Le Quotidien du 30 mai 2024

Le Quotidien

Accident du travail - Maladies professionnelles (AT/MP)

[Brèves] Indemnisation de la faute inexcusable : contre qui diriger l’action ?

Réf. : Cass. civ. 2, 16 mai 2024, n° 22-17.217, F-B N° Lexbase : A62755BZ

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N9380BZG

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par Laïla Bedja

Le 29 Mai 2024

► Si l'action en reconnaissance de la faute inexcusable ne peut être dirigée que contre l'employeur de la victime, quel que soit l'auteur de la faute et en présence de la caisse, l'instance en indemnisation des conséquences de la faute inexcusable ne peut avoir pour objet, à l'issue de sa reconnaissance, que la fixation des indemnités complémentaires et non la condamnation de l'employeur ou de la caisse, qui est seulement chargée de faire l'avance des prestations et indemnités et dispose d'un recours contre l'employeur.

Faits et procédure. Un salarié a été victime d’un accident le 15 décembre 1986 pris en charge au titre de la législation professionnelle par la caisse primaire d’assurance maladie. Un jugement est intervenu en 1999 portant reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur.

À la suite du décès du salarié, un jugement a imputé le décès à l’accident du travail. La veuve de la victime a saisi une juridiction chargée du contentieux de la Sécurité sociale aux fins de majoration à son maximum de la rente versée à la veuve de la victime ainsi que de réparation de leur préjudice moral.

Cour d’appel. Pour rejeter les demandes des ayants droit et déclarer irrecevables leurs demandes en cause d’appel contre l’employeur, la cour d’appel énonce que les dispositions légales (CSS, art. L. 452-1 N° Lexbase : L5300ADN, L. 452-2 N° Lexbase : L7113IUY et L. 452-3 N° Lexbase : L5302ADQ) font obstacle à ce que la majoration de rente ou l’indemnisation des préjudices complémentaires résultant de la faute inexcusable soient attribuées dans le cadre d’un litige opposant la seule caisse aux ayants droit. Elle ajoute que les demande des ayants droit à l’encontre de l’employeur constituent des prétentions nouvelles à hauteur d’appel.

Décision. Énonçant la solution précitée, la Haute juridiction casse et annule l’arrêt rendu par les juges du fond. Il résulte des productions que les ayants droit avaient dirigé leurs conclusions de première instance tendant à la majoration de la rente de la veuve de la victime et à la réparation de leurs préjudices tant à l'encontre de la caisse qu'à l'encontre de l'employeur qui avait été appelé en la cause devant le tribunal, la cour d'appel a violé les articles L. 452-1, L. 452-2 et L. 452-3 du Code de la Sécurité sociale.

Pour aller plus loin :

  • ÉTUDE : L’incidence de la faute dans la réalisation de l’accident de travail ou de la maladie professionnelle, Le droit à une indemnisation complémentaire, in Droit du travail, Lexbase N° Lexbase : E3156ET3 ;
  • ÉTUDE : L’indemnisation des accidents du travail et des maladies professionnelles, La faute inexcusable, in Droit de la protection sociale, Lexbase N° Lexbase : E56114QU  

 

newsid:489380

Avocats/Accès à la profession

[Brèves] Accès à la profession d’un avocat russe : la condition de réciprocité n’est pas établie

Réf. : CA Paris, 16 mai 2024, n° 23/08110 N° Lexbase : A23545DK

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par Marie Le Guerroué

Le 29 Mai 2024

► Faute de pouvoir satisfaire à la condition de réciprocité de l'article 11, 1°, de la loi n° 71-1130, du 31 décembre 1971, la demande d'accès à la profession d'un avocat russe doit être rejetée.

Faits et procédure. L’appelant de nationalité russe, se prévalant de sa qualité d'avocat au barreau de la République tchétchène de la Fédération de Russie, avait présenté au Conseil national des barreaux français une requête aux fins de se voir admis au bénéfice des dispositions de l'article 11 de la loi n° 71-1130, du 31 décembre 1971 N° Lexbase : L6343AGZ et de l'article 100 du décret n° 91-1197, du 27 novembre 1991 N° Lexbase : L8168AID. Le Conseil national des barreaux ayant rejeté la demande, l’intéressé forme un recours.

