Le Quotidien du 7 juin 2024

Le Quotidien

Avocats/Procédure

[Jurisprudence] Requête devant le Juge de l’exécution : pas d’obligation de passer par un avocat local

Réf. : Cass. avis, 25 avril 2024, n° 23-70.020, FS-B N° Lexbase : A9171288

Lecture: 6 min

N9344BZ4

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par Charles Simon, avocat au Barreau de Paris, administrateur de l’AAPPE et de Droit & Procédure

Le 06 Juin 2024

Mots-clés : postulation • JEX • représentation obligatoire • requête • avocat local

Creusant son sillon, la Cour de cassation vient de rendre un avis jugeant que, lorsqu’un avocat saisit le juge de l’exécution d’une requête, les règles de la postulation ne s’appliquent pas. Cela signifie que tout avocat peut présenter une requête au juge de l’exécution, y compris lorsque la représentation est obligatoire et alors même que l’avocat n’est pas du ressort de la cour d’appel.


 

Cet avis de la Cour de cassation rassurera les hésitants. Car, il y a plus de quatre ans, une réforme de la procédure civile a rendu obligatoire la représentation par avocat devant le juge de l’exécution, y compris en matière mobilière, tout en limitant géographiquement les avocats pouvant assurer cette représentation (I). Mais des doutes sont rapidement apparus pour les requêtes. N’était-il vraiment pas possible à tout avocat de présenter une requête au juge de l’exécution (II) ? Cet avis de la Cour de cassation clôt le débat, en écartant expressément les règles limitant géographiquement l’accès de tous les avocats au juge de l’exécution dans un tel cas (III).

  1. I. L’introduction de la représentation par avocat devant le juge de l’exécution et ses conséquences géographiques

La représentation par avocat a toujours été obligatoire en matière de saisie immobilière. Mais la loi n° 2019-222, du 23 mars 2019, de programmation 2018-2022 et de réforme de la justice N° Lexbase : L6740LPC a consacré la représentation obligatoire par avocat devant le juge de l’exécution y compris en matière mobilière. Cette représentation est de principe, sauf exceptions fixées à l’article L. 121-4 du Code des procédures civiles d’exécution N° Lexbase : L7271LPY. C’est notamment le cas lorsque la demande a pour origine une créance ou tend au paiement d’une somme qui n’excède pas 10 000 euros (CPCE, art. R. 121-6 N° Lexbase : L9440LTS).

Mais, par contamination, la réforme a aussi limité géographiquement les avocats pouvant assurer la représentation des parties devant le juge de l’exécution lorsque celle-ci est obligatoire. En effet, le juge de l’exécution est une fonction particulière du tribunal judiciaire (COJ, art. L. 213-5 N° Lexbase : L7741LPE). Or, devant le tribunal judiciaire, l’article 5 de la loi n° 71-1130, du 31 décembre 1971, portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques N° Lexbase : L6343AGZ empêche les avocats de « postuler » hors du ressort de la cour d’appel où ils ont établi leur résidence professionnelle. Et qu’est-ce que la postulation ? Aucune définition légale n’en existe mais la Cour de cassation l’a définie comme « la représentation obligatoire d'une partie devant une juridiction » (Cass. civ. 2, 28 janvier 2016, n° 14-29.185, F-P+B+I N° Lexbase : A9588N4U).

La réforme de la procédure civile de 2019 a donc eu pour double effet de rendre la représentation par avocat obligatoire devant le juge de l’exécution, y compris en matière mobilière, tout en limitant géographiquement son exercice aux seuls avocats inscrits à la cour d’appel dans le ressort duquel le juge de l’exécution saisi se trouve.

  1. II. Les doutes que la réforme a fait naître

Une incertitude est cependant rapidement apparue concernant l’application de la limitation géographique à la postulation en matière de requêtes présentées au juge de l’exécution (C. Simon, La postulation : certitudes et incertitudes à la suite de la réforme de la procédure civile, Lexbase, Droit privé, mai 2021, n° 865 N° Lexbase : N7523BYB).

En effet, dans une foire aux questions de février 2020, la Chancellerie a estimé que cette limitation ne s’appliquait pas en l’espèce (Direction des affaires civiles et du sceau, Réforme de la procédure civile – FAQ, février 2020, p. 13-14).

