le procédure pénale est fréquente comme le relevait un rapport du contrôleur général des lieux de détention en 2011 et l'illustrait une affaire jugée par le tribunal administratif de Limoges le 22 août dernier (TA Limoges, 22 août 2013, n° 1301113 N° Lexbase : A3115KKL, et nos obs., Travail des détenus : le calme entre deux tempêtes ?, Lexbase Hebdo n° 540 du 19 septembre 2013 édition sociale N° Lexbase : N8527BTY).
(8) CE 1° et 6° s-s-r., 5 avril 2013, préc..
(9) Le Tribunal des conflits ne procède au contrôle de conventionnalité des lois, à la demande d'une des parties, que depuis 2010, v. T. confl., 13 décembre 2010, n° 3800 (N° Lexbase : A4565GPR).
(10) T. confl., 8 juill. 1963, Rec. CE, 1963 ; CE, sect., 18 juin 1976, Culard , Rec. CE, 1976, p. 319 ; AJDA 1976, p. 579, note M. Durupty.
(11) T. confl., 8 juill. 1963, préc.
(12) T. confl., 9 juillet 2012, n° 3834 (N° Lexbase : A8451IQ3).
Décision
T. confl. 14 octobre 2013, n°3918 (N° Lexbase : A1334KNQ). Conflit sur renvoi du Conseil d'Etat, CE 1° et 6° s-s-r., 5 avril 2013, n° 349683, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A6572KBZ). Textes visés : loi des 16-24 août 1790, décret du 16 fructidor an III, loi du 24 mai 1872, 26 octobre 1849, C. proc. pén., art. 717-3 (N° Lexbase : L9399IET) et D. 102 (N° Lexbase : L6379HZB). Mots-clés : Travail des détenus, Compétence juridictionnelle. |
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Réf. : Cass. soc., 23 octobre 2013, n° 11-16. 032 FS-P+B (N° Lexbase : A4723KNA)
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N9252BTT
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par Christophe Willmann, Professeur à l'université de Rouen
Le 07 Novembre 2013
Résumé
Toute action de formation suivie par un salarié pour assurer son adaptation au poste de travail constitue un temps de travail effectif et donne lieu, pendant sa réalisation, au maintien par l'entreprise de la rémunération. Il en résulte que la clause de dédit formation, qui prévoit qu'en cas de départ prématuré, le salarié devra rembourser les rémunérations qu'il a perçues durant sa formation, est nulle. Tel est le principe dégagé par la Cour de cassation dans un arrêt du 23 octobre 2013. En l'espèce, l'employeur avait inclus, dans le budget formation pour lequel il demandait un remboursement (au titre de la clause de dédit), la rémunération versée au salarié pendant la formation. La clause est annulée par la Cour de cassation, car les coûts de formation comprennent un certain nombre de postes (frais d'inscription, frais pédagogiques, défraiements, etc.), à l'exclusion du salarie de l'employé ! |
I - Définition et validité de la clause de dédit formation
A - Condition tenant au coût de la formation
La licéité des clauses de dédit formation a été admise dès 1991 ("prix de la liberté") (4), dans la mesure où elles constituent la contrepartie d'un engagement pris par l'employeur d'assurer une formation entraînant des frais réels au-delà des dépenses imposées par la loi ou la convention collective et où elles n'ont pas pour effet de priver le salarié de la faculté de démissionner.
1 - Nature des frais
La clause de dédit formation n'est valable que si elle constitue la contrepartie d'un engagement de l'employeur d'assurer une formation entraînant des frais réels au-delà des dépenses imposées par la loi ou par la convention collective applicable en matière de financement de la formation professionnelle (Cass. soc., 5 juin 2002, n° 00-44.327, F-P N° Lexbase : A8603AYB).
Il appartient à l'employeur de rapporter la preuve que l'action financée excède ses obligations légales ou conventionnelles (Cass. soc., 17 juin 1998, n° 96-42.570, inédit N° Lexbase : A8507CUM). Tel n'est pas le cas lorsque les frais de la formation ont été intégralement couverts par des subventions publiques (Cass. soc., 19 novembre 1997, n° 94-43.195, inédit N° Lexbase : A6904AH8). En revanche, rentrent bien dans les prévisions d'un dédit formation, les frais d'inscription et de déplacement et les frais pédagogiques, qui dépassaient 60 % de l'obligation légale (Cass. soc., 7 juin 2011, 10-14.188, F-D N° Lexbase : A4953HTM) (5).
En revanche, la clause de dédit formation est valide même si l'employeur a perçu des aides extérieures et n'a financé qu'une partie de la formation, dès lors que cette partie dépasse les exigences légales ou collectives (CA Versailles, 5ème ch, 7 janvier 2010, n° 07/04891 N° Lexbase : A9430EUS).
2 - Définition du coût de formation
Quel est le contenu du "coût de formation", auquel le salarié s'engage à assurer le remboursement à l'employeur, s'il quitte l'entreprise avant une certaine période ?
En l'espèce, un pilote de ligne avait été engagé le 24 avril 2007 et avait signé une convention par laquelle il s'engageait à suivre une formation à l'initiative de son employeur destinée à acquérir la qualification de type "Embraer 135-145" et, en cas de démission avant un délai de trois ans, à rembourser le coût total de la formation dont il avait bénéficié, comprenant notamment le montant de la rémunération versée durant la formation et les charges correspondantes. Le salarié a démissionné moins d'un an plus tard (12 février 2008), et l'employeur a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir paiement d'une somme au titre de la clause de dédit-formation.
La Cour de cassation écarte expressément les salaires du coût total de la formation, au sens du montant que le salarié doit rembourser à l'employeur. En effet, par application de l'article L. 6321-2 du Code du travail (N° Lexbase : L9589IEU), toute action de formation suivie par un salarié pour assurer son adaptation au poste de travail constitue un temps de travail effectif et donne lieu pendant sa réalisation au maintien par l'entreprise de la rémunération. Aussi, la clause de dédit formation, qui prévoit qu'en cas de départ prématuré le salarié devra rembourser les rémunérations qu'il a perçues durant sa formation, est nulle.
Les juges du fond avaient retenu que le montant de l'indemnité prévue était bien proportionné aux frais de formation engagés, puisqu'il correspondait au montant des frais réels exposés par l'employeur pour celle-ci, soit 29 986,85 euros. En outre, le montant de l'indemnité réclamée tenait compte de la formation déjà "amortie" puisqu'elle était calculée proportionnellement au temps restant à courir sur le nombre de mois pendant lesquels l'intéressé s'était engagé à rester au sein de la société, celui-ci n'étant pas tenu de rembourser la totalité du coût de la formation, quelle que soit la date de son départ. L'arrêt des juges du fond a donc censuré, dans la mesure où la clause de dédit formation stipulait le remboursement par le salarié des rémunérations qu'il avait perçues durant sa formation, alors que le poste 'rémunération' ne doit pas apparaître dans un tel décompte.
Dans le même sens, la cour d'appel de Paris (CA Paris, 25 octobre 2011, n° 10/00937 N° Lexbase : A4002HZA) (6) avait prononcé l'annulation d'une clause de dédit formation, le consentement du pilote ayant été vicié, altérant l'exercice de son droit à démissionner. Les juges du fond avaient pris en compte un certain nombre d'éléments :
En somme, selon les juges de la cour d'appel de Paris, l'employeur avait empêché le salarié de souscrire librement à la clause de dédit et en connaissance du coût réel de la formation.
En l'espèce, la compagnie avait conclu avec un pilote une clause de dédit-formation pour une somme globale, intégrant la rémunération du salarié, qui avait dû signer cette clause sous peine d'un licenciement pour inadaptation à l'emploi. Le salarié avait démissionné avant la fin du délai fixé et l'entreprise avait alors réclamé le paiement au prorata temporis du coût de la formation.
B - Condition tenant au formalisme
Pour être valable, l'engagement du salarié doit faire l'objet d'une convention particulière conclue avant le début de la formation, précisant la date, la nature, la durée de la formation et son coût réel pour l'employeur, ainsi que le montant et les modalités du remboursement à la charge du salarié (Cass. soc., 4 février 2004, n° 01-43.651, FS-P+B N° Lexbase : A2302DBU) (7). Il s'agit là d'un principe de "formalisme informatif" (8).
La sanction est particulièrement sévère, puisque une clause de dédit formation ne comportant aucune information sur le coût est réputée nulle (Cass. soc., 16 mai 2007, n° 05-16.647, F-D N° Lexbase : A2444DWG). En effet, si la clause de dédit formation ne contient aucune information sur le coût réel de la formation pour l'employeur, les conditions de validité de cette clause ne sont pas réunies.
Il convient d'observer qu'une fixation forfaitaire par l'employeur de ce coût ne permet pas au salarié de s'engager en toute connaissance de cause et d'apprécier si le montant de l'indemnité est proportionné aux frais engagés. Une telle convention n'est donc pas valide, l'employeur ne pouvant apporter en cours de procédure, la preuve du coût réel de la formation (CA Paris, 21ème ch. sect. C., 28 novembre 2006, n° 04-33.954 (N° Lexbase : A5710DXR) (9).
Par ailleurs, pour être valide, la clause de dédit-formation doit impérativement être signée avant le début de l'action de formation (Cass. soc., 2 mars 2005, n° 02-47.334, F-D N° Lexbase : A0983DHU).
II - Régime
A - Champ d'application
1 - Mode de rupture
Par son arrêt du 11 janvier 2012 (10) (Cass. soc., 11 janvier 2012, n° 10-15.481 (N° Lexbase : A5264IA9) la Cour de cassation a neutralisé la clause de dédit-formation en cas de prise d'acte produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. En effet, une clause de dédit-formation ne peut être mise en oeuvre lorsque la rupture du contrat de travail est imputable à l'employeur.
2 - Interdictions légales
Le législateur (loi n° 2004-391 du 4 mai 2004, relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social [LXB= L1877DY8]) et les partenaires sociaux (accord national interprofessionnel du 20 septembre 2003, relatif à l'accès à la formation tout au long de la vie) (11) ont retenu le principe de la nullité de toute clause de remboursement par le titulaire du contrat de travail au bénéfice de l'employeur, s'agissant des dépenses de formation en cas de rupture du contrat de travail. Cette mesure, protectrice des droits du salarié, doit être pleinement approuvée, mais laisse entières de nombreuses interrogations relativement :
B - Calcul/révision de l'indemnité de dédit formation
1 - Calcul
Le montant de l'indemnité de dédit doit être proportionné aux frais engagés par l'employeur (Cass. soc., 21 mai 2002, n° 00-42.909, F-P N° Lexbase : A7162AYW) (12). C'est une originalité du dédit en droit social, puisqu'en droit civil, le dédit est dû indépendamment de l'existence et de l'importance du préjudice subi par le cocontractant (13).