Réponse de la cour. Le débat porte particulièrement sur la condition de réciprocité posée au 1° de l'article 11 de la loi du 31 décembre 1971, l’appelant n'étant membre ni de l'Union européenne ni de l'Espace économique européen.

La cour d’appel rappelle la jurisprudence de la Cour de cassation qui a décidé, dans son arrêt du 6 décembre 2023 (Cass. civ. 1, 6 décembre 2023, n° 22-15.558, FS-B N° Lexbase : A669017W), à propos de l'article VII des principes généraux de l'AGCS relatif à la reconnaissance des autorisations, licences ou certificats , que « le ressortissant d'un État n'appartenant pas à l'Union européenne ou n'étant pas partie à l'accord sur l'Espace économique européen doit, au soutien d'une demande d'inscription fondée sur l'article 11 alinéa 1° de la loi du 31 décembre 1971, prouver que la condition de réciprocité prévue à l'article 11 est remplie ». Il incombe donc à l’appelant, faute de bénéficier de la présomption alléguée, de se plier à cette exigence de preuve et de démontrer que la Russie, conformément à l'article 11, accorde immédiatement et sans condition aux avocats français, fournisseurs de services juridiques, le même traitement que celui qui serait le sien dans l'accès et l'exercice de la profession d'avocat qu'il souhaite exercer en France. La cour précise que cette réciprocité doit exister tant en droit qu'en fait, et permettre aux avocats français d'abord d'accéder en Russie au titre d'avocat, puis d'exercer leur profession sans discrimination par rapport aux modalités d'exercice des avocats nationaux.

La cour analyse l’attestation produite par l’appelant et établie par une avocate au barreau de l'Oblast de Leninigrad, intitulée « certificat de statut juridique d'un avocat étranger en Russie ». Elle en déduit que d'une part, l'examen permettant l'accès au plein exercice de la profession en Russie n'est pas seulement un contrôle de connaissances en droit russe tel que celui symétriquement proposé en France à un avocat étranger satisfaisant à la condition de détention d'un diplôme équivalent, dans les termes de l'article 100 du décret du 27 novembre 1991, mais le même que celui proposé aux citoyens russes impétrants, sur la teneur duquel il n'est au demeurant fourni aucune précision, mais avec un effet nécessairement discriminatoire au détriment des non ressortissants russes et, d'autre part, l'indication de ce que les informations sur la personne ayant réussi l'examen et prêté serment « sont incluses dans le registre régional des avocats du sujet concerné de la Fédération de Russie » laisse un doute sérieux sur la capacité qu'ouvrirait l'examen à exercer dans toutes les matières et sur tout le territoire, alors que symétriquement l’appelant, après avoir subi le contrôle de ses connaissances dans la matière de son choix, aurait, une fois admis, toute latitude d'exercer dans tous les domaines du droit sur tout le territoire, l'affirmation selon laquelle les personnes étrangères ayant acquis dans les conditions indiquées le statut d'avocat sont autorisées à exercer sur tout le territoire de la Fédération de Russie étant immédiatement tempérée par la réserve, non explicitée, du « cas contraire prévu par la loi ». Enfin, pour la cour, aucune réciprocité ne peut être utilement invoquée pour l'avocat français admis comme avocat en Russie en dispense d'examen, son inscription sur le registre des avocats étrangers ne lui ouvrant pas un accès plein et entier à la profession. L'attestation produite n'établit donc pas l'équivalence juridique alléguée entre les conditions d'accès et d'exercice offerte à un avocat français exerçant en Russie et celles qu'ouvrirait à l’appelant sa réussite à l'examen d'accès auquel il revendique le droit de s'inscrire.
En outre, la cour relève qu’ il résulte des circonstances politiques actuelles et de la profonde dégradation des relations entre la Russie et ses partenaires, en particulier l'Union européenne et ses membres, des restrictions qui, portant notamment sur l'obtention de titres de séjour, la libre circulation des personnes vers et depuis la Russie, ou le fonctionnement des flux financiers, sont antinomiques d'un accès et d'un exercice professionnel effectifs des avocats français en Russie, fussent-ils toujours inscrits auprès d'un barreau russe et membres de sociétés d'avocats implantées sur le territoire de la Fédération de Russie.