Pour en arriver à cette conclusion, la Chancellerie se référait à des avis de la Cour de cassation en matière d’appel prud’homal. Ces avis écartaient les règles de la postulation dans ce cas, aux motifs du pouvoir de représentation du défenseur syndical, à côté de celui de l’avocat (Cass. avis, 5 mai 2017, deux avis, n° 17006 N° Lexbase : A9752WBS et n° 17007 N° Lexbase : A9753WBT). La Chancellerie en tirait la conclusion que les règles de la postulation ne s’appliquaient pas lorsque les parties sont soumises à l’obligation d’être représentées sans être tenues d’être représentées par un avocat.

Or, dans le cas du juge de l’exécution, elle observait qu’un huissier de justice (devenu depuis commissaire de justice) pouvait aussi représenter les parties dans les procédures d’ordonnances sur requête, y compris lorsque la représentation était obligatoire, au visa des articles L. 121-4 N° Lexbase : L7271LPY, L. 122-2 N° Lexbase : L5811IRN et R. 121-23 N° Lexbase : L9213LTE du Code des procédures civiles d’exécution. Elle écartait donc les règles de la postulation dans ce cas. Mais elle réservait l’appréciation souveraine des juridictions. Les praticiens étaient donc à risque d’une interprétation contraire des juges. La Cour de cassation vient de mettre un terme à cette incertitude avec son dernier avis.

  1. III. La possibilité pour tout avocat de présenter une requête devant le juge de l’exécution

Cet avis pose que « lorsque le juge de l'exécution est saisi d'une requête, dans les conditions de l'article R. 121-23, alinéa 2, du Code des procédures civiles d'exécution, les règles de la postulation ne s'appliquent pas. La requête peut être déposée ou remise par un avocat n'ayant pas sa résidence professionnelle dans le ressort de la cour d'appel dans laquelle se trouve le juge de l'exécution du tribunal saisi. »

Si elle ne les cite pas, la Cour de cassation s’inscrit dans les pas des précédents avis qu’elle avait rendus en matière d’appel prud’homal. En effet, pour arriver à cette conclusion, elle relève que, aux termes de l’article L. 122-2 du Code des procédures civiles d’exécution N° Lexbase : L5811IRN, le commissaire de justice peut demander au juge de l’exécution de donner les autorisations nécessaires à la conduite des opérations d’exécution. C’est donc ce pouvoir concurrent des commissaires de justice, à côté de celui des avocats, pour représenter les parties devant le juge de l’exécution en matière de requête qui permet à la Cour de cassation d’écarter les règles de la postulation.

Pour paraphraser la foire aux questions de la Chancellerie, on peut donc retenir que, lorsque les parties sont soumises à l’obligation d’être représentées sans être tenues d’être représentées par un avocat, alors tout avocat peut représenter les parties, sans limitation géographique, y compris devant le tribunal judiciaire et la cour d’appel.

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Discrimination

[Brèves] Discrimination en raison de l'activité syndicale : rappel sur l'aménagement probatoire

Réf. : Cass. soc., 29 mai 2024, n° 22-17.741, F-B N° Lexbase : A84085DR

Lecture: 2 min

N9513BZD

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par Lisa Poinsot

Le 06 Juin 2024

► Lorsque le salarié présente plusieurs éléments constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments pris dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'une telle discrimination et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Faits et procédure. Un salarié est mis à pied à titre disciplinaire pour avoir participé à un mouvement de grève organisé au sein de l’entreprise par un syndicat. Il est licencié pour faute grave par la suite.

Il saisit la juridiction prud’homale aux fins de nullité du licenciement du fait de sa participation à la grève.

La cour d’appel (CA Nouméa, 23 septembre 2021, n° 19/00096 N° Lexbase : A2573498) relève notamment que :

  • parmi les salariés sanctionnés disciplinairement à la suite du mouvement de grève engagé par un syndicat, certains ont bénéficié ultérieurement d’une augmentation de salaire ou d’une promotion ;
  • parmi les salariés licenciés, certains sont représentants syndicaux d’un autre syndicat.

Par conséquent, il est jugé que le salarié n’établit pas de faits susceptibles de caractériser une discrimination en raison de son activité syndicale.

Ce dernier forme alors un pourvoi en cassation en soutenant qu’à l'appui de sa demande de nullité de son licenciement, la discrimination dont il avait fait l'objet était caractérisée par plusieurs éléments de fait, à savoir que la société avait procédé au licenciement de la plupart des salariés appartenant au syndicat ayant participé à une grève qu'elle avait considérée comme illicite.

Solution. Énonçant la solution susvisée, la Chambre sociale de la Cour de cassation rejette le pourvoi.

