Réf. : Cass. civ. 3, 27 juin 2024, trois arrêts, n° 22-24.502, FS-B N° Lexbase : A29705LL, n° 22-21.272, FS-B N° Lexbase : A29685LI et n° 22-10.298, FS-B N° Lexbase : A29715LM
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par Vincent Téchené
Le 03 Juillet 2024
► Le locataire qui restitue les locaux dans un état non conforme à ses obligations découlant de la loi ou du contrat, commet un manquement contractuel et doit réparer le préjudice éventuellement subi de ce chef par le bailleur. Ce préjudice peut comprendre le coût de la remise en état des locaux, sans que son indemnisation ne soit subordonnée à l'exécution des réparations ou à l'engagement effectif de dépenses ; tenu d'évaluer le préjudice à la date à laquelle il statue, le juge doit prendre en compte, lorsqu'elles sont invoquées, les circonstances postérieures à la libération des locaux, telles la relocation, la vente ou la démolition.
Tel est l’enseignement de trois arrêts rendus par la troisième chambre civile de la Cour de cassation dans le cadre de baux commerciaux mais dont la solution est fondée sur les règles générales des baux.
Dans ces trois affaires, les bailleurs demandaient à leurs locataires le paiement d’une certaine somme au titre du coût des travaux de remise en état des locaux.
Dans deux affaires, les cours d’appel ont fait droit aux demandes des bailleurs (CA Douai, 20 octobre 2022, n° 21/04508 N° Lexbase : A91818Q4 cassé par Cass. civ. 3, 27 juin 2024, n° 22-24.502 ; CA Paris, 5-3, 15 juin 2022, n° 19/14631 N° Lexbase : A910377B cassé par Cass. civ. 3, 27 juin 2024, n° 22-21.272, FS-B), tandis que dans la troisième affaire, la cour d’appel de Paris a, au contraire, rejeté la demande du propriétaire (CA Paris, 5-3, 10 novembre 2021, n° 19/03334 N° Lexbase : A57627BZ, rejet du pourvoi par Cass. civ. 3, 27 juin 2024, n° 22-10.298, FS-B).
Les pourvois formés par les locataires contre les deux premiers arrêts faisaient en substance valoir que le juge ne peut allouer des dommages-intérêts au bailleur qu'à la condition de constater, au jour où il statue, qu'il est résulté un préjudice de la faute contractuelle du preneur et qu’il ne pouvait se fonder exclusivement sur l'inexécution par le locataire des réparations locatives pour indemniser le bailleur. À l’inverse, le pourvoi du propriétaire contre le dernier arrêt soutenait que le seul constat de dégradations ou de pertes qui arrivent pendant la jouissance du bien loué, ouvre droit à réparation au profit du preneur, sans que ce dernier puisse prétendre que le bailleur ne subirait pas de préjudice du chef de ces dégradations ou pertes.
La question posée à la Haute juridiction était donc la suivante : le manquement du locataire à son obligation de restituer les locaux en bon état de réparations locatives cause-t-il nécessairement un préjudice au bailleur que le juge ne peut refuser d’indemniser ? La Cour de cassation y répond par la négative.
Elle rappelle que selon l'article 1732 du Code civil N° Lexbase : L1854ABB, le locataire répond des dégradations ou des pertes qui arrivent pendant sa jouissance, à moins qu'il ne prouve qu'elles ont eu lieu sans sa faute.
Par ailleurs, aux termes de l'article 1147 du même code N° Lexbase : L1248ABT, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131, du 10 février 2016 N° Lexbase : L4857KYK, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.
En outre, selon l'article 1149 du Code civil N° Lexbase : L1250ABW, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance précitée, et le principe de la réparation intégrale du préjudice, les dommages et intérêts dus au créancier sont de la perte qu'il a faite et du gain dont il a été privé sans qu'il en résulte pour lui ni perte ni profit.
La Cour de cassation en conclut donc qu’il résulte de la combinaison de ces textes et principe que le locataire qui restitue les locaux dans un état non conforme à ses obligations découlant de la loi ou du contrat, commet un manquement contractuel et doit réparer le préjudice éventuellement subi de ce chef par le bailleur. Ce préjudice peut comprendre le coût de la remise en état des locaux, sans que son indemnisation ne soit subordonnée à l'exécution des réparations ou à l'engagement effectif de dépenses. Tenu d'évaluer le préjudice à la date à laquelle il statue, le juge doit prendre en compte, lorsqu'elles sont invoquées, les circonstances postérieures à la libération des locaux, telles la relocation, la vente ou la démolition.
Il appartient donc au propriétaire de rapporter la preuve d’un préjudice résultant du manquement du locataire à son obligation de restituer les locaux en bon état de réparation.
Dans un précédent arrêt, la Cour de cassation avait affirmé au contraire que « l'indemnisation du bailleur à raison de l'inexécution par le preneur des réparations locatives prévues au bail n'est pas subordonnée [...] à l'existence d'un préjudice » (Cass. civ. 3, 29 janvier 2002, n° 99-20.768, F-D N° Lexbase : A8627AXS). Près de deux ans après, la troisième chambre civile devait retenir la solution contraire (Cass. civ. 3, 3 décembre 2003, n° 02-18.033, FP-P+B+R+I N° Lexbase : A3757DAE), considérant que les dommages et intérêts ne peuvent être alloués que si le juge, au moment où il statue, constate qu’il est résulté un préjudice de la faute contractuelle. Toutefois, des arrêts postérieurs, revenant sur la position adoptée par l’arrêt du 3 décembre 2003, ont pu rendre la lecture de la jurisprudence sur le sujet peu claire et semer le doute (v. par ex. Cass. civ. 3, 25 janvier 2006, n° 04-20.726, FS-D N° Lexbase : A5561DMW ; Cass. civ. 3, 11-03-2014, n° 12-28.396, F-D N° Lexbase : A9319MGA ; Cass. civ. 3, 7 janvier 2021, n° 19-23.269, F-D N° Lexbase : A89374BM).
Avec les trois arrêts rapportés, la troisième chambre civile affirme donc clairement sa position.
On notera que l’importance de la solution est signalée par la publication des trois arrêt au bulletin, aux lettres de la chambre et au rapport, mais également par celle de l’avis de l’avocate générale et du rapport du conseiller relatifs à l’arrêt de rejet (n° 22-10.298).
Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Les obligations du preneur du bail commercial, Le régime de la responsabilité du preneur pour dégradations et pertes, in Baux commerciaux (dir. J. Prigent), Lexbase N° Lexbase : E9266BXH. |
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Réf. : Cass. civ. 2, 27 juin 2024, n° 22-21.454, F-B N° Lexbase : A29665LG
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par Laïla Bedja
Le 03 Juillet 2024
► La circonstance que le recours préalable obligatoire ait été exercé avant la naissance de la décision implicite de rejet ne rend pas irrecevable le recours contentieux lorsque, par suite de l'écoulement du délai de quatre mois visé à l'article R. 241-33 du Code de l'action sociale et des familles, une décision implicite de rejet est intervenue et la notification d'une décision de rejet explicite postérieurement à la date à laquelle est intervenue la décision de rejet implicite, est sans incidence sur la recevabilité du recours contentieux.
Faits et procédure. Le 4 avril 2019, une allocataire a déposé auprès de la Maison départementale des personnes handicapées une demande de prise en charge du handicap de son fils mineur. Des décisions ont été rendues le 1er juillet 2019, notifiées par lettre recommandée avec accusé de réception du 26 août 2019. Le 19 août 2019, l’allocataire, indiquant ne pas avoir reçu de décision dans les quatre mois suivant le dépôt de sa demande, a contesté la décision de rejet implicite de celle-ci. À défaut de décision rendue sur recours amiable, l’allocataire a saisi, le 30 octobre 2019, une juridiction chargée du contentieux de la Sécurité sociale.
Cour d’appel. Pour déclarer le recours irrecevable, l'arrêt retient que le recours, matérialisé par lettre du 19 août 2019, ne pouvait être dirigé contre la décision explicite du 1er juillet, car celle-ci n'a été notifiée par lettre recommandée avec accusé de réception que le 26 août 2019. Il ajoute que le délai de quatre mois, à l'expiration duquel une décision implicite de rejet est réputée être prise, arrivait à échéance le 19 août 2019, de sorte que le délai pour exercer le recours préalable n'avait commencé à courir que le 20 août. L'arrêt en déduit que l'allocataire, par sa lettre du 19 août, n'avait pas régulièrement saisi la Maison départementale des personnes handicapées d'un recours préalable, et qu'à réception, le 26 août 2019, de la notification de la décision, elle n'avait pas non plus saisi l'organisme d'un recours préalable (CA Besançon, 19 juillet 2022, n° 21/00736 N° Lexbase : A72618DB).
Décision. Énonçant la solution précitée, la Haute juridiction casse et annule l’arrêt rendu par la cour d’appel (violation, CSS, art. L. 142-5 N° Lexbase : L2440LBY et L. 142-2, 5° N° Lexbase : L8303LQL, CASF, art. R. 146-25 N° Lexbase : L7354L47 et R. 241-33 N° Lexbase : L6863LM7).
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N9833BZ9
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par Blandine Mallet-Bricout, Professeure des Universités, Avocate générale SE à la Cour de cassation, Membre de l’équipe Louis Josserand, Responsable de la section lyonnaise de l’association Henri Capitant
Le 10 Juillet 2024
Le colloque qui s’est déroulé à l’Université Jean Moulin (Lyon 3) le 19 octobre 2023 et dont les actes sont ici publiés, s’inscrit dans le cadre d’un partenariat créé en 2012 entre l’Équipe de recherche Louis Josserand et le Groupe québécois de l’Association Henri Capitant des amis de la culture juridique française. Pour cette cinquième manifestation, le droit de la famille fut mis à l’honneur, sous les regards croisés d’universitaires et professionnels du droit spécialistes de la matière, français et québécois, qu’il faut en premier lieu remercier pour la richesse de leurs contributions lors de cette journée bilatérale.
C’est un lieu commun que de souligner les profonds bouleversements du droit de la famille depuis une vingtaine d’années, en France mais aussi au-delà de nos frontières, sous la poussée des progrès de la science ainsi que de la métamorphose des notions de couple et de famille. On sait que le droit français de la famille a connu de multiples évolutions depuis le début des années 2000, par l’action du législateur ou de la jurisprudence ; encore assez récemment le Parlement a opéré des modifications ponctuelles dans la loi n° 2021-1017 du 2 août 2021 relative à la bioéthique N° Lexbase : L4001L7C, en autorisant notamment l’accès à la procréation médicalement assistée aux femmes seules et aux couples de femmes. Le droit québécois, quant à lui, est en pleine reconstruction dans ce domaine, deux lois importantes étant récemment entrées en vigueur, la loi du 2 juin 2022 (L.Q. 2022, c.22), qui a notamment modifié le Code civil du Québec « en matière de droits de la personnalité et d’état civil » (elle s’intéresse en particulier aux droits des personnes trans et non binaires), puis la loi du 6 juin 2023 (L.Q. 2023, c.13) relative notamment à la filiation, ainsi qu’aux « droits des mères porteuses et des enfants issus d’un projet de grossesse pour autrui ». Un second volet de la réforme du droit de la famille est attendu au Québec, qui portera sur la parentalité. Les questions soulevées sont les mêmes de part et d’autre de l’Atlantique, mais les réponses apportées ne sont pas forcément identiques, ce qui ne saurait surprendre tant les débats et choix de société sont sensibles sur les problématiques abordées lors de ce colloque.
Cette journée de réflexion franco-québécoise a ainsi permis de croiser ces évolutions juridiques, l’approche comparative étant particulièrement précieuse en ce qu’elle force à revenir aux fondements des solutions adoptées dans les droits nationaux et à sortir des schémas de pensée habituels, s’agissant de questionnements à la fois universels et nécessairement marqués par des considérations culturelles.
Parmi les nombreuses questions actuellement en débat en France et au Québec, ont été retenues, pour cette publication, trois grandes problématiques.
La première, consacrée aux fondements de la filiation entre la biologie, le vécu et la volonté individuelle, permet de mettre au jour un questionnement profond sur le renouvellement de ces fondements et la difficulté que rencontrent le législateur et le juge (régulièrement saisi de questions inédites) pour établir une cohérence d’ensemble. Quelle place laisser au fondement biologique ? Faut-il reconstruire l’ensemble du droit de la filiation sur le pilier de la volonté individuelle ou partagée au sein d’un couple ? Ou bien renoncer à toute cohérence des fondements et prendre acte d’un droit éclaté de ce point de vue, en réponse aux attentes sociétales ? La convention de mère porteuse, notamment, tout récemment introduite dans le droit québécois, soulève nombre de questionnements aussi bien théoriques que pratiques, au regard du régime juridique mis en place par le législateur québécois.
La seconde problématique abordée, autour des concepts modernes de pluriparenté (hypothèse de l’établissement de plus de deux liens de filiation) et de pluriparentalité (hypothèse dans laquelle plusieurs personnes tiennent un rôle parental), offre l’opportunité aux contributeurs d’ouvrir le champ comparatif encore au-delà de la France et du Québec. Sur la pluriparenté, pour l’heure non reconnue en France, il est observé que les droits nord-américains (USA, Canada) et cubain proposent des modèles ex-post ou ex-ante. Au Québec, la reconnaissance de la pluriparenté est actuellement en débat, dans le cadre d’un contentieux spécifique porté devant les hautes juridictions de cette province. Quant à la pluriparentalité, la jurisprudence récente de la Cour de cassation sur le fa’a’amu utilisé comme préalable à l’adoption en Polynésie française, a notamment relancé le débat sur la figure juridique de la délégation partage de l’autorité parentale, en mettant fin à la règle de l’unicité du délégataire. Le droit aux relations personnelles peut par ailleurs être mobilisé pour organiser des situations de pluriparentalité.
La troisième problématique retenue lors de cette journée s’inscrit dans celle, plus large et fondamentale, de l’identité, en focalisant sur la question complexe et sensible de l’accès aux origines pour les personnes nées sous X, adoptées ou nées d’une procréation médicalement assistée avec tiers donneur. Les contributions reviennent sur l’historique de la jurisprudence européenne et du droit québécois sur ce sujet, puis évoquent plusieurs questions actuelles, notamment la différence de traitement juridique du secret des origines en France (aucune obligation d’informer l’enfant) et au Québec (principe de transparence depuis 2016, en matière d’adoption et de don de gamètes). Les procédures applicables pour répondre aux demandes de connaissance de ses origines sont par ailleurs exposées, ainsi que les enjeux de sites internet tels que MyHéritage (qui propose aux particuliers de réaliser des tests génétiques puis de croiser les données recueillies).
Qu’il me soit permis de remercier très sincèrement l’ensemble des auteurs de ce dossier, dont les articles contribuent aux débats puissants qui animent le droit de la famille en ce 21e siècle, ainsi que les éditions juridiques Lexbase pour cette publication dans la revue Lexbase Droit privé. Mes remerciements s’adressent aussi à l’association Henri Capitant pour son soutien, et notamment à la Professeure Mariève Lacroix (Université d’Ottawa) ainsi qu’à l’Honorable Benoît Moore, juge à la Cour d’appel du Québec, et enfin au Centre de droit de la famille de l’équipe Louis Josserand, en particulier les Professeurs Christine Bidaud et Hugues Fulchiron pour la co-direction scientifique de cette cinquième Journée bilatérale franco-québécoise.