2 - Révision judiciaire
La clause de dédit formation n'est pas une clause pénale (C. civ., art. 1152, al. 1 N° Lexbase : L1253ABZ) (14). En réalité, les débats sur la distinction entre la clause de dédit (considérée comme un droit conventionnel de repentir) et la clause pénale, n'ont jamais véritablement cessé (15), alors même que les critères de distinction clause pénale / faculté de dédit, sont délicats à mettre en oeuvre, notamment en raison de la pratique rédactionnelle des contrats.
Ne recevant pas la qualification de clause pénale (C. civ., art. 1152, al. 1), la clause de dédit-formation ne devrait donc pas pouvoir en suivre le régime défini par le Code civil, spécialement, la possibilité pour le juge de la réduire. En effet, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Pourtant, la jurisprudence sociale admet que les juges aient la faculté de réduire le montant de l'indemnité que doit verser le salarié lorsque son montant est excessif (Cass. soc., 18 juin 1981, n° 78-40.939, inédit N° Lexbase : A9910AG7), en ce qu'il serait contraire à la liberté de rompre le contrat de travail (Cass. soc., 21 mai 2002, n° 00-42.909, F-P N° Lexbase : A7162AYW).
C - Effets
La clause de dédit formation ne peut avoir pour effet de priver le salarié de la faculté de démissionner (Cass. soc., 17 juillet 1991, n° 88-40.201, préc.).
Par ailleurs, la somme due au titre du dédit est, par nature, forfaitaire. Prévue au contrat par les parties, il est donc impossible d'en modifier le montant (16) ; contrairement à la clause pénale, pour laquelle est reconnue une possibilité d'un pouvoir modérateur du juge.
D - Mise en oeuvre du dédit formation
Le salarié quittant l'entreprise volontairement pendant le délai visé à la clause de dédit-formation, s'expose à l'obligation de verser à l'employeur l'indemnité de dédit qui correspond au coût réel de la formation, frais d'inscription compris. L'indemnité n'est pas due si la démission du salarié résulte d'une faute de l'employeur (Cass. soc., 25 février 2003, n° 01-40.588, FS-P N° Lexbase : A2920A7B).
L'employeur ne peut renoncer au bénéfice de cette clause que d'une manière expresse. La mention "Libre de tout engagement" (certificat de travail) est insuffisante. Elle ne libère pas le salarié de son obligation de dédit (17).
(1) CA Paris, 21ème ch., sect. A, 10 décembre 1990, JCP éd. E, n° 26, 27 juin 1991, act. 749. Est licite comme n'étant ni contraire au principe de la liberté du travail ni à celui de la formation professionnelle, la clause pénale selon laquelle un pilote au service d'une compagnie d'aviation s'est engagé, en contrepartie de la formation professionnelle de pilote de ligne qui lui était assurée, à servir cette compagnie pendant une durée de cinq années ou à lui rembourser, en cas de départ anticipé intervenant à son initiative avant la fin de cette période, une somme calculée en fonction de la date de son départ.
(2) Cass. soc., 6 octobre 2010, n° 07-42.023, ([LXB=A3628GBYV]) : v. les obs. G. Auzero, La liberté de circulation des jeunes footballeurs garantie à son tour par la Cour de cassation, Lexbase Hebdo n°413 du 21 octobre 2010 - édition sociale ; D. Jacotot, L'interdiction de conclure un contrat de joueur professionnel avec un club autre que celui qui a assuré la formation du joueur, CA Lyon, 26 février 2007, n° 03/06278 (N° Lexbase : A5084DW9), RDT, 2007 p. 377, RTD C., 2007. 339, obs. J. Mestre et B. Fages ; JCP, éd. S, 2007. 1344, note F. Buy ; F. Buy, Le joueur de football en formation et le principe de libre circulation des travailleurs, D., 2010 p. 1917 ; F. Buy, J.-P. Lhernould et D. Jacotot, Football : quel avenir pour l'investissement de formation ?, RDT, 2009, p. 560 ; CJUE, 16 mars 2010, C-325/08 (N° Lexbase : A2485ET9), v. les obs. F. Mandin, Conformité des indemnités de formation d'un jeune joueur au droit de l'Union, JCP éd. S, n° 22, 1er juin 2010, p. 1216 ; La libre circulation des sportifs en formation professionnelle, JCP éd. S, n° 44, 28 oct. 2008, p. 1560 ; CA Lyon, 5ème ch., 26 février 2007, n° 03/06278 (N° Lexbase : A5084DW9).
(3) Cass. soc., 17 mars 2010, n° 07-44.468, F-P+B (N° Lexbase : A8028ETI), v. les obs. L. Flament, La clause de "dédit de transfert" est une clause de dédit, JCP éd. E, n° 26, 1er juillet 2010, 1636.
(4) Cass. soc., 17 juillet 1991, n° 88-40.201, (N° Lexbase : A1503AAW) ; D., 1991. IR 225 ; CSB 1991. 193, A. 44 ; RJS 10/1991, n° 1072, JCP éd. E, n° 42, 17 octobre 1991, act. 1123. Les clauses de dédit-formation sont licites dans la mesure où elles constituent la contrepartie d'un engagement pris par l'employeur d'assurer une formation entraînant des frais réels au-delà des dépenses imposées par la loi ou la convention collective et où elles n'ont pas pour effet de priver le salarié de la faculté de démissionner. V. aussi F. Canut, Les clauses de dédit-formation : de la nullité des clauses illicites à la nullité des clauses excessives, JSL n° 160 du 26 janvier 2005 ; F. Girard de Barros, Variations sur une liberté professionnelle monnayée, La Lettre juridique n° 258 du 3 mai 2007, éditorial (N° Lexbase : N9291BAD).
(5) Cass. soc., 7 juin 2011, n° 10-14.188, JSL, n° 304 du 29 juillet 2011 ; F. Canut, Les clauses de dédit-formation : de la nullité des clauses illicites à la nullité des clauses excessives, JSL, n° 160 du 26 janvier 2005.
(6) S. Carré, Droit social des transports (Mai 2011/Février 2012), Revue de droit des transports n° 2, avril 2012, chron. 4.
(7) Cass. soc., 4 février 2004, n° 01-43.651 (N° Lexbase : A2302DBU) et les obs. de Ch. Alour, Les conditions de validité de la clause de dédit formation, Lexbase Hebdo n° 108 du 18 février 2004 - édition sociale (N° Lexbase : N0559ABC) ; D., 2004. 676, JCP éd. E, 2004, 502 ; JCP éd. E, 1096, conseil S. Béal et M.-N. Rouspide ; SSL, 8 mars 2004, n° 1159.14 ; RJS, 4/04, n° 438.
(8) Cass. soc., 16 mai 2007, n° 05-16.647 (N° Lexbase : A2444DWG), L. Drai, Nécessité de mentionner le coût réel de la formation, JCP éd. S, n° 30, 24 juil. 2007, 1585 ; F. Canut, Les clauses de dédit-formation : de la nullité des clauses illicites à la nullité des clauses excessives, JSL n° 160 du 26 janvier 2005, préc. ; G. Auzero, Obligation d'information de l'employeur et clause de dédit-formation, RDT, 2007, p. 450. Dans le même sens, Cass. soc., 31 octobre 2007, n° 06-15.696 (N° Lexbase : A2326DZ8) ; JCP éd. S, n° 48, 27 novembre 2007, 1913. De manière générale, X. Vincent, La sanction des clauses non écrites du contrat de travail à durée indéterminée du personnel navigant professionnel de l'aéronautique civile, Revue de droit des transports n° 8, septembre 2007, étude 11.
(9) CA Paris, 21ème ch., 28 novembre 2006, n° 04-33954 (N° Lexbase : A5710DXR), JSL, n° 213, 12 juin 2007.
(10) Cass. soc., 11 janvier 2012, n° 10-15.481 (N° Lexbase : A5264IA9), v. les obs. S. Tournaux, Imputabilité de la rupture et clause de dédit-formation, Lexbase Hebdo n° 471 du 2 février 2012 - édition sociale ; F. Canut, Clause de dédit formation. Prise d'acte de la rupture produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Inapplicabilité de la clause, Dr. soc., 2012 p. 420 ; D., 2012. 226 ; F. Dumont, Prise d'acte fondée : inapplication de la clause de dédit-formation, JCP éd. S, n° 16, 17 avril 2012, 1175.
(11) Nos obs., Le contrat de professionnalisation : un vrai contrat de formation en alternance, Dr. soc., 2004, p. 715.
(12) Cass. soc., 21 mai 2002, n° 00-42.909 ((N° Lexbase : A7162AYW) ; JCP éd. E, n° 1190 ; S. Koleck-Desautel, Clauses de dédit formation : rappel des conditions de validité et précisions, Lexbase Hebdo n° 26 du 6 juin 2002 - édition sociale (N° Lexbase : N3045AAZ).
(13) D. Mazeaud, La faculté de dédit stipulée dans une promesse de cession de fonds de commerce ne s'analyse pas en une clause pénale susceptible d'être diminuée par le juge, D., 1996, p. 329.
(14) JCP, éd. G, 1997, n° 2325 ; Gaz. Pal., 24-25 décembre 1997, pano., pp. 325-326 ; nos obs., Les critères de distinction entre clause pénale et faculté de dédit, D. 1999 juris. 48.
(15) F. Canut, Les clauses de dédit-formation : de la nullité des clauses illicites à la nullité des clauses excessives, JSL, n° 160 du 26 janvier 2005, préc. ; P.-Y. Gautier, Le "rachat" de son contrat par un joueur de football : résiliation unilatérale avec dédit, RTDCiv., 1992, p. 590 ; D. Humann, La spécificité de la clause de dédit, RDI, 1997, p. 169 ; D. Mazeaud, Toujours et encore la notion de clause pénale..., RDC, octobre. 2004, n° ,4, p. 930 ; G. Paisant, L'indemnité forfaitaire de dénonciation d'un contrat de construction s'analyse en une faculté de dédit et non en une clause pénale, excluant le pouvoir du juge de diminuer ou de supprimer l'indemnité convenue, D., 1991, p. 481, n° 5 ; Ph. Rémy, Promesse synallagmatique de vente : la clause de dédit est-elle une clause pénale ?, RTDCiv., 1990, p. 514.
