Réf. : Cass. civ. 3, 13 juin 2024, n° 23-11.053, FS-B N° Lexbase : A78865HK
Lecture: 6 min
N9718BZX
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Julien Laurent, Professeur à l’Université de Toulouse Capitole, Agrégé des facultés, Centre IEJUC
Le 27 Juin 2024
► Un local affecté à un usage d'habitation au 1er janvier 1970 ne perd pas cet usage lorsqu'il est ultérieurement réuni avec un autre local, quel que soit l'usage de ce dernier, tout changement d’usage du lot réuni est donc soumis à autorisation préalable.
Par un arrêt du 13 juin, publié au bulletin, la troisième chambre civile de la Cour de cassation énonce pour la première fois à notre connaissance qu’un local affecté à usage d’habitation à la date de référence du 1er janvier 1970 ne perd pas cet usage lorsqu’il est ultérieurement réuni avec un autre local, quel que soit l’usage de ce dernier.
Pour rappel, le changement d’usage des immeubles à usage d’habitation est réglementé. Ce régime (à l’origine issu d’une vieille réglementation de 1922, relative au contrôle des loyers) est codifié dans le Code de la construction et de l’habitation en 1978 aux articles L. 631-7 N° Lexbase : L0141LNK et suivants (au sein du Livre 6 : « Mesures tendant à remédier à des difficultés exceptionnelles de logement »). Il concerne les villes de plus de 200 000 habitants et celles des départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne. Dans ces communes, le changement d'usage des locaux destinés à l'habitation est, dans les conditions fixées par l'article L. 631-7-1 N° Lexbase : L2375IBL, soumis à autorisation préalable, étant entendu que la loi « ALUR » N° Lexbase : L8342IZY a précisé la notion de changement au dernier alinéa de l’article L. 631-7 comme « le fait de louer un local meublé destiné à l'habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile constitue un changement d'usage au sens du présent article ». En cas de changement d’usage sans autorisation, le contrevenant s’expose à des amendes civiles, que prévoit l’article L. 651-2 N° Lexbase : L2308LRW du même code.
Un des points d’achoppements majeurs du contentieux est l’établissement de l’usage antérieur du local considéré, étant entendu que seuls les locaux à usage d’habitation sont concernés par le dispositif. Afin de simplifier l’administration de la preuve, l’article L. 631-7, alinéa 3, du Code de la construction et de l’habitation, fixe la date de référence pour la détermination de l’usage du local au 1er janvier 1970, date d’un recensement des locaux et de leurs usages pour la mise à jour de l’assiette des impôts locaux, en application d’une réforme fiscale du 2 février 1968 [1].
Mais que décider lorsqu’il est acquis que le local considéré est issu de la réunion de deux lots, l’un affecté à usage d’habitation et l’autre non ?
Dans le cas d’espèce, la Ville de Paris avait assigné le propriétaire d’un appartement issu de la réunion de deux lots (n° 2 et 7), sur le fondement des articles L. 631-7 et L. 651-2 du Code de la construction et de l’habitation, afin de le voir condamner au paiement d’une amende civile pour en avoir changé l’usage en le louant de manière répétée, pour de courtes durées, à une clientèle de passage n’y élisant pas domicile. Par un arrêt du 10 novembre 2022 (CA Paris, 1-2, 10 novembre 2022, n° 22/02221 N° Lexbase : A15068YG, la cour d’appel de Paris avait rejeté les demandes de la Ville de Paris en jugeant que le lot n° 7, d’une surface de 42 m², devait être regardé comme étant à usage d’habitation à la date de référence, mais que tel n’était pas le cas du lot n° 2, d’une surface de 10 m², de sorte que le local issu de la réunion de ces deux lots ne peut être considéré comme étant affecté dans son entier à l'usage d'habitation au 1er janvier 1970. L’infraction aux dispositions relatives aux changements d’usage n’était donc pas caractérisée.
Saisie d’un pourvoi, la Cour de cassation censure l’arrêt de la cour d’appel de Paris au visage des articles L. 631-7 et L. 651-2, en retenant au contraire que la location d’un tel local pour de courtes durées constituait un changement d’usage et était soumise à autorisation pour le lot concerné, au motif qu’un local affecté à un usage d’habitation au 1er janvier 1970 ne perd pas cet usage lorsqu’il est ultérieurement réuni avec un autre local, quel que soit l’usage de ce dernier. Le changement d’usage du lot réuni était donc soumis à autorisation préalable.