Les fondements de la filiation en droit français : fondement classique et propositions, par Solange Becqué-Ickowicz, Professeure à l’Université de Montpellier, Directrice du Master Droit civil, Droit des personnes et de la famille N° Lexbase : N9838BZE
Les fondements du droit de la filiation en territoire civiliste canadien : perspectives québécoises, par Andréanne Malacket, LL.D., Professeure agrégée à la Faculté de droit de l’Université de Sherbrooke N° Lexbase : N9846BZP
Filiation et autorité parentale : Regards croisés sur la pluriparenté, par Johanne G. Clouet, Professeure agrégée à la Faculté de droit de l’Université de Montréal, et Guillaume Kessler, Maître de conférences HDR à l’Université Savoie Mont Blanc N° Lexbase : N9848BZR
Vers une meilleure prise en compte de la pluriparentalité en droit français, par Philippe Guez, Professeur à l’Université Paris Nanterre, Directeur du Centre d’études juridiques européennes et comparées N° Lexbase : N9850BZT
L’accès aux origines, un droit fondamental, par Fabien Marchadier, Professeur à la Faculté de droit de Poitiers (Institut Jean Carbonnier) N° Lexbase : N9851BZU
Les procédures de l’accès aux origines : de l’émancipation à la réconciliation, par Claire Brunerie, Doctorante à l’Université Jean Moulin Lyon 3, membre de l'Équipe de Droit International, Européen et Comparé (EDIEC) N° Lexbase : N9854BZY
L’accès aux origines en droit québécois, par Michelle Giroux, Professeure titulaire à la Faculté de droit, Section de droit civil de l’Université d’Ottawa N° Lexbase : N9857BZ4
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Réf. : CJUE, 27 juin 2023, aff. C-284/23 N° Lexbase : A47685L8
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par Lisa Poinsot
Le 03 Juillet 2024
► Le délai de deux semaines, prévu par la législation allemande, pour qu’une travailleuse enceinte puisse demander l’admission d’un recours tardif contre son licenciement, est susceptible de rendre excessivement difficile l’exercice de ses droits, de sorte que ces modalités procédurales s’avèrent incompatibles avec les exigences du principe de protection juridictionnelle effective.
Faits et procédure. Une salariée allemande saisit la juridiction nationale compétente afin de contester son licenciement au motif qu’à la date de celui-ci elle était enceinte.
La législation allemande prévoit qu’un recours visant à contester un licenciement doit être formé dans un délai de trois semaines à compter de la notification par écrit du licenciement. Toutefois, un recours introduit postérieurement à ce délai par une travailleuse enceinte peut néanmoins être admis si celle-ci, n’ayant eu connaissance de sa grossesse qu’après l’expiration dudit délai de trois semaines, en fait la demande. Cette demande doit être introduite dans un délai de deux semaines suivant la cessation de l’empêchement de former le recours.
En l’espèce, la travailleuse en cause n’a pas introduit de recours contre son licenciement dans le délai de trois semaines à compter de la notification écrite de celui-ci. Elle n’a non plus introduit de recours tardif dans les deux semaines suivantes.
La juridiction nationale s’interroge sur la conformité de cette législation à celles du droit de l’Union européenne (Directive n° 92/85, du 19 octobre 1992
C’est dans ce contexte que la Cour de justice de l’Union européenne est saisie.
La Cour de justice de l’Union européenne rappelle que :
Solution. Énonçant la solution susvisée, la Cour de justice de l’Union européenne constate que le délai de deux semaines pour introduire une demande d’admission du recours tardif est plus court que le délai ordinaire de trois semaines pour former un recours contre un licenciement.
Elle relève en outre que le fait que la travailleuse soit tenue non seulement d’informer sans retard son employeur de son état de grossesse, mais également d’introduire, dans un délai de deux semaines, une demande d’admission du recours tardif auprès d’une juridiction ainsi que, en principe, le recours proprement dit, contribue à démontrer la complexité du système mis en place par la réglementation nationale en cause au principal, lequel prévoit plusieurs obligations concurrentes, à exécuter dans le respect de délais distincts qui se chevauchent, auprès tantôt de l’employeur, tantôt d’une juridiction.
Pour aller plus loin :
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Réf. : CAA Bordeaux, 16 avril 2024, n° 22BX01822 N° Lexbase : A9070273
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par Denis Fontaine-Besset et Arnauld Spiner, Avocats, Couderc Dinh & Associés
Le 08 Juillet 2024
► Par une décision du 24 avril dernier, la cour administrative d’appel de Bordeaux semble remettre en cause le traitement fiscal des rachats d’actions qui paraissait pourtant acquis depuis la réforme des paragraphes 1° et 6° de l’article 112 du Code général des impôts.
À la suite de la décision du Conseil constitutionnel, le législateur avait dû mettre fin à la différence de traitement fiscal des rachats d’actions qui étaient, selon l’objectif du rachat (soutien de cours, projets d’actionnariat salarié ou annulation des titres), imposés, pour les actionnaires rachetés, soit comme des cessions d’actions (régime des plus-values de cession de valeurs mobilières), soit comme des distributions (régime des revenus distribués).
Le Conseil constitutionnel avait en effet jugé que cette différence de traitement n’était justifiée par aucune différence de situation objective ni aucun motif d’intérêt général. Sous son injonction, le législateur a modifié la loi pour généraliser l’imposition des rachats sous le régime unique d’imposition des plus-values (CGI, art. 112, 6° N° Lexbase : L5647MAE). Néanmoins, les réductions de capital demeurent, lorsqu’elles ne sont pas motivées par des pertes considérées comme relevant du régime fiscal des distributions à hauteur des réserves distribuables de la société (CGI, art. 112, 1°) (Cons. const., décision n° 2014-404 QPC, du 20 juin 2014 N° Lexbase : A6294MRK).
À l’origine de la procédure, saisi d’un redressement opéré par les services fiscaux, le tribunal administratif de Martinique avait refusé d’appliquer le régime des plus-values de cession de valeurs mobilières aux sommes appréhendées par l’actionnaire ayant fait racheter ses actions par la société. Le tribunal a, en effet, considéré que le produit de l’opération constituait une appréhension des réserves de la société relevant de l’imposition des revenus distribués (TA Martinique, 12 mai 2022, n° 2100221 N° Lexbase : A62815BA).
L’enjeu de cette qualification est double : le régime des revenus distribués soumet à imposition la totalité du produit perçu à hauteur des réserves distribuables. Le régime des plus-values de cession de valeurs mobilières permet, au contraire, de limiter la base imposable à la seule différence entre le prix de cession et le prix d’acquisition (prix de revient pour les associés entreprises). Les personnes physiques peuvent bénéficier, en outre, d’abattements très significatifs pour durées de détention.
Pour les sociétés mères, les conséquences d’une telle requalification sur la base d’imposition sont moins prévisibles. En effet, les plus-values sur titres de participations peuvent être exonérées, sous réserve d’une réintégration d’une quote-part de frais et charges imposable de 12 % du gain, contre seulement 1 ou 5 % pour les distributions.
La lecture des conclusions du rapporteur public sous le jugement du tribunal administratif laisse penser que cette décision est influencée par la circonstance que l’opération de rachat se situait dans la perspective d’une dissolution ultérieure, rendue probable par la quasi-cessation d’activité de la société. Le boni de dissolution aurait, en effet, relevé des revenus distribués, imposés plus lourdement.
Cet argument n’est toutefois pas repris dans la décision d’appel qui en reste à l’articulation existant entre l’article 112, 1°, du Code général des impôts et l’article 112, 6°, du même code. Le redressement effectué, en niant la nature juridique du rachat, relèverait selon nous plutôt de la procédure de l’abus de droit. Cette procédure est la seule qui aurait permis de requalifier le rachat d’actions en réduction de capital non motivée par des pertes. Elle n’a pas été suivie par les services fiscaux, qui devraient donc se trouver privés d’appliquer une autre imposition que celle réservée aux rachats d’actions.
Cette décision est donc incompréhensible en ce qu’elle va à l’encontre de la décision du Conseil constitutionnel qui a présidé à la rédaction actuelle des textes applicables. Ce dernier a en effet clairement affirmé que l’objectif poursuivi par une opération de rachat d’actions ne peut justifier d’une différence dans le régime d’imposition. La loi issue de cette décision distingue sans ambiguïté l’imposition sous le régime des distributions des réductions de capital, de celui applicable aux rachats d’actions, même en vue de leur annulation, en tant que plus-values.
La confusion opérée tant par le tribunal administratif de Martinique que par la cour administrative d’appel de Bordeaux paraît d’autant plus malheureuse qu’encore récemment, le Comité de l’abus de droit fiscal a conclu que le recours à un rachat d’actions en vue de leur annulation ne pouvait être considéré comme un contournement abusif des règles d’imposition des réductions de capital non motivées par des pertes, même dans le cas d’une société ayant un unique associé et avec application de l’abattement fiscal maximal des plus-values des particuliers de 85 % (Comité de l’abus de droit fiscal, décision n° 2023-05, séance du 24 novembre 2023 [en ligne]).
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Réf. : BOFiP, actualité, 30 mai 2024
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par Jérôme Mazeres, Fiscaliste - Diplômé en gestion de patrimoine, Les fourmis du patrimoine
Le 02 Juillet 2024
Mots-clés : pacte Dutreil • transmissions • entreprise individuelle • droits de mutation à titre gratuit • administration fiscale
1.- L’article 787 C du Code général des impôts N° Lexbase : L0728MLK permet de bénéficier d’un abattement de 75 % sur la valeur de l’entreprise individuelle transmise et soumise aux droits de mutation à titre gratuit.
L’application de ce régime nécessite de remplir plusieurs conditions cumulatives :
2.- Jusqu’à présent, la doctrine administrative [1] apportait plusieurs précisions :
3.- Le 30 mai 2024, l’administration fiscale a mis à jour sa doctrine administrative [2], suite à la loi de finances pour 2024, les retours de la consultation publique et l’arrêt rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation le 9 février 2022 [3].
4.- Parmi les nouveautés, la nouvelle rédaction de la doctrine administrative introduit l’exigence d’une activité opérationnelle exercée à titre principale. Il s’agit ici d’une précision sur le champ d’application du dispositif, et non sur sa portée.
5.- Autre élément, la décision de la Cour de cassation du 9 février 2022 précisait : « Si, en ce qui concerne les entreprises individuelles, l'inscription des biens meubles et immeubles, corporels ou incorporels au bilan, ou leur mention sur le document en tenant lieu, en font présumer le caractère affecté à l'exploitation de l'entreprise, l'administration a la faculté de rapporter la preuve qu'ils ne sont pas nécessairement et effectivement affectés à celle-ci […] ».
L’arrêt portait notamment sur la possibilité d’appliquer l’article 787 C du CGI à des liquidités. Il était notamment relevé que celles-ci apparaissaient supérieures aux charges courantes d’exploitation de l’entreprise, par rapport à la moyenne des besoins de trésorerie de l’entreprise sur les trois derniers exercices.
La nouvelle rédaction du paragraphe 10 du BOI-ENR-DMTG10-20-40-40 reprend la position de la Cour de cassation. Cette nouvelle rédaction ne lève pas nécessairement toute ambiguïté sur la position à tenir, au vu des commentaires passés de certains auteurs, sur la situation des éléments affectés à l’activité mais hors bilan.
6.- Parmi les éléments significatifs, on relèvera la disparition à l’exigence de poursuite de l’activité professionnelle à titre habituel et principal des héritiers, légataires ou donataires.
Cette exigence pouvait sembler contra legem au vu de la rédaction de l’article 787 C du Code général des impôts qui ne fait jamais référence à une telle condition.
En outre, les cours d’appel de Pau [4] et de Grenoble [5] avaient déjà eu l’occasion de mettre à mal cette exigence doctrinale.
[1] BOI-ENR-DMTG-10-20-40-40, en vigueur jusqu’au 30 mai 2024 [en ligne]
[2] BOI-ENR-DMTG-10-20-40-40, en vigueur depuis le 30 mai 2024 [en ligne].
[3] Cass. com., 9 février 2022, n° 20-10.753, F-D N° Lexbase : A09707NA.
[4] CA Pau, 10 janvier 2013, n° 13/70 N° Lexbase : A9372IZ7.
[5] CA Grenoble, 8 septembre 2015, n° 13/00609 N° Lexbase : A6648NNK.
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Réf. : Cass. soc., 15 mai 2024, n° 22-16.028, FS-B N° Lexbase : A49515BY
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N9811BZE
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par Mathieu Hallot, Docteur en droit, Aix-Marseille Université, CDS
Le 03 Juillet 2024
Mots-clés : négociation collective • convention collective • restructuration des branches professionnelles • fusion des branches • regroupement volontaire • représentativité • principe de concordance • CPPNI • accord de champ • champ conventionnel • liberté contractuelle des partenaires sociaux
Les partenaires sociaux, en application du principe de la liberté contractuelle, sont libres de décider, pour procéder à un regroupement conventionnel, du périmètre de la commission paritaire permanente de négociation et d’interprétation et, dès lors, du champ d’application de la convention collective de la branche correspondante.
En revanche, en application du principe de concordance, une fois le regroupement conventionnel réalisé, ils doivent obtenir préalablement à la négociation dans la branche nouvellement formée et au sein de la CPPNI qui lui est adossée, un arrêté de représentativité des organisations syndicales dans ce nouveau périmètre.
La restructuration des branches professionnelles est une réforme majeure du système conventionnel français. Elle a pour objet et pour effet de transformer durablement les branches ainsi que leur périmètre. Les attentes envers les branches sont renforcées : elles doivent désormais réaliser certaines missions d’intérêt général, en plus de garantir des intérêts professionnels [1]. Elles doivent également se doter d’un organe de gouvernance, la Commission Paritaire Permanente de Négociation et d’Interprétation (CPPNI), qui est pensé comme un symbole de leur institutionnalisation. Bien sûr, les mutations des branches se remarquent également au travers des évolutions de leur périmètre. L’élément le plus marquant reste celui de la fusion des champs conventionnels qui peut être prononcée par l’administration par voie d’arrêté [2]. Cependant, la possibilité de procéder à des regroupements dits « volontaires » a toujours été mise en avant par l’administration lorsqu’elle communique sur la réalisation de cette réforme. La décision du Conseil constitutionnel, statuant sur le dispositif légal de la restructuration des branches, a souligné l’importance de la liberté des partenaires sociaux dans la conduite des restructurations [3]. Pour autant, la mise en œuvre de cette réforme conduit parfois à certaines situations délicates. L’exemple de la réorganisation conventionnelle du secteur du bâtiment, pourtant volontaire, en est une bonne illustration.
En matière de restructuration des branches professionnelles, les décisions de justice restent assez rares [4]. Chacune d’elles mérite attention puisqu’elles constituent autant d’occasions de clarifier les zones d’ombre de ce chantier complexe [5]. La décision commentée est d’autant plus intéressante puisqu’elle s’ajoute à une saga judiciaire débutée en 2020, devant le Conseil d’État [6], puis poursuivie par le juge judiciaire [7]. Il convient donc de rappeler les origines de cette épopée jurisprudentielle (I.) pour mieux en comprendre ses développements les plus récents (II.). Celle-ci concerne le secteur du bâtiment ou plutôt la définition du périmètre du champ de sa convention collective de branche.
I. La structuration conventionnelle complexe du secteur du bâtiment
À l’origine, le secteur du bâtiment était structuré autour de quatre conventions de branche : les ouvriers employés par les entreprises de moins de 10 salariés, ceux employés par les entreprises de plus de 10 salariés, les employés, techniciens et agents de maîtrise et les cadres [8]. La représentativité était donc, assez naturellement, appréciée sur chacun de ces périmètres. Cependant, le secteur rencontre, par la suite, une divergence quant à la détermination du périmètre d’un nouveau champ conventionnel. La Fédération Française du Bâtiment (FFB) souhaite un champ unique pour l’ensemble du secteur tandis que la Confédération de l’Artisanat et des Petites Entreprises du Bâtiment (CAPEB) préférerait une solution maintenant deux branches : l’une pour les salariés des entreprises occupant jusqu’à 10 salariés et l’autre pour celles occupant plus de 10 salariés [9]. Ce dissensus a conduit à l’adoption de plusieurs arrêtés de représentativité pris par le ministre du Travail qui ont redéfini le paysage conventionnel du bâtiment. Le premier fixe la représentativité des organisations syndicales dans le bâtiment (donc sur le champ des quatre CNN initiales) et deux autres dressent la liste des organisations professionnelles d’employeurs reconnues représentatives dans le secteur des entreprises du bâtiment employant jusqu’à 10 salariés et dans celles qui emploient plus de 10 salariés (ce qui couvre seulement trois des quatre CCN initiales) [10]. Ces arrêtés ont été contestés et annulés par la Cour administrative d’appel de Paris au motif que les périmètres sur lesquels s’établissaient ces arrêtés ne correspondaient pas à des branches professionnelles [11]. Or, le Code du travail précise que le ministre du Travail arrête la liste des organisations représentatives « par branche professionnelle » [12]. Le Conseil d’État, dans une décision du 4 novembre 2020, valide finalement la pratique de l’administration, en estimant que le ministre du Travail était compétent pour arrêter la liste des organisations syndicales et patronales représentatives « dans un périmètre utile pour une négociation en cours ou à venir, y compris lorsque celui-ci ne correspond pas à une “branche” » [13]. La solution peut paraître surprenante, mais reste opportune en ce qu’elle offre une certaine liberté aux partenaires sociaux désireux d’entamer un regroupement conventionnel volontaire, dans la perspective de la restructuration des branches professionnelles. Pour autant, cette décision n’est que la première d’une longue série d’arrêts portant sur la question des périmètres de branche du secteur du bâtiment.