(16) D. Mazeaud, Pour la énième fois, même manifestement excessive, la clause de dédit ne peut pas être révisée par le juge !, Répertoire du notariat Defrénois, 15 mars 1998, n° 5, p. 328.
(17) Cass. soc., 4 juillet 2001, n° 99-43.520 (N° Lexbase : A1256AU3) ; Service d'information réglementaire aux entreprises de la Chambre de commerce et d'industrie de Paris, Conserver un savoir-faire dans l'entreprise grâce à la clause de dédit formation, Cahiers de droit de l'entreprise n° 3, mai 2007, prat. 14.
Décision
Cass. soc., 23 octobre 2013, n° 11-16. 032 FS-P+B N° Lexbase : A4723KNA). Textes concernés : C. trav., art. L. 6321-2 (N° Lexbase : L9589IEU) ; C. civ., art. 1134, al. 2 (N° Lexbase : L1234ABC). Mots-clés : clause de dédit formation, mise en oeuvre, sommes dues, calcul, frais de formation, salaires versés au salarié pendant la formation (non). Liens base : (N° Lexbase : E8778ESW). |
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Réf. : Cass. soc., 23 octobre 2013, n° 11-16.032, F-P+B (N° Lexbase : A4723KNA)
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N9290BTA
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Le 07 Novembre 2013
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Réf. : Cass. soc., 23 octobre 2013, n° 12-22.268, FS-P+B (N° Lexbase : A4774KN7)
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N9256BTY
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Le 07 Novembre 2013
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Réf. : Cass. soc., 29 octobre 2013, n° 12-23.866, FS-P+B (N° Lexbase : A8141KNT)
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N9261BT8
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Le 07 Novembre 2013
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Réf. : CA Paris, Pôle 1, 3ème ch., 29 octobre 2013, n° 13/18841 (N° Lexbase : A5368KN7)
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N9186BTE
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Le 07 Novembre 2013
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Réf. : Circ. Agirc-Arrco, n° 2013-16-DRJ, du 4 octobre 2013, congé de reclassement -congé de mobilité (N° Lexbase : L3872IY3)
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N9174BTX
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Le 07 Novembre 2013
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N9253BTU
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par La rédaction
Le 07 Novembre 2013
C'est une matière particulière, un contentieux original, pour les juridictions administratives, l'administration se retrouve en position de tiers institutionnel dans un conflit déjà existant. L'administration a ainsi un rôle d'arbitre.
I - Les modalités de contrôle exercées par les juridictions administratives
Brigitte Jarreau, Présidente de la sixième chambre du tribunal administratif de Melun opère tout d'abord, un rappel important : la demande d'autorisation de licenciement du salarié protégé doit mentionner tous les mandats détenus par le salarié. De nombreuses annulations sont prononcées lorsque l'employeur omet de préciser un mandat. Le Conseil d'Etat a rappelé ce principe dans deux arrêts de 2009 (1).
La question de la communication des pièces au salarié est également importante. Faut-il respecter le contradictoire dès l'enquête de l'inspecteur du travail ? Le Conseil d'Etat a apporté une réponse positive dans un arrêt de 2006 (2). Cette jurisprudence s'est développée par deux arrêts rendus en 2010 (3) et 2012 (4).
Brigitte Jarreau rappelle que :
- l'inspecteur du travail doit communiquer l'ensemble des pièces produites par l'employeur ;
- la communication doit avoir lieu avant que l'inspecteur du travail statue dans des conditions et des délais permettant au salarié de présenter utilement sa défense ;
- c'est seulement lorsque l'accès à certains éléments serait de nature à porter gravement préjudice à leurs auteurs que l'inspecteur doit se limiter à informer le salarié protégé de façon suffisamment circonstanciée de leurs teneurs (ex : en cas de situation de harcèlement moral commis par le salarié protégé).
Olivier Coudray, avocat aux Conseils attire l'attention de l'assemblée sur la situation de l'existence d'un recours hiérarchique. Ce recours entraîne des enquêtes effectuées par la direction régionale du travail. Ces éléments sont à la disposition des parties et il ne faut pas hésiter à les demander, ces derniers étant extrêmement précis.
Deux types de recours administratif existent : le recours gracieux (recours auprès de l'inspecteur du travail, l'autorité qui a pris la décision) et le recours hiérarchique auprès du ministre. Il ne faut pas normalement enchaîner recours gracieux et hiérarchique si l'on veut préserver les délais de recours contentieux.
Quel que soit le type de recours, l'employeur ou le salarié doit pouvoir présenter ses observations, les pièces du dossier devant donc être communiquées. En effet, le salarié ou l'employeur est titulaire d'une décision créatrice de droits (5). Le contradictoire doit donc être respecté.
Le recours gracieux. L'inspecteur du travail dispose d'un délai de deux mois, à compter de la réception du recours gracieux, pour statuer. A l'expiration de ce délai, il y aura un rejet implicite. En application de la jurisprudence "Ternon" (6), l'inspecteur du travail ne peut plus retirer sa décision explicite illégale après un délai de quatre mois courant à compter de la signature de cette décision (CE, 21 décembre 2007, n° 285515, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A1487D3H). L'inspecteur peut ainsi modifier cette décision avant que ce délai de quatre mois ne soit écoulé
Le recours hiérarchique. Ce recours est prévu dans le Code du travail (C. trav., art. R. 2422-1 N° Lexbase : L5130ICY). Il est introduit dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de l'inspecteur. Si le requérant ne respecte pas le délai de deux mois pour former un recours hiérarchique, le ministre rejettera obligatoirement le recours contre la décision de l'inspecteur du travail. Il s'agit d'une compétence liée (7). C'est la date de réception qui compte (CAA Marseille, 7ème ch., 1er octobre 2009, n° 07MA02698 N° Lexbase : A2877ENU).
Il existe également un mécanisme de décision implicite. Le silence gardé pendant plus de quatre mois sur ce recours vaut décision de rejet (8).
Il est important de préciser, pour Brigitte Jarreau, que le ministre du Travail n'a pas à justifier sa décision qui est en contradiction avec celle de l'inspecteur du travail (CE, 8° et 3° s-sr., 29 décembre 2000, n° 207613, mentionné au tables du recueil Lebon N° Lexbase : A2115AI8).
Le Conseil d'Etat a, également, précisé que lorsqu'il est saisi d'un recours hiérarchique contre une décision d'un inspecteur du travail statuant sur une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé, le ministre compétent peut confirmer cette décision. Dans cette situation, le ministre doit si la décision est illégale l'annuler, puis se prononcer de nouveau sur la demande d'autorisation de licenciement au regard des circonstances de droit et de fait à la date à laquelle il prend sa propre décision. Quid de la situation où le salarié perd sa protection au cours du recours ? Le ministre doit alors se déclarer incompétent pour statuer sur la demande (9). En effet, pour Olivier Coudray, lorsque le ministre statue sur le recours hiérarchique, sa décision d'annulation intervient en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date de cette décision.
Le ministre peut retirer sa décision uniquement s'il a pris une décision expresse illégale. En cas de décision implicite, la jurisprudence "Ternon" ne s'applique pas.
1/3 des décisions pour motif disciplinaire sont annulées par le ministre. Brigitte Jarreau constate une divergence de plus en plus fréquente entre la décision de l'inspecteur et celle du ministre.
Quel est le choix à faire entre recours hiérarchique et recours gracieux ? C'est une problématique de choix récurrente pour Olivier Coudray. Un seul recours va interrompre le recours du délai contentieux. Le recours gracieux est plus utile si l'avocat est en mesure de répondre aux pièces manquantes soulevées par l'inspecteur du travail. Si lesdites pièces ne sont pas en sa possession, une autre autorité, à la suite d'une nouvelle enquête, pourra avoir une appréciation différente. Le ministre peut prendre en compte des éléments postérieurs pour statuer sur une situation antérieure (10).
Il est à noter cependant que lorsque, dans le délai initial du recours contentieux ouvert à l'encontre d'une décision administrative, sont exercés contre cette décision un recours gracieux et un recours hiérarchique, le délai ne recommence à courir que lorsqu'ils ont été l'un et l'autre rejetés (CE 4° et 5° s-s-r., 7 octobre 2009, n° 322581, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A0786EM3).
En cas de décision implicite, le délai ne court que s'il existe un accusé de réception.
La compétence du tribunal. Le tribunal administratif compétent est celui dans le ressort duquel se trouve l'établissement auquel se trouve rattaché le salarié protégé (CJA, art. R. 312-10 N° Lexbase : L5956IGP).
Les procédures d'urgence. Peut-on faire un référé pour demander la suspension de la décision de l'inspecteur du travail (procédure de l'article L. 521-1 du Code de justice administrative) ? Pour le Conseil d'Etat, on ne peut demander la suspension d'une décision entièrement exécutée. Or, la décision qui autorise le licenciement est très rapidement exécutée (11). Le juge se réfère à la date d'envoi par l'employeur de la lettre de licenciement (12).
Il est à noter cependant que, dans le cadre d'un référé liberté énoncé à l'article L. 521-2 du Code de justice administrative, dans un arrêt du 4 octobre 2004 (13), le Conseil d'Etat a estimé que la décision par laquelle l'inspecteur du travail refuse d'autoriser le licenciement d'un salarié protégé qui lui est demandé à raison de faits de harcèlement moral sur ses subordonnés peut, par ses conséquences, porter atteinte à une liberté fondamentale.
La motivation de la requête. Le Code de justice administrative énonce qu'une requête doit comporter des faits, des moyens, des conclusions avant l'expiration du délai de recours. C'est une requête motivée et non une déclaration de recours souligne Brigitte Jarreau. Doivent être soulevés des moyens de légalité externe (compétence de l'auteur de la décision, irrégularité de l'enquête de l'inspecteur du travail, manque de motivation de la décision de l'inspecteur du travail) et des moyens de légalité interne (comme, par exemple, procédure interne à l'entreprise). Il ne faut pas oublier, lorsque l'hypothèse se présente, de demander dans le dispositif, à la fois, l'annulation de la décision de l'inspecteur du travail et l'annulation de la décision du ministre (14).