Pour aller plus loin :

  • v. infographies, INFO608, L’action en justice en cas de discrimination (civil et pénal) N° Lexbase : X7378CNL ; INFO609, Lutte contre les discriminations au travail N° Lexbase : X7436CNQ, Droit social ;
  • v. ÉTUDE : Le principe de non-discrimination, Les activités syndicales ou mutualistes, in Droit du travail, Lexbase N° Lexbase : E1938038.

 

newsid:489513

Droit des étrangers

[Brèves] Pas d’exclusion des étrangers en situation irrégulière du bénéfice de l’aide juridictionnelle

Réf. : Cons. const., décision n° 2024-1091/1092/1093 QPC, du 28 mai 2024 N° Lexbase : A67745DA

Lecture: 3 min

N9520BZM

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par Yann Le Foll

Le 06 Juin 2024

► L’exclusion des étrangers en situation irrégulière du bénéfice de l’aide juridictionnelle est contraire au principe d’égalité devant la justice et doit être déclarée contrairs à la Constitution.

Rappel. Selon l’article 2 de la loi n° 91-647, du 10 juillet 1991, relative à l’aide juridique N° Lexbase : L8607BBE, les personnes physiques dont les ressources sont insuffisantes pour faire valoir leurs droits en justice peuvent bénéficier d’une aide juridictionnelle.

En application de son article 3, sont admises au bénéfice de cette aide les personnes de nationalité française et les ressortissants des États membres de l’Union européenne.

Les dispositions contestées de cet article (les mots « et régulièrement » figurant à son deuxième alinéa) prévoient que, sauf dans certains cas, les autres personnes de nationalité étrangère résidant habituellement en France ne peuvent être admises au bénéfice de l’aide juridictionnelle que si, en outre, elles y résident régulièrement.

Position Cons. const. Ces dispositions instaurent ainsi une différence de traitement entre les étrangers selon qu’ils se trouvent ou non en situation régulière en France.

Si le législateur peut prendre des dispositions spécifiques à l’égard des étrangers, en tenant compte notamment de la régularité de leur séjour, c’est à la condition de respecter les droits et libertés garantis par la Constitution reconnus à tous ceux qui résident sur le territoire de la République et, en particulier, pour se conformer au principe d’égalité devant la justice (reconnu de valeur constitutionnelle par la décision n° 75-56 DC, du 23 juillet 1975 N° Lexbase : A7914AC4, d’assurer des garanties égales à tous les justiciables.

Il résulte des trois derniers alinéas de l’article 3 de la loi n° 91-647, du 10 juillet 1991, que les étrangers ne résidant pas régulièrement en France peuvent bénéficier, par dérogation, de l’aide juridictionnelle lorsqu’ils sont mineurs, qu’ils sont mis en cause ou parties civiles dans une procédure pénale, ou font l’objet de certaines mesures prévues par l’article 515-9 du Code civil N° Lexbase : L2997LUK ou par le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, ainsi que, à titre exceptionnel, lorsque leur situation apparaît particulièrement digne d’intérêt au regard de l’objet du litige ou des charges prévisibles du procès.

Or, en privant dans tous les autres cas les étrangers ne résidant pas régulièrement en France du bénéfice de l’aide juridictionnelle pour faire valoir en justice les droits que la loi leur reconnaît, les dispositions contestées n’assurent pas à ces derniers des garanties égales à celles dont disposent les autres justiciables.

Décision. Dès lors, ces dispositions méconnaissent le principe d’égalité devant la justice et doivent être déclarées contraires à la Constitution à compter du 31 mai 2024.

newsid:489520

Internet

[Brèves] Commandes en ligne : contours de l’obligation de paiement

Réf. : CJUE, 30 mai 2024, aff. C-400/22, VT c/ Conny GmbH N° Lexbase : A97775DK

Lecture: 2 min

N9499BZT

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par Perrine Cathalo

Le 06 Juin 2024

► Dans le cas des contrats à distance conclus par l’intermédiaire de sites internet, l’obligation pesant sur le professionnel de veiller à ce que le consommateur, lorsqu’il passe sa commande, accepte explicitement une obligation de payer, s’applique même quand le consommateur n’est tenu de payer à ce professionnel la contrepartie à titre onéreux qu’après la réalisation d’une condition ultérieure.

Faits et procédure. En Allemagne, le locataire d’un appartement dont le loyer mensuel était supérieur au plafond maximal autorisé par le droit national a demandé à une entreprise recouvrant des créances de réclamer à ses bailleurs les trop-perçus de loyers. Il a passé cette commande à travers le site internet de ce prestataire. Avant de cliquer sur le bouton de commande, il a coché une case pour accepter les conditions générales. Selon ces dernières, les locataires doivent verser une rémunération à hauteur d’un tiers du loyer annuel économisé si les tentatives du prestataire visant à faire valoir ses droits étaient couronnées de succès.