La question est, en effet, ensuite, portée devant le juge judiciaire. Malgré la situation particulière du secteur du bâtiment [14], la négociation collective a débuté dans les nouveaux périmètres dessinés par les partenaires sociaux et validés par l’administration. Un premier accord portant sur le financement de la négociation collective a été signé dans le champ couvrant les entreprises occupant jusqu’à dix salariés [15]. En l’absence d’arrêté de représentativité à ce niveau, une organisation syndicale, qui n’avait pas été invitée à la négociation, a demandé la suspension de cet accord [16]. La Cour de cassation a commencé par rappeler la solution dégagée par le Conseil d’État, qui autorise l’administration à arrêter la représentativité dans un périmètre utile à la négociation, même si celui-ci ne correspond pas à une « branche professionnelle » [17]. Les Hauts magistrats ajoutent que les partenaires sociaux souhaitant négocier dans un champ professionnel qui n’a pas donné lieu à l’établissement d’une liste de syndicats représentatifs doivent demander qu’il soit procédé à cette détermination dans le champ de négociation [18]. Cette solution, s’appuyant sur le principe de concordance, permet de s’assurer que toutes les organisations syndicales représentatives dans ce périmètre soient invitées à la négociation [19]. Là encore, la solution paraît offrir la possibilité aux partenaires sociaux de déterminer librement le périmètre de la branche qu’ils souhaitent réguler.
La négociation collective dans le secteur du bâtiment ne s’est pas arrêtée à ce premier accord. La Cour de cassation a pu également se prononcer sur deux conventions litigieuses qui portaient directement sur la structure conventionnelle du secteur [20]. Ces accords s’avéraient en effet particulièrement stratégiques puisqu’ils prévoyaient la mise en place d’une Commission paritaire permanente de négociation et d’interprétation (CPPNI). Cette commission est conçue comme un marqueur institutionnel de la branche et comme un organe de gouvernance de celle-ci [21]. Son importance est capitale puisqu’une branche dépourvue de CPPNI fonctionnelle risque la fusion administrée de son champ d’application conventionnel avec celui d’une autre branche [22]. On comprend alors pourquoi, le 14 mai 2019, deux accords concurrents sont signés : le premier, porté par la FFB[23], qui prévoit l’institution d’une CPPNI représentant l’ensemble du bâtiment et le second, porté par la CAPEB[24], stipulant la mise en place de deux CPPNI : une pour les entreprises du bâtiment occupant jusqu’à 10 salariés et l’autre pour les entreprises occupant plus de 10 salariés. Plus que la création de la CPPNI, le véritable enjeu de ces négociations concurrentes était donc, en réalité, l’architecture conventionnelle du secteur. Ces accords remplissent en ce sens une fonction d’accord de champ [25]. Cela prouve, par ailleurs, que la restructuration dite organique des branches professionnelles est intimement liée à la question de la transformation des champs conventionnels [26]. Cet accord, qui actait la division du secteur du bâtiment en deux branches distinctes, a fait l’objet d’une demande en suspension intentée par la FFB, opposée à ce projet. Pour trancher cette question, la Cour de cassation raisonne par analogie avec les solutions applicables en matière de fusion administrative [27]. Les juges s’appuient ainsi sur la décision du Conseil constitutionnel portant sur le dispositif de la restructuration [28] pour en déduire une solution adossée à la liberté contractuelle des partenaires sociaux [29]. Ainsi, la Haute juridiction admet la validité de cet accord instituant deux CPPNI sur deux nouveaux champs, « peu important qu’aucune mesure de la représentativité des organisations syndicales dans le périmètre des deux branches professionnelles créées par ces accords n’ait encore eu lieu » [30].
Le contexte de la décision commentée est donc celui d’une réorganisation conventionnelle complexe et conflictuelle. Ces différends quant à la construction du nouveau champ ont toutefois permis d’établir certains points de repère en matière de regroupement conventionnel. On comprend que, depuis la décision majeure du Conseil constitutionnel, la liberté contractuelle des partenaires sociaux doit être respectée, même hors fusion administrée. L’absence de définition légale précise de ce qu’est une branche renforce cette flexibilité [31]. Cela étant, on aperçoit aussi les limites de cette liberté. Le ministre du Travail conserve un certain pouvoir de contrôle, résidant dans la possibilité de refuser l’extension de ces accords « eu égard à l’intérêt général attaché à la restructuration des branches » [32]. Voilà donc les circonstances et le contexte jurisprudentiel dans lesquels est né le litige présenté à la Cour de cassation le 15 mai 2024. La solution rendue par les juges conduit à préciser la position jurisprudentielle sur cette question complexe.
II. Des errements autour de l’identification des représentativités
Dans ce nouvel épisode, sont en cause deux accords portés par la CAPEB. Le premier est relatif à l’apprentissage dans les entreprises du bâtiment occupant jusqu’à dix salariés [33] et le second porte sur le même sujet, mais s’applique aux entreprises occupant plus de dix salariés [34]. Selon un schéma devenu habituel dans le secteur, certaines organisations syndicales ainsi que la FFB ont demandé la suspension de l’application de ces accords [35]. Les organisations soutiennent que la négociation a été organisée de manière déloyale, notamment du fait de l’absence de mesure du poids de chaque organisation syndicale dans le champ des accords [36]. La Cour d’appel rejette leur demande, en se fondant sur la validité des accords CPPNI et sur le fait que les organisations signataires étaient représentatives sur un champ professionnel plus large. Les requérants s’appuient alors sur la solution rendue par la Cour de cassation le 10 février 2021, selon laquelle « les partenaires sociaux qui souhaitent négocier dans un champ professionnel qui n'a pas donné lieu à l'établissement d'une liste des syndicats représentatifs […] doivent, avant d'engager la négociation collective, demander, dans les conditions précitées, à ce qu'il soit procédé à la détermination des organisations représentatives dans le champ de négociation pour s'assurer que toutes les organisations syndicales représentatives dans ce périmètre sont invitées à la négociation » [37]. Or, on se souvient que les organisations syndicales ont fait une demande en 2019 pour que soit arrêtée la liste des organisations syndicales et professionnelles représentatives dans les champs considérés, mais se sont heurtées au refus implicite de l’administration [38]. C’est pourquoi les requérants reprochent à la décision d’appel d’être contraire au principe de concordance ainsi qu’à celui de loyauté dans la négociation [39]. On aurait pu imaginer que la Cour de cassation réponde par la négative à leur demande au nom de la liberté contractuelle, en mobilisant éventuellement la solution du 21 avril 2022 [40]. Pour autant, les juges de cassation ont finalement accepté, dans cette décision du 15 mai 2024, la suspension de ces accords sur l’apprentissage « en l'absence d'arrêtés du ministre du Travail arrêtant la liste des organisations syndicales représentatives et leurs audiences respectives dans les champs considérés » [41]. Le raisonnement qui conduit à cette solution se découpe en plusieurs étapes.
D’abord, la réponse de la Cour de cassation rappelle l’ensemble des solutions qui ont été dégagées au fil des décisions concernant le secteur du bâtiment [42]. Ensuite, elle se prononce sur la nature des accords litigieux. Cette question de qualification s’avère centrale puisqu’elle va déterminer l’application ou la non-application des solutions jurisprudentielles précédemment énoncées. Elle renvoie également à un sujet sensible de la restructuration des branches puisque pendant le processus de regroupement, l’espace conventionnel envisagé peut être analysé, temporairement, comme un espace interbranche. Mais la finalité du regroupement est précisément de former une nouvelle branche. Par conséquent, au terme du regroupement, l’espace conventionnel nouvellement formé redevient nécessairement une branche [43]. Aussi, ces accords portant sur l’apprentissage ne pouvaient être analysés, ni comme des accords interbranches, ni comme des accords de champ. Ils ne peuvent donc bénéficier du même traitement que les accords CPPNI qui délimitaient ces nouveaux champs conventionnels [44]. Les accords contestés dans la décision commentée sont en réalité deux accords de branches qui ont respectivement deux périmètres : celui des entreprises du bâtiment occupant jusqu’à dix salariés et celui concernant les entreprises qui occupent plus de dix salariés [45]. Ces accords de branches répondent donc aux conditions de validité du droit commun et nécessitent, préalablement à leur négociation, l’obtention d’un arrêté de représentativité dans le périmètre des branches concernées [46]. Par ailleurs, les CPPNI, qui restent des commissions de négociation, doivent être composées des organisations syndicales et patronales représentatives dans le champ d’application considéré [47]. Cependant, on le sait, le problème est que l’arrêté de représentativité pour ces deux branches demeure inexistant, malgré une demande formulée en ce sens par les organisations syndicales.
La seconde étape du raisonnement réalisé par la Cour tient donc à l’interprétation du principe de concordance et son application au cas d’espèce [48]. L’avis de l’Avocate générale sur cette question fait ressortir plusieurs choix.
Le premier réside dans une interprétation stricte du principe qui consiste à conditionner la conclusion d’accords collectifs à l’adoption d’arrêtés de représentativité. L’Avocate générale constate les limites d’une telle solution. Elle conduit à conditionner la négociation à une décision ministérielle, ce qui pourrait constituer une atteinte trop importante à la liberté de négocier des partenaires sociaux [49]. Une auteure avait par ailleurs pressenti le risque de contrôle de la liberté des partenaires sociaux par l’administration dès la décision du 10 février 2021 [50]. En l’espèce, cela aboutit même à un véritable blocage de la négociation, les organisations syndicales ayant essuyé un refus implicite de l’administration lorsqu’ils ont demandé l’édiction d’un tel arrêté.
Une deuxième solution, plus souple, consiste à ne pas exiger une adéquation parfaite entre le périmètre de l’accord et celui de l’arrêté de représentativité [51]. Par exemple, dans notre décision, il existe bien une mesure de la représentativité des organisations syndicales sur un périmètre plus grand qui couvre l’ensemble du secteur. Plus respectueuse de l’autonomie collective, cette solution n’empêche pas la remise en cause ultérieure des accords conclus par des organisations qui ne réunissent finalement pas les conditions d’audience requises [52]. En outre, pour être étendues, les conventions de branches doivent avoir été négociées au sein de la CPPNI afférente [53]. Ces CPPNI doivent être composées des représentants des organisations syndicales d’employeurs et de salariés représentatives dans le champ d’application considéré [54]. Cela ne résout donc pas tout à fait le problème puisque, pour prétendre à l’extension, l’arrêté de représentativité reste nécessaire.
Ainsi, la solution adoptée apparaît comme un compromis : « une troisième voie pourrait être suivie : admettre la suspension de l’application de l’accord jusqu’à ce que cette mesure de l’audience intervienne dans le périmètre de l’accord » [55]. C’est donc en opportunité que la Cour de cassation a finalement suivi cette troisième voie.
Le regroupement conventionnel complexe du secteur du bâtiment met en lumière un certain nombre d’aspects de la restructuration des branches professionnelles. On comprend assez vite que cette réforme a des implications majeures sur le système conventionnel. Ses répercussions sont complexes, souvent imprévisibles et renferment toujours des enjeux importants. On constate également qu’il existe peut-être un vide sur la question des regroupements volontaires (hors fusion administrée) qui doit manifestement être comblé par la construction jurisprudentielle. Cette série de décisions semble révéler la position délicate des juges qui essaient de faire au mieux avec les outils qu’ils ont à disposition. Tant et si bien qu’on peut avoir l’impression qu’ils choisissent parfois la moins mauvaise des solutions. Les tâtonnements ne sont d’ailleurs pas encore terminés puisqu’il faudra articuler cette dernière solution avec la future décision du Conseil d’État qui statuera sur le refus de l’administration d’arrêter la représentativité des organisations syndicales dans les nouvelles branches du bâtiment. Au global, il semble que le dispositif législatif soit conçu pour encourager la créativité conventionnelle et la liberté des partenaires sociaux tout en laissant toujours un certain pouvoir de contrôle à l’administration. Même la décision du Conseil constitutionnel, qui a en parti remis en cause le dispositif au profit de la liberté contractuelle des partenaires sociaux, ne permet pas de la garantir en toute hypothèse. Pourtant, plus le chantier de restructuration avance, plus il est important de redonner de la liberté aux partenaires sociaux pour qu’ils puissent investir sérieusement les champs qu’ils ont créés et les enjeux décisifs qu’ils renferment.
[1] V. C. trav., art. L. 2232-9 N° Lexbase : L0326LMZ, L. 2232-5-1 N° Lexbase : L7778LG8 et L. 2261-32 N° Lexbase : L7453MDE.
[2] C. trav., art. L. 2261-32 N° Lexbase : L7453MDE.
[3] Cons. const., décision n° 2019-816 QPC du 29 novembre 2019 N° Lexbase : A8689Z39, A. Bugada, Constitutionnalité réservée de la fusion imposée des champs conventionnels, JCP S, 2019, 1350 ; O. Dutheillet de Lamothe, Le Conseil constitutionnel valide le dispositif de restructuration des branches, SSL, 2019, n° 1886, p. 2 ; F. Bergeron-Canut, Dispositions relatives à la fusion des branches : une déclaration d’inconstitutionnalité et deux réserves d’interprétation, Bull. Joly Travail, 2020, p. 25 ; B. Gomes, Vers une reconnaissance constitutionnelle de la liberté de négociation collective, Droit social, 2020, p. 366 ; G. Loiseau, Réflexions à propos de la constitutionnalité de la liberté contractuelle en matière de négociation collective, RDC, juin 2020, p. 99 ; T. Lou, Regards constitutionnels sur la fusion imposée des branches professionnelles, Dr. ouvrier, 2020, n° 859, p. 85 ; M. Morand, Portée de la décision du Conseil constitutionnel sur la restructuration des branches, JCP S, 2020, act. 137 ; S. Nadal, Constitutionnalité a posteriori du dispositif légal de restructuration des branches, RDT, 2020, p. 200-204.
[4] Pour une analyse globale sur les quelques décisions rendues par la Cour de cassation V. A. Bugada, Retour sur la contribution de la Cour de cassation au regroupement et à la restructuration des branches, JCP S, 2023, 1555.
[5] V. notre étude sur la question M. Hallot, La restructuration des branches professionnelles, LexisNexis, coll. Planète Social, Thèses, 2024, à paraître.
[6] CE, 4 novembre 2020, n° 434518 N° Lexbase : A516833S et n° 434519 N° Lexbase : A516933T, mentionnés aux tables du recueil Lebon, Bull. Joly Travail, 2020, p. 44, obs. F. Bergeron-Canut.
[7] Cass. soc., 10 février 2021, n° 19-13.383, FS-P+R+I N° Lexbase : A20194GU, JCP S, 2022, 1195, comm. B. Bauduin ; Bull. Joly Travail, 2021, p. 35, note F. Bergeron-Canut ; D., 2021, p. 1152, obs. S. Vernac et Y. Ferkane ; RDT, 2021, p. 329, obs. S. Nadal. V. également Cass. soc., 21 avril 2022, n° 20-18.799, FS-D N° Lexbase : A48057UI, Procédures, 2022, 148, p. 23, comm. A. Bugada.
[8] V., pour un rappel des différentes étapes de cette affaire : S. Laulom, Avis commun aux pourvois n° B 22-16.028, K 22-16.082 et M 22-16.083 [en ligne].