Le déroulement de la procédure. La clôture de l'instruction intervient au moins trois jours francs avant l'audience. Il est important de respecter strictement ces délais afin de permettre un traitement plus rapide de la procédure.
Brigitte Jarreau souligne que les délais dans les tribunaux administratifs ont tendance à s'améliorer. La moyenne nationale est de 13 % de dossiers ayant plus de deux ans. L'avis d'audience sera reçu quinze jours à trois semaines avant celle-ci.
Elle insiste sur le régime de la note en délibéré instauré par le Conseil d'Etat dans un arrêt du 10 juillet 2002 (CE 5° et 7° s-s-r., 12 juillet 2002, n° 236125, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A1581AZL), qui permet d'adresser des écritures à la formation de jugement après l'audience, donc après avoir entendu les conclusions du rapporteur public. Le juge n'est tenu de rouvrir l'instruction qu'en présence d'une circonstance de fait ou de droit nouvelle. Olivier Coudray souligne la difficulté de la rédaction d'une note en délibéré. Il faut essayer de déceler "les hésitations", les divergences entre le rapporteur public et la formation du jugement.
La lecture de la décision intervient en règle générale quinze jours après l'audience.
Les effets du jugement. Si une décision d'autorisation est annulée, l'administration se retrouve saisie de la demande d'autorisation. Il est cependant possible de demander au juge de prononcer une injonction (CJA, art. L. 911-1 N° Lexbase : L3329ALU). Ainsi, lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. C'est cependant une hypothèse rare.
Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé (CJA, art. L. 911-2 N° Lexbase : L3330ALW). Selon Olivier Coudray, il est nécessaire de rappeler à l'administration que l'une des conséquences de l'annulation de la décision est qu'elle est de nouveau saisie. Il ne faut donc pas hésiter à lui écrire pour rappeler cette obligation.
Il est à noter qu'en cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander au tribunal administratif ou à la cour administrative d'appel qui a rendu la décision d'en assurer l'exécution (CJA, art. L. 911-4 N° Lexbase : L3332ALY). Toutefois, en cas d'inexécution d'un jugement frappé d'appel, la demande d'exécution est adressée à la juridiction d'appel. Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte. Le tribunal administratif ou la cour administrative d'appel peut renvoyer la demande d'exécution au Conseil d'Etat.
Les voies de recours. L'appel est deux mois et n'a pas d'effet suspensif. Les mêmes règles de présentation des requêtes s'appliquent.
Le contenu du contrôle. Depuis 2006, Brigitte Jarreau analyse des alignements de jurisprudence entre le Conseil d'Etat et la Chambre sociale de la Cour de cassation, le juge naturel en la matière étant le juge prud'homal. Le tribunal administratif n'est que juge d'une partie du contentieux.
La divergence la plus manifeste porte sur l'annulation d'un plan social alors que l'administration avait autorisé le licenciement. La Cour de cassation, dans un arrêt en date du 22 juin 2004, est venue affirmer que les salariés dont le licenciement a été autorisé par l'inspecteur du travail peuvent contester la validité du plan social devant la juridiction judiciaire et lui demander d'en tirer les conséquences sans que cette contestation, qui ne concerne pas le bien fondé de la décision administrative ayant autorisé le licenciement, porte atteinte au principe de séparation des pouvoirs (Cass. soc., 22 juin 2004, n° 01-44.558, FS-P+B N° Lexbase : A7962DCU).
Des questions préjudicielles sont envisageables mais rares. Ces questions doivent être sérieuses et portent notamment sur la qualification du contrat.
La dualité de juridiction pose également la question de l'autorité de la chose jugée. Le juge administratif n'est tenu que par les décisions définitives. Il n'est cependant pas tenu par une décision de relaxe du juge pénal (il en va de même pour une décision de classement sans suite). Pour les jugements civils, l'article 1351 du Code civil (N° Lexbase : L1460ABP) est appliqué. "L'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité".
Ainsi, selon la Chambre sociale, si l'absence de cause réelle et sérieuse de licenciement ne résulte pas, en soi, de l'annulation de l'autorisation de licenciement, la décision du juge administratif se prononçant sur les faits fautifs invoqués par l'employeur ayant retenu que ces faits n'étaient pas établis ou ne justifiaient pas la mesure de licenciement, celle-ci s'oppose à ce que le juge judiciaire, appréciant les mêmes faits, décide qu'ils constituent une cause réelle et sérieuse de licenciement (Cass. soc., 26 septembre 2007, n° 05-42.599, FS-P+B+R (N° Lexbase : A5778DYN). Mais, si le juge administratif statue sur renvoi préjudiciel du juge judiciaire et déclare illégale l'autorisation, le juge judiciaire se prononce sur la cause réelle et sérieuse du licenciement (Cass. soc., 26 septembre 2007, n° 05-45.665, FS-P+B+R N° Lexbase : A5784DYU).
Le régime de la preuve. Le juge administratif applique-t-il un système de preuve ? C'est un système de preuve objective (14). Mais y a-t-il une place pour la notion de doute applicable en droit du travail ? Selon Brigitte Jarreau, le doute est appliqué sans être nécessairement écrit (15).
II - L'analyse du contrôle
Brigitte Jarreau rappelle que l'administration est obligée de refuser toute autorisation dès lors que le licenciement n'est pas dépourvu de lien avec le mandat (16). Il s'agit d'une compétence liée de l'administration. Il suffit que la décision de licenciement prise par l'employeur soit en rapport avec l'exercice du mandat même si celui-ci n'est qu'accessoire. L'existence d'une faute grave dans ce cas de compétence liée ne revêt alors aucune importance.
L'administration contrôle dans cet objectif de censure des éventuelles discriminations, les efforts de reclassement. Par exemple, le non-respect de l'ordre des licenciements peut être un indice. Il faut reprendre ce moyen en le mettant en rapport avec l'existence possible d'une discrimination liée au mandat.
(1) CE, 4° et 5° s-s-r., 20 mars 2009, n° 309195, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A1843EEY) et CE, 4° et 5° s-s-r., 7 décembre 2009, n° 315588, mentionné au tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A4305EP7) (il était précisé que le délégué était suppléant et non titulaire).
(2) CE Contentieux, 24 novembre 2006, n° 284208, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A5482DST).
(3) CE 4° et 5° s-s-r., 15 décembre 2010, n° 325838, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A6687GNY) ; l'obligation du respect d'une enquête contradictoire par l'inspecteur du travail, énoncée à l'article R. 2421-11 du Code du travail (N° Lexbase : L0039IAP), n'est pas respectée lorsque le salarié n'a pas été informé de son droit d'accès à des pièces produites par l'employeur.
(4) CE 4° et 5° s-s-r., 22 février 2012, n° 346307, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A3415IDT) ; le caractère contradictoire d'une l'enquête impose à l'autorité administrative, saisie d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé fondée sur un motif disciplinaire, d'informer le salarié concerné des agissements qui lui sont reprochés et de l'identité des personnes qui en ont témoigné.
(5) CE, deux arrêts, 4° et 5° s-sr., 3 septembre 2009, n° 301095, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A7459EKH) et n° 310451, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A7474EKZ) ; les décisions individuelles, qui doivent être motivées, n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales.
(6) CE Contentieux, 26 octobre 2001, n° 197018, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A1913AX7).
(7) CE Contentieux, 27 février 1985, n° 49737, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A3119AMH) et CE Contentieux, 29 décembre 1995, n° 124054, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A6974ANM).
(8) CE 4° et 5° s-s-r., 28 septembre 2005, n° 266023, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A6077DKB)
(9) CE 30 juin 1997, n° 169269 N° Lexbase : A0396AEE
(10) CE 4° et 5° s-s-r., 5 septembre 2008, n° 303992 N° Lexbase : A1008EAL).)
(11) CE 18 janvier 1991, n° 85317, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A0783ARG).
(12) CE 4°et 5° s-s-r., 26 janvier 2007, n° 284605, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A7085DTL) : le ministre du Travail peut légalement, dans le délai de recours contentieux, rapporter sa décision implicite rejetant le recours hiérarchique formé contre la décision de l'inspecteur du travail autorisant le licenciement d'un salarié protégé qui était créatrice de droit au profit de l'employeur ; dès lors que la cour administrative d'appel avait jugé que le ministre pouvait légalement revenir sur l'autorisation de licenciement sollicitée au motif que le licenciement avait été précédé d'une procédure irrégulière et que l'employeur avait méconnu l'obligation de rechercher les possibilités de reclasser le salarié, elle n'avait pas à répondre au moyen tiré de ce que c'était à tort que le ministre avait estimé que l'inspecteur du travail était géographiquement incompétent.
(10) CE 4° et 5° s-s-r., 19 décembre 2012, n° 361271, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A1373IZU) ; la rupture du contrat de travail prenant effet à compter de l'envoi du courrier recommandé avec accusé de réception notifiant cette rupture au salarié, la décision administrative qui autorise le licenciement d'un salarié protégé doit être regardée comme entièrement exécutée à compter de cet envoi.
(11) CE 4° et 5° s-s-r., 7 décembre 2009, n° 327259, mentionné au tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A4341EPH) ; la rupture du contrat de travail d'un salarié protégé dont le licenciement a été autorisé par l'autorité administrative compétente prend effet à compter de l'envoi du courrier recommandé avec accusé de réception notifiant cette rupture au salarié. Dès lors, à compter de cette date, il n'est plus possible de demander au juge des référés la suspension de l'exécution de la décision administrative puisque la décision a été entièrement exécutée.
(12) Les décisions prises sur recours hiérarchique par le ministre ne se substituent pas aux décisions de l'inspecteur du travail, dès lors que ce recours ne présente pas un caractère obligatoire (CE 4° et 5° s-s-r., 5 septembre 2008, n° 303707, mentionné au tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A1007EAK).
(13) CE 3° et 8° s-s-r., 4 octobre 2004, n° 264310, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A5508DDD).
(14) Sur cette question, CE Contentieux, 30 octobre 2009, n° 298348, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A6040EMN) ; CE 2° et 7° s-s-r., 26 novembre 2012, n° 354108, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A6325IXK).