La décision juge ainsi qu’un local constitué de deux lots, dont l’un a un usage d’habitation au 1er janvier 1970, reste d’habitation nonobstant sa réunion avec un autre local qui, lui, n’était pas affecté à un tel usage. La décision est intéressante, car l’on aurait pu penser intuitivement raisonner en termes d’accessoire et de principal, en considérant que le local le plus petit était absorbé dans son usage par le local le plus grand. Tel n’était quoi qu’il en soit le raisonnement suivi par les juges d’appel puisqu’en l’occurrence, le local d’habitation faisait presque quatre fois la surface de l’autre. La Cour de cassation ne semble pas toutefois fonder sa décision sur l’accessoire, la solution étant énoncée en termes très généraux ; un local d’habitation même plus petit aurait donc conservé son usage. Derrière l’idée générale que la réunion des deux lots n’a pas d’effet sur leurs usages respectifs, il y aussi sans doute une solution en opportunité au regard de la ratio legis du dispositif : l’objectif est d’éviter la fraude trop facile en permettant au propriétaire d’échapper à l’autorisation préalable en adjoignant le local d’habitation avec tout local qui lui serait accessoire, dédié à un autre usage.
[1] Durant cette année 1970, chaque propriétaire avait dû souscrire une déclaration en vue de l’établissement du fichier : les déclarations « modèle H1 » (maison individuelle) ou modèle H2 (appartement) pour les locaux d’habitation ou à usage professionnel (en réalité à usage libéral) ; d’autres déclarations (C, ME ou U, ou R) existent pour d’autres usages. Le formulaire H2 est le plus courant, et c’est logiquement ce type de formulaire qui est souvent utilisé afin d’établir l’usage du local, lorsqu’il s’agit de démontrer à l’administration qu’il y a lieu (ou non) à solliciter une autorisation de changement d’usage.
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:489718
Réf. : CE 9e et 10e ch. réunies, 18 juin 2024, n° 472077, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A86885IM
Lecture: 2 min
N9726BZA
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Marie-Claire Sgarra
Le 27 Juin 2024
► La mention dans la réponse aux observations du contribuable (ROC) de la possibilité de saisir la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires (CDI), ne constitue pas une garantie dont la méconnaissance est nature à entraîner la décharge de l'imposition.
Faits. À la suite d'une vérification de comptabilité, une société, qui exploite un salon de coiffure sous contrat de franchise, a été assujettie à des cotisations supplémentaires d’IS au titre des exercices clos au cours des années 2012 à 2015 et s'est vu réclamer des rappels de TVA au titre de la même période.
Procédure. Le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de la société tendant à la décharge de ces impositions supplémentaires. La cour administrative d'appel de Paris a rejeté l’appel formé contre ce jugement.
Solution du Conseil d’État. La mention, dans la réponse aux observations du contribuable, de ce qu'il est ou non possible à celui-ci de demander la saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires compte tenu de la nature des rectifications maintenues et de la procédure utilisée, prévue par la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, ne constitue pas une garantie dont la méconnaissance aurait le caractère d'une irrégularité de nature à entraîner la décharge de l'imposition, l'absence de cette mention n'étant pas susceptible de priver le contribuable du droit qu'il tient de l'article L. 59 du Livre des procédures fiscales N° Lexbase : L8958MCR de saisir cette commission en cas de désaccord persistant.
Par suite, si, ainsi que l'a relevé la cour le vérificateur a omis de mentionner, dans sa réponse aux observations de la société, contrairement à ce que prévoit la charte des droits et obligations du contribuable vérifié dans sa version remise à cette société, que celle-ci avait la possibilité de saisir la CDI, une telle omission n'a pas revêtu le caractère d'une irrégularité de nature à entraîner la décharge de l'imposition.
Il y a lieu de substituer ce motif à celui retenu par la cour, qui ne saurait, par suite, être utilement critiqué par les moyens du pourvoi.
Précisions. Le Conseil d’État a jugé qu’aucune disposition légale n’oblige l'administration de faire mention, dans la proposition de rectification, dans la notification des bases taxées d'office ou dans la réponse aux observations du contribuable, de la possibilité qu'a celui-ci de saisir la commission départementale des impôts en cas de désaccord persistant (CE 3e et 8e ch. réunies, 5 juillet 2023, n° 467992, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A375098E).