[9] S. Laulom, Avis commun aux pourvois n° B 22-16.028, K 22-16.082 et M 22-16.083, p. 2 [en ligne].
[10] CE, 4 novembre 2020, n° 434518 et n° 434519, préc., Bull. Joly Travail, 2020, p. 44, obs. F. Bergeron-Canut.
[11] CE, 4 novembre 2020, n° 434518, préc., considérant n° 6 et n° 434519, préc., considérant n° 5. Les branches professionnelles pourraient, en effet, être assimilées aux quatre CCN identifiées dans le secteur du bâtiment. Les juges d’appel précisent d’ailleurs que ces conventions n’ont pas « fait l’objet, en application de l’article L. 2261-32 du Code du travail, d’une fusion préalable de leurs champs d’application » et restent donc a priori des branches distinctes.
[12] C. trav., art. L. 2152-6 N° Lexbase : L5720KGX, en ce qui concerne les organisations professionnelles d’employeurs ; C. trav., art. L. 2122-11 N° Lexbase : L3832IBK, pour les organisations syndicales.
[13] CE, 4 novembre 2020, n° 434518 et n° 434519, préc..
[14] S. Laulom, Avis commun aux pourvois n° B 22-16.028, K 22-16.082 et M 22-16.083 [en ligne], pp 2-3. En l’état, la représentativité des organisations syndicales est arrêtée au niveau de l’ensemble du secteur du bâtiment. Les organisations de salariés ont pourtant adressé une demande commune pour obtenir des arrêtés de représentativité dans le secteur des entreprises du bâtiment employant jusqu’à 10 salariés et dans celles qui emploient plus de 10 salariés. Les organisations ont fait face à une décision implicite de rejet et des recours sont actuellement pendants devant le Conseil d’État sur cette question.
[15] Cass. soc., 10 février 2021, n° 19-13.383, FS-P+R+I N° Lexbase : A20194GU.
[16] S. Laulom, Avis au pourvoi n° 19-13.383 [en ligne]. La CAPEB a organisé une réunion, le 7 juin 2018, en vue de la négociation d’un avenant portant sur la répartition de la quote-part revenant aux organisations syndicales. Le syndicat CFE-CGC-BTP n’a pas été convoqué à cette réunion et a engagé une action sollicitant sa participation à la négociation puis a demandé la suspension de l’accord signé. La FFB est également intervenue volontairement à l’instance.
[17] Cass. soc., 10 février 2021, n° 19-13.383, préc., Bull. Joly Travail, 2021, p. 35, note F. Bergeron-Canut ; RDT, 2021, p. 329, comm. S. Nadal. V. également A. Bugada, Pour plus de clarté et de transparence dans la restructuration des branches, JCP S, 2022, 1119 et Retour sur la contribution de la Cour de cassation au regroupement et à la restructuration des branches, JCP S, 2023, 1555.
[18] Ibid.
[19] Ibid. V. également la notice explicative relative à l’arrêt n° 213 du 10 février 2021, n° 19-13.383 [en ligne].
[20] Cass. soc., 21 avril 2022, n° 20-18.799, FS-D N° Lexbase : A48057UI.
[21] V. M. Hallot, La restructuration des branches professionnelles, LexisNexis, coll. Planète Social, Thèses, 2024, à paraître ; A. Bugada, La contribution de la loi du 8 août 2016 à la recomposition des branches, JCP S, 2016, 1442 ; A. Sauret et A. Bugada, Regards sur la nouvelle gouvernance de la branche, Gaz. Pal., 21 mars 2017, n° 12, p. 34 ; C. Frouin, Gouvernance et fonctionnement des branches : portrait de la CPPNI, JCP S, 2018, 1058. V. également C. trav., art. L. 2232-9 N° Lexbase : L0326LMZ.
[22] C. trav., art. L. 2261-32, I, 5° N° Lexbase : L7453MDE.
[23] S. Laulom, Avis commun aux pourvois n° B 22-16.028, K 22-16.082 et M 22-16.083 [en ligne], p. 3 : L’accord a été signé par les organisations patronales FFB, SCOP BTP, FFIE et les organisations syndicales FO, CFTC, CFE-CGC. Ce premier accord a fait l’objet d’une opposition majoritaire des syndicats CFDT, CGT et UNSA.
[24] Ibid., L’accord a été signé par la CAPEB et les organisations syndicales CFDT, CGT et UNSA.
[25] Cass. soc., 21 avril 2022, n° 20-18.799, FS-D N° Lexbase : A48057UI, Procédures, 2022, 148, p. 23, comm. A. Bugada ; Sur l’accord de champ, v. notamment M. Morand, Le regroupement des champs conventionnels ou l’accord de champ, Droit social, 2018, p. 894.
[26] V. M. Hallot, La restructuration des branches professionnelles, LexisNexis, coll. Planète Social, Thèses, 2024, à paraître, sur cette distinction entre restructuration organique et périmétrique.
[27] Cass. soc., 21 avril 2022, n° 20-18.799, préc., Procédures, 2022, 148, p. 23, comm. A. Bugada. La Cour de cassation adopte notamment ce raisonnement, en se fondant sur l’article L. 2261-34 du Code du travail N° Lexbase : L6674K93, pour admettre la participation à la négociation de l’UNSA qui « était représentative dans le champ couvert par la convention collective nationale concernant les ouvriers employés par les entreprises du bâtiment occupant jusqu'à dix salariés, soit une des quatre branches professionnelles dans le secteur du bâtiment préexistantes à la fusion ».
[28] Cons. const., décision n° 2019-816 QPC du 29 novembre 2019 N° Lexbase : A8689Z39, A. Bugada, Constitutionnalité réservée de la fusion imposée des champs conventionnels, JCP S, 2019, 1350 ; O. Dutheillet de Lamothe, Le Conseil constitutionnel valide le dispositif de restructuration des branches, SSL, 2019, n° 1886, p. 2 ; F. Bergeron-Canut, Dispositions relatives à la fusion des branches : une déclaration d’inconstitutionnalité et deux réserves d’interprétation, Bull. Joly Travail, 2020, p. 25 ; B. Gomes, Vers une reconnaissance constitutionnelle de la liberté de négociation collective, Droit social, 2020, p. 366 ; G. Loiseau, Réflexions à propos de la constitutionnalité de la liberté contractuelle en matière de négociation collective, RDC, juin 2020, p. 99 ; T. Lou, Regards constitutionnels sur la fusion imposée des branches professionnelles, Dr. ouvrier, 2020, n° 859, p. 85 ; M. Morand, Portée de la décision du Conseil constitutionnel sur la restructuration des branches, JCP S, 2020, act. 137 ; S. Nadal, Constitutionnalité a posteriori du dispositif légal de restructuration des branches, RDT, 2020, p. 200-204.
[29] A. Bugada, Retour sur la contribution de la Cour de cassation au regroupement et à la restructuration des branches, JCP S, 2023, 1555.
[30] Cass. soc., 21 avril 2022, n° 20-18.799, FS-D N° Lexbase : A48057UI, pt. n° 14. La cour estime que le périmètre de ces accords recouvre l’ensemble du secteur du bâtiment et que, par conséquent, les conditions de validités énoncées à l’article L. 2232-6 du Code du travail N° Lexbase : L1876INS sont réunies.
[31] Notice explicative relative à l’arrêt n° 213 du 10 février 2021, pourvoi n° 19-13.383 [en ligne] : « Il résulte ainsi de ces décisions complémentaires du Conseil d’État et de la Cour de cassation qu’en l’état du droit positif, la notion de branche, à laquelle le législateur n’a jamais souhaité donner de définition ou de contour précis jusqu’à présent, n’est pas figée par les contours dessinés par les conventions collectives nationales signées au fil du temps sur certains périmètres par les partenaires sociaux. Il peut y avoir négociation collective utile sur un champ qui couvre, totalement, ou partiellement, plusieurs périmètres ».
[32] Cass. soc., 21 avril 2022, n° 20-18.799, préc., pt. n° 18.
[33] Cass. soc., 15 mai 2024, n° 22-16.028, FS-B N° Lexbase : A49515BY. L’accord a été signé par la CAPEB, la CGT, la CFDT et l’UNSA.
[34] L’accord a été signé par la CAPEB, la CGT et la CFDT.
[35] L’action a été intentée par le syndicat FO et la CFE-CGC et la FFB se sont joints à cette demande.
[36] Cass. soc., 15 mai 2024, n° 22-16.028, préc., pt. n° 3.
[37] Cass. soc., 10 février 2021, n° 19-13.383, FS-P+R+I N° Lexbase : A20194GU, pt. 16.
[38] Cass. soc., 15 mai 2024, n° 22-16.028, préc., pt. 5. Les requérants ne manquent pas de rappeler cette situation, notamment pour faire valoir que les champs considérés ne peuvent être considérés comme des branches professionnelles.
[39] Cass. soc., 15 mai 2024, n° 22-16.028, préc., pt. 5.
[40] Cass. soc., 21 avril 2022, n° 20-18.799, préc.. Pour rappel, les juges estiment que le périmètre des accords CPPNI recouvrait l’ensemble du secteur et qu’il importait peu qu’aucune mesure de la représentativité des organisations syndicales n’ait été réalisée dans le périmètre des deux branches considérées.
[41] Cass. soc., 15 mai 2024, n° 22-16.028, pt. 15.
[42] V. supra, pour le détail de ces décisions.
[43] V. M. Hallot, La restructuration des branches professionnelles, LexisNexis, coll. Planète Social, Thèses, 2024, à paraître.
[44] Cass. soc., 21 avril 2022, n° 20-18.799, préc.. V. S. Laulom, Avis commun aux pourvois n° B 22-16.028, K 22-16.082 et M 22-16.083 [en ligne], p. 6 et s..
[45] Cass. soc., 15 mai 2024, n° 22-16.028, préc., pt. 15 : « les accords [portant sur l’apprentissage] avaient été conclus au sein de commissions paritaires permanentes de négociation et d'interprétation créées par accord procédant d'une fusion et d'une redistribution des branches existantes dans le secteur du bâtiment, ce dont il résultait qu'ils ne pouvaient être qualifiés d'accords interbranches, d'autre part que les accords litigieux avaient été négociés dans de nouveaux champs conventionnels, pour l'un, des entreprises occupant jusqu'à dix salariés et, pour l'autre, des entreprises occupant plus de dix salariés ».
[46] Cass. soc., 15 mai 2024, n° 22-16.028, préc., pt. 15.
[47] C. trav., art. L. 2261-19 N° Lexbase : L7753LGA, al. 2. Les accords, pour pouvoir être étendus, doivent également avoir été négociés au sein de cette commission.
[49] Ibid. p. 9. D’autant que cette liberté de négocier a fait l’objet d’une reconnaissance particulière par le Conseil constitutionnel. V. Cons. const., décision n° 2019-816 QPC du 29 novembre 2019, préc..
[50] Cass. soc., 10 février 2021, n° 19-13.383, préc., RDT, 2021, p. 329, comm. S. Nadal.
[51] S. Laulom, Avis commun aux pourvois n° B 22-16.028, K 22-16.082 et M 22-16.083 [en ligne], p. 10.
[52] Ibid.
[53] C. trav., art. L. 2261-19, al. 1 N° Lexbase : L7753LGA.
[54] C. trav., art. L. 2261-19, al. 2 N° Lexbase : L7753LGA.
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Réf. : Loi n° 2024-537, du 13 juin 2024, visant à accroître le financement des entreprises et l’attractivité de la France N° Lexbase : L5923MMC
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par Bruno Dondero, Agrégé des Facultés de droit, Professeur à l’École de droit de la Sorbonne (Université Paris 1), Avocat associé CMS Francis Lefebvre
Le 04 Juillet 2024
Mots-clés : loi « Attractivité » • sociétés commerciales • sociétés cotées • droit de vote multiple • augmentations de capital • décisions collectives
1. Un texte issu d’une proposition de loi. La proposition de loi visant à accroître le financement des entreprises et l’attractivité de la France [1] a connu un parcours parlementaire rapide, ce qui s’explique par le fait que la procédure accélérée a été appliquée au texte. Cela n’a pas empêché la proposition de faire l’objet de discussions ardentes ni de recevoir un certain nombre de modifications et d’enrichissements au cours des travaux parlementaires. En trois mois, la proposition est donc devenue une loi définitive (ci-après loi « Attractivité »), et en l’occurrence un des derniers textes à être adoptés avant la dissolution de l’Assemblée nationale du 9 juin 2024.
2. Questions non traitées dans le présent commentaire. La loi nouvelle traite d’une grande diversité de questions dont certaines ne seront pas approfondies dans le cadre du présent commentaire. Précisons tout d’abord que l’on n’abordera pas le titre II de la loi, consacré aux « titres transférables » [2]. Ceux-ci sont définis par l’article 14, I, de la loi comme « l’écrit qui représente un bien ou un droit et qui donne à son porteur le droit de demander l’exécution de l’obligation qui y est spécifiée ainsi que celui de transférer ce droit » et ils comprennent notamment les lettres de change, les billets à ordre, les bordereaux Dailly, les connaissements maritimes et fluviaux, mais pas les chèques ni les « instruments financiers régis par le titre Ier du livre II du Code monétaire et financier ». Des règles générales sont édictées par les articles 15 et 16 de la loi, tandis que l’article 17 insère dans différents codes des règles propres aux titres dont le régime est modifié [3]. On signalera également que la loi nouvelle fait évoluer les régimes des FCPR et des FCPE ainsi que de l’assurance-vie [4] et du secteur de l’ESS (on reviendra tout de même sur certains points touchant ce domaine un peu plus loin) [5], la question de l’utilisation des sommes placées sur un plan épargne entreprise [6] ou sur un plan d’épargne retraite [7], ou encore celle du démarchage portant sur un plan d’épargne retraite d’entreprise collectif [8]. Les règles de coopération entre autorités financières [9] et la procédure devant l’AMF [10] connaissent des retouches, tandis que la compétence de la Chambre commerciale internationale de la cour d’appel de Paris en matière d’arbitrage international est consacrée [11]. On évoquera encore des modifications apportées aux règles sur les indemnités de licenciement de certains personnels des établissements financiers [12] ou à celles sur les communications portant sur la réalisation d’opérations sur des valeurs étrangères [13].
3. Deux grands champs pour le droit des sociétés. Si l’on se limite au droit des sociétés, on trouve dans le texte deux grands domaines traités. Le premier champ est abordé par le titre I de la loi, intitulé « Renforcer les capacités de financement des entreprises depuis la France ». C’est au sein de ce titre que l’on trouve la mesure phare du texte, consistant à introduire dans les sociétés cotées en bourse des actions à droit de vote multiple. On trouve aussi des retouches apportées au régime des augmentations de capital. Le second domaine traité correspond au titre III de la loi, intitulé « Moderniser, simplifier et renforcer l’attractivité du droit en faveur de l’économie française », et on y trouve notamment une batterie de mesures visant à assouplir la prise des décisions collectives par les associés. Revenons successivement sur ce titre I et sur ce titre III.
TITRE I : RENFORCER LES CAPACITÉS DE FINANCEMENT DES ENTREPRISES DEPUIS LA FRANCE
I. Introduction des actions à droit de vote aménagé (multiple) dans les sociétés cotées
4. Présentation. Il s’agit là d’une mesure phare de la nouvelle loi, qui reprend certaines suggestions exprimées par le HCJP dans un rapport publié en 2022 [14], et qui a donné lieu à des discussions très vives lors des travaux parlementaires [15]. L’article 1er, 6°, de la loi introduit dans le chapitre du Code de commerce relatif aux sociétés cotées un article L. 22‑10‑46‑1 N° Lexbase : L6143MMH qui permet de créer des « actions de préférence dont le droit de vote est aménagé », ceci « dans le cadre de la première admission aux négociations des actions de la société sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral de négociation ». Précisons que le texte parlant de « créer » ces nouvelles « actions de préférence dont le droit de vote est aménagé » (que nous appellerons ici « ADVA »), il doit être possible tant d’émettre directement de nouveaux titres que de convertir des titres existants en ces nouvelles actions.