(15) Pour un exemple d'application, CE 4° et 5° s-s-r., 22 mars 2010, n° 324398, mentionné au tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A1403EUI).
(16) CE 4/1 SSR, 20-05-1994, n° 106197, mentionné au tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A0797ASC).
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Réf. : Cass. soc., 29 octobre 2013, n° 12-22.447, FS-P+B (N° Lexbase : A8165KNQ)
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Le 07 Novembre 2013
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Réf. : Cass. soc., 15 octobre 2013, n° 11-18.977, FS-P+B (N° Lexbase : A0970KNA)
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par Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale
Le 07 Novembre 2013
Résumé
Si la lettre de licenciement doit énoncer des motifs précis et matériellement vérifiables, tels la participation des salariés à un mouvement de cessation collective de travail illicite, l'employeur est en droit, en cas de contestation, d'invoquer toutes les circonstances de fait qui permettent de justifier ce motif. |
I - La lettre de licenciement visant l'ordonnance du juge des référés
Cadre juridique. L'article L. 1232-4 du Code du travail (N° Lexbase : L1079H9T) fait obligation à l'employeur d'énoncer, dans la lettre de licenciement pour motif personnel (1), le ou les motifs invoqués au soutien de sa décision.
On sait que c'est la lettre de licenciement qui fixe le cadre du litige à la fois pour les parties et le juge : l'employeur ne pourra donc pas changer de motif une fois la lettre de licenciement notifiée (2), et le juge ne pourra pas tenter de "sauver" le licenciement en retenant un motif qui n'aurait pas été indiqué dès l'origine (3).
La jurisprudence a précisé, au fil des ans, la portée de cette obligation dans le cadre de solutions qui cherchent à concilier le droit du salarié de connaître les motifs de son licenciement (4), et le droit de l'employeur de se justifier devant le juge de la mesure qu'il a prise. L'employeur doit, ainsi, inscrire dans la lettre de licenciement un motif suffisamment précis pour que le salarié sache exactement pourquoi il est licencié, mais il n'est pas contraint d'y indiquer l'ensemble des faits qui justifient ce motif.
C'est cette jurisprudence qui se trouve ici confirmée dans le cadre particulier du licenciement disciplinaire des grévistes.
Les faits. Deux salariés d'une entreprise de transport public de voyageurs ont été licenciés pour faute lourde à la suite de leur participation à une grève, et après que le juge des référés eut constaté le caractère illicite de celle-ci qui n'avait pas été précédée du préavis légal (5).
Les salariés avaient saisi la juridiction prud'homale pour que soit constatée la nullité de leur licenciement.
Pour faire droit à la demande des salariés, la cour d'appel de Paris avait considéré comme insuffisamment motivée la lettre de licenciement qui faisait référence à la décision du juge des référés constatant l'illicéité de la grève et alors "qu'il n'est invoqué dans cette lettre, aucun autre élément d'illicéité de la grève, autorisant l'employeur à recouvrer son pouvoir disciplinaire habituel, tel que la nature non professionnelle des revendications des grévistes" (6).
La cassation. C'est cet arrêt qui est ici cassé. Après avoir rappelé le principe selon lequel "si la lettre de licenciement doit énoncer des motifs précis et matériellement vérifiables, l'employeur est en droit, en cas de contestation, d'invoquer toutes les circonstances de fait qui permettent de justifier ce motif", la Cour observe que "la lettre de licenciement invoquait la participation des salariés à un mouvement de cessation collective de travail illicite" et qu'il "incombait [à la juridiction d'appel] en conséquence de se prononcer sur les éléments avancés par l'employeur pour en justifier".
La solution nous semble justifiée.
II - Une solution équilibrée
Contexte jurisprudentiel. Cette solution s'inscrit dans une jurisprudence déjà bien établie, et rappelle l'articulation du fait et du droit lorsque le juge est saisi du différend qui oppose les parties à la suite d'un licenciement.
Dès l'origine de la procédure, l'employeur doit faire un choix quant au type de motif retenu (personnel ou économique) et indiquer plus précisément, dans la lettre de licenciement, de quel type de motif personnel ou économique il s'agit. S'il licencie le salarié pour motif économique, il devra indiquer à la fois si l'emploi du salarié a été supprimé, transformé ou si le salarié a refusé la modification d'un élément essentiel de son contrat de travail, mais également la cause économique de l'un de ces événements (difficultés économiques, mutations technologiques, restructuration pour assurer la sauvegarde de l'entreprise, ou cessation d'activité). Il appartiendra alors au juge de déterminer si cette double motivation justifie le licenciement, au regard de la notion de cause réelle et sérieuse, et l'employeur pourra alors produire dans le cadre du débat contradictoire tous les éléments de fait (notamment comptables) qui étayent ses allégations.
S'il licencie pour motif personnel, l'employeur devra indiquer de quel type de motif personnel il s'agit : inaptitude au poste de travail et impossibilité de reclassement le salarié, faute (en indiquant s'il s'agit d'une faute grave ou lourde (7)), insuffisance professionnelle (8), etc..
Motivation de la lettre de licenciement et motif disciplinaire. L'employeur doit, s'il licencie le salarié pour motif disciplinaire, se montrer un peu plus précis encore et viser, par exemple, des "indélicatesses", ce qui s'avérera suffisant (9), et ce même si les faits visés ne sont pas datés (10).
C'est dans ce cadre que s'engagera le débat devant le juge, et l'employeur pourra, alors, étayer ses allégations en rapportant les éléments de fait au soutien du ou des motifs invoqués.
Le juge devra alors procéder à un double contrôle et déterminer si la qualification des faits visés est juste, par exemple si tel fait est susceptible d'être qualifié de faute disciplinaire (11), et si ces faits sont suffisamment graves pour établir l'existence de la faute sérieuse, grave ou lourde, selon la qualification retenue par l'employeur.
La Cour de cassation ne demande donc pas à l'employeur de détailler les faits sur lesquels il s'appuie dès la lettre de licenciement, même si celui-ci aura tendance à le faire, notamment en cas de procédure disciplinaire où l'application concomitante des deux procédures lui impose (12). C'est ainsi qu'a été considéré comme suffisamment motivée, la lettre de licenciement visant un comportement "général" brutal, agressif et perturbant à l'égard de son entourage, ayant généré une plainte pour humiliation et insulte d'un salarié et une prise d'ascendant "inadmissible" sur la personne de l'employeur (13).
A également été considéré comme suffisamment motivé la lettre visant les "retards fréquents et la perturbation qu'ils engendrent à la bonne marche de l'entreprise et à l'organisation de ses équipes [...] d'une manière générale", et le fait que le salarié ne prend "pas suffisamment en compte les consignes qui [...] sont communiquées que ce soit au niveau du rangement du matériel ou de la discipline en général" (14).
Intérêt de la décision. Cette décision confirme également que la motivation peut être suffisante lorsque l'employeur fait référence à un jugement antérieur relatif aux faits pertinents (15), ce qui est logique puisque le salarié est alors censé être informé des faits qui fondent le licenciement.
Dans cette affaire, il s'agissait de l'ordonnance du juge des référés considérant la grève comme illicite, en raison du non-respect du préavis (16). Dans d'autres, il pourra s'agir de la décision de l'autorité administrative compétente (en l'occurrence le président du Conseil général) retirant à une assistance maternelle son agrément (17).
(1) Un texte identique existe en matière économique : article L. 1232-6 du Code du travail (N° Lexbase : L1084H9Z).
(2) Il peut invoquer plusieurs motifs pour motif personnel (mais pas un motif pour motif personnel et un motif pour motif économique, en raison de leur caractère inconciliable), ce qui permettra au juge de "sauver" le licenciement dès lors que l'un d'entre eux est de nature à justifier la mesure.
(3) Le juge pourra, toutefois, écarter le motif inscrit dans la lettre dès lors que le véritable motif du licenciement est ailleurs.
(4) Droit d'ailleurs consacré par la Convention n° 158 de l'OIT de 1982 (art. 4).
(5) Sur la faute lourde des grévistes qui se sont mis en grève alors que le syndicat ayant déposé le préavis n'avait pas respecté ses obligations de négociation : Cass. soc., 30 janvier 2013, n° 11-23.791, FS-P+B (N° Lexbase : A6359I4B) ; v. nos obs., Première application par la Cour de cassation de la loi du 21 août 2007, sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs, Lexbase Hebdo n° 516 du 14 février 2013 - édition sociale (N° Lexbase : N5731BTG).
(6) CA Paris, Pôle 6, 2ème ch., 19 mai 2011, n° S 10/08197 (N° Lexbase : A1999HST).
(7) Le juge ne peut pas aggraver la sanction disciplinaire : Cass. soc., 26 juin 2013, n° 11-27.413, FS-P+B (N° Lexbase : A3190KIY) : "le juge ne peut aggraver la qualification de la faute retenue par l'employeur dans la lettre de licenciement".
(8) Cass. soc., 23 mai 2013, n° 12-12.914, F-D (N° Lexbase : A9175KD8) : est caractérisée l'insuffisance professionnelle lorsque la lettre de licenciement vise une somme d'éléments objectifs caractérisant une insuffisance professionnelle reposant sur une absence de maîtrise des coûts et une gestion défaillante, une gestion irrationnelle et coûteuse du dossier informatique, des carences dans la gestion du personnel (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E9124ESQ).
(9) Cass. soc., 3 mai 1995, n° 93-46.012, publié (N° Lexbase : A4047AA7) : "alors que la lettre de licenciement qui reproche à un salarié d'avoir commis des indélicatesses énonce un motif précis, et qu'il appartient au juge du fond de vérifier la réalité et le sérieux des faits sur lesquels il se fonde".
(10) Cass. soc., 15 octobre 2002, n° 00-44.954, inédit (N° Lexbase : A2548A3R).
(11) Cass. soc., 30 juin 1993, n° 91-44.824 (N° Lexbase : A3867AAH) : "mais attendu, d'abord, que s'agissant d'un licenciement prononcé à titre disciplinaire, si la lettre de licenciement fixe les limites du débat en ce qui concerne les griefs articulés à l'encontre du salarié et les conséquences que l'employeur entend en tirer quant aux modalités de rupture, il appartient au juge de qualifier les faits invoqués ; qu'en présence d'une lettre de licenciement, articulant des faits précis, décrits comme constituant un abus du droit de grève, et prononçant une rupture immédiate du contrat de travail, c'est à bon droit que la cour d'appel a recherché si les faits, abstraction faite de la qualification juridique que l'employeur leur avait donnée et qui était surabondante, constituaient une faute lourde, seule susceptible de justifier le licenciement de salariés grévistes" ; Cass. soc., 22 février 2005, n° 03-41.474, F-P+B (N° Lexbase : A8787DGK) ; Cass. soc., 22 octobre 2008, n° 07-41.792, publié (N° Lexbase : A9488EAN).