Confirmation. En l'absence de réciprocité démontrée, le rejet de la demande par le CNB est donc confirmé.

Pour aller plus loin : 

  • v. ÉTUDE : L'inscription au tableau des personnes ayant acquis la qualité d'avocat dans un État ou une unité territoriale n'appartenant ni à l'Union européenne, ni à l'Espace économique européen, ni à la Confédération suisse, in La profession d'avocat (dir. H. Bornstein), Lexbase N° Lexbase : E33583RS ;
  • v. ÉTUDE : Les conditions générales d'accès à la profession d'avocat, in La profession d'avocat (dir. H. Bornstein), Lexbase N° Lexbase : E32933RE.

 

newsid:489393

Construction

[Brèves] Réception tacite et travaux sur existant : la seule prise de possession ne suffit pas

Réf. : Cass. civ. 3, 23 mai 2024, n° 22-22.938, FS-B N° Lexbase : A86155C3

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N9428BZ9

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par Juliette Mel, Docteur en droit, Avocat associé, M2J AVOCATS, Chargée d’enseignements à l’UPEC, Responsable de la commission Marchés de Travaux, Ordre des avocats

Le 29 Mai 2024

► La présomption de réception tacite suppose prise de possession et paiement du prix ;

La présomption de réception ne résulte donc pas uniquement de l’occupation des lieux ; d’autant que les travaux ne sont ni terminés ni payés.

Il serait, sans doute, temps d’intervenir pour mettre un terme à cette création prétorienne qui est la réception tacite. La multiplicité des contentieux, jusqu’en cassation, est bien la preuve de l’inefficacité du régime mis en place, sans même évoquer l’absence de sécurité juridique consécutif. Devoir aller jusqu’en cassation pour savoir si un ouvrage est réceptionné n’est pas satisfaisant. C’est d’ailleurs pour cette raison que le législateur a souhaité y mettre un terme. L’article 1792-6 du Code civil N° Lexbase : L1926ABX ne prévoit pas la réception tacite. Seules les réceptions expresses et judiciaires sont possibles. La jurisprudence, tant administrative que judiciaire, a toutefois résisté.

Le régime de la réception tacite est trop compliqué. Doit être caractérisée la volonté non-équivoque du maître d’ouvrage de recevoir l’ouvrage. Si cette volonté est caractérisée, il y a réception tacite mais si, au contraire, est caractérisée la volonté non-équivoque de ne pas recevoir l’ouvrage, il n’y a pas de réception tacite possible. L’approche paraît simple mais cela est loin d’être le cas.

Sont ainsi insuffisants, pris isolément, à caractériser une réception tacite, la prise de possession des lieux (Cass. civ. 1, 4 octobre 2000, n° 97-20.990, publié au bulletin N° Lexbase : A7732AHT, Constr. urb., 2000, n° 298), le paiement du prix (Cass. civ. 3, 30 septembre 1998, n° 96-17.014, publié au bulletin N° Lexbase : A5487AC9, Constr. urb., 1998, com. 409), la signature d’une déclaration d’achèvement des travaux et d’un certificat de conformité (Cass. civ. 3, 11 mai 2000, n° 98-21.431, inédit au bulletin N° Lexbase : A4667CRB, AJDI, 2000, 741), des difficultés financières, l’achèvement de l’ouvrage (Cass. civ. 3, 25 janvier 2011, n° 10-30.617, F-D N° Lexbase : A8600GQL), la succession d’une entreprise à une autre (Cass. civ. 3, 19 mai 2016, n° 15-17.129, FS-P+B N° Lexbase : A0851RQL), le paiement du solde dû à l’entreprise (Cass. civ. 3, 22 juin 1994, n° 90-11.774 N° Lexbase : A6284ABD), surtout lorsque des réserves importantes sont émises par le maître d’ouvrage (Cass. civ. 3, 10 juillet 1991, n° 89-21.825, publié au bulletin N° Lexbase : A2841ABT).