5. Place de la réglementation nouvelle par rapport aux ADP. Il ne fait pas de doute que les ADVA nouvellement instituées sont soumises, pour ce qui n’est pas édicté par la loi « Attractivité », par le régime des actions de préférence (ADP) figurant aux articles L. 228-11 et suivants du Code de commerce N° Lexbase : L6201MMM. Un renvoi au nouveau régime est d’ailleurs inséré à l’article L. 228-11 encadrant les ADP [16]. Se pose cependant la question de savoir dans quelle mesure le nouveau régime s’applique à toutes les ADP que pourraient émettre des sociétés cotées et dont le droit de vote serait aménagé. Dès lors que ces actions voient le droit de vote qu’elles confèrent être aménagé, se trouve-t-on soumis au nouveau régime, ce qui aura par exemple pour conséquence que les avantages conférés auront nécessairement un caractère intuitu personae ? Une autre conséquence serait que ces actions se verraient obligatoirement appliquer la règle selon laquelle « une action de préférence ne donne droit qu'à une voix » pour une série de décisions données. Il nous semble qu’en pratique la question devrait se poser assez rarement, puisque c’est sans doute avant tout pour bénéficier du droit de vote multiple que la création d’ADP devrait intervenir lors d’une première cotation. La lettre du texte n’exclut cependant pas l’application du nouveau régime en dehors de l’attribution d’un droit de vote multiple stricto sensu.
A. Caractéristiques
1°) Champ d’application
6. Sociétés concernées. Les sociétés concernées par le nouveau dispositif sont donc des sociétés par actions qui font admettre leurs actions aux négociations sur un marché réglementé ou un SMN. Bien que le financement des PME et ETI ait été mis en avant lors des travaux parlementaires [17], l’article L. 22-10-46-1 introduit dans le Code de commerce ne formule pas d’exigence en matière de taille de l’entreprise. On notera simplement que l’utilisation du dispositif est permise « dans le cadre de la première admission aux négociations des actions de la société sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral de négociation », formule légèrement ambiguë dont il nous semble qu’elle rend les ADVA utilisables une seule fois par société – « dans le cadre » de cette première cotation, donc. Le texte n’appréhende pas la question de la modification des droits conférés par les ADVA une fois celles-ci créées, à l’exception du « renouvellement » de leur durée.
7. Bénéficiaires. L’article L. 22-10-46-1, I, prévoit que les ADVA ne peuvent être créées « qu’au bénéfice d’une ou de plusieurs personnes nommément désignées ». Ces actions sont en réalité des titres intuitu personae, puisque leur cession à une autre personne physique ou morale que le bénéficiaire initial entraîne leur conversion en action ordinaire [18].
2°) Étendue des droits conférés
a) Droit de vote multiple
8. Droits conférés. Le législateur a procédé en plusieurs temps, au sein de l’article L. 22-10-46-1, I, pour indiquer quelles sont les prérogatives particulières conférées par les nouveaux titres qu’il a créés. Il est d’abord indiqué qu’il s’agit d’« actions de préférence dont le doit de vote est aménagé », avant que soit précisé le caractère nécessairement intuitu personae des actions en question, puis les limites admissibles du droit de vote multiple. Cela suscite des interrogations, ainsi que nous l’avons évoqué [19] : toute création d’une ADP à droit de vote aménagé doit-elle se couler dans le moule défini par la loi du 13 juin 2024 ?
9. Étendue et limites du droit de vote multiple. La caractéristique particulière des ADVA prévue par le législateur, qui est la seule encadrée par lui, et aussi celle qui est la plus innovante, est celle d’un droit de vote multiple. Il est en effet prévu par l’article L. 22-10-46-1, I, que « pour les sociétés dont les titres sont admis à la négociation sur un système multilatéral de négociation, le ratio entre les droits de vote attachés à une action de préférence et ceux attachés à une action ordinaire ne peut excéder vingt‑cinq pour un et doit être un nombre entier ». Cela donne une idée de ce qu’a voulu le législateur et du niveau d’avantage politique qu’il admet de voir accorder aux porteurs d’ADVA. Il est cependant intrigant que le texte nouveau ne prévoie pas de plafond pour les sociétés dont les actions sont cotées sur un marché réglementé.
10. La question des sociétés dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé. On pourrait avoir un doute à la lecture du texte : serait-il concevable que le droit de vote multiple soit en réalité exclu de ces sociétés ? La réponse n’est sans doute pas celle-là, car si l’article L. 225-122 du Code de commerce N° Lexbase : L6135MM8 maintient le principe selon lequel « le droit de vote attaché aux actions de capital ou de jouissance est proportionnel à la quotité de capital qu’elles représentent », toute clause contraire étant réputée non écrite, la loi « Attractivité » ajoute à la liste des dispositions faisant exception à ce principe, précisément, l’article L. 22-10-46-1 du Code de commerce [20]. On peut donc supposer raisonnablement que le législateur, s’il s’est abstenu de plafonner le droit de vote multiple des ADVA dans les sociétés dont les actions sont cotées sur un marché réglementé, n’a pas gardé le silence au motif qu’il considérerait que ce droit de vote multiple n’avait pas lieu d’être dans ces sociétés. Un élément troublant réside toutefois dans les mots d’ouverture du nouvel article L. 22-10-46-1 : si l’on a pris la peine de renvoyer à l’article L. 225-122 et donc sans doute d’instituer une exception à la règle de proportionnalité, le texte encadrant les ADVA commence tout de même par les mots « sans préjudice de l’article L. 225‑122 » [21]. Cette expression a sa part d’ambiguïté, et si l’on lit le Guide de légistique [22], elle indiquerait que l’on n’entend pas écarter la règle visée, ce qui devrait au contraire être le cas pour les ADVA… Si l’on retient donc – ce qui est notre position – que le droit de vote multiple n’est pas plafonné par le législateur dans le cadre d’un marché réglementé, il est cependant concevable qu’un ratio trop important, qui verrait une ADVA emporter plusieurs centaines de droits de vote, par exemple, se heurterait à l’article 1844 du Code civil N° Lexbase : L2412LRR, en ce que les actionnaires porteurs d’autres actions verraient leur pouvoir politique ramené à quasiment rien. Notons tout de même que la Chambre commerciale de la Cour de cassation a, par un arrêt récent, sans répondre directement à cette question, traité du sort d’actions de préférence qui comportaient cent droits de vote par action sans laisser entendre que cet avantage pourrait être problématique à ses yeux [23].
11. Exclusion du droit de vote multiple. Le législateur a écarté le droit de vote multiple des ADVA dans une série d’hypothèses énoncées par l’article L. 22-10-46-1, IV, pour lesquelles il est prévu qu’« une action de préférence ne donne droit qu’à une voix ». Cela vise cinq domaines d’intervention de l’assemblée générale des actionnaires : (i) les résolutions relatives à la désignation des commissaires aux comptes [24] ; (ii) les résolutions relatives à l’approbation des comptes annuels [25] ; (iii) les résolutions relatives à la modification des statuts de la société, hors cas d’augmentation de capital [26] ; (iv) les résolutions « soumises en application des deuxième et troisième alinéas de l’article L. 225‑40 N° Lexbase : L5632LQN » [27] et (v) les résolutions relatives à la politique de rémunération des mandataires sociaux mentionnées au II de l’article L. 22‑10‑8 N° Lexbase : L2240LYM ainsi que les résolutions mentionnées aux I et II de l’article L. 22‑10‑34 N° Lexbase : L2256LY9 [28]. Ces différentes décisions voient donc les titulaires d’ADVA privés de leur droit de vote multiple.
12. Imprécision des cas visés. On regrettera que certains des cas d’exclusion soient ambigus ou incomplets. On se demandera ainsi si la référence aux « résolutions relatives à l’approbation des comptes annuels » ne vise que l’approbation des comptes stricto sensu, ou s’il faut également priver les ADVA de leur droit de vote multiple lorsque sont votées les résolutions relatives à l’affectation du résultat ? Quant à la référence aux conventions réglementées, on s’étonnera qu’elle n’envisage que la situation de la SA à conseil d’administration. Par ce qui est sans doute un oubli, le droit de vote multiple se trouve maintenu lorsqu’il s’agit d’approuver les conventions réglementées dans le cadre d’une SA à directoire et conseil de surveillance, puisque c’est une disposition qui n’est pas visée – l’article L. 225-88 N° Lexbase : L5631LQM – qui trouve alors à s’appliquer. L’exclusion du droit de vote multiple devrait en revanche s’appliquer dans le cadre d’une SCA, dès lors qu’un renvoi à l’article L. 225-40 N° Lexbase : L5632LQN est opéré par l’article L. 226-10 N° Lexbase : L2201LY8. La situation des SE est quant à elle relativement mystérieuse, si l’on se souvient que sans qu’elles soient formellement soumises à l’article L. 225-40, il leur est demandé par l’article L. 229-7 N° Lexbase : L3835HBN que leurs statuts « prévoi[ent] des règles similaires à celles énoncées aux articles L. 225-38 N° Lexbase : L8876I37 à L. 225-42 N° Lexbase : L5630LQL et L. 225-86 N° Lexbase : L8878I39 à L. 225-90 N° Lexbase : L5629LQK »… Il nous semble cependant que l’exclusion du droit de vote multiple devrait jouer dans ces sociétés.
13. Exclusion possible en cas d’offre publique et indemnisation. Si la série d’exclusions de l’application du droit de vote multiple des ADVA qui vient d’être évoquée apparaît ne pas pouvoir connaître de dérogations au vu de la formulation employée (« une action de préférence ne donne droit qu'à une voix lorsque l'assemblée générale des actionnaires statue sur […] »), il en va différemment d’une autre série d’hypothèses qui concernent la situation d’une « offre publique ». Ce sont en effet « les statuts de la société » qui dans cette situation « peuvent prévoir » qu’« une action de préférence ne donne droit qu’à une voix ». Cela est possible, d’une part, « lors de l’assemblée générale des actionnaires qui arrête toute mesure prévue par les statuts de la société dont la mise en œuvre est susceptible de faire échouer l’offre publique » [29] et, d’autre part, « lors de la première assemblée générale des actionnaires suivant la clôture de l’offre publique lorsque, à l’issue de celle‑ci, son auteur détient au moins les trois quarts du capital social assorti de droits de vote » [30]. Dans l’hypothèse où il est fait application de l’une de ces deux exclusions du droit de vote multiple, il est exigé que « les statuts de la société prévoient une indemnisation équitable des pertes enregistrées par les titulaires d’actions de préférence, dans des conditions et selon des modalités déterminées par décret en Conseil d’État » [31].
b) Rapport avec le droit de vote double
14. Rapport avec le droit de vote double. L’article L. 22-10-46-1, I, écarte expressément et sans ambiguïté la possibilité que les ADVA puissent conférer un droit de vote double en application des articles L. 225-123 du Code de commerce N° Lexbase : L2085LYU (droit de vote double prévu par les statuts) ou L. 22-10-46 N° Lexbase : L6142MMG (droit de vote double prévu par principe par le législateur dans les sociétés dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé). Ce dernier texte est même enrichi d’une précision expresse qui fait double emploi avec l’exclusion déjà mentionnée à l’article L. 22-10-46-1, I. On comprend bien l’idée de vouloir éviter que le pouvoir potentiellement gigantesque des ADVA se trouve en outre faire l’objet d’un doublement des droits de vote utilisables.
15. Résurgence du droit de vote double. Le droit de vote double est cependant retrouvé par les ADVA soit ponctuellement, soit définitivement. Il est retrouvé ponctuellement lorsque ces titres sont en situation d’exercer un droit de vote simple, parce que trouvent à s’appliquer soit les cas légaux de privation du droit de vote multiple, soit les cas statutaires de privation du droit de vote multiple en cas d’offre publique, dans les conditions de l’article L. 22-10-46-1, IV [32]. Le droit de vote double est par ailleurs retrouvé définitivement en cas de conversion des ADVA en actions ordinaires, puisque le III de l’article L. 22-10-46-1 dispose que les « actions ordinaires ainsi substituées aux actions de préférence », ce qui vise les différentes hypothèses de conversion automatique, « confèrent un droit de vote double identique à celui conféré aux autres actions lorsqu’elles respectent les conditions prévues aux articles L. 225‑123 et L. 22‑10‑46 », étant précisé que pour l’application de ces deux textes, « il est tenu compte de la durée de l’inscription au nom du titulaire des actions de préférence converties en actions ordinaires » [33].
16. Durée des prérogatives spécifiques. Par une formule trompeuse, l’article L. 22-10-46-1, II, dispose que « les actions de préférence sont créées pour une durée déterminée ou déterminable qui ne peut excéder dix ans », ce qui laisse entendre que l’on aurait affaire à des titres à durée déterminée. En réalité, ce n’est pas ainsi que cela fonctionne, car l’expiration de la durée précitée voit l’ADVA être automatiquement convertie en action ordinaire, aux termes du III du même texte. La durée est donc prévue par les statuts de l’entité concernée, et elle est plafonnée par le législateur à dix ans, avec la possibilité d’un renouvellement, ainsi qu’on le verra.
B. Régime des actions à droit de vote multiple
1°) Création
17. Création. Ainsi qu’on l’a dit précédemment, parce que l’article L. 22-10-46-1 évoque la possibilité de « créer » des actions de préférence sans préciser davantage les modalités de cette création, il doit être possible tant d’émettre de nouveaux titres que de créer les ADVA par conversion de titres existants. Les règles préexistantes régissant la création d’ADP, particulièrement les articles L. 228-14 N° Lexbase : L8371GQ4 et L. 228-15 N° Lexbase : L2236LYH du Code de commerce, doivent s’appliquer sans dérogation particulière.
2°) Disparition
18. Arrivée du terme et renouvellement. Par une formule dont on a évoqué le caractère trompeur, il est indiqué par l’article L. 22-10-46-1, II, que les ADVA sont « créées pour une durée déterminée ou déterminable qui ne peut excéder dix ans ». Cette durée peut être renouvelée par l'assemblée générale extraordinaire des actionnaires statuant au vu d'un rapport spécial des commissaires aux comptes de la société, dans des conditions qui seront définies par un décret en Conseil d'État. Une exclusion de vote est prévue par le texte précité, à peine de nullité de la délibération : il est en effet prévu que « les titulaires des actions de préférence ne peuvent prendre part, directement ou indirectement, au vote sur le renouvellement de cette durée » et que « les actions de préférence qu'ils détiennent ne sont pas prises en compte pour le calcul du quorum ni de la majorité, à moins que l'ensemble des actionnaires soient titulaires d'actions de préférence ». Cette exclusion de vote suscite une interrogation dans l’hypothèse où une partie des ADVA seulement viendrait à faire l’objet d’une prorogation : faut-il comprendre que sont privées de droit de vote ces seules actions ou bien cela affecte-il l’ensemble des ADVA émises par la société ? Cette dernière lecture nous semble devoir être retenue, à la lettre du texte. Notons encore que le « renouvellement », qui ne doit pas emporter création de nouvelles ADVA, ne peut intervenir qu'une fois et pour une durée ne pouvant excéder cinq ans.
19. Conversion en actions ordinaires. Les ADVA sont converties en actions ordinaires, de plein droit faut-il comprendre (« chaque action de préférence mentionnée au I du présent article est convertie en action ordinaire », aux termes de l’article L. 22-10-46-1, III), dans plusieurs hypothèses distinctes, mais dont certaines sont plus délicates à appréhender que d’autres. La première hypothèse est celle de l’expiration de la durée de vie des actions de préférence [34]. La deuxième hypothèse est celle de l’« ouverture de l’une des procédures judiciaires régies par les titres III et IV du livre VI du [ Code de commerce] », ce qui désigne les procédures de redressement judiciaire et de liquidation judiciaire [35]. Le texte ne précise pas qui doit être concerné par l’ouverture de la procédure, mais il nous semble qu’il doit s’agir de la société émettrice des actions de préférence. La troisième hypothèse vise des cas où les actions changent de titulaire, directement ou non, puisque l’on énumère le « transfert en propriété », le « transfert par voie de succession, de liquidation de communauté de biens entre époux ou de donation entre vifs », et enfin le « changement de contrôle » et la « dissolution de l’actionnaire personne morale » [36].