(12) C. trav., art. L. 1332-1 (N° Lexbase : L1862H9T).
(13) Cass. soc., 30 mars 2011, n° 09-71.412, FS-P+B (N° Lexbase : A3939HMT).
(14) Cass. soc., 22 septembre 2010, n° 09-40.603, F-D (N° Lexbase : A2292GA7).
(15) Si la décision visée établit l'innocence du salarié, il va de soi que le licenciement ne sera pas justifié. Cass. soc., 8 décembre 2010, n° 09-65.135, F-D (N° Lexbase : A9113GMH) : c'est à bon droit qu'une cour d'appel a décidé que la décision du juge pénal, relaxant une salariée pour un abus de confiance à la suite du détournement d'une partie de la recette, s'imposait à elle et ayant constaté que la lettre de licenciement invoquait, seulement, à l'encontre de la salariée, ce détournement, a pu dire que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse.
(16) Cette jurisprudence a d'ailleurs été appliquée aux obligations contemporaines, notamment dans le secteur du transport : Cass. soc., 30 janvier 2013, n° 11-23.791, FS-P+B, préc. ; v. nos obs., Première application par la Cour de cassation de la loi du 21 août 2007, sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs, Lexbase Hebdo n° 516 du 14 février 2013 - édition sociale, préc..
(17) Cass. soc., 23 mai 2013, n° 12-10.062, F-D (N° Lexbase : A9209KDG). La Haute juridiction a, en revanche, considérée comme insuffisante la référence à la décision prise par le diocèse de retirer l'agrément accordé à un directeur d'établissement, l'employeur devant également viser, dans la lettre de licenciement, les faits à l'origine de cet agrément, ce qui est logique puisque cette décision de retrait d'agrément n'est susceptible d'aucun recours juridictionnel. Cass. soc., 12 janvier 2011, n° 09-41.904, FS-P+B (N° Lexbase : A9679GP8) : "des dispositions contractuelles, conventionnelles ou statutaires ne peuvent ni dispenser l'employeur d'énoncer les motifs du licenciement dans la lettre de licenciement ni priver le juge de l'appréciation de la cause réelle et sérieuse du licenciement".
Décision
Cass. soc., 15 octobre 2013, n° 11-18.977, FS-P+B (N° Lexbase : A0970KNA) Cassation : CA Paris, Pôle 6, 2ème ch., 19 mai 2011, n° S 10/08197 (N° Lexbase : A1999HST) Texte visé : C. trav., art. L. 1232-6 (N° Lexbase : L1084H9Z), L. 2511-1 (N° Lexbase : L0237H9N), L. 2512-2 (N° Lexbase : L0240H9R)et L. 2512-3 (N° Lexbase : L0241H9S) Mots-clés: grève, licenciement, lettre de licenciement, motivation Liens base : (N° Lexbase : E9093ESL) |
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Réf. : Cass. soc., 15 octobre 2013, n° 12-22.911, FS-P+B (N° Lexbase : A0922KNH)
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N9251BTS
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par Gilles Auzero, Professeur à l'Université Montesquieu - Bordeaux IV
Le 07 Novembre 2013
Résumé Un accord conclu entre l'employeur et des délégués syndicaux constitue un accord collectif dans ses dispositions qui définissent les mesures d'accompagnement s'ajoutant à celles contenues dans les plans de sauvegarde de l'emploi établis par l'employeur, peu important qu'il contienne des clauses qui ne relèvent pas du champ de la négociation collective. La mise en oeuvre d'un accord collectif dont les salariés tiennent leur droit ne peut être subordonnée à la conclusion de contrats individuels de transaction de sorte que la nullité de ceux-ci ne prive pas les salariés des avantages qu'ils tiennent de l'accord. |
Observations
I - Qualification de l'acte juridique
Un contexte particulier. L'affaire ayant conduit à l'arrêt sous examen trouvait son origine dans la conclusion d'un accord, intervenue dans des circonstances et selon des modalités très particulières ; ce qui exige que nous commencions, une fois n'est pas coutume, par présenter les faits de l'espèce et la solution retenue par la Cour de cassation.
A l'origine, vingt-sept salariés avaient été engagés par la société Torcy Quebecor, dépendant du groupe Quebecor. Le 15 avril 2005, la société Quebecor World France, actionnaire de la société Torcy Quebecor, a cédé l'ensemble des parts sociales de cette société à M. de C., qui a poursuivi l'exploitation sous la dénomination Imprimerie JDC. La société Imprimerie JDC a été placée en redressement judiciaire, puis en liquidation judiciaire le 5 mars 2007. Après la mise en place d'un plan de sauvegarde de l'emploi, les salariés de la société ont été licenciés pour motif économique le 17 avril 2007. Le 23 mai suivant, un accord intitulé "Annexe PSE" et sous-titré "protocole d'accord de fin de conflit relatif aux mesures sociales accompagnant la restructuration de l'entreprise Imprimerie JDC" a été signé entre le mandataire-liquidateur, le responsable de la société Quebecor World France, les délégués syndicaux, les représentants du personnel, le préfet, le vice-président du conseil régional et les représentants des syndicats Filpac CGT et SGLCE-CGT. Cet acte juridique a été suivi, le 7 juin 2007, d'un protocole transactionnel signé par chaque salarié, la société Quebecor World France et le mandataire-liquidateur, par lequel les salariés reconnaissaient le caractère économique de leur licenciement et la validité du plan de sauvegarde de l'emploi, renonçaient à toute action et recevaient une certaine somme à titre de dommages-intérêts. Les salariés ont alors saisi la juridiction prud'homale pour solliciter la nullité des transactions et contester le bien-fondé du licenciement.
Pour déclarer irrecevables les demandes des salariés, l'arrêt attaqué a retenu que l'accord du 23 mai 2007 n'a pas été signé exclusivement entre l'employeur et les organisations syndicales, mais qu'il était le résultat de négociations entreprises, également, avec des personnes extérieures à la société Imprimerie JDC. Il n'avait pas, non plus, pour objet les conditions de travail ou d'emploi ou les conditions de rupture des contrats de travail, mais plutôt de gérer les conséquences de la rupture des contrats de travail dans un contexte lié notamment à l'occupation des locaux de l'entreprise. Ne pouvant être qualifié d'annexe au plan de sauvegarde de l'emploi, en l'absence de respect du formalisme exigé pour l'élaboration d'un plan, l'acte juridique litigieux n'est donc pas un accord collectif. En outre, les accords transactionnels du 7 juin 2007 contenaient des concessions réciproques puisque les salariés recevaient une indemnité qui ne résultait pas du protocole.
La décision des juges d'appel est censurée par la Cour de cassation au visa des articles L. 2232-16 du Code du travail (N° Lexbase : L2299H9Z), ensemble les articles 2244 du Code civil (N° Lexbase : L4838IRM) et L. 2251-1 du Code du travail (N° Lexbase : L2406H9Y). La Chambre sociale souligne, en premier lieu, que "l'accord conclu le 23 mai 2007 entre l'employeur et les délégués syndicaux constitue un accord collectif dans ses dispositions qui définissent des mesures d'accompagnement s'ajoutant à celles contenues dans les plans de sauvegarde de l'emploi établis par l'employeur, peu important qu'il contienne des clauses qui ne relèvent pas du champ de la négociation collective". Elle relève, en second lieu, "que la mise en oeuvre d'un accord collectif dont les salariés tiennent leur droit ne peut être subordonnée à la conclusion de contrats individuels de transaction de sorte que la nullité de ceux-ci ne prive pas les salariés des avantages qu'ils tiennent de l'accord". Elle conclut en affirmant "qu'en statuant comme elle l'a fait, alors qu'il résultait de ses constatations que les salariés tenaient du protocole d'accord du 23 mai 2007 leur droit à indemnisation, la cour d'appel a violé les textes susvisés".
Une qualification justifiée. Ainsi que l'on s'en rend compte à la lecture de l'arrêt, la discussion première portait sur la qualification de l'acte juridique qui avait été conclu le 23 mai 2007. Tandis que la cour d'appel avait écarté la qualification d'accord collectif, la Cour de cassation la retient ; ce qui doit être, à notre sens, approuvé.
La qualification d'accord collectif dépend, au premier chef, de la qualité de ses parties signataires. Ainsi que l'affirme l'article L. 2232-16 du Code du travail, "la convention ou les accords d'entreprise sont négociés entre l'employeur et les organisations syndicales de salariés représentatives". Appliquée au niveau de l'entreprise ou de l'établissement, cette règle exige que l'acte juridique soit signé par les délégués syndicaux désignés par ces organisations (1). Il convient d'ajouter, et c'est là l'un des enseignements importants de l'arrêt rapporté, que lorsque cette condition est remplie, il importe peu que l'accord soit également signé par d'autres personnes, qu'il s'agisse de représentants du personnel élus, voire même de personnes extérieures à l'entreprise, telles que, en l'espèce, le préfet, le vice-président du conseil régional et les représentants de syndicats (2). Cela peut, évidemment, surprendre. Mais le Code du travail ne l'interdit pas et, en tous les cas, n'en fait pas une cause de disqualification de l'acte juridique qui, parce qu'il a été signé par des délégués syndicaux, à vocation à recevoir la qualification d'accord collectif (3).
Un acte juridique ne peut, cependant, être qualifié d'accord collectif pour cette seule raison qu'il a été signé par des syndicats représentatifs. Il faut encore avoir égard à son contenu. Au terme de l'article L. 2221-2, alinéa 2, du Code du travail (N° Lexbase : L2239H9S) l'accord collectif traite un ou plusieurs sujets mentionnés à l'article L. 2221-1 (N° Lexbase : L2237H9Q), à savoir les conditions d'emploi, de formation professionnelle et de travail des salariés ainsi que leurs garanties sociales. Il faut en convenir, le champ ouvert à la négociation collective est largement défini par la loi ; ce qui explique que cette condition ne soit pas fréquemment invoquée pour dénier à un acte juridique la qualification d'accord collectif.