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:489726
Réf. : Cass. soc., 19 juin 2024, n° 22-14.643, FS-B N° Lexbase : A85765IH
Lecture: 2 min
N9748BZ3
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Laïla Bedja
Le 27 Juin 2024
► La déduction forfaitaire spécifique pour frais professionnels prévue à l'article 9 de l'arrêté du 20 décembre 2002, relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de Sécurité sociale, n'est applicable aux salariés des entreprises de nettoyage que s'ils travaillent sur plusieurs sites pour le compte d'un même employeur.
Faits. Une salariée, engagée en qualité d’agent de service, a vu son contrat de travail transféré successivement à plusieurs sociétés. Contestant l’application par l’employeur de la déduction forfaitaire spécifique (DFS) pour le calcul de ses charges sociales, elle a saisi la juridiction prud’homale de demandes en nullité de la clause du contrat de travail prévoyant l’application d’une telle déduction, en remboursement de frais professionnels et en paiement de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail.
Cour d’appel. Pour dire la clause du contrat de travail par laquelle la salariée a accepté le bénéfice de la déduction forfaitaire spécifique pour frais professionnels n’encourait aucune nullité et débouter la salariée de ses demandes subséquentes, la cour d’appel relève qu’il ressort d’une lettre ministérielle du 8 novembre 2012 des instructions aux Urssaf de ne pas procéder à des redressements lorsque l’abattement forfaitaire est appliqué aux employés de nettoyage « monosites », lesquels doivent bénéficier du même régime que les employés « multisites » (CA Toulouse, 21 janvier 2022, n° 20/00297 N° Lexbase : A11807KW).
La salariée a alors formé un pourvoi en cassation.
Décision. Énonçant la solution précitée, la Haute juridiction casse et annule l’arrêt rendu par les juges du fond. En statuant ainsi, alors qu'il ressortait de ses constatations que la salariée ne travaillait que sur un seul site, ce dont elle aurait dû déduire que la clause de son contrat de travail la soumettant à la déduction forfaitaire spécifique pour frais professionnels était nulle et, partant, que cette déduction ne pouvait lui être appliquée, la cour d'appel a violé les articles L. 242-1 du Code de la Sécurité sociale N° Lexbase : L8965MKA, 2 et 9 de l'arrêté du 20 décembre 2002, relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de Sécurité sociale N° Lexbase : O1942A9S et l'article 5 de l'annexe IV du Code général des impôts.
Pour aller plus loin : ÉTUDE : La déduction forfaitaire spécifique pour frais professionnels, Les professions visées par l'abattement supplémentaire pour frais professionnels, in Droit de la protection sociale, Lexbase N° Lexbase : E3733AUS |
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:489748
Réf. : CJUE, 27 juin 2023, aff. C-284/23 N° Lexbase : A47685L8
Lecture: 4 min
N9781BZB
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Lisa Poinsot
Le 03 Juillet 2024
► Le délai de deux semaines, prévu par la législation allemande, pour qu’une travailleuse enceinte puisse demander l’admission d’un recours tardif contre son licenciement, est susceptible de rendre excessivement difficile l’exercice de ses droits, de sorte que ces modalités procédurales s’avèrent incompatibles avec les exigences du principe de protection juridictionnelle effective.
Faits et procédure. Une salariée allemande saisit la juridiction nationale compétente afin de contester son licenciement au motif qu’à la date de celui-ci elle était enceinte.
La législation allemande prévoit qu’un recours visant à contester un licenciement doit être formé dans un délai de trois semaines à compter de la notification par écrit du licenciement. Toutefois, un recours introduit postérieurement à ce délai par une travailleuse enceinte peut néanmoins être admis si celle-ci, n’ayant eu connaissance de sa grossesse qu’après l’expiration dudit délai de trois semaines, en fait la demande. Cette demande doit être introduite dans un délai de deux semaines suivant la cessation de l’empêchement de former le recours.
En l’espèce, la travailleuse en cause n’a pas introduit de recours contre son licenciement dans le délai de trois semaines à compter de la notification écrite de celui-ci. Elle n’a non plus introduit de recours tardif dans les deux semaines suivantes.