Mais, a contrario, si le maître d’ouvrage manifeste, au contraire, sa volonté non-équivoque de ne pas recevoir les travaux, cela fait obstacle à toute caractérisation de la réception tacite. La solution, posée par un arrêt de ce 13 juillet 2016 (Cass. civ. 3, 13 juillet 2016, n° 15-17.208, FS-P+B+R N° Lexbase : A2071RXY), la solution a été depuis maintes fois confirmée comme l’illustre l’arrêt rapporté.

En l’espèce, une commune fait édifier un complexe socio-culturel et sportif. Après la réception de l’ouvrage, la commune dénonce l’apparition de fissures importantes en façades. Les travaux de réparation sont réalisés. À la suite de ces travaux, la commune déclare de nouvelles fissures, en indiquant que la stabilité de la structure était compromise et que les travaux de reprise avaient été inefficaces. La cour d’appel de Toulouse, dans un arrêt rendu le 12 septembre 2022, juge inapplicable la responsabilité décennale faute de réception.

Un pourvoi est formé mais il est rejeté. La Haute juridiction considère que, par leur pouvoir souverain d’appréciation, les juges du fond ont relevé que les travaux de finition n’avaient été ni exécutés ni payés, ce qui fait obstacle à la caractérisation d’une réception tacite. La seule occupation de l’occupant dans les lieux est insuffisant à caractériser la volonté du maître d’ouvrage de recevoir l’ouvrage.

newsid:489428

Distribution

[Brèves] Contrat de franchise conclu intuitu personae et changement de contrôle du franchiseur

Réf. : Cass. com., 15 mai 2024, n° 22-20.747, FS-B  N° Lexbase : A49305B9

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N9353BZG

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par Vincent Téchené

Le 24 Septembre 2024

► Si le contrat de franchise est conclu en considération de la personne du franchiseur, pour autant, la cession de la totalité des parts ou actions de la société franchiseur et l'évolution de ses dirigeants, qui n'impliquent pas de changement de la personne morale en considération de laquelle le franchisé s'est engagé et n'emportent aucune cession du contrat de franchise, ne requièrent pas, sauf clause contraire, l'accord préalable des franchisés.

Faits et procédure. Une société (le franchiseur) exploite et anime un réseau de franchise de restauration rapide. Une autre société (le propriétaire) donne notamment en location-gérance des fonds de commerce exploités sous l’enseigne du franchiseur.

Le réseau de franchise a été cédé et le propriétaire des fonds de commerce a informé les locataires-gérants que les contrats de location-gérance i ne seraient pas renouvelés et prendraient fin de plein droit le 6 avril 2017.

Le franchiseur a en outre indiqué à l’un des locataires-gérants qu’il n'était plus franchisé depuis cette date, la cessation du contrat de location-gérance ayant emporté la caducité du contrat de franchise.

C’est dans ces conditions que le franchisé en question a formé un pourvoi en cassation contre un arrêt de la cour d’appel de Paris qui a notamment constaté la caducité des contrats de franchise en conséquence du non-renouvellement des contrats de location-gérance (CA Paris, 5-4, 29 juin 2022, n° 18/19812 N° Lexbase : A271179B.

Décision. En premier lieu, la cour d’appel a retenu en substance :

  • d’une part, que le contrat de location-gérance constitue le support du contrat de franchise sans lequel celui-ci ne peut s'exécuter et que le sort du contrat de franchise est ainsi lié à celui du contrat de location-gérance ; 
  • d’autre part, que la dénonciation des deux contrats de location-gérance est régulièrement intervenue.