Cette qualification a, toutefois, pu être écartée à propos de certains protocoles de fin de conflits collectifs, que la Cour de cassation a analysés comme des accords transactionnels (4) ou des engagements unilatéraux de l'employeur (5). Mais elle a, également, affirmé, dans un arrêt en date du 15 janvier 1997, qu'un accord de fin de grève "s'analyse soit en un accord collectif d'entreprise lorsqu'il est signé, après négociation avec les délégués syndicaux, par l'un d'entre eux, soit en un engagement unilatéral de l'employeur" (6). A lire cette solution, seule importerait la qualité des parties signataires, sans qu'il faille avoir le moindre égard pour le contenu de l'acte juridique. Cela peut être discuté au regard des dispositions légales précitées. A cet égard, l'arrêt présentement commenté est plus respectueux de ces dernières, puisque la Cour de cassation prend soin de relever que l'acte litigieux, dont il faut rappeler qu'il était intitulé "protocole d'accord de fin de conflit relatif aux mesures sociales accompagnant la restructuration de l'entreprise Imprimerie JDC" (7), constituait un accord collectif "dans ses dispositions s'ajoutant à celles contenues dans les plans de sauvegarde de l'emploi établis par l'employeur, peu important qu'il contienne des clauses qui ne relèvent pas du champ de la négociation collective".
On comprend ici que la qualification d'accord collectif aurait été écartée si l'acte n'avait comporté que des clauses ne relevant pas de la négociation collective. La solution est, par suite, en adéquation avec les prescriptions des articles L. 2221-2 et L. 2221-1 du Code du travail (8). Relèvent, à l'évidence, du champ de la négociation collective, tel que défini par ces textes, des mesures d'accompagnement s'ajoutant à celles contenues dans un plan de sauvegarde de l'emploi établi par l'employeur.
Ajoutons, pour conclure sur ce point, que l'arrêt commenté laisse clairement entendre que peuvent figurer dans un accord collectif des stipulations qui n'ont rien à y faire car ne relevant pas du champ de la négociation collective. Cela ne remet au demeurant pas en cause la validité de l'accord collectif. En outre, ces stipulations n'ont pas à être réputées non écrites, à tout le moins si elles n'entrent pas en contradiction avec des exigences d'ordre public. Elles sont simplement étrangères, quant à leur mise en oeuvre, au régime juridique des accords collectifs.
II - Mise en oeuvre de l'acte juridique
Articulation d'un accord collectif et d'une transaction. La qualification d'accord collectif étant retenue, on n'est nullement surpris de l'affirmation selon laquelle la mise en oeuvre d'un tel accord, "dont les salariés tiennent leur droit, ne peut être subordonnée à la conclusion de contrats individuels de transaction de sorte que la nullité de ceux-ci ne prive pas les salariés des avantages qu'ils tiennent de l'accord". Retenue pour la première fois dans un important arrêt en date du 5 avril 2005 (9), cette solution a été réaffirmée à plusieurs reprises a posteriori (10).
Cette constance dans la jurisprudence n'en laisse pas moins subsister des interrogations quant au fondement de la solution, auxquelles l'arrêt rapporté n'apporte pas de réponse. Pour reprendre les propos d'un auteur, "il est probablement vain de chercher à présenter la solution du présent arrêt comme une application directe d'une règle préexistante qu'elle soit empruntée au régime de la transaction, au régime des accords collectifs ou à tout autre. Il s'agit plutôt d'un apport nouveau s'ajoutant à la construction jurisprudentielle connue" (11).
Si la solution doit être tenue pour acquise, encore faut-il vérifier que l'avantage accordé dans l'accord transactionnel était d'abord prévu par l'accord collectif. Dans l'espèce rapportée, la cour d'appel s'était, semble-t-il, attaché à une telle vérification puisqu'elle avait relevé que les transactions signées "contenaient des concessions réciproques puisque les salariés recevaient une indemnité qui ne résultait pas du protocole". La Cour de cassation affirme quant à elle, sans plus d'explication, que les salariés tenaient de ce protocole leur droit à indemnisation.
Articulation d'un accord atypique et d'une transaction. Nous l'avons vu précédemment, c'est fondamentalement la qualification de l'acte juridique litigieux qui était au coeur de la motivation de l'arrêt d'appel. En excluant la qualification d'accord collectif, on peut penser que les juges du second degré entendaient écarter la jurisprudence de la Cour de cassation relative à l'articulation d'une transaction et d'un accord collectif. Mais cela revient à considérer que si la mise en oeuvre d'un accord collectif dont les salariés tiennent leur droit ne peut être subordonnée à la conclusion d'un contrat de transaction, il doit en aller différemment pour un accord atypique, c'est-à-dire un engagement unilatéral de l'employeur.
Il est difficile d'avoir ici des certitudes. Sans doute pourrait-on avoir égard à la différence de régime entre accord collectif et engagement unilatéral. Mais, s'il n'a jamais été interdit de soumettre le bénéfice d'un avantage conventionnel à une condition ; la Cour de cassation considère, nous l'avons vu, que cette condition ne peut résider dans la conclusion d'une transaction. Pourquoi devrait-il en aller de même d'un engagement unilatéral ? Peut-être, justement, parce qu'il est unilatéral et non conventionnel. Remarquons que, dans l'arrêt rapporté, la Cour de cassation ne vise, à nouveau et comme dans ses arrêts antérieurs, que les accords collectifs. Si l'on ajoute à cela le soin qu'elle prend à assurer, dans un premier temps, la qualification d'accord collectif, on est tenté de considérer que la mise en oeuvre d'un accord atypique peut être subordonnée à la conclusion d'un contrat individuel de transaction (12).
(1) Il faut rappeler, bien que la question ne se posait pas en l'espèce, qu'un accord collectif peut être signé, en l'absence de délégués syndicaux, par des représentants élus ou un salarié mandaté. Ajoutons qu'un acte juridique qui ne peut être qualifié d'accord collectif peut néanmoins produire des effets contraignants. Il en va ainsi des accords dits "atypiques" (v., sur la question, G. Auzero et E. Dockès, Droit du travail, Précis Dalloz, 28ème éd., 2014).
(2) Auxquels il faut ajouter l'ancien actionnaire de la société employeur ; ce qui ne manque pas de susciter l'étonnement.
(3) On comprend donc que si ces derniers s'étaient abstenus, l'acte juridique n'aurait pu recevoir la qualification d'accord collectif. Il aurait, tout au plus, pu être considéré comme un accord "atypique".
(4) Cass. soc., 25 avril 1979, n° 78-40.058 (N° Lexbase : A2032ABU).
(5) Cass. soc., 2 décembre 1992, n° 90-45.186 (N° Lexbase : A1799AAU).
(6) Cass. soc., 15 janvier 1997, n° 94-44.914 (N° Lexbase : A4114AAM).
(7) Compte tenu du nombre et de la qualité des parties signataires de cet accord, on peut penser que le conflit collectif avait été dur.
(8) Dispositions qui auraient ainsi pu figurer au visa de l'arrêt, en sus de l'article L. 2232-16 du Code du travail, la seule mention de celui-ci pouvant accréditer l'idée que seule compte la qualité des parties signataires ; même si le motif de principe l'écarte.
(9) Cass. soc., 5 avril 2005, n° 04-44.626, FS-P+B+R+I, préc. ; Dr. soc., 2005, p. 701, note G. Couturier.
(10) Cass. soc., 12 juillet 2010, n° 08-44.966, FS-D (N° Lexbase : A6742E4H), JCP éd. S, 2011, p. 1012, note A. Martinon ; Cass. soc., 12 juillet 2010, n° 08-40.740, JCP éd. S, 2010, p. 1419, note F. Dumont.
(11) G. Couturier, obs. préc., p. 703. Ce même auteur n'en relève pas moins que "la nouvelle interdiction posée trouve son explication la plus convaincante dans une impression générale d'incompatibilité entre les démarches. La formule selon laquelle le salarié devrait signer une transaction et renoncer ainsi à toute possibilité de contestation pour pouvoir bénéficier des droits prévus par un accord collectif implique la confusion des genres. C'est l'apparence de la transaction et non pas la réalité d'une transaction véritable que ce procédé intègrerait" (ibid.).
(12) En revanche, et à notre sens, l'interdiction de subordonner le bénéfice d'un avantage à la conclusion d'une transaction devrait valoir les plans de sauvegarde de l'emploi qui ne sont pas, à proprement parler, des engagements unilatéraux de l'employeur.
Décision
Cass. soc., 15 octobre 2013, n° 12-22.911 à 12-22.935 et n° 12-22.937 à 12-22.938, jonction, FS-P+B (N° Lexbase : A0922KNH) Cassation, CA Paris, Pôle 6, 6ème ch., 11 janvier 2012 (N° Lexbase : A1981IAM) Textes visés : C. trav., art. L. 2232-16 (N° Lexbase : L2299H9Z) ; C. civ., art. 2244 (N° Lexbase : L4838IRM) ; C. trav., L. 2251-1 (N° Lexbase : L2406H9Y). Mots-clés : accord collectif, qualification, articulation avec une transaction |
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Réf. : Cass. soc., 29 octobre 2013, n° 12-15.382, FS-P+B (N° Lexbase : A8117KNX)
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Réf. : Cass. soc., 29 octobre 2013, n° 12-21.214, FS-P+B (N° Lexbase : A8088KNU)
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Réf. : Cass. soc, 23 octobre 2013, n° 12-22.342, F-P+B (N° Lexbase : A4633KNW)
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Le 13 Novembre 2013
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Réf. : Lire l'amendement au projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2014
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Réf. : Cass. soc., 30 octobre 2013, n° 13-12.234, FS-P+B (N° Lexbase : A8012KN3)
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Réf. : Cass. soc., 23 octobre 2013, n° 12-14.237, F-P+B (N° Lexbase : A4679KNM)
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Réf. : Cass. soc., 23 octobre 2013, n° 10-28.773, FS-P+B (N° Lexbase : A4796KNX)
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Réf. : Cass. soc., 23 octobre 2013, n° 12-23.457, FS-P+B (N° Lexbase : A4764KNR)
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Réf. : Cass. soc., 23 octobre 2013, n° 12-12.700, F-P+B (N° Lexbase : A4791KNR)
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Réf. : Cass. soc., 30 octobre 2013, n° 12-22.962, FS-P+B (N° Lexbase : A8169KNU)
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Réf. : Cass. soc., 29 octobre 2013, n° 12-22.303, FS-P+B (N° Lexbase : A8132KNI)
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Le 15 Novembre 2013
- Cass. soc., 23 octobre 2013, n° 12-21.099, F-D (N° Lexbase : A4720KN7) : le contrat à durée déterminée conclut avec l'ancien dirigeant de la société au motif "d'accroissement temporaire découlant de la restructuration des activités du groupe afin de réagir aux nouvelles conditions du marché" ne comporte pas un motif relevant de ceux permettant l'établissement d'un tel contrat. Ce contrat de travail prévoyait, d'une part, un travail sans rapport avec l'activité de la société et, d'autre part, le versement d'un salaire sans contrepartie, alors que la société était confrontée à d'importantes difficultés économiques. En conséquence, ledit contrat avait un caractère fictif, puisque son véritable objet était de permettre à l'intéressé de bénéficier ultérieurement des indemnités de chômage (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E7662ESL).