La juridiction nationale s’interroge sur la conformité de cette législation à celles du droit de l’Union européenne (Directive n° 92/85, du 19 octobre 1992
C’est dans ce contexte que la Cour de justice de l’Union européenne est saisie.
La Cour de justice de l’Union européenne rappelle que :
Solution. Énonçant la solution susvisée, la Cour de justice de l’Union européenne constate que le délai de deux semaines pour introduire une demande d’admission du recours tardif est plus court que le délai ordinaire de trois semaines pour former un recours contre un licenciement.
Elle relève en outre que le fait que la travailleuse soit tenue non seulement d’informer sans retard son employeur de son état de grossesse, mais également d’introduire, dans un délai de deux semaines, une demande d’admission du recours tardif auprès d’une juridiction ainsi que, en principe, le recours proprement dit, contribue à démontrer la complexité du système mis en place par la réglementation nationale en cause au principal, lequel prévoit plusieurs obligations concurrentes, à exécuter dans le respect de délais distincts qui se chevauchent, auprès tantôt de l’employeur, tantôt d’une juridiction.
Pour aller plus loin :
|
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:489781
Réf. : Cass. crim., 26 juin 2024, n° 23-86.945, F-B N° Lexbase : A12375LE
Lecture: 3 min
N9780BZA
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Pauline Le Guen
Le 23 Août 2024
► Le départ volontaire de l’avocat au cours d’une confrontation n’oblige pas les enquêteurs à interrompre la mesure dès lors qu’ils ne font pas obstacle à l’assistance du gardé à vue par un conseil
Faits et procédure. Une assistante maternelle est soupçonnée d’être à l’origine d’un grave traumatisme crânien subi par un bébé dont elle avait la garde. Elle est placée en garde-à-vue et entendue à plusieurs reprises, en présence d’un avocat commis d’office. Ce dernier est présent au début d’une confrontation entre sa cliente et la mère de l’enfant, mais quitte les locaux au cours de l’acte et la confrontation se poursuit sans lui. L’assistante maternelle est finalement mise en examen des chefs de violences suivies de mutilation ou infirmité permanente sur mineur de quinze ans par personne ayant autorité. Elle forme alors une requête en annulation de pièces de la procédure.
En cause d’appel. La chambre de l’instruction rejette la requête et constate la régularité de la procédure. La prévenue forme alors un pourvoi.
Moyens du pourvoi. Il est reproché à l’arrêt de rejeter la requête alors que les enquêteurs étaient tenus de notifier immédiatement à l’intéressée son droit de solliciter l’assistance d’un nouvel avocat en raison de l’impossibilité de son conseil d’accomplir sa mission durant toute la durée de la mesure, ce qui n’a pas été fait. Par ailleurs, puisque la défection de l’avocat est intervenue au cours d’une confrontation, les enquêteurs étaient tenus d’y mettre fin, à moins que la gardée à vue y ait expressément renoncé ou qu’il soit démontré que cet interrogatoire était indispensable pour éviter une situation susceptible de compromettre sérieusement la procédure ou pour prévenir une atteinte grave à la vie, la liberté ou l’intégrité physique d’une personne, ce qui n’était pas le cas en l’espèce. Enfin, les enquêteurs n’ont pas rappelé à la prévenue son droit de garder le silence.
Décision. La Chambre criminelle rejette le pourvoi. En effet, le départ volontaire de l’avocat au cours de la confrontation n’obligeait aucunement les enquêteurs à interrompre la mesure dès lors qu’ils n’ont pas fait obstacle à l’assistance de l’intéressée par un avocat et que la nécessité de procéder aux actes d’enquête utiles à la manifestation de la vérité permettait de poursuivre le déroulement de la confrontation. Enfin, l’intéressée s’était vue régulièrement notifier son droit de garder le silence dès son placement en garde à vue, de sorte que les enquêteurs n’avaient pas à renouveler cette notification. Le fait que la gardée à vue ait pu faire des déclarations auto-incriminantes après le départ de son conseil est dès lors sans incidence sur la validité de la procédure.