La Cour de cassation approuve ainsi la cour d’appel qui a jugé que le contrat de location-gérance et le contrat de franchise poursuivaient la réalisation d'une même opération économique et que la disparition du premier ne permettait pas la poursuite de l'exécution du second, ce dont le locataire-franchisé avait connaissance. Dès lors, elle a exactement retenu que le contrat de location-gérance et le contrat de franchise associé au même fonds de commerce étaient indivisibles, de sorte que la cessation du premier à son terme avait entraîné de plein droit la caducité du second à la même date.

Surtout, et c’est ce qui retient ici l’attention, la Haute juridiction juge que si le contrat de franchise est conclu en considération de la personne du franchiseur, pour autant, la cession de la totalité des parts ou actions de la société franchiseur et l'évolution de ses dirigeants, qui n'impliquent pas de changement de la personne morale en considération de laquelle le franchisé s'est engagé et n'emportent aucune cession du contrat de franchise, ne requièrent pas, sauf clause contraire, l'accord préalable des franchisés.

La Cour de cassation opère ici rappel. Elle a en effet déjà retenu qu’en raison du principe d'autonomie de la personne morale cette dernière reste inchangée en cas de cession de la totalité des parts ou actions d'une société ou de changement de ses dirigeants. Dès lors en l’absence de stipulation contractuelle autorisant la rupture d’un contrat de distribution exclusive et en l'absence d'une stipulation particulière, la convention était maintenue en dépit des changements survenus (Cass. com., janvier 2013, n° 11-23.676, F-P+B N° Lexbase : A6180I4N, B. Brignon, Lexbase Affaires, avril 2013, n° 333 N° Lexbase : N6336BTT).

newsid:489353

Droit des étrangers

[Brèves] Requête aux fins de maintien de l’étranger en zone d'attente : l'arrêté préfectoral portant création d'une zone d'attente peut être produit au cours de la procédure

Réf. : Cass. civ. 1, 15 mai 2024, n° 22-23.507, FS-B N° Lexbase : A49335BC

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N9415BZQ

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par Yann Le Foll

Le 29 Mai 2024

► La requête aux fins de maintien de l’étranger en zone d'attente n’a pas à produire obligatoirement l'arrêté préfectoral portant création d'une zone d'attente à peine d’irrecevabilité.

Faits. Selon l'ordonnance attaquée, le 17 septembre 2022, un individu de nationalité sri-lankaise, a, à son arrivée sur l'île de la Réunion, été placé en zone d'attente, par décision du commissaire de la direction départementale de la police de l'air et des frontières, pour une durée de quatre jours.

Le 20 septembre 2022, le juge des libertés et de la détention a été saisi d'une demande de maintien de la mesure sur le fondement de l'article L. 342-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile N° Lexbase : L3923LZC.

Grief. Par leur moyen, le préfet de la Réunion et le commissaire de la direction départementale de la police de l'air et des frontières font grief à l'ordonnance de dire l'appel de l’intéressé fondé et d'infirmer la décision de maintien en zone d'attente.

Position Cour de cassation. Selon l'article R. 342-2 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile N° Lexbase : L4549LZI, à peine d'irrecevabilité, la requête aux fins de maintien en zone d'attente formée par l'autorité administrative est accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment d'une copie du registre prévu au second alinéa de l'article L. 341-2.

Toutefois, l'arrêté préfectoral portant création d'une zone d'attente, qui est un acte réglementaire faisant l'objet d'une publication, ne constitue pas une telle pièce et peut être produit au cours de la procédure.

Décision. Pour dire irrecevable la requête saisissant le juge des libertés et de la détention, l'ordonnance retient qu'elle n'a pas été accompagnée de l'arrêté portant création de la zone d'attente, qui constitue une pièce justificative utile.

En statuant ainsi, le premier président a violé le texte susvisé. L’ordonnance est cassée et annulée.

newsid:489415

Procédure civile

[Brèves] Radiation et péremption : le point de départ est la notification de l'ordonnance de radiation

Réf. : Cass. civ. 2, 23 mai 2024, n° 22-15.537, F-B N° Lexbase : A86085CS

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N9385BZM

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par Alexandra Martinez-Ohayon

Le 29 Mai 2024

En cas de radiation pour défaut d'exécution d'une décision frappée d'appel, le délai de péremption court à compter de la notification de la décision ordonnant la radiation ; dès lors, ne donne pas de base légale à sa décision, la cour d'appel qui statue sur la péremption sans rechercher la date de notification de l'ordonnance de radiation constituant son point de départ.