20. Information particulière. Il est demandé par la loi « Attractivité » que « les informations relatives au nombre et à la durée des actions de préférence » issues de la loi nouvelle ainsi qu’à « l’identité des bénéficiaires desdites actions » et « aux droits de vote qui leur sont attachés en fonction des résolutions d’assemblée générale » soient « publiées selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État » [37].
II. Réforme des augmentations de capital
21. Augmentations de capital avec suppression du DPS. L’article 9 de la loi « Attractivité » apporte différentes retouches au régime des augmentations de capital sans droit préférentiel de souscription (DPS) encadrées par les articles L. 225-135 et suivants du Code de commerce N° Lexbase : L2083LYS.
A. Rehaussement du plafond des augmentations de capital adressées à des investisseurs qualifiés ou à un cercle restreint d’investisseurs
22. Augmentations de capital avec certaines offres au public. C’est tout d’abord le plafond des émissions de titres de capital sans DPS, réalisées par une offre visée au 1 de l'article L. 411-2 du Code monétaire et financier N° Lexbase : L3763I3R, qui est rehaussé [38]. Sont concernées les offres réservées exclusivement à un cercle restreint d’investisseurs agissant pour compte propre ou à des investisseurs qualifiés. L’article L. 225-136, 2°, limitait cette émission à 20 % du capital social par an ; le seuil est désormais fixé à 30% [39].
B. Assouplissement du mode de fixation du prix dans les sociétés cotées
23. Dispositif visé. Est ensuite modifié l’article L. 22-10-52 du Code de commerce N° Lexbase : L2096LYB, qui permet aux sociétés dont les titres de capital sont admis aux négociations sur un marché réglementé de bénéficier de règles souples pour procéder à des émissions de titres de capital sans DPS par une offre au public, dans la mesure où les titres de capital à émettre de manière immédiate ou différée sont assimilables aux titres cotés.
24. Fixation du prix par le conseil d’administration ou le directoire. Jusqu’à présent, il était prévu que le prix d'émission de titres de capital sans DPS par une offre au public devait être fixé selon des modalités prévues par décret en Conseil d'État pris après consultation de l'AMF – en l’occurrence par l’article R. 22-10-32 du Code de commerce N° Lexbase : L7812LZD. Il était par ailleurs permis à l’AGE d’autoriser le conseil d’administration ou le directoire, dans la limite de 10 % du capital social par an, à fixer le prix d'émission selon des modalités que cette assemblée déterminait au vu d'un rapport du conseil ou du directoire et d'un rapport spécial du commissaire aux comptes. Il est désormais prévu que le prix d'émission de ces mêmes titres de capital sans DPS par une offre au public peut, sur délégation de l'assemblée générale extraordinaire, être librement fixé par le conseil d'administration ou le directoire et sans qu’un seuil soit prévu [40]. Ce n’est plus d’autorisation qu’il est question, mais de délégation [41] et c’est lorsqu’il est fait usage de celle-ci que le conseil d'administration ou le directoire doit établir un rapport complémentaire, certifié par le commissaire aux comptes, décrivant les conditions définitives de l'opération et donnant des éléments d'appréciation de l'incidence effective sur la situation de l'actionnaire.
25. Entrée en vigueur. Cette partie de la réforme entre en vigueur trois mois après la promulgation de la loi [42], c’est-à-dire le 13 septembre 2024 (ou le 14 septembre si l’on prend au pied de la lettre l’expression « trois mois après »). Il est par ailleurs prévu par ce même texte que « les modalités de fixation du prix d'émission déterminées par l'assemblée générale des actionnaires avant cette date par référence aux dispositions légales et réglementaires demeurent applicables, le cas échéant dans leur rédaction en vigueur à la date de ladite assemblée ».
C. Augmentation de capital réservée à des personnes nommément désignées
26. Pouvoirs accrus conférés au conseil d’administration et au directoire. Un nouvel article L. 22-10-52-1 N° Lexbase : L6145MMK est inséré dans le chapitre du Code de commerce relatif aux sociétés cotées [43]. Sont concernées les sociétés dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral de négociation soumis au II de l'article L. 433-3 du Code monétaire et financier N° Lexbase : L9611IZY (Euronext Growth en pratique), et pour lesquelles est mise en œuvre une augmentation de capital dont on souhaite qu’elle soit réservée à une ou à plusieurs personnes nommément désignées. Le nouveau texte permet que l'assemblée générale extraordinaire délègue au conseil d'administration ou au directoire le pouvoir de désigner les personnes bénéficiaires, dans la limite de 30 % du capital social par an. Cette évolution est destinée à accroître le pouvoir de négociation de l’organe de direction lors de la discussion des conditions de l’augmentation de capital avec les bénéficiaires pressentis, en lui permettant de discuter avec plusieurs investisseurs et en lui évitant de devoir solliciter un nouveau vote de l’assemblée générale en cas d’échec des discussions [44].
27. Régime de la nouvelle augmentation. Le régime de cette augmentation bénéficiant à des personnes désignées par le conseil d’administration ou le directoire est encadré par le nouveau texte. Il est d’abord prévu que si la personne nommément désignée est administrateur ou membre du directoire, elle ne peut prendre part ni aux délibérations ni aux votes du conseil d'administration ou du directoire sur l'opération. Il est également précisé que la procédure prévue aux articles L. 225-147 N° Lexbase : L5333MKQ et L. 22-10-53 N° Lexbase : L6146MML du Code de commerce n'est pas applicable. S’agissant du prix d'émission des actions, il est prévu que celui-ci est fixé par le conseil d'administration ou le directoire, selon des modalités prévues par décret en Conseil d'État. Il est enfin prévu que lorsque le conseil d’administration ou le directoire fait usage de la délégation, il établit un rapport complémentaire à l'assemblée générale ordinaire suivante, qui décrit les conditions définitives de l'opération. Ce rapport doit être certifié par le commissaire aux comptes, s'il existe.
28. Entrée en vigueur. Cette partie de la réforme fait l’objet d’une règle particulière, puisqu’il est prévu qu’elle entre en vigueur « à une date fixée par décret en Conseil d'État, et au plus tard trois mois après la promulgation de la présente loi » [45].
D. Augmentation de capital par apports en nature à une société cotée
29. Rehaussement du plafond légal. La dernière mesure concernant les augmentations de capital est relative à la délégation que l’assemblée générale extraordinaire d'une société dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé pouvait déjà conférer au conseil d'administration ou au directoire, pour une durée maximale de vingt-six mois, aux fins de procéder à une augmentation de capital en vue de rémunérer des apports en nature consentis à la société et constitués de titres de capital ou de valeurs mobilières donnant accès au capital, ceci lorsque les dispositions de l'article L. 22-10-54 N° Lexbase : L2095LYA ne sont pas applicables [46]. Jusqu’à présent, l’augmentation visée par cette délégation était plafonnée à 10 % du capital social ; ce plafond est porté à 20 % [47].
III. Autres mesures
A. Négociabilité étendue des promesses d’actions
30. Inclusion des SMN. L’article L. 228-10 du Code de commerce N° Lexbase : L6182MMW formule, avant comme après l’entrée en vigueur de la loi « Attractivité », un principe d’interdiction de la « négociation de promesse d’actions ». Le texte comportait une exception visant les actions à créer dont l’admission sur un marché réglementé a été demandée ou l’augmentation de capital d’une société dont les actions anciennes sont déjà admises aux négociations sur un tel marché. Pour l’une et l’autre exception, la loi « Attractivité » inclut désormais les systèmes multilatéraux de négociation [48].
B. Mesures visant les coopératives et les entreprises de l’ESS
31. Différentes mesures. On ne reviendra pas sur les questions de fiscalité applicables aux entreprises de l’ESS [49], mais simplement sur quelques évolutions particulières.
1°) Extension du domaine de l’ESS
32. Quatre conditions plus une nouvelle, ce qui fait… quatre (!). L’article 2 de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 N° Lexbase : L8558I3D mentionnait jusqu’à présent quatre domaines qui relevaient de l’utilité sociale – présentés comme « quatre conditions » – et il fallait, pour que les entreprises soient « considérées comme poursuivant une utilité sociale au sens de la [loi n° 2014-856] », que leur objet social satisfasse « à titre principal à l'une au moins des quatre conditions ». Le texte continue à se référer à quatre conditions, mais il en est ajouté par la loi « Attractivité » une cinquième qui porte sur le fait de « concourir à la préservation et à la mise en valeur des monuments historiques et des sites, parcs et jardins protégés » [50]. Cette extension porte aussi sur la possibilité d’obtenir l’agrément « entreprise solidaire d'utilité sociale » [51].
2°) Règles applicables aux coopératives
33. Extension de l’autorisation d’émettre des titres participatifs. L’article L. 228-36 du Code de commerce N° Lexbase : L0059LNI permettait jusqu’à présent le recours au titres participatifs aux seules sociétés coopératives constituées sous la forme de SA ou de SARL. Ce sont également les coopératives ayant choisi la forme de SAS qui peuvent recourir à cet instrument [52]. Se trouve ainsi satisfaite une demande émanant de la doctrine [53].
34. Départ de l’associé de SCIC. La société coopérative d’intérêt collectif (SCIC) est régie par les articles 19 quinquies et suivants de la loi n° 47-1775, du 10 septembre 1947, portant statut de la coopération N° Lexbase : L4471DIG. L’article 19 nonies soustrait la SCIC à différentes dispositions régissant les coopératives, dont faisait partie le deuxième alinéa de l’article 18 de la loi précitée, qui donne droit à l’associé retrayant, radié ou exclu, dans le silence des statuts, à une part de la réserve que les sociétés coopératives peuvent constituer à cette fin. Cette disposition ne fait désormais plus partie de celles dont les SCIC sont exclues [54].
C. Droit financier
1°) Instruments financiers en général
35. Fractionnement des instruments financiers. L’article 13 de la loi « Attractivité » habilite le Gouvernement à intervenir par voie d’ordonnance, dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la loi, pour prendre « toute mesure relevant du domaine de la loi permettant de créer un régime de fractionnement des instruments financiers », notamment en définissant les modalités de fractionnement d'un instrument financier, en définissant un régime de propriété pour l'acquisition et la détention des instruments financiers fractionnés, en étendant les droits associés aux différentes catégories d'instruments financiers dans les cas de fractionnement, en adaptant les règles de commercialisation et de négociation des instruments financiers aux fins de préciser leur application en cas de fractionnement ou bien encore en déclinant le régime de protection des investisseurs pour prendre en compte le fractionnement.
2°) PEA
36. Emploi des sommes placées sur un PEA. L’article L. 221-31 du Code monétaire et financier N° Lexbase : L1766IZG est modifié, en ce qu’il prévoit l’emploi possible pour les sommes versées sur un PEA. Sont ajoutés les « droits ou bons de souscription ou d’attribution attachés » aux titres mentionnés aux a) et b) du 1° du I du texte, qui recouvrent notamment les actions ordinaires, les parts de SARL ou de sociétés dotées d'un statut équivalent et titres de capital de sociétés régies par la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération [55]. Est également élargi le champ des sociétés dont les titres sont admissibles [56].
TITRE III : MODERNISER, SIMPLIFIER ET RENFORCER L'ATTRACTIVITÉ DU DROIT EN FAVEUR DE L'ÉCONOMIE FRANÇAISE
I. Faciliter la prise des décisions collectives et des organes d’administration et de surveillance
37. Pas de grand soir des nouvelles technologies – question des SAS. On a reproché à notre droit des sociétés de rester « timoré dans l’accueil des nouvelles technologies » [57]. Il est vrai que l’on n’assiste pas encore au grand soir de l’assemblée dématérialisée des associés, en dépit de l’expérience acquise pendant la pandémie de Covid-19 [58], et qu’il n’y a pas de reconnaissance générale d’une équivalence entre la présence physique et la présence dématérialisée. On regrettera aussi que la SAS, qui a franchi récemment la barre des 1,6 million d’unités en France, ait été entièrement laissée de côté, là où il aurait été simple de mettre en place une règle supplétive d’admission du recours à la convocation électronique ou bien encore, de manière plus audacieuse, de prévoir que sont réputés présents pour le calcul du quorum et de la majorité les associés qui participent aux décisions collectives par des moyens de télécommunication permettant leur identification, ceci sauf si les statuts en disposent autrement.
38. Entrée en vigueur. Toutes les mesures relatives à la dématérialisation des décisions des assemblées et des organes d’administration et de surveillance figurent à article 18 de la loi « Attractivité », dont il est prévu qu’il entrera « en vigueur à une date fixée par décret en Conseil d'État, et au plus tard trois mois après la promulgation de la présente loi » [59].
A. Sociétés civiles
39. Consultation écrite des associés de société civile par voie électronique. Les sociétés civiles sont la première forme sociale utilisée en France en nombre de sociétés. On pouvait espérer qu’un peu plus soit fait que la simple admission opérée par un ajout à l’article 1853 du Code civil N° Lexbase : L2050ABK de la consultation écrite par voie électronique. Le texte continue à ériger en principe la prise des décisions en assemblée des associés et à requérir une stipulation statutaire particulière pour recourir à la consultation écrite. Simplement, il est désormais expressément affirmé que les statuts qui autorisent cette modalité de décision collective peuvent prévoir qu’elle se fait « y compris par voie électronique, selon les délais et les modalités qu'ils définissent » [60]. L’emploi des termes « y compris » laisse entendre que les statuts d’une société civile ne devraient pas pouvoir instituer une consultation écrite intégralement électronique, mais le sens de l’expression est sans doute que les statuts peuvent prévoir une consultation écrite et qu’ils peuvent aussi autoriser que celle-ci se fasse sous format électronique. Il conviendra que le décret d’application à intervenir modifie l’article 42 du décret n° 78-704 du 3 juillet 1978 N° Lexbase : L1376AIS, qui impose le recours à la LRAR pour l’envoi du texte des résolutions proposées ainsi que des documents nécessaires à l’information des associés. Ajoutons encore que l’emploi du format électronique devrait valoir aussi bien pour l’envoi aux associés que pour la réponse que ceux-ci adresseront, du moins si les statuts le prévoient.
B. Sociétés en nom collectif
40. Consultation écrite des associés en nom par voie électronique. La même modification qu’en matière de société civile est apportée au régime de la SNC [61]. On notera simplement que le recours à la consultation écrite électronique, s’il est autorisé par les statuts, devrait être écarté dans les mêmes hypothèses que peut déjà l’être la consultation écrite « classique », notamment pour l’approbation annuelle des comptes [62]. On relèvera aussi que le législateur n’a pas cueilli l’occasion qui se présentait à lui de consacrer la solution jurisprudentielle récente qui a vu la Cour de cassation admettre que l’on puisse recourir au panachage, à la condition que les statuts le prévoient [63].
C. SARL
41. Quatre modifications. L’article 18, II, 2°, de la loi nouvelle apporte quatre modifications au droit applicable à la SARL, prenant toute place au sein de l’article L. 223-27 du Code de commerce N° Lexbase : L2428LRD.
1°) Disparition d’un verrou légal
42. Recul du recours imposé à une assemblée générale. La première modification est importante, puisque le législateur fait sauter le verrou légal qui empêchait jusqu’à présent que la décision d’approbation annuelle des comptes prévue par l’article L. 223-26 du Code de commerce N° Lexbase : L2117LGI soit prise par consultation écrite ou par acte unanime des associés. Une stipulation statutaire est toujours nécessaire pour autoriser le recours à l’une ou l’autre de ces modalités, mais il est intéressant de voir reculer l’obligation de recourir à une assemblée générale.
2°) Version électronique
43. Consultation écrite et acte unanime en version électronique. La deuxième modification concerne les deux modalités de prise des décisions collectives que sont la consultation écrite et l’acte unanime : il est précisé que lorsque les statuts autorisent le recours à ces modalités, il est possible de procéder « par voie électronique, selon les délais et les modalités [que les statuts] définissent ». Dans la mesure où les statuts doivent autoriser le recours à la consultation ou à l’acte unanime, il nous semble que les rédacteurs pourraient autoriser le recours à l’une ou l’autre des modalités de prise de décision collective, mais dans le même temps choisir de ne pas admettre le format électronique, qui pouvant le plus pouvant le moins. Plus délicate est la question du silence gardé par les statuts. La formule employée par l’article L. 223-27, alinéa 1er, laisse entendre qu’une intervention des statuts est nécessaire pour que le format électronique puisse être utilisé.
3°) Vote par correspondance
44. Introduction du vote par correspondance. La troisième modification concerne le vote par correspondance, ce qui n’a de sens que si l’on parle de l’assemblée, étant rappelé que l’article L. 223-27 s’ouvre par la phrase « les décisions sont prises en assemblée ». Il est désormais admis que « les statuts peuvent admettre le vote par correspondance au moyen d'un formulaire dont les mentions sont déterminées par décret en Conseil d'État ». Là encore, le législateur ne traite pas de la question de la possibilité de panacher les différents modes de consultation [64].
4°) Simplification terminologique
45. Simplification bienvenue. La quatrième et dernière modification procède d’une volonté bienvenue de simplifier le texte de la loi. Ce n’est sans doute pas avec ce type de mesure que l’on rendra notre droit des sociétés beaucoup plus clair, mais il serait regrettable de ne pas approuver la démarche. Là où le texte de l’article L. 223-27, 3ème alinéa, permettait aux statuts de prévoir qu’étaient réputés présents les associés qui participaient aux assemblées, hors approbation des comptes, « par visioconférence ou par des moyens de télécommunication permettant leur identification », il n’est plus fait référence qu’à « un moyen de télécommunication permettant leur identification » [65]. On reviendra un peu plus loin sur le caractère redondant de la formulation initiale [66].
D. SA
1°) Conseil d’administration de la SA
a) Règles applicables à toutes les SA
46. Un mouvement amorcé au début du siècle. Le mouvement avait été lancé avec la loi n° 2001-420, du 15 mai 2001, relative aux nouvelles régulations économiques N° Lexbase : L8295ASZ, qui avait admis, il y a plus de vingt ans, le recours à « des moyens de visioconférence ». Quelques années plus tard, la loi n° 2005-842, du 26 juillet 2005, pour la confiance et la modernisation de l'économie N° Lexbase : L5001HGC avait admis l’utilisation par les administrateurs de « moyens de visioconférence ou de télécommunication permettant leur identification et garantissant leur participation effective ». L’article L. 225-37 du Code de commerce N° Lexbase : L5908AIN prévoyait précisément la possibilité pour le conseil d’administration de la SA que soient réputés présents pour le calcul du quorum et de la majorité des administrateurs présents par visioconférence ou par un moyen de télécommunication à condition que l’instrument utilisé permette en toute hypothèse l’identification et la participation effective de la personne l’utilisant. L’utilisation de cette possibilité était soumise à plusieurs restrictions : (i) il fallait une stipulation spécifique du règlement intérieur – on se souviendra qu’ avait été évoquée la possibilité que les statuts autorisent directement ce recours [67] ; (ii) les statuts pouvaient toujours écarter cette possibilité ; (iii) les décisions d’arrêté des comptes visées aux articles L. 232-1 N° Lexbase : L8724IET et L. 233-16 N° Lexbase : L6319AIU étaient exclues du dispositif. La nouvelle rédaction résultant de la loi « Attractivité » change plusieurs points [68].
47. Absence de nécessité d’une stipulation autorisant la participation à distance. Il n’est désormais plus nécessaire que le règlement intérieur autorise la participation à distance, puisque cette modalité de participation au conseil est directement et expressément autorisée par l’article L. 225-37, 3ème alinéa, en sa nouvelle rédaction N° Lexbase : L2370LR9.
48. Maintien de la possibilité d’une exclusion statutaire ou par le règlement intérieur. Les statuts pouvaient s’opposer à la participation à distance, ils le peuvent encore aujourd’hui, étant précisé que la possibilité d’une stipulation écartant le vote à distance peut aussi se rencontrer désormais dans le règlement intérieur.
49. Suppression de l’exclusion relative à l’arrêté des comptes. L’exclusion du recours à des moyens de télécommunication pour la tenue du conseil d’administration pour les décisions relatives à l’arrêté des comptes ou des comptes consolidés disparaît [69].
50. Recours à un instrument de télécommunication. C’est ici œuvre de simplification terminologique qui est faite par le législateur. Là où le législateur de 2005 avait visé simultanément les « moyens de visioconférence ou de télécommunication », on déduit du caractère redondant de cette référence qu’il n’est pas nécessaire de mentionner la visioconférence qui relève des moyens de télécommunication. Notre éminent collègue et ami Paul Le Cannu écrivait en 2005 « que recouvre la “télécommunication” ? On peut penser qu'elle autorise à communiquer seulement par le son, sans l'image. Autrement, pourquoi la distinguer de la “visioconférence” ? » [70]. Mais il est vrai que la télécommunication devrait aussi inclure la visioconférence, surtout si on ne juxtapose pas les deux termes.
51. Extension du domaine de la consultation écrite. La loi n° 2019-744 du 19 juillet 2019 N° Lexbase : L1638LR4 avait introduit la possibilité pour les statuts d’autoriser les administrateurs à faire prendre les décisions du conseil par voie de consultation écrite. Simplement, ce n’était que pour une série de décisions limitativement énumérées que cette modalité était utilisable : convocation de l’assemblée générale des actionnaires ; nomination d’administrateurs à titre provisoire en cas de vacance par décès ou démission ; autorisation des cautions, avals et garanties ; mise en conformité des statuts avec les dispositions législatives ou réglementaires ; transfert du siège social dans le même département. La loi « Attractivité » étend cette possibilité, puisque les statuts peuvent désormais « prévoir que les décisions du conseil d'administration ou certaines d'entre elles peuvent être prises par consultation écrite des administrateurs, y compris par voie électronique, selon les délais et les modalités qu'ils définissent » [71]. Ne sont donc plus visées des décisions particulières. Simplement, il est simultanément exigé, si les statuts autorisent la consultation écrite, qu’un droit d’opposition au recours à cette modalité de décision soit prévu par les statuts au bénéfice de tout membre du conseil.
52. Vote par correspondance. La loi « Attractivité » permet par ailleurs aux statuts d’instituer le vote par correspondance pour la participation aux décisions du conseil. Ceci se fera au moyen d'un formulaire dont les mentions seront déterminées par un décret en Conseil d'État à intervenir [72].
b) Règles applicables aux SA cotées
53. Force accrue du recours à la participation par un moyen de télécommunication. Une disposition spécifique est insérée dans le chapitre du Code de commerce consacré aux sociétés commerciales cotées [73]. Le nouvel article L. 22-10-3-1 N° Lexbase : L6137MMA dispose que « nonobstant toute disposition contraire des statuts, sont réputés présents, pour le calcul du quorum et de la majorité, les administrateurs qui participent à la réunion par un moyen de télécommunication permettant leur identification, dans des conditions déterminées par décret en Conseil d'État ». S’il est donc interdit aux statuts de s’opposer à ce que les administrateurs intervenant à distance soient réputés présents, le législateur réserve quand même la possibilité que « les statuts ou le règlement intérieur » prévoient que « certaines décisions ne peuvent pas être prises lors d'une réunion tenue dans ces conditions ».
2°) Directoire et conseil de surveillance de la SA
54. Évolutions comparables à celles connues par le conseil d’administration. Les mêmes évolutions que celles qui viennent d’être vues pour le conseil d’administration[74] se retrouvent dans la SA à directoire et conseil de surveillance pour ce second organe : suppression de l’exclusion de certaines décisions du champ des décisions pouvant être prises de manière dématérialisée [75], là encore avec la possibilité que les statuts ou le règlement intérieur imposent une présence physique [76]. La même règle spécifique est prévue pour les sociétés cotées par un nouvel article L. 22-10-21-1 N° Lexbase : L6138MMB [77].
55. Consultation écrite et vote par correspondance. Les mêmes évolutions que celles instituées pour le conseil d’administration sont mises en œuvre. Une différence réside dans l’indication de ce que, en cas de consultation écrite, ce ne sont pas les statuts qui autorisent aux membres du conseil de surveillance la réponse par voie électronique, contrairement à ce qui est prévu pour le conseil d’administration. S’agissant du conseil de surveillance, c’est le président de cet organe qui « peut décider que les membres du conseil peuvent communiquer leur réponse par message électronique à l'adresse électronique indiquée » [78]. Quant au vote par correspondance, il conviendra que soit publié le décret en Conseil d’État détaillant les mentions du formulaire de vote à utiliser.
3°) Assemblée générale des actionnaires
a) Règles applicables à toutes les sociétés
56. État antérieur : distinction entre participation à distance et assemblée entièrement dématérialisée. Le dispositif légal qui était applicable jusqu’à présent n’était pas facilement lisible ni compréhensible. La loi « NRE » du 15 mai 2001 [79] avait institué à l’article L. 225-107, II, du Code de commerce N° Lexbase : L5978AIA la possibilité que les statuts prévoient la participation à distance des actionnaires (« par visioconférence ou par des moyens de télécommunication permettant leur identification »). Une quinzaine d’années plus tard, l’ordonnance n° 2017-747 du 4 mai 2017 N° Lexbase : L1670LEL avait introduit pour les sociétés non cotées le concept d’assemblées « tenues exclusivement par visioconférence ou par des moyens de télécommunication permettant l’identification des actionnaires ». Il n’est pas certain que ce concept, qui doit imposer que le bureau de l’assemblée tienne une réunion dématérialisée, afin de préserver le caractère « exclusif » mentionné par le texte légal et de ne pas créer d’inégalité au profit de tel ou tel actionnaire, ait rencontré un fort succès.
57. Clarification et évolutions de fond importantes. La loi « Attractivité » fait désormais de l’article L. 225-103-1 du Code de commerce N° Lexbase : L2173LY7 le siège des règles sur la tenue d’une assemblée dématérialisée et sur la participation à distance des actionnaires.
58. Les assemblées concernées par la dématérialisation. Le premier alinéa du texte pose d’abord le principe selon lequel les trois assemblées d’actionnaires (AGE mentionnée à l'article L. 225-96 du Code de commerce N° Lexbase : L2084LYT, AGO mentionnée à l'article L. 225-98 N° Lexbase : L2168LYX et assemblée spéciale mentionnée à l'article L. 225-99 N° Lexbase : L2169LYY) « peuvent se tenir par un moyen de télécommunication permettant l'identification des actionnaires ». Il n’est donc pas nécessaire que les statuts comportent une autorisation particulière. Le deuxième alinéa précise que « le recours à un moyen de télécommunication pour la tenue de l'assemblée générale ou de l'assemblée spéciale est indiqué dans l'avis de convocation », avant d’affirmer que « sont réputés présents pour le calcul du quorum et de la majorité les actionnaires qui participent à l'assemblée par des moyens de télécommunication permettant leur identification ». Dans la mesure où est supprimé simultanément l’article L. 225-107, II, qui subordonnait cette possibilité à une clause statutaire [80], la participation par visioconférence ou par un autre moyen de télécommunication permettant l’identification des actionnaires est désormais de droit. Les statuts ne peuvent pas interdire cela, mais il faut tout de même que la société mette en œuvre les moyens appropriés.
59. La possibilité d’assemblées intégralement dématérialisées. S’il demeure possible de tenir une assemblée « exclusivement par un moyen de télécommunication permettant l'identification des actionnaires », cela suppose toujours une autorisation des statuts. La loi « Attractivité » fait cependant évoluer le dispositif légal sur deux points. Tout d’abord, ce sont également les assemblées spéciales mentionnées à l’article L. 225-99 qui peuvent faire l’objet de cette modalité particulière. Ensuite, là où le droit d’opposition à la tenue d’une AGE exclusivement dématérialisée était ouvert à un ou plusieurs actionnaires représentant au moins 5 % du capital social, ce sont désormais 25 % du capital qu’il faudra réunir pour s’opposer à cette modalité de tenue de l’assemblée.
b) Règles applicables aux seules SA cotées
60. Obligations de retransmission de l’assemblée. Un nouvel article L. 22-10-38-1 N° Lexbase : L6141MME inséré dans le chapitre du Code de commerce spécifique aux sociétés cotées fait obligation à celles-ci (précisément à celles dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé) de retransmettre leur assemblée en direct et en différé. La société doit d’abord assurer la retransmission en direct de l'assemblée, « à moins que des raisons techniques rendent impossible ou perturbent gravement cette retransmission ». La retransmission en différé est également demandée, les sociétés devant s’assurer que l'enregistrement de l'assemblée peut être consulté et indiquer, le cas échéant, si cet enregistrement porte sur l'intégralité de celle-ci. Il est prévu qu’un décret en Conseil d'État précisera les modalités de retransmission, d'enregistrement et de consultation.
61. Exclusion maintenue des assemblées générales ou spéciales tenues intégralement de manière dématérialisée. Comme précédemment, les assemblées générales ou spéciales ne peuvent être tenues de manière exclusivement dématérialisée par les sociétés dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé [81].
E. Société en commandite par actions
62. Admission de la consultation écrite et du vote par correspondance. L’article L. 226-4 du Code de commerce N° Lexbase : L7135LTG, qui n’est pas le texte que l’on penserait le plus adapté pour cela, est complété par un alinéa introduisant la possibilité pour les statuts de permettre au conseil de surveillance de la SCA de prendre ses décisions par voie de consultation écrite, y compris électronique, selon les délais et les modalités qu'ils définissent. Est également introduite la possibilité de prévoir le vote par correspondance, ce qui supposera cependant, là encore, l’adoption d’un décret en Conseil d'État détaillant les mentions devant figurer sur le formulaire de vote [82].
F. Masse des obligataires
63. Simplification terminologique. La loi « Attractivité » substitue à la référence redondante à la visioconférence et aux moyens de télécommunication la seule référence à un moyen de télécommunication, ainsi qu’elle l’a fait pour les autres organes [83]. Ce ne sont pas les seules mesures qui concernent les obligataires [84].
II. Autres mesures de droit des sociétés
A. Fonctionnement de la SA
1°) Enjeux à prendre en considération dans le cadre d’une SA
64. Suppression de la référence aux enjeux culturels et sportifs. Le conseil d’administration et le directoire de la SA s’étaient vu imposer par la loi « PACTE » [85] de « [prendre] en considération les enjeux sociaux et environnementaux de [l’]activité [de la société] », le même ajout ayant été opéré au sein de l’article L. 225-35 N° Lexbase : L6125MMS et de l’article L. 225-64 N° Lexbase : L7196MMH du Code de commerce. Curieusement, la loi n° 2022-296 du 2 mars 2022 N° Lexbase : L7678MBY était venue remanier ces deux textes, en exigeant que l’organe concerné agisse en « considérant les enjeux sociaux, environnementaux, culturels et sportifs de son activité ». On pouvait déjà critiquer l’emploi du verbe « considérer », mais il était surtout étonnant de demander à des sociétés dont l’activité n’était en rien liée au sport ou à la culture quels étaient les enjeux en ces domaines de son activité. Un énergéticien ou un transporteur voit-il son activité dotée d’un enjeu sportif ? La loi « Attractivité » revient en arrière en supprimant dans les deux textes précités la référence aux enjeux culturels et sportifs [86]. Le mot « considérant » n’est cependant pas modifié, ce qui fait que le même texte connaît quatre formulations différentes en moins de six ans...
2°) Convocation de l’assemblée
65. Juridiction compétente en cas de refus d’inscription de points ou projets de résolution à l’ordre du jour. L’article L. 225-105 du Code de commerce N° Lexbase : L6133MM4 permet aux actionnaires de solliciter l’inscription de points ou de projets de résolution à l’ordre du jour d’une assemblée. Il est possible que ces demandes soient refusées par l’organe compétent pour convoquer l’assemblée, notamment parce que cet organe considérera que la demande n’entre pas dans la compétence de l’assemblée. Jusqu’à présent, c’est la juridiction des référés qui semblait devoir être saisie [87]. La loi « Attractivité » complète l’article L. 225-105 en donnant compétence au tribunal de commerce statuant selon la procédure accélérée au fond.
3°) Gouvernance
a) Pouvoirs accrus du conseil d’administration ou de surveillance
66. Pouvoir de mise en conformité des statuts. Le conseil d’administration ou de surveillance se voit reconnaître le pouvoir de mettre en conformité les statuts de la SA avec les dispositions législatives et réglementaires. On comprend bien l’idée : il s’agit de modifier les statuts, mais pour une raison qui ne relève pas de la fantaisie des mandataires sociaux – on pourrait parler de compétence liée – puisqu’il s’agit de déférer à une norme que l’on supposera impérative. Simplement, ce pouvoir était doublement encadré, puisqu’il fallait que le conseil agisse « sur délégation de l’assemblée générale extraordinaire » et que la prochaine AGE ratifie encore ces modifications. La loi « Attractivité » supprime l’exigence d’une délégation, tant pour le conseil d’administration [88] que pour le conseil de surveillance [89].
b) Retouches apportées au régime de la SA à directoire et conseil de surveillance
67. Recours à un directeur général unique dans une SA à directoire. L’article L. 225-58 du Code de commerce N° Lexbase : L6128MMW permet aux SA à directoire de substituer à l’organe collégial une seule personne, dont l’article suivant nous indique qu’elle porte le titre de directeur général unique. N’étaient jusqu’à présent autorisées à procéder ainsi que les SA dont le capital était inférieur à 150 000 euros. Désormais, ce ne sera plus le législateur qui fixera ce montant, mais un décret, et l’on peut supposer que ce montant sera rehaussé, étant encore précisé que la société qui serait en dessous du seuil demeure entièrement libre de se doter d’un directoire collégial [90].
68. Pluralité de vice-présidents du conseil de surveillance. Là où l’article L. 225-81 N° Lexbase : L2082LYR imposait jusqu’à présent que le conseil de surveillance d’une SA désigne en son sein un président et un vice-président, ce texte autorise désormais la désignation de plusieurs vice-présidents, qui doivent toujours être des personnes physiques, à peine de nullité de leur désignation [91]. L’article L. 22-10-25 N° Lexbase : L6139MMC, disposition relative à la détermination de leur rémunération dans les sociétés dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé, est modifié en conséquence [92].
69. Correction d’une erreur. La référence à l’article L. 22-10-30 du Code de commerce N° Lexbase : L2252LY3, opérée par l’article L. 22-10-59 N° Lexbase : L6147MMM à propos de l’attribution d’actions gratuite aux mandataires sociaux est rectifiée, c’est désormais à l’article L. 22-10-26 N° Lexbase : L2248LYW qu’il faut se reporter [93].
B. Masse des obligataires
69. Sens des formulaires de vote par correspondance ne donnant aucun sens de vote. Il est possible que les obligataires votent par correspondance à l’assemblée de masse, ainsi que le permet l’article L. 228-61, alinéa 3, du Code de commerce N° Lexbase : L6206MMS. L’alinéa suivant du texte formulait une règle relative aux formulaires « ne donnant aucun sens de vote ou exprimant une abstention » : ils étaient « considérés comme des votes négatifs », ce qui était assez curieux. Il est désormais prévu qu’ils « ne sont pas considérés comme des votes exprimés » [94].
70. Calcul de la majorité dans les assemblées de masse. L’article L. 228-65, II, du Code de commerce N° Lexbase : L6207MMT définit les règles de quorum et de majorité applicables aux assemblées de masse. La majorité des deux tiers des voix prévue par ce texte est inchangée sur son quantum, mais il est prévu qu’elle ne se calcule plus sur les voix « dont disposent les porteurs présents ou représentés », mais sur les voix « exprimées par les porteurs présents ou représentés » [95]. Il est par ailleurs précisé que « les voix exprimées ne comprennent pas celles attachées aux obligations pour lesquelles l'obligataire n'a pas pris part au vote, s'est abstenu ou a voté blanc ou nul » [96].
C. Réforme du droit des nullités
71. Réforme à intervenir par ordonnance. Une ordonnance pourrait être adoptée dans les neuf mois suivants la promulgation de la loi, dont l’objet sera de « simplifier et de clarifier le régime des nullités en matière de droit des sociétés, afin de renforcer la sécurité juridique de la constitution des sociétés, de leurs actes et délibérations ainsi que des règles qui y sont exposées » [97]. Là encore, le HCJP avait produit un rapport appelant à une réforme de notre droit sur ce point [98]. Il faut aussi, bien entendu, signaler la très intense activité de la Chambre commerciale de la Cour de cassation en ce domaine, qui contribue à faire évoluer la matière de manière significative.
D. Droit des sociétés et OPC
72. Réforme à intervenir par ordonnance. Une autre réforme à intervenir par voie d’ordonnance est annoncée par l’article 22 de la loi « Attractivité ». Le Gouvernement est habilité à prendre par voie d'ordonnance dans un délai de neuf mois à compter de la promulgation de la loi toute mesure relevant du domaine de la loi pour harmoniser et simplifier les dispositions relatives à la vie sociale des organismes de placement collectif, moderniser la gouvernance des OPC et réformer le cadre de leurs opérations [99].
73. Prise en compte de l’impossibilité de certifier les comptes. Au sein de plusieurs textes du Code monétaire et financier (C. mon. fin., art. L. 214-14, 3° N° Lexbase : L6166MMC, art. L. 214-24-47, 3° N° Lexbase : L6167MMD, art. L. 214-133, 6°, c) N° Lexbase : L6170MMH et art. L. 621-23, 3 N° Lexbase : L6179MMS), est désormais prise en compte, à côté de la situation où les commissaires aux comptes d’un OPCVM, de certains FIA, ou des sociétés de gestion de portefeuille et des prestataires de services de communication de données émettent des réserves ou refusent de certifier les comptes, la situation où ils sont dans l’impossibilité de procéder à cette certification [100].
[1] Proposition de loi visant à accroître le financement des entreprises et l’attractivité de la France, n° 2321, déposée 12 mars 2024 [en ligne].
[2] Aux termes de l’article 29, III, de la loi nouvelle, le titre relatif aux titres négociables « entre en vigueur à une date fixée par décret en Conseil d'État, et au plus tard neuf mois après la promulgation de la présente loi », étant précisé qu’« il ne s'applique pas aux titres mentionnés au I de l'article 14 établis avant cette date ».
[3] Sur ce sujet, v. Th. Bonneau, Les titres transférables, JCP E, 2024, 1146.
[4] Loi n° 2024-537 du 13 juin 2024, art. 3, II et 6, I.
[5] Loi n° 2024-537 du 13 juin 2024, art. 3, IV et 8.
[6] Loi n° 2024-537 du 13 juin 2024, art. 7.
[7] Loi n° 2024-537 du 13 juin 2024, art. 6, II.
[8] Loi n° 2024-537 du 13 juin 2024, art. 12.
[9] Loi n° 2024-537 du 13 juin 2024, art. 10.
[10] Loi n° 2024-537 du 13 juin 2024, art. 24.
[11] Loi n° 2024-537 du 13 juin 2024, art. 25. Sur l’entrée en vigueur de cette partie de la loi, v. art. 29, IV.
[12] Loi n° 2024-537 du 13 juin 2024, art. 27.
[13] Loi n° 2024-537 du 13 juin 2024, art. 11.
[14] HCJP, Rapport sur les droits de vote multiples, 15 septembre 2022 [en ligne].
[15] V. not. Assemblée nationale, compte rendu de la 2ème séance du 9 avril 2024 [en ligne].
[16] Loi n° 2024-537 du 13 juin 2024, art. 1er, 5°.
[17] V. ainsi les propos de la ministre O. Grégoire indiquant : « ce texte vise avant tout les entreprises de l’économie réelle, nos petites et moyennes entreprises innovantes, à fort potentiel, et nos entreprises de taille intermédiaire (ETI) ».
[18] C. com., art. L. 22-10-46-1, III, 2° N° Lexbase : L6143MMH.
[19] V. supra, n° 5.
[20] Loi n° 2024-537 du 13 juin 2024, art. 1er, 1°.
[21] C. com., art. L. 22-10-46-1, I , préc.
[22] Guide de légistique, sp. p. 302 [en ligne].
[23] Cass. com., 13 mars 2024, n° 22-12.205, F-B N° Lexbase : A04952UU, J.-B. Barbièri, Lexbase Affaires, avril 2024, n° 792 N° Lexbase : N8999BZC ; Dalloz Actualité, 24 avril 2024, note J. Delvallée ; JCP E, 2024, 1175, note B. Dondero.
[24] C. com., art. L. 22-10-46-1, IV, a).
[25] C. com., art. L. 22-10-46-1, IV, b).
[26] C. com., art. L. 22-10-46-1, IV, c).
[27] C. com., art. L. 22-10-46-1, IV, d).
[28] C. com., art. L. 22-10-46-1, IV, e).
[29] C. com., art. L. 22-10-46-1, IV, 1°.
[30] C. com., art. L. 22-10-46-1, IV, 2°.
[31] C. com., art. L. 22-10-46-1, IV.
[32] C. com., art. L. 22-10-46-1, V.
[33] C. com., art. L. 22-10-46-1, III, dern. al.
[34] C. com., art. L. 22-10-46-1, III, 1°.
[35] C. com., art. L. 22-10-46-1, III, 1°.
[36] C. com., art. L. 22-10-46-1, III, 2°.
[37] C. com., art. L. 22-10-46-1, VI.
[38] Loi n° 2024-537 du 13 juin 2024, art. 9, 1°.
[39] Sur les modalités de calcul de ce seuil, v. R. Mortier, Opérations sur capital social, LexisNexis, 3ème éd., 2023, n° 446.
[40] Loi n° 2024-537 du 13 juin 2024, art. 9, 2°, a).
[41] Loi n° 2024-537 du 13 juin 2024, art. 9, 2°, b).
[42] Loi n° 2024-537 du 13 juin 2024, art. 29, I.
[43] Loi n° 2024-537 du 13 juin 2024, art. 9, 3°.
[44] V. Rapport de la Commission des finances à l’Assemblée nationale du 3 avril 2024, sp. p. 28 [en ligne].
[45] Loi n° 2024-537 du 13 juin 2024, art. 29, II.
[46] Ce texte vise le cas où une société dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé procède à une augmentation de capital à l'effet de rémunérer des titres apportés à une OPE sur des titres d'une société dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé d'un État partie à l'accord sur l'EEE ou membre de l'OCDE.
[47] Loi n° 2024-537 du 13 juin 2024, art. 9, 4°.
[48] Loi n° 2024-537 du 13 juin 2024, art. 1er, 4°.
[49] Loi n° 2024-537 du 13 juin 2024, art. 8, II et IV.
[50] Loi n° 2024-537 du 13 juin 2024, art. 8, I.
[51] Loi n° 2024-537 du 13 juin 2024, art. 8, III.
[52] Loi n° 2024-537 du 13 juin 2024, art. 1er, 2°.
[53] V. D. Hiez, Sociétés coopératives, Dalloz, 3ème éd., 2023, n° 222.11.
[54] Loi n° 2024-537 du 13 juin 2024, art. 2.
[55] Loi n° 2024-537 du 13 juin 2024, art. 4.
[56] Loi n° 2024-537 du 13 juin 2024, art. 5 et 6, II, 1°.
[57] M. Laroche, La société numérique sans les sociétés numériques, Gaz. Pal., 26 juin 2018, n° 325e5, p. 48.
[58] V. HCJP, Rapport sur l’adaptation de la gouvernance des sociétés en valorisant l’expérience de la crise sanitaire, 30 mars 2022 [en ligne].
[59] Loi n° 2024-537 du 13 juin 2024, art. 29, II.
[60] Loi n° 2024-537 du 13 juin 2024, art. 18, I.
[61] Loi n° 2024-537 du 13 juin 2024, art. 18, II.
[62] V. C. com., art. L. 221-7, al. 1er N° Lexbase : L2153LYE, disposant que « le rapport de gestion, l'inventaire et les comptes annuels établis par les gérants sont soumis à l'approbation de l'assemblée des associés, dans le délai de six mois à compter de la clôture dudit exercice ».
[63] Cass. com., 11 octobre 2023, n° 22-10.646, F-D N° Lexbase : A95471L8, Bull. Joly Sociétés, décembre 2023, p. 18, note B. Saintourens ; Rev. sociétés, 2024, p. 323, note B. Dondero.
[64] V. supra, n° 40.
[65] Loi n° 2024-537 du 13 juin 2024, art. 18, II, 2°, b).
[66] V. infra, n° 50.
[67] B. Saintourens, Les réformes du droit des sociétés par la loi relative aux nouvelles régulations économiques (1), Defrénois, 30 décembre 2001, p. 1465, sp. n° 43 : « malgré la référence du texte au règlement intérieur, on peut penser que les statuts pourraient très bien contenir de telles stipulations, si les associés ne souhaitent pas élaborer un règlement intérieur de la société ».
[68] Loi n° 2024-537 du 13 juin 2024, art. 18, II, 3°.
[69] Loi n° 2024-537 du 13 juin 2024, art. 18, II, 3°, a).
[70] P. Le Cannu, RTD com., 2005, p. 761.
[71] Loi n° 2024-537 du 13 juin 2024, art. 18, II, 3°, b).
[72] Ibid.
[73] Loi n° 2024-537 du 13 juin 2024, art. 18, II, 10°.
[74] V. supra, n° 46 et s.
[75] L’exclusion portait sur les opérations de contrôle de la gestion du directoire, visées au 5ème alinéa de l’article L. 225-68 du Code de commerce N° Lexbase : L2150LYB.
[76] Loi n° 2024-537 du 13 juin 2024, art. 18, II, 4°, a).
[77] Loi n° 2024-537 du 13 juin 2024, art. 18, II, 9°.
[78] Loi n° 2024-537 du 13 juin 2024, art. 18, II, 4°, b).
[79] Loi n° 2001-420, du 15 mai 2001, relative aux nouvelles régulations économiques N° Lexbase : L8295ASZ.
[80] Loi n° 2024-537 du 13 juin 2024, art. 18, II, 6°.
[81] C. com., art. L. 22-10-38 N° Lexbase : L2127LYG.
[82] Loi n° 2024-537 du 13 juin 2024, art. 18, II, 7°.
[83] Loi n° 2024-537 du 13 juin 2024, art. 18, II, 8°.
[84] V. infra, n° 69-70.
[85] Loi n° 2019-486, du 22 mai 2019, relative à la croissance et la transformation des entreprises N° Lexbase : L3415LQK.
[86] Loi n° 2024-537 du 13 juin 2024, art. 20.
[87] Pour une illustration récente, v. T. com. Nanterre, 23 mai 2024, n° 2024R00551 N° Lexbase : A84225DB, Lexbase Affaires, 6 juin 2024, n° 797, obs. V. Corbet-Picard N° Lexbase : N9442BZQ ; Bull. Joly Sociétés, juin 2024, p. 7, note A. Couret ; BRDA, 13/24, inf. 24, note B. Dondero.
[88] Loi n° 2024-537 du 13 juin 2024, art. 21, 1°.
[89] Loi n° 2024-537 du 13 juin 2024, art. 21, 3°.
[90] Loi n° 2024-537 du 13 juin 2024, art. 21, 2°.
[91] Loi n° 2024-537 du 13 juin 2024, art. 21, 4°.
[92] Loi n° 2024-537 du 13 juin 2024, art. 21, 7°.
[93] Loi n° 2024-537 du 13 juin 2024, art. 21, 8°.
[94] Loi n° 2024-537 du 13 juin 2024, art. 21, 5°.
[95] Loi n° 2024-537 du 13 juin 2024, art. 21, 6°, a).
[96] Loi n° 2024-537 du 13 juin 2024, art. 21, 6°, b).
[97] Loi n° 2024-537 du 13 juin 2024, art. 26, I.
[98] HCJP, Rapport sur les nullités en droit des sociétés, 27 mars 2020 [en ligne].
[99] Sur ce thème, v. le rapport du HCJP sur l’adéquation du droit des fonds d’investissement et du droit des sociétés, 3 décembre 2021 [en ligne].
[100] Loi n° 2024-537 du 13 juin 2024, art. 23, 1°. Le 2° du texte étend une disposition sur l’obligation de révélation à l’AMF pesant sur le CAC d’un fonds au fonds de placement immobilier (C. mon. fin., art. L. 214-24-47 N° Lexbase : L6167MMD).
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