Dans le litige entre le prestataire et les bailleurs qui s’en est suivi, ces derniers font valoir que le locataire n’a pas valablement mandaté le prestataire. En effet, le bouton de commande n’aurait pas comporté la mention « commande avec obligation de paiement » (ou une formule similaire), comme l’exigerait la Directive relative aux droits des consommateurs (Directive n° 2011/83, du 25 octobre 2011 N° Lexbase : L2807IRE). Dans ce cadre, la question s’est posée de savoir si cette exigence s’applique aussi lorsque l’obligation de paiement pour le locataire ne naît pas de la seule commande (v. CJUE, 7 avril 2022, aff. C-249/21, Fuhrmann N° Lexbase : A11077T8), mais requiert encore le succès de la mise en œuvre de ses droits. La juridiction allemande saisie de ce litige a interrogé la Cour de justice à cet égard.

Décision. La Cour juge que le professionnel doit informer, conformément aux exigences de la Directive, le consommateur avant la passation de la commande sur internet qu’il se soumet par cette commande à une obligation de payer. Cette obligation du professionnel vaut indépendamment de la question de savoir si l’obligation de payer pour le consommateur est inconditionnelle ou si ce dernier n’est tenu de payer le professionnel qu’après la réalisation ultérieure d’une condition.

Si le professionnel n’a pas respecté son obligation d’information, le consommateur n’est pas lié par la commande. Rien n’empêche, toutefois, le consommateur de confirmer sa commande.

newsid:489499

Procédure pénale

[Brèves] Juridiction compétente : l’action du chef d’un abordage en mer territoriale ne peut être intentée que devant le tribunal de résidence du défendeur.

Réf. : Cass. crim., 4 juin 2024, n° 22-87.171, F-B N° Lexbase : A84515EQ

Lecture: 3 min

N9536BZ9

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par Pauline Le Guen

Le 26 Juin 2024

► Dans le cadre d’un litige relatif à un abordage entre navires en mer territoriale, l’action civile accessoirement exercée devant une juridiction pénale ne peut être intentée que devant le tribunal du lieu de résidence habituelle du défendeur ou d’un des sièges de son exploitation. 

Rappel des faits et de la procédure. Un navire italien est entré en collision avec un bateau battant pavillon français. Ses occupants ont été blessés. Le juge d’instruction a renvoyé le pilote du navire devant le tribunal maritime des chefs de délits et contraventions de blessures involontaires par violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de sécurité ou de prudence, et non-respect des règles de la Convention Colreg. Le tribunal a rejeté l’exception d’incompétence des juridictions françaises, soulevée par le prévenu, et l’a déclaré coupable. Lui et le ministère public ont relevé appel de cette décision. 

En cause d’appel. La cour d’appel a déclaré le prévenu coupable et a rejeté l’exception d’incompétence.  Lui et la société qui assurait son navire se sont pourvus en cassation. 

Moyens du pourvoi. Dans son premier moyen, le prévenu faisait grief à l’arrêt de le déclarer coupable des infractions susvisées, alors que ces dernières ne peuvent être retenues qu’en cas de violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de sécurité ou de prudence, prévue par la loi ou le règlement. Or, le règlement international pour prévenir les abordages en mer ne prévoit qu’une obligation générale de sécurité et de vigilance, de sorte que les infractions ne pouvaient être retenues selon lui. Le second moyen critiquait l’arrêt d’avoir rejeté l’exception d’incompétence pour l’action civile des juridictions françaises, alors que l’article 1 de la Convention de Bruxelles pour l’unification de certaines règles relatives à la compétence civile en matière d’abordage énonce que l’action du chef d’un abordage peut être intentée soit devant le tribunal de résidence habituelle du défendeur ou d’un des sièges de son exploitation, soit devant le tribunal du lieu de l’abordage lorsqu’il a eu lieu dans les ports, rades ou eaux intérieures. Dès lors, la cour d’appel ne pouvait ici retenir sa compétence. 