Il est possible de se demander ce qu’il va advenir de cette solution, qui intervient seulement quelques jours avant l’entrée en vigueur de la réforme de la garde à vue prévue par la loi n° 2024-364 du 22 avril 2024 N° Lexbase : L1795MMG, le 1er juillet 2024. En effet, l’article 63-4-2 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L2092MMG vient prévoir désormais que la personne faisant l’objet d’une telle mesure ne peut être entendue sans la présence de son conseil, sauf renonciation expresse de sa part.
Pour aller plus loin : C. Lanta de Bérard, ÉTUDE : La garde à vue et les auditions, in Procédure pénale (dir. J.-B. Perrier), Lexbase N° Lexbase : E46203C4. Pour vous former : formation Lexlearning, Maîtrise et pratique de la garde à vue : assister efficacement son client (LXBEL148) (dir. J. Despeisse et S. Trifkovic). |
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:489780
Réf. : Cass. com., 19 juin 2024, n° 22-19.624, F-B N° Lexbase : A85915IZ
Lecture: 3 min
N9692BZY
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Perrine Cathalo
Le 27 Juin 2024
► Il résulte de la combinaison des articles L. 223-43 et L. 224-3 du Code de commerce que si les associés d'une société à responsabilité limitée peuvent, par une résolution unique, décider la transformation de cette société en société anonyme et approuver le rapport sur la valeur des biens composant l'actif social et sur les avantages particuliers, cette approbation doit, à peine de nullité de la transformation, être expresse.
Faits et procédure. Le 29 juin 2011, l'assemblée générale extraordinaire d’une SARL a décidé une augmentation de capital par création de parts nouvelles, à laquelle ont souscrit plusieurs personnes physiques et une personne morale.
Le 29 décembre 2011, la SARL a été transformée en société anonyme, un associé étant désigné administrateur et président-directeur général et trois autres personnes physiques étant nommées administrateurs et directeurs généraux délégués.
Les 17 et 28 septembre 2012, la SA a été mise en redressement puis liquidation judiciaires et un liquidateur judiciaire a été désigné.
Les 20 mars et 2 avril 2013, soutenant que le directeur général et les administrateurs avaient commis des manœuvres dolosives, deux associés les ont assignés en nullité de la souscription de l’associé personne morale à l'augmentation de capital de la SARL, en nullité de la désignation de l’administrateur et directeur général délégué de la société, en nullité de la transformation de la SARL en SA, et en paiement de dommages et intérêts.
Par arrêt du 2 juin 2022, la cour d’appel (CA Lyon, 2 juin 2022, n° 19/00845 N° Lexbase : A25378G3) a jugé valide la transformation de la SARL en société anonyme aux motifs que l’assemblée générale s'est prononcée à l'unanimité sur l'adoption de la résolution de transformation après avoir entendu le rapport du commissaire aux comptes.
Les associés ont formé un pourvoi devant la Cour de cassation.
Décision. La Haute juridiction censure l’arrêt d’appel au visa des articles L. 223-43 N° Lexbase : L5868AI8 et L. 224-3 N° Lexbase : L5325MKG du Code de commerce, affirmant que si les associés d'une société à responsabilité limitée peuvent, par une résolution unique, décider la transformation de cette société en société anonyme et approuver le rapport sur la valeur des biens composant l'actif social et sur les avantages particuliers, cette approbation doit être expresse, à peine de nullité de la transformation.
En l’espèce, l'assemblée générale s'est prononcée à l'unanimité sur l'adoption de la résolution de transformation après avoir entendu le rapport du commissaire aux comptes prévu à l'article L. 223-43, ce qui a permis aux juges du fond de considérer l'exigence légale posée par l'article L. 224-3 d'une « approbation expresse des associés mentionnée au procès-verbal » – et non pas celle d'une « approbation expresse de l'évaluation des biens » – remplie, quand bien même les associés sont dans l’incapacité d’établir que le rapport visé dans le procès-verbal ne portait pas aussi sur la valeur des biens composant l'actif social et les avantages particuliers.
La Chambre commerciale juge au contraire qu'il résultait de ces constatations que le rapport sur l'évaluation des biens et l'octroi des avantages particuliers n'avait pas fait l'objet d'une approbation expresse des associés, ce qui entraînait de facto la nullité de la transformation.
Pour en savoir plus : v. ÉTUDE : L’évolution de la société en SARL, La transformation de la SARL en une autre forme sociale : procédure, in Droit des sociétés (dir. B. Saintourens), Lexbase N° Lexbase : E8791B4D. |
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:489692