- Cass. soc., 23 octobre 2013, n° 12-15.482, F-D (N° Lexbase : A4703KNI) : est réputé à durée indéterminée le contrat de travail à durée déterminée qui ne comporte pas la définition précise de son motif, cette exigence de précision quant à la définition du motif implique nécessairement que le nom et la qualification du salarié remplacé figurent dans le contrat Or, la simple mention de l'emploi de photographe du salarié remplacé ne permet pas de connaître sa qualification précise (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E7876ESI).
- Cass. soc., 23 octobre 2013, n° 12-20.138, F-D (N° Lexbase : A4732KNL) : il n'y a pas dénaturation des stipulations d'une convention de détachement -qui stipuledispose que la société X doit s'efforcer durant la période du détachement de proposer la réintégration sous réserve de postes vacants, en priorité sur les embauches et sur les mutations métropole/Antilles au sein de la société Y- en retenant qu'elles ne mettaient pas à la charge de la société X une obligation de résultat concernant la réintégration des agents détachés auprès de la société Y. En conséquence, le salarié ne peut contester son licenciement, alors qu'il avait refusé deux offres de reclassement au terme de son détachement.
- Cass. soc., 30 octobre 2013, n° 12-21.887, F-D (N° Lexbase : A8078KNI) : caractérise un manquement à l'obligation de sécurité le fait pour une salariée au cours d'une altercation de tenir un cutter, dont la lame était sortie, en direction d'une autre salariée (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E9188ES4).
- Cass. soc., 31 octobre 2013, n° 12-21.287, F-D (N° Lexbase : A8164KNP) : constitue une faute grave le fait pour une gardienne d'immeuble d'avoir un comportement agressif et menaçant à l'égard de plusieurs locataires, de monnayer auprès de certains locatairesd'entre eux l'évacuation de leurs déchets, de laisser les locaux dans un mauvais état d'entretien, en particulier les parties communes sales et poussiéreuses, et ce, en dépit des multiples remarques de l'employeur (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E9188ES4).
- Cass. soc., 31 octobre 2013, n° 12-19.092, F-D (N° Lexbase : A8060KNT) : justifie un licenciement pour faute grave le fait pour un maître d'hôtel d'avoir perdu son autorité et toute considération auprès des membres de son équipe (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E9188ES4).
- Cass. soc., 30 octobre 2013, n° 12-17.582, F-D (N° Lexbase : A8063KNX) : ne caractérise pas une faute grave l'établissement d'une note de frais, d'un montant modique, par un salarié pour un déjeuner professionnel auquel il n'avait pas assisté. Il s'agissait d'un fait isolé et l'intéressé avait remboursé au collaborateur, auquel il avait demandé de le remplacer pour participer au déjeuner par suite de son indisponibilité, le montant de la note de frais (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E9187ES3).
- Cass. soc., 31 octobre 2013, n° 12-18.993, F-D (N° Lexbase : A8166KNR) : la soustraction frauduleuse de marchandises de faible valeur, par un salarié ayant plus de vingt-six ans d'ancienneté, ne constitue pas une faute grave justifiant un licenciement disciplinaire (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E9187ES3).
- Cass. soc., 30 octobre 2013, n° 12-60.575, F-D (N° Lexbase : A8121KN4) : ne constitue pas le transfert d'entité économique autonome au sens de l'article 6, paragraphe 1, de la Directive 2001/23/CE du Conseil, du 12 mars 2001 (N° Lexbase : L8084AUX), concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d'entreprises, dès lors qu'il est constaté que les chefs de service de l'entité cédante sont dépourvus, au sein de l'entité cessionnaire, de pouvoirs essentiels à la caractérisation d'une autonomie réelle, tel que le pouvoir disciplinaire. En conséquence, doit être constatée la caducité du mandat de délégué syndical détenu dans l'ancienne entité cédée (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E8879ESN).
- Cass. soc., 29 octobre 2013, n° 12-27.393, FS-D (N° Lexbase : A8073KNC) : si les ruptures conventionnelles doivent être prises en compte pour l'application des règles relatives à la mise en place du plan de sauvegarde de l'emploi lorsqu'elles constituent une modalité d'un processus de réduction des effectifs pour une cause économique, c'est à la condition que les contrats de travail aient été rompus après l'homologation des conventions par l'administration du travail, ce qui exclut de retenir les conventions, qui faute d'avoir été homologuées, n'ont pas entraîné la rupture du contrat de travail. (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E9340ESQ).
- Cass. soc., 31 octobre 2013, n° 12-15.020, F-D N° Lexbase : A8139KNR) : satisfait à son obligation de reclassement préalable à tout licenciement pour motif économique le fait pour l'employeur d'adresser au salarié concerné un courrier lui proposant plusieurs postes de reclassement, dont il n'était pas soutenu qu'ils ne correspondaient pas à ses aptitudes et compétences, en précisant leurs caractéristiques relatives à la localisation, la rémunération, la description des taches et la classification et indiquant, par ailleurs, qu'il bénéficierait des avantages prévus par le PSE, notamment pour assurer l'adaptation à l'emploi (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E9293ESY).
- Cass. soc., 30 octobre 2013, n° 12-15.755, F-D (N° Lexbase : A8124KN9) : le licenciement est dépourvu de cause économique lorsque la situation économique de la société, encore que déficitaire, connaissait une nette amélioration au moment du licenciement et qu'au même moment les résultats du groupe étaient positifs en sorte que les difficultés économiques n'étaient pas caractérisées (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E9258ESP).
- Cass. soc., 30 octobre 2013, n° 12-15.133, F-D (N° Lexbase : A8029KNP) : l'employeur manque à son obligation de sécurité de résultat lorsqu'un salarié est victime de violences physiques exercées sur le lieu de travail par l'un de ses collègues entraînant une prise d'acte, qui produit alors les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse .
- Cass. soc., 31 octobre 2013, n° 12-30.099, F-D (N° Lexbase : A8082KNN) : une cour d'appel ne peut dénaturer les termes d'un courrier adressé par l'employeur à sa salariée en réponse à un courrier de reproches formulés par cette dernière pour justifier la requalification de la prise d'acte en un licenciement sans cause réelle et sérieuse (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E5829ET3).
- Cass. soc., 30 octobre 2013, n° 13-13.801, F-D (N° Lexbase : A8003KNQ) : le salarié d'un établissement d'une entreprise peut être désigné membre d'un CHSCT correspondant au sein de cet établissement à un secteur d'activité, peu important qu'il n'y travaille pas (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E3383ETH).
- Cass. soc., 30 octobre 2013, n° 12-23.325, F-D (N° Lexbase : A8091KNY) : la seule circonstance que des salariés exerçant des mandats syndicaux aient pu bénéficier de mesures favorables n'est pas de nature à exclure en soi l'existence de toute discrimination à l'égard d'autres salariés. Laisse supposer l'existence d'une discrimination au terme de laquelle un salarié délégué syndical fait valoir qu'il est le seul parmi les coordinateurs en poste à cette fonction en 1997 à ne pas avoir été nommé chef d'équipe, alors même qu'il n'avait fait l'objet d'aucune sanction, ainsi qu'un tableau comparatif des dates de passage de vingt-cinq salariés, promus du poste de coordinateur à celui de chef d'équipe (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E0716ETP).
- Cass. soc., 30 octobre 2013, n° 12-15.072, F-D (N° Lexbase : A8130KNG) : laisse présumer l'existence d'un harcèlement moral sur une salariée sa mise à l'écart de la clientèle et l'obligation de garer son véhicule sur le parking réservé aux clients, le droit d'accès restreint aux toilettes ainsi que l'interdiction d'utiliser son téléphone pendant les heures de travail .
- Cass. soc., 23 octobre 2013, n° 12-22.730, F-D (N° Lexbase : A4636KNZ) : ne constitue pas une atteinte à la sécurité juridique le fait que les juridictions apprécient dans chaque cas l'importance, prépondérante ou non, de l'activité consacrée par un distributeur de produits au service du fournisseur. Le contrôle juridictionnel constitue, au contraire, une garantie de sécurité pour ce dernier. Par conséquent, les dispositions de l'article L. 7321-2 du Code du travail (N° Lexbase : L1885IEK) ne sont pas contraires à l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (N° Lexbase : L7558AIR) (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E8370ESS).
- Cass. soc., 23 octobre 2013, n° 12-16.840, F-D (N° Lexbase : A4684KNS) : constitue une violation de l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (N° Lexbase : L7558AIR) l'arrêt d'appel qui énonce qu'un employeur "a réinventé le servage". Ces termes injurieux sont manifestement incompatibles avec l'exigence d'impartialité.
- Cass. soc., 23 octobre 2013, n° 12-17.635, F-D (N° Lexbase : A4783KNH): le "contrat d'avenir" étant un contrat de travail de droit privé, les litiges nés à propos de la conclusion, de l'exécution, de la rupture ou de l'échéance de ce contrat relèvent, en principe, de la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire. Il en va de même des litiges relatifs à l'indemnisation du chômage consécutif à cette rupture ou à cette échéance. En conséquence, une cour d'appel ne peut se déclarer incompétente pour trancher un litige relatif à l'indemnisation du chômage consécutif à l'échéance du terme d'un tel contrat conclu entre un salarié et une commune (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E4964EX7).
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