Faits et procédure. Dans cette affaire, une société a interjeté appel à l’encontre d’un jugement la condamnant à payer des sommes à un établissement public foncier. Le conseiller de la mise en état, saisi d’un incident sur radiation, a prononcé celle-ci par ordonnance du 13 février 2019. Le 13 octobre 2021, la demande de réinscription de la procédure aux fins de constatation de la péremption de l'instance a été rejetée, et l’ordonnance déférée devant la cour d’appel.

Pourvoi. La demanderesse fait grief à l'arrêt rendu le 24 mars 2022 par la cour d’appel d’Amiens d’avoir prononcé la péremption de l'instance initiée par sa déclaration d'appel du 17 avril 2018.

En l’espèce, pour dire l’instance périmée, l’arrêt retient que la société soutient en vain que les dispositions prévues par l'article 526 du Code de procédure civile N° Lexbase : L7263LEQ dérogent au droit commun de la péremption d'instance, et que la décision de radiation prise en application de ce texte ne constituant nullement une diligence des parties au sens des dispositions prévues par l'article 386 du Code de procédure civile N° Lexbase : L2277H44, dès lors qu’elle n'est pas un acté réalisé par l’une des parties, et ne peut également être qualifiée de décision de nature à faire progresser l'instance. Par ailleurs, la cour d’appel constate, que la dernière diligence des parties de nature à faire progresser l'instance datait du 17 juillet 2018, et qu'il n'était justifié d'aucune diligence interrompant le délai de péremption avant les conclusions sollicitant de voir constater la péremption d'instance.

Solution. Énonçant la solution susvisée au visa de l’article 526 du Code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891, du 6 mai 2017 N° Lexbase : L2696LEL, abrogé par le décret n° 2019-1333, du 11 décembre 2019 N° Lexbase : L8421LT3, la Cour de cassation, censure le raisonnement de la cour d’appel. Elle casse et annule en toutes ses dispositions l’arrêt rendu par la cour d’appel d’Amiens.

Pour aller plus loin : v. N. Fricero, ÉTUDE : Les incidents d’instance, in Procédure civile (dir. E. Vergès), Lexbase N° Lexbase : E15357IP.

newsid:489385

Sociétés

[Jurisprudence] Le tribunal de commerce de Nanterre donne raison au conseil d’administration de TotalEnergies sur le rejet d’une demande de résolution « consultative » sur le mode d’exercice de la direction générale

Réf. : T. com. Nanterre, 23 mai 2024, aff. n° 2024R00551 N° Lexbase : A84225DB

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par Virginie Corbet-Picard, Avocate associée, cabinet CMS Francis Lefebvre

Le 04 Juin 2024

Mots-clés : dialogue actionnarial • climat • assemblée • conseil d'administration • actionnaires


 

Le 23 mai 2024, le tribunal de commerce de Nanterre a rendu une décision attendue sur la recevabilité d’une demande de certains actionnaires de la société TotalEnergies, de voir inscrit à l’ordre du jour de l’assemblée du 24 mai 2024 un projet de résolution « consultatif » sur la modalité d’exercice de la direction générale. Le projet de résolution litigieux était libellé de la manière suivante :

« Les actionnaires, au moyen d’un vote consultatif, invitent le conseil d’administration de la société à décider, conformément à l’article 15 des statuts, que la direction générale de la Société sera assumée par une autre personne que le Président du conseil d’administration, sans que ce changement des modalités d’exercice de la direction générale de la société entraîne de modification des statuts. »

La question juridique soulevée par cette demande de résolution est essentiellement celle de la répartition des pouvoirs entre le conseil d’administration et l'assemblée générale des actionnaires. En effet, l'article L. 225-51-1 du Code de commerce N° Lexbase : L2183ATZ dispose que « La direction générale de la société est assumée, sous sa responsabilité, soit par le président du conseil d'administration, soit par une autre personne physique nommée par le conseil d'administration et portant le titre de directeur général ». Il ajoute que « dans les conditions définies par les statuts, le conseil d'administration choisit entre les deux modalités d'exercice de la direction générale visées au premier alinéa (…) ».