Décision. La Cour de cassation écarte le premier moyen. En effet, le règlement international impose à tout navire une obligation générale de sécurité ou de prudence afin d’apprécier pleinement la situation et les risques d’abordage. Cette règle étant objective, immédiatement perceptible et clairement applicable sans faculté d’appréciation du sujet, les infractions pouvaient être retenues. Elle fait cependant droit au second moyen, au visa de l’article 1 de la Convention de Bruxelles. En effet, en l’absence de réserve de la France, aucune disposition interne ne peut avoir pour effet d’écarter la compétence édictée par le Traité international, prévoyant ici que lorsqu’un abordage a lieu en mer territoriale, le tribunal de la résidence habituelle du défendeur ou d’un des sièges de son exploitation est seul compétent. Partant, la cour d’appel ne pouvait se déclarer compétente, les dispositions, prévues en matière civile, s’appliquant également à l’action civile accessoirement exercée devant une juridiction pénale qui aurait préalablement déjà statué sur l’action publique. 

Pour aller plus loin : E. Maurel, ÉTUDE : Les règles de compétences pénales, in Procédure pénale (Dir. J.-B. Perrier), Lexbase, N° Lexbase : E17523BI

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Procédures fiscales

[Brèves] Proposition de rectification et motivation par référence

Réf. : CE 3e et 8e ch. réunies, 30 avril 2024, n° 465718, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A09495AE

Lecture: 4 min

N9475BZX

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par Marie-Claire Sgarra

Le 06 Juin 2024

Une proposition de rectification adressée à un gérant et associé d’une société se référant à celle adressée à cette dernière, laquelle a été ultérieurement envoyée au contribuable, auquel a été accordé un nouveau délai pour présenter ses observations est régulière.

Faits. Vérification de comptabilité au titre de l’exercice 2014 d’une SARL. Absence de comptabilité probante. L’administration procède donc à la reconstitution de son chiffre d’affaires et de son bénéfice. L’administration estime que le gérant et associé de cette société avait la qualité du seul maître d’affaire et est par suite réputé avoir appréhendé les revenus, correspondant aux bénéfices non déclarés, regardés comme distribués par cette société.

Procédure. L'administration l'a assujetti à une cotisation supplémentaire d’IR et de contributions sociales au titre de l'année 2014. La cour administrative d'appel de Douai rejette l’appel formé contre le jugement du tribunal administratif d’Amiens qui a accordé au gérant la décharge de ces impositions supplémentaires (CAA Douai, 19 mai 2022, n° 20DA00158 N° Lexbase : A105373E).

Principes :

  • l'administration adresse une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (LPF, art. L. 57 N° Lexbase : L0638IH4) ;
  • la proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée (LPF, art. R. 57-1 N° Lexbase : L2033IBW).

Précisions du Conseil d’État. ll résulte de ces dispositions que l'administration doit indiquer au contribuable, dans la proposition de rectification, les motifs et le montant des rehaussements envisagés, leur fondement légal et la catégorie de revenus dans laquelle ils sont opérés, ainsi que les années d'imposition concernées, de manière à lui permettre de formuler utilement ses observations. En cas de motivation par référence, l'administration doit, en principe, annexer les documents auxquels elle se réfère dans la proposition de rectification ou en reprendre la teneur.

Sur le cas applicable en l’espèce. La proposition de rectification a été adressée à un particulier, en sa qualité de gérant et associé d’une société étant présumé avoir appréhendé les revenus regardés comme distribués par cette société, à la suite d’une vérification de comptabilité.

Cette proposition de rectification se réfère explicitement à celle adressée à cette société au titre d’une cotisation supplémentaire d’IS, sans la joindre.

La copie de la proposition de rectification a été adressée à la société ayant été envoyée au contribuable à son adresse personnelle, à sa demande, et précisait les modalités de détermination des recettes reconstituées et réputées distribuées.

L’administration a accordé au contribuable un nouveau délai de 30 jours pour présenter ses observations, en prorogeant le délai imparti par la proposition qui lui avait initialement été adressée.

Par suite, les impositions litigieuses n’ont pas été établies à l’issue d’une procédure méconnaissant, pour ce motif, les exigences de l’article L. 57 du Livre des procédures fiscales, précité.

L’arrêt de la cour administrative d'appel de Douai est annulé.

Précisions. Sur la motivation d’une proposition de rectification par renvoi, le Conseil d'État a jugé qu’une proposition de rectification se bornant à mentionner un courrier adressé antérieurement au contribuable par l'interlocuteur régional, saisi à la suite d'un précédent contrôle, et un courrier adressé par les services de la sous-direction du contrôle fiscal de la direction générale des finances publiques, présenté comme confirmant la position prise dans le premier courrier, ne saurait être regardée comme suffisamment motivée au regard des exigences de l'article L. 57 du Livre des procédures fiscales N° Lexbase : L0638IH4 (CE 9e et 10e s.-sect. réunies, 18 novembre 2015, n° 382376, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A5628NXQ).

 

newsid:489475