Sur ce point, les demandeurs arguaient que « un vote consultatif, ne constituant pas une obligation qui s’imposerait au conseil d’administration, ne peut faire l’objet d’une consultation sérieuse ». Ce à quoi la société TotalEnergies répliquait notamment que « le projet de résolution litigieux [allait] au-delà des limites de compétences de l’assemblée » et que « le projet de résolution « consultatif » [avait] en réalité (…) comme but d’obtenir du conseil d’administration la séparation des pouvoirs entre le président et un directeur général ».

Ce débat n’est évidemment pas sans rappeler celui que posent les résolutions climatiques demandées par des actionnaires de sociétés cotées depuis quelques années, visant à permettre aux investisseurs de se prononcer et donc de voter en assemblée sur la politique environnementale des sociétés dans lesquelles ils investissent. En France, ce say on climate a suscité des débats nourris sur sa validité et sur son opportunité, compte tenu du principe de hiérarchie des organes sociaux (arrêt « Motte », Cass. civ. 4 juin 1946 : « la société anonyme étant une société dont les organes sont hiérarchisés et dans laquelle l’administration est exercée par un conseil élu par l’assemblée générale, il n’appartient pas à l’assemblée générale d’empiéter sur les prérogatives du conseil en matière d’administration »), qui préside à la répartition des pouvoirs entre le conseil et l’assemblée.

À cet égard, le Haut Comité juridique de la Place financière de Paris (HCJP) a rendu un rapport en janvier 2023, cité par l'Autorité des marchés financiers (AMF) dans son rapport 2023 sur le gouvernement d’entreprise, qui concluait notamment que « la possibilité pour les actionnaires de voter en assemblée générale ordinaire sur la stratégie climatique de la société au moyen d'un vote consultatif, comme cela est souhaité par de nombreux investisseurs ou ONG et préconisé notamment par le rapport Perrier (mars 2022) ne heurte aucune règle juridique et en particulier pas le principe de hiérarchie des organes sociaux ».

Dans ce contexte, il est intéressant de relever que le tribunal de commerce de Nanterre vient – certes sur un tout autre sujet que la stratégie climatique de la société – affirmer, dans la droite ligne de l’arrêt Motte, que « même s’il a un caractère "consultatif", non contraignant pour le conseil d’administration, l’examen et le vote par l’assemblée des actionnaires de [ce] projet de résolution empiète d’évidence sur les prérogatives du conseil d’administration », ce qui justifie selon le tribunal le refus du conseil de voir inscrit à l’ordre du jour de l’assemblée le projet de résolution litigieux.

Le tribunal de commerce de Nanterre semble donc adopter une analyse différente de celle du HCJP sur la portée d’une résolution « consultative ».

Se posent alors plusieurs questions : cette différence d’appréciation tient-elle à la portée d’un « vote consultatif » en général, ou bien est-elle simplement liée au contexte – résolution climatique pour l’un, résolution sur le mode d’exercice de la direction générale pour l’autre – ? Quid si des demandes d’inscription de résolutions « à titre consultatif » venaient à être déposées sur d’autres sujets mais relevant tous en principe des prérogatives du conseil ?

En donnant raison au conseil d’administration de TotalEnergies sur le rejet d’un projet de résolution, même consultatif, sur la dissociation de la direction générale et de la présidence du conseil, le tribunal de commerce de Nanterre réaffirme avec force la délimitation du champ des compétences des organes sociaux prévue par le Code de commerce.

Si l’on peut espérer que cette décision fasse jurisprudence auprès des autres juridictions qui auraient à se prononcer sur la même question, il reste cependant difficile à ce jour d’affirmer que cette décision suffise à rassurer les émetteurs et à décourager des investisseurs décidés à peser sur le management et sur les orientations choisies pour la